3106 Novembre Extrait

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PREMIER PLAN

L’actu vue par...

Cheikh Fall « Nos dirigeants doivent nous écouter » Critiqué pour avoir accepté de donner la réplique à Emmanuel Macron lors du sommet Afrique-France, l’activiste sénégalais répond à ses détracteurs.

Craignez-vous une fracture générationnelle en Afrique ? Il existe un véritable fossé entre les exigences de démocratie et de transparence exprimées par la jeunesse africaine et les réponses apportées par ses dirigeants. Qualifieriez-vous le sommet de Montpellier de rupture ? Son format en a déjà la forme. Les actes qui en découleront, les engagements pris, confirmeront ou non qu’il y a vraiment rupture. Les annonces de la France sont encore bien éloignées de nos exigences. Elle doit changer de posture, se montrer moins condescendante, moins paternaliste. Le Fonds pour la démocratie, par exemple, est une bonne idée, mais elle ne doit pas le financer à 100 %. Il y a suffisamment de mécènes sur le continent qui peuvent participer. C’est une question de respect mutuel,

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JEUNE AFRIQUE – N° 3106 – NOVEMBRE 2021

à l’image de ce que doit être la relation de l’Afrique avec la France. Quelles conséquences a sur cette relation l’arrivée d’autres acteurs (chinois, russes, turcs…) ? La France perd beaucoup de terrain. Pour le continent, c’est un moment important, il s’agit de ne pas répéter les erreurs passées. La définition de nouvelles relations avec de nouveaux pays partenaires doit mettre en avant les intérêts de l’Afrique, en écoutant ses populations. Pour l’instant, nous voyons les Chinois s’emparer des terres, les Russes interférer dans nos processus démocratiques, sans que les Africains aient leur mot à dire. C’est intolérable. Le continent doit s’ouvrir pour se développer, mais dans le respect de ses valeurs, en faisant preuve d’un vrai courage politique et d’une vision à long terme, fondée sur la transparence et la planification en matière de coopération. Ne craignez-vous pas un décalage entre les activistes africains « 2.0 », que vous symbolisez, et la jeunesse ? Nous sommes la partie de la population qui accepte de parler, de s’engager, en dehors de son salon. Celle qui se confronte à l’exercice citoyen de la parole libre. Il n’existe aucun décalage, aucune friction. L’activiste est aujourd’hui le mieux indiqué pour porter la voix d’une population dont il partage les mêmes difficultés au quotidien. Olivier Caslin

CF

Jeune Afrique : N’avez-vous pas craint d’être otage de l’agenda d’Emmanuel Macron en vue de la présidentielle française? Cheikh Fall : Nous n’étions pas venus en France pour faire de la politique française, mais pour nous faire entendre. Il fallait profiter de cette tribune très médiatisée pour porter un message radical. Paris s’est engagé à nous écouter et l’a fait. Ma préoccupation porte maintenant sur la réaction des responsables politiques africains. J’espère qu’à leur tour ils sauront écouter ce que les Africains ont à leur dire.


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