Supplément au Palazzi A Venezia Juin 2023

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Agnès Baillon

Marion Tivital

La maison de Henri Matisse est à vendre

5 erreurs architecturales majeures

Napoli a Paris au Louvre

Bruno Walpoth

Entretien avec Françoise Gilot

Aldo Larosa

Jack Hogan Vettriano

Geraldine Cario

Brigitte Méniger & Galèrie Grès

Anne Slacik

L’atelier de Gustave Courbet

Marguerite Yourcenar

Oltreterra Laine

China Now Brescia

Polemiques autour de Napoli a Paris

Les monolites impossibles

Les lumières chez Caravaggio

Nature et Culture en 1900

Eduardo Mortara Rapito

Supplément au Palazzi A Venezia Juin 2023
Photo agnesbaillon

PALAZZI A VENEZIA

Publication périodique d’Arts et de culture urbaine de l’association homonyme

régie par la Loi de1901

ISSN/Commission Paritaire : en cours

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Directeur de la Publication

Vittorio E. Pisu

Comité de Rédaction

Marie-Amélie Anquetil

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Vittorio E. Pisu

Rédactrice S’Arti Nostra e Sardonia

Luisanna Napoli

Ange Gardien

Dolores Mancosu

Supplément à l’édition de Palazzi A Venezia du mois de Juin 2023

Tous droits reservés

Projet Graphique Maquette et Mise en Page

L’Expérience du Futur

Correspondance

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e ne résiste pas à l’envie de vous faire part des expositions que SARDONIA, notre consœur émérite avec qui nous partageons les moyens éditoriaux et les bureaux, organise inlassablement en Sardaigne (à peine 2 heures de vol de Paris à des prix concurrentiel avec Ryanair et EasyJet depuis Juin en septembre) outre Cagliari maintenant au Musée du Vin à Berchidda riante localité du Nord de cette ile merveilleuse, où depuis 37 ans sévis «Time in Jazz», festival musical organisé par Paolo Fresu, le trompettiste bien connu, et qui étend son offre avec Insulae Lab depuis l’année dernière, nous offrant l’opportunité de vous proposer une série de 7 exposition de mai à octobre.

Voir le poster ci dessous. Par contre dans la perspective d’une cessation des expos à l’Arrubiu Art Gallery Café en attendant l’ouverture de La Chambre de l’Artiste, espace de travail d’exposition et de résidence proposè aux artistes en voie de construction, vous pourrez contempler mes linoleographies sur les Casotti de la plage de Cagliari al Costadoria Showroom Agricole entre le 24 et le 30 juin prochain sans compter les vues de Cagliari esposées à la Libreria della Via Sulis presque en face où je ferait aussi des demonstrations de gravure sur linoleum.

Je vous attends.

epuis la création simultanée à Paris et à Cagliari des associations SARDONIA, trente années se sont écoulées.

Cela se fête n’est ce pas?

En ce moment au nord de la Sardaigne dans la ville rendue mondialement connues aux amateurs de Jazz, Berchidda, le Musée du Vin accueille une série d’exposition qui, après les aquarelles de Alberto Miscali, nous présentent les photographies de Angela Ciboddo, charmante habitante de la région, avant les sœurs Pedoni peintres qui seront suivies en juillet per les photographies de Dolores Mancosu que nous avons déjà exposé à plusieurs reprises et que nous avons hébergé dans ces pages même il y a pas si longtemps.

Ensuite la peintre Laura Zidda nous montrera ses toiles très urbaine, suivie par Antonella Marini architecte mais aussi peintre et photographe, et même auteur et interprète de chansons et de textes théâtraux. Pour finir Michelle Pisapia, grandissime peintre de talent clôturera la série, en espérant pouvoir renouveler l’expérience l’année prochaine. Inch Allah.

Pa contre nous attendons fébrilement le feu vert pour un espace d’exposition que nous convoitons depuis des mois dans le centre même de Cagliari et a deux pas de nos bureaux pour ne rien gâcher.

Espérons pouvoir dès le mois prochain vous proposer une série d’exposition et non seulement d’artiste femmes mais aussi de l’autre moitié du ciel.

Dans ce numéro, comme d’habitude sautant du coq à l’âne nous espérons que vous trouverez votre bonheur en découvrant quelques nouveautés ou en approfondissant des thèmes déjà connus.

Vous trouverez que souvent on parle des mêmes, mais c’est justement parce que on aime leur travail que nous avons rencontré personnellement et nous en avons été particulièrement impressionné.

C’est vraie que certaine expositions de nos préférées se situent un peu loin mais lorsque le mois dernier nous constations avec quelle aisance Jules César et Cléopâtre se déplaçaient en leur époque, je pense qu’aujourd’hui cela devrait être plus facile, n’est ce pas?

Nous n’avons pas besoin de nous attarder sur l’exposition Napoli à Paris, dont tous le media ont du vous faire l’article ad nauseam, mais nous n’avons pas résisté à l’envie de vous faire part même des polémiques désormais usuelle que cette manifestation suscite tout en vous invitant à la visiter parce que c’est vraiment intéressant et je pari que vous ne manquerez pas cette occasion.

Nous sommes aussi ravi de vous présenter un photographe que nous avons découvert il y a quelques temps et avec cette publication nous voulons réparer l’oubli de ne pas l’avoir cité plus tôt comme il mèrite assurément. A suivre.

Nous attendons aussi de pouvoir ramener à Paris l’exposition Collettiva de Fotografia, que nous avons montré ad Oristano, ad Iglesias, puis à Cagliari, en attendant peut être une nouvelle exposition dans un endroit prestigieux avant la capitale française dont cinq des exposé sont natifs ou résidents.

A propos des monolithes impossibles, j’ai remarqué que certains commentateurs s’obstinent à vouloir nous faire croire que avant nos civilisations bien connues d’autres depuis disparues nous ont précédés.

Tout à coup je me demande si ces civilisations qui ont occupé cette planète avant notre tour ne se seraient par hasard exctintes tout simplement parce qu’ils avaient détruit leur même habitat? Un peu ce que nous sommes en train de faire allégrement et avec la certitude qu’il est déjà trop tard pour faire machine arrière et ce n’est pas parce que l’on va remplacer les véhicules individuels polluants avec des électriques encore plus polluants à fabriquer que cela va arranger le schmilblick.

L’histoire n’est pas avare d’exemple de dénégation qui se veulentt toujours plus radicales lorsque tout est déjà perdus. Sans compter sur les complottistes de tout genre duquel les terrapiattiste ne sont pas exclus.

Quand on réalise que 2500 avant notre ère on savait déjà que non seulement la Terre était ronde mais on en avait calculé le diamètre précisément et ce n’est qu’en 1880 que cette idée que la Terre serait plate est apparue chez l’illuminé de service qui depuis lors a bien trouvé des followers.

Mais enfin l’été va arriver, avec les beau jours et les vacances alors plate ou pas plate qui s’en soucie ? Vittorio E. Pisu

gnès Baillon a imaginé un monde à son image : intime, sensible et calme. Elle entre dans la sculpture pendant ses études, «par accident» et pour se libérer de la rigidité de la peinture. L’artiste a commencé à sculpter ses petites figurines à l’approche de la remise des diplômes, pour relâcher la pression et découvrir à quel point elle se sentait libre dans sa création. Ses premières expositions étaient une combinaison de peintures et de sculptures. Les corps étaient peints (souvent des nageurs tandis que leurs têtes étaient coupées et montées sur des supports. À partir de 1990, elle se consacre entièrement à la sculpture, travaillant la résine, le bronze et le papier mâché.

Ses œuvres sont exposées à Paris depuis la fin des années 1990 mais aussi en région (Lyon, Poitiers, Limoges) et à l’étranger (Etats-Unis, Allemagne, Grèce). Les œuvres d’Agnès font partie de collections privées dans le monde entier : collection Treguer, Fondation Frissiras (Grèce) et Musée Wurth (Allemagne).

Agnès Baillon (née en 1963 à La Ferté-Milon, dans l’Aisne) dresse une véritable galerie de portraits et construit un monde peuplé de figurines qui oscillent entre silence et recueillement, où, malgré la ressemblance, les postures diffèrent d’un personnage à l’autre. Son exposition personnelle – intitulée « Le Grand Bain » – a lieu à la galerie Felli, à Paris, jusqu’au 14 avril : l’artiste se confie et nous explique sa démarche.

Quelle est la période de l’histoire de l’art que vous préférez – et qui vous inspire ?

Je suis passionnée par la Renaissance, j’admire les bustes religieux en bois polychrome souvent rehaussés de feuille d’or. J’ai souvent créé des bustes reliquaires contemporains : j’aime l’idée d’une sculpture dans une autre, avec des personnages à différentes échelles. Je travaille beaucoup sur le thème des portraits sculptés. Ils m’inspirent pour leur représentation hiératique et la matière du bois peint lissé puis abîmée et usée, ils donnent une vibration qui me fait penser au temps qui passe.

J’aime aussi la période

romaine, les peintures de Pompéi et les portraits funéraires des tombes romaines. Préférant retrouver les vestiges d’une époque passée, je travaille souvent sur le thème des fragments en bronze – référence aux portraits humanistes des tombes du Fayoum (Egypte ancienne).

Et dans l’art contemporain ? L’artiste qui m’inspire le plus est le sculpteur Ron Mueck (né en 1958 à Melbourne, en Australie).

Ce qui me captive dans son œuvre, c’est le vertige que l’on ressent en étant physiquement face à ses personnages.

C’est tellement réel ! Un trouble qui vient sans doute de l’hyperréalisme de ses sculptures et de la différence de taille entre une œuvre monumentale et celui qui la regarde.

Il sait passer à travers les gens, à travers les apparences pour ne garder que l’essentiel : la beauté intérieure. Dans vos séries, vous vous inspirez souvent de faits de société ou de films ! Cette fois-ci, c’est en allant voir Le Grand Bain [comédie dramatique française

coécrite et réalisée par Gilles Lellouche et sortie en salle en 2018] que j’ai eu envie de représenter des personnages un peu gauches et maladroits, souvent blessés par la vie.

Les acteurs de ce film n’ont pas des physiques d’athlètes et ne sont pas amenés à gagner : chacun peut se projeter dans ces corps imparfaits.

Moi qui suis une grande solitaire, j’ai trouvé dans cette équipe un état d’esprit bienveillant et combatif.

J’aime les adultes qui gardent un esprit d’enfant. Comment construisez-vous vos statuettes et quelles techniques utilisez-vous ? Je construis mes statuettes avec une structure en papier et tiges d’aluminium, ce qui me permet de changer la position, la grandeur et d’improviser sans cesse. Rapidement, je peins le regard pour guider l’expression du visage, je pose ensuite différentes couches de papier mâché, je frotte pour avoir une surface lisse, puis je passe plusieurs couches successives et transparentes de peintures à l’eau.

Enfin, je frotte avec des râpes à bois pour retrouver la couleur du papier et faire penser aux transparences du corps.

Ce n’est pas de la sculpture mais du modelage, comme de la terre.

Pour la peinture, je passe beaucoup de glacis, et de la peinture acrylique, et de l’aquarelle. Que voulez-vous transmettre par vos sculptures ? Ce qui me taraude, c’est l’obsession de créer des vies, c’est comme un apaisement. Je travaille tous les jours, c’est presque aussi important que de boire ou manger, cela fait partie de ma vie.

Ce qui m’intéresse, c’est de trouver « l’intensité sensible » et la faire ressentir au spectateur.

J’aime qu’il se projette dans mes sculptures, qu’il s’identifie, qu’il soit touché par la présence du personnage.

C’est un instant figé, comme une photographie.

www.lemonde.fr/culture/ article/2019/04/10/ agnes-baillon-sculpteusej-aime-les-adultes-quigardent-un-esprit-d-enfant_5448391_3246.html

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Photo Leonardo Cendamo/Getty Images

harlotte Waligo-

ra : Dans le cadre d’une exposition à Brouzes du Larzac, en 1997, vous avez eu un fragment dans le journal Le Monde qui présentait votre figuration en ces termes : « d’horribles petites cochonnes … à la limite du supportable ». Avez-vous compris cette perception de votre oeuvre ?

Agnès BAILLON : J’ai été mise au courant de cet article par la visite d’un monsieur qui, en entrant dans la galerie, s’est étonné et m’a demandé « il paraît que vous faites des animaux… »

Ce monsieur était vétérinaire.

Ça m’a fait rire.

Cela dit, j’ai trouvé l’article un peu raide… Quand je l’ai lu, je me suis dit que c’était de la provocation, car – à mon sens – les mots étaient en parfait décalage avec ce que je faisais.

À cette époque, j’utilisais une résine rose qui pouvait faire penser à de la peau de cochon.

C’était aussi l’époque de la parution du livre Truisme (de Darrieussecq) qui raconte l’histoire d’une femme se transformant en truie !

Dans ce livre, quand le personnage se transforme, c’est écrit d’une telle façon que le lecteur s’identifie.

On a la sensation que la peau se transforme. Je savais déjà que l’on pouvait être dérangé de façon épidermique par cette matière.

Mais seule la couleur pouvait faire penser à un cochon.

Il me semble qu’il n’y a rien de porcin dans mes personnages. Ni dans ceux de cette époque-là, ni dans ceux d’aujourd’hui. Les gens s’identifient souvent à mes sculptures.

Ch. Waligora : Avez-vous délibérément choisi d’éviter toute connotation possible du sujet ? Rien ne nous permet d’identifier vos « personnages

». Aucun signe, aucun motif qui puisse permettre une interprétation, en dehors des sexes (hommes, femmes) ?

Seules quelques « baigneuses » permettent au regardeur de se distancier d’une figuration avec laquelle ils se retrouvent pour un face à face troublant. L’absence de distanciation rend souvent le public mal à l’aise. Vous parlez justement d’identification…

Agnès BAILLON : J’essaie d’éviter au maximum les anecdotes et tout signes temporels ou culturels, d’identité. Si je définis le personnage, c’est-à-dire si je lui attribue un élément significatif (vête-

ment, bijoux, coiffure) dans le temps et culturellement, je limite l’imaginaire du spectateur.

Là, rien ne lui permet visuellement de se détacher du sujet, c’est-à-dire de prendre de la distance.

Par cette absence, c’est sa propre histoire qu’il projette: très souvent, ses angoisses, ses inquiétudes et ses interrogations.

Il y a un effet miroir immédiat.

J’ai souvent constaté que quelqu’un de gai trouve mon travail, humoristique et inversement.

Quand je parle de coiffures (vous m’avez déjà parlé de l’absence de poils, il est vrai que mes personnages sont imberbes) elles sont soit stylisées, soit une fois encore absentes.

La « déconnotation » est volontaire ; c’est un parti pris délibéré.

Le moyen d’accéder à une dimension universelle; de rendre mes personnages universels.

En fait, la seule chose qui les différencie vraiment les uns des autres ce sont leurs expressions et leurs morphologies.

Ils sont humains, uniques, aussi différents que les êtres

humains entre eux. Je travaille jusqu’à ce que je sens , ou crois, avoir réussi à amener une présence, à avoir transformé la résine en présence humaine. Ils sont incarnés, presque vivants.

Ch. Waligora : La « désexualisation » de vos sujets qui sont autant enfants, qu’adultes – en réalité, ils n’ont pas vraiment d’âges – est-elle tout aussi volontaire ? Cette absence de dynamique sexuelle nous ramène implicitement à l’enfance, âge auquel la perception des êtres et du monde est à la fois « vierge » et innocente.

Agnès BAILLON : J’ai récemment fait une séance photo où j’étais nue dans mon atelier et mise en relation directe avec mes sculptures.

C’était étonnant et perturbant d’être seule, mise à nue, vivante et sexuée au milieu de mes œuvres.

C’est à ce moment-là que j’ai vraiment réalisé qu’elles n’étaient pas sexuelles même si elle sont sexuées.

En réalité je le savais.

Mais la prise de conscience fut… foudroyante et sans appel (rire). Cette absence de dynamique sexuelle n’était pas préméditée.

Elle n’a jamais fait partie du « programme », mais je n’avais pas envie que la sexualité dérange et perturbe la perception de l’œuvre.

La peinture de Jean Rustin, par exemple, est pour moi plus forte par l’absence de gestes sexuels.

À ce moment-là, la fragilité de l’humanité rustinienne est beaucoup plus émouvante, que les personnages soient nus ou non.

Je voulais, de mon côté, incorporer le vêtement au corps jusqu’à la transparence.

La nudité de mes personnages renforce l’absence d’identification possible.

Je pense que la sexualité est une connotation pour l’œuvre. Elle est un acte défini qui serait allé à l’encontre de ce que j’avais envie de faire et de dire.

Ce qui m’intéresse est la présence de l’être.

Le regard est plus important que le sexe.

Le sexe projette le personnage vers l’extérieur.

Le regard ouvre la voie vers l’intérieur.

C’est une façon d’inviter le spectateur à une rencontre, intime et silencieuse, avec luimême.

Ch. Waligora : Il y a tout un

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rapport d’échelles et de grandeurs qui cultivent un sentiment d’étrangeté…

Agnès BAILLON : J’ai toujours essayé de ne pas travailler « grandeur nature », une fois de plus, pour éviter de rompre le lien avec l’imaginaire.

Avant d’avoir vu l’exposition Ron Mueck (Fondation Cartier, 2006), je pensais que dépasser l’échelle humaine renvoyait fatalement à la statuaire monumentale.

J’avais en tête les sculptures des régimes fascistes et réalistes socialistes des années 1920-1930 qui manque, à mon sens, totalement de sensibilité.

J’essaye d’atteindre et de créer une dimension sensible et intime.

Quand j’ai vu cette exposition

Ron Mueck, j’ai senti qu’on pouvait y parvenir dans le monumentalisme, aussi.

Face à ses œuvres gigantesques, j’ai éprouvé un vertige.

Le vertige intervient lorsqu’on est convié dans un univers (ici l’intimité des personnages) où nous entrons sur le fil du rasoir parce que tout en reproduisant une facette de la réalité, on accède à une dimension poétique.

J’ai commencé à faire des têtes plus grandes que grandeur nature alors que mes sculptures en pieds sont plus petites. Cela met le public mal à l’aise. Régulièrement on se demande si ce sont des gens normaux. C’est très intéressant parce que le « réalisme » des traits du visage et de la morphologie (non idéalisée) donne une impression de portrait vivant, mais l’échelle, systématiquement travaillée en dessous ou au-delà de la réalité procure en effet ce sentiment d’étrangeté.

Ch. Waligora : Vous avez étudié la peinture à « l’atelier Cremonini », puis vous avez choisi la sculpture. Accepteriez-vous de revenir sur le passage de l’un à l’autre?

Agnès BAILLON : J’ai choisi un professeur qui avait une forte présence pour tuer l’influence de mes parents.

Plus tard il a fallu tuer le maître pour pouvoir être enfin libre.

Au fond, je suis autodidacte.

Quand

J’étais aux Beaux-Arts, je faisais de la peinture avec un grand « P ». L’art majeur par excellence… L’exigence de Leonardo Cremonini et l’obligation d’« exceller en

peinture» déclenchait cette «angoisse du chef d’œuvre » comme disait Skira, l’assistant de Cremonini.

A l’approche du diplôme, j’ai commencé à faire des « petits bonhommes » broches. Skira, justement, a vu ce travail et a trouvé ça très drôle.

Il voyait aussi que je m’amusais et que je prenais beaucoup de plaisir à les fabriquer « en douce », que j’étais libre dans ce registre.

On ne m’attendait pas là. Il les a amené chez Caroline Corre pour les présenter et a imaginé de les exposer. Progressivement, ces « petits bonhommes » ont grandi et pris de plus en plus de place. J’ai toutefois continué la peinture.

Il y a eu un temps de « cohabitation ».

Tout en peignant des personnages sous l’eau sans tête, je complétais leurs corps en sculptant leurs têtes.

Il était indispensable d’exposer des deux ensemble, jusqu’au jour où je suis vraiment devenue sculpteur.

Ch. Waligora : Vous arrive-t-il aujourd’hui de vous remémorer les paroles de Leonardo Cremonini en observant votre travail ? A-t-il laissé une empreinte active ?

Agnès BAILLON : J’ai déjà répondu à cette question dans l’hommage que vous lui avez consacré.

Je relis : « c’était passionnant de l’entendre parler de la matière picturale et du sens du visible.

Il parlait beaucoup du « dur » et du « tendre » qui devaient cohabiter dans l’œuvre comme deux entités à part entière, non fondues mais harmonisées, équilibrées et distinctement présentes. Ça, c’était son grand enseignement.

Pour lui, on était fait de dur et de tendre (la chair et les os).

Pour arriver à produire une émotion, à la transmettre, il fallait atteindre cet équilibre, en évitant la mollesse.

Il avait aussi l’exigence de l’observation, éviter les automatismes et l’effet facile. Cette rigueur sur le sens de l’observation qu’il voulait nous transmettre et sur lequel il insistait, permettait selon lui d’accéder à ce qu’il appelait « l’intensité sensible ». Ça rejoins un peu tout ce que je viens de dire non ? Je vous ai aussi dit qu’« il voulait nous mener au développement et à la traduction d’une vision personnelle de la réalité. Il souhaitait que notre imaginaire s’enrichisse.

Mais on ne pouvait faire appel à notre imagination qu’après avoir approfondi sérieusement et minutieusement l’observation du réel. » Que puisje ajouter ? Alors oui, il a laissé une empreinte…

Ch. Waligora : Vos sculptures qu’elles soient en bronze, en résine ou en papiers mâchés sont peintes. C’est une façon de faire disparaître la matière première, de « jouer » sur la texture finale mais aussi de renforcer le réalisme des traits, les yeux, le contraste de la couleur des lèvres et des dents…

Agnès BAILLON : Le bronze en sculpture, c’est comme la peinture avec un grand P. C’est trop mortifère, je veux dire que c’est trop « noble » et intouchable. C’est une matière morte. Brute, elle n’est pas vivante, ni vibrante. Pour que le bronze s’anime, il faut reprendre toute une série de systèmes qui ont déjà été explorés (le « non-finito » de Rodin, par exemple). Que je travaille le bronze, la résine, le papier mâché, j’ai envie d’une matière aussi vivante et transparente que le corps avec ses imperfections. La peinture concourt aussi à produire un effet de chair. (suit page 6)

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Photo agnesbaillon

(suit de la page 5)

Je travaille la chair en transparence avec des glacis. Les yeux sont peints depuis mes débuts.

C’est la peinture qui crée le regard et l’expression puisque « le regard est le miroir de l’âme »…

Par la peinture, je combine réalisme de l’expression et ouverture sur l’intérieur, univers des sentiments.

La peinture accompagne donc et complète la sculpture. Elle intervient souvent à la fin. Je ne souhaite pas, non plus, que les spectateurs devinent immédiatement la matière première.

Encore une fois, c’est une façon de les pousser à s’interroger.

D’aiguiser leur curiosité. Ce travail de disparition de la matière première trahit le fait que je recherche en permanence.

Je remets toujours le travail en cours en question, les matériaux utilisés.

Je ne me suis encore jamais « installée » dans une façon de faire dont je ne dérogerais pas.

Et je ne le souhaite pas.

J’ai besoin d’éprouver moimême certains vertiges et de prendre des « risques », d’essayer, de me tromper, de douter.

Ch. Waligora : La représentation du corps, ses morphologies et les traits des visages sont « réalistes ». On perçoit pourtant, à l’œil nu, un dépassement de la réalité, comme une volonté, ou quête, de poétisation du sujet. J’y vois une réalité poétique. D’une tout autre manière, vos « visages» sont aussi intemporels que ceux de Giovanni Della Robbia (1469 – 1529), et ceux de Rogier Van der Weyden (1399/1400 – 1464).

On pourrait aussi établir une filiation entre votre figuration et celles de la Grèce archaïque (- 620 à – 480) de l’Egypte sous l’ancien empire (je pense au Scribe accroupi (26202500 avant notre ère, du Musée du Louvre) enfin la sculpture étrusque. Pour atteindre cette transposition poétique de la réalité, il faut avoir parfaitement observé et « dompté » ce qui est de l’ordre de la représentation strictement mimétique. Vous avez accroché et conservé un certain nombre de photographies dans votre atelier à partir desquelles vous travaillez.

Agnès BAILLON : Quand j’étais enfant, dans l’atelier de ma mère, il y avait beau-

coup de reproductions de peintures flamandes.

Roger Van der Weyden effectivement. À cette époque, je dessinais déjà des portraits inspirés de ces personnages. Ils me fascinaient.

Ce que j’aimais c’était le réalisme des traits du visage chez Van der Weyden, Memling, Van Eyck et, d’une manière générale, dans la peinture flamande de cette époque qui est très stylisée.

C’est cette alchimie des contraires qui m’attirait. Je vais souvent au Louvre voir les salles de sculptures égyptiennes et romaines.

Ce qui me séduit est le côté à la fois vivant et stylisé de cette statuaire, l’antique et le « contemporain » de certains visages.

Le but des égyptiens était d’atteindre la vie éternelle.

Ces sculptures sont des fragments de vie « préservés » pour l’éternité.

Un jour un visiteur m’a dit, en voyant mes sculptures : «c’est l’archéologie d’une société pacifiste ». Elles sont perçues par mes collectionneurs comme des « poupées». Ils parlent d’apaisement.

J’ai grandi sur le Larzac où le militantisme était très fort. Je suis empreint d’une part de

cette « énergie » que l’on peut mettre et employer au service de ses propres valeurs.

Je suis une « militante » humaniste. Oui, je pars de la réalité ; une réalité que je mets en valeur et au-delà de laquelle je tente d’aller.

Je pars de photographies, en effet, qui provoquent une émotion que j’essaie de restituer.

Ce sont souvent des gens blessés, des gens handicapés, considérés comme imparfaits.

Le thème du corps est tellement vaste qu’on peut le décliner à l’infini.

La constante reste cette volonté de dépassement que l’on peut voir comme une « transposition poétique ».

Cela ne signifie pas enjoliver.

En 2008, par exemple, je suis allée voir l’exposition de Jan Fabre au Louvre, L’Ange de la métamorphose, dans les salles des écoles du nord.

J’ai adoré cette exposition.

J’ai retrouvé ces « oppositions » et mises en correspondances qui me réjouissent : tout d’abord entre un artiste vivant, d’aujourd’hui, et les œuvres du musée du Louvre: le temple de l’histoire de l’art.

L’Autoportrait en plus grand ver du monde installé dans la salle des Rubens m’a époustouflée.

Il y avait une obscénité « à la limite du supportable » (rire). Cette œuvre mettait mal à l’aise. Il y avait un appel à la chair parce que les bourrelets du ver réfléchissaient la volupté écoeurante des chairs peintes par Rubens.

Le ver en lui-même était éminemment phallique, mouvant sur une installation de pierres tombales.

Ce qui était intéressant et dérangeant était la cohabitation « dans le sublime » du sexe et de la mort. Une telle dimension sexuelle et mortifère, au Louvre, était osée.

Je n’aime pas particulièrement Rubens. Je trouve cette peinture trop molle (fluide). Fabre y a apporté un équilibre. Il a prolongé et complété, voire corrigé l’œuvre.

Ch. Waligora : Les fragments de visages en bronze peints vont dans ce sens et sont aussi troublants qu’attirants. Vous avez récemment « abandonné » la résine pour le papier mâché. Y a-t’il un lien avec le film After Hours de Martin Scorsese dont vous m’avez parlé, où le personnage principal finit par sortir d’un infernal et cauchemardesque concours de circonstances nocturne, couvert de papier mâché et transformé en sculpture ?

Photo miasonsolide
Photo napoleonsamony
PALAZZI 6 VENEZIA

Agnès BAILLON : Les fragments de corps que j’ai vu au Louvre m’ont particulièrement émue comme je viens de le dire. J’ai commencé à faire des fragments de visages en bronze peint, en 2008.

Les renouvellements récents voient leur origine dans ce que j’observe.

En réalité je vais à la rencontre de ce qui coïncide avec mes propres recherches et je trouve parfois des réponses autant que j’observe mes « icônes » sous un angle toujours nouveau.

Je les interroge, les questionne. Mes fragments sont presque archéologiques, ils possèdent ce miracle de l’archéologie.

Cette façon de ramener à notre époque ce qui était voué à la destruction et à la disparition.

C’est un peu le principe des portraits funéraires du Fayoum.

J’y ai préservé le réalisme des traits, utilisé une matière (le bronze) que je trouve sans vie et qui renvoie au passé.

Ces visages « cassés » peuvent être maintenant imaginés dans leur intégralité par le spectateur. Toujours cette volonté de ne pas rompre avec l’imaginaire. Ces deux der-

nières années, tout a changé. Récemment, j’ai décidé de tester ma figuration avec la technique du papier mâché. La surface est également peinte, puis frottée pour créer un effet de fresque.

Je réalise qu’il y a, au fond, un désir de retour aux origines à un mode d’expression « archaïque », primal. Une volonté de retour aux sources, d’épurer.

Peut-être de décharger l’humanité de ses atours pour la représenter dans ce qu’elle a de plus pur.

La texture du papier mâché peint puis frotté donne l’impression qu’en dépit de l’érosion du temps, les personnages continuent de vivre.

C’est apaisant de créer des êtres qui finalement nous survivent, c’est une petite victoire sur la mort.

La leur ou la nôtre ?

Je me rappelle du film « After Hours » qui m’a beaucoup marquée. L’idée est magnifique : la vie à l’intérieur même de la sculpture, le salut par la sculpture qui devient plus vivante que l’homme.

En tout cas, elle est sa seule issue…

https://agnesbaillon.com/biographie/textes-francais/entretien/

MARION TIVITAL

es compositions de Marion Tivital sont pour le moins énigmatiques.

Des intrigues en soi, pourrait-on dire.

Les paysages quelque peu taciturnes n’indiquent pas vraiment s’ils sont inspirés de lieux réels ou s’ils sont le fruit de l’imagination.

Les structures industrielles, les édifices compacts et parallélépipédiques, les habitations sommaires, paraissent désertés, voués à eux-mêmes.

On n’y perçoit, d’ailleurs, ni fenêtre, ni ouverture, comme s’ils avaient décidé de soustraire aux yeux du monde la réalité de leurs entrailles.

Des intrigues visuelles, en effet, car les atmosphères silencieuses sollicitent un sentiment de stase ou d’engourdissement, une sorte de ralentissement du regard propice à la contemplation, mais aussi à la spéculation.

Si le temps paraît figé, indéfini, car saisi de forces qui se contractent à mesure qu’elles se dilatent, aussi ce temps enclenche-t-il une conscience de l’inexplicable ; ces bâtisses qui miroitent des étendues nordiques ne semblent pas être à leur place.

Ces ciels, chargés de nuages sourds, noircis par des nuits imminentes, possèdent parfois le caractère de ce qui est irréel, peutêtre même quelque chose de fantomatique, comme un ordre invisible qui habillerait le monde de sa présence diaphane. Des interrogations, sans doute, mais surtout une impression globale.

Celle qu’induit le fait de se mesurer à des univers irrésolus où le bon sens et la logique sont susceptibles de faire défaut. Celle également qui consiste à fusionner un langage éminemment tangible à des réalités immatérielles.

Or, on dit de l’inquiétante étrangeté qu’elle se manifeste lorsqu’un sujet se heurte à des situations qu’il croit reconnaître, sans parvenir, pour autant, à les qualifier.

À l’échelle de la peinture de Marion Tivital, si l’on peut parler d’inquiétante étrangeté, vraisemblablement est-ce à travers le basculement subreptice qui s’accomplit entre, d’un côté, des physionomies pleines, coutumières, peut-être même rassurantes (suit page 8)

PALAZZI 7 VENEZIA
Photo agnèsbaillon Photo mariontivital

(sui de la page 7)

(à l’image de ces formes géométriques qui s’empilent comme des jeux d’enfants, ou de ces architectures qui s’érigent en abris désinvoltes face à la nature)et, de l’autre, un abrègement des aspérités du réel, de ses détails, de manière à ce que nulle identification ne puisse avoir lieu.

Un sentiment de quiétude s’associe donc à celui d’égarement.

Peut-être est-il soutenu, autrement, par la prépondérance des volumes et des découpages géométriques.

De telles figures, en effet, en plus d’être favorables, dans les peintures de Marion Tivital, à des ombrages indolents, sont aussi porteuses de mystère et de rêveries de toutes sortes, ne serait-ce qu’en raison de leur potentiel symbolique, philosophique ou mathématique.

Aussi, l’absolu recul de la figure humaine, dans la majorité des compositions, résonnet-il avec la série des portraits silencieux ; les visages, sereins et dormants, réitèrent la part d’étrangeté entrevue dans les structures inhabitées.

Les songes qu’on leur prête s’agrègent inévitablement aux réalités dissimulées derrière les cloisons des édifices.

On comprend alors que la prétendue inertie que suggèrent les architectures et les paysages alanguis par les nuits hivernales, masque en réalité un surcroît de sens, un vitalisme, une effervescence, car celui qui a les yeux clos n’est pas forcément celui qui se fige.

Au contraire, il est peut-être le plus voyageur d’entre tous, en renvoyant à des mondes intérieurs foisonnants et volubiles, ouvrant d’innombrables possibles, de façon à dire que le réel ne se livre pas toujours d’un seul tenant.

purée, puissante, sereine, mystérieuse, la peinture de Marion Tivital débusque la beauté là où l’oeil commun ne la soupçonne pas.

En peignant des architectures taboues, des friches silencieuses, l’artiste donne une âme aux choses qui n’en ont pas. Et ses paysages nimbés de brume, sont eux, autant d’invitations au rêve. Les friches industrielles et les usines désaffectées sont, pour Marion Tivital, de mystérieuses présences immobiles et muettes. Oubliant leur fonction première, vidées de toute présence humaine, elles

semblent se réintégrer dans le paysage et elles acquièrent ainsi une fascinante intemporalité. »

L’énergie et la force sereine qui les habitent, la plastique de leurs structures presque abstraites, donnent envie d’écouter leur langue ténébreuse » dit l’artiste.

« Cette langue parle d’absence et de mélancolie, mais aussi d’harmonie et de sérénité retrouvées. Et c’est le silence même de ces lieux de mémoire, puissamment chargés d’humanité, qui devient sujet plastique et objet d’infinies rêveries. »

Pierre Souchaud

es usines ont une mystérieuse présence.

Ce sont des puissances immobiles, épurées et silencieuses qui ont perdu leur fonction usuelle pour devenir ces géants ignorés qui habitent nos paysages.

Pour certains, qui les regardent distraitement, ce sont des ustensiles laids, artificiels, égarés par erreur dans la nature.

Pourtant à force de cohabitation, ces hangars , à l’insu de l’homme , se sont intégrés dans le paysage.

Ils sont parfois parvenus à un équilibre enraciné dans la pénombre, un précaire compromis avec la terre et le ciel.

Cet équilibre entre ces antagonismes nous communique une impression de paix et de tempérance.

Cette force qui habite les formes, l’énergie calme , la plastique de leurs structures presqu’abstraites, me fascinent et me donnent envie d’écouter leur langue ténébreuse.

Il s’en dégage une beauté, une unité visible et sensible, hors du temps.

Leurs masses géometriques brouillent les valeurs qui distinguaient le proche du lointain, à l’endroit où le ciel et la terre se touche.

Malgré la discordance des éléments, se crée sous nos yeux qui ne savent pas voir un espace plein, alliant incertitude et géométrie.

De ses témoins d’un passé glorieux du monde du travail, se dégage une mélancolie qui me parle d’absence.

Ces lieux désertés par les humains mais qui en portent leur trace, j’ai envie de les ressentir par ma peinture.

Je souhaite absorber cet invisible qui affleure la surface, démêler ces lignes énigma-

tiques , entrer dans l’intimité de cette harmonie.

La beauté peut se trouver là où elle n’est pas évidente, et c’est un bonheur que de trouver dans l’ombre la lueur qui modele tout.

Le paysage industriel n’est pas réductible aux apparences. Par mon affection paysagère j’aimerai soulever le voile de la fausse monotonie de ces paysages banals et ancrés dans notre quotidien.

’artiste nous plonge dans le posthumain. Aucune trace de vie dans ses paysages.

Tout est à l’arrêt. Et pourtant ces peintures exercent une certaine fascination.

Cela pourrait être terriblement inquiétant, car on ne sait absolument rien de ce qui a pu se passer.

Tout est à l’abandon,mais pas du tout en délabrement.

Tout est debout, calme, paisible, tranquille.Tout est anonyme bien que l’on sache que ces paysages participent de notre environnement courant.

Ce n’est pas de là que provient l’impression d’étrangeté. Des détails ont été effacés, inutiles peut être aux yeux de l’artiste, la française Marion

Tivital qui expose pour la première fois à Bruxelles.

A une ou deux exceptions près, les demeures, les usines, les bâtiments ne possèdent ni porte, ni fenêtre.

Ce sont des cubes, des parallélépipèdes, souvent blancs, neutres, parfois rouges, aux lignes sommaires. Tout est lisse, la géométrie s’impose dans la sagesse, dans la régularité formelle.

Et dans le silence énigmatique, troublant mais pas vraiment pesant.

Une étrangeté mystérieuse.

ppliquée, la peinture se fait également discrète.

Baignée dans un très léger brouillard qui égalise les choses, les synthétise, les réduit à des données essentielles, cette peinture possède les qualités d’un style basé sur la figuration de réserve qui paradoxalement engendre l’inquiétude.

Les tonalités de la nature sont saisies entre chien et loup, dans une semi clarté, entre ombre et lumière tamisée. Une manière d’accentuer les contrastes et d’instaurer une certaine incertitude qui s’ajoute à l’impression

PALAZZI 8 VENEZIA
Photo mariontivital

d’étrangeté voire d’absurdité laissée par quelques motifs. Quelque part un escalier débouche sur le vide.

Ailleurs une maison se retrouve sur le flan, partiellement enfoncée dans ce qui paraît être de l’eau.

Ailleurs encore, des buildings, face aux falaises abruptes, sont plantés dans la mer. Que s’est-il passé, nul ne le sait. L’artiste nous propose seulement un constat d’abandon. Le mystère plane.

algré cette ambiance lourde dès lors que l’on peut soupçonner une tragédie qui a éradiqué toute vie, Marion Tivital confère à ces paysages devenus désertiques une étrange et mélancolique beauté.

Le traitement tout en douceur des matières, la ‘pastellisation’ des couleurs, l’aspect nébuleux, les reliefs érodés, conduisent à une sorte de sublimation obscure de ces lieux que l’on observe avec respect et même une certaine tendresse.

Ces peintures sont comme des hommages à un monde perdu.

Le nôtre.

L’artiste, par le biais de cette finitude annoncée de ce que

l’on a patiemment construit, évoque peut être les dangers qui nous menacent par nos imprudences et nos comportements irrespectueux vis à vis de la planète.

Ce monde là serait il mort étouffé par les gaz à effet de serre et noyé par la montée des eaux?

D’autres radiations, chimiques et meurtrières, auraient elles eu raison de la vie ?

Finalement, dans cet univers calme et silencieux, l’invitation au recueillement l’emporte sur la peur de l’absence.

Car on sait, quoi qu’il se soit passé, que ces paysages désolés,muets, à la dérive, ont été habités.

Claude Lorent, Le silence des paysages déshumanisés, la libre Belgique

oilà une oeuvre d’une singularité rare. Pour l’écrire sommairement, affectivement, d’une première incursion dans les galeries virtuelles de Tivital, je sors épaté.

Sujet à un charme. Enchanté. Et cet enchantement persiste, s’intensifie lorsque j’y reviens, lorsque je m’attarde.

fascinante intersection entre hyperréalisme et poésie.

(Je pensais à une interprétation très originale et singulière du réalisme magique). Et le prodige tient.

Il est extrêmement fécond.

Il crée une dimension étrange et hypnotique dans laquelle les choses sont à la fois ce qu’elles sont et tout à fait autre chose, des essences, des esprits d’objets, des lieux sujets à une hantise, élevé à la condition d’étrangeté par une espèce de solitude chaude et froide.

Oui, commençons ainsi. Les objets, les caravanes, les édifices de Tivital sont froids, lointains, précis, propres et abandonnés, seuls.

Mais ils exhalent aussi quelque chose, une spiritualité inconcevable et saisissante, des ectoplasmes étranges, des vapeurs et des parfums.

Un fifrelin d’âme volette à leurs contours.

Une présence, une onde infime, une émanation, le début de quelque chose s’esquissent dans la solitude immobile.

Ces objets inanimés émettent, rayonnent.

Ils sont autre chose que des objets usuels, autre chose que des plastiques inertes.

Autre chose que des bibelots

industriels, l’art les assoit dans la dignité de la nature morte, une nature morte dans laquelle un pouls léger est perçu.

Ces babioles utilitaires, interprétées par l’artiste, acquièrent une dimension esthétique, le plastique accède à la plastique.

Ceci ne signifie pas que le plastique ait une grâce, une autonomie vertigineuse. Je veux dire que le prodige appartient tout entier à l’artiste qui fait naître une effarante parenté entre ces fûts et récipients industriels et les vases antiques, les cruches anciennes ou les objets ornementaux des natures mortes.

’intervention de l’artiste est cause d’un vertige : l’utilitaire, le banal, l’ordinaire, l’inerte dépassent leur condition pour entrer dans une sorte de musée scandaleux (c’est une formidable hérésie de conjoindre le trivial et l’artistique, de permettre au premier d’atteindre le second) et fascinant.

Ou bien n’est-ce pas plus tôt, chez Tivital, le sacré du geste artistique qui est magnifiquement célébré ?

L’objet n’est rien.

Mais c’est ici l’objet vu, rendu, revisité, interrogé par l’artiste.

Le regard que l’artiste porte sur l’objet est le ferment sublime de l’art.

C’est la vision de l’artiste, le fruit même de sa vision qui crée et fonde l’art.

L’artiste inscrit dans sa vision l’étonnement ou le charme que l’objet, sa forme, sa singularité, sa beauté accidentelle, ses lignes, son étrangeté provoquent en elle.

Mais l’artiste aussi met en scène les objets, elle les invite sur la scène poétique de son art, elle les dirige comme un metteur en scène conduit ses comédiens.

Elle compose aussi, dispose, place, rêve comme un architecte libre.

L’oeuvre témoigne de la façon dont l’objet, dans la perception poétique que l’artiste en a, acquiert une autonomie, se dégage de sa fonction et opère une magie, l’objet devient une sorte de scénario, le début d’une histoire, un poème, une ambiance, une émotion. Le lieu, l’édifice, le site industriel deviennent une énigme, une embarcation en route sur la ligne de l’horizon, l’usine est un steamer, (suit page 10)

PALAZZI 9 VENEZIA
crée l’improbable et
Tivital

(suit de la page 9)

les choses se découvrent des fantômes, des échos, des légendes …

Ce site industriel présente une inédite ressemblance avec un chapiteau circassien entouré de ses caravanes…

Ce qui fonde la dignité du sujet, sa puissance de captation, c’est le regard de l’artiste.

Et il n’est pas innocent que

Tivital fasse jaillir la poésie visuelle à travers la représentation de bibelots, d’objets courants ou de sites industriels.

L’artiste peut transmuer le plastique en objet d’art, la caravane en sujet époustouflant, l’usine en vaisseau fantôme.

Et cette démarche, je la vois aussi assez bien comme une variation subtile et passionnante de cette mission que Baudelaire impartit au poète : changer la boue en or.

De chaque chose, extraire la quintessence.

L’inventer peut-être.

Replacer l’artiste devant son devoir d’(al)chimiste et d’âme sainte.

« Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or ».

Tivital, l’alchimiste picturale, crée de l’extraordinaire, du beau, de l’insolite, de l’envoûtant, du fantastique avec des matériaux communs.

Elle réenchante notre monde.

Denys Louis Colaux

u loin , sur la ligne de demarcation entre le ciel et la terre, emergent des silos,des cuves,des éoliennes, des hangars.

Tout autour l industrie semble avoir fait place nette.

Pas âme qui vive, pas une silhouette à l horizon.

Un panache de fumée sortant des hautes cheminées d usine trahit la presence des hommes et l activité incessante des lieux.

Là-bas, au Coeur de ces formes évanescentes, on perçoit toute une activité économique, des sites tournent à plein rendement, sous le calme apparent un processus bruyant de fabrication, de transformation, fait vivre les hommmes.

Mais du pont de vue du spectateur, c’est le silence qui monte et affleure sur la toile, une sorte d’harmonie graphique augmentée sans doute par une touche tout en douceur, délicate.

Par ces visions panoramiques d’un monde éminament moderne, Marion Tivital renouvelle le genre du paysage, à la

maniere d’un photographe tel que Jürgen Nefzger.

Elle réussit ce tour de force par l’entremise d’une peinture soignée, aux tons presque monochromes,où le support bois qu’elle utilise ajoute l’impréssion de sérénité.

L’enjeu esthétique est de taille, et l’artiste parvient pleinement à intégrer dans son oeuvre les silhouettes massives de l’industrie et à leur donner en quelque sorte droit de cité dans l art d’aujourd’hui.

Tout cela sans en rajouter plus que de mesure, tout en finesse.

Ludovic Duhamel (Miroir de l’art)

’est un grand terrain de nulle part…» Comme Bashung, la peintre Marion Tivital, parcourt, mais des yeux, ces no man’s land contemporains, ces sites industriels qui, vus sous un certain angle et à une certaine distance, ressemblent à des legos.

Elle apprécie en particulier les ports industriels, les docks, les containers, les palettes, les raffineries, les déchetteries, les usines modernes…

Elle en fait des pochades ou des croquis sur place, prend des photographies, puis «tra-

vaille à l’atelier en reprenant plusieurs fois ses toiles, en passant une multitudes de couches de peinture, en simplifiant le motif pour en retirer l’essentiel, en gommant ses aspects utilitaires et durs».

Et ce parfois jusqu’à l’abstraction : toute une partie très touchante de l’exposition représente des espaces industriels vidés de toute présence humaine, réduits à quelques parallélépipèdes de couleurs aux lignes flottantes plongés dans des camaïeux de gris.

Fantômes tremblants, émouvants et un peu inquiétants.

«J’aime bien peindre des choses ingrates », ajoute l’artiste, « et dénicher la beauté là où elle n’est pas évidente.

J’éprouve un plaisir sensuel à peindre cela, à m’employer aussi à composer des masses, des plans…

Les lumières grises sont aussi très importantes».

Les œuvres de Marion Tivital sont simples, lourdes de mystère, silencieuses, un brin mélancoliques.

L’artiste parvient à y faire se rencontrer préoccupations plastiques et formelles et sensations ambivalentes vis-à-vis de ces paysages à la fois inhumains et sidérants.

arion Tivital présente à la galerie Souchaud d’étonnants « paysages industriels ».

Mystérieusement attirée par les friches et les usines, l’artiste croque ou photographie des docks, des raffineries, des déchetteries.

Par la suite, dans son atelier, elle compose de petites toiles vidées de toute présence humaine, simplifiant la représentation des bâtiments ou des containers, jusqu’à n’en garder que des formes géométriques quasiment abstraites, parallélépipèdes de couleurs baignant dans une inquiétante lumière grise.

«L’énergie et la force sereine qui les habitent, la plastique de leurs structures presque abstraites, donnent envie d’écouter leur langue ténébreuse » écrit Marion Tivital. Et, devant ses œuvres, le spectateur oscille en effet entre la fascination pour ces constructions industrielles et l’angoisse due à leur aspect fantomatique et déshumanisé.

PALAZZI 10 VENEZIA
Photo mariontivital

arion Tivital ou les envoûtements de l’étendue

Dans sa création

enchantée, dans les paysages d’une modernité enfin habitable, Marion Tivital fait respirer l’étendue.

A coups de fabuleux vertiges d’espace.

A coups retenus de formes adoucies, et de chromatique assourdie et délicate.

De mystères latents et d’insaisissables surgissements.

On voit au loin, au bord de l’horizon, des blocs d’architecture industrielle, déserts et désertés.

Rien ne se passe plus.

Tout est passé au profond.

Tous les dehors aigus du monde ont disparu.

Profondeur enfoncée dans la profondeur….

L’univers subtil de Marion Tivital prend sa source dans les marques souterraines du dedans.

Et dans l’ivresse éternisée de l’immobile, nature et industrie fusionnées vivent les secrets de l’impossible plénitude.

Parfois, une vide bouteille, fenêtre sur brume, incarne une présence sans contenu, et s’habille de silence et d’humanité. Une autre sait

faire apparition. Une foule infime s’éveille. L’outrevie a pris corps dans ce somptueux théâtre de l’indicible.

Des êtres de plastique deviennent ainsi le centre du monde, si fragiles et si ténus que des regards ne pourraient les traverser. De la hutte archaïque à la frêle bouteille, de la passerelle élancée à l’implacable silo, infinies sont les métamorphoses en pays-peinture.

Dans cet insondable infini, les bâtisses de la modernité font demeure innombrable.

Apprivoisées, elles ont franchi le cap de l’horreur et de la monstration, elles offrent leur abandon…

En arrière-fond, la trame secrète d’un drame enfoui dans l’étrange harmonie d’une œuvre énigmatique, piégée et décalée.

Dans les univers effondrés du déjà vécu, l’humanité n’apparaît plus qu’en signes délaissés.

Dans ces tombeaux d’espace ultime, les bâtiments d’industrie et les flacons discrets ont appris à vivre seuls.

La terre a perdu l’homme… Marion Tivital ignore la

violence pulsionnelle, gestuelle et chromatique, qui répond durement aux surfaces fabriquées des écrans contemporains. Elle ose la sensibilité la plus vive et la plus rare.

Elle laisse sourdre les mesures exactes d’un monde qui n’existe pas, qui n’a jamais existé et qui n’existera jamais.

Enigme de l’étendue qui s’étend sans limite.

Tout est là, et en même temps, tout a eu lieu. Fusion de l’espace et du temps, de la peinture et de l’affect intime.

Le temps de ces étendues envoûtées est temps d’oubli, suspendu, sans pesanteur et hors durée. Empreintes-étreintes du temps.

Marion Tivital voile de souterraine mélancolie les affres de la réalité, les blessures des apparences et les masses cruelles des industrieuses architectures.

La brutalité colorée, comme le sang, s’est retirée.

Dans l’effacement des plaies mondaines, elle enregistre une lente gestation d’univers, une possible espérance.

Christian Noorbergen

MAISON DE MATISSE EST A VENDRE

LA

enri Matisse s’était installé dans la ville en décembre 1917 et avait loué une chambre avec une seule fenêtre donnant sur la mer ; c’est ici qu’il peint ses premières œuvres à Nice.

«Quand j’ai réalisé que chaque matin je reverrais cette lumière, je ne pouvais pas croire que j’étais si heureux.

J’ai décidé de ne pas quitter Nice et j’y ai vécu pratiquement toute ma vie », racontet-il.

L’année suivante, en 1918, Henri Matisse rachète l’appartement pour en faire sa maison et son atelier : face à la Méditerranée, un immense bow-window s’ouvre sur la nature, source d’inspiration inépuisable pour l’artiste.

Face à la menace allemande en 1943, le peintre est contraint de quitter Nice pour Vence avant d’y revenir en 1948.

Henri Matisse disparaît le 3 novembre 1954 entre les murs de cet appartement niçois, véritable témoin de ses expérimentations artistiques, puisqu’il est c’est là qu’il développe la technique de la peinture «découpée», une succession de morceaux de papier de couleur découpés en différentes formes, pouvant aller de la taille d’un simple confetti à un panneau de 80 cm de long.

L’ancien appartement et atelier d’Henri Matisse est situé au cœur de Nice, dans l’enceinte du Palais Excelsior Régina, demeure mythique de l’histoire de la ville, reconnaissable à son style Belle Époque sur la colline de Cimiez.

Le bâtiment a été construit en 1897 par les architectes Sébastien-Marcel Biasini et François-Félix Gordolon, qui ont conçu sa structure métallique, et Gustave Eiffel l’a aidé à la couronne. Située au troisième étage, la maison d’Henri Matisse, de 165m2, exposée plein sud, surplombe la Baie des Anges et la ville.

Grâce à quatre grandes portes-fenêtres et un bow-window, l’intérieur est inondé de lumière tout au long de la journée.

En plus de la chambre parentale, on trouve un salon et une salle à manger avec la mer Méditerranée en toile de fond, une petite chambre, un coin bibliothèque, une salle de bain et surtout des équipements privatifs raffinés comme une piscine, un tennis et une pergola.(suit page 12)

PALAZZI 11 VENEZIA
Photo mariontivital

(suit de la page 11)

L’ensemble de la propriété, immergé dans un écrin de verdure de palmiers, rosiers et lauriers roses, a été mis en vente par Sotheby’s pour 2 480 000 euros.

A quelques pas se trouve le musée Matisse, témoignage exceptionnel du lien étroit d’Henri Matisse avec la ville de Nice.

Installé depuis 1963 sur les hauteurs de Nice, le Musée Matisse est installé dans l’enceinte de la Villa des Arènes. Sa façade ocre rouge et son style génois du XVIIe siècle s’intègrent magistralement dans l’épaisse oliveraie du Parc des Arènes de Cimiez

La collection, entièrement dédiée à l’artiste, comprend 31 peintures, 454 dessins et gravures, 38 gouaches découpées et 57 sculptures. Il couvre toutes les périodes de la production du Maître, ainsi que ses objets personnels. Visiter le musée Matisse, c’est avoir le privilège de pénétrer dans l’intimité de sa création artistique. La vaste collection s’étend des premières peintures des années 1890 aux papiers gouachés de la fin de la vie de Matisse.

En 2023, le Musée national Matisse aura 60 ans. Matisse aimait rendre visite à son ami Renoir dans sa paisible maison de Cagnes-sur-Mer (aujourd’hui musée Renoir).

Immergée dans un jardin d’oliviers et d’orangers, la Villa des Collettes fut la dernière demeure du peintre impressionniste Auguste Renoir, décédé le 3 décembre 1919.

Les deux artistes se respectent et Matisse ne peut s’empêcher de placer son chevalet dans le jardin de Renoir, dans lequel il peint plusieurs tableaux.

Fuyant la menace allemande, Henri Matisse s’éloigne de Nice.

En juin 1943, il s’installe à la Villa Le Rêve à Vence. La villa, avec son jardin de 2500 m² entouré d’arbres et de fleurs, est située dans un quartier calme et résidentiel, embrassée par le soleil du matin au soir et profitant d’une vue sur la cité historique de Vence et la mer. Matisse appréciait la terrasse fleurie et le jardin aux essences méditerranéennes.

Matisse y a créé des œuvres importantes, dont les célèbres Nature Morte aux grenades, Nature Morte devant fenêtre au Palmier et le Grand intérieur Rouge.

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rreurs architecturales, certains sont connus de tout le monde et qui ont été très discutés et sont toujours représentatifs de situations très spécifiques.

De mauvais choix esthétiques, des accidents qui ont ensuite généré de nouvelles lois nécessaires ... ces œuvres ont attiré l’attention non seulement par les initiés, mais aussi par le grand public (et non seulement des résidents et des voisins).

Voici les 5 erreurs architecturales les plus chères dans l’histoire de l’architecture.

20 Fenchurch Street, le «Fryscraper»

Construit en 2014 et conçu par l’architecte Rafael Viñoly, le 20 Fenchurch Street (surnommé Walkie Talkie en raison de sa forme particulière) fait partie d’un projet de construction de gratte-ciel à Londres.

Il était initialement prévu d’atteindre une hauteur maximale de 200 mètres, mais le plan initial a été revu à la baisse afin de ne pas entrer en «conflit visuel» avec la tour de Londres et

la cathédrale Saint-Paul. Les modifications apportées au projet initial ont réduit la taille de la tour à 160 mètres et ont supprimé les balcons initialement prévus sur la façade. Bien que ce changement semble insignifiant, l’absence de protubérances a eu un impact sur la vie de tous les résidents des bâtiments environnants. La forme concave et lisse de la tour, ainsi que le verre qui la recouvre, provoquent une forte concentration de lumière solaire à certaines heures de la journée. Ces points chauds peuvent atteindre 117°C et ont provoqué la fonte de la carrosserie d’une Jaguar, l’incendie de vitrines et le retrait de plusieurs tuiles des magasins voisins, entre autres. Ces incidents ont rendu le bâtiment mondialement connu et, en attendant une solution définitive, un immense parasol a été érigé. Une autre préoccupation était également la hauteur du bâtiment.

Directement face aux courants du sud-ouest, il crée des rafales de vent tout autour du bâtiment, forçant le vent à pousser violemment à ses pieds.

Après avoir installé des persiennes sur la façade pour s’abriter du soleil, des éoliennes ont été ajoutées pour bloquer la force du vent.

Le complexe de la rivière Lotus, un véritable réseau souterrain Il s’agit d’un projet immobilier de 11 bâtiments résidentiels et commerciaux, tout de même de 13 étages chacun, situés à Shanghai, près de la rivière Lianhua. Le complexe de Lotus River (également connu sous le nom de Lotus Riverside Block 7) était l’un de ces bâtiments résidentiels. La construction a commencé en 2007 et l’inauguration du bâtiment était prévue pour 2009.

Pour terminer l’hébergement, un parking souterrain au sud du bâtiment a été fouillé et le terrain récupéré était situé au nord du bâtiment pour économiser de l’espace.

Dans le même temps, de fortes pluies ont interrompu les œuvres et ont fortement humidifié le sol.

Le tas de terres, qui a rapidement atteint une hauteur de 10 mètres, a exercé une force remarquable sur le sol

PALAZZI 12 VENEZIA
Photo AD.it

près du bâtiment et, également en raison de la pluie, s’est lentement glissée vers l’escavation au sud à travers les piliers de renforcement du bâtiment.

La poussée était si puissante qu’elle a brisé les piliers, ce qui fait s’effondrer tout le bâtiment.

Le complexe s’est effondré peu de temps avant d’être ouvert au public et beaucoup a été écrit dessus.

Bien que les fenêtres et la façade soient restées presque intactes, les fondements des maisons ont été remis en question et considérés comme un défaut de construction des bâtiments.

Cela a déclenché la panique parmi les acheteurs des maisons, qui ont retiré leurs offres et ont demandé le remboursement complet.

En fin de compte, six personnes ont été jugées coupables de construction en dessous des normes et de la corruption

La maison de Fallingwater

Célébré comme «le tour de force le plus extraordinaire de l’histoire de l’architecture» par Robert Hughes, la maison Fallingwater House de Frank Wright se dis-

tingue par son style, intégré dans la nature, qui améliore et met en évidence.

Construit à l’origine en 1939 pour Edgard J. Kaufmann, le propriétaire de la chaîne homonyme des grands magasins, abrite aujourd’hui un musée accessible au public. Wright est connu pour être un architecte qui a favorisé l’esthétique par rapport à la technologie.

Lorsqu’il a dû faire des compromis, il a fait face aux problèmes des exigences techniques avec son instinct, en se concentrant surtout sur la performance visuelle de ses œuvres.

Les conflits étaient souvent nés, comme lorsque le fabricant de la maison a inséré deux fois l’acier dans les poutres du premier étage, à l’insu de l’architecte.

L’architecte aurait furieux et menacé d’abandonner le projet, mais on pense que sans cet ajout, la maison s’effondrerait très tôt.

Cependant, les terrasses en porte-à-faux, l’une des caractéristiques distinctives de la maison Fallwater, se sont rapidement révélées être la cause de nombreux

problèmes. Des fissures le long des parapets se sont effondrées progressivement et créant des trous dans le sol lui-même et provoquant la rupture des portes et des cadres de fenêtre. Des renforts ont été installés sous les terrasses, à leur tour trop fragiles pour résister durant, mais ce n’est qu’en 2002 qu’il était possible d’utiliser la technologie nécessaire pour rendre la maison durable et sûre. Ainsi, toute la structure a été ouverte pour installer une structure en treillis pour soutenir les terrasses sans obtenir un conflit avec l’esthétique si chère à Frank Lloyd Wright. L’intervention, estimée à l’époque en plus de 6,5 millions de dollars, a permis au chefd’œuvre du grand architecte de survivre, véritable témoignage de l’amour pour l’architecture de son créateur.

Aon Center, de l’ascension à la chute Le Aon Center de Chicago (anciennement Amoco Building) est érigé en 1974 pour héberger le siège de Standard Oil Company of Indiana.

5 ERREURS ARCHITEC TURALES MAJEURES

Ce gratte-ciel de 83 étages est l’un des plus hauts bâtiments de Chicago dont la spécificité était d’être intégralement recouvert de marbre de Carrare.

Loué pour sa blancheur et la quasi absence de veines, ce marbre est souvent utilisé pour des édifices mais c’est la première fois qu’il est utilisé à une telle hauteur.

Il s’agit à ce moment du bâtiment en marbre le plus haut du monde. Pour réussir cet exploit, c’est un tout nouveau modèle de structure qui est mis en œuvre, déplaçant les rangées de piliers porteurs sur les extrémités du bâtiment et rassemblant l’autre partie des piliers dans un énorme cylindre central.

C’est à partir de ce nouveau schéma qu’il est décidé d’incorporer un revêtement en marbre sur les colonnes extérieures en triangle afin de les camoufler dans un design particulièrement reconnaissable.

C’est par une toute nouvelle technique de coupe du marbre, permettant des blocs plus fins qu’à l’accoutumée, que ce revêtement de 43 000 blocs prend forme.

Malheureusement, soumis au climat de Chicago et à ses variations de températures très élevées, le marbre commence à gondoler, provoquant de nombreuses fissures.

Chaque bloc de 150 kg menace alors de chuter.

L’un d’entre eux finit par s’écrouler dans un bureau voisin, perçant le toit de part en part.

Finalement, il est décidé en 1990 de remplacer chaque partie du revêtement par du granit blanc.

Ce travail monumental, réalisé alors que les locaux étaient encore occupés, dura 2 années entières.

Si la somme engagée par Amoco pour ces travaux n’a jamais été révélée, elle est estimée à plus de 80 millions de dollars, soit plus de la moitié du coût de construction initial du gratte-ciel.

Fidenae Stadium, venu, vu et vaincu

Parmi les plus grandes erreurs d’architecture, ce véritable cas d’école remonte en l’an 27, à Fidènes.

Alors au sein de l’Empire romain, (suit page 12)

PALAZZI 13 VENEZIA

les amphithéâtres faisaient la renommée de certaines cités et les jeux étaient au centre de la politique.

Ce fait divers, suffisamment majeur pour être relaté dans les Annales de l’historien romain Tacite, s’est produit dans un moment de tension politique alors que l’Empereur romain Tibère est forcé à quitter Rome pour s’isoler à Capri.

Atilius, un affranchi de naissance, attiré par l’appât du gain s’est mis en tête de capitaliser sur l’attrait du peuple romain envers les jeux pour en tirer un maximum de bénéfices.

Il projette ainsi la construction d’un immense amphithéâtre en limitant les coûts liés à la construction de ce dernier.

En insistant pour terminer au plus vite la construction, il démarre les travaux sur un sol manquant de solidité et la structure, entièrement en bois, fut assemblée de manière hasardeuse.

L’ajout constant de places payantes au plan d’origine a par ailleurs fragilisé la construction plus que nécessaire pour un lieu de cette envergure.

À son inauguration, des dizaines de milliers de spectateurs se bousculent pour voir les gladiateurs les plus célèbres s’affronter.

Alors que le spectacle fait rage, le colossal édifice s’effondre sur lui-même, emportant avec lui la foule de spectateurs.

Tacite y dénombre pas loin de 50 000 morts, certains perdant la vie sur le coup, d’autres restant perdus sous les décombres.

Cet évènement a secoué l’empire tout entier.

Le Sénat a alors traqué Atilius, rescapé, le poussant à l’exil tandis qu’une loi fut votée afin d’interdire toute construction sur un sol incertain, interdisant à quiconque d’organiser des jeux s’il possède moins de 400 000 sesterces.

Ce qui aurait pu rester un fait divers donna lieu aux premières véritables réglementations et normes de construction telles que relatées par Tacite.

Clément Bellanger

https://www.ad-italia.it/ article/errori-architetti-grattacieli-fallingwter -house-frank-lloyd-wrightroma-shanghai-edifici/to.

EXPOSITION AU LOUV RE NAPLES A PARIS

vis aux amateurs d’art italien !

Le Musée du Louvre accueille une soixantaine de chefs-d’œuvre issus des collections du Musée de Capodimonte, à Naples, du 7 juin 2023 au 8 janvier 2024, dans le cadre d’un partenariat entre les deux institutions. Des œuvres qui seront exposées au milieu des collections italiennes du Musée du Louvre. Quand les collections italiennes du Louvre rencontrent des cellules du musée de Capodimonte de Naples...

Le Musée du Louvre a annoncé accueillir, du 7 juin 2023 au 8 janvier 2024 plusieurs chefs-d’œuvre de l’institution italienne dans le cadre d’un partenariat, au sein même des collections du Louvre.

«En 2023, les plus beaux chefs-d’œuvre du musée de Capodimonte dialogueront avec ceux du Louvre, au sein même du musée, dans le cadre d’un dispositif inédit», ainsi indiqué Laurence De Cars, l’actuelle directrice du Louvre . Et de poursuivre : «Palais royaux transformés en musées, richesses de collections enrichies des plus grands souverains, symboles des liens historiques entre la France et l’Italie, le Louvre et Capodi-

monte ont beaucoup à partager et à dire».

Concernant les artistes exposés, les amateurs d’art retrouveront des œuvres du Titien, de Caravage, de Giuliano Romano, de Michel-Ange ou encore de Masaccio. Au total, une soixantaine d’œuvres sont à découvrir, au milieu des collections muséales du Louvre, au sein du Salon Carré et de la Grande Galerie (Aile Denon, 1er étage), de la Salle de La Chapelle (Aile Sully, 1er étage ) et de la Salle de l’Horloge (Aile Sully, 2e étage). A noter que dans la Salle de l’Horloge seront exposés quatre chefsd’œuvre du dessin de l’ancienne collection Farnèse, à savoir un carton autographe réalisé par Michel-Ange, un autre par Raphaël ainsi que deux autres par des collaborateurs de ce dernier, conservés au Louvre.

À côté de cela, d’autres animations sont également effectuées : «Une programmation musicale et cinématographique foisonnante viendra enrichir cette invitation pour définitivement installer Naples à Paris pendant près de six mois», explique également Laurence De Cars.

À noter également l’organisation, comme l’explique le

communiqué de presse du Louvre, d’une «riche saison de concerts, spectacles, événements pluridisciplinaires et festifs», «proposée tout au long de cette exposition, à l’auditorium et dans les salles du musée».

Le communiqué poursuit en expliquant que cette saison inédite «célèbrera le bouillonnant passé culturel de la cité parthénopéenne, mais aussi sa puissante force inspiratrice pour les artistes d’aujourd’hui». Une exposition que la rédiction a pu découvrir en amont de son ouverture...

Les oeuvres du Musée Capodimonte sont ainsi bien mises en valeur au coeur même des collections permanentes du musée, cotoyant les plus grandes «stars» de l’établissement, à l ‘image de la Vierge aux Rochers, des différents Saint-Sébastien (dont celui de Mantegna) et, non loin de là, de La Joconde.

Des oeuvres qui dialoguent entre elles, renvoyant aux plus belles heures de l’histoire de l’art. Une nouvelle très bonne excuse de se rendre au Musée du Louvre...

On le note dans son agenda, les amis ?

11)
Photo yannismarkantonis
(suit de la page
Photo sortiraparis PALAZZI 14 VENEZIA

BRUNO WALPOTH

runo Walpoth est né en 1959 à Bressanone, en Italie, a fait ses études à Ortisei, dans le Trentin-HautAdige, où il vit actuellement, dans une maison vieille de 350 ans qui appartenait à ses parents.

Walpoth a été élevé dans une culture de sculpture sur bois renommée et a continué sur les traces des membres de sa famille qui étaient euxmêmes des maîtres artisans. Il écrit : « Dans notre vallée il y a une tradition de 400 ans de culture de la sculpture sur bois. Mon grandpère et mon oncle étaient sculpteurs sur bois, j’ai donc grandi dans ce milieu ».

À l’âge de 14 ans, Bruno a commencé son apprentissage de la sculpture sur bois, sous la direction de Vincenzo Mussner, lorsqu’il a travaillé avec lui à Ortisei à partir de 1973, embrassant les anciennes traditions de sculpture sur bois de la région des Dolomites célèbres pour les statues et les autels en bois ainsi que les poupées en bois produites par des artisans locaux.

En 1978, il s’installe à Munich pour fréquenter l’académie Der Bildende Künste

jusqu’en 1984, étudiant avec le professeur Hans Ladner.

Walpoth combine l’éducation reçue dans les studios Ortisei et leurs 400 ans d’histoire de la sculpture sur bois avec les techniques et les formes de la sculpture contemporaine.

Une partie de ses sculptures sont souvent peintes dans des couleurs typiquement douces ; il utilise ces couleurs pour créer des vêtements, des cheveux et parfois la peau de ses personnages.

Plus que de raconter une histoire à travers ses œuvres, Walpoth vise à capturer un moment d’isolement et d’introspection.

Ses sujets sont rigides, plongés dans leurs propres pensées, et leurs yeux évitent souvent ceux de l’observateur.

Généralement mieux connu pour ses sculptures en bois, Walpoth a également réalisé récemment des sculptures en carton et en bronze.

Avec de nombreuses apparitions dans des expositions personnelles et muséales à travers le monde, le travail de Walpoth fait partie de nombreuses collections internationales.

En 2015, l’artiste a participé à Personal Structure – Cros-

sing Borders, dans le cadre de la 56e Biennale de Venise.

Bruno Walpoth est représenté par de nombreuses galeries en Europe et en Asie et a participé à des expositions individuelles et collectives à travers le monde.

Son travail possède aujourd’hui une qualité à la fois animée et profondément intemporelle: «ses statues ne sont pas des objets, plutôt des créations presque animées avec des âmes, leurs sentiments nus pour le spectateur.» S’écartant de la tradition religieuse de la sculpture sur bois de sa terre natale, il emprunte un nouveau chemin, donnant vie à la matière ; le bois entre ses mains transcende les frontières de l’inanimé, devient vivant et le spectateur, tel un Pygmalion moderne, est fasciné par la chaleur et l’intimité du bois.

Dans ce contexte, alors qu’il était lui-même un modèle très approprié pour le sculpteur Geppetto du conte de Pinocchio de Carlo Collodi, Walpoth a créé la sculpture en bois utilisée dans la version cinématographique de l’histoire de Matteo Garrone en 2019, avec Roberto Benigni comme sculpteur. www.walpoth.com

DE LA FEMME A BARBE

lexandra Fontaine est peintre, sculpteur, graveur et calligraphe.

Quasi autodidacte, elle aime détourner le fait poétique et le mettre au service de son art. Ce sont les mots des autres qui donnent forme à sa peinture et sens à sa création. « Quand je peins, je ne sais jamais à l’avance ce que je vais faire.

Je ne me demande pas ce que je vais peindre. Je peins d’ailleurs sans savoir ce que je peins, j’essaye d’oublier que je peins.

Je me suis même demandée ces derniers temps : Qu’est ce peindre ?

Peindre, c’est donner à lire l’invisible, c’est faire remonter à la surface des choses inconnues, et les rendre plus inconnues encore : mystérieuses.

Alors, sur une feuille, une toile, un bout de bois… je jette de l’encre, de l’acrylique, du sable, de l’huile, et parfois même de l’acide… Je crée des coulures, des biffures et des taches.

A partir de ces matières qui s’attirent ou se détournent, des paysages se forment, des chemins s’entrelacent, des gouffres se creusent, l’horizon se met en place.

Ce sont des paysages qui n’existent pas, des paysages qui existent en moi, des territoires inconnus. »

Que ce soit sous forme de sculptures, de peintures, d’installations ou de land art, l’inspiration d’Alexandra Fontaine s’enracine dans la nature, mais aussi dans la puissance de textes poétiques. À partir de paysages parcourus ou imaginés, de formes animales et végétales, elle s’approche au plus près du mystère de la vie et aussi de celui de la mort.

маска – les Cent masques d’Alexandra Fontaine, Artcité (Fontenay-sous-Bois, 94), galerie LabelFriche (Nogentle-Rotrou, 28), La maison de l’Arbre (Montreuil, 93)

En avril 1986, les premiers liquidateurs de Tchernobyl portaient des masques de la seconde guerre mondiale, totalement inutiles pour se protéger des radiations.

Un raccourci saisissant de l’absence de considération pour des habitants plongés dans une catastrophe écologique sans précédent.

(suit page 16)

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Photo brunowalpoth
L’OEIL

(suit de la page 15)

Les cent masques d’Alexandra Fontaine suggèrent cette tragédie renouvelée du peuple ukrainien, celle de guerres, dîtes patriotiques, en 1945 et 1986.

Ils témoignent du sacrifice de ces femmes et de ces hommes et nous interrogent sur nos responsabilités.

Dans l’installation de la Maison de l’arbre à Montreuil (93), les masques flottaient dans l’espace – traversés par la lumière – à la fois semblables et totalement différents, en mémoire de tout une communauté villageoise disparue.

Les masques d’Alexandra Fontaine peuvent également être portés, tels les masques de pierre de bois et de feuille, masques de plume, masques de beauté ou mortuaire, masques peints en direct sur la peau avec le noir du maquillage, qui en dissimulant les visages révèlent les histoires oubliées de l’humanité.

En 2016, certains habitants de Tchernobyl sont rentrés vivre dans la zone interdite en dépit du danger.

C’est le cadre de l’histoire de Au début et à la fin des temps, la très belle pièce du dramaturge ukrainien Pavlo Arie. On pourrait imaginer sans peine, que les acteurs interprétant les personnages de ce texte, portent les masques d’Alexandra Fontaine.

M.T, 25.05.16, Paris.

Le salon littéraire de JeanPaul Gavard-Perret : « La peinture d’Alexandra Fontaine provoque un émoi particulier.

Elle entretient un pont entre la mémoire et un imaginaire qui prend en charge dans le relief trouble d’étranges paysages-parfois fantômes parfois d’énigmatiques. Leur abstraction donne à l’image une valeur capitale : elle ne dit pas « autrement », elle montre autre chose. »

Jean-Paul Gavard-Perret, 5.12.2013

Résidence « Paysage » à la Commanderie des Templiers, Saint-Quentin-en -Yvelines

« Si le paysage constitue un thème de prédilection dans le travail pictural d’Alexandra Fontaine, l’approche qu’elle en a présente une réelle singularité. Il y a tout d’abord, cette absence de perspective,

Samedi 17 juin 2023 de 15h à 19h

Performance visuelle et sonore

Alexandra Fontaine

peinture et sculpture

ClaudYvans*

mix voix, musique et poésie pour soutenir le projet éditorial

«Slam à la Fontaine»

accueillie par la galerie

Rachel Hardouin

15 rue Martel, 75010 Paris qui clôturera ainsi l’exposition

SEXVOTOS ET CAETERA de l’artiste

Edith Laplane

(installations aux techniques mixtes, broderies, éditions)

Interphone «15martelrachel»

- 4ᵉ étage gauche en sortant de l’ascenseur

ce fond presque opaque qui occulte toute profondeur de champ, comme si la peinture refusait l’horizon, réduisait volontairement l’étendue du paysage, fermait l’espace. Un paysage manquant aussi de luminosité, avare de couleurs vives, de bleu du ciel…

On y reconnaît quelques arbres, dessinés en traits sommaires.

Parfois, l’écriture investit le tableau.

Il y a l’influence de l’art d’extrême orient, un goût pour la calligraphie que l’artiste a travaillé lors d’un séjour prolongé au Japon.

On l’aura compris, les paysages d’Alexandra Fontaine sont avant tout intérieurs. I ls reflètent, dans des formes plus proches de l’abstraction que de la figuration, les états émotionnels du sujet qui peint. En cela, ils s’inscrivent dans un imaginaire qui essaie de restituer des visions intérieures.

Enigmatiques, fantomatiques, ils puisent autant dans la mémoire que dans l’inconscient de l’artiste.

Ils ouvrent l’espace du dedans.

On y entre en silence.

On les écoute nous parler sans proférer le moindre son.

Comme en communion avec eux. »

Alain Helissen, 2014 auteur/ poète

u’elle s’exprime en peintures, sculptures, installations ou Land Art, l’inspiration d’Alexandra Fontaine s’enracine dans la nature et dans la puissance de textes poétiques. Et de puissance, la poésie slamée de ClaudYvans* n’en manque pas ! Musique envoûtante, rythmes entêtants, paysages sonores étranges...

C’est ce duo étonnant de la peintre et du poète qu’il s’agit de restituer dans le livre «Slam à la Fontaine» en cours de réalisation chez L’œil de la femme à barbe Éditions. L’ouvrage présentera un large panorama du travail de cette artiste dont ClaudeYvans* ( complice de longue date sur plusieurs projets éditoriaux) viendra enrichir les œuvres d’une poésie à la scansion rythmée et au phrasé si particulier...

Alexandra Fontaine vous invite dans un monde peuplé d’insectes, d’oiseaux, de mots – simplement écrits ou calligraphiés – et de paysages

lointains évoquant des moments oubliés.

Le fil rouge de ces différents éléments est la ligne : celle qui modèle, dessine, écrit et celle qui donne la direction au regard et invoque des sensations.

A l’instar de Paul Klee et Christian Dotremont qui ont fait de l’écriture l’un des fondements de leur recherche artistique, Alexandra Fontaine accorde une importance primordiale à la symbiose du dessin et de l’écriture.

C’est donc tout naturellement qu’elle s’est tournée vers le Japon, terre de calligraphie, où elle a vécu pendant un peu plus de deux ans.

L’artiste y a rencontré un maître de sculpture avec lequel elle a un temps travaillé. Pendant cette période, elle a entrepris des excursions en Chine, en Indonésie et aux Philippines.

Ces différents séjours lointains constituent une toile de fond à son travail artistique. Le geste calligraphique renvoie ainsi à la manière dont l’artiste conçoit ses sculptures : la forme qu’elle donne au fil de fer constituant le squelette de l’animal est comme la ligne couchée sur le papier par la plume du poète.

Photo l’oeildelafemmeabarbe
PALAZZI 16 VENEZIA

Ce même élan créateur est encore plus sensible dans les dessins à la plume et les gravures de l’artiste. Alexandra Fontaine y dépeint des paysages figurant un moment disparu. Pourtant aucune nostalgie ne transparaît de ses œuvres, leur contemplation offre un instant étrangement apaisant, empli de douceur et de sérénité.

Objets magiques…

Gil Rabier décrit avec une grande acuité le travail d’Alexandra Fontaine :

« Les animaux d’Alexandra Fontaine sont à la fois précis et flous.

L’attitude est noble et jamais bestiale.

Exacte dans sa ligne, l’espèce est souvent incertaine.

Les animaux tendent une aile, déploient une mandibule, soulèvent une patte…

De loin on perçoit comme une menace ancienne.

On s’approche malgré tout, et le regard s’apaise, les brindilles s’affinent, les papiers froissés perdent leur limite.

L’animal vibre, aux aguets, immobile, déjà ailleurs.

On découvre alors que les animaux sont composés de traces.

Morceaux de papiers calligraphiés, de métal, résille noire pour la mante religieuse, traces humaines et bouts de nature savamment prélevés fabriquent une étrange tension.

Autour d’eux, l’espace s’aplatit, devient page et accueille des signes calligraphiés par une main étrange, que l’on voit revenir également dans les encres et les gravures. Le monde animal apporte ici son évidence et son mystère. »

Ces lignes synthétisent à la perfection les œuvres d’Alexandra Fontaine empreintes de mystère, de magie et de vie.

La fragilité des matériaux utilisés : fleurs, mousses, coquillages, papiers, brindilles rappellent en effet la légèreté des insectes et des oiseaux.

Imperceptiblement, les ailes, les pattes, le thorax, les abdomens des sculptures semblent bouger au gré des frémissements de l’air, plongeant ainsi le spectateur dans un monde en apparence immobile et pourtant comme magiquement animé.

Emmanuelle Cannavo (médiatrice, centre culturel de Cachan)

J’aurais voulu compléter ces textes par quelques mots qui nous aurait parlé de vans*, un musiciens, cinéaste, producteur et que sais je encore, enfin un véritable couteau suisse artistique, mais je n’aie rien trouvée sur le web.

Nenni, que dalle, je veux parler de l’écrit, quelqu’un qui aurait écrit sur lui, raconter combien il est doué etcetera, mais rien, rien que des liens vers ses nombreux films, morceaux de musique, arrangements, spectacles, duo avec des chanteurs et chanteuses bien connu(e)s.

Peut être je ne sait pas bien chercher, peut être qu’il existe des romans, que dis je, des épopées écrites sur ce personnages que Sophie Sainrapt découvra à l’époque de Art Senat et qui par la suit continua néanmoins à graviter dans cet univers là pour naturellement taper dans l’œil de la femme a barbe, que je salue ici, merci Ghislaine pour toutes tes découvertes et organisations dont je profite, bien que je ne puisse pas les filmer comme d’hab, mais tu as Claudivans*sous la main , alors ne te plains pas. Si je comprends bien si je veux lire quelques choses sur cet extraordinaire je n’ai qu’a me l’écrire moi même. D’accord! Vittorio E.Pisu

ENTRETIAN AVEC FRANCOISE GILOT

’artiste française, l’avant-dernière compagne de Pablo Picasso, s’est éteinte à l’âge de 101 ans dans un hôpital de New York, où elle résidait.

La Gazette l’avait rencontrée en 2021, à l’occasion de la rétrospective que le musée Estrine, à Saint-Rémy-de-Provence, consacrait à son œuvre, méconnu en France.

Pas facile d’être à la fois peintre et femme d’un géant du XXe siècle.

Mais bien avant #MeToo, cette cavalière émérite a su tourner casaque : en quittant Picasso, Françoise Gilot a quitté son statut de muse, et du même coup la France, pour exposer outre-Atlantique.

Cet entretien inédit, accordé en 2009 dans son atelier parisien, retrace ses combats pour devenir une créatrice accomplie.

L’artiste Françoise Gilot estelle née avant ou après sa rencontre avec Pablo Picasso ?

Quand j’ai connu Picasso, j’avais 17 ans.

Au même âge, j’ai commencé à peindre à l’huile et ai rencontré Endré Rozsda, un peintre hongrois avec lequel j’ai eu un long compagnonnage artistique.

J’ai existé avant et après Picasso, mais je ne renie rien de cette période de ma vie. Quelle importance a eue pour vous le peintre Émile Mairet, proche de votre famille ? Ce peintre postimpressionniste était l’ami de ma grandmère.

Enfant, sa silhouette tout de noir vêtue m’avait impressionnée.

Quand on m’a dit qu’il était artiste, j’ai pensé que ces êtres-là étaient plus intéressants que les autres.

À 11 ans, j’ai eu un coup de cœur pour l’une de ses toiles grises, qu’il m’a gentiment offerte.

Il aurait dit ensuite à mon père : «Votre fille sera peintre. Je n’ai jamais vu un enfant aimer les gris.»

Vous croisez aussi le graveur Jacques Beurdeley : son art vous tentait-il autant que la peinture ?

J’aime voir les autres graver, mais je ne suis pas passionnée de gravure.

En revanche, j’ai fait beaucoup de lithographies. Les femmes étaient-elles nombreuses à travailler chez le maître imprimeur Fernand Mourlot ?

Non, j’ai été la seule. (suit page 18)

Photo allanwarren
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Photo l’oeildelafemmeabarbe

(suit de la page 17)

Un jour, alors que je m’en étonnais auprès de lui, Mourlot m’a répliqué : « Ça dérangerait nos ouvriers imprimeurs. Vous, on vous connaît, ce n’est pas la même chose !» Lorsque l’artiste américaine June Wayne, qui m’a invitée dans son atelier de lithographie dans les années 1970, a voulu en faire chez Mourlot, on l’a immédiatement orientée chez Marcel Durassier, un maître imprimeur connu pour son caractère infernal… C’est tout dire. De quelle façon s’est manifesté votre désir d’indépendance ?

Disons que je refusais toute dépendance.

Votre rencontre avec Matisse a-t-elle été décisive ?

En 1937, j’avais vu ses toiles au palais de Chaillot.

Cela a été une révélation.

Idem pour Bonnard, le maître de la couleur : en 1946, la fille de Maurice Denis, Pauline, m’a proposé de lui rendre visite au Cannet.

Moi, j’étais aux anges, mais Picasso m’a dit aussitôt : «Il n’en est pas question. Je déteste la peinture de Bonnard!»

Devant ma déconvenue, il s’est empressé d’ajouter : «Je vais vous faire un autre cadeau. Je vous emmène dans l’atelier de Matisse !»

Quelques jours plus tard, nous sommes allés le voir. En me présentant, Picasso a parlé de moi comme d’une jeune peintre et Matisse a proposé de faire mon portrait. S’en est suivie une sorte d’amitié silencieuse. Matisse avait le sens inné de l’équilibre des lignes alors que chez Picasso, c’était la volonté de puissance qui l’emportait. Autant vous dire que je me sentais plus proche d’un Matisse…

Où trouviez-vous des toiles et des couleurs pendant la guerre ?

J’allais aux Puces, où je dénichais de vieux tableaux.

Je les retournais et peignais de l’autre côté.

Le plus drôle est que plus tard, des collectionneurs ont cru que les motifs au verso de ces toiles étaient de moi !

Comment en êtes-vous venue à travailler pour Line Vautrin ?

En 1941, à 20 ans, je l’ai rencontrée avec sa mère dans leur boutique de la rue du Faubourg-Saint-Honoré.

Je leur ai proposé de faire des boutons en céramique. Elles m’ont répondu de faire des prototypes et que s’ils leur plaisaient, elles en achète-

raient. J’ai réalisé une première série, et cela a marché !

Vous avez connu Nicolas de Staël : quel souvenir gardez-vous de lui ?

Je l’entends encore me dire : «Soit c’est l’abstraction qui vous intéresse, soit c’est le figuratif.

On ne peut pas faire les deux à la fois.»

Je lui ai répondu du tac au tac : «Vous avez 32 ans, moi 21. Mes dessins figuratifs m’aident à comprendre la relation entre lignes et couleurs. Je ne vois pas pourquoi je m’en priverais.»

À ces mots, De Staël a cassé l’une des rares chaises qui se trouvaient à sa portée.

Il avait très mauvais caractère, moi aussi.

Mais il a fini par revenir à la figuration, d’où l’aspect très significatif de cette scène. Ensuite, on ne s’est plus revus, alors qu’il est le peintre auquel je dois le plus.

Et Sonia Delaunay ?

Je l’ai rencontrée quand se formait le groupe des Réalités nouvelles, avec des artistes comme Magnelli, Atlan, Schneider… Lors de nos réunions, Sonia Delaunay était présente. Elle était la générosité même.

Le milieu artistique a-t-il changé, selon vous ?

Ce n’est plus du tout la même chose.

Jusqu’à la fin des années 1950, il existait une «République des arts et lettres».

Il suffisait de faire partie d’un groupe pour en rencontrer les personnalités, connues ou non. À partir de 1960, Paris n’a plus été une capitale artistique.

Je passais alors au moins deux mois de l’année aux ÉtatsUnis, mais je n’ai pas cherché à rencontrer les peintres new-yorkais : je n’avais plus besoin des autres pour exister.

Je n’en étais plus là… Vous avez vécu avec deux peintres. Est-il difficile pour deux artistes de vivre ensemble ?

Avec Picasso, c’était sans doute moins difficile en raison de notre grande différence d’âge.

C’est à lui que je dois mon retour au figuratif, car il ne supportait pas l’abstraction totale. Avec Luc Simon (épousé en 1955, ndlr), c’était différent. Sous son influence, je me suis débarrassée de tics stylistiques qui me venaient de Picasso.

Je peignais alors d’après nature. Ensuite, nos relations se sont tendues.

Je disais volontiers du bien de son travail même si je ne le pensais pas, et lui me critiquait ouvertement, même s’il ne le pensait pas non plus. Cela étant dit, il est impossible pour deux peintres vivant ensemble de ne pas parler peinture.

Fort heureusement, nous ne partagions pas le même atelier !

Selon vous, peut-on parler en art de parité homme-femme ?

On en est loin.

Les femmes défendues en galerie ont longtemps été minoritaires.

Je me souviens fort bien de la réaction d’un galeriste lorsque je lui ai parlé de Geneviève Asse. Il défendait une dizaine d’artistes et comme par hasard, j’étais la seule femme.

Lorsque j’ai évoqué son nom, il m’a regardée d’un air stupéfait : «Mais enfin, m’a-t-il répliqué, le quota est déjà rempli !»

En galerie, le quota en question était d’une femme peintre pour neuf hommes.

Sur le coup, j’ai cru à une blague…

Il n’est qu’à voir ce qui se passe chez Sotheby’s, où les œuvres féminines sont noyées dans une marée de réfé-

rences masculines, pour s’en rendre compte. En ce qui me concerne, j’ai obtenu toutes mes expositions à la force du poignet.

Cela ne nous vous a pas empêchée de faire carrière aux États-Unis…

Si j’étais restée en France, je n’aurais pas évolué. Mais je ne me suis pas contentée d’exposer à New York : j’ai montré mon travail dans quasiment tous les États américains. Vous vivez quelques mois par an en France.

Comment avez-vous choisi votre atelier parisien ?

Je l’ai longtemps cherché. Je voulais un atelier éclairé par la lumière du nord, avec suffisamment de volume pour entreposer mes toiles.

Je l’ai finalement trouvé dans un immeuble de 1930.

Pour moi qui aime l’art déco, c’est l’endroit rêvé pour continuer à créer, un lieu à l’image de tous les beaux moments que j’ai vécus à Paris.

«Françoise Gilot. Les années françaises», musée Estrine, 8, rue Estrine, Saint-Rémy-deProvence (13), tél. : 04 90 92 34 72, Jusqu’au 23 décembre 2021. www.musee-estrine.fr www.gazette-drouot.com/article/francoise-gilot-itineraire-d-une-femme-libre/

Photo marionandreani
PALAZZI 18 VENEZIA

ous avons pu constater, en lisant les merveilleuses histoires des nombreux amis qui se sont succédés sur ces pages, que notre photographie se caractérise toujours par un parcours fluctuant.

De cela nous ne connaissons que le point de départ, il ne nous est pas donné de savoir cependant quel sera le point d’arrivée.

En fait, chaque fois que nous croyons en avoir identifié un, nous ressentons immédiatement le besoin supplémentaire d’innover.

Dans ces moments, lequel suivre par rapport à tous ceux qui nous précèdent, est souvent suggéré par une rencontre éclairante plutôt que par un éclair.

L’invité d’aujourd’hui, Aldo Larosa, représentait les deux choses pour moi.

Il a été ma première référence, mon premier professeur.

Il a soixante-huit ans, marié à Maria Teresa et père de Claudia.

Originaire de Calabre, il vit désormais dans la capitale depuis de nombreuses années.

Il a travaillé jusqu’à sa retraite pour la Direction générale de la FS.

Sa passion pour la photographie est née dans les années 1950, alors qu’il était fasciné par la «magie» que cet art, pratiqué par les photographes de sa ville, Melicuccà dans la province de Reggio Calabria, suscitait chez l’enfant qu’il était à l’époque.

Cependant, il a fallu attendre les années 1980 pour qu’il aborde personnellement la photographie.

Il commence à photographier avec un Pentax qu’il garde encore jalousement aujourd’hui.

De plus, il a remis en service cet appareil et ses objectifs depuis quelques mois, en effet sa grande passion pour la photographie l’a amené à s’inscrire à l’Ecole Professionnelle d’Etat de Ciné-TV

«Roberto Rossellini»: admis en troisième année, il a suivi le cours du soir pour l’obtention du diplôme d’études secondaires en photographie, qui, espérons-le, arrivera avec l’examen d’État à l’été 2019, alors qu’il approchera les soixante-dix ans !

J’ai rencontré Aldo il y a plusieurs années comme c’est souvent le cas aujourd’hui, grâce aux réseaux sociaux.

Au fil du temps, j’ai eu l’occasion d’apprécier les impor-

tantes compétences photographiques et les innombrables qualités humaines.

J’ai aussi réussi à consolider cette précieuse relation, ayant la chance de le connaître personnellement.

J’ai partagé avec lui diverses expériences passionnantes au cours desquelles j’ai appris à apprécier les valeurs profondes qui l’animent. En fait, il n’est pas concevable pour moi d’identifier des points de repère s’il n’y a pas une forte estime personnelle à la base. Sanguin comme tous les hommes du Sud, Aldo n’a qu’un mot, toujours gentil entre autres.

C’est un homme d’une autre époque, galant, perspicace et qui s’est illustré au fil des années comme photographe minimaliste, devenant une référence certaine pour la grande catégorie des photographes amateurs présents sur les réseaux sociaux.

Il a aidé et soutenu la croissance de beaucoup d’entre nous, assurant un confort continu.

Dans les années 80, au début de ce monde, il ignorait totalement de quels genres et de combien de genres la photographie est parsemée.

Il photographie tout, mais

avec parcimonie, sachant que pour les tirages il s’adresse à des laboratoires spécialisés. L’un de ses reproches est qu’il n’a jamais eu l’occasion de développer et d’imprimer chez lui.

Le minimalisme vient par accident.

Il y a une quinzaine d’années, il a pris une photo lors de vacances dans sa maison de plage.

La composition comprend quatre balais, tous avec des poils et des manches de couleurs différentes, préalablement lavés et mis à sécher. Il les trouve posés sur un mur d’un blanc pur, décalés et les poils tournés vers le haut. Ce fut, sans le savoir, sa première photographie minimaliste.

En effet, publié sur Panoramio, le site de partage de photos de Google récemment fermé, ses amis le classent d’emblée comme appartenant au genre.

Ainsi commence pour lui l’étude de cette façon fascinante de produire des photographies.

Il aime toujours rappeler à ceux qui racontent son histoire un passage qu’il considère fondamental pour sa formation ; la présence assidue dans un groupe Facebook bien connu dans le panorama des réseaux sociaux et minimalistes de la première heure, Only Minimal.

Fondé en 2012 par Biancamaria Bini, ce groupe a en effet forgé de nombreux auteurs qui se sont approchés de ce genre. Ses images, en plus d’être merveilleuses, sont toujours reconnaissables, elles ont ce qui se définit comme un code stylistique. Sa photographie est essentielle, toujours originale et ses compositions sont toujours un exemple de justesse.

Ses œuvres témoignent d’un besoin presque extrême de lignes épurées et de l’impérieuse nécessité d’une composition rigoureuse et précise. Une caractéristique qui distingue Aldo de manière particulière est celle de savoir décontextualiser les détails de leur contexte naturel, les rendant non immédiatement attribuables à lui.

Il a la capacité rare de pouvoir voir des similitudes et des analogies entre un objet connu et le détail capturé, rendant ce dernier, à travers une composition précise, difficile à contextualiser.

Il s’amuse alors à stimuler l’observateur, (suit page 22)

ALDO LAROSA PALAZZI 19 VENEZIA
photographie de aldo larosa

(suit de la page 19)

l’invitant à comprendre ce qu’il en est réellement.

Sa production photographique substantielle va du minimalisme géométrique au minimalisme abstrait.

Une autre particularité importante de toutes ses œuvres est l’absence totale de post-production telle qu’on l’entend communément aujourd’hui.

En fait, il se limite à quelques retouches sur la «coupe» à apporter à la composition dans laquelle il joue souvent aussi sur l’inversion du sujet filmé.

Il le fait pivoter sur son axe horizontal plutôt que vertical, modifiant ainsi sa position naturelle.

Ce jeu lui permet de désorienter l’observateur en le poussant à une lecture plus précise de l’image.

Au fil du temps, il a développé une technique manuelle très fine qui déjà dans la phase de prise de vue lui permet d’avoir ce dont il a besoin dans la composition, en accordant une extrême attention au respect des lignes et des géométries.

En effet, comme il l’admet franchement, «je ne sais pas utiliser les nombreuses fonctionnalités que Photoshop met à disposition, mais même si je savais comment le faire, je préférerais toujours m’efforcer de produire la photo à travers une plus grande attentiomn à créer la composition plutôt que de m’aider avec un logiciel».

De sa photographie, dit Maria Privitera – Professeur d’histoire de l’art : « Quel plaisir, quel goût de faire défiler vos minimals, au milieu de tant de pollution visuelle que vos silences racontent sans crier.»

Un voyage dans un minimalisme rigoureux et sévère qui m’a fait revivre de belles sensations, presque un retour aux sources, à une photographie conçue et jamais improvisée, qui tient compte des prescriptions rigides d’un genre peutêtre aujourd’hui à la dérive. Je conclus par une pensée d’Aldo, une de celles que je l’ai souvent entendu répéter : « Dans tout ce qui est observé avec l’intention de le photographier, il y a possibilité d’obtenir au moins un cliché du genre minimaliste : la capacité réside dans le trouver».

https://artevitae.it/aldo-laro

Les tous petits

Imprimés brodés (juillet 2019)

Pietrina Atzori (artiste de la fibre), Rosaria Straffalaci (peintre informel)

Aldo Larosa (photographe minimaliste)

Dimensions : 13 x 18 cm

Pièces num. 16

Technique : photographie, mobileart, broderie sur papier «Les petits» sont une série d’imprimés brodés qui naissent d’une action artistique partagée, menée par Rosaria Straffalaci et Pietrina

Atzori actives dans la recherche de contamination artistique

voir la vidéo https://vimeo.com/350052129

l’occasion de l’exposition «minimAldo», tenue en juillet 2019. dont la photographie minimaliste d’Aldo Larosa était la protagoniste, les deux artistes, commissaires de l’exposition, imaginent un scénario d’installation et dans ce scénario, avec le consentement et la complicité de Larosa, commencent leurs recherches. Après avoir sélectionné quelques plans minimalistes, les deux artistes commencent à interagir et interviennent chacune avec leur propre langage expressif.

Le premier niveau est celui du mobileart, à travers lequel les plans minimalistes sont habités par d’autres présences, souvent le visage d’une femme avec des références au monde des figures féminines dans la peinture la plus connue. Dans une étape ultérieure, le langage du fiberart s’insère, à travers des broderies et des insertions textiles, chargées parfois de souligner des passages visuels, d’autres fois dans un dialogue ouvert avec

l’image. C’est à cette occasion que j’ai rencontré Aldo Larosa et j’étais charmé par ses images, que je n’appellerais pas minimalistes, mais plutôt une manière de produire de l’abstraction avec des images de la réalité figurée et qui avec un zoom arrière apparaitrait comme figurative d’une réalité que nous nous efforçons de capter, comprendre, interpréter, saisir, tout comme la peinture dite abstraite c’est un moment éloigné de la figuration de l’univers qui nous entoure, Dernièrement, mais c’était il y a cinque années presque au même moment où j’ai connu Aldo, j’ai interviewé Tonino Casula, peut être le plus grand artiste sarde vivant à l’époque, qui depuis des années travaillé justement sur la perception en arrivant juste à produire ce qu’il appelé du «cinéma abstrait».

En fait des images composée de figures géométriques de base qui me rappellent plutôt les exercices de géométries descriptive de mes année à l’Institut

pour Géomètres, cela me fait tout de suite penser au peintre Cézanne et à ces simplifications justement en élément géométriques basiques de sa réalité visible e transcrivible sur une toile.

Enfin de n’importe quel coté on veille aborder la question de savoir comment nommer le photographies de Aldo Larose, je trouve qu’elle sont tout simplement belles et sans appeler au secours Freud, la mythologie grecque ou n’importe quelle élucubrations syntagmatique chacune d’elle est empreinte d’une grande sérénité et semble nous dire que finalement non seulement tout est bien simple, mais par dessus beau et il suffit donc de prêter attention à ses clichés qui nous poussent à mieux regarder autour de nous et surement découvrir les beautés caché même dans l’alignement de trois balais de couleurs différentes.

C’est finalement une très bonne nouvelle et une preuve d’optimisme qui nous manque terriblement en ces temps chagrins.

Photo aldolarosa

’enfance dont on ne se débarrasse pas si facilement, jamais.

Prenez Jack Vettriano, un peintre écossais qui est l’un des plus aimés du public et – ça va sans dire – l’un des plus détestés par la critique. Le succès, l’argent (à la pelle) et les thèmes de ses œuvres semblent vouloir à tout prix s’affranchir d’un début de vie assez complexe. Au lieu de cela, comme dans la chanson «Samarcanda», Vettriano fuit ses fantômes pour les retrouver rapidement dans les plis de ses peintures. Pensez-y : Jack est né en Ecosse dans une famille de mineurs immigrés, si pauvre que son père l’a envoyé travailler à l’âge de dix ans et lui a fait interrompre ses études à seize ans. Le peintre Vettriano peint de manière obsessionnelle des scènes de luxe et d’érotisme brillant qui semblent provenir d’un film noir des années 1950, précisément l’époque où il mourait de faim et où il ne pouvait peut-être voir que certaines choses au cinéma. Ou imaginez-les. Loin de l’écrivain faisant de la psychanalyse bon marché, mais l’imaginaire très critiqué de Jack semble se référer précisément aux stéréotypes inaccessibles de sa jeunesse écossaise. Il veut s’éloigner si résolument de son passé, Vettriano, qu’il

adopte le nom de famille italien de sa mère au lieu de ce Hogan qui doit lui rappeler des moments pas exactement heureux. Quand il prend les pinceaux il a vingt et un ans, pas vraiment un enfant prodige, et quand il reçoit les premiers retours, le nôtre frôle la quarantaine. La technique autodidacte est plutôt incertaine, le style renvoie aux intérieurs du grand Hopper – il faut le dire, sans même s’approcher de loin de la classe d’Edward – et de Walter Sickert, ses plages mélancoliques mais quelque peu banales rappellent celles d’Eugène Boudin.

Les critiques se sont moqués de lui pendant des années, mais le public est tombé sous le charme de ses sketchs à partir du célèbre «The Singing Butler». Vettriano devient le peintre le plus utilisé pour les cartes de vœux, les cartes postales, les calendriers et les couvertures de livres.

Le gros argent vient de là, plutôt que des commissions. Les pontes boudent le nez, il s’assied à la caisse, compte les billets et rigole. Des millions affluent dans ses poches et il peut s’offrir des voitures de luxe et des vêtements qu’il ne pouvait auparavant que peindre. Pas mal pour un fils de mineur prolétaire.

Le «Daily Telegraph» dit de lui qu’il peint des scènes «porno soft mal conçues», pour «Vainty Fair»

son «érotisme sans cervelle», le «Guardian» ne le considère pas «même pas comme un artiste» et Sandy Moffat, directeur du dessin et de la peinture à la Glasgow School of Art, dit qu’il «ne peut pas peindre, il peint juste».

Alice Jones écrit dans «The Independent» que Vettriano est un chauvin dont «les femmes sont des objets sexuels, souvent à moitié nues et vulnérables, toujours en bas et talons aiguilles».

Tout vrai, s’il vous plaît. Les scènes érotiques du peintre sont en réalité risibles, résultat d’une imagerie datée et dépassée, avec une femme au service de l’homme alpha, perpétuellement dans des costumes élégants qui semblent tirés des «Intouchables» sinon en uniforme.

Les femmes semblent souvent être des engins conçus uniquement pour consoler les hommes de leurs responsabilités écrasantes : oui, eh bien. Un peu de trucs de boomer, si vous voulez.

Et pourtant, quand Vettriano ne se laisse pas emporter par le démon kitsch qui s’agite en lui, des éclairs de magie jaillissent de ses toiles. Ses femmes solitaires, réfléchies, déprimées ou déterminées, toujours en clair-obscur entre des lumières, des ombres et un rideau à peine secoué par le vent, semblent presque envoyer un message à l’observateur.

JACK HOGAN VETTRIANO

Peut-être même une demande d’aide pour s’émanciper de l’autre Vettriano, celui qui peint de l’érotisme bon marché pour faire monter la pâte, dans un dédoublement artistique digne de Jung. Bref, les œuvres de Vettriano sont un plaisir pour les yeux et doivent être regardées en éteignant le cerveau pour éviter trop de reflets. Sinon on finirait par regretter l’artiste vettriano qu’il aurait pu être et qui ne l’a été que rarement, trop occupé à combler par le vide les manques dont il a souffert enfant. Né à Saint Andrews et élevé à Methil - une ville industrielle écossaise du Fife - dans une famille liée aux mines de charbon, Hogan a commencé à travailler tôt, dès l’âge de dix ans, pour contribuer aux finances familiales et à 16 ans, il a quitté l’école pour travailler comme un apprenti technicien minier. Il a commencé son activité de peintre en autodidacte après avoir reçu un ensemble de pinceaux et d’aquarelles en cadeau pour son vingt et unième anniversaire. Ses premières œuvres, signées de son nom de naissance, sont généralement des reproductions d’impressionnistes qu’il n’a pu exposer dans un milieu artistique professionnel que près de quinze ans plus tard : sa première exposition était, en effet, de 1988 à la Royal Scottish Academy au cours de laquelle, le premier jour de l’exposition, ses deux tableaux présentés ont été vendus ; cela a garanti à l’artiste l’invitation à de nombreuses expositions dans d’autres galeries d’art. La fin du mariage et le transfert ultérieur ont coïncidé avec le succès artistique La fin du mariage et le transfert ultérieur à Édimbourg ont coïncidé avec le succès artistique; là, Hogan a pris Vettriano comme nom de scène, le prenant du nom de famille de sa mère, fille d’un émigré de Belmonte Castello, à Ciociaria, qui a quitté l’Italie pour travailler en Écosse comme mineur. En novembre 1999, le travail de Vettriano a été exposé pour la première fois à New York, exposé à la Foire internationale des arts du XXe siècle. Une série de ses œuvres s’est vendue pour un total de plus d’un million de livres en août 2007. L’œuvre la plus chère était Bluebird à Bonneville, achetée 468 000 £ lors d’une vente aux enchères Sotheby’s organisée en Écosse à l’hôtel Gleneagles. Vettriano maintient des ateliers d’art en Ecosse, à Londres et à Nice. Il a été représenté par la Portland Gallery jusqu’en 2007, ses peintures étant achetées par Jack Nicholson, Sir Alex Ferguson, Sir Tim Rice et Robbie Coltrane et d’autres personnalités notables. Cinq tomes sur sa vie et son œuvre ont été publiés à ce jour, le dernier en 2008 sous le titre Studio Life. wikipedia.org

PALAZZI 23 VENEZIA
Photo wikipedia.org

u fond, il s’agit de mémoire.

Par cristallisations, éclats, énigmes, effets d’absence.

Des objets, dont l’agencement témoigne d’une intention, sont proposés au présent : on peut les voir, les décrypter, les toucher même.

Face à eux, nous sommes vivants.

Eux sont pris dans la contingence de leur aléatoire pérennité, rescapés du grenier, de la solderie, du bric-à-brac – alluvions du passé soudain dignifiés par un regard.

Ils avaient un usage, une destination.

Le temps les a transformés en reliques ; en questions. Voyez « Memory Box ».

Des appareils photographiques des années 19301945 sont rassemblés comme sur une planche anatomique. Objectifs, boîtiers chromés, molette qui n’actionnera plus aucun rouleau.

Autrefois, un doigt a pressé le déclencheur, les sels d’argent de la pellicule ont capté une moire de lumière.

Des corps impressionnaient une surface.

Au développement, des visages familiers se fixaient sur le papier.

Personne ne saurait dire où sont passés ces clichés.

Mais le destin des vestiges est de survivre aux hommes : images disparues, focale intacte.

Etait-ce à Paris, à Berlin, à Rimini ?

Quelles luminances, quels secrets, quelles amours ?

On ne le saura jamais.

Il émane de ces boîtiers la double certitude d’une existence – des êtres sont passés – et d’une disparition – ils se sont perdus dans les labyrinthes du temps.

Quand le photographe était connu, il s’appelait Robert Capa, Gerda Taro ou Gisèle Freund.

Il y a eu des fonds, des collections, des albums. Ici, aucun musée ne viendra recueillir les clichés de ces anonymes oubliés.

On songe soudain à ceci : la démocratisation de la photographie fut contemporaine des disparitions de masse. Au stock d’images intimes, constitué comme un herbier de soi-même, allait répondre la destruction industrielle

des corps. L’ère de la technique autorisait la constitution d’une trace mimétique, d’une archive narcissique, en même temps qu’elle organisait l’anéantissement par millions d’individus qui s’étaient prêtés au snapshot. Des portes se sont verrouillées sur des enfers sans images. Ceux qui avaient été vus devenaient invisibles.

Géraldine Cario travaille au point où l’on va quérir des beautés disparues du côté de l’Hadès ou de l’Achéron. C’est une artiste orphique. Elle convoque l’engloutissement et l’exhumation, la damnation et la grâce. Parfois, elle fixe un boîtier Agfa dans une matière stratifiée, comme cervicale : il y a eu de la pensée pour habiller de souvenirs ces mécanismes veufs. On regarde ses œuvres autant qu’elles nous regardent. Avec la pupille, le diaphragme, l’iris, le verre, nature et culture conspirent selon les lois de l’optique à une histoire de l’œil.

Ainsi de la série « Angle mort», avec ses kits de lunettes privées de visages. Ces prothèses translucides, ces loupes de poche ont pourtant servi, autrefois ou naguère, à déchiffrer des carac-

tères, à parcourir les pages odorantes de volumes reliés.

Une paire de lunettes est un adjuvant de la civilisation : plus l’on vieillit, plus l’on est tributaire de ces secourables bésicles sans lesquels, à la lettre, on perdrait le sens.

Mais des femmes et des hommes se sont vus dépouiller de ces truchements pour entrer nus dans les dédales de la mort ; ils ne verraient plus ce monde où l’on empilait en sinistres stocks les vestiges de la vie.

Traces de regards absents, montures de verres entassées au-delà de tout salut – espérant sans espoir la future tendresse d’une mémoire.

Car ces œuvres sont des actes de restitution, des stèles de douleur conformées par l’absence et la gratitude.

Ainsi de « Gustie à Berlin ».

Titre énigmatique ? Peut-être, mais aussi recréation littérale, immaculée, d’un fragment de barbarie faisant irruption dans une intimité disparue.

Lors de la Nuit de cristal, la grand-tante de Géraldine Cario put quitter à temps son appartement berlinois. Mais les nervis hitlériens en dévastèrent les pièces, brisant la vaisselle qui avait été dissimulée dans les faux plafonds.

Le plancher était jonché de tessons.

Le récit de Gustie la survivante s’est cristallisé en morceaux de vaisselle fracturée, en une empreinte d’éphémère qui fait écho chez l’artiste à un sentiment précoce de la fugacité des choses.

Lors d’un déménagement, alors qu’elle avait dix ans, Géraldine Cario recueillit ainsi un éclat de bois doré détaché d’un grand miroir et le plaça précieusement dans une boîte tapissée de velours bleu nuit.

Elle le fit avec le sentiment aigu que la vie est une incessante séparation, en sympathie de réminiscence avec ce que la jeune fille devinait de l’histoire dont elle procède, et qu’il lui incombe de transmettre.

Pas d’angélisme, parce qu’il y a eu un avant.

Ce que le hasard a autorisé, et ce qu’il a banni.

Cet avant a la forme d’un univers englouti. Pour autant que les mots puissent approcher la vie que les objets estompent ou déclarent, on y trouverait des aïeux hongrois ou polonais, une Mitteleuropa perdue, des frontières passées à la hâte, des enfants cachés, une bibliothèque talmudique préser-

Géraldine Cario
GERALDINE CARIO PALAZZI 24 VENEZIA
Photo agapéhub

vée, des trains partant vers ces confins où, comme l’écrivait Aragon, « notre siècle saigne ».

Cette mémoire est singulière. Et elle est universelle, liés que nous sommes au destin de ce qui meurt, c’est-à-dire à la condition commune du vivant. Vous croyez entrer dans une exposition ; en réalité, il vous est proposé de parcourir les annales d’une solitude peuplée que chaque génération, dans la considération des autres, façonne et habite selon son drame et son espoir. Il nous est donné de vivre. L’art est là pour faire entrevoir que le ciel sera toujours plus grand que nous.

Marc Lambron de l’Académie française

Faire des étincelles

Il y a des têtes hérissées de clous, des boussoles, des cibles, des clefs, des fragments de cartes géographiques.

Il y a des miroirs en puzzle, des caissons lumineux où, depuis l’abîme noir et blanc du temps, de beaux visages graves et des mains solitaires reprennent vie.

Il y a une armoire à pharma-

cie remplie de bougeoirs à prière, où un mètre de tailleur serpente comme un anneau de Saturne qui traverserait l’histoire du deuil.

Est-il possible de sauver le temps ?

De prendre soin de très anciennes brisures ?

De raccorder des mondes ?

Géraldine Cario assemble les traces d’une désorientation qu’elle conjure et traite avec la ténacité fragile d’une sorcière vouée à la douceur.

Il ne s’agit pas d’organiser un sauvetage d’objets — aucun sentimentalisme dans son art —, mais de fonder un lieu pour que le temps revienne.

Ce lieu peut être un mur, un boîtier de radiographie, un caisson d’horloge. Géraldine Cario y procède à des rapprochements qui sont des gestes spirituels.

C’est la chose la plus simple du monde, la plus subtile, la plus effrayante : une invocation. « Les mots, écrit Kafka, sont dans la main des esprits.»

Lorsque Géraldine Cario entoure de points lumineux les silhouettes des petites photographies anonymes qui parsèment son oeuvre, lorsque à la manière des statuettes

Minkissi du Congo elle enfonce des clous, des vis et des

plumes dans une tête sculptée, c’est pour insérer, comme une lame de rasoir, un mot entre le monde des morts et celui des vivants.

Ce mot ne sépare pas : au contraire, s’il glisse au travers des univers disjoints, c’est afin de suspendre la destruction. Il est possible, avec les bons gestes, avec le mot juste, de modifier ce que produit la négation : de « réparer », comme dit Géraldine Cario (et dans ce terme, j’entends la puissance invisible du tikkoun olam— la réparation du monde — qui, dans la mystique juive, accomplit la prophétie messianique).

Réparer consiste à extraire les étincelles de lumière qui sont prisonnières de la matière : sur ses murs, en rapprochant de petits morceaux du temps, loin du monumental qui écrase, et en se détournant avec élégance des rapports de force, Géraldine Cario compose un arbre séphirotique — elle agence la possibilité d’un salut.

Une œuvre qui ne poserait pas la question de ce qui sauve n’existerait pas.

Les assemblages de Géraldine Cario arrachent les humains à la fosse. De minutieux éclats naissent à partir d’un boîtier,

d’un accrochage rituel, d’un tableau de fils. Le monde ne cesse de sombrer, il nous dévisage à travers sa chute ; mais les yeux qui s’ouvrent avec intégrité sur ce qui manque allument un trésor.

Il m’est arrivé, dans l’atelier de Géraldine Cario qui ressemble à un antre lumineux, de lui demander comment elle nomme ce qu’elle façonne : est-ce que ce sont des objets ?

« Des textes », m’a-t-elle répondu.

Voilà, des mots s’adressent à l’effacement.

D’ailleurs la voyelle -e, que Georges Perec fait disparaître comme l’irrévocable part manquante de l’être depuis l’extermination des Juifs d’Europe, se retrouve ici piquée sur une boule noire qui vous apparaît comme la matérialisation même de la béance, du vide et de ce qui fait défaut : la forme retournée du manque, c’est la boule.

Toute cette œuvre, adressée à l’absence comme une muraille d’ex-voto, se destine à rallumer la mèche d’un sacré qui tremble et chuchote, comme une petite lumière qui troue des silhouettes du passé et les ramène à la vie.

Et si vous vous approchez, si vous tournez réellement votre esprit vers ces actes de papier, vers ces conjurations silencieuses, quelque chose advient qui relève de cette mémoire en avant que Aby Warburg avait appelé Mnémosyne.

Le temps ne cesse de faire retour afin d’établir un rapport entre le passé et l’avenir, entre le ciel et la terre, entre ce qui meurt et ce qui renaît.

Les hasards nécessaires

Une exposition de Géraldine Cario A partir du jeudi 8 juin 2023 Espace
l’Institut français
Tel
(entrée
Foto geraldine cario PALAZZI 25 VENEZIA
d’accueil de
de
Aviv 7 bd. Rothschild Vernissage le jeudi 8 juin à 19h30
libre)

’Institut français de Tel Aviv accueille à partir du jeudi 8 juin

2023 l’exposition

«Les hasards nécessaires » de l’artiste française Géraldine Cario : quatre de ses œuvres, extraites d’un ensemble plus large, qu’elle présente comme une méditation sur la vie, une invitation pour le regardeur à un questionnement sur ce qui tient du hasard ou du libre-arbitre.

Encres suspendues dans les airs, envol de pinces chirurgicales ou assemblage hasardeux de mikados multicolores, Géraldine Cario présente dans ses installations la fragilité de nos vies et l’incertitude qui la traverse.

Chaque événement vécu prend sa part dans notre construction intime, et nos vies s’élaborent ainsi, à notre insu parfois, comme une mosaïque à la fois diverse et cohérente, fruit du hasard ou de choix raisonnés.

Elles se forgent d’ombre et de lumière, au travers des épreuves, des connaissances acquises, des expériences vécues, de tout ce qui a effet sur nous.

Ce morcellement présent dans les œuvres de Géraldine Cario parle également de ce qu’est un individu dans le collectif, semblable aux autres et pourtant singulier, pièce de puzzle infime et indispensable à l’ensemble.

Le travail de Géraldine Cario porte sur la mémoire, les traces et ce qui nous impressionne au sens strict du terme.

L’artiste exprime ici cette intrication du hasard et de la volonté.

Elle pointe les synchronicités, ces événements qui nous impactent, sans que nous en prenions toujours la mesure, et tout ce qui cristallise en nous lumière et obscurité.

Les hasards nécessaires sont une invitation au questionnement et à la rêverie ; ce qui compose pas à pas notre identité propre et nous incite à poursuivre notre route à chacun singulière.

Géraldine Cario est née par hasard à Paris entre 1897 et 1977. Sa vie est transversale, spécialiste de rien et intéressée par tout, elle est diplômée d’une grande école, a étudié le droit et la psychologie avant d’exposer son travail artistique où la mémoire et la vie tiennent une place centrale. Issue d’une famille juive sioniste venant des quatre coins de l’Europe, c’est la première fois que Géraldine Cario expose en Israël. « C’était logique et ça manquait », nous confie Géraldine Cario, « J’ai un lien très fort avec Israël, exposer ici, en Israël et à l’Institut français, est une immense joie. Je suis 100% française. 100% juive. 100% sioniste ».

Les hasards nécessaires

Une exposition de Géraldine Cario

A partir du jeudi 8 juin 2023

Espace d’accueil de l’Institut français de Tel Aviv | 7 bd. Rothschild

Vernissage le jeudi 8 juin à 19h30 (entrée libre)

Heures d’ouverture de la galerie : Du dimanche au jeudi : 9h00-18h00

Vendredi : 9h00-13h00

éraldine Cario n’est jamais aussi à l’aise qu’entourée de ses oubliés.

Ils sont nombreux, silhouettes sépia de photographies anonymes, souvenir d’objets trouvés, relique reconstituée, vestige d’une époque ou d’une autre.

Ils vivent à nouveau, ils parlent même, avec une douce mélancolie, à travers une ombre ou un trait de lumière, un mécanisme redécouvert, une accumulation de semblables. Saurez-vous les entendre ? Il faut pénétrer dans le labyrinthe du temps construit par l’artiste. C’est là que vous la trouverez, au milieu de ses propres souvenirs et gardienne de tous ces autres, ceux qui n’ont plus de nom.

A notre arrivée, un bruit de roulement. Le son est profond, plein et lourd sur le béton. Géraldine Cario est en pleine expérience. Elle fait rouler les boules de billard au sol, les écoute, s’arrête, recommence, lève le nez. “J’y travaille, je réfléchis à comment les faire bouger. J’adore le bruit qu’elle font.” Bienvenue dans l’univers protéiforme de l’artiste : ici, tout s’observe

et trouble, théâtre d’histoires mélancoliques, témoins du temps qui passe. Surtout, tout est histoire de mémoire.

“Chaque deuil rappelle tous les autres. Quand ai-je pensé cela pour la première fois…”

Tout a commencé avec un appareil photo. Non, il faut remonter plus loin, tout a commencé avec un miroir. A son premier déménagement, Géraldine Cario est enfant.

“J’étais toute petite. Ca n’était pourtant pas grand chose !

Nous changions d’appartement mais restons dans le XVIe arrondissement.

Les hauteurs du plafond n’étaient pas les mêmes.

Chez nous, il y avait un grand miroir. Je savais qu’il ne pouvait pas venir avec nous.”

La petite fille récupère un morceau de bois doré du cadre, le pose sur un ruban bleu, l’enferme dans une boîte qu’elle conserve.

Déjà, le rituel, la conscience aigüe “de départ et de fin, du caractère irrémédiable des choses, du temps.”

La vie passe.

Les études, le droit, la psycho, l’Essec.

Le travail, au pluriel : en mairie, à l’UNESCO, en finance.

“Tout ça, c’était de l’acrobatie.”

L’acrobate, ça lui va bien, toujours tendue entre deux fils, plusieurs situations, équilibriste du temps.

Des amis, le mariage, les enfants.

Pendant tout ce temps, elle écrit, elle installe “chez nous, j’envahissais.

Les murs, le sol, je mettais des objets en rapport, j’accumulais.” Inlassable chineuse d’objets rouillés, troués, cassés, elle leur donne une seconde vie, les élève au rang de reliques dans une installation majestueuse, les intègre à ses cabinets de curiosités, les dignifiant à la manière des studiolo de la Renaissance.

LA MÉMOIRE COMME PANSEMENT : MEMORY BOX ET GUSTIE À BERLIN

Un, deux, dix, vingt appareils photos, tous anciens. “Je me suis aperçue que la majeure partie d’entre eux avait été fabriquée entre les années 1920 et l’immédiat après-guerre. Donc, c’était vraiment la photographie d’une époque. De l’avant et du juste après. Je ne savais pas à qui ils avaient ap-

PALAZZI 26 VENEZIA
Photo geraldinecario Photo wikipedia

partenu, ce qu’ils avaient vu.

J’en ai trouvé en Allemagne, en France, dans toute l’Europe. J’ai tout d’abord pensé que c’était moi qui leur demandais des comptes, en les plaçant face-à-face. Mais finalement, n’était-ce pas eux ?”

Comme la cartographie muette d’une époque, ses nondits, ses oublis, l’aura contenue d’un objet qui a tout vu, des amours, des souffrances et des pertes, des vies entières.

“Et puis, l’objet survit à la mort, à tout. Sa portée est infinie.” Memory Box naît d’un entrelacs de questionnements personnels et universels. De la petite histoire mêlée à la grande.

En filigrane, la conscience d’un peuple.

Si elle n’avait pas été rappelée à l’ordre par les concours des grandes écoles, Géraldine Cario n’aurait peut-être pas mis en sourdine ses rêves artistiques pendant quelques années.

Peut-être n’aurait-elle, d’ailleurs, pas vécu la même vie : “j’adorais la vie à Jérusalem. J’étais tombée amoureuse de la bibliothèque de l’université, que je voulais intégrer, avec sa vue invraisemblable

sur les montagnes de Judée…

J’ai toujours été très sensible aux espaces. Jérusalem, dès l’adolescence, m’a happée.

J’ai pensé ‘c’est là’.”

« Gustie à Berlin »

Le rapport à la religion est ainsi présent : instinctif, sensible.

C’est donc de là, que provient cette sensation paradoxale, à la fois grave, mélancolique mais dans laquelle la vie et son élan furieux priment.

“C’est très fort d’aller vers la vie.

Les Juifs se sont tus après la Shoah, parce qu’il fallait vivre!

Pour le présent et pour le futur.

Mes grand-parents n’ont jamais parlé de leurs frères et soeurs, de leurs oncles et tantes.

Et la seule anecdote familiale que je connaisse célèbre cet élan.

J’en ai tiré une oeuvre : Gustie à Berlin.”

Allemagne, 1938. Pendant la Nuit de Cristal, la grand-tante de Géraldine Cario quitte, juste à temps, son appartement berlinois.

Les Nazis se contenteront de le mettre à sac.

Détail barbare, la destruction

minutieuse de la vaisselle cachée dans les faux plafonds. A son retour, elle trouve le sol jonché des morceaux de porcelaine brisés.

L’anecdote de Gustie prend forme dans l’oeuvre de sa petite-nièce, inégaux tessons blancs enfermés dans une vitrine.

De la fugacité des choses.

DOUX MÉCANISMES DE RÉPARATION

“Réparer, voilà ce que je fais. Pas pour moi, mais pour le monde.

Le constat de la catastrophe ne m’intéresse pas, je l’ai intégré depuis longtemps. Ce qui me fascine serait plutôt cette pulsion de vie. Vivre avec l’irréparable. Espérer.

” La petite fille qui devinait tout, même sans mots, de l’histoire qui la précède, se serait-elle transformée en guérisseuse de souvenirs ?

« Angles morts » Cathartique est le terme. Dans Angles Morts, elle stoppe nette la chute de ces lunettes anonymes, tordues, privées d’yeux et de propriétaires.

Qu’ont-elles vu, qu’ont-elles lu, vécu ?

Le temps l’a englouti. Fixées dans la résine, rendues sujet central d’un morceau de mémoire, Géraldine Cario leur offre un regard.

Dans ses Emballements, elle réunit ses objets orphelins. Les momifie à l’aide d’une chemise, celle qu’elle avait porté à l’enterrement de son père.

“Je leur ai fait peau neuve, pour leur donner une seconde vie.

Et puis, cette réflexion me trottait dans la tête : dans la première partie de sa vie on s’emballe, dans tous les sens du terme, c’est-à-dire qu’on s’enthousiasme et qu’on accumule un certain nombre de couches protectrices; dans la seconde partie de sa vie, on déballe.

Soit on se débarrasse des couches superflues, soit… La question reste ouverte. Souvent, ce n’est d’ailleurs pas la réponse qui nous manque mais la véritable question.”

L’atelier de l’artiste contient ces mille détails réappropriés, véritable refuge de l’oubli. Ce squelette, là-bas ?

D’anciennes pipes-cibles de tir des fêtes foraines, orphelines du temps : désormais les enfants tirent les ballons. Disposées comme une ossature archéologique.

Ou un parcours de vie, avec ses accidents et ses trébuchements ?

Et cette toile d’araignée par ici ?

“Je l’ai nommée Cartographie du Je.

Nous déplaçons des curseurs sur nos idées antinomiques. Liberté/responsabilité, actions/inhibitions…

Le cerveau crée-t-il la toile, ou s’articule-t-elle de façon à piéger le cerveau ?

” Laisser les oeuvres “ouvertes”.

Les questions en suspens. Plus loin, des cartons de trésors perdus, des expériences de lumières et de coton, d’aiguilles et de bric-à-brac rendus poétiques, de petites boules de cheveux, les siens et ceux des enfants, comme autant de témoignages de tendresse, à la manière des bijoux de cheveux du XVIIIe siècle, des agrandissements de photographies anciennes et anonymes, généalogie réinventée. Un regard, une main, sur lesquels un oeil, le sien, s’est enfin attardé de nouveau, en reine du royaume de la mémoire.

PALAZZI 27 VENEZIA
Photo geraldinecario

rigitte Méniger est une artiste parisienne, tout feu tout flammes, volubile et instinctive.

Trois ans déjà qu’elle a orienté son travail de sculptrice vers des formes géométriques, simples comme des briques en terre cuite émaillée, devenues peu à peu prétexte à des propos graphiques, formes de base dont elle s’empare comme un peintre s’empare de sa toile.

Ces briques - ainsi sontelles désormais désignéess’étirent.

Dans leur format hypertrophié, elles sont désormais présentées sur de hauts socles et leurs propos flottent au-dessus du sol.

Elles s’aplatissent également parfois, jusqu’à devenir plaques murales.

Rectangulaires ou hexagonales, chaque face offrant toujours son support : le propos est multiple, l’histoire se racontant au recto, au verso, sur les tranches et jusque dans les attaches.

Sujets de libres expérimentations, les briques ont invité la sculptrice à glisser encore un peu plus vers la peinture, et le dessin.

Cependant que la terre sousjacente, la cuisson des émaux, le volume des supports, tout participe à l’étonnante singularité formelle de ces œuvres.

Intuitive dans ses approches, Brigitte Méniger se régale de ces rendus inclassables et se révèle excellente coloriste. Des scènes parfois brutales servies par des couleurs acides répondent à d’autres plus apaisées, ou les céladons apportent leur douceur.

Des visages nous regardent, des foules se pressent, des couples s’enlacent, des bouches s’embrassent : notre humanité y foisonne.

Brigitte Méniger conserve précieuse l’idée que seul un traitement personnel offre toute la profondeur recherchée.

C’est d’émotions qu’elle souhaite parler : celles qui la traversent, celles que son travail pourra susciter.

Et de passion aussi. A l’image de sa relation avec la terre. Pour son 3e anniversaire, la Galerie Grès a présenté l’automne dernier une sélection d’œuvres récentes de cette artiste précieuse, dont grand nombre de briques.

Aujourd’hui Brigitte Méniger, dans la continuité de ses précédentes expositions, nous surprend encore et toujours

Brigitte Meniger

Sculptures

Cèramiques du 14 juin 2023 au 13 juillet 2023

Vernissage 14 juin 2023 à partir de 18 h à 21 h

Galerie Grès

9 rue du Pont-Louis-Philippe Paris 75004

France

www.galeries-gres.com

Tél.:+39 06 83 84 36 23

@galeries.gres

par sa capacité à se réinventer dans une cohérence avec son expression singulière. Des formes plus libres, des présences toujours aussi fortes par la liberté du graphisme, et des couleurs sans hésitation ... Des pièces très sculpturales, jusqu’à l’abstraction complète.

Au delà, permanence de la matière très forte dans son travail.

Une très belle exposition, nous vous y attendons avec plaisir dès le 14 juin Je crois à la portée artistique de la céramique.

Projet de cœur avant tout, la Galerie Grès est conçue comme un lieu de rencontres et d’échanges, de création vivante, de passionnés d’art contemporain et de céramique, dans l’expression originale de ce médium.

A travers expositions et ateliers, la Galerie Grès offre à ses visiteurs de découvrir et partager un univers volontairement très personnel, auquel je prête toute ma présence. Au delà d’une galerie, c’est également une histoire qui s’écrit, avec des artistes d’aujourd’hui.

Albane HERRGOTT Fondatrice

Rappelons pour les distraits que la Galèrie Grès est aussi l’atelier d’une artiste céramiste particulièrement douée. Je veux parler ici de Paloma Kuns que nous avons intervoiewé plusieurs fois et qui n’arrète pas de nous surprendre avec ces multiples créations qui vont de la peinture à la musique en passant par l’ècriture de poème et la gravure. Née dans un quartier populaire de la vallée de Caracas, Paloma Kuns s’intéresse très tôt aux arts ; elle suit des cours dans un atelier dédié aux enfants au musée des beaux-arts. Son enfance est consacrée à la peinture et à l’écriture.

Adolescente, elle se découvre une véritable passion pour la musique et apprend à jouer de la mandoline et du hautbois. Sa formation universitaire et le début de sa carrière d’ingénieur chimiste l’ont éloignée d’une voie artistique.

En 2001, elle quitte son pays natal pour poursuivre ses études et sa formation en sciences et gestion en France.

En 2012 un grand changement s’opère dans sa vie, elle s’installe avec sa famille au Gabon et décide de renouer avec sa première passion : la peinture. Son travail à plein

temps est consacré à des activités artistiques, autodidacte ; elle crée une école publique de peinture pour enfants défavorisés et un atelier de peintre pour faire ses premières expositions.

Son retour à Paris en 2014 et son retour au travail en tant que chef de projet ne l’empêcheront pas de renouer avec ses passions et aspirations d’enfance comme devenir violoncelliste, un rêve enfoui depuis longtemps.

Son travail actuel en tant qu’artiste est en constante évolution; il véhicule une féminité inquiète, un rappel d’origines lointaines. Pour la contacter, veuillez envoyer votre message à paloma.kuns@gmail.com ou vous pouvez également «aimer » le site Facebook : https://www.facebook.com/ PalomaKunsArtist et vimeo.com/palomakuns

Bienvenue dans votre monde !

Vous pouvez aussi consulter nos vidéos

https://vimeo.com/490264759

https://vimeo.com/667120591

https://vimeo.com/236852585

https://vimeo.com/193972430

https://vimeo.com/193972430

parce que l’on aime Paloma Kuns

PALAZZI 28 VENEZIA
Photo wikipedia Photo wikipedia

Sarastro

„Die Strahlen der Sonne Vertreiben die Nacht“

Emanuel Schikaneder, la Flûte enchantée, finale II

voquer les Lumières à PortRoyal peut, à première vue, sembler bien paradoxal...

Les philosophes n’aimaient pas les jansénistes, qui le leur rendaient bien !

Voltaire faisait dans une lettre à Helvétius la proposition honnête et modeste d’étrangler le dernier jésuite avec les boyaux du dernier janséniste.

Il alla même, dans ses Lettres anglaises, jusqu’à engager la polémique contre Pascal et la vision janséniste du monde.

Pourtant, Port-Royal reste traversé et porté par les fulgurances d’un Blaise Pascal, remis à l’honneur cette année 2023 à l’occasion du 400e anniversaire de sa naissance.

Génie indépendant, mettant Epictète et Montaigne sous les yeux de Louis-Isaac Le Maître de Sacy, le confesseur des Messieurs de Port-Royal et prônant le doute comme moteur de la foi religieuse ; Port-Royal, toujours porté

aujourd’hui par cette haute figure de la pensée française, que le XIXe siècle peine à reconstruire comme le principal acteur des Lumières chrétiennes.

Mais, Port-Royal et les Philosophes se retrouvèrent à la fin du XVIIIe siècle sur le thème de la tolérance civile.

Et Port-Royal, berceau de la langue française, à travers l’oeuvre de Pascal et Racine incarne, aujourd’hui encore, les aspirations humanistes du classicisme français.

Dans l’oeuvre d’Anne Slacik, l’humanisme s’incarne dans les mots : dans ceux des classiques qui résonnaient déjà il y a trois cent cinquante ans dans les murs des Petites Ecoles comme Ovide ; elle suit Michel Butor interrogeant Platon; elle retrouve Charles Perrault, abandonnant un instant les sulfureuses biographies de Pascal et Arnauld pour ses fameux comtes.

Quand la poésie se fait symboliste, surréaliste, quand elle transcende les mots ; Anne Slacik suit le chemin des poètes dans l’épaisse nature, le long d’un ruisseau immobile, ouvrant un horizon de couleur plein du souvenir de Claude Monet au

Nénuphar blanc de Stéphane

Mallarmé : « Conseille, ô mon rêve, que faire ? » Quand la poésie devient abstraite ; les mots s’effacent alors, poèmes abstraits placés dans les bleus et les verts d’une eau tranquille sous ceux de Paul Valéry.

Et dans le chatoiement des couleurs, les rouges et les blancs éclatants d’une matière généreuse posée sur le vert transparent des premiers feuillages, elle peint la fraicheur d’un éternel printemps. Dans l’oeuvre d’Anne Slacik, les Lumières semblent poindre au fond d’une nuit profonde, dans la densité généreuse des pigments bleus ; comme une prophétie laïque pétrie de messianisme ; comme l’annonce par Zarastro, dans la Flûte enchantée de Mozart, autre monument de la Aufklärung, que les rayons du soleil toujours vainqueront les ténèbres. Elles brillent toujours au firmament d’un siècle nouveau qui semble oublier le prix d’un pareil héritage.

Philippe Luez Conservateur du musée national Port-Royal des Champs

Directeur du GIP Port-Royal

Dossier de Presse

ANNE SLACIK ECHOS DES LUNIERES

nne Slacik est née en 1959 à Narbonne. Elle vit et travaille à Saint-Denis et dans le Gard.

Depuis 1981 de nombreuses expositions personnelles ont été consacrées à son travail, notamment au Centre d’Art de Gennevilliers, au Théâtre de St Quentin en Yvelines, à la Bibliothèque du Carré d’Art de Nîmes, au Musée Pierre André Benoît d’Alès, à la Bibliothèque Municipale de Strasbourg, au Musée de Gap, au Musée Stéphane Mallarmé à Vulaines sur Seine et au Musée de Melun.

En 2012 le Musée d’Art et d’Histoire de Saint Denis associé au musée du Cayla dans le Tarn lui a consacré une importante exposition rétrospective. En 2013 plusieurs expositions personnelles ont eu lieu au musée Ingres à Montauban, au musée Rimbaud à Charleville Mézières et au musée de l’Ardenne, ainsi qu’au Centre d’Art Contemporain d’Arcueil..

En 2014 la bibliothèque Forney, Bibliothèque Historique de la Ville de Paris a présenté ses livres peints et un ensemble de toiles, et en 2015 sept lieux d’expositions dans les Yvelines dont le Musée National de Port Royal des Champs se sont réunis pour présenter différents aspects de son travail. En 2016 et 2017 son travail a été exposé à la maison de Victor Hugo à Paris dans le cadre de l’exposition « La Pente de la rêverie » et a fait l’objet d’une exposition au musée de Périgueux .

En 2018 le musée Paul Valéry de Sète a exposé les toiles « Petits Poèmes Abstraits ». En 2019, la bibliothèque du Carré d’Art de Nîmes a acquis et présenté la collection des 130 livres manuscrits-peints. Ses oeuvres sur papier ont été exposées en 2020 au musée d’art moderne de Collioure .

En 2020-2021, le Manoir Michel Butor à Lucinges en Haute-Savoie a consacré une de ses toutes premières expositions monographiques à ses grandes peintures, oeuvres sur papier et livres peints. En 2022 le musée Paul Eluard de Saint Denis a organisé une nouvelle exposition de ses grandes peintures récentes et de ses livres peints.

En 2023 le musée PAB d’Alès lui consacre une exposition personnelle Alès, «le beau temps selon Anne Slacik» accompagnée de l’édition d’un catalogue et le musée (suit page 30)

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Photo museenationaldeportroyal

(suit de la page 29) de Port-Royal-des-Champs présente un ensemble de grandes peintures Echos des lumières dans la Grange de Port-Royal, ainsi que des oeuvres sur papier et des livres peints dans le musée. Prix de peinture de la Fondation Fénéon en 1991. Chevalier des Arts et des Lettres 2021

Son travail est représenté par la galerie Convergences – Paris , la galerie Papiers d’art – Paris, la galerie Olivier Nouvellet –Paris, la galerie Samira Cambie – Montpellier, la galerie Artenostrum – Dieulefit, la galerie La Manufacture – La Rochelle, la Monos Gallery à Liège – Belgique, la librairie-galerie Métamorphoses – Paris représente ses livres peints .

La couleur est au coeur de son cheminement, utilisée dans sa fluidité sur des toiles de grand format, peinte sur les livres et les manuscrits peints, comme un va et vient possible entre la peinture et le livre, entre la peinture et la poésie.

De nombreuses rencontres et amitiés avec les poètes comme Bernard Noël, Jean-Pierre Faye, Bernard Vargaftig, Claude Royet-Journoud, Michel Butor, Jacques Demarcq, JG Cosculluela, Gaston Puel , Bernard Chambaz , Adonis ...ont donné naissance à des textes, à près de 400 livres dans le domaine de l’édition, à une collection de livres manuscrits-peints de plus de 130 titres.

Plusieurs monographies personnelles ont été éditées, notamment par les éditions Fabélio-Editions d’art.

Autour de l’exposition

Ouverture :

Tous les jours, sauf le mardi, de 10h30 à 12h30 et de 14h à 18h00 (en semaine), de 10h30 à 18h30 (samedi, dimanche et jours fériés)

Accès :

En transport en commun : RER C, Saint-Quentin-enYvelines ou RER B, St-Rémy-les-Chevreuse, puis cars

SAVAC jusqu’aux Granges de Port-Royal ou bus 464, arrêt Buloyer.

En voiture : depuis Paris : A 13 - A 12, sortie St-Quentin-en-Yvelines, direction Voisins-le-Bretonneux. A 86, sortie Saclay, direction Guyancourt. Depuis Versailles : RD91 direction Dampierre –Rambouillet

L’ATELIER DE GUSTAVE COURBET

eprésentant maximal du mouvement réaliste du milieu du XIXe siècle, Gustave Courbet a révolutionné le monde de l’art en affirmant que la liberté de création était souvent entravée par l’Académie. Dans ses toiles, en effet, l’artiste représente des paysages et des personnages du quotidien, donnant à chacun d’eux la possibilité de devenir l’objet de réflexions artistiques. Avec L’atelier du peintre, Courbet résume toute sa poétique dans un tableau aux dimensions colossales. Voyons donc l’histoire du tableau et le message que son auteur a voulu faire passer.

L’histoire de l’atelier du peintre Courbet

L’œuvre monumentale

L’atelier du peintre de Courbet fut exécutée en 1855 après une phase d’étude infinie qui impliquait la réalisation de nombreux dessins préparatoires.

La volonté du peintre français, en effet, était de résumer en une seule toile toute sa carrière artistique et les choix tant politiques que moraux faits au cours de sa vie. C’est particulièrement

évident si l’on lit tout le titre du chef-d’œuvre, à savoir L’Atelier du peintre, véritable allégorie qui détermine une phase de sept ans de ma vie artistique et morale.

Pensé pour être exposé au Salon de Paris de la même année, le tableau est rejeté par le jury au profit d’autres efforts de l’artiste jugés plus tard par la critique moins révolutionnaires dans l’évolution de l’histoire de l’art.

Suite au refus, Gustave Courbet décide d’exposer l’ensemble de ses oeuvres dans le cadre d’une exposition personnelle. Pour l’occasion, il fait également construire à ses frais un bâtiment appelé le Pavillon du Réalisme.

La lecture en direct de l’atelier du peintre de Courbet au musée d’Orsay est rendue compliquée par les grandes dimensions de la toile de 361 x 598 centimètres.

Par conséquent, des sujets grandeur nature sont insérés à l’intérieur, tous disposés dans la moitié inférieure de l’image.

Au centre, l’autoportrait du peintre, pris en flagrant délit d’achèvement d’une grande œuvre paysagère mettant en scène son Ornans natal. Derrière lui est placée une figure

féminine recouverte uniquement d’un drap blanc. Un peu plus loin pourtant, un enfant debout observe la scène. Dans le coin droit de la représentation apparaît un groupe de personnages définis par l’artiste lui-même comme « les gens qui vivent de la vie ».

Parmi les nombreux, il est possible d’identifier le mécène de Courbet Alfred Bruyas, accompagné de Baudelaire, Champfleury, Proudhon et Promayet.

Sur le côté opposé, cependant, «les gens qui vivent par la mort» sont représentés. Voici un rabbin, un braconnier avec ses chiens, une prostituée et un pauvre roturier.

Derrière la toile soutenue par le chevalet, on aperçoit un mannequin suivi d’une tête de mort sur un journal.

Enfin, l’écrin est l’ancienne grange que son père avait concédée à Courbet pour se consacrer à l’art. Interprétation de l’oeuvre de Courbet

Il apparaît donc évident que l’Atelier du Peintre de Courbet est en réalité une grande allégorie à laquelle est confiée une signification profonde et polémique.

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Photo caesar lookin cleopatra wikipedia Photo wikipedia

Au centre du message, l’artiste place lui-même et deux de ses caractéristiques : la vérité nue qui veille sur lui (la femme) et l’innocence avec laquelle quiconque doit aborder l’art (l’enfant).

gustave courbet

Hulton DeutschGetty Images

Le groupe de personnages inclus parmi «les gens qui vivent de la vie» est un condensé de personnalités éminentes que Courbet considérait vivantes d’un point de vue intellectuel et spirituel, à l’instar de ses clients.

Au contraire, parmi « les gens qui vivent de la mort », le peintre compte ceux qui préfèrent se réfugier dans les biens matériels.

Cela les conduit à mener une vie banale faite de religion aveugle (le rabbin), de divertissements stériles (le braconnier), de vices (la prostituée) et de misère (le pauvre roturier fait référence à la crise économique qui sévissait en Irlande à l’époque) .

Le mannequin derrière la toile est plutôt le modèle utilisé pour peindre une crucifixion et sert de critique sévère de l’art académique.

Enfin, le crâne du journal cite un enseignement

reçu du philosophe anarchiste Proudhon, selon lequel les journaux étaient les cimetières des idées.

Le style de Courbet dans L’atelier du peintre Pour l’Atelier du Peintre de Courbet, il reprend une composition déjà utilisée dans la réalisation du Jugement dernier.

De plus, tous les personnages sont disposés selon une grille précise qui crée des jeux spectaculaires de pleins et de vides, mettant ainsi en valeur les trois sujets principaux. Les couleurs sont majoritairement ternes et sombres.

Même les pigments, en fait, sont utilisés pour souligner la figure féminine nue, l’enfant et la toile peinte centrale.

La matière picturale, alors, est appliquée tantôt lissée, tantôt plus ondulée pour donner une plus grande physicalité à la scène.

Enfin, l’atelier du peintre Courbet résume tous les genres dans lesquels l’artiste s’est le plus aventuré : paysages, portraits, natures mortes, animaux et vues d’intérieur.

Redazione Digital https://www.elledecor.com/ it/arte/a43903413/atelierdel-pittore-di-courbet/

ean Désiré Gustave Courbet (Ornans, 10 juin 1819 - La Tourde-Peilz, 31 décembre 1877) est un peintre français. Mieux connu pour être le représentant le plus important du mouvement réaliste (et également crédité d’avoir inventé le terme lui-même), Courbet était un peintre de compositions figuratives, de paysages terrestres et marins et de femmes; il s’occupe aussi des problèmes sociaux, prenant à cœur les difficiles conditions de vie et de travail des paysans et des pauvres.

« J’ai cinquante ans et j’ai toujours vécu libre ; laissez-moi finir ma vie libre; quand je serai mort, je veux qu’on dise ceci de moi : il ne faisait partie d’aucune école, d’aucune église, d’aucune institution, d’aucune académie, encore moins d’aucun système : la seule chose à laquelle il appartenait était la liberté»

Gustave Courbet

L’art réaliste de Courbet a influencé plusieurs peintres ultérieurs, en particulier les impressionnistes. « Sa grande contribution est l’entrée lyrique de la nature, de l’odeur des feuilles mouillées, des murs forestiers couverts de mousse, dans la peinture du XIXe siècle […]. Et la neige, Courbet a peint la neige comme personne !» wikepdia.org

MARGUERITEYOURCENAR CLEENWERK DE CRAYENCOUR

arguerite Yourcenar, pseudonyme de Marguerite Antoinette

Jeanne Marie Ghislaine Cleenewerck de Crayencour (Bruxelles, 8 juin 1903 - Mont Désert, 17 décembre 1987), était une écrivaine et poétesse française. Elle fut la première femme élue à l’Académie française ; dans ses œuvres les thèmes de l’existentialisme sont fréquents, en particulier celui de la mort.

Pour son chef-d’œuvre Mémoires d’Hadrien, elle a été nominée pour le prix Nobel de littérature.

Elle est né dans une famille franco-belge.

Son père, Michel Cleenewerck de Crayencour, issu d’une famille bourgeoise (il était le fils d’une riche propriétaire terrienne, Noemi Dufresne), représentait le côté français de la famille ; sa mère, une Belge de lignée noble cette fois, Ferdinande de Cartier de Marchienne, est décédée dix jours après la naissance de Marguerite, des suites d’une septicémie et d’une péritonite consécutives à l’accouchement.

Marguerite a étudié avec des tuteurs privés et a grandi dans l’immense villa de sa grandmère Noemi au Mont Noir, dans la commune de SaintJans-Cappel, dans le nord de la France.

La petite fille se révèle d’emblée une lectrice précoce, s’intéressant aux œuvres de Jean Racine et d’Aristophane dès l’âge de huit ans : dès l’âge de dix ans elle apprend le latin et le grec à douze ans afin de pouvoir lire les textes originaux. d’Aristophane et d’autres anciens orateurs grecs et romains.

Puis, à l’âge de dix-sept ans, récemment installée à Nice, Marguerite publie son premier recueil de poèmes sous le pseudonyme «Marguerite Yourcenar» : elle choisit ce pseudonyme avec l’aide de son père, en anagrammant son nom de famille (Crayencour, en fait).

En 1924, à l’occasion d’un voyage en Italie, elle visite pour la première fois la Villa Adriana et commence à rédiger les premiers Carnets de notes de Mémoires d’Hadrien. En 1937 à Paris Marguerite fait une rencontre fondamentale pour sa carrière et pour sa vie : celle avec Grace Frick, alors professeur de littérature anglaise, qui sera sa compagne pour le reste de sa vie.

(suit page 32)

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(suit de la page 31)

En 1939, avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, elle s’installe aux États-Unis d’Amérique (elle prend la nationalité américaine en 1947), tout en continuant à écrire en français. Aux États-Unis, elle enseigne la littérature française et l’histoire de l’art de 1942 à 1950 et de 1952 à 1953.

Commence alors une décennie de privation, qu’elle définira elle-même plus tard comme la plus difficile de sa vie.

Cette période de sa vie s’achève avec la publication des «Mémoires d’Hadrien», certainement son livre le plus réussi.

A partir de ce moment, Yourcenar entame une série de voyages autour du monde, qui ne connaîtront une pause qu’en raison de l’aggravation de l’état de santé de sa compagne, qui conduira à sa mort en 1979.

Après la mort de Grace Frick, l’écrivain connaît Jerry Wilson, qui deviendra bientôt l’une de ses passions les plus intenses.

Mais même lui ne lui survit pas.

Comme mentionné, elle fait ses débuts d’auteur en poésie, avec le recueil «Le jardin des chimères», publié à ses frais en 1921.

Le premier ouvrage publié par une maison d’édition est un roman de 1929 : «Alexis ou encore le traité sur la lutte vana», où apparaît pour la première fois le thème de l’homosexualité vécue comme un drame intense.

De là commence une carrière pour l’écrivain qui lui apportera une renommée internationale.

Dans la période de 1932 à 1938, elle publie le roman «Moneta del sogno», situé dans l’Italie fasciste, «Fuochi», un recueil de prose lyrique inspiré par son amour non partagé pour André Fraigneau, et des romans orientaux, une série d’histoires inspirées de mythes et de légendes. de l’Extrême-Orient, de la Grèce et des Balkans. Attirée par le roman à mise en scène historique, elle écrit les «Mémoires d’Hadrien», son chef-d’œuvre, où la crise personnelle d’un empereur éclairé, arrivé au terme de sa vie, est recouverte par le crépuscule de l’Empire romain, qui se dirige vers une fin annoncée.

L’opera al nero est un autre roman de genre historique se déroulant à la fin de la Renais-

sance et mettant en vedette le médecin-philosophe Zénon. Là aussi l’histoire est une trame dessinée autour des vicissitudes tourmentées des protagonistes, avec de subtiles implications psychologiques apparemment hors du temps - par trop de modernité - par rapport à l’époque à laquelle les personnages sont amenés à jouer ; c’est ce qu’on définira comme la modernité du passé. En fait, le discours dans lequel Zénon énonce synthétiquement sa philosophie est très moderne en disant : «Nos idées, nos idoles, nos coutumes supposées saintes, et nos visions qui passent pour ineffables, me semblaient engendrées sans aucun doute par les soubresauts de la machine humaine, comme le souffle des narines ou des parties inférieures, du sueur et de l’eau salée des larmes, du sang blanc de l’amour, des eaux usées et des excréments du corps.

Cela m’irritait que l’homme gaspille ainsi sa substance dans des constructions presque toujours nocives, parlait de chasteté avant d’avoir démonté la machine à sexe, se disputait le libre arbitre au lieu de peser les mille raisons obscures qui vous font

cligner des yeux si vous approchez brusquement les yeux d’un bois, ou de l’enfer avant d’avoir interrogé la mort de plus près.»

«Comme l’eau qui coule», publié en 1982, rassemble trois récits historiques de l’environnement du XVIIe siècle, situés entre l’Italie et la Flandre.

Le premier, «Anna, sour...», a été écrit en 1925 après un séjour de la femme à Naples, où se déroule l’histoire intime et délicate de la passion incestueuse d’Anna pour son frère Miguel.

Le second, «Un homme noir», nous fait suivre les pérégrinations de Nathanaël (un autre des grands personnages yourcéniens), son amour pour la prostituée Sarai, son service auprès d’une famille noble et sa fin silencieuse dans la solitude d’une île.

La dernière histoire, «Un beau matin», est liée à l’histoire d’»Un homme noir» en racontant l’histoire de Lazaro, fils de Saraí et Nathanael, et sa vocation d’acteur.

Dans la trilogie «Le Labyrinthe du monde», Yourcenar passe de l’histoire du monde à celle, plus étroite, du microcosme de sa famille à travers les générations.

Elle a également écrit de nombreux essais et récits de voyage, qui ont fusionné dans les recueils «Avec bénéfice d’inventaire», «Le Temps, grand sculpteur», «Pèlerin et étranger» et «Le tour de la prison». En 1980, elle devient la première femme à entrer à l’Académie française. Marguerite Yourcenar est décédée à l’hôpital de Bar Harbor sur Mount Desert Island (Maine) le 17 décembre 1987.

1951 - Prix Nobel

En compétition pour le prix Nobel de littérature pour Mémoires d’Hadrien

1968 - Prix Fémina

Gagnante pour L’opera al nero

1972 - Prix Prince

Pierre de Monaco

Gagnante de carrière

1974 - Grand Prix national des lettres

Gagnante pour «Care Memories»

1977 - Grand prix de littérature de l’Académie française

Gagnante pour les «Archives du Nord»

1983 - Prix Érasme

Gagnante de carrière

PALAZZI 32 VENEZIA
Photo wikipedia Photo perugiatoday

ltre Terra est la curieuse enquête en cours menée par Formafantasma axée sur l’histoire, l’écologie et la dynamique globale de l’extraction et de la production de laine.

Commandée par le Musée national d’Oslo et organisée par Hanne Eide, l’exposition, présentée en mai, peut être visitée jusqu’au 1er octobre 2023.

Le titre dérive de l’étymologie du mot transhumance, formé par la combinaison des mots latins trans (‘ au-delà ») et humus (« terre ») : le projet cherche à éviter la définition simpliste de la laine comme un simple matériau et à élargir sa compréhension au sein d’une écologie beaucoup plus large. Observant le développement de la production de laine, l’histoire des artefacts et de la culture matérielle, Oltre Terra vise à démêler les complexités de la symbiose coopérative entre les animaux, les humains et l’environnement.

L’objectif de l’exposition est d’explorer cette relation intime mais complexe entre l’homme et l’animal, où les frontières entre dompteur et

domestiqué s’estompent. La culture matérielle et l’évolution biologique sont trop souvent conceptuellement séparées, ce qui nécessite une perspective holistique sur l’interdépendance entre les processus de production et l’évolution biologique.

L’exposition présente une approche critique du mode de présentation du diorama, un système couramment utilisé dans les musées d’histoire naturelle pour représenter une scène statique de la nature.

Ici, le diorama est éclaté, contenant six reproductions grandeur nature de différentes races de moutons, ainsi que des documents, des films, des sous-produits des processus de production et divers types de matières organiques.

Matériaux, techniques et êtres vivants sont présentés ensemble pour contraster les catégorisations actuelles qui séparent l’homme et l’animal, le produit et la matière biologique.

De vastes légendes, écrites par le philosophe Emanuele Coccia, proposent une interprétation de ces matériaux hétérogènes et de leurs interconnexions.

Au centre de l’exposition se trouve la vidéo «Touch afferents», développée par l’artiste Joanna Piotrowska et Formafantasma, coproduite par Nasjonalmuseet et la In Between Art Film Foundation.

Le film adopte une approche unique des sujets du spectacle, se concentrant sur le sens du toucher pour explorer des idées sur la co-domestication, qui est présentée simultanément comme une expression de tendresse et d’amour interspécifique et comme une forme de violence.

L’installation accueille également un tapis de laine produit par cc-tapis, composé d’une combinaison de quatre fibres de laine distinctes provenant de douze races de moutons italiens robustes.

Alors que les fibres de laine plus grossières sont généralement ignorées en tant que matériau de mauvaise qualité, elles trouvent une utilisation dans des produits qui n’entrent pas en contact direct avec la peau. https://www.exibart.com/ arte-contemporanea/storia-della-lana-e-rapporto-uomo-animali-lultimo-progetto-dei-formafantasma-a-oslo/

OLTRETERRA LAINE CHINANOW BRESCIA

u Spazio Carme de Brescia, une exposition de plus de 30 œuvres de la Sigg Collection, témoin de l’évolution et du processus d’émancipation de l’art contemporain chinois 8 008 sont les kilomètres qui séparent Brescia de Pékin, la capitale de la Chine.

Une distance considérable qui, grâce à l’innovation technologique, se réduit à la portée d’un clic ou d’un appel. Cependant, en raison de la situation politique, cette distance n’était pas seulement kilométrique mais aussi économique et culturelle jusqu’au milieu des années 1980. À partir de ce moment, grâce à la déclaration de la politique de la porte ouverte, la Chine a commencé à interagir avec le reste du monde.

Cette ouverture, en plus de favoriser les échanges commerciaux, a permis aux artistes chinois contemporains d’influencer et d’être influencés par la culture occidentale, permettant la création d’un art qui combine les deux cultures. Dans l’espace CARME à Brescia, l’exposition «CHINA NOW» sera ouverte du 1er juin au 3 septembre 2023. Conçue par les associations culturelles BELLEARTI et CARME, l’exposition se compose de plus de 30 œuvres, exposées pour la première fois en Italie, issues de l’une des plus importantes collections d’art contemporain chinois au monde, celle du Suisse Uli Sigg, collectionneur et ambassadeur au cours des années quatre-vingt en Chine.

L’objectif de l’exposition est de mettre en lumière les tendances, les thèmes et les transformations de la société chinoise à travers le regard d’artistes contemporains. L’espace Carme, l’ancienne église désacralisée de Ss. Filippo e Giacomo, est le cadre évocateur de cette exposition d’œuvres de la Sigg Collection.

Les deux grandes toiles de Liu Wei introduisent le thème de toute l’exposition : la corrélation symbiotique entre l’Orient et l’Occident.

Fan Shao et Gu Wenda proposent à nouveau l’ancienne technique chinoise de la peinture à l’encre dans une tonalité moderne.

À travers une peinture contemporaine, cependant, Ma Ke apporte des sentiments de critique envers l’establishment politique chinois.

(suit page 34)

PALAZZI 33 VENEZIA
Photo exhibart

(suit de la page 33)

Critique et provocation que l’on retrouve dans les œuvres de Jin Shan, Gabriele Di Matteo, Tian Wei et Gu Changwei. Les malentendus matériels et les décalages entre ce que l’on voit et ce que l’on croit voir sont plutôt les caractéristiques des œuvres de MadeIn Company.

La partie centrale de l’espace est engloutie par une sculpture-environnement de He Xiangyu.

Il représente le résultat d’une action d’un an au cours de laquelle l’artiste a fait bouillir cent vingt-sept tonnes de Coca-Cola, puis a exposé les résidus comme une métaphore visuelle de l’influence occidentale sur la Chine.

Ai WeiWei, quant à lui, déconstruit une table de la dynastie Qing puis la réassemble en une sculpture animée. Mention honorable pour la dernière salle de l’exposition qui présente The Second Seal, une œuvre vidéo de Kin-Wah Tsang.

Faisant partie d’une série de sept installations numériques, le spectateur est plongé dans un «rouge profond» dans lequel des phrases animées sur la mort, la vie, la condition humaine et de brèves références bibliques apparaissent à plusieurs reprises, en arrière-plan un bruit monte de plus en plus fort jusqu’à l’épiphanie dans laquelle aucun mot n’est plus reconnaissable et le bruit est assourdissant.

À ce stade, notre moi intérieur est déplacé, éprouve des émotions trop fortes pour être décrites, est catapulté dans une autre dimension, jusqu’à ce que le bruit s’apaise et que les phrases réapparaissent intelligibles. Nous sommes morts un instant puis ressuscités. Après une telle épiphanie nous « reconnaissons » notre vie, ses problèmes et ses complexités, comprenant cependant qu’elle est unique et digne d’être vécue. La communication visuelle des œuvres dépasse la capacité dialectique de l’homme. Ils parlent d’eux-mêmes, utilisant un langage fait de couleurs et de matières que tout le monde peut comprendre. L’impossibilité de communication entre les hommes nés à Babel prend fin avec l’art, le langage universel. Ces œuvres en sont des exemples. www.exibart.com/ arte-contemporanea/chinanow-a-brescia-va-in-mostrala-grande-collezione-di-ulisigg/

POLEMIQUES ENFONDEE SUR NAPOLI A PARIS

a grande exposition des chefsd’œuvre du musée

Capodimonte au Louvre est enfin ouverte au public mais les polémiques ne se sont pas apaisées. Parce qu’ils sont (presque) totalement infondés Une jeune femme enveloppée d’un léger yukata nacré, brodé de motifs floraux pourpres, s’arrête longuement devant la Flagellation du Christ, son cou fin légèrement tendu vers le haut, un petit sac Gucci à la main sur les genoux.

Les geôliers dépeints par Caravage, muscles sales sous des haillons, bouches brutalement grandes ouvertes, ne retournent certainement pas leur regard, engagés à lier le corps souffrant mais aussi doux, gracieux - en quelque sorte divin - du fils de Dieu. Qui est plongé dans les ténèbres.

Mais la toile créée par le génie lombard entre 1607 et 1608 brille, exposée dans la somptueuse et emblématique Grande Galerie de l’aile Denon du Louvre à Paris, prêtée par le Musée et Real Bosco di Capodimonte avec plus de 70 chefs-d’œuvre de Naples , également présentés dans

l’aile Sully, dans la salle de la Chapelle et dans la salle de l’horloge.

Les couleurs du Caravage –qui appartient au Fonds FEC des édifices religieux du ministère de l’Intérieur et qui a accordé le prêt de l’œuvre –sont très vives, tout comme celles des autres œuvres, qui représentent toutes autant de moments significatifs de l’histoire de l’art, de Colantonio à Luca Giordano, en passant par Annibale Carracci, Titien, Jusepe De Ribera, Guido Reni, Mattia Preti. Dans l’inévitable comparaison, celles tout aussi incroyables du Louvre semblent même ternes, nécessitant – c’est bien connu – une sérieuse campagne de restauration.

Au lieu de cela, les prêts de Capodimonte, mis en place dans la continuité des œuvres de la collection parisienne mais toujours mis en valeur par des graphismes différents et des légendes spécifiques, sont immédiatement perceptibles et pétillent dans les couleurs, émergent dans les formes.

Grâce au travail minutieux et respectueux de nos restaurateurs, de nombreuses œuvres sont parfaitement lisibles,

sans perdre la patine du temps, puis agrémentées de cadres neufs, spécialement commandés, ou anciens, pour des œuvres spécifiques, acquis pour cette occasion par le Musée Capodimonte. Et pour un musée italien, voire, justement, pour un site autonome du ministère de la Culture, il s’agit d’une intervention pas si habituelle ni si simple à réaliser dans les limites du budget (et en l’occurrence, en fait, la contribution a été fondamentale de nombreux mécènes et supporters).

«Le Louvre invite le musée Capodimonte», tel est le titre de l’exposition qui, malgré la formule d’une invitation polie, a suscité de nombreuses démangeaisons en Italie, à plusieurs niveaux et sur différents thèmes.

Rien d’inattendu, une opération aussi complexe se prête à de nombreuses interprétations qui, malheureusement, à force de vouloir cadrer ce qui est bien et ce qui est mal, se radicalisent souvent dans des énoncés peu clairs.

Selon certains commentateurs et le public, il est malvenu de faire voyager autant d’œuvres, en raison des aléas du transport et du vidage des

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Photo rainews.it

halles. La manipulation de dizaines de pièces aussi importantes a certes représenté un défi musclé de collaboration organisationnelle et muséale mais aussi diplomatique, à partir d’une étude de cas ou d’un documentaire, entre deux institutions, deux Ministères (trois, en considérant aussi le Ministère de l’Intérieur pour la FEC ) et deux états.

Organisé par Sébastien Allard, directeur du Département des Peintures du Musée du Louvre, et par Sylvain Bellenger, directeur du Musée et Real Bosco di Capodimonte, avec la collaboration scientifique de Charlotte Chastel-Rousseau, Dominique Cordellier, Patrizia Piscitello, Alessandra Rullo et Carmine Romano, l’exposition se déroule sous le haut patronage d’Emmanuel Macron et de Sergio Mattarella, tous deux présents au vernissage.

Certes rien n’a été laissé au hasard, à commencer par le transport et ses conditions. Les contrôles, les études, les rapports, toute planification de restaurations et d’interventions, ont souvent lieu précisément pour des occasions spéciales (ils devraient

être la norme mais il faut tenir compte de la réalité du musée).

Et cela ne peut être qu’une occasion spéciale.

On parle encore du Louvre, le musée du ca va sans dire par excellence, le plus prestigieux de l’univers connu - les installations sur la lune ne valent rien -, si important qu’il en est devenu parfois chaotique, justement ce qu’est un musée, par définition , ne devrait-il pas être.

Et puis il y a le Musée Capodimonte, qui abrite l’une des collections les plus importantes d’Europe et du monde, ainsi que l’une des plus complètes, de l’art ancien à l’art contemporain, des arts décoratifs aux installations environnementales.

Et au Louvre - et à Paris - ils le savent bien, à en juger par le buzz médiatique qui a accompagné les jours d’ouverture, ainsi que le programme d’événements parallèles à l’exposition qui se dérouleront dans les prochaines semaines.

Bref, c’est une grande danse à partager entre les deux parties, chacune avec ses spécificités.

Les déplacements des œuvres sont alors suivis par des

historiens de l’art experts, conservateurs et restaurateurs, littéralement kilomètre après kilomètre et confiés à des entreprises spécialisées dans les beaux-arts.

Par exemple, les œuvres dont la somme des valeurs d’assurance dépasse un certain montant ne peuvent pas voyager ensemble.

Bref, le Caravage voyage seul, accompagné de ses gardiens et protégé par un emballage qui est lui-même une œuvre d’art, certainement pas embarqué comme bagage à main dans un avion low-cost.

Paradoxalement (mais aussi statistiquement) il est plus dangereux pour une œuvre d’être exposée dans un musée mal gardé ou de rester dans des entrepôts que de voyager.

D’autre part, les œuvres ont toujours voyagé, leurs supports ont été conçus spécifiquement pour passer d’une partie du monde à l’autre sans trop de problèmes (on parle surtout des toiles, certainement pas des frises du Parthénon !) et cette facilité d’échange, cette disponibilité, est une des merveilles de ce type d’objet unique. Justement en ces temps de ferme-

tures et de jalousies il serait bon de s’en souvenir.

On parlait alors du risque de vider le musée de Capodimonte, dont la collection comprend 49 000 pièces, dont la plupart ne sont pas forcément exposées, et qui dans les prochains mois sera touché par des travaux d’adaptation des espaces et des dispositifs mais ne fermera pas totalement. .

Et il n’aurait aucune raison de le faire : l’occasion est bonne de montrer au public d’autres ouvrages conservés dans les entrepôts.

Dans quelques mois, entre septembre 2023 et janvier 2024, tous les chefs-d’œuvre reviendront du Louvre à Naples puis se posera à nouveau le problème de devoir «cacher» les autres œuvres dans les dépôts.

Une étape ultérieure pourrait alors être franchie et une exposition de certains d’entre eux pourrait être envisagée dans d’autres sites de la ville ou de la Région.

Ce ne sera certainement pas la Flagellation du Christ qui ira au beau, précieux et évocateur Musée Archéologique National de Sannio Caudino, Montesarchio, province de Bénévent.

Pour exposer des oeuvres de ce genre, il faut aussi respecter des normes que tous les musées - et municipalités - ne peuvent garantir, en termes de sécurité, d’accessibilité et de convivialité. Ainsi, les touristes ont également été pleurés, comme s’il fallait en attirer davantage à Naples.

Les nombreux, trop nombreux, qui ont pris d’assaut les pizzerias frites dans les années post-covid seront-ils déçus de ne pas revoir leur beau Caravage ?

Peut-être oui, mais ils pourront toujours se consoler des maux d’estomac faciles et consommer quelques calories avec une promenade revigorante dans le Real Bosco di Capodimonte adjacent, en prévoyant peut-être une deuxième visite de la ville, lorsque les œuvres reviendront au Musée. , entre l’automne et l’hiver.

Quand il fait moins chaud et qu’on respire mieux.

https://www.exibart.com/ beni-culturali/spostare-il-caravaggio-perche-le-polemiche-sulla-mostra-capodimonte-al-louvre-sono-inopportune/

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e que vous voyez sur la photo est probablement le plus grand monolithe artificiel sur Terre.

Il mesure environ 19,60 mètres de long et pèse 1 650 tonnes.

Il est situé à Baalbek, au Liban, et existe depuis au moins l’époque romaine, sinon beaucoup plus tôt (on parle aussi d’il y a 5 000 ans, mais il n’y a pas de dates précises).

La taille et le poids de ce «monstre » laissent sans voix les ingénieurs de notre époque. Et ils se demandent comment leurs «collègues» d’il y a des milliers d’années ont réussi à fabriquer et à transporter quelque chose de similaire.

Ce qui est encore plus surprenant, c’est que ce monolithe n’est pas un cas unique dans cette région.

A proximité se trouve le soi-disant «Temple de Jupiter».

Cette cité phénicienne, où l’on célébrait le culte d’une triade divine, fut nommée Héliopolis à la période hellénistique.

Elle conserva sa fonction religieuse à l’époque romaine où le sanctuaire de Jupiter Héliopolitain attirait des foules de pèlerins.

Avec ses constructions colossales, Baalbek demeure l’un des vestiges les plus imposants de l’architecture romaine impériale à son apogée.

La partie supérieure du temple est certainement romaine, cela ne fait aucun doute.

Mais le temple romain se dresse sur une «base» construite avec des pierres gigantesques.

C’est 27 gigantesques blocs de calcaire à la base.

Trois d’entre eux, pesant 1 000 tonnes chacun, sont connus sous le nom de «Thriliton», et constituent une sorte de «ceinture» qui enferme tous les blocs.

L’ensemble de temples de Baalbek est situé au pied du versant sud occidental de l’Anti-Liban, en bordure de la fertile plaine de la Bekaa et à une altitude de 1150 m.

La cité de Baalbek atteignit son apogée à l’époque romaine.

Ses constructions colossales bâties pendant plus de deux siècles en font un des sanctuaires les plus célèbres du monde romain et un modèle de l’architecture romaine de

LES MONOLITES IMPOSSIBLES

la période impériale.

Les pèlerins affluaient au sanctuaire pour vénérer les trois divinités, connues sous le nom de triade héliopolitaine, un culte essentiellement phénicien, romanisé (Jupiter, Vénus et Mercure).

L’importance de cet amalgame de vestiges de l’époque gréco-romaine avec des traces plus anciennes de tradition phénicienne repose sur sa valeur artistique et architecturale exceptionnelle.

L’acropole de Baalbek comprend plusieurs temples. La construction romaine fut édifiée au-dessus de ruines antérieures transformées en une place surélevée, formée de vingt-quatre monolithes, le plus lourd pesant plus de 800 tonnes.

Le temple de Jupiter, principal temple de la triade de Baalbek, était remarquable par ses colonnes de 20 m de hauteur qui entouraient la cella, et les pierres gigantesques de sa terrasse.

Le temple dédié à Bacchus qui se trouve à proximité possède une décoration riche et abondante et impressionne par son ampleur et son portail monumental orné de motifs bachiques.

Le Temple rond, ou temple

de Vénus, se singularise par l’originalité de son plan ainsi que par le raffinement et l’harmonie de ses formes, dans une cité où les autres sanctuaires sont marqués de gigantisme. Du temple de Mercure, situé sur la colline de Cheikh Abdallah, il ne reste que l’escalier taillé dans le roc. L’Odéon, situé au sud de l’acropole à un endroit connu sous le nom de Boustan el Khan, fait également partie du site de Baalbek, considéré parmi les sites archéologiques les plus spectaculaires du Proche-Orient.

Baalbek devint un des sanctuaires les plus célébrés du monde antique, progressivement couvert de constructions monumentales édifiées durant plus de deux siècles. Son ensemble monumental est un des témoignages les plus impressionnants de l’architecture romaine à l’époque impériale.

Critère (i) : Le site archéologique de Baalbek représente un complexe religieux d’une valeur artistique exceptionnelle. Son majestueux ensemble monumental, avec son exquis travail de sculpture décorative, est une création

artistique unique qui reflète l’amalgame des croyances phéniciennes et des dieux du panthéon gréco-romain dans une étonnante métamorphose stylistique.

L’ensemble monumental de Baalbek est un exemple éminent d’un sanctuaire romain et l’un des témoignages les plus imposants de l’époque romaine à son apogée, exposant dans son intégralité la puissance et la richesse de l’empire romain. Il contient parmi les plus grands temples romains jamais construits et parmi les mieux préservés. Ces temples reflètent un extraordinaire amalgame de l’architecture romaine et des traditions locales de planification et de tracé.

Le bien en série est constitué des temples de Jupiter, Bacchus, Vénus et Mercure, ainsi que de l’Odéon - tous des attributs clés du sanctuaire.

La ville entière à l’intérieur des murs arabes et le quartier extra-muros au sud-ouest entre le Boustan el Khan, les ouvrages romains et la mosquée mamelouke de Ras alAin, représentent le contexte principal des attributs clés. Depuis 15 ans, la ville a souf-

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Photo wikipedia

fert en raison du conflit armé et du manque d’outils de contrôle en résultant.

Elle est toujours affectée par la pression urbaine qui rend vulnérables le cadre du sanctuaire et l’intégrité globale du bien.

Malgré des restaurations extensives dans les années 60 et 80, et l’impact du conflit armé ayant causé un développement incontrôlé, l’authenticité du site a pu être maintenue grâce aux efforts des organismes nationaux et internationaux.

Pour sauvegarder les vestiges, la Direction Générale des Antiquités (DGA) a réalisé des travaux de consolidation et de restauration de divers monuments, surtout à l’intérieur du site de Qal’a qui comprend le temple de Jupiter et de Bacchus, ainsi que sur le site de Boustan el Khan.

Toutefois, l’authenticité du bien est très vulnérable aux changements qui affectent ses structures et la majesté de son cadre.

Cette construction nous apprend que pour les bâtisseurs, tailler et déplacer des blocs dépassant 1 000 tonnes n’était pas du tout rédhibitoire.

De toute évidence, ils savaient comment le faire, sans que cela ne crée de problèmes majeurs.

Les légendes de Baalbek, de manière allégorique, nous disent que même les peuples d’un passé lointain savaient que des choses «inhabituelles» se produisaient dans cette région.

Il existe de nombreuses légendes sur Baalbek : selon certains manuscrits arabes très anciens, elle appartenait à Nimrod, le légendaire roi babylonien mentionné dans la Bible, qui après le déluge ordonna sa reconstruction et la reconstruction fut confiée aux Géants.

D’autres textes anciens la font remonter à Caïn, qui l’a fondée 133 ans après la création de l’homme, et aussi dans ce cas les Géants sont mentionnés, qui selon la tradition l’ont peuplée.

Caïn a construit Baalbek pour échapper à la fureur de Yahewh.…

Il est probable que les anciens habitants de cette région utilisaient des figures allégoriques telles que Caïn, les Géants, Yahweh, pour décrire des choses qu’ils ne pouvaient pas comprendre. Et même nous avons au-

jourd’hui beaucoup de mal à comprendre comment il est possible que de simples êtres humains aient servi de «briques» (et non d’obélisques, comme le faisaient les Romains par exemple), des «monstres» pesant 1650 tonnes.

Pourquoi avaient-ils besoin de faire une chose pareille ? Comment les ont-ils déplacés avec une cire faciliter? Comment ont-ils pu les tailler avec une telle précision ? Beaucoup de gens croient maintenant que dans différentes régions de la Terre, y compris le bassin méditerranéen, il y avait des civilisations anciennes qui ont probablement été anéanties par le changement climatique.

La ville de Nan Madol, la Grande Pyramide, Gunung Padang en font probablement partie.

Et ils nous coupent le souffle. Les « menhirs colossaux » de Baalbek font-ils également partie de cette liste ?L’argument se poursuit dans le livre: HOMO RELOADED

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ans les chefsd’œuvre du Caravage, alias Michelangelo Merisi, le contraste entre la lumière et l’ombre est unique, cinématographique.

Car sa technique était particulière.

David avec la tête de Goliath (1609-1610), conservé à la Galleria Borghese à Rome, est l’un des tableaux les plus célèbres du Caravage.

Dans le visage de Goliath, le peintre s’est représenté, fatigué et malade.

Le contraste dramatique entre la lumière et l’ombre a marqué de nombreux chefs-d’œuvre du Caravage, né Michelangelo Merisi (1571 -1610).

Dans la plupart des tableaux du peintre lombard, en effet, on voit un faisceau de lumière qui investit les protagonistes et définit leurs formes, créant un fort contraste avec le fond sombre dont ils semblent sortir, comme au théâtre. Pour obtenir cet effet dans la vraie vie, Merisi a utilisé des sources de lumière extérieures, qui arrivaient par de petites fenêtres placées en hauteur, ou par des torches ou des lumières suspendues au plafond. Ainsi, dans l’obscurité totale de son atelier, les faisceaux de lumière venus de l’extérieur semblaient être des projecteurs braqués sur les sujets de ses huiles. En pratique, le Caravage peint la lumière de façon réaliste mais la dirige où il veut, même sur des particularités ou des détails qui à son époque firent scandale pour leur grossièreté : les pieds sales des pèlerins de la Madone de Loreto (1604) ne sont que un des nombreux exemples. Selon certains spécialistes (dont le peintre anglais David Hockney), il semble également qu’il ait également utilisé une caméra optique, semblable à celle des peintres paysagistes, équipée de miroirs et d’objectifs.

Et qu’il utilisait également des miroirs convexes, que l’on retrouve dans certaines de ses toiles, comme dans Marthe et Marie-Madeleine (ou Conversion de la Madeleine, 1598), dans laquelle est peinte celle de l’artiste.

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Photo wikipedia
LES LUMIERES CHEZ CARAVAGGIO

n 1900 naît une commune en Suisse où tout est réduit à l’essentiel : pas d’argent, de viande, d’alcool, d’électricité et de vêtements.

Végétariens, théosophes et naturistes ces pionniers ont cherché un retour à la nature.

A l’occasion de la journée mondiale du naturisme, découvrons quand sont nées les premières communes naturistes à travers l’article «Les premiers hippies» d’Irène Merli, extrait des archives de Focus Storia.

FUSION AVEC LA NATURE.

Il suffit de poser le pied sur le Monte Verità pour être frappé par sa force.

Un sentiment de paix et d’unité d’énergie qui nous pousse à la contemplation encore aujourd’hui.

Imaginez comment cette colline très verte au-dessus d’Ascona, dans le canton du Tessin (Suisse), avec une vue spectaculaire sur le lac Majeur et les montagnes, ressemblait à ceux qui sont arrivés ici au début du XXe siècle à la recherche d’une vie libre des chaînes de la société.

Sur la montagne, qui s’appelait alors Monescia, est née l’une des premières municipalités européennes, professant une contre-culture et capable d’attirer des artistes, des intellectuels et des révolutionnaires, au nom de l’utopie.

Naturisme - Jardinage

LES PIONNIERS.

Mais l’histoire mérite d’être racontée depuis le début.

A l’automne 1900, six jeunes hommes erraient entre Munich, l’Italie du Nord et la Suisse méridionale.

Le groupe était composé d’Henri Oedenkoven, Belge, de sa compagne allemande Ida Hofmann, de Jenny, la sœur d’Ida, des deux frères Gräser, Karl et Gusto, de Transylvanie, et Lotte Hattemer, une Berlinoise rebelle.

Ils portaient des cheveux longs, apprivoisés avec des bandes, portaient des robes amples en lin blanc et de simples sandales aux pieds nus : ils avaient l’air hippie ante litteram.

Ils venaient de familles bourgeoises très aisées, mais ils ne supportaient plus un monde trop industrialisé, rapide, attaché à l’argent et qui menaçait corps et âme.

UNE VIE «ALTERNATIVE».

Dès leur arrivée à Ascona, ils ont réalisé qu’ils avaient trouvé le bon endroit : une immense forêt luxuriante perchée sur une colline de 400 mètres de haut, surplombant les eaux douces du Verbano, où il n’y avait ni mai-

NATURE ET CULTURE EN 1900

sons ni personnes.

La propriété de 75 000 mètres carrés appartenait à Alfredo Pioda, un politicien libéral de Locarno qui était heureux de vendre à ces jeunes désireux de mettre en pratique les principes de la Lebensreform (Réforme de la vie), un mouvement enraciné en Allemagne qui professait le retour à la nature.

C’est ainsi qu’est née la colonie de Monte Verità, comme Monescia a été rebaptisée.

Naturisme - Casa Monte Verità Les «monteveritani» se mettent immédiatement au travail : ils construisent des huttes appelées «air-light» - des chalets en bois spartiates sans électricité ni eau courante - et commencent à cultiver des potagers et à planter des arbres fruitiers plusieurs heures par jour.

Le travail manuel faisait partie du programme et les colons étaient «vegetabiliani»: ils ne mangeaient aucun aliment d’origine animale. Pas seulement.

Sur la colline de l’utopie, le tabac, l’alcool, le café et même le sel étaient interdits. Henri, Ida et les autres se lavaient dehors même en hiver, sous les douches, et complètement nus, ils se baignaient au soleil et à l’air, considérés comme une nourriture bienfaisante pour le

corps et l’esprit. Quand est née la mode du végétarisme ?

Mais ils ne pratiquaient pas l’amour libre : même s’ils rejetaient l’institution du mariage, ils préféraient être un couple stable.

Lorsqu’ils ne travaillaient pas, ils s’adonnaient à des exercices de gymnastique eurythmique (une sorte de danse) et le soir ils se réunissaient à la Maison centrale, où ils lisaient, discutaient, méditaient et faisaient de la musique (Ida était une pianiste accomplie).

DE TOUTE L’EUROPE.

Seule la Maison centrale, également en bois, est devenue en 1904 le Sanatorium Monte Verità, une sorte de centre de bienêtre où les clients acceptaient l’expérience communautaire et payaient comme ils pouvaient, même avec du travail.

Henri et Ida restèrent pour la gérer : Karl Gräser et Jenny, qui étaient devenus un couple attendant un enfant, ne supportèrent plus la dureté de la vie à Monte Verità et partirent.

Au contraire, Gusto s’était retiré pour vivre dans une grotte car il refusait l’électricité qui était entre temps arrivée dans la Maison Centrale.

De nombreux invités commencèrent à passer devant le Sa-

natorium : théosophes, réformateurs, artistes, anarchistes comme Erich Mühsam, qui définissait le lieu comme la «république des sans-abri» et voulait fonder la Société des Derniers, le psychanalyste Otto Gross, qui rêvait de fonder la Société pour l’émancipation de l’homme, le philosophe et théologien Martin Buber, l’homme politique et écrivain August Bebel.

«Presque immédiatement, l’écrivain Hermann Hesse est également arrivé, pour se désintoxiquer de l’alcool», explique Nicoletta Mongini, responsable culturelle de la Fondation Monte Verità.

« Hesse a souvent fréquenté l’ermite Gusto Gräser, qui l’a inspiré pour certains personnages de ses livres ».

PLACE AUX ARTISTES.

En 1913, Rudolf von Laban, danseur, chorégraphe, inventeur de la danse mimique arrive également de Zurich : il veut transférer ses cours de danse d’été sur la colline de l’utopie. Les fondateurs ont beaucoup aimé l’idée et Laban a eu un tel succès que peu à peu le Sanatorium s’est transformé en une communauté d’artistes.

Ainsi arrivèrent les grandes danseuses Mary Wigman, Isadora Duncan et Charlotte Bara (qui construisit son théâtre

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Photo focus.it

sur les pentes de la montagne), plus tard les dadaïstes Hugo Ball et Tristan Tzara, ainsi que la peintre russe Marianne von Werefkin, qui vécut alors à Ascona pour toute la vie.

Le mélange de spiritisme, d’expression artistique libre, de nourriture végétalienne, la beauté des lieux et la douceur du climat ont agi comme un aimant pour les intellectuels et artistes hétérodoxes.

Et le choix de neutralité de la Suisse pendant la Grande Guerre était également très important.

À Monte Verità, c’était libre et paisible, loin des conflits et des villes industrialisées et corrompues.

En 1920, Ida et Henri quittent pour toujours le lieu où ils avaient fondé la légendaire colonie.

L’élan initial idéal s’était depuis longtemps perdu et ils décidèrent de partir d’abord pour l’Espagne puis pour le Brésil, pour tenter de fonder d’autres communautés semblables à Monteverita.

Mais le mythe de cette destination sacrée, hors de l’espace et du temps, était devenu plus grand que la réalité.

Pendant un certain temps, la structure a été gérée par des artistes bohèmes, puis, en 1926,

l’ensemble du complexe a été acheté par le baron allemand Eduard von der Heydt.

Von der Heydt était le puissant banquier de l’ancien empereur allemand Guillaume II et l’un des plus grands collectionneurs européens d’art contemporain, oriental et primitif.

Le baron s’installe à Casa Anatta, l’ancienne demeure d’Ida et Henri construite contre le rocher dans le style théosophique, avec des angles arrondis et sans arêtes vives, des doubles murs en bois, des portes coulissantes, des plafonds voûtés et d’immenses fenêtres donnant sur le paysage comme œuvre suprême de art.

L’HÔTEL DU BANQUIER.

Von der Heydt a transformé la maison en une luxueuse résidence privée et l’a meublée avec ses collections d’art.

« Il fit alors construire un hôtel dans le style rationnel et fonctionnel du Bauhaus, en partant de la structure de la Maison centrale, qui est toujours fonctionnelle aujourd’hui », poursuit Nicoletta Mongini.

Le résultat fut un hôtel très raffiné, lui aussi adossé à la paroi rocheuse, dans lequel le banquier, qui avait de nombreux contacts internationaux, tenta de faire vivre l’esprit du Monte Verità

en accueillant des personnalités de la trempe du psychanalyste

Carl Gustav Jung, maîtres du Bauhaus comme Gropius, Albers, Moholy-Nagy, le grand peintre suisse Paul Klee. Finalement, le baron décida qu’à sa mort tous les biens reviendraient au canton du Tessin.

MUSÉE DE LA MAISON.

Aujourd’hui, après des hauts et des bas, ceux qui arrivent sur la colline de Monte Verità peuvent visiter une cabane lumineuse, les douches et les baignoires des colons, la plantation, la maison de thé et, depuis 2017, le musée Casa Anatta, qui abrite l’exposition Mont Vérité.

«Les seins de la vérité» par Harald Szeemann, un important historien de l’art qui depuis des années recueille témoignages et documents sur la colline des utopies.

Et en regardant le lac, on peut réfléchir à la modernité de ces six pionniers qui ont anticipé il y a plus d’un siècle sur des sujets tels que la vie bio et écologique, les soins corporels naturels et la culture végétarienne, toujours d’actualité et débattus aujourd’hui.

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EDGARDO MORTARA L’ENLEVE’

e film «Rapito», de Marco Bellocchio, raconte une histoire vraie, se déroulant en Italie à la veille de l’unification, où un enfant de seulement six ans devient, malgré lui, un instrument entre les mains du pape pour montrer son pouvoir, alors en déclin.

Retraçons l’histoire tragique d’Edgardo Mortara à travers l’article «L’enfant kidnappé par le pape» d’Anna Magli, extrait des archives de Focus Storia. Les anciens régimes constitués de duchés, grands-duchés, royaumes de Savoie et de Bourbon, avant-postes autrichiens et État pontifical sont sur le point de disparaître de la péninsule italienne dans le choc avec les héritiers des Lumières et de la Révolution française. Dans ce climat, le pape Pie IX était souverain d’un territoire qui s’étendait de Rome au nord, le long du Grand-Duché de Toscane jusqu’à Bologne. Et c’est précisément à Bologne, un soir d’été, qu’a eu lieu la tragédie de l’enlèvement d’un garçon de six ans, Edgardo Mortara. C’était le 23 juin 1858 lorsque le maréchal Lucidi frappa à la porte de Momolo Mortara, un petit marchand juif qui vivait dans le centre historique de Bologne.

«Je suis désolé de le dire : ils sont victimes d’une trahison. Leur fils Edgardo a été baptisé et j’ai l’ordre de l’amener avec moi».

C’est ainsi qu’Edgardo fut enlevé à sa famille et emmené dans un lieu secret, malgré les protestations de ses parents et de toute la communauté juive, très respectée dans une Bologne qui, plus que toute autre ville papale, en voulait à l’ingérence du Vatican.

A l’époque, une loi interdisait aux chrétiens de travailler dans les foyers juifs et inversement. Mais de nombreuses familles pauvres envoyaient leurs filles au service des familles israélites : elles accomplissaient les tâches les plus humbles, s’occupaient des enfants et travaillaient pendant le shabbat où, dès le coucher du soleil du vendredi, il était interdit aux juifs d’allumer des lampes et des feux pour se chauffer ou cuisiner.

Anna (Nina) Morisi, une jeune femme de San Giovanni in Persicelo qui avait environ 15 ans à l’époque, travaillait depuis un certain temps dans la maison Mortara, où il y avait huit enfants, tous très jeunes. Anna aimait les enfants Mortara, et surtout Edgardo.

Lorsque l’enfant tombe malade en bas âge, (suit p.age 40)

PALAZZI 39 VENEZIA

(suit de la page 39)

Anna, sur les conseils d’un pourvoyeur familial, le baptise en secret: elle pense que le sacrement peut le sauver.

Edgardo a récupéré et plus tard Anna a quitté la famille pour se marier et retourner au pays. On ne sait pas comment le secret a été découvert : peut-être des confidences entre amis, peutêtre une confession au prêtre. Des années plus tard, l’affaire parvint au Sant’Uffizio de Bologne.

La jeune fille a été convoquée par l’inquisiteur et entre les larmes, elle a raconté ce qui s’était passé.

Cela suffisait pour faire appliquer la loi des États pontificaux, qui prévoyait l’obligation de donner une éducation catholique à tous les baptisés.

L’Église interdit le baptême des enfants de familles non catholiques, mais admet que le sacrement peut être administré, même contre la volonté des parents, au moment de la mort.

Un chrétien ne pouvait pas être élevé selon les croyances juives, alors Edgardo a dû être retiré de sa famille et éduqué selon la doctrine catholique.

Les tentatives de la communauté juive pour convaincre l’inquisiteur et les plus hauts prélats bolognais de rendre l’enfant ont été vaines : pas même la découverte que le baptême «avait été pratiqué par une fille de seulement 15 ans sur un enfant qui n’était pas en réel danger de mort, utilisant l’eau du seau, donc sans savoir ce que signifiait l’acte, sans avoir les qualités voulues par l’Église et peut-être seulement par plaisanterie ». Pie IX a personnellement assumé la responsabilité de l’enlèvement et a défendu le travail du Saint-Office.

La famille Mortara désespérée se tourna vers la communauté juive de Rome, mais la nouvelle se répandit de ghetto en ghetto, y compris chez les plus émancipés du Royaume de Sardaigne. Et tandis que la communauté romaine se taisait comme d’habitude, pour ne pas troubler l’équilibre et les privilèges, ailleurs les juifs protestaient.

Dans le Piémont, le seul État où la communauté juive jouissait de droits constitutionnels fon-

damentaux, il y avait une dissidence publique.

Mais c’est surtout la communauté juive internationale qui s’est mobilisée, sortant l’affaire d’Italie.

En France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis, les Juifs étaient en effet libres de s’organiser publiquement.

A Paris, l’épisode fut le point de départ de la naissance de l’Alliance juive universelle.

L’affaire Mortara a répandu l’image d’un État pontifical anachronique et irrespectueux des droits de l’homme, provoquant une avalanche de protestations. Pas seulement. La malheureuse affaire fut exploitée par tous les gouvernements, de Cavour à Bismarck en passant par Napoléon III lui-même, pour discréditer l’Église catholique et Pie IX.

Mais rien n’a réussi à faire changer d’avis le pape, qui s’est déclaré indifférent à tous les appels, car ils émanaient «principalement de protestants, d’athées et de juifs».

La famille ne put revoir le petit garçon qu’en octobre 1858, lorsqu’elle obtint des autorités ecclésiastiques l’autorisation de rencontrer Edgardo quelques instants, en présence de quelques prêtres.

Dans cette circonstance se révèlent le drame intérieur de

l’enfant et l’attachement à la religion familiale.

Dans les quelques instants de véritable intimité avec sa mère, Edgardo réussit à lui dire : «Tu sais, le soir je récite encore le Shema Israel («Écoute Israël»)».

En novembre 1867, Edgardo prononce ses vœux simples et prend le nom de Pio Maria, en l’honneur de son père adoptif, Pie IX.

Le 20 septembre 1870, les troupes italiennes entrent à Rome.

Un mois plus tard, son père invite le jeune homme à le suivre à Florence, mais il refuse.

Craignant que le regroupement familial ne lui soit imposé, il part le 22 octobre au soir en civil pour le monastère de Novacella, près de Bressanone, où il vit sous un faux nom, étudiant la théologie et l’hébreu.

C’est là qu’en 1871 il prononça ses vœux solennels.

L’année suivante, il se rend à Poitiers (France) et en 1873, il reçoit l’ordination sacerdotale.

Edgardo au cours des 30 années suivantes a prêché et collecté des fonds pour son ordre.

Il a également entretenu une correspondance sporadique avec ses parents, essayant de les convaincre de se convertir.

En 1906, il se retire au monastère de Bouhay, près de Liège,

et consacre le reste de sa vie à l’étude et à la prière.

L’affaire Mortara n’a cessé de susciter scandale et mécontentement.

En 1986, lors de sa célèbre visite à la synagogue de Rome, JeanPaul II s’en est fait rappeler par le président de l’Union des communautés juives italiennes. La béatification de Pie IX, voulue par Wojtyla, a rouvert une plaie douloureuse. Elèna Mortara, dont l’arrière-grand-mère était la sœur d’Edgardo, déclara, en polémique avec le philosophe Vittorio Messori qui glorifiait la foi d’Edgardo et son attachement à Pie IX : « Ségrégué et endoctriné dès l’âge de six ans pour devenir prêtre, il avait développé la attachement typique du prisonnier envers ses ravisseurs que l’on observe parfois aussi chez les adultes victimes d’enlèvements. Et il avait vu une figure paternelle chez le pontife, développer un fort sentiment de culpabilité pour les «immenses douleurs» que, d’après ce que lui a répété le ravisseur lui-même, il pensait lui avoir causées en attirant tant de polémiques contre lui.»

https://www.focus.it/cultura/ storia/la-vera-storia-di-edgardo-mortara-il-bambino-rapito-dal-papa

PALAZZI 40 VENEZIA
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