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OHÉ DU BATEAU ! L

nos économies sont passées dans le nouveau bateau. Mais ça en vaut la peine. Les prises, l’impact climatique, nos conditions de travail, tout sera mieux »

« familles Savels étaient de sortie pour ce moment solennel. Steve montre les photos sur son téléphone. « Le confort à bord sera radicalement amélioré », se réjouit-il. « Airco, une vraie salle de bain, de l’ergonomie partout. Nous travaillons depuis belle lurette avec le même équipage. Il faut prendre soin de son personnel. »

Ami des animaux

Steve nous emmène vers le grand hangar, où il conserve tout le matériel d’armateur. Et où le perroquet Eugène attend son déjeuner. « Ça peut sembler bizarre », dit-il, « mais beaucoup de pêcheurs aiment les animaux. L’amour que donne cet oiseau est inimaginable. Pas vrai, Eugène ? »

La pêche est un monde d’hommes, mais pas de machos. Les pêcheurs ont beau plaisanter, gronder et jurer, ils partagent, écoutent et consolent aussi. Une solide camaraderie se crée en mer. Des relations durables se forgent aussi à quai, comme avec les fournisseurs. « Je suis fidèle comme un chien », affirme Steve. « Dans notre monde, on s’entraide. Padmos, l’entreprise familiale qui construit notre nouveau bateau, m’a déjà sauvé. J’étais fauché et le « Van Eyck » avait subi de sévères avaries. « Je ne peux pas payer », ai-je murmuré. Le gérant m’a dit : « Tu paieras, Steve. Pas maintenant, mais plus tard. » C’est ce qui s’est passé. Nous avons travaillé dur, bien pêché et remboursé notre dette. Les réparations coûtent cher ; pour le bateau tout coûte deux fois plus cher. »

« C’est comme ça pour tous les produits spécialisés », dis-je. « Je n’en sais rien », rigole Steve. « Je ne connais pas les prix à terre, je ne fais jamais les courses. À part pour les pignons de pin d’Eugène. »

Du fax à FaceTime

Steve fabrique, entretient et répare lui-même des filets de pêche pour le « Van Eyck ». Mon travail a toujours été mon hobby », dit-il. « C’est l’essence de la vie : faire ce qu’on aime. Je ne retourne à la maison que lorsque je titube de fatigue. » Le monde de la pêche est un bain chaud avec une légère saumure. D’anciens compagnons de bord et des pêcheurs pensionnés viennent voir Steve au hangar ou saluer Jason, Kenneth et l’équipage du « Van Eyck ». Les jeunes pêcheurs passent moins de temps en mer par an que leurs aïeux. Ils essaient de trouver un meilleur équilibre entre le travail et la vie privée. Steve a affiché une photo d’une sortie familiale à Disneyland Paris. Il y pose avec ses fils adultes près du galion de « Pirates des Caraïbes ». Ils ont bien ri ! Les générations précédentes libéraient moins de temps pour les sorties familiales et avaient peu de contacts en mer. « Nous nous absentons toujours longtemps », dit Kenneth, « nos familles nous manquent. Mais le fax a heureusement été remplacé par FaceTime. J’étais en mer le jour de la fête des Pères. J’ai regardé ma fille déballer mon cadeau. Nous en avons quand même profité. »

Libres et femmes de pêcheur

Dans « Een jaar op zee », les femmes de pêcheur ont confié à Wim Lybaert qu’elles savourent aussi leur liberté. Pas évident de s’habituer quand Monsieur prend sa pension. Le bateau et la terre ferme sont deux mondes différents.

« Ma mère a regardé tous les épisodes quatre fois », raconte Kenneth. « Elle a été surprise de me voir chanter. Tu ne le fais jamais, ici, a-t-elle dit. Elle ignorait comment j’étais en mer. »

Liberté est sans doute le maître-mot des pêcheurs. « On s’habitue à être son propre patron », déclare Kenneth, appuyé sur son siège de pêche sur le pont. Jason le rejoint. Ils ont tous deux une formation de motoriste et de skipper. Kenneth et Jason se relaient à la barre. « Dès douze ans, j’ai passé mes grandes vacances en mer », raconte-t-il. « La mer m’appelait. Vous vous sentez libre, uni à la nature et votre instinct de pêcheur vous guide vers une bonne prise. Le stress que je ressens en tant que pêcheur n’est pas désagréable. Je suis responsable de tout le navire et je veux assurer. La satisfaction est de taille quand les filets sont pleins. »

« Après une nuit fructueuse, je peux me détendre », complète Kenneth. « Je m’installe dans mon siège et profite du lever de soleil sur la mer. »

Sommeil léger en mer

Le « Van Eyck » part pour un voyage de quarante jours. Il accostera dans un port chaque semaine. Ce peut être en Irlande, en France ou au Danemark. Des camions transportent la pêche vers la Vlaamse visveiling. Deux des sept membres d’équipage restent à quai. Ils rejoindront le «Van Eyck » en cours de voyage pour remplacer leurs collègues. Il faut garder le rythme de travail à bord.

En zone de pêche, Jason et Kenneth ont peu d’occasions de dormir. La pêche est plus fructueuse la nuit et les filets sont remontés toutes les 2,5 heures. Le « Van Eyck » utilise des chaluts de fond, qui glissent sur le fond. « Sur le nouveau bateau, nous passerons à des techniques plus durables », confie Kenneth. « Nous pourrons ainsi aussi pêcher en Norvège. En travaillant plus efficacement, nous pourrons pêcher 100 % de notre quota. »

JASON

Pêcheur, biologiste et fermier

Durabilité et liberté riment bien avec la pêche. Votre filet sera vite usé si vous êtes négligent avec votre chalut de fond. Trop s’éloigner des côtes nuit à la qualité du poisson. Vous consommez plus de carburant et votre poisson rapporte moins. « Je crois fermement en la durabilité », affirme Kenneth. « Aussi, parce que c’est profitable. Je préfère pêcher moins de poissons avec moins de frais de matériel et de carburant, que plus en dépensant plus. » Chez nous, la pêche est de taille humaine, et c’est sa force. Au lieu de grands navires dévoreurs de carburant, les nôtres sont toujours plus récents, économes et durables, comme le prochain « Van Eyck ». Presque tous les pêcheurs belges suivent le parcours de 'Vers une pêche durable'. Ils se soucient de leur impact sur le climat, de leurs méthodes de pêche, de la sécurité et du bien-être au travail. Pour Kenneth, Jason et Steve, c’est une évolution naturelle. Il faut prendre soin de son équipage. Et ne pas bêtement décimer des poissons dont vous connaissez le comportement aussi bien que les meilleurs scientifiques. Les pêcheurs suivent les poissons, de saison en saison. C’est comme chasser, alors que Kenneth voulait devenir fermier. ‘Récolter’ sonne donc plus juste. Un bon fermier n’épuise jamais sa terre.

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