FRANCE JUILLET-AOÛT 2022
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LE PHÉNOMÈNE Mix de cultures, de sports et de talents, le coureur de haies SASHA ZHOYA pourrait bien secouer l’athlétisme de demain
Éditorial
VIBREZ AVEC SASHA ZHOYA L’athlétisme français mérite toute votre attention : son futur s’écrit aujourd’hui, avec des talents prometteurs. Comme le coureur de haies Sasha Zhoya, natif d’Australie aux racines auvergnates, mais aussi zimbabwéennes, auquel nous dédions notre couverture. Celui qui a établi le record du monde junior de sa discipline en pliant 110 m et 10 haies en 1272. Cet été, le garçon (20 ans le 25 juin) pourrait bien accéder aux championnats du monde et d’Europe, et « entrer dans le game », comme il le dit. Son parcours est particulier, celui d’un athlète multiple, sportivement comme culturellement, et qui a su exceller dans la course de haies parce qu’il n’a pas passé son temps que sur une piste d’athlétisme. C’est pourquoi on l’a pris en photo dans un milieu urbain, et non dans un stade ; avec un photographe de danse, et non de sport. Sasha nous parle de sa pluralité, de sa dynamique plaisir, et de l’importance de sa vibe. Car vibrer, et faire vibrer la France, l’Europe et le monde, en performant, est son projet. À suivre.
CONTRIBUTEURS NOS ÉQUIPIERS
JIM KRANTZ
Le photographe de Chicago montre l’Amérique : à cheval, dans des bolides terrestres et volants, dans son cinéma et sa musique, et dans les strates culturelles et sociales incroyablement disparates qui constituent les USA. Pour ce numéro, il a suivi les coureurs du Speed Project, une course de relais tellement particulière que ses organisateurs ont longuement hésité avant d’autoriser The Red Bulletin à la documenter. Page 40
Bonne lecture ! Votre Rédaction
« Je pensais que nous allions raconter une histoire de danse, mais une autre a émergé, dit la journaliste native de Singapour et basée à Los Angeles, à propos de son portrait du danseur Outrage. Au final, nous livrons un sujet sur l’expérience unique de Rage et sa passion de donner du pouvoir aux autres. » Elle anime un podcast pour le m édia en ligne Under the Radar et collabore avec la radio publique de Seattle, KEXP. Page 52
Sasha (haies) et Shao (photo) : deux pros du mouvement pour un shooting d’athlète exclusif et peu conventionnel. Page 28
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THE RED BULLETIN
LITTLE SHAO (COUVERTURE)
CELINE TEO-BLOCKEY
52 Krump : suivez le move d’Outrage.
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Mirage : le Speed Project est-il réel ?
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THE RED BULLETIN
CONTENUS juillet-août 2022
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Athlé : la nouvelle vibe Sasha Zhoya.
10 Galerie : votre dose m ensuelle
de folie photographique
16 Pour vraiment changer le
monde, demandez-vous la lune
17 Le F51, l’incroyable temple du
skate en Angleterre
18 Radio Lento : écoutez la nature 19 Un flot de bon son avec les
post-punk de Fontaines DC
20 Henry Glogau ou l’art de distiller
de très bonnes idées
22 L’Afrique à jour de Liz Gomis 24 La vérité animale de Lucy Cooke 26 La rapdemption de Denzel Curry
28 D ans le game
Et si Sasha Zhoya écrivait le futur de l’athlétisme français ?
40 S peed Project
Officiellement, on ne vous a jamais parlé de cette course…
52 O utrage
Comment la légende de la danse krump veut élever les autres
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BMX old school : un régal oculaire.
THE RED BULLETIN
ATIBA JEFFERSON, LITTLE SHAO, JIM KRANTZ, MARK NOBLE
62 Tour de France
On a testé une étape suisse avec le motivé Patrick Seabase
68 B MX Mania
Plein les yeux avec le très stylé BMX anglais des années 80-90
79 Voyage en Grèce : prêt pour une
orgie de grimpe à Kálymnos ? Matos gaming : à vos manivelles 85 Gaming : le frisson Evil Dead 86 Matos running : courir bien n’empêche pas de courir beau 96 Ils et elles font The Red Bulletin 98 Photo finale : Justine voit gros
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RÉGION D’ALMATY, KAZAKHSTAN
Bien tombé Si vous avez l’inspiration, la nature a la toile. Cette séquence du pilote VTT Matvey Cheboksarov au parc national d’Altyn-Emel au Kazakhstan en est la preuve. « Pendant que nous faisions des repérages, nous avons vu des jumps naturels intéressants et nous n’avons pas eu à creuser, explique Sergey Martynov, le photographe. Matvey a suggéré que nous shootions “quelque chose” làbas, et ce quelque chose, c’était un 360 °. » Qui lui vaut une place en demi-finale du concours photo Red Bull Illume. Ce que l’on ne voit pas : « Matvey a dévié de la figure prévue, sans heurts. » redbullillume.com
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SERGEI ALEKSANDROVICH MARTYNOV/RED BULL ILLUME
DAVYDD CHONG
TEAHUPO’O, TAHITI, POLYNÉSIE FRANÇAISE
Rouleau C’est bien un bodyboard au bout de son bras. Et ils sont bien censés flotter. Mais voilà ce qui arrive lorsqu’on n’attrape pas correctement la fameuse vague de Teahupo’o. « Il y a tellement d’eau que le surfeur est entraîné en arrière, explique le photographe Ben Thouard. Il tente d’échapper à la puissance de la vague, sauf qu’il se situe dans une position d’où il est pratiquement impossible de sortir. » Ce qui est possible en revanche, c’est d’atteindre la demi-finale du concours Red Bull Illume avec une telle photo. benthouard.com
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DAVYDD CHONG BEN THOUARD/RED BULL ILLUME, DAN KRAUSS/RED BULL ILLUME
PALMA, MAJORQUE
Amortie Dans le jargon de l’escalade, un dyno (pour dynamic movement) est un saut audacieux dans les airs pour atteindre la prochaine prise. C’est ce que fait le grimpeur américain Daniel Fong, à vue, c’està-dire sans préparation, dans ce cliché du photographe Dan Krauss, finaliste du concours Red Bull Illume. Flippant ? Pas de souci à se faire pour Daniel. Cette discipline est connue sous le nom de solo en eau profonde, ou psicobloc, et sa chute sera amortie par les remous de la mer… 14 mètres plus bas. dankraussphoto.com THE RED BULLETIN
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ROD HILL/RED BULL ILLUME
DAVYDD CHONG
TAUPŌ, NOUVELLE-ZÉLANDE
Last splash Un dernier pour la route. C’est une impulsion qui n’épargne personne, ni le gamin en pleurs qui s’accroche à la balançoire de toutes ses forces ni le joueur au casino qui ne décolle pas de sa machine. Le photographe kiwi Rod Hill avait déjà rangé son matériel lorsque le prodige local du kayak, River Mutton, a cédé à son envie. « Ça a été une course folle pour redescendre la rivière avec mon appareil photo. Je n’avais pas le temps d’aller à mon spot habituel, alors j’ai essayé cet angle. Et la lumière est miraculeusement apparue, comme jamais. » Et a propulsé la photo et son auteur au sommet du podium du Red Bull Illume, catégorie Energy. Instagram : @rod_coffee
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Cette créatrice française s’inspire du cosmos pour améliorer la vie sur notre planète.
« L’histoire se répète », estime Nelly Ben Hayoun-Stépanian en évoquant notre monde en 2022. « Pourquoi n’arrivons-nous pas à imaginer une nouvelle voie ? » L’artiste, cinéaste et créatrice d’expériences, née en France et désormais basée à Londres, s’y efforce de son côté en mobilisant le potentiel de la science et de la technologie pour créer un art qui oblige le public à réfléchir hors des sentiers battus. Les créations expérimentales de Ben Hayoun-Stépanian des dix dernières années comprennent l’International Space Orchestra, un groupe de scientifiques et d’astronautes de la 16
Une Barbie à son effigie fabriquée par Mattel, un ancien client.
THE RED BULLETIN
NINA ZIETMAN
Le futur est dans la lune
NASA jouant de la musique inspirée par l’espace. Le groupe s’est produit en concert aux côtés d’artistes tels que Damon Albarn, Beck et Sigur Rós. En 2011, elle organise et dirige Micronations Revolution, deux nuits de cinéma, de performances et d’ateliers à Londres, où le public est invité à coloniser quatre nouvelles nations utopiques. Six ans plus tard, Ben Hayoun-Stépanian fonde l’Underground University, un enseignement de troisième cycle gratuit se déroulant dans des boîtes de nuit de Londres et d’Amsterdam, et dont le conseil d’administration comprend Noam Chomsky, Pussy Riot et Massive Attack. On comprend mieux pourquoi son studio de design a pour slogan : « Les fabricants de l’impossible. » Le mariage de l’art et de la science est au cœur de la mission de Ben Hayoun-Stépanian, qui consiste à apporter des réponses originales aux plus grandes questions de la planète. Si ces disciplines peuvent sembler disparates,
NICK BALLON, JET
NELLY BEN HAYOUN-STÉPANIAN
elles sont, selon elle, inextricablement liées. La pluralité est la voie à suivre : « J’ai passé ma vie à essayer de faire sauter les systèmes de connaissances empiriques, confie-t-elle. Vous pensez peut-être qu’il n’y a aucun lien profond entre, disons, un calmar et la Lune, pourtant le lien existe bel et bien. Nous compartimentons tout, une façon de penser très coloniale, qui aujourd’hui est dépassée. » La démarche de Ben Hayoun-Stépanian a le vent en poupe. En 2017, le magazine Creative Review l’intègre à sa liste des 50 créatifs vecteurs de changement. Son dernier projet, Tour De Moon, un festival d’arts et de sciences itinérant à travers le Royaume-Uni ayant pour thème le cosmos. L’objectif est de susciter « une imagination radicale et penser un avenir différent ». Ce mélange psychédélique de pièces de théâtre surréalistes et de conférences invitant à la réflexion, où un convoi interactif propose des sets de DJ’s live, est le fruit d’une collaboration entre jeunes de 18 à 25 ans, des professionnels de la nuit et un comité consultatif réunissant Magid Magid, activiste et ancien maire de Sheffield, Damian Bradfield, président de WeTransfer, et Franck Marchis, astronome. « L’association de ces esprits est déjà explosive en soi », souligne-t-elle. La lune est un symbole omniprésent chez l’artiste. « La nuit est propice à une véritable innovation créative. On sort du confort des heures du jour ». Si la Lune symbolise une toile blanche où se projette une vision nouvelle du monde, le travail de la Française reste ancré sur la résolution des problèmes terriens. « L’essentiel est de continuer à diffuser l’idée qu’une autre voie est possible, conclut-elle ; et que chaque individu de cette expérience collective a le pouvoir de changer les choses. » nellyben.com
F51
Temple du skate
MATT ROWE
LOU BOYD
Ce complexe de skatepark unique au monde pourrait servir de modèle pour les centres-villes de demain. Remettre le skatepark au centre du village… Il fut un temps où les sessions de skate dans les centres-villes étaient mal vues. Durant les années 90, les skateurs étaient perçus comme des ados délinquants que l’on exilait volontiers en zone industrielle sur des aires de jeux désaffectées. Cette image a disparu en 2022 : le skateboard est devenu une activité de loisirs reconnue et une discipline olympique. La petite ville balnéaire de Folkestone, dans le Kent (la pointe sud-est de l’Angleterre), accorde désormais une place centrale à ce sport en créant le premier skatepark au monde à plusieurs étages. Construit sur le site d’une salle de bingo désaffectée, censée devenir un parking, Folkestone 51 (F51) est une enceinte à trois niveaux destinée aux s kateurs et aux BMXers, qui inclut, en prime, un mur d’escalade (photo ci-contre) et un ring de boxe de taille olympique. Une association caritative créée par le millionnaire philanthrope du coin, Sir Roger De Haan, est à l’origine du F51 conçu par le cabinet d’architectes Hollaway Studio, en partenariat avec des constructeurs de skateparks. Le projet de Folkestone vise à encourager la régénération des villes qui intègre la jeunesse. « Il s’agit de réinvestir la ville, explique Alex Frost, habitant du quartier et skateur de longue date, chargé du projet The Sports Trust, l’association THE RED BULLETIN
qui gère le F51. En général, les jeunes d’ici quittent Folkestone dès qu’ils le peuvent. En créant de belles opportunités dans leur propre ville, le projet peut les inciter à rester. » Inauguré en avril de cette année, le F51 comprend trois plateaux de 195 m², dont un aménagé pour le street-skate avec des obstacles inspirés du mobilier urbain, et un autre pour le flow, avec des wall rides et des piliers (photo à droite). Un bowl park « flottant » occupe le premier
étage : deux structures en béton suspendues à des piliers, une première mondiale, les rondeurs des bowls sont visibles depuis l’extérieur. « Le park convient à tous les niveaux, explique Alex Frost, du débutant sur la rampe solo à l’étage supérieur jusqu’à l’adepte d’un skate plus engagé dans l’un des grands bowls en béton. » Afin d’inciter les jeunes de Folkestone à la pratique du skateboard, le F51 propose des adhésions mensuelles à 1,20 euro aux élèves des écoles environnantes. « Quand j’étais gamin, le skate inspirait de la crainte aux parents, se souvient Frost. Ils jugeaient les skateurs peu recommandables pour leurs enfants. Pourtant, ces personnes ne m’ont jamais causé de problème – il n’y a rien de plus convivial que notre communauté. Les espaces tels que le F51 changent cette perception et remettent les skateurs au cœur de nos villes du futur. » f51.co.uk 17
Le podcast qui donne accès à la quiétude de la nature et lui permet de s’inviter chez les auditeurs. Une pluie battante, le chant des grillons, le ressac des vagues sur une plage de galets… Ces sons naturels apaisants, Madeleine Sugden et Hugh Hudd les enregistrent à travers l’Angleterre pour leur podcast hebdomadaire, Radio Lento. Basé à l’est de Londres, le couple décrit Radio Lento — qui compte aujourd’hui plus de cent épisodes, ne comprenant aucune voix humaine — comme une collection de cartes postales de paysages en son immersif 3D. « La beauté est 18
Ivres de nature : Hugh Huddy et Madeleine Sugden, le couple de l’est de Londres auteurs du podcast Radio Lento.
THE RED BULLETIN
NINA ZIETMAN
Chant du jardin
partout, dans tous les endroits du quotidien, accessibles à tous. Lors de nos flâneries, je photographie les lieux et Hugh leurs sons. Nous documentons ainsi l’essence d’un lieu. » Huddy enregistre les sons de la nature depuis l’âge de sept ans. Le confinement de mars 2020 pousse Huddy et Sugden à transformer les enregistrements en un podcast. « Nos vies sont emplies de musique et de dialogues, explique Huddy. Nous nous promenons munis d’un filet à papillons audio pour y prendre le merveilleux baume auditif qui flotte sur les lieux paisibles. » Cela peut aller du cri d’une bécasse dans la forêt de Dean au murmure d’un ruisseau au nord du Pays de Galles. L’idée peut sembler simple, pourtant l’enregistrement d’un épisode n’est pas une mince affaire. Aujourd’hui parents de
GETTY IMAGES
RADIO LENTO
deux enfants et ne possédant pas de véhicule pour se déplacer ni transporter leur équipement audio, le duo a vu ses contraintes augmenter. Alors chaque week-end, la famille prend le train pour la campagne londonienne et parcourt de longues distances à pied — près de 1 000 km ces deux dernières années. À l’aide d’une carte, Sugden localise les sites d’enregistrement possibles, loin du trafic routier, des lieux touristiques et des couloirs aériens. Une fois l’équipement installé, ils s’en éloignent de quelques kilomètres et attendent de voir ce que le micro capte. « Le bruit d’une faucheuse, d’une scie circulaire ; d’un coucou ou encore un cerf muntjac… C’est au petit bonheur la chance », poursuit Sugden. Avec plus de 180 000 téléchargements et des auditeurs dans plus de 60 pays, le podcast est un succès. « Les gens y ont trouvé du réconfort lors du confinement, explique Sugden. Ils l’utilisent pour aider leurs enfants à s’endormir, rassurer leurs animaux de compagnie pendant les feux d’artifice, et même pour apaiser les hérissons malades d’une clinique vétérinaire. Pour les expatriés, écouter les bruits de leur pays leur procure du plaisir. » Au début de cette année, la British Library a reconnu les mérites de Radio Lento en ajoutant les enregistrements à ses archives, au profit des générations futures. Et à la demande générale, Huddy et Sugden proposent un podcast de 24 heures en flux continu. « Récemment, j’ai écouté mon épisode préféré, Rain garden after dark (trad. nuit de pluie dans le jardin), confie Huddy. Cela a éveillé des souvenirs d’enfance où je suis assis dans une tente, une expérience thérapeutique. Pouvoir partager ce sentiment via un podcast prend d’un coup tout son sens. » Téléchargez Radio Lento sur votre appli podcast favorite.
FONTAINES DC
Sens de l’humeur Carlos O’Connell, guitariste du groupe irlandais, partage sa liste de titres majeurs. À sa sortie en avril, le 3e album des Fontaines DC, Skinty Fia, a été salué comme le plus furieux du genre à ce jour. Malgré les succès de Dogrel (2019) et de A Hero’s Death (2020), nominé aux Grammy Awards, le quintette post-punk irlandais avait encore de quoi broyer du noir. Mécontents de la gestion de la crise Covid par leur gouvernement, et désillusionnés par les scandales de l’église catholique, ils ont déménagé à Londres pour constater que les choses n’allaient guère mieux là-bas. Mais tout n’est pas que sombre pour les Fontaines DC. Carlos O’Connell (pull jaune) cite ici quatre titres qui leur remontent le moral...
FILMAWI
MARCEL ANDERS
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The Smashing Pumpkins
Wunderhorse
Kendrick Lamar
Blur
Today (1993)
Teal (2021)
Humble (2017)
Out of Time (2003)
« Au début de l’adolescence, j’étais à fond dans le grunge, juste pour le son. C’était avant de découvrir les Smashing Pumpkins. Ils possèdent une sensibilité très personnelle, à la fois douce et vicieuse. Je ne connais aucun autre groupe qui réalise un tel écart. C’est l’une des plus belles chansons que j’aie jamais entendues ; j’adore les guitares qu’elle contient. »
« Ce qui me plaît chez Wunderhorse, alias Jacob Slater, ex-membre des Dead Pretties, c’est qu’il écrit à nouveau des chansons. Les groupes qui ont émergé ces dernières années ne prêtent que peu d’attention au texte, à la mélodie, à l’harmonie. Cela m’a manqué. J’en ai marre de la formule de base : musique + mots parlés = chanson. »
« Mon troisième choix est différent. Je trouve que Humble, le single du rappeur américain ayant remporté trois Grammies, extrait de son album multiplatine Damn, est une chanson parfaitement exécutée. Elle est forte, elle appelle à braver toutes ses peurs, et elle est très dynamique avec ses lignes de groove. Je ne peux pas m’en lasser, pour être honnête. »
« Le chanteur de Blur, Damon Albarn, est l’un des plus incroyables auteurs- compositeurs vivants. Ce que j’aime dans ce titre, c’est le solo de guitare aux sonorités orientales. C’est peut-être un sitar d’ailleurs… Je trouve l’interaction entre le rock des années 90 et la musicalité orientale absolument magnifique. »
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SOLAR DESALINATION SKYLIGHT
Une brillante idée
Lumineux : Henry Glogau, créateur de la Solar Desalination Skylight.
litre d’eau purifiée toutes les douze heures. Les déchets saumâtres accumulés dans douze batteries de sel chargées en journée par un mini panneau solaire fournissent assez d’énergie – 9,53 volts par jour – pour alimenter une bande lumineuse LED la nuit. « Nous devons trouver des solutions adaptées aux écosystèmes difficiles, plutôt que d’y résister, défend le jeune homme en référence à son invention. Nombre d’idées de génie ont vu le jour il y a des centaines d’années. Alors, pourquoi réinventer la roue ? » L’inventeur travaille désormais à une version améliorée de son prototype. Il forme
aussi les habitants de Nueva Esperanza à fabriquer euxmêmes le dispositif. Son kit et ses ateliers leur permettent de créer une lucarne de désalinisation solaire à partir de bouteilles et des canettes recyclées, des couteaux et du ruban adhésif disponibles sur place. « L’objectif est de créer un produit fini, mais aussi des versions hybrides que l’on peut fabriquer à l’aide d’un manuel, et grâce aux ressources locales. Le design reste à l’appréciation de chacun. Rendre cette idée accessible au plus grand nombre est ce qui me tient à cœur. » henryglogau.com THE RED BULLETIN
LOU BOYD
Un design innovant ne rime pas forcément avec hi-tech. Fabriqué à partir de bouteilles, canettes et scotch, ce dispositif produit des ressources vitales.
HENRY GLOGAU
Henry Glogau a toujours voulu mettre ses compétences au service de la planète. En 2018, son diplôme d’architecture en poche, le Néo-Zélandais ne se résigne pas à prendre un premier emploi dans son pays, et opte pour un projet plus audacieux. Le jeune designer s’installe au Danemark, rejoint l’Académie royale danoise des beaux-arts et se consacre à l’architecture en milieux extrêmes. « Confortablement installés chez eux ou dans leur cabinet, les architectes et designeurs conçoivent parfois des projets sans vraiment connaître l’environnement et les conditions de vie des personnes auxquelles ils s’adressent », explique le jeune homme de 26 ans. Les études de Glogau l’ont mené jusqu’au fin fond de l’Alaska (USA), mais c’est un voyage au Chili qui va lui offrir l’occasion de mettre son éthique originale à l’épreuve, auprès de la communauté côtière de Nueva Esperanza, à Mejillones, dans le Nord du pays. Les prix de l’eau douce y étant les plus élevés d’Amérique latine, Glogau se concentre sur les ressources disponibles gratuitement et en quantité illimitée : le soleil et l’eau de mer. Alerté sur les besoins de la communauté locale, il conçoit et crée le Solar Desalination Skylight, un système techniquement simple qui transforme l’eau de mer en eau potable. La saumure résiduelle produit l’énergie qui alimente la source de lumière intégrée. « Ces camps informels à Mejillones n’ont pas accès aux ressources essentielles telles que l’eau, l’électricité et l’assainissement, explique Henry Glogau. L’idée initiale (à savoir, un puits de lumière, ndlr) est donc née du défi que ces conditions extrêmes imposent. » L’invention de Glogau utilise une méthode simple de dessalement produisant jusqu’à un
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Liz Gomis
Nouveau regard La journaliste Liz Gomiz rend à l’Afrique ses lettres de noblesse en prenant le contre-pied de clichés encore trop véhiculés par les médias à l’égard de ce continent hyper créatif. Texte MARIE-MAXIME DRICOT
Photo LIZ GOMIS
La fondatrice de la revue Off To, Liz Gomis, 41 ans, d’origine bissau- guinéenne, nous raconte les enjeux de sa revue bi-annuelle : dépeindre les subtilités du continent africain sans le filtre occidental, en partant à la découverte des grandes villes que sont Accra, Kinshasa, et tant d’autres, via un prisme qui se veut objectif. the red bulletin : Quand êtesvous allée en Afrique pour la première fois ? liz gomis : J’avais 21 ans, c’était avec l’école. Et la première fois que je suis allée dans le village de mon père, j’avais 25 ans. C’était au moment de son décès. Quelque chose dans mon cerveau a shifté (bougé, ndlr). J’ai réalisé que je ne savais même pas d’où je venais, que je ne comprenais pas les enjeux du continent car j’en avais une vision occidentale. Par conséquent, mon regard était biaisé. Je n’avais jamais vu ce continent à travers le prisme de l’objectivité. Est-ce la raison pour laquelle vous avez créé cette revue, Off To ? J’y pensais depuis pas mal d’années déjà. Je me suis dit que c’était le bon moment pour lancer un produit culturel qui resterait dans le temps. Les news vont tellement vite sur les réseaux sociaux que le temps de publier, le lendemain c’est presque obsolète. J’avais envie de créer une sorte d’archive. Mon sujet premier, c’était sûr, allait être à destination de l’Afrique. Comment définiriez-vous Off To en quelques mots ? C’est le magazine que j’aurais aimé lire quand j’avais 25 ans, écrit de la manière dont j’aurais aimé qu’on
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me parle de l’Afrique. C’est pour cela que mes collaborateurs et collaboratrices sont plus jeunes que moi, la moyenne d’âge est de 28 ans. J’ai besoin d’avoir un regard neuf sur celles et ceux qui font la ville, se posent les bonnes questions et sont né(e)s bien après la colonisation. Vous magnifiez l’Afrique et tous les gens qui peuplent ce continent. À qui avez-vous fait appel pour ce projet ? J’ai sollicité des gens en qui j’ai une confiance aveugle et il s’avère que ce sont quatre femmes : Saran Koly (journaliste, ndlr), Ndeye Diarra Diobaye (journaliste, ndlr), Sofia Doudine (graphiste, ndlr), Leïla De Casimacker (chargée de projet, ndlr). J’avais besoin de leur cerveau pour penser le concept convenablement. J’ai aussi contacté ma pote Sandy Alibo de Surf Ghana (collectif de skate et surf, ndlr), qui a activé son réseau. Chaque numéro est consacré à une ville. Au fil des pages, on découvre des portraits, on flâne dans des quartiers… Vous avez commencé avec Accra, la capitale du Ghana, puis Kinshasa, celle de la RDC. Comment choisissez-vous les villes que vous avez envie de mettre en valeur ? Coup de cœur ! J’étais à Paris, j’avais envie d’aller à Accra mais pas de possibilité de bouger à ce moment-là. Cette ville, je l’aime particulièrement. Depuis 2016, j’y suis quasiment une fois par an. J’ai des amis là-bas, des repères, et en termes de mouvement culturel, elle me convient. Il s’agit d’une ville dans un pays anglophone entouré de pays francophones. Elle possède donc cette “west african flavour” que j’aime beaucoup, et le dynamisme des pays anglophones que je peux retrouver à Nairobi au
Kenya, ou à Kampala en Ouganda. Et aussi, il fallait que je choisisse une ville qui parle un peu à tout le monde. Quelle est, selon vous, la particularité du Ghana ? Depuis 2019, le président, Nana Akufo-Addo, a mis en place une des meilleures opérations marketing qui puissent exister avec Year of the Return (campagne visant à faire venir des étrangers, notamment de la diaspora noire pour échanger savoir et capitaux afin de faire du pays une destination incontournable, ndlr), ce qui a permis de mettre la lumière sur Accra. De nombreuses personnalités s’y sont rendues : Naomi Campbell, la mère de Beyoncé, et Chance The Rapper. Il fallait une ville qui donne envie de dépasser les clichés sur l’Afrique : pandémies, dictateurs, etc. Culturellement, il y a un immense potentiel. Et Kinshasa ? Après un pays anglophone, je me suis dit : « Va explorer ce continent dans toute sa diversité linguistique, va du côté francophone ou lusophone. » Vous créez un dialogue entre la France (Paris), où vous résidez, et les pays d’Afrique où se trouvent vos invités. Dans l’édito, vous parlez d’une conversation autour de « nos futurs ». Qui est ce « nous » à qui s’adresse le magazine ? Je l’ai pensé en visant d’abord les gens de la diaspora. Quand je dis « nous », c’est la diaspora, nous, Africains d’Afrique. Bien sûr, j’invite le reste du monde à participer à cette conversation, mais pour une fois, je demande à ceux qui sont nés dans le « Nord global » de faire un pas de côté et de laisser ces jeunes s’exprimer sur leurs villes, leurs vies et leurs futurs. Une position où on laisse les vrai(e)s expert(e)s parler au lieu d’envoyer trois correspondants franco-français là-bas, sans aucune connaissance.
offtomag.com L’interview intégrale dans le podcast Aujourd’hui Demain en scannant le QR code.
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« Off To, c’est le magazine que j’aurais aimé lire quand j’avais 25 ans. » THE RED BULLETIN
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Lucy Cooke
Rencontrez la zoologiste qui réécrit le livre sur le comportement animal et expose comment la biologie patriarcale a sous-estimé la femelle de chaque espèce. Texte LOU BOYD
Lucy Cooke s’est donné pour mission de démystifier nos récits dépassés sur le sexe et le genre dans le règne animal. Zoologiste, spécialiste de la faune sauvage, productrice de télévision primée, présentatrice et auteure, Lucy Cooke a passé le début de sa vie d’adulte à étudier les théories de Charles Darwin, à suivre les cours de Richard Dawkins et à être obsédée par le travail de David Attenborough. Mais une fois sur le terrain, elle a fait une constatation choquante : la majeure partie de ce que ces grands noms de l’histoire naturelle avaient écrit sur le comportement des femmes était faux. Dans son nouveau livre, Bitch, elle démonte les préjugés scientifiques axés sur les hommes, et explique le véritable comportement des animaux femelles, découvrant que – du cannibalisme post-copulation chez les araignées au matricide chez les suricates – elles ne sont pas aussi douces, dociles et maternelles qu’on nous l’a appris. « Être une femme n’a jamais été aussi scruté ou politisé qu’à notre époque, déclare Cooke. J’ai pensé que c’était un moment intéressant pour voir ce que le règne animal avait à nous dire. » the red bulletin : Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire sur les rôles sexuels binaires ? lucy cooke : À Oxford, j’ai étudié la biologie de l’évolution, et j’étais particulièrement intéressée par la théorie de la sélection sexuelle de Darwin pour expliquer le comportement d’accouplement, et par la raison pour laquelle il considérait les
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sexes comme si différents. La sélection sexuelle explique les choses les plus folles dans le monde animal : la queue du paon, le nez proéminent du Nasique, les bois d’un cerf. J’étais fascinée, mais j’ai aussi trouvé cela déprimant parce qu’il dépeint les mâles comme des êtres aux mœurs légères, agressifs, et les moteurs de l’évolution ; et les femelles comme des actrices secondaires. Cette idée que nous sommes censées être passives, monogames, et soumises ne me parlait pas du tout. Ce livre remet en question les idées reçues sur l’accouplement, la monogamie, etc. Il était important de montrer qu’il est naturel pour les animaux femelles d’être aussi agressives et sexualisées que les mâles. J’étais récemment au Costa Rica à la poursuite de capucins, une espèce où les mâles sont dominants. Nous savons maintenant que lorsque les femelles sont en chaleur, elles font des « gargouillis alpha », une danse sexuelle en bavant, pour attirer l’attention des mâles. Les femelles sont tout sauf subtiles. Qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans vos recherches sur Bitch ? Elle a remis en question mes préjugés. Les hommes et les femmes se ressemblent plus qu’ils ne diffèrent – nous sommes faits des mêmes gènes, des mêmes hormones et des mêmes cerveaux. Les scientifiques ont passé cinquante ans à chercher des différences significatives entre les cerveaux masculins et féminins et ils ne les ont pas trouvées. Croire que nous sommes différents, c’est la racine de toute inégalité.
Vous parlez du sexe comme d’un spectre... On peut définir le sexe biologique en fonction de la production d’ovules ou de sperme, mais la manifestation du sexe est très compliquée. Comment définir une femme ? On pourrait penser par les chromosomes, mais ce n’est pas si simple. Les dragons barbus en Australie ont une détermination génétique du sexe, mais celle-ci est annulée par une détermination environnementale du sexe. De nombreux animaux changent de sexe. Prenez le poisson- clown. Dans le film Le monde de Nemo, c’est un petit poisson mâle qui perd sa mère et part à l’aventure avant de retrouver son père. Dans la vie réelle, si sa mère était mangée, son père se transformerait en femelle et commencerait à avoir des relations sexuelles avec lui. Une histoire moins adaptée à Disney, peut-être.
Instagram : @luckycooke
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LUCY COOKE
La vérité animale
Réévaluer ce que nous savons des animaux peut contredire nos croyances sur le sexe humain ? De nombreux anthropologues affirment, en se basant sur les chimpanzés, que nous sommes une espèce fondamentalement guerrière, destinée à être dominée par les hommes. Mais nous avons récemment découvert que nous partageons autant d’ADN avec les bonobos qu’avec les chimpanzés. Ils pourraient tout aussi bien être un modèle pour l’ascendance humaine, et les bonobos sont pacifiques et matriarcaux. Les femelles forment une sororité, ce qui signifie que les mâles ne peuvent pas les dominer. Il est intéressant de noter que les femelles se lient entre elles sexuellement : elles ont renversé le patriarcat par des pratiques extatiques entre personnes du même sexe. Elles ont même évolué de sorte que le clitoris est mieux placé pour prendre du plaisir lors d’une activité sexuelle entre personnes du même sexe qu’avec le sexe opposé. Il y a là une leçon sur le fait que le patriarcat n’est pas gravé dans notre ADN… Ce n’est pas nécessairement notre destin !
“Growing up, galleries didn’t feel like spaces for me”
« Hommes et femmes se ressemblent plus qu’ils ne diffèrent. » THE RED BULLETIN
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Denzel Curry
Dire l’indicible Le célèbre rappeur américain explique comment le fait de travailler sur sa santé mentale l’a aidé à réaliser son album le plus ouvert à ce jour. Texte WILL LAVIN
Photo ADRIAN VILLAGOMEZ
Après plus de dix ans de scène, Denzel Curry est prêt pour son moment. Rêvant depuis longtemps de devenir poète, le rappeur de Floride a commencé à écrire des rimes au collège et a sorti sa première mixtape à 16 ans. Une série d’albums et de singles acclamés plus tard, dont son titre phare Ultimate, d’inspiration punk, en 2015, le musicien de 27 ans a acquis la réputation d’être l’un des plus talentueux paroliers de l’underground hip-hop et compte de nombreux fans de premier plan, de Thundercat à Billie Eilish. Si Curry est prêt à passer à l’étape suivante, c’est autant en raison du travail qu’il a effectué sur sa santé mentale que de ses succès dans l’industrie. Par le passé, le rappeur a eu du mal à transmettre dans sa musique le traumatisme et les tourments qui l’ont poursuivi tout sa vie, liés aux abus sexuels dont il a été victime dans son enfance. Avec son dernier album, Melt My Eyez See Your Future, il admet avoir appris à se livrer. « Il m’a fallu des mois avant de pouvoir le faire écouter à mes amis, car c’était trop concret. » Curry nous raconte comment ce travail introspectif lui a ouvert la porte de son avenir musical... the red bulletin : Qu’est-ce qui vous a poussé, sur ce nouvel album, à vous ouvrir de la sorte ? denzel curry : J’ai longtemps caché mon traumatisme dans la musique que je faisais. Mais les gens ont cette perception de vous, style : « Oh, mec, tu n’es pas prêt à assumer ce que tu as sur les bras. » Et donc je voulais faire le dur avec tout. Je sais qui je suis, je n’ai pas besoin qu’on me le dise. C’est ce
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qui m’a poussé à écrire tout ça. J’avais des remords que je devais exprimer d’une manière ou d’une autre. Quand avez-vous su que les choses devaient changer ? J’étais au studio. Je balançais un tas de trucs super suicidaires et puis j’ai eu une prise de conscience, genre « Qu’est-ce que je raconte ? » Chez moi, j’ai craqué devant ma copine en lui racontant tout ce que j’avais vécu. Des larmes coulaient sur son visage. Je pleurais et tout. C’était plutôt gros. C’est grâce à ma copine que j’ai trouver un thérapeute. En quoi cette thérapie vous a-t-elle aidé ? Elle m’a poussé à m’ouvrir à beaucoup de choses, parce que vous creusez et déterrez des choses assez profondément enracinées. Toutes mes actions antérieures étaient basées sur quelque chose qui m’est arrivé dans ma vie. Je suis façonné par les traumatismes. Aujourd’hui, à 27 ans, je me forme en les surmontant. Mon thérapeute m’a dit : « Nous ne cherchons pas à ce que vous soyez parfait ; nous cherchons à ce que vous progressiez en tant qu’être humain. » La thérapie et la santé mentale sont souvent stigmatisées. Cela vous a-t-il freiné pour chercher de l’aide ? Absolument. Si tu dis à tes potes que tu vas en thérapie, ils te disent : « Pourquoi ? Tu es fou ? N’y va pas. Parle-nous plutôt. » Mais tu ne peux pas leur dire la moitié des merdes que tu as traversées, parce qu’ils ne comprendraient pas. J’ai besoin de quelqu’un d’extérieur, de complètement impartial.
Thundercat, qui figure sur votre nouvel album, a récemment raconté dans un entretien pour The Red Bulletin comment la boxe thaï l’a aidé à surmonter ses propres traumatismes. Vous êtes aussi un fervent combattant de Muay Thai… On s’est vus tous les jours, lui et moi, pendant le confinement. Nous avons regardé beaucoup de combats ensemble, et je lui ai montré mes vidéos de sparring et certaines techniques de bras qu’il pouvait utiliser pour étirer ses jambes et tout le reste, et il m’a montré des techniques de boxe. On s’est beaucoup rapprochés grâce à ça. Il est l’une des raisons pour lesquelles je continue à être moi-même, parce qu’il s’en fout. Il dit : « Bro, je vais porter ça. Je vais me vernir les ongles. Je vais me faire tatouer un truc de Cowboy Bebop (une série animée japonaise, ndlr), et je vais porter ces oreilles de chat. » Il sait ce qu’il aime. Et ça m’a aidé à exprimer ce que j’aime et comment le transmettre. Vous êtes le rappeur préféré de Billie Eilish. Qu’est-ce que cela vous a fait d’apprendre que l’une des plus grandes pop stars du monde était fan de vous ? C’était vraiment génial ! Mais je ne la vois pas comme une énorme pop star. Tout le monde autour de moi la voit comme la plus grande pop star au monde. Pour moi, c’est ma pote. Je la connais depuis qu’elle est jeune. Donc je ne la vois pas comme ça, sauf peut-être quand on était en tournée ensemble. C’était époustouflant de voir ces arénas remplies. Participer à cette tournée avec elle m’a ouvert les yeux sur la possibilité de faire des concerts dans des arénas à mon tour. Cela vous a donc donné une nouvelle confiance en vous ? Je voulais pouvoir jouer dans ce genre de salles géantes, alors je fais ce qu’il faut pour. Ça va arriver un jour. La prochaine fois que vous viendrez m’interviewer, ce sera dans une aréna quelque part.
L’album Melt My Eyez See Your Future est disponible ; denzelcurry.com
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« J’ai caché mon traumatisme dans la musique que je faisais. »
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DANS LE
GAME
Texte PH CAMY Photos LITTLE SHAO
Une équipe à lui tout seul, SASHA ZHOYA est, à 20 ans, un profil unique dans le monde du sport. Mais péter les records n’est pas sa seule priorité. Apporter sa vibe à l’athlétisme et ne pas s’arrêter de danser (et de prendre du plaisir) est aussi important que les haies à franchir pour dominer la concurrence.
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Sasha Zhoya
I
maginez une équipe de France dont l’un des membres serait né en Australie ; un autre serait de père zimbabwéen et la mère du garçon suivant serait française ; un gars ferait du surf, de la pêche à l’occasion ; un autre du hockey sur glace ; on y trouverait même un acharné de la danse classique ; vous pourriez aussi y trouver un expert en kung-fu ; un profil sortirait d’une école d’art ; et vous pourriez compter sur ce tueur à la perche (qui, à 16 ans, sauterait plus haut que celui devenu le plus haut sauteur de tous les temps, Armand Duplantis, au même âge) ; sans oublier le champion du monde, d’Europe et détenteur du record du monde junior du 110 m haies ; plus ce membre de l’équipe très stylé, vraiment au point côté look… Tous ces talents ne seraient pas les membres d’une équipe d’athlètes composée de plusieurs individus. Il s’agirait en fait d’un seul homme. Un mélange de talents, de sports et de cultures. Cet homme existe ! Il est né et a grandi en Australie, mais a décidé de concourir pour la France. Avec Sasha Zhoya, coureur de haies du genre modèle unique, la pluralité devient une force.
Le RER A (modèle MI 09) mesure 112 mètres de long. Sasha Zhoya est l’actuel meilleur coureur de 110 mètres haies junior au monde. À 2 mètres près, on tenait un truc facile pour entamer notre histoire. Mais on a tout de même tenu à facilement grimper dans cette ligne du Réseau Express Régional en direction de Marne-la-Vallée pour aller à la rencontre d’un athlète que beaucoup évoquent comme le futur de l’athlétisme français. Celui qui excite spécialistes et médias après qu’il s’est installé sur le toit du monde et de l’Europe dans sa discipline, écrasant nettement la concurrence locale et internationale de sa génération. On en oublierait de sauter du RER, à Fontenay- sous-Bois. Ensuite, marcher vers le lac des Minimes de Vincennes, le longer une dizaine de minutes... et hop, nous voilà devant les grilles du temple du sport en France : l’INSEP. L’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance, vivier de champions, là où l’élite sportive de la nation prend forme, s’améliore, se prépare pour les plus grandes échéances nationales et mondiales en compétition. Un creuset 30
d’origines, de disciplines, de personnalités et de palmarès. Pour tous et toutes ici, un but : devenir le ou la meilleur(e) de la planète dans son sport.
Du sport !
Le champion que nous y rencontrer en cette fin d’après-midi de mai a pratiqué (presque) autant de sports que tous les athlètes séjournant ici. C’est à 14 260 km environ de là, à Perth, proche de sa commune natale (Subiaco), sur la côte ouest de l’Australie, que Sasha Zhoya est devenu une équipe à lui tout seul, un phénomène sportif, voire plus : une exception culturelle. Au bord de l’eau, dans une ville « étalée » (des maisons plutôt que les habitats superposés de l’INSEP). Très jeune (à 2 ans peut-être, il ne sait plus vraiment), Sasha a un gros besoin : bouger. Il évoquera une hyperactivité, mais ne semble pas vraiment convaincu du terme. Il sait juste qu’il a très tôt eu besoin de remuer. Le système scolaire australien était donc parfaitement adapté à son tempérament : cours le matin et en début d’aprèsmidi. Et ensuite ? DU SPORT ! Tous les jours, et encore plus pour qui souhaite en THE RED BULLETIN
Sasha Zhoya est une équipe à lui tout seul, un phénomène sportif.
Iconique : Gary Hunt en studio le 25 mars 2022 pour un photo shooting exclusif avec The Red Bulletin.
En marches : Sasha Zhoya prend son envol lors de notre shooting photo avec Little Shao dans le quartier des Olympiades, à Paris.
« Dans un sport individuel, je ne dépends pas de la performance des autres. »
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faire hors de l’école. « Le surf rescue, le tennis, le hockey sur glace, l’équitation… » La liste des sports que Zhoya a pratiqués (pas « vite fait », au moins deux ans, avec entraînements et coaching) semble aussi interminable que l’ovale d’athlétisme duquel nous nous approchons pour venir à sa rencontre. L’école lui a permis d’en goûter, beaucoup ; sa sœur aînée, Munashe, l’a toujours motivé à essayer les sports qu’elle pratiquait elle-même ; et sa mère, Catherine, lui a toujours donné le droit d’en essayer. Dans l’enceinte de ce stade, un petit groupe d’athlètes s’envoie une séance de sauts en longueur, motivés par une autre
enceinte (Bluetooth), qui envoie du rap US, costaud – et par l’œil bienveillant d’un coach, d’un certain âge. Torse nu et assis au bord du bac à sable, Sasha Zhoya capte rapidement notre présence, quitte son groupe pour nous rejoindre. Solide. Posture d’athlète. Le sourire franc. Dispo. « On se met là ? » Un gradin tout proche. Pas de souci. Les fesses sur un banc en bois, le reste du corps de part et d’autre, Sasha n’est pas vraiment assis, ni vraiment allongé, mais semble parfaitement à l’aise et détendu. Durant notre entretien, il se lèvera deux fois pour balancer ses jambes, sacrément musclées, d’avant en arrière. THE RED BULLETIN
Sasha Zhoya
De Perth à Clermont
La conversation avance, mais le training de ses copains aux alentours ne cesse pas. Sur et autour de la piste d’athlétisme n’évoluent que des sportifs, dans ce qu’est leur quotidien à l’INSEP : l’entraînement, l’amélioration de leur performance… « Lui, c’est Erwan Konaté, le champion du monde junior de saut en longueur, explique Sasha. Elle, c’est Emma Brentel, la vice-championne d’Europe U20 en saut à la perche. La plupart des gens que tu vois ici seront présents aux prochains JO. » Inutile de demander à notre hurdler (sauteur de haies en anglais) s’il a 2024 pour objectif. THE RED BULLETIN
Emma se fraie un chemin dans les gradins pour y déposer sa perche, et Sasha évoque son parcours jusqu’à ce gradin, depuis l’Australie. Sa famille maternelle étant française, de Clermont-Ferrand, il se rend régulièrement dans cette région pour des vacances. Il devient même licencié du club Clermont Auvergne Athlétisme en 2017, structure à laquelle il reste affilié aujourd’hui. En 2019, il lui faut faire un move plus concret et nécessaire dans l’Hexagone : « En Australie, tu peux atteindre le haut niveau et bénéficier d’un soutien et d’infrastructures dans trois sports : le hockey sur gazon, le football australien et le rugby… Pour le reste, c’est limité. » Sasha connaît déjà bien la France, de part sa mère et suite à ses nombreux séjours ici. Son père quant à lui, est un Zimbabwéen. Il avoue ne pas savoir où ses parents se sont rencontrés. Zimbabwe ? Australie ? France ? Il ne sait sincèrement pas. Mais il est sûr que la musique les a réunis, sa mère en est passionnée (et très sportive), son père, musicien, en a fait son métier (il est actuellement professeur de musique en Afrique du Sud). Sasha ne pouvait pas rester insensible à l’art. « À 12 ans, j’ai commencé les arts de la scène. Théâtre, comédie musicale, danse, j’ai fait cinq ans de danse contemporaine et de classique, puis que du ballet. » Un athlète multisports, qui fait du ballet, avec trois nationalités : de mémoire d’Auvergnat, on n’avait jamais vu ça ! Toujours licencié en Auvergne, Sasha intègre l’INSEP, après un premier essai peu engageant de quelques jours. « J’avais détesté », raconte Sasha, qui s’adapte finalement à ce lieu unique au monde où il sait que son évolution sportive pourra s’accélérer – et où il s’installe définitivement en décembre 2019. Avec un panel de sports plus réduit qu’en Australie (sprint, perche et haies) et sous la supervision de deux coaches, Ladji Doucouré en saut de haies (champion du monde du 110 m haies et du relais 4 × 100 m en 2005) et Dimitri Demonière pour le sprint. Leur but commun : que Sasha Zhoya atteigne le plus haut niveau. C’est également fin 2019 que Sacha doit faire un choix pour passer en senior : déclarer la nation pour laquelle il courra. Australie, Zimbabwe ou France. Décision cruciale, prise après avoir envisagé les trois haies fondamentales dans son axe pour se décider : 1. l’évolution de sa carrière et de sa performance ; 2. son histoire personnelle ; 3. la réalité de l’athlétisme dans le pays choisi. « La France
« Je tiens à bien le certifier : je suis un mix ! » s’est imposée, dit Sasha », qui ne pouvait trouver aucun équivalent à l’INSEP en Australie, et bénéficiait déjà d’une vraie relation avec la France du fait de ses attaches familiales ici. Enfin, en évoluant en France, Sasha pouvait plus facilement se déployer sur les rendez-vous majeurs d’athlétisme en Europe que s’il devait systématiquement venir d’Australie. » Cet été, s’il atteint des minimas (1332 secondes) et s’installe dans le top 3 français du 110 m haies (avec une échéance ultime qui pourrait être les championnats de France le 25 juin), Sasha Zhoya pourra participer aux Championnats du Monde (Oregon, USA) et d’Europe (Munich, Allemagne) d’athlétisme, en tant que senior. Le meilleur coureur du 110 m haies junior au monde et en Europe y sera très attendu. De l’autre côté, dans cette élite suprême. Il y sera assurément un profil unique, jamais vu à date. « Je tiens à bien le certifier, nous dit Sasha : je suis un mix. Je suis né de mère française et de père zimbabwéen, et je suis né et j’ai grandi en Australie. » Fort d’un background sportif copieux construit en Australie, en France et à l’INSEP, Sasha évolue avec des gens qui lui ressemblent. Il se voit en d’autres. Une autre bonne raison de s’installer ici.
Mieux en solo
Sur une piste d’athlé, le mix Zhoya devient explosif. Ces dernières années, il a montré des progressions saisissantes en athlétisme, pétant les scores en perche et haies (voir encadré palmarès page 39), et de son expérience dans divers sports collectifs, il a retenu une chose : c’est dans une discipline individuelle qu’il s’épanouit le mieux. « Dans un sport individuel, je suis le seul responsable : je fais bien, c’est moi. Je fais mal, c’est moi. Je ne dépends pas de la performance des autres. » Et c’est fort d’un énorme background sportif, d’une diversité de disciplines qu’il est arrivé à cette conclusion. « Je n’ai jamais kiffé ne faire qu’une seule chose », revendique Sasha. Aujourd’hui, c’est pourtant sur le 110 m haies qu’il se concentre. Car ce format le challenge. « Ce que j’aime dans la course de haies, 33
Sasha Zhoya
« Le ballet, c’est dur, très dur. Plus difficile que de faire du sprint. »
c’est l’aspect technique. Je dois m’appliquer en permanence. » Pour performer, 99 % des spécialistes des haies sur la planète, ne se servent pas de la danse classique. Alors qu’il vivait en Australie, juste avant de bouger en France, et était un étudiant du John Curtin College of the Arts de Perth, une école d’arts, Sasha dansait le ballet cinq fois par semaine. En s’installant à l’INSEP, ce rythme s’est réduit à zéro séances. Et ses coaches ont constaté que sa performance s’en ressentait. « En déménageant en France, j’ai dû killer pas mal de mes activités, comme les sports aquatiques, le surf. Par contre, je n’ai pas pu renoncer au ballet, car c’est trop bénéfique à ma performance en haies. Mes entraîneurs s’en sont rendu compte,
et m’ont inscrit dans une école de danse à Saint-Mandé, une ville proche de l’INSEP. » La course de haies, c’est une musicalité, un rythme, cadencé par dix obstacles, et les foulées nécessaires entre chaque. Pratiquant la danse de longue date, Sasha Zhoya fusionne à merveille avec cette spécialité. Pour lui, le ballet est une discipline bien plus exigeante que toutes celles auxquelles il a pu s’essayer durant sa jeune existence. Il sourit : « C’est dur, très dur, plus dur que faire du sprint. La danse sollicite des muscles non sollicités habituellement. Le ballet est une performance, il m’apporte de la souplesse et de l’agilité, ce qui est important pour moi qui ne suis pas un hurdler très grand. » 1,82 m ou 84, selon les sources – dont lui-même, qui ne souhaite pas trancher, et s’en amuse. Son background sportif pluriel, ses skills en danse, son caractère déterminé, probablement hérité de son histoire culturelle hyper stimulante, ont fait de lui un profil rare qui a trouvé son point de focus actuel dans les haies, discipline dans laquelle il a imposé sa domination. Mais le boss mondial chez les juniors doit désormais s’installer en catégorie seniors avec des obstacles plus hauts : de 0,99 m, les haies montent désormais à 1,06 m – et croyez-nous, pour nous être positionné en face d’une des haies de son stade d’entraînement : c’est vraiment haut ! Sasha se souvient la première fois où il a essayé de passer des telles haies, lors d’un layover à l’INSEP entre les Mondiaux d’athlétisme juniors de Nairobi (Kenya) et un séjour en Australie en 2021. Une « catastrophe », selon ses propres mots. Il tombe, se ramasse, se fait mal. Mais en tire du positif, fidèle à une philosophie : « La discipline, c’est de toujours trouver du plaisir dans ce que tu fais, même si ça ne te plaît pas. » Se faire mal en testant des haies à 106 cm, ça n’était finalement que le début de son évolution vers les sommets de son sport, plutôt une belle perspective pour un si jeune homme. Mais 7cm de plus, c’est un vrai challenge. « Surtout sur les deux dernières haies, précise Sasha. Il faut vraiment tirer fort. »
Même quand il marche
Sur une piste d’athlé, et n’importe où ailleurs, Sasha Zhoya est « toujours à l’entraînement », il réfléchit en permanence aux ajustements à apporter à ses mouvements, pour exceller encore 34
THE RED BULLETIN
STYLISME: VANTVAART, KIRTIMUKHA, MAISON KITSUNÉ, ADIDAS/Y-3
« Je m’entraîne tout le temps : quand je marche, je réfléchis à mes améliorations. » THE RED BULLETIN
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Sasha Zhoya
« La discipline, c’est de toujours trouver du plaisir, quoi que tu fasses. »
Hurdler urbain : Sasha dans son art, mais pas sur une piste d’athlé.
STYLISME: LLOSA, ADIDAS
« Je vibe. Je veux donner de la life à la compétition. »
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L’école du corps : le coureur de haies Sasha Zhoya dans l’objectif du photographe de danse Little Shao.
STYLISME: CÉLINE BOURGEOIS, ASSSISTANTS: JAMAL MOUHMOUH & PIERRE PARIS
Sasha Zhoya
plus dans sa discipline. En marchant, ou en montant des escaliers, Sasha a des déclics, prend conscience de certaines notions de postures, et veille à les appliquer lors de ses futurs trainings. « Je m’entraîne tout le temps, ça n’est pas que physique, c’est aussi dans la tête : quand je marche, je réfléchis à mes améliorations. Je mets en place des scénarios avec mon corps, au quotidien. Je reproduis des mouvements, je corrige des choses. Un jour que j’étais aux États-Unis et que je rentrais d’une soirée, à pied, j’ai pris conscience d’un mouvement que je pouvais améliorer. J’ai immédiatement appelé mon coach de haies, Ladji, pour lui en faire part. » Et lors d’un looooong trajet France-Australie en avion ? Le mental prendra le dessus. « J’analyse mes courses sur mon téléphone et je détermine les changements à apporter à ma course. Quand j’arrive sur l’entraînement suivant, je mets ça en place immédiatement, pas besoin de faire des essais. » Puisque son corps bouge, puisqu’il doit être en mouvement dans sa vie quotidienne, Zhoya en tire le meilleur pour son sport. « Apprendre avec mon corps, c’est là où je suis le meilleur, pas assis derrière un bureau dans une classe. » C’est donc avec une belle motivation qu’il a accepté de participer à notre séance photo avec un autre spécialiste du mouvement. Du beau mouvement : le photographe Little Shao, référence mondiale dans le breaking. Une scène pour laquelle Sasha montre un intérêt concerné. « Dans le break, j’aime ce mélange de côté relax et d’attaque, les mecs sont en rythme, en contrôle, mais toujours relax. » Celui qui vient de prononcer ces mots se décrit-il lui-même ? Au-delà des moves inspirés de la danse que s’est permis Sasha pour le shooting, collaborer avec Shao autorisait aussi des looks originaux,
« Si je vais aux championnats du monde, je vais rentrer dans le game. » THE RED BULLETIN
SASHA ZHOYA EN DATES, FAITS ET PERFS 25 juin 2002 Naissance de Sasha Zhoya à Subacio (Australie) Depuis 2017 Sasha est licencié au Clermont Athlétique Auvergne Décembre 2019 S’installe à l’INSEP et collabore avec les coaches Ladji Doucouré et Dimitri Demonière À L’INSEP Sacha a intégré le dispositif « Athlé 2024 » mis en place par la Fédération française d’athlétisme 17 octobre 2021 Sasha est désigné European Rising Star 2021. Un award qui lui est décerné par la fédération européenne d’athlétisme DISCIPLINES PRINCIPALES Sprint, perche et 110 mètres haies CATÉGORIE HAIES En 2022, Sasha Zhoya est passé dans la catégorie « Espoir » (avoir – de 23 ans) dont la hauteur des haies est la même que les seniors (1,06 m), il court de fait avec les seniors.
RECORDS Record du monde Cadet (– de 18 ans) du 60 m haies en salle, 7˝48 en 2019 Record du monde Cadet (– de 18 ans) du 110 m haies, 12˝87 en 2019 Record du monde Cadet (– de 18 ans) du saut à la perche avec 5,56 m en 2019 (battu depuis) Record du monde Junior (– de 20 ans) du 60 m haies en salle, 7˝34 en 2020 Record du monde Junior (– de 20 ans) du 110 m, 12˝72 en 2021 PALMARÈS Champion d’Europe Junior (– de 20 ans) du 110 m haies 2021 Champion du Monde Junior (– de 20 ans) du 110 m haies 2021 OBJECTIFS EN 2022 Championnats du monde d’athlétisme aux USA du 15 au 24 juillet Championnats d’Europe à Munich (Allemagne) du 15 au 21 août
une alternative branchée à la tenue lycra dans laquelle le natif d’Australie s’exprime sur la piste. Vivre à l’INSEP, aux portes de Paris, c’est aussi être très près de la capitale de la mode et du luxe. « La vibe de Paris, son lifestyle, la fashion culture, les vêtements, j’adore ça », dit Sasha.
Une bête de show
Le flamboyant basketteur US Dennis Rodman est lui aussi très branché mode. Sasha le cite parmi les sportifs qui l’ont inspiré, au même titre que le boxeur Floyd Mayweather Jr. et, bien sûr, Usain Bolt, l’ovni jamaïcain du sprint, dont il apprécie le sens du show. Pour Sasha, on peut être concentré et engagé, mais donner du plaisir au public est un must. « On pourrait dire qu’il y a deux types d’athlètes : ceux qui se fixent une discipline stricte, très sérieuse, des règles. Et ceux qui ont une approche plus fun, qui kiffent, qui vibent. Moi, je vibe. Je veux donner de la life à la compétition. » Zhoya a des objectifs de performance en tête, soyez-en sûr. Discipliné (il a pratiqué intensément le kung-fu), il s’acharne au quotidien pour cela, mais il tient à rendre la performance attrayante, offrir du spectacle. « L’Oregon, si je parviens à l’atteindre, et Munich cet été, ce seront des tests, je vais rentrer dans le game. Ça va être comme un spectacle de danse : une bête de show ! » La jeunesse sera forcément attentive à cet athlète new school, proche de nouvelles générations fières de leur diversité. De l’attractivité pour un sport peu médiatisé jusque-là, et pour l’athlétisme français, plus globalement. « Si je dois être un modèle à suivre, je ne pourrais pas être un modèle idéal, dit Sasha. Je dois rester moi-même. » En fin d’entretien, il évoque sa rapidité d’assimilation, par le corps. « Montremoi une chose une fois ou deux, et j’applique. » Il évoque son drive, son fuzz gear : sa capacité à passer la première, et foncer. Aussi il nous parle de son leeway, que l’on pourrait traduire par « latitude ». Au moment de choisir notre photo de Une, deux options se sont présentées, soumises à Sasha. Sur l’une d’entre elles, il était en mode bloc, plus recentré sur lui-même, visiblement dans l’effort. Il lui préféra celle que vous venez de découvrir sur cette édition du Red Bulletin. Une attitude plus ample, plus ouverte au monde et à son environnement. « Ça, c’est mon flow ! », conclut l’homme pluriel. Instagram : @sasha.zhoya 39
Boost énergétique : ce parcours, connu sous le nom de Powerline Road, a été découvert par une équipe de Nike en 2019.
La course qui n’existait pas Hors-piste, hors normes, limite hors-la-loi. Sur la route avec le SPEED PROJECT, la course à pied secrète que peu connaissent, à laquelle peu participent, et qu’aucun n’oublie jamais. Texte TOM WARD Photos JIM KRANTZ
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Speed Project
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out a commencé par une rumeur au sujet d’une course à pied clandestine partant du front de mer de Santa Monica (Californie) et se terminant à Las Vegas (Nevada). Une course sans sponsors, sans règles, sans même un site internet. Où aucun spectateur n’est admis et où il n’y a pas de récompense à la fin. Et pourtant, elle attire certains des meilleurs athlètes au monde, séduits par la promesse d’une épreuve unique de cadence et de persévérance. Cette rumeur a donné naissance à un nom, Speed Project, la création du fondateur de cette course, Nils Arend, et, finalement, à une invitation. « L’idée de voyager à pied, de courir d’un endroit à l’autre, plutôt que de faire un 10 km en groupe et de recevoir un tee-shirt à la fin possède une beauté brute », déclarait début 2020 Nils Arend à The Red Bulletin, alors qu’il était occupé à planifier le Speed Project de cette année-là. À l’époque, le monde était différent. C’est en 2013 que l’idée a germé dans l’esprit de ce natif de Hambourg âgé de 42 ans et transplanté à Los Angeles, svelte et arborant souvent un mohawk. « Pour moi, la course à pied est ancrée dans une sorte de compétitivité, explique Arend. Si vous regardez la scène de la course à pied, vous verrez soit des courses sérieuses, performantes et compétitives, soit d’autres où les gens se déguisent et boivent en cours de route. Ni l’un ni l’autre ne me plaisait. » Il a partagé l’idée avec la légende du marathon américain, Blue Benadum, qui a insisté pour que cette compétition soit axée sur la vitesse. « Nous voulions quelque chose de nouveau », dit Arend. C’est ainsi que la course est devenue une course de relais : pas d’aires de repos, pas d’hôtels luxueux, rien que des coureurs soutenus par des véhicules récréatifs. « Nous baissons la tête et courons aussi fort et loin que possible sans rien lâcher, presque comme des pitbulls. » Ils ont mis au point un itinéraire allant de la jetée de Santa Monica au panneau de bienvenue de Las Vegas – une montée non-stop de 548 km à travers Hollywood, le canyon de Soledad, en passant par le légendaire cimetière d’avions du désert de
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Les coureurs peuvent s’écarter de l’OG route comme bon leur semble, à une condition : « Pas d’autoroutes ! »
Vers l’inconnu : les coureurs s’élancent par un matin de brouillard à Santa Monica ; (ci-contre) une équipe s’aligne pour le départ.
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Speed Project
ojave et la ville de Barstow dans l’Inland M Empire, à travers la ville isolée de Baker (541 habitants) et le parc national de la Vallée de la Mort, puis l’Old Spanish Trail et enfin la route 160 jusqu’à Las V egas. Ce parcours est connu sous le nom de « OG route » – le parcours le plus populaire du Speed Project – mais il s’agit davantage d’une ligne directrice que d’un parcours fixe. Les coureurs peuvent s’en écarter comme bon leur semble, à une condition : pas d’autoroutes. De même, il n’y a pas de points fixes pour une transmission de relais, pas de règles sur la distance que chacun des six membres de l’équipe doit parcourir, ni sur le nombre de fois qu’ils peuvent revenir dans la course. Une carte est envoyée à l’avance par courriel, divisant le parcours de l’OG en 39 segments d’une longueur allant de 6,5 à 77 km, la plupart faisant environ 10 km. La façon dont les coureurs s’attaquent à ces segments est à leur discrétion. En général, ils profitent des bornes de 10 km pour transmettre les relais métaphoriques. Mais s’ils ont besoin de rattraper le temps perdu, ils peuvent faire la moitié d’un segment chacun, ou seulement quelques centaines de mètres par personne lors du sprint final vers Las Vegas. La réputation du Speed Project a grandi au cours des années qui ont suivi sa création mais son esprit DIY est resté. Aujourd’hui, il n’y a toujours pas de site web, pas d’invitation et il ne fait l’objet que d’une couverture minimale dans la presse grand public. En 2020, après nous avoir sondé au téléphone, Arend a accepté que The Red Bulletin l’accompagne. Vous connaissez la suite. Pandémie. Projets en veilleuse. Puis, au début de 2022, un autre appel téléphonique. Le message était court : « Rendez-vous à Los Angeles. »
Le Chilien
Le brouillard qui s’échappe du Pacifique donne une teinte étrange à la jetée de Santa Monica à 3 h 30 du matin en cette fin mars. On entend le faible bourdonnement de la musique et des rires tandis que les lumières des véhicules récréatifs percent la brume, découpant les silhouettes de dizaines d’athlètes. Trois cents participants – répartis en cinquante-cinq équipes – sont venus d’aussi loin que le Royaume-Uni, l’Europe et l’Amérique du Sud pour cette septième édition du Speed Project. Max Keith est l’un d’entre eux. Cet homme de 33 ans, originaire de la capitale chilienne, Santiago, a couru 44
4 heures du matin. 55 coureurs s’élancent chacun dans une direction différente. THE RED BULLETIN
Un concurrent quitte L.A. au lever du soleil (à gauche) ; (ci-contre) Max Keith au départ.
toute sa vie. Il fait aujourd’hui partie du Maffetones Club, une équipe chilienne qui suit les enseignements du docteur Phil Maffetone, gourou sportif (ainsi que chanteur-compositeur), dont la méthode de la course « à une allure modérée » préconise un plan de marathon à faible fréquence cardiaque ; l’idée étant que plus le cœur bat lentement, plus le corps prélève efficacement son énergie. Au lieu de consommer du sucre, votre corps brûle des graisses, et vous ne frappez pas le mur. L’année dernière, lorsque le Covid a interrompu les événements THE RED BULLETIN
sportifs, le Speed Project a organisé une course DIY, demandant aux équipes de courir le plus long relais possible, où qu’elles se trouvent, en 31 heures et 15 minutes (le record du parcours établi en 2019). Les Maffetones ont parcouru 425,26 km dans le désert d’Atacama, ce qui les a classés dans le top 10 parmi plus de 160 équipes. Avec des températures allant de 40 °C dans la journée à 0 °C la nuit, c’était aussi le terrain d’essai idéal avant les plaines brûlantes de la Vallée de la Mort. À l’approche du départ fixé à 4 heures du matin, le compte à
rebours commence. Puis cinquante-cinq coureurs s’élancent, un pour chacune des équipes de six personnes. Certains portent des vestes néon lumineuses, d’autres des lampes frontales, d’autres encore de simples tenues de course. Tous disparaissent dans des directions différentes, bien décidés à trouver le chemin le plus rapide pour quitter la ville. La plupart s’élancent sur Santa Monica Boulevard, passant devant une grande église mormone, tandis que les véhicules des équipes roulent dans la nuit. À 4 h 22, un message distribué via le groupe 45
Speed Project
jambes fraîches dans les montées. Peu après, sur une portion de colline sinueuse, Keith sprinte pour terminer sa quatrième section. « Je suis super excité, dit-il, l’énergie dans le camping-car des Maffetones est à son comble. Je me sens bien parce qu’il le faut. Nous n’avons fait que deux heures de route. » La course est longue, mais pour Keith, il s’agit pour l’instant de s’attaquer au riz et aux burritos, ainsi qu’au breuvage froid et aux boissons énergisantes dans le réfrigérateur du camping-car pour reprendre des forces jusqu’à ce que ce soit son tour de courir à nouveau. Sans pause, il s’agit d’éviter les blessures et la fatigue. Lorsque l’équipe atteindra la Vallée de la Mort, il n’y aura qu’une seule bière fraîche à partager entre eux. Rendus là, ils pourraient en avoir besoin.
La retardataire
L’athlète mexicaine rayonnante Alex Roudayna (en haut) et l’équipe Maffetones au relais.
« Nous faisons tous partie d’une communauté. Nous nous comprenons d’un simple signe de tête. » 46
WhatsApp prévient qu’un homme attend avec une planche derrière un virage. À 5 h 16, les premiers coureurs s’élancent dans la montée en passant devant le célèbre hôtel Chateau Marmont, au 8221 Sunset Boulevard. À 5 h 53, il fait déjà 14 °C et les coureurs de tête ont laissé le gros de la foule derrière eux. À 6 h 10, une demi-heure avant l’aube, les Maffetones ont 14 km d’avance sur les autres. À 6 h 41, le soleil commence à se lever sur les collines de la vallée industrielle de San Fernando, dans la banlieue nord de Los Angeles. Quatre membres de l’équipe s’échangent les 32 premiers kilomètres par tranches de 3 km, atteignant un rythme maximal de 3,4 minutes au kilomètre avant de faire intervenir leurs spécialistes des côtes afin d’avoir des
Alex Roudayna ne s’attendait pas à participer au Speed Project. Âgée de 32 ans, l’ultra-runneuse de Mexico participe à des compétitions depuis 2013, mais ce n’est que l’année dernière qu’une amie lui a suggéré de briguer une place dans l’équipe féminine internationale mise sur pied par ON Running – l’une des deux équipes sponsorisées par la marque de vêtements de sport, et l’une des cinq équipes de la course entièrement composées de femmes. Habituellement réticente à se lancer dans de tels scénarios, Roudayna a cette fois-ci franchi le pas, s’est mérité une place et rencontré ses coéquipières pour la première fois près de l’aéroport de Los Angeles, douze heures seulement avant le début de la course. En milieu de matinée, il fait 21 °C dans le canyon de Soledad – la neuvième section du parcours OG, et la deuxième de la course pour Roudayna. À mi-chemin entre la vallée et le désert, les longues routes monotones, flanquées de campings ici et là et d’un train de banlieue, ont succédé à l’effervescence de Los Angeles. Alors que la brume de chaleur s’élève de la chaussée, Roudayna est facile à repérer, même de loin, avec ses cheveux teints en vert. Maintenant un rythme rapide, elle ne tarde pas à échanger sa place avec sa coéquipière qui l’attend. En tant que personne atteinte du syndrome d’Asperger, Roudayna explique que « rien n’a vraiment de sens pour moi sur le plan social », mais que lorsqu’elle court, elle peut rester dans sa tête sans avoir besoin de parler aux autres. « Nous faisons tous partie d’une communauté THE RED BULLETIN
Les coureurs téméraires du Speed Project battent le macadam dans le désert près de Los Angeles (en haut) et celui de la Vallée de la Mort (en dessous).
Habit de lumière : deux membres de l’équipe Lululemon approchent de Barstow, faisant fi des camions et des chiens sauvages.
et nous nous comprenons d’un simple signe de tête, dit-elle. Peu importe ce que vous traversez ou d’où vous venez. » Bien qu’elle n’ait fait que récemment connaissance avec ses coéquipières, Roudayna s’est confortablement intégrée à la dynamique, surtout lorsqu’il s’agit de pousser plus fort et plus vite. « Si on me dit de courir vite, je cours vite, dit-elle en riant. Pas facile, mais une fois que vous avez atteint la pain cave (trad. l’antre de la douleur, ndlr), c’est là que le groove s’installe. » Cela fonctionne visiblement : l’équipe est en avance sur le programme et l’une des plus prometteuses de la compétition. Sept heures après le début d’une course qui pourrait en durer quarante, l’optimisme et l’adrénaline sont à leur comble.
ration de Los Angeles en eau. Les automobilistes qui empruntent la route sont maintenant habitués à voir des coureurs solitaires suivis par des camping-cars portant des messages comme Todo es mental (trad. tout est dans le mental), Wish you were running (trad. dommage que tu ne cours pas) ou, tout simplement, Grit (trad. le cran). Un terrain vague situé à un carrefour dans le désert
La ligne de force
Au fil de la journée, la course arrive au désert proprement dit. Ici, le parcours est ponctué de mines et d’usines de béton. Des villes délabrées dont les bâtiments ressemblent à des boîtes à chaussures poussiéreuses. Au loin se dressent les montagnes enneigées de San Gabriel et, dans ce paysage aride, des réservoirs en bordure de route alimentent l’agglomé48
Membre de l’équipe Bandit, Kam Casey (et ses chaussettes custom) dans son camping-car.
constitue un point de rencontre naturel pour les équipes. Dans le chat du groupe, on signale que des chiens errants poursuivent les coureurs. Ce phénomène est assez courant pour qu’en 2018, l’équipe Hunter ait emporté un spray au poivre par précaution contre les canidés excités. Heureusement, ils n’ont pas eu à l’utiliser. À 14 h 30, sur la route d’El Mirage, une femme aux cheveux roux apparaît sur un cheval noir et galope à côté des coureurs, soulevant des nuages de poussière du désert. Au-delà d’El Mirage, un groupe tente quelque chose de différent. Une ancienne route de service de 151 km – la bien nommée Powerline Road – passe entre des pylônes électriques. En 2019, avant le cinquième Speed Project, la route a été découverte par une équipe de Nike qui cherchait désespérément de nouvelles façons de battre ses rivaux, l’équipe adidas. Le Swoosh a gagné et le Trèfle est arrivé deuxième. C’est là que se trouve Kam Casey en ce chaud samedi après-midi de 2022. Grand et nerveux, avec le cheveu ras et une façon de s’exprimer par phrases lapidaires qui suggère une formation aux médias, le natif d’Indianapolis de 29 ans, THE RED BULLETIN
Speed Project
La course n’a pas de site web, pas d’invitation et bénéficie d’une couverture médiatique minimale.
maintenant basé à Los Angeles, pourrait sûrement faire carrière en portant des vêtements sur Instagram si la course à pied ne fonctionnait pas. En s’inspirant de la découverte de Nike, son team, Bandit, a exploré le parcours pendant trois mois, auscultant les images satellites avant de conclure que le parcours des lignes électriques leur permettrait de parcourir 464 km, soit 84 de moins que les coureurs OG. Avant que le Speed Project ne vienne frapper à sa porte, Casey, qui s’avoue « accro aux cadences », avait du mal. Marathonien habitué à des temps de 2 h 30, il n’avait pas couru de marathon depuis le début de la pandémie et sa dernière tentative a été interrompue à mi-course lorsque, dit-il, son corps l’a abandonné. « J’ai perdu le contrôle de mes émotions ; j’étais au bord des larmes en pleine course, se souvient Casey. Je n’arrivais pas à donner un sens à tout cela. C’était très dur mentalement. » Cela a entamé sa confiance. Il savait qu’il pouvait faire mieux. Le Speed Project représente beaucoup pour beaucoup de gens. Pour Casey, c’est une chance de se racheter. Émergeant à travers la brume de chaleur, flanqué de deux rangées de lignes THE RED BULLETIN
Un camping-car est orné d’un message pour les coureurs : Todo es mental. électriques, Casey semble fort. Son déménagement à Los Angeles l’a habitué à la chaleur, mais le sol n’en est pas moins impitoyable. Des descentes abruptes sont suivies de longues côtes puis de montées et de descentes sans merci. Mais, à 3,4 minutes au km, avec quelques séquences de moins de 3,3 minutes, Casey est convaincu que Bandit a tout à gagner. Alors que l’on arrive en début de soirée, ils ne sont qu’à quelques relais rapides derrière les meneurs...
La longue épreuve
La vitesse, bien sûr, est relative. Les vainqueurs du Speed Project en 2019, l’équipe Nike, ont terminé la course en 31 heures 15 minutes ce qui, avec une
moyenne de 15 km/h, est très rapide. Mais tandis que Casey et les coureurs de tête analysent tactiquement les raccourcis pour réduire encore ce temps, pour les autres, finir tout court est déjà un exploit. Cinq heures derrière Bandit, les Black Trail Runners, une équipe britannique, s’acharnent. Angela Tomusange, une Londonienne d’origine ougandaise, a commencé la course nerveusement. « Dans le milieu de la course à pied, je ne vois pas beaucoup de personnes qui me ressemblent, ditelle. Black Trail Runners m’a séduite parce que je veux inspirer les autres à s’y mettre. » À 40 ans, elle est deux fois plus âgée que la moyenne des coureurs du Speed Project (une vingtaine d’années), mais Tomusange s’est inscrite pour relever un nouveau défi : prouver que tout le monde peut concourir aux côtés de certains des meilleurs coureurs au monde, même s’il faut pour cela parcourir 8 800 km à travers l’Atlantique puis la largeur de l’Amérique du Nord. Elle s’est préparée en s’entraînant sur les collines de Londres et de ses environs, mais le Mojave n’est pas Londres et le parcours est difficile. Lors de sa troisième section de relais, Tomusange trouve enfin son 49
« Même si on ne gagne pas, l’important est de savoir qu’on a tout donné. »
On the road again : un coureur affronte la Vallée de la Mort juste après le lever du soleil, avec ses coéquipiers juste derrière.
Speed Project
Vive Las Vegas : l’équipe Bandit (avec Kam Casey en noir, au centre) fête l’arrivée.
rythme, mais dès le premier soir du premier jour – et alors que les équipes les plus rapides s’attendent à terminer juste après l’aube le lendemain – il est clair que les Black Trail Runners misent sur le long terme. Peu habitués à la chaleur du désert, ils ralentissent. À cela s’ajoute un changement de plan afin d’aider un coéquipier blessé à se reposer, et l’équipe britannique est mise à rude épreuve. Alors que la course s’étire dans la nuit, la fatigue est évidente pour tous les coureurs. La plupart se trouvent à la périphérie de Barstow, courant le long de routes sablonneuses désertes. Pour Tomusange, l’air frais de la nuit offre un répit bienvenu et, hormis la crainte de rencontrer des loups ou des lions des montagnes, elle commence à y prendre goût. « Je me laisse porter par le mouvement, dit-elle. C’est une expérience agréable. Je me suis habituée à courir dans le noir, le camping-car au loin. » Après une longue nuit, l’aube projette une lumière bleue sur les fleurs de sauge jaunes de la Vallée de la Mort. Ce parc national, situé dans le désert des Mojaves, est vierge et protégé, à l’opposé des étendues de déchets entre Los A ngeles et Barstow. C’est ici, à la fin des années 1960, que Charles Manson et ses disciples se sont installés dans le ranch abandonné de Barker, et que le dernier chercheur d’or de la région, Seldom Seen Slim, a vécu seul dans la ville fantôme de Ballarat avant de disparaître en 1968. C’est là que Hunter S. Thompson, en THE RED BULLETIN
pleine hallucination, les drogues faisant effet, a vu des chauves-souris gigantesques poussant des cris perçants autour du « Grand Requin rouge », sa décapotable, comme il la décrit dans les premiers paragraphes de son roman de 1971, Las Vegas Parano. La capitale américaine des casinos est encore à environ 240 km, les coureurs en tête sont sur le point de franchir la ligne d’arrivée.
L’arrivée
Soixante-cinq kilomètres après le panneau indiquant Vegas, les Bandits ne sont pas en très bonne forme. Suivant les rumeurs voulant que l’équipe ON Running était en tête, les Bandits ont pris un chemin inconnu et se dirigent vers le sable et la roche, au milieu de la nuit de surcroît. Le pari n’a pas payé et ils ont perdu de précieux kilomètres. Au milieu des maisons en béton qui jalonnent le désert entre la Vallée de la Mort et Vegas, la coureuse Allison Lynch a des problèmes de genou et son coéquipier Evan Schwartz a les quadriceps en feu. L’équipe n’a d’autre choix que
Mise en garde : des chiens errants poursuivent les coureurs.
de couvrir la distance restante avec les quatre autres coureurs. Casey et les autres puisent dans leurs dernières réserves. Il y a une pente descendante vers Vegas et ils sont capables de franchir un kilomètre toutes les 3,25 minutes, soit environ 18,5 km/h, un rythme herculéen après quelque trente heures de course. À 11 h 34, ils entrent en trombe dans Las Vegas en tant qu’équipe, rejoints par leurs coureurs blessés. Ils terminent en 31 h 45, prenant la quatrième place. S’étant inscrit pour courir environ 80 km, Casey estime en avoir parcouru un minimum de 98. Les Maffetones prennent la huitième place, atteignant Las Vegas en 36 h 24. « C’était dur, dit Keith. Nous étions tellement fatigués lors de la dernière montée, mais nous avons maintenu nos efforts parce que nous voulions finir au plus vite. Je suis vidé. » L’équipe féminine ON Running de Roudayna a terminé la course en 42 h 49. L’année prochaine, elle envisage de la courir seule. Mais pour l’instant, elle va se coucher – les lumières de Vegas et les célébrations d’après-course ne représentent aucun attrait. Pour Tomusange et les Black Trail Runners, la dernière ligne droite est devenue floue. Poursuivant leur route dans le désert la première nuit, ils ont couru le samedi au complet, puis une autre nuit et une autre journée, avec une rotation des coureurs à chaque kilomètre pour la dernière section vers Vegas, et finalement terminer la course en 59 h 30. « Quand nous avons aperçu Vegas, nous avons eu l’impression surréaliste d’être sur le point de l’atteindre, se souvient Tomusange. Cela nous a fait l’effet d’un encouragement supplémentaire. Je n’arrivais pas à croire que nous avions réussi. J’en retire tellement de choses positives. Si on me le demandait, je le ferais sans hésiter. » Les gagnants sont l’autre équipe du sponsor ON Running qui a établi un nouveau record de course avec un temps de 29 h 26. Mais ce périple d’un endroit à l’autre est aussi figuratif que littéral, et chaque coureur à l’arrivée emportera bien plus qu’un jeton de poker autour de son cou. Pour Casey, c’est une rédemption personnelle, et peut-être parlait-il au nom de tous lorsque, épuisé à l’arrivée, il a résumé la situation : « Nous l’avons fait un par un. Un kilomètre à la fois. Un demi-kilomètre à la fois. Et nous n’avons jamais perdu la face. » 51
Darren « Outrage » King, photographié pour The Red Bulletin à Santa Monica, en Californie, en janvier dernier.
L’EFFET KRUMP
Pendant plus de dix ans, le danseur DARREN « OUTRAGE » KING a dominé les compétitions de krump internationales, mais aujourd’hui, il veut faire évoluer cette expression artistique et partager ses principes avec une génération neuve. Texte CELINE TEO-BLOCKEY
Photos ATIBA JEFFERSON 53
Darren « Outrage » King
U
ne chaude journée d’hiver sur cette plage du sud de la Californie et, en un rien de temps, le danseur professionnel Darren « Outrage » King a retiré sa veste où apparaissent les mots Death By Style. Ses bras sont tendus après quinze ans de pratique de street dance. Au cours des deux années qui ont suivi l’apparition de la pandémie et l’arrêt des battles de freestyle, King s’est mis à la boxe et au muay-thaï pour garder son esprit occupé et son corps en forme. Les spectateurs ne se rendent peut-être pas compte qu’ils sont en train d’observer un maître de classe mondiale dans sa discipline, le krump, une forme de danse hip-hop connue pour ses mouvements très énergiques, expressifs et agressifs. Sous le regard d’une équipe photo, King, 32 ans déplace ses bras tendus au-dessus de sa tête et ses pieds glissent l’un vers l’autre dans un lock subtil. Sous la voûte d’un ciel incroyablement bleu, il ralentit, répète puis accélère ce mouvement plusieurs fois pour l’appareil photo, comme si quelqu’un appuyait sur le bouton marche avant/arrière d’une vieille télécommande VHS. La chanson Fair Trade de Drake flotte dans l’air chaud tandis que King fait des chest-pops et s’accroupit comme un pugiliste chevronné aux sons de cette variété apaisante de hip-hop. King – ou Rage, comme l’appellent ses amis et ses adversaires – a grandi dans la Californie du Sud mais a acheté 54
une maison à Las Vegas avec sa petite amie. La plage est plus loin... Trois ans se sont écoulés depuis le dernier battle de danse important de King et peut-être davantage depuis qu’il a ressenti cette expérience hors du corps – l’état d’euphorie insaisissable que recherchent les danseurs à son niveau de compétition. Les psychologues appellent cela « l’état de flux » : lorsque vous êtes tellement immergé dans une activité que tout le reste s’estompe et que vous atteignez un état de plaisir supérieur. Pour les compétiteurs, c’est le moment où la pression tombe, ce qui leur permet d’être plus performants. Les artistes peuvent accéder à un niveau de créativité proche de la divinité.
L
e krump est né dans les rues sordides de South Los Angeles au milieu des années 1990. Le style est né en partie en réaction au gangsta rap, un genre musical connu pour raconter – et glorifier – le mode de vie violent de ses interprètes. À l’époque, des villes comme Compton et Inglewood luttaient contre les effets néfastes des armes à feu, de la violence et de la
« Je me suis dit, ’Change les choses’. Alors j’ai cassé le moule. »
auvreté. Attribué aux résidents du sud p de Los Angeles, Ceasare « Tight Eyez » Willis et Jo’Artis « Big Mijo » Ratti, le krump a été inventé au début des années 2000 en tant que forme plus agressive de clowning, une danse énergique créée par Thomas « Tommy the Clown » Johnson, qui se produisait dans les fêtes d’anniversaire des enfants à Los Angeles. Ces deux styles sont nés d’une volonté de sortir les jeunes de la rue et de les empêcher de tomber dans les gangs. Le nom krump prend parfois une majuscule et est un acronyme de Kingdom Radically Uplifted Mighty Praise (littéralement : « élévation du royaume par le puissant éloge »). Dans l’une de ses vidéos éducatives, Tight Eyez proclame : « Il n’y a qu’un seul créateur de krump et c’est Dieu. » Mais le krump s’inscrit également dans une spiritualité plus profonde de la diaspora africaine. Dans le documentaire Rize (2005), le réalisateur David LaChapelle compare les marques du visage des krumpers aux marques tribales africaines et explique leurs nombreuses similitudes par des sauts entre les danseurs en milieu urbain et les guerriers africains dans des décors subsahariens. Les deux groupes tapent du pied, bombent le torse et effectuent des mouvements de bras saccadés mais contrôlés – comme des guerriers au combat – suggérant une parenté profondément enracinée qui traverse les océans et le temps. La popularité de Rize a contribué à faire connaître cette danse de rue vivante mais largement inconnue. Rapidement, des krumpers ont fait leur apparition dans des clips musicaux aux côtés de Madonna et de Missy Elliott. Lil’ C, l’un des krumpers présentés dans Rize, est devenu juge dans l’émission de télé- réalité So You Think You Can Dance. En moins de dix ans, le krump s’est répandu dans le monde entier et a été codifié en tant que forme d’art légitime au même titre que d’autres aspects du hip-hop, de la danse et de la culture de rue. La dimension raciale des racines du krump est indéniable. Les adeptes noirs du monde entier ont puisé dans l’histoire de l’esclavage et de l’oppression que l’on retrouve dans cette danse. Pour eux, l’état de flow est parfois une communion transgénérationnelle avec leurs ancêtres. Pour King, le krump était quelque chose qu’il faisait juste pour s’amuser, du moins au début. Il fréquentait une école d’arts du spectacle à San Diego quand il a fait connaissance avec cette forme THE RED BULLETIN
« Le krump, pour beaucoup de gens qui pensent ne pas en avoir, c’est une parole. »
King enseigne son propre style de danse, unique, qui mélange le krump et le hip-hop.
Darren « Outrage » King
articulière de danse expressive. « Un p jour, je me trouvais dans un centre commercial de banlieue et il s’y trouvait une bande de jeunes », se souvient-il. Une telle agitation y régnait qu’il a naturellement pensé qu’une bagarre avait dû éclater. « Habituellement, quand vous avez un tel rassemblement de personnes de couleur, la police ou la sécurité n’est pas loin, mais c’était la première fois que j’étais dehors avec un groupe important sans que la police ne vienne nous disperser. » Alors que King se dirigeait vers la foule, il a entendu de la musique, puis a vu d’autres jeunes exécuter ces mouvements de danse énergiques. « Ils avaient des haut-parleurs qui balançaient du hip-hop, dit-il. Je ne savais pas comment ça s’appelait. » Il s’avère qu’ils faisaient du clowning. King, qui a toujours aimé imiter les numéros de danse qu’il voyait à la télévision, a été piqué au vif. Lorsqu’il était très jeune, King aimait regarder les enregistrements de concerts de James Brown avec son grand-père. « J’ai remarqué que James Brown faisait ces breaks de danse à la manière des groupes qui font des solos de guitare, explique-t-il. Brown prenait deux minutes de sa prestation vocale pour faire un solo de danse. James Brown, Ginuwine, tous ces types – j’essayais de les imiter. » Mais le premier mouvement que King a perfectionné a été le moonwalk de Michael Jackson ; la vidéo de Smooth Criminal était l’une de ses favorites. « Cela m’a tellement intrigué », dit-il, envoûté par la chorégraphie, les expressions faciales de Jackson, l’arc narratif de la vidéo de neuf minutes et, bien sûr, le moonwalk. « J’aimais aussi Thriller, dit-il en riant, mais j’avais aussi un peu peur. » King se lançait souvent dans ces mouvements lors de fêtes de quartier et de réunions de famille à San Diego. Interprète naturel, il a très tôt remarqué qu’il aimait attirer l’attention. « Quand mes tantes me demandaient de danser, je n’avais jamais peur de me lancer, dit-il. Et même à l’époque, je sentais que j’allais faire ce que la chanson me dirait de faire. » Déjà au collège, ses goûts musicaux étaient éclectiques : il jouait dans des pièces de théâtre, chantait dans une chorale et jouait de la guitare basse. « J’ai eu la chance d’aller dans une école d’arts de la scène avec un tas de cultures différentes, dit King, donc à cette époque j’écoutais les groupes de rock et de pop Hawthorne Heights, Panic! at the Disco, THE RED BULLETIN
« Mes parents ne comprenaient pas. Même nous, nous ne savions pas ce que c’était. »
Queen, Disturbed et System of a Down d’un côté ; puis de l’autre c’était des trucs comme Jay-Z, Busta Rhymes et Nas. » La séparation des genres semble noire d’un côté et blanche de l’autre, mais King a chevauché la division. « Je pense que j’ai eu le meilleur des deux cultures en étant capable d’écouter et de comprendre le rock ’n’ roll, le punk, l’emo ainsi que le hip-hop hardcore, le boom-bap des années 80, le boom-bap actuel et puis le hip-hop radio. » Tout cela allait plus tard influer son style de danse.
K
ing a vécu une enfance stable – bien qu’il ait souvent déménagé – avec ses sœurs jumelles cadettes. Sa mère était agente de probation et son père militaire, de sorte que la famille s’est beaucoup déplacée. King est né au Kansas et sa famille a déménagé en Allemagne alors qu’il avait quatre ans, puis à Washington, avant d’atterrir dans le sud de la Californie. En raison de ces déménagements constants, il lui a été difficile de nouer des liens solides et des amitiés durables. Lorsque King est entré au lycée, lui et sa famille vivaient à Riverside, en Californie. Un jour, il a vu des danseurs à l’école. « Je faisais du sport à l’époque – basket- ball et football américain – et c’était cool et tout, mais là, il y avait des gars et des filles qui le faisaient. Je me suis dit :
“Wow, c’est pour tout le monde.” » L’aspect multiculturel l’a également attiré : « Des Noirs, des Blancs, des Asiatiques, des Mexicains le faisaient aussi. Et ils étaient tous aussi géniaux les uns que les autres. Je voulais danser et être sous les feux de la rampe. » King a été inspiré par la façon dont les gens prenaient et redonnaient à la culture. « C’est une énergie incroyable que je n’ai jamais connue ailleurs », dit-il en souriant. Tout le monde autour de lui aimait ce qu’il faisait. « Cela attirait des gens auxquels on n’aurait jamais pensé : des jeunes cool, des footballeurs, des pom-pom girls – des gens dont on n’aurait jamais pensé qu’ils étaient intéressés par la danse. Les profs ont adoré. Les parents aussi. » Ses propres parents, cependant, étaient déconcertés. « Ils ne comprenaient pas, dit-il en riant. Hey, même nous, nous ne savions pas ce que nous faisions. Il n’y avait probablement pas d’argent là-dedans, mais nous aimions ça. » King n’avait aucune idée de ce qui en sortirait, mais il espérait secrètement qu’il pourrait y avoir une sorte de carrière pour lui dans la danse. « Je vais faire ce que je veux – personne ne me dira quoi faire, dit-il, alors que son ton enjoué devient sérieux. Je n’ai aucun problème avec l’écoute et j’aime tout prendre en considération. Mais je tenais à cela. » Après avoir obtenu son diplôme d’études secondaires, King a pris part à des battles à travers le sud de la Californie. « C’était juste pour le respect, tu sais, pour la street cred », dit-il, mais en 2010, il s’est officiellement inscrit à How the West Was Won, un concours de danse professionnel où il a concouru dans la catégorie nouvellement établie du krump – et a gagné. Après l’émission, il s’est vu offrir un voyage à l’étranger tous frais payés : « “Nous voulons amener ça au Japon”, m’ont-ils dit. Ils voulaient que j’enseigne mon style de krump là-bas. Quand je l’ai dit à mes parents, ils ne croyaient pas que cela existait. » Aujourd’hui, n’importe qui peut apprendre les bases du krump en regardant YouTube ou en parcourant les réseaux sociaux mais à l’époque, même aux US, il fallait prendre sa voiture et être là. « Personne n’avait de très bonnes caméras pour YouTube, dit King. Si vous vouliez faire partie de la scène, vous deviez vous montrer sur les événements de danse. Tout se faisait de bouche à oreille. Les gens ne donnaient pas de cours. Si vous manquiez une semaine, 57
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Darren « Outrage » King
le style avait changé entre-temps. Vous deviez être là et être présent. Si vous ne l’étiez pas, vous restiez en arrière. » Pendant cette période, il s’est lié d’amitié avec Marquisa Gardner, alias Miss Prissy, une ballerine de formation classique et l’une des krumpeuses présentes dans Rize. « S’il y a quelqu’un qui a remarqué mon style de danse en tant qu’hybride et m’a donné la chance de briller, c’est bien Miss Prissy. À l’époque, elle venait de terminer les clips musicaux avec Madonna, Hung Up et Sorry en 2005, donc elle prenait le krump et lui donnait une autre plateforme. Elle a définitivement ouvert la voie à beaucoup de gens dans cet univers. Si elle n’avait pas été là, je ne serais pas là où je suis aujourd’hui. »
A
u cours des dix dernières années, King a connu des hauts et des bas en parcourant le monde en tant qu’ambassadeur de la Team Krump. Aussi amusant et gratifiant que cela a pu être, comme tout boulot, cela n’a pas été sans défis. Il mentionne comment l’ego et la testostérone peuvent alimenter une grande partie de la culture des battles. Les décisions des juges peuvent être très arbitraires. Il évoque le découragement et se demande pourquoi il poussait constamment son corps au point de rupture. Il y avait aussi la pression d’aller à l’étranger et de devoir apporter la bonne parole aux communautés de danse locales. Et, bien sûr, dans les battles, il y a toujours un perdant. « C’est un jeu d’argent, dit King à propos de la culture des battles. Il faut mettre 20 dollars et espérer toucher le jackpot. Si ce n’est pas le cas, vous rentrez chez vous ruiné. » Il y a environ cinq ans, alors qu’il jugeait une compétition de krump à Las Vegas, King a commencé à s’ennuyer. Les mouvements de danse semblaient usés mais, pire encore, « tout le monde se ressemblait, était habillé de la même façon, avait les mêmes expressions faciales et dansait sur les mêmes sons », dit-il. Lorsqu’il se promenait dans la salle, tout le monde semblait également indifférent. « Je ne veux pas ressembler à ça, dit King. Je ne veux pas avoir l’air de n’être ici que parce que quelqu’un m’a dit quoi faire. » C’est alors qu’il a eu une révélation. « Je me suis dit : “Je dois changer. J’ai l’impression d’être nourri à la cuiller avec la même chose, encore et encore”, dit-il. Alors j’ai cassé le moule. »
THE RED BULLETIN
Un style complet : King a sauté dans la mode avec sa propre marque de sapes.
Après avoir terminé son travail de juge ce jour-là, il s’est juré de faire les choses différemment lors de son propre battle, plus tard dans la soirée. Fatigué de voir les gens « m’enfoncer les bases dans la gorge et me dire à quoi le style devait ressembler », King a jeté le livre des règlements et a fait du freestyle pendant tout son battle. Il a tancé le public, l’a regardé dans les yeux, lui a fait du trash-talking – et tout le monde s’est assis et a prêté attention. C’était le moment le plus amusant et le plus libre qu’il ait jamais ressenti en dansant. Et c’est ce qu’il fait depuis. Après ce moment décisif, King a remporté plus d’une douzaine de compétitions en 2017 et 2018. « De ce moment jusqu’à ce que la pandémie frappe, j’étais partout, dit-il. Il y a eu tellement de battles. J’étais moi-même. Je voyageais à l’étranger, je remportais des battles et j’enseignais. » Il a passé des mois en
« À mes yeux, le krump n’est plus une échappatoire, mais une présence, un sentiment, une énergie. »
Corée et au Japon et a fait plusieurs voyages en Europe. Et il assistait régulièrement à des séances de danse et à des réunions à Los Angeles. King n’était plus aussi préoccupé par la victoire ; il voulait simplement s’amuser en dansant. Il dit avoir plus appris des battles qu’il a perdus que de ceux qu’il a remportés. Sa petite amie depuis trois ans, Jaylene Mendoza, qui est également danseuse, l’a poussé à se faire connaître davantage sur les réseaux sociaux et à essayer des choses différentes, comme des publicités et des émissions de télévision. Il a réalisé plusieurs clips musicaux, est apparu dans des campagnes publicitaires pour Gap et Puma, et a même participé à l’émission Dear White People sur Netflix, aux côtés de Mendoza. Le couple a joué un couple de danseurs dans la dernière saison et reçoit toujours des chèques de royalties. « Je ne veux pas que tout tourne autour de l’argent, mais c’est important », dit King. Pourtant, il a un faible pour les battles de freestyle. Aussi, lorsqu’il a été choisi comme joker pour la finale mondiale de Red Bull Dance Your Style 2021 à Johannesburg, en Afrique du Sud, en décembre, il était ravi. Après plus de 80 épreuves de qualification à travers le monde, la finale allait mettre en scène des affrontements entre les meilleurs danseurs de rue du monde et King y voyait l’aboutissement de tout ce qu’il avait fait jusqu’alors. Mais la finale 59
Darren « Outrage » King
Self-control : King encourage ses élèves à canaliser leur personnalité.
ondiale a été annulée en raison de m préoccupations en matière de santé publique et de restrictions sur les voyages internationaux, et King n’a pas eu la chance de ressentir à nouveau cette sensation – cet état de conscience supérieur. « De plus, l’Afrique est la mère patrie, dit-il. Je n’y suis jamais allé, alors le simple fait d’y être et de goûter à cette essence culturelle aurait été énorme. » Essayant de ne pas avoir l’air trop déçu, il ajoute, « mais je sais que lorsque cela se produira, ce sera dix fois plus géant ».
C
omme tout le monde, les danseurs ont trouvé ces dernières années particulièrement difficiles. Mais King apprécie sa nouvelle maison à Las Vegas. C’est un changement de décor et, avec un coût de la vie moins élevé, il y a moins de stress. Il est impatient de lancer une nouvelle collection pour sa propre marque de vêtements, Death By Style. Ses parents, qui au départ ne comprenaient pas pourquoi il avait déménagé dans le Nevada, lui ont rendu visite et leurs réticences se sont estompées. Plus important encore, la scène de 60
la danse y est jeune et King pense pouvoir contribuer à son développement. Trois fois par semaine, King enseigne au Rock Center for Dance – le premier studio d’entraînement du Nevada pour adultes et enfants – mais il affirme que c’est lui qui apprend des petites ballerines de sa classe comment faire des pirouettes. Il regrette de ne pas avoir étudié le ballet ou le jazz quand il était plus jeune. Ce n’était pas une question d’argent – il est sûr que sa mère l’aurait soutenu – mais plutôt qu’il n’a jamais été ouvert à l’idée. Lorsque King enseigne son style fluide de krump et de hip-hop qui, selon lui, peut tout simplement être classé dans la catégorie « danse », il n’est jamais didactique. Il souhaite que ses élèves soient ouverts, qu’ils fassent confiance à leur instinct, qu’ils apprennent à impro-
« La danse vient de l’expérience perso de chacun. »
viser et à projeter leur propre personnalité dans les pas qu’il leur enseigne. « Les danses qui en résultent proviennent des expériences personnelles de chacun, dit-il, reconnaissant que chacun a sa propre morphologie, ses forces et ses raisons de vouloir danser. En fin de compte, vous ne voulez pas de robots ou de gens qui dansent en suivant un mode d’emploi. Vous voulez des gens qui comprennent ce qu’ils ressentent. » Et il se souvient qu’il est venu au krump alors qu’il était en pleine rupture avec le clowning. « Le clowning a toujours une place spéciale dans mon cœur, mais l’évolution est inévitable, dit King. Ou vous restez en arrière, ou vous évoluez avec lui. » Descendez dans le abysses de YouTube et vous découvrirez des tonnes de vidéos consacrées au krump où de nombreuses personnes affirment que « le krump, c’est la vie ». Lorsqu’on évoque ce sujet, King rejette l’hyperbole en secouant la tête, puis dit tranquillement : « Je pense que la vie, c’est la vie. La vie, c’est ce que vous en faites. » Le krump lui a apporté une certaine liberté, un mode de vie, des amitiés durables, une communauté mondiale plus large. Mais, dit-il, la clé, c’est « d’être capable de faire et de dire ce que l’on veut dire avec sincérité et avec art ». « Évidemment, certaines personnes ont eu une vie plus dure que d’autres, et pour elles, cela a constitué une échappatoire à la réalité, je comprends ça, poursuit-il, en faisant référence à ceux qui, dans la scène, ont lutté contre l’oppression. Le krump donne la parole à beaucoup de gens qui ont l’impression de ne pas en avoir. Il apporte la lumière à ceux qui ont l’impression qu’ils ne pourraient jamais en recevoir. Le krump a été une échappatoire pour moi, mais je ne le vois plus comme tel. C’est une présence. C’est un sentiment. C’est une énergie. » King se tait, cherchant une façon de décrire quelque chose qui, au départ, était un moyen de sortir avec ses amis mais qui, à l’âge adulte, a évolué vers quelque chose de plus profond chez lui. Il souhaite partager toutes ces connaissances avec une génération plus jeune en raison de leur potentiel de changement. « J’aurais aimé qu’on le fasse pour nous quand nous étions jeunes », dit-il. Après avoir fait ses salutations à l’équipe de photographes, King se dirige vers la voiture avec Mendoza pour le long trajet de retour vers Las Vegas. Demain, il a des cours à donner. THE RED BULLETIN
HORS DU COMMUN Retrouvez votre prochain numéro en juin en abonnement avec et avec dans une sélection de points de distribution et sur abonnement.
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Dans la roue d’une légende
Des envies de Tour de France ? Pas en France ? Puriste du vélo, le Bernois PATRICK SEABASE nous emmène sur l’une des deux étapes suisses de la Grande Boucle édition 2022. Texte SIMON SCHREYER
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Photos PHIL GALE
THE RED BULLETIN
UN PEU DE HAUTEUR
Patrick Seabase lors de la montée au Pas de Morgins, à 1 377 m d’altitude.
THE RED BULLETIN
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Tour de France
Des montagnes, de la sueur et des montées à couper le souffle : le Tour de France sera de retour en Suisse en 2022. Le puriste cycliste bernois Patrick Seabase, 38 ans, nous emmène sur la deuxième étape suisse de la course légendaire.
Située près du lac Léman, Aigle sera cet été le théâtre du départ de la neuvième étape de la Grande Boucle qui y repasse après une escapade dans l’Oberland bernois avant de se poursuivre sur 38 kilomètres jusqu’à la frontière française. Une étape de montagne de 183 kilomètres avec quelque 3 700 mètres de dénivelé au menu. La journée est longue, je passe environ sept heures sur mon vélo. Ceux qui sont déjà familiers de ce genre de terrain et des longues distances devraient mettre sensiblement le même temps, mais rien n’empêche les coureurs chevronnés de faire cette étape en plusieurs jours pour profiter du paysage. Le parcours est judicieux pour deux raisons : il est tactique et part d’Aigle, le siège de l’Union cycliste internationale (UCI) pour y repasser une seconde fois à quarante kilomètres de l’arrivée. Quinze kilomètres après le départ, nous atteignons la charmante ville de Montreux, nichée au bord du lac Léman. L’un de mes endroits préférés. À partir d’ici, la route continue à serpenter vers l’est, à travers le « Lavaux », ces 830 hectares de vignobles en terrasses inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO. La pente se fait graduellement plus raide, nous prenons de l’altitude. S’il fait beau, un arrêt s’impose pour profiter de la vue imprenable sur l’immensité du lac ! N’hésitez pas non plus à faire une pause à Chexbres dans le décor
Les vignobles en terrasses de Lavaux, inscrits au patrimoine de l’UNESCO, offrent un panorama magnifique au bord du lac Léman.
A
près un hiatus de cinq ans, le Tour revient en Suisse pour les huitième et neuvième étapes. Je vous invite à m’accompagner sur cette neuvième étape pleine de contrastes. Je m’appelle Patrick Seabase, j’ai 38 ans et j’ai commencé à faire du vélo à l’âge de trois ans. Hugo Koblet (1925-1964), vainqueur du tour de France en 1951, a été l’un de mes premiers héros. J’admirais ce cycliste zurichois autant préoccupé par ses performances que par son apparence. J’ai moi-même participé à quelques courses quand j’étais plus jeune, mais je me suis vite lassé de ce cirque et ai choisi d’approcher ma carrière de manière plus individuelle. Petite précision : être au centre de l’attention et faire de la compétition ne m’intéressent pas.
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183 km de pur bonheur à vélo : Patrick Seabase à Châtel.
« Lors de telles randonnées à vélo, tu apprends à dépasser tes propres limites. » THE RED BULLETIN
Bulle
3 GRUYÈRES
« Les petits villages et hameaux agricoles nous donnent l’impression d’être au XIXe siècle. »
Châtel-Saint-Denis
Côte de Chexbres Rossinière 2 LAVAUX
1
MONTREUX
Col des Mosses
Les Diablerets
DÉPART AIGLE (SUI)
PAS DE MORGINS
COL DE LA CROIX 4
Aigle
Monthey
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Le charmant Café de la Poste à Chexbres, un village de 2 000 âmes.
ARRIVÉE CHÂTEL - LES PORTES DU SOLEIL (FRA)
Berne SUISSE Étape 9
ÇA VAUT LE
DÉTOUR
Les cinq plus beaux endroits de la neuvième étape du Tour de France 2022 selon Patrick Seabase. 1. MONTREUX
Cette ville au flair méditerranéen se situe sur les rives du lac Léman. Je me suis déjà rendu plus de vingt fois au célèbre festival de jazz, qui se déroule chaque année au mois de juillet.
2. LAVAUX
Il s’agit de la première pépite de la journée, ce paysage est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. La vue s’étend sur les v ignobles en terrasses et le lac Léman. THE RED BULLETIN
3. GRUYÈRES
La petite ville médiévale est un bijou idyllique et intemporel. C’est sans conteste l’un des endroits les plus exaltants de l’étape, principalement pour le musée Giger et son univers fantastique tout à fait inattendu.
4. COL DE LA CROIX
La montée la plus difficile de l’étape. Ambiance de haute montagne avec les imposantes Alpes bernoises en toile de fond.
5. PAS DE MORGINS
Depuis le col, situé à moyenne altitude et à cheval sur la frontière franco-suisse, on peut regarder les Dents du Midi dans le fond des yeux.
de carte postale du vieux Café de la Poste. Nous atteignons Bulle trente kilomètres plus loin (déjà 60 des 183 km dans les jambes) et roulons à présent sur les routes vallonnées des Préalpes fribourgeoises, le regard happé par les magnifiques cimes du Gastlosen, du Vanil Noir et du Moléson, qui culminent à plus de 2 000 mètres d’altitude. Nous arrivons bientôt à Gruyères. C’est l’occasion d’acheter de quoi s’alimenter et de remplir nos bouteilles d’eau à la fontaine. C’est l’un des grands avantages de la Suisse : on trouve de l’eau potable presque partout. Du grand luxe ! Besoin d’une petite parenthèse culturelle ? Montez jusqu’au château de Saint-Germain qui abrite un musée consacré à l’œuvre du sculpteur et dessinateur H.R. Giger, créateur du monstre « Alien ». En s’enfonçant dans la vallée parsemée de petits villages et d’hameaux agricoles, on a l’impression d’être revenu au XIXe siècle. À 908 mètres, Rossinière est un véritable village de conte de fées qui abrite l’incroyable Grand Chalet du peintre Balthus. L’ascension continue sur une pente étroite jusqu’au col des Mosses, encore sous la ligne des arbres à 1 445 mètres d’altitude. Nous avons parcouru presque cent kilomètres. La montée vers le col, ponctuée par trois virages en épingle, est assez tranquille et ne présente pas de difficulté majeure. 65
Tour de France
1 778 m Col de la Croix 1 445 m Col des Mosses 1 377 m Pas de Morgins 1 297 m Châtel – Les Portes
L’étape est bientôt terminée : Patrick sur le Pas de Morgins.
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1 147 m Les Diablerets
908 m Rossinière 810 m Châtel-Saint-Denis 806 m Bulle 558 m Côte de Chexbres 387 m Montreux
399 m Monthey
183 km
173,5 km
145 km
156,5 km
113 km
122,5 km
99,5 km
83,5 km
59 km
28,5 km
394 m Aigle
40,5 km
15 km
394 m Aigle
Départ
Pour moi qui suis Suisse, le coin n’est pas très marquant : visuellement, il ressemble à n’importe quel autre endroit des Préalpes. Après une courte descente, nous continuons vers Les Diablerets, une station bien connue des skieurs située au pied d’un gigantesque massif montagneux au sein duquel trône le fameux domaine skiable de Glacier 3000. Si vous avez le temps, n’hésitez pas à explorer ce paysage alpestre peuplé, si l’on en croit la légende, de petits diables. Sinon, la vue depuis la route vaut déjà son pesant d’or ! Après une impitoyable ascension à 7,6 %, nous atteignons enfin le col de la Croix. À 1 778 mètres, c’est le point culminant de notre étape et le seul endroit du parcours que l’on peut véritablement qualifier de haute montagne. C’est le moment de boire, manger et faire un break. Il est important de reprendre des forces, et ses esprits, avant la descente, histoire d’aborder celle-ci dans les meilleures conditions. Nous laissons le paysage escarpé des Alpes bernoises derrière nous et dévalons la pente le long d’une série de virages serrés en direction de Villars-sur-Ollon. Vingt-trois kilomètres après le col de la Croix et 1 384 mètres plus bas, nous retrouvons notre terrain de départ, Aigle se profile bientôt. Fin du parcours ? Non, car c’est le Tour de France ! Une fin d’étape exceptionnelle nous attend, c’est le moment d’appuyer sur les pédales direction sud-ouest où, après la traversée du Rhône, nous entamons une ascension d’une vingtaine de kilomètres à 6,1 % de moyenne sur des
DES HAUTS ET DES BAS
RELIEF CAPRICIEUX
La neuvième étape du Tour de France nous emmène sur 183 kilomètres et 3 700 mètres de dénivelé. Cette étape du Tour de France traverse des villes, des collines et des montagnes. Après Montreux, la pente devient plus raide, on prend de l’altitude. La première montée abrupte mène à 1 445 mètres au col des Mosses, suivie d’une courte descente vers les Diablerets. La montée la plus difficile est celle du col de la Croix (pente : 7,6 %), qui est aussi le point culminant de l’étape avec 1 778 mètres. Suivent de longues descentes avant de repasser par Aigle et de se concentrer sur la dernière ascension : 20 kilomètres de montée vers le Pas de Morgins (pente : 6,1 %) à 1 377 mètres.
routes larges et dégagées qui nous emmènent au Pas de Morgins, à 1 370 mètres d’altitude, dans un décor préalpin typique de la Suisse romande. Depuis les lacets près de Troistorrents, j’apprécie particulièrement la vue sur les sommets des Dents du Midi, qui culminent à 3 000 mètres au sud. Une vue qui nous accompagne jusqu’à Morgins, où nous traversons la frontière française pour atteindre les Portes du Soleil, l’un des domaines skiables les plus idylliques du coin. Si vous avez trop chaud après la montée depuis la vallée du Rhône, prenez un moment pour vous rafraîchir en allant piquer une tête dans le lac de Morgins. Il serait dommage de s’en priver, car il vous reste encore une difficulté à surmonter, la dernière de la journée : une montée de quatre kilomètres jusqu’à la ligne d’arrivée à Châtel THE RED BULLETIN
« La descente, c’est le moment où le vent me rafraîchit et où la vitesse me chatouille les nerfs. L’intérêt est de se battre pour obtenir cette récompense. »
Patrick Seabase à son arrivée à Châtel, France. THE RED BULLETIN
Après 183 km, l’étape se termine à Châtel, en France.
Les Portes du Soleil. Encore un conseil : depuis la France, garez votre voiture en Suisse, à Aigle, et n’emportez que l’indispensable avec vous. Gravir un sommet à vélo par ses propres moyens est extrêmement gratifiant : cela permet de s’impressionner soi-même. Je ne cherche à impressionner personne d’autre que moi. Psychologiquement, ce genre de sorties nous apprend à dépasser nos propres limites sans que cela soit synonyme de souffrance. Je ne prends aucun plaisir non plus à souffrir : c’est surtout la fluidité et les bonnes sensations que je recherche sur la route. Ce qui compte finalement c’est d’entrer dans une transe agréable, d’atteindre le flow tout en couvant la beauté du paysage des yeux. En montée, j’ai parfois l’impression d’être sous l’eau à cause de cette légère pression qui s’exerce sur les tympans en prenant de l’altitude, et aussi à cause de l’économie de mouvements, qui donnent le sentiment d’être au ralenti. Puis vient la récompense : la descente, le vent rafraîchissant et la vitesse qui titille nos nerfs. C’est ce qui fait le sel de tout ça : se donner à fond, aller au bout de soi, lutter pour cette récompense. Dans la vie, ce pour quoi on se bat résonne toujours plus longtemps en nous que ce qui arrive par hasard. Gagner le Tour de France ou reproduire une étape à son propre rythme revient au même : c’est une performance individuelle, un moment qui n’appartient qu’à soi. C’est une sorte d’égoïsme sain, qui ne s’opère pas au détriment des autres. Je considère d’ailleurs que c’est le seul égoïsme à la fois acceptable et propice à l’inspiration. Car c’est de cette confrontation et de cette sollicitation du corps et de l’esprit, l’un permettant de repousser les limites de l’autre, que naît l’équilibre. Instagram : @patrickseabase 67
BMX MANIA 1987, en Angleterre : la folie BMX des cinq dernières années s’est éteinte. Raleigh (avec une production annuelle d’un million de son fameux vélo B urner) et autres fabricants de bicross abandonnent définitivement le marché. Finies aussi les émissions de BMX qui peuplaient le paysage télévisuel britannique. Mais pour Mark Noble, rider de Dorchester âgé à l’époque de 18 ans, c’est l’avènement d’une époque bénie. « Le BMX est redevenu la propriété des riders et c’est tout de suite devenu plus intéressant, se souvient-il. On allait monter nos boîtes, construire nos propres terrains de dirt et nos rampes, créer nos vidéos et nos magazines. » En 1988, Noble reprend l’un de ces magazines, Freestyle BMX. « L’éditeur était en train de passer aux lignes téléphoniques à tarif réduit. Il m’a dit : “J’arrête les magazines… Ça te branche, Mark ?” Je me suis donc chargé des photos, des histoires et de monter le magazine, ce qui n’avait rien à voir avec un fanzine bricolé chez soi ! Mais mon frère Chris et moi, on savait bien que si on ne s’en chargeait pas, personne ne le ferait pour nous. » Plus tard, alors que le BMX devient un sport respectable et est admis aux Jeux olympiques en 2008, Mark Noble prend la direction d’autres magazines de BMX comme Invert et Ride UK BMX. En 2021, le confinement lui donne enfin l’occasion de se repencher sur cette époque exceptionnelle, et de trier parmi des milliers de vieilles photos qui vont donner naissance à un livre, Emulsion, baptisé ainsi en hommage à la partie photo de Ride BMX, et parce que tout était couché sur pellicule. Les photos présentées ici ne constituent qu’une infime partie des centaines sélectionnées par ses soins pour cette déclaration d’amour de 288 pages, à l’âge d’or méconnu du BMX, en Angleterre. « Des années 90 jusqu’au début des années 2000, le BMX était vraiment underground, précise-t-il. Si vous étiez ado à l’époque, vous devez vous en souvenir. Sans équipe de tournage ni premiers secours ni couverture médicale, le chaos régnait en maître parmi ces milliers de jeunes réunis au cours d’un jam pour vivre leur passion. Une époque formidable, l’apothéose du BMX. » Texte TOM GUISE 68
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Test de BMX, Hampshire, 1993 « Geoff Cain sur une rampe cachée dans le jardin. Un de mes amis, Steve Geall, se préparait à lancer Zima, une entreprise de cadres de vélos. Il soudait ses propres modèles. Geoff et son frère Doug en ont récupéré un que nous sommes aussitôt allés tester dans cette planque. » THE RED BULLETIN
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BMX Mania
En haut : Broadmarsh Banks, Nottingham, 1988 « Ce coin de rue était leur spot préféré (de gauche à droite : Shaun Allison, John Yull, Ross Marshall, ndlr). Ces riders avant-gardistes ont fait connaître Nottingham dans le monde entier. Yull était mon ennemi juré, on se mesurait lors de chaque compète de flat. »
Ci-dessus : Southbank, Londres, 1987 « Le Southbank Undercroft d’origine, pas encore recouvert de panneaux. Celui en train de faire un kickturn s’appelle Sid ; au premier plan, c’est Dave Slade, un des précurseurs du street. Il a insufflé des éléments du skate dans le BMX en faisant des wall-ride et en inventant des tricks. Il faisait des vidéos avant tout le monde au UK. C’est un réalisateur qui vit désormais à L.A.. (Slade a notamment réalisé les films Hard Candy (2005), Twilight, chapitre III : Hésitation (2010) et Black Mirror: Bandersnatch (2018), ndlr) » 70
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Centre de loisirs Sobell, Londres, 1987 « Le pro américain Ron Wilkerson sous les couleurs de Haro avant de lancer sa propre marque, Wilkerson Airlines. Cet événement, Holeshot, marque un moment charnière : le BMX est sur le déclin, la fin approche, mais tous ceux présents en auront un souvenir impérissable. C’est l’une des dernières fois que des freestylers sont équipés comme ça. La mode des jeans et tee-shirts est arrivée, tout le monde s’est mis aux shoes Vision Street Wear et aux Swatch. »
Scott Carroll, Dorchester, 1990 « La rampe était dans le jardin de mes parents. Scott Carroll avait toujours les derniers modèles Haro : c’était la marque de vélos la plus cool. Son BMX est un Haro Master Bashguard. Super photogénique et sponsorisé, il avait un style semi-agressif de malade. Ce mec était tout simplement unique. Malheureusement, il s’est suicidé il y a quelques années. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles j’ai voulu faire ce livre : rendre hommage à tous ces riders qui ne sont plus parmi nous, quelle qu’en soit la raison. Scott était l’un d’entre eux, je l’aimais beaucoup. »
BMX Mania
« Mon livre rend hommage à tous ces riders qui ne sont plus parmi nous. »
Backyard Jam, Hastings, 1993 « La Backyard Jam était un événement annuel organisé par Stuart Dawkins. Concours de rampe un jour, dirt jump le lendemain, chaque année un peu plus extrême et populaire jusqu’à devenir un mini festival. Ce Renault Espace est rempli d’Écossais (Team Sano, ndlr). À l’époque, on faisait des centaines de kilomètres pour retrouver ceux qu’on n’avait pas vus depuis un an. Les bières sont déjà sorties, le contest est terminé et on se prépare à aller voir un concert au bar du coin. »
Atelier Reaction, Dorchester, 1994 « Dans les années 90, la qualité du matos laissait à désirer, certaines pièces cassaient tout le temps. Rob Ridge (photo) réparait tout, des freins aux pattes en passant par les moyeux, avec sa touche personnelle. Ça marchait bien pour lui. » THE RED BULLETIN
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BMX Mania
À gauche : Jason Davies, 1993 « Jason, décédé l’an dernier, était l’un des meilleurs riders sur rampe. Équipé d’un casque Bell Moto 5 personnalisé Motörhead, et d’une protection dorsale, parce que se vautrer pouvait faire très mal. »
À droite : Paul Roberts, 1992 « Une légende du BMX. Son style de saut radical promettait toujours de super photos. Il nous contactait souvent parce qu’avec son sponsor, il avait besoin de couverture médiatique. Il est lui-même devenu un photographe accompli et vit à Los Angeles où il poursuit une carrière de chanteur-compositeur. »
Chester, 1989 « On est tombés sur ce skatepark des années 70 par hasard. Une partie avait été (délibérément) détruite mais on a réussi à trouver des endroits praticables. Sur le mur, c’est encore Dave Slade en action. » 74
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« Si vous étiez ado dans les années 90, cette photo ravivera vos souvenirs. » King of Concrete, Southsea, 1998 « C’était un événement annuel. Le rider était un Allemand avec un pur style : Alex Bender. Et c’était l’un des premiers contests sponsorisés par Red Bull, dont on aperçoit l’énorme canette gonflable en arrière-plan. Une compagnie de boissons avec un gros chéquier veut sponsoriser des trucs ? On fonce ! »
King of Vert, Mansfield, 1990 « Un moment fondateur du BMX : Mat Hoffman (pro américain et l’une des icones ultimes du BMX, ndlr) réalise un flair (un backflip combiné avec un 180, ndlr) qu’il vient d’inventer sur le moment. Quand il l’a posé, les gens sont devenus dingues. C’était du genre : “Tu étais là quand Mat a fait ce truc ?” On s’est dit que le BMX était en train de changer de dimension. » 76
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BMX Mania
« C’était passionnant de voir arriver la nouvelle génération de riders. »
Spot de Bexhill, 1990 « Beaucoup de choses sur cette photo. Et des grosses pointures. Le mec à gauche sur son vélo est Keith Duly, d’Hastings. Une légende locale qui dirige maintenant un super park BMX appelé JumpClub. Au premier plan, c’est Stu Dawkins, qui a crée le magasin Backyard (rebaptisé Seventies, ndlr). C’était les premiers jours de Backyard et toutes les personnes présentes ont participé à l’industrie du BMX en Grande-Bretagne. »
Urban Games, Clapham Common, Londres, 2001 « Un tout jeune Bas Keep. On était genre : “Attention à ce gamin, il progresse vite.” Il était bon. C’est dans les années 2000 qu’il a commencé à se faire un nom. C’était passionnant de voir arriver la nouvelle génération : les plus vieux d’entre nous montaient leurs boîtes, organisaient des événements, ou avaient tout simplement vieillis, et de jeunes riders comme Bas, Owain Clegg et Ali Whitton faisaient leur apparition. » Le livre Emulsion: Photos of BMX From 1987 to 2004 de Mark Noble est dispo dès maintenant en 250 exemplaires ; emulsionbmx.bigcartel.com. THE RED BULLETIN
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Red Bull France SASU, RCS Paris 502 914 658
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PERSPECTIVES Expériences et équipements pour une vie améliorée
DE BAS EN HAUT !
GLORIA RAMIREZ PHOTOGRAPHY @GLORIAPATTYPHOTO AND MATT RAY
MATT RAY
L’escalade sur l’île grecque de Kálymnos en mer Égée
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PERSPECTIVES voyage
« Nous gravissons une paroi de 30 mètres nommée Ghost Kitchen. J’en oublie presque de respirer. » Matt Ray, grimpeur et écrivain voyageur
chute dans le vide un instant. La corde fixée à mon harnais se raidit puis se bloque brusquement dans le mousqueton vissé au rocher. Une secousse traverse mon corps et la chute s’arrête. Impuissant, je remue dans le vide, bercé par le vent. Une incroyable vue s’offre à mon regard : une sorte de plafond orange recouvre la cuvette de pierre qu’on aurait dit sculptée par un titan de la mythologie grecque. Au loin s’étendent des prairies rocheuses tapissées de thym sauvage. Et plus bas encore scintille la mer Égée bleu azur. Jamais chute ne fut aussi belle.
L’île aux 3 400 voies
Conseils d’un champion du monde L’Italien Stefano Ghisolfi, actuel champion du monde IFSC d’escalade en plomb (aussi appelé lead climbing, qui est de l’escalade avec corde), est l’un des meilleurs grimpeurs au monde. 80
Voyage Transport : un vol pour Kos, l’île voisine, puis direction le port de Mastichari (en bus ou en taxi depuis l’aéroport) puis, un ferry pour Kálymnos (temps de traversée : 30 à 45 minutes). Se loger : entre le MasouriBlu Boutique Hotel, l’hôtel Elena Village et ses nombreuses chambres, les nombreux appartements destinés aux grimpeurs — l’hébergement est disponible dans le village Masouri ou dans des localités à proximité des falaises.
elenahotels.com THE RED BULLETIN
MATT RAY
Kálymnos n’est devenue un haut lieu de l’escale que récemment. C’est dans les années 1990 que les grimpeurs sportifs découvrent cette partie de l’archipel et l’incroyable diversité de ses formations calcaires. Le guide d’escalade actuel édité en 2019 y répertorie 3 400 voies alors que l’édition de 2015 en listait 2 700. De nouvelles voies viennent sans cesse allonger la liste. Kálymnos est pour moi l’occasion de tester mes limites. Les pitons en acier inoxydable fixés dans la paroi et dans lesquels on accroche la corde font de l’escalade sportive la plus sûre de toutes les formes d’escalade. Le niveau de difficulté des voies de l’île va de 4 à 9. Avec mon niveau d’expérience, le Ghost Kitchen, de niveau 6c+, constitue un beau défi après deux années où seule la grimpe en salle était possible. En revanche, les voies de niveau 8 et 9 sont si exigeantes que seule l’élite internationale s’y frotte.
MATT RAY, GETTY PREMIUM
L
a main recouverte de craie blanche, je tâtonne le calcaire orange et saisis une saillie. Mon avant-bras brûle sous l’effet de l’acide lactique. Le sol est 30 mètres plus bas. « Garde le corps tendu », m’exhorté-je avant de contracter les muscles du tronc si fort que j’en oublie presque de respirer. Nous gravissons la voie Axium sur un rocher au nom fantomatique de Ghost Kitchen, classé 6c+, c’est-à-dire d’un niveau de difficulté moyenne à élevée. La paroi Ghost Kitchen, sur l’île grecque de Kálymnos, dans l’archipel du Dodécanèse, est l’une des nombreuses formations calcaires idéales pour l’escalade. Je prends une vive inspiration et enfonce mes doigts dans une cavité. Puis, je prends appui avec mon pied droit sur une minuscule saillie oblique afin de me propulser vers le haut. Mon corps se crispe. Mes bras s’engourdissent. Mes doigts lâchent et je m’entends hurler : « Je tombe ! » Mon corps
PERSPECTIVES voyage Page de gauche : notre p rotagoniste sur la voie 7b Omiros dans le secteur Odyssey ; ci-contre : Stefano Ghisolfi, grimpeur de classe mondiale, sur l’Atena Wall (6b+) ; ci-dessous : la plage de Masouri : idéale pour piquer une tête après l’effort. Page 79 : l’écrivain voyageur Matt Ray, non sujet au vertige, empruntant la voie Axium (6c+).
À Kálymnos, il affectionne tout particulièrement le secteur Odyssey. Cette falaise plus isolée offre une palette de voies allant du débutant au 8b. Avant de rentrer dans le vif du sujet, le jeune homme de 28 ans m’accompagne pour une séance d’entraînement et me donne des conseils pour surmonter la peur de la chute. « Je me fixe toujours des objectifs intermédiaires, explique-t-il. Cela améliore ma concentration et décompose un grand défi en une série de petits objectifs réalisables. Se concentrer sur un objectif permet d’oublier sa peur et de booster la motivation. » Sur le secteur Odyssey, le coach Loukas Dourdourekas (le premier Grec à avoir réussi une voie 8c+) m’aide à THE RED BULLETIN
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PERSPECTIVES voyage
Cinq conseils d’initiés pour Kálymnos La location d’un deux-roues et un peu de marche vous donneront accès à la totalité des sites d’escalade. Les magasins spécialisés en escalade ne manquent pas à Masouri. Le manuel Kálymnos Climbing Guidebook (2019) répertorie la plupart des sites d’escalade de l’île et l’application gratuite Vertical-Life fournit les infos topo. Si les hébergements à Masouri sont complets, de nombreuses solutions existent à proximité des falaises notamment dans les villages d’Arginonta et de Panormos. Prévoir une veste de type polaire. Au printemps et en automne, les températures peuvent être très fraîches le soir et tôt le matin.
Turquie Grèce Bodrum
Kálymnos
Kos
Éloge de la lenteur J’explore du coup des options que je n’aurais pas envisagées auparavant. Et ça marche : sur une minuscule saillie rocheuse, mon orteil soutient à lui seul le poids de mon corps. Après avoir essayé de grimper une trentaine de mètres d’un seul élan, Dourdourekas m’indique une autre erreur classique : « Profite des grandes saillies rocheuses pour te r eposer un instant et secouer les bras – tu dois apprendre à ralentir. » Apprendre des grimpeurs plus expéri82
« Mon orteil soutient à lui seul le poids de mon corps. »
mentés est une vieille tradition de ce sport. Lors de ma tentative suivante sur Axium, j’avais les mots de Loukas en tête. Cette fois, je guette les endroits où je peux souffler. À 35 mètres de hauteur, je m’appuie latéralement sur la paroi, en gardant mes bras aussi droits que possible. En arrivant à nouveau au passage décisif, là où j’ai échoué la fois précédente, je constate qu’il me reste suffisamment d’énergie et d’endurance. Une fois au sommet, je pousse un cri de victoire et sens l’endorphine envahir mon corps. En me retournant, je vois en contrebas la mer qui scintille. C’est encore plus beau vu d’en haut.
Matt Ray est écrivain et photographe spécialisé dans les sports d’action. Il a grimpé partout : des falaises de grès du Peak District, en Angleterre, aux parois désertiques du Wadi Rum, en Jordanie. adventurefella.com THE RED BULLETIN
MATT RAY
transposer l’expérience de l’escalade acquise en salle sur un rocher naturel. « En salle, les prises tendent à être similaires et relativement spacieuses, explique Dourdourekas. Dans la nature, le défi est tout autre. Il faut avant tout ne pas craindre de poser le pied sur de toutes petites prises. »
MATT RAY
Un panorama idyllique depuis les rochers de l’île à la tombée de la nuit.
DAVID GUETTA | MARTIN GARRIX PAUL KALKBRENNER CHARLOTTE DE WITTE | DAMSO ANFISA LETYAGO | ARTBAT | BON ENTENDEUR DJ SET FEDER | FOLAMOUR A/V SHOW | GIORGIA ANGIULI LIVE | KAS:ST LIVE KIDDY SMILE DJ SET | KUNGS | LALA &CE | MONOLINK | OBOY POUPIE | REINIER ZONNEWELD LIVE | VLADIMIR CAUCHEMAR ANDY4000 | BANGA | BIRDS OF MIND | BORIS WAY | CAMION BAZAR B2B LA MAMIE’S CLAIRE BREILLY | CUT KILLER | DJ LAG | FL!M | HEADER | J9UEVE | JÄDE | JWLES LA FAMILLE MARABOUTAGE | LE PEDRE | MAD REY | MAKOTO SAN | MEHDI MAÏZI "MOUSE PARTY" MICHEL | MOULLINEX | MR ID | PARALLELLS | RONI | S+C+A+R+R | TOBHI TM | UMBREE
PERSPECTIVES gaming
Construite par les designeurs de Teenage Engineering, la console Playdate sera bientôt déclinée en enceinte-porte- stylo Bluetooth.
JOUER
Coup de pouce L’histoire longue et sinueuse d’une machine de jeux née par amour et qui renverse l’art du gaming.
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conception a viré au fiasco. L’anniversaire est passé, onze ans aussi. Puis, en avril dernier, la console a vu le jour. Dotée d’un écran en noir et blanc, la Playdate reçoit par Wi-Fi deux nouveaux jeux par semaine pendant douze semaines. Et la manivelle est utilisée pour jouer à nombre d’entre eux, notamment Crankin’s Time Travel Adventure (photo), qui permet aux joueurs d’avancer et de reculer dans le temps. Playdate est si populaire que les commandes passées aujourd’hui ne seront pas expédiées avant 2023. Mais la patience sera récompensée. play.date
AARON LEE
« Et si on ajoutait une manivelle ? » Voici l’une des idées mises en avant lors du développement de Playdate, la console de jeux ci-dessus. Tout a commencé en 2011 avec une idée de Steven Frank et Cabel Sasser de Panic Inc., une société américaine de logiciels qui fabrique des applis de transfert de fichiers et de lecteurs MP3. Pour leur quinzième anniversaire, ils voulaient offrir à leurs clients les plus fidèles un cadeau spécial. Malgré leur manque d’expérience en informatique, ils ont décidé de construire une console portable. La rencontre avec l’agence chargée de la
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PERSPECTIVES gaming JOUER
Le père diabolique
SABER INTERACTIVE, ANDY CAMPBELL
TOM GUISE
Dans les films Evil Dead, le héros est possédé par des démons. Dans le jeu, il est possédé par son fils IRL. Andy Campbell, joueur américain et streameur sur Twitch, est, selon ses termes, « le nerd de la famille » qui a grandi en jouant à la Nintendo. Son père n’a jamais partagé son hobby : « Nous n’avons joué qu’à un seul jeu ensemble : Grand Theft Auto 5. » Aujourd’hui, à 34 ans, il peut jouer à des jeux avec son père, Bruce Campbell, l’acteur qui incarne Ash, le héros de la série télé et du film d’horreur Evil Dead, depuis le premier film en 1981, et qui fait la voix du même personnage dans Evil Dead: The Game. « Ils ont fait un travail incroyable, déclare Campbell à propos de l’avatar de son père dans le jeu. Papa était très satisfait de la façon dont ils l’avaient représenté. » En grandissant, Campbell était conscient de la célébrité culte de son père. « Cela n’a jamais été un obstacle. Nous pouvions toujours aller dîner au restau. » Bruce, quant à lui, a essayé de protéger son fils de ses films d’horreur. « Il ne voulait pas que je les voie quand j’étais enfant, se souvient-il. Alors, à 10 ans, je me suis débrouillé pour voir Evil Dead 2 tout seul. Cela m’a effrayé. Peut-être que le fait de voir mon père traverser tout ce qui se passe dans le film est la raison pour laquelle il m’a autant affecté. » Première leçon : écoutez toujours votre papa ! Quelles sont les autres leçons que Campbell a apprises de son père sur la vie, les jeux, l’industrie du cinéma et la lutte contre les morts- vivants ? Comme Ash luimême le dit dans Evil Dead 2 lorsqu’il insère son « boomstick » dans la bouche d’un Deadite qui menace d’engloutir son âme : « Avale ça. » THE RED BULLETIN
Toujours être le dernier debout
L’attrait durable de Ash dans la franchise Evil Dead tient à ceci : il est la seule personne encore en vie à la fin de chaque film. C’est une philosophie que Campbell applique à ses sessions de jeu sur Evil Dead. « N’ayez pas peur de vous enfuir. Parfois, être le héros signifie ne pas être le héros. Dans les films d’horreur, il y a toujours un personnage qui est un poids mort. Laissez le plus lent se faire dévorer. »
« À 10 ans, Evil Dead 2 m’a foutu la frousse. » Andy Campbell
Restez fidèle à vous-même
Le plus grand conseil que le père de Campbell lui ait donné ? « Si tu ne triches pas, tu n’essaies pas », cite-t-il. Avant d’ajouter : « Non, sérieuse-
ment, c’était : “Poursuis ce que tu veux accomplir.” Il ne m’a pas vraiment poussé dans le show-business, mais il ne m’en a pas non plus écarté. Il sait combien il est difficile de percer dans cette industrie. Mais si je devais m’y lancer, il me soutiendrait. »
Ne lâchez rien
Après avoir été témoin de la langue acérée de Ash dans les films Evil Dead, on pourrait s’attendre à ce que Bruce soit le même en dehors de l’écran, mais Campbell révèle un côté plus doux de son père : « Il est aussi cool qu’il a la langue bien pendue. » En tant que joueur, cependant, Campbell a sa propre ligne de conduite dans le domaine de l’humour. « J’ai une expérience des jeux de combat compétitifs, et j’ai eu mes moments où j’étais assis à côté d’un adversaire avec de l’argent en jeu. » Son conseil à tous ceux qui ne peuvent pas supporter les crachats : « Deviens bon ou abandonne. Cela le poussera à faire encore plus d’efforts. »
Respectez vos aînés
« En vieillissant, nous devenons comme nos parents », a observé l’auteur britannique Neil Gaiman. L’ayant expérimentée virtuellement, Campbell trouve l’expérience cathartique. « J’aime ça. J’ai aussi joué le rôle de papa dans d’autres jeux. Dans Evil Dead: A Fistful of Boomstick, il y a un bouton qui lui permet de balancer des répliques. Et dans Dead by Daylight, vous pouvez entendre ses gémissements étranges tout au long du jeu. Pour moi, il n’y a rien de bizarre à cela. » Dans le jeu, Ash utilise son Power Glove, une prothèse de main construite pour lui dans la série télévisée Ash vs Evil Dead.
Evil Dead: The Game sur Xbox, PlayStation et Windows ; evildeadthegame.com 85
C’est parti ! Courir, c’est bon pour le corps et l ’esprit. L’idée, c’est de partager sa passion, les courbatures, l’adrénaline et la bonne humeur avec une communauté. Alors, équipez-vous et trouvez votre famille de coureurs. Photos EDD HORDER Stylisme JAMES SLEAFORD
Osman (à gauche) porte un tee-shirt NIKE Dri-Fit Academy, nike.com ; des leggings THRUDARK Force Velocity, thrudark.com ; des c haussures SCOTT Speed Carbon RC, scott-sports.com ; des gants EVERLAST Fitness, everlast.com ; et son propre short. Abel porte un tee-shirt SATISFY RUNNING MothTech, un short Space-O 2.5’’ Distance et un legging Justice, s atisfyrunning.com ; des chaussures UNDER ARMOUR UA HOVR Sonic 4 Storm Running, underarmour.fr
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Nyoka porte une veste NEW BALANCE Printed Impact Run Light Pack, newbalance.fr ; un tee-shirt MONS ROYALE Tarn Merino Shift, eu.monsroyale.com ; un bandana SATISFY RUNNING, un short TechSilk 8’’ et un legging Justice, s atisfyrunning.com
En haut, depuis la gauche : Osman et Abel portent les mêmes tenues que sur la page d’ouverture ; et des gants EVERLAST Fitness, everlast.com En bas, depuis la gauche : chaussures de course SAUCONY Triumph 19, saucony.com ; chaussures SCOTT Speed Carbon RC, scott-sports.com ; autres modèles de chaussures personnels. En bas, à droite : Abel, vêtu comme sur la page d’ouverture. THE RED BULLETIN
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Sepehr porte : un hoodie en coton MONTANE Off Limits, montane.com ; un short 2 en 1 THRUDARK Force Velocity, thrudark.com ; et un legging de course personnel.
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Jerry porte un pull MONS ROYALE Tarn Merino Shift Wind, eu.monsroyale.com ; un collant taille haute LULULEMON Base Pace, lululemon.fr ; sac à dos de trail MONTANE Trailblazer LT 20L, montane.com
Kens Kampf-Grimasse Riverside Park, 1982
Ken Swift, an influential member of the Rock Steady Crew, performs at a jam in Manhattan’s Riverside Osman porte un gilet Park. Here Swift demonstrates a THRUDARK Grunt, as ‘mad facial gesture known thrudark.com en plus mugsy’, which;was inspired by mardes arts mêmes êtements tial filmvstar Bruce Lee and inque sur to la intimidate double page tended rival breakers d’ouverture. in a battle.
Abel porte un hoodie en coton biologique SATISFY RUNNING, s atisfyrunning.com
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Nyoka porte un tee-shirt MONS ROYALE Tarn Merino Shift, eu.monsroyale.com
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Martha Cooper Claude porte : un t ee-shirt à manches longues SATISFY RUNNING Cloud Merino, satisfyrunning.com ; et ses effets personnels.
Assistant photographe JAMES BARRETT Assistant stylisme FLORRIE BARBER Mannequins ABEL, JERRY, NYOKA, OSMAN et SEPEHR Remerciements CLAUDE UMUHIRE, VICTOR MACAULEY et LUCY RICHARDS de la communauté The Running Charity
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Pour finir en beauté
Fin 2020, la pandémie frappe à nos portes. Mais l’élite des big wave surfeurs converge vers le spot de Nazaré pour inaugurer la saison de grosses vagues. Parmi eux, Justine Dupont s’apprête à vivre les quatre mois les plus intenses de sa vie. Après une session inaugurale dantesque au Portugal, la Française met le cap sur la Californie et se frotte à Mavericks. Puis ce sera Hawaï et Jaws, la « mâchoire » impitoyable (photo). Le documentaire À la folie retrace avec sensibilité ce périple inoubliable. À voir sur Red Bull TV.
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Le prochain THE RED BULLETIN sortira le 18 août 2022.
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8’850 KM Le 5 octobre 1931, Clyde Pangborn et Hugh Herndon Jr., deux courageux aviateurs américains, ont effectué pour la première fois de l’Histoire un vol transpacifique sans escale, du Japon aux États-Unis. Ils décollèrent puis atterrirent 41 heures plus tard à Wenatchee, Washington, après avoir parcouru une distance de 8’850 km. Il s’agissait alors du plus long vol jamais effectué au-dessus de l’eau.
PIONNIERS DANS LA MAÎTRISE DES FUSEAUX HORAIRES
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