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La prophylaxie de l’endocar­dite en médecine dentaire La prophylaxie de l’endocardite a nettement changé ces dernières années. Le nombre de patients remplissant les conditions pour une prophylaxie selon les recommandations a considérablement diminué. Ce phénomène est lié à l’évolution historique des recommandations ainsi qu’à l’observation selon laquelle les bactériémies spontanées, comme par exemple au brossage des dents ou durant la mastication, sont plus souvent à l’origine d’une endocardite que les interventions dentaires. L’important rôle que joue une bonne hygiène dentaire régulière occupe plus fréquemment le premier plan depuis quelques années.

Dr méd. Johannes Nemeth Prof. Dr méd. Rainer Weber Hôpital universitaire de Zurich

Introduction Deux facteurs principalement sont déterminants pour l’apparition d’une endocardite: en premier lieu, un défaut à la surface de l’endothélium d’une valve cardiaque, qu’expliquent, p. ex., un dysfonctionnement cardiaque ou une bicuspidie valvulaire aortique pouvant avoir pour origine une altération de la circulation sanguine; en second lieu la capacité que possèdent certaines bactéries, surtout les germes gram positifs de la flore buccale et cutanée, d’adhérer aux surfaces endothéliales endommagées. C’est pourquoi, depuis le milieu du siècle passé, une prophylaxie de l’endocardite au moyen de médicaments est recommandée pour certaines interventions médicales, selon l’hypothèse que des bactéries colonisant la peau ou la muqueuse peuvent entraîner une bactériémie pendant l’intervention et provoquer une endocardite chez des patients prédisposés, en particulier ceux qui présentent des malformations cardiaques. Les indications relatives à la prophylaxie de l’endocardite ont été modifiées de manière significative en 2007. La plupart des patients qui se qualifiaient encore pour une prophylaxie de l’endocardite par le passé ne reçoivent plus d’antibiotiques aujourd’hui. C’est surtout une hygiène buccodentaire optimale qui leur est conseillée. Nous verrons ci-après la raison de ce changement radical. Pour faciliter la compréhension, nous exposerons l’évolution historique des recommandations, ainsi que les données les étayant. Les recommandations en vigueur pour le cabinet dentaire sont résumées à la fin de l’article. Evolution historique En 1885, Sir William Osler décrivit l’endocardite maligne dans ses fameuses «Gulstonian lectures on malignant endocarditis» [1]. Il postulait que

l’endocardite était provoquée par des bactéries («The constant presence of bacteria seems undoubted»). En outre, il avait observé la présence plus fréquente de rhumatismes chez les patients souffrant d’endocardite. Son élève Maude Abbott (illustration p. 21) avait également observé que les patients affectés par une malformation cardiaque souffraient plus souvent d’endocardite. Elle fut par ailleurs la première, en 1908, à recommander une bonne hygiène («careful hygiene») [2, 3]. Une des premières tentatives prophylactiques contre l’endocardite à l’aide de pénicilline après une extraction dentaire fit l’objet d’une publi­ cation en 1951, quelques années après l’introduction clinique de ce premier antibiotique [4]. Sur la base des informations disponibles à cette date, l’American Heart Association recommanda en 1955 une prophylaxie aux antibiotiques lors d’extraction dentaire pour les patients présentant des dysfonctionnements cardiaques rhumatismaux ou des malformations cardiaques congénitales (résumé dans [5]). Deux ans plus tard, la même société recommanda l’administration d’antibiotiques, tant orale qu’intramusculaire, pendant cinq jours. Aucune autre connaissance avérée n’existait à l’époque. Les recommandations furent remaniées et amendées plusieurs fois au cours des quarante années qui suivirent, mais toujours sans amélioration significative des connaissances avérées en la matière. En 1997, l’administration sur plusieurs jours fut limitée à une administration unique. L’évidence que l’association entre endocardite et les interventions chirurgicales ou dentaires était moins importante que supposé finit par s’imposer les dix années qui suivirent [6]. Il est par contre bien plus vraisemblable que l’endocardite soit provo-


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