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PARTI PRIS
Ludovic Lado PrĂȘtre jĂ©suite
Pédocriminalité : le silence coupable du clergé africain
pour quâil assume ses responsabilitĂ©s parentales. Aussi, les racines culturelles de la relativitĂ© du « concept de minoritĂ© » en Afrique ne sont pas de nature Ă favoriser la judiciarisation des cas dâabus. Dans certains contextes, lâadolescente est perçue comme mariable et est donc, « naturellement », cible de convoitises sexuelles. Ainsi, peu de parents chrĂ©tiens Ă©bruitent les aïŹaires impliquant un membre du clergĂ©. Ils privilĂ©gient les arrangements Ă lâamiable donnant lieu Ă une pragmatique prise en charge totale des besoins de lâenfant.
Devoir de vérité
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ans lâhistoire rĂ©cente, aucun scandale nâa autant terni lâimage de lâĂglise catholique que la pĂ©docriminalitĂ©. PassĂ©e sous silence au cours du long pontificat de Jean-Paul II, elle est rĂ©vĂ©lĂ©e sous ceux de ses deux successeurs, BenoĂźt XVI et François, qui ont pris le risque dâouvrir la boĂźte de Pandore. AprĂšs les Ătats-Unis, lâAngleterre, lâIrlande, lâAustralie⊠oĂč des enquĂȘtes indĂ©pendantes ont dĂ©bouchĂ© sur des rĂ©vĂ©lations accablantes et sur des sanctions qui nâont pas Ă©pargnĂ© des hauts dignitaires du clergĂ©, la France a pris le relais avec la publication, le 5 octobre, du rapport SauvĂ©. En saluant le courage de lâautoritĂ© ecclĂ©siale de ces pays occidentaux pour avoir ordonnĂ© ces enquĂȘtes ou pour sây ĂȘtre soumis, on ne peut sâempĂȘcher de se demander ce quâil en est de lâAfrique. Ă ce jour, aucune dĂ©marche similaire nâa Ă©tĂ© entreprise. Impossible donc de citer un seul membre poursuivi ou en prison pour abus sexuels sur mineur. Faut-il en conclure que le continent nâest pas concernĂ© par ces scandales ? Depuis la publication du rapport SauvĂ©, si les
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JEUNE AFRIQUE â N° 3106 â NOVEMBRE 2021
autoritĂ©s ecclĂ©siales africaines condamnent unanimement les atrocitĂ©s mises au grand jour, leurs avis divergent sur les enjeux dâun tel rapport pour les Ăglises du continent. Il y a ceux, nombreux, pour qui la question des abus sexuels ne se pose pas dans les mĂȘmes termes au Nord et au Sud. Selon eux, si en Occident la plupart des victimes sont des garçons, en Afrique, ce sont presque exclusivement des filles ou des femmes. Il arrive
Si le problĂšme se pose diïŹĂ©remment au Nord et au Sud, un abus reste un abus. quâune grossesse de mineure soit attribuĂ©e Ă un membre du clergĂ©. Mais ces cas, pour lesquels on ne dispose dâaucune statistique, font rarement lâobjet de poursuites judiciaires. Quand lâaïŹaire est rendue publique, les Ă©vĂȘques procĂšdent gĂ©nĂ©ralement au renvoi du concernĂ©
Une autre frange du clergĂ© africain, plutĂŽt minoritaire, estime que lâĂglise catholique devrait prendre les devants pour dire sa part de vĂ©ritĂ©. Bien que le problĂšme ne se pose pas dans les mĂȘmes termes partout, un abus reste un abus et mĂ©rite lâattention de lâinstitution. Elle gagnerait Ă tirer les leçons de rĂ©paration en cours dans les Ăglises occidentales rattrapĂ©es par leur passĂ© de dissimulation et de complaisance. TĂŽt ou tard, elle se verra contrainte de livrer la rĂ©alitĂ© de son passĂ©. Autant le faire aujourdâhui de sa propre initiative. On peut aussi envisager que le pape impose cette politique de vĂ©ritĂ© Ă toutes les congrĂ©gations catholiques. Si beaucoup pensent que la pĂ©docriminalitĂ© dans le clergĂ© reste un phĂ©nomĂšne marginal en Afrique, comment en ĂȘtre sĂ»r en lâabsence de statistiques que seules des enquĂȘtes indĂ©pendantes permettent dâobtenir? Le clergĂ© connaĂźt aussi diïŹĂ©rents « scandales dâenfants de prĂȘtres » qui, sans ĂȘtre nĂ©cessairement liĂ©s Ă des crimes sexuels, posent la question du cĂ©libat ou de la chastetĂ© des curĂ©s. Des investigations sur cette part de leur vie intime pourraient rĂ©vĂ©ler bien de choses que lâĂglise prĂ©fĂšre pour lâinstant cacher. Mais, lĂ aussi, jusquâĂ quand ?