Magazine de l'Automobile Club de Suisse no 290

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AUTO 290

PASSION

Au service de sa Majesté Aston Martin Jonathan Hartop est tombé tout petit dans la marmite Aston. Sans doute ce qui lui donne ce petit air d’agent secret. Rencontre dans son antre de Montchoisi, à Lausanne. Par Pierre Thaulaz Jonathan Hartop au côté de la mythique DB5.

Un père de légende ? Il ne nous en a jamais parlé. Je suis toujours en contact avec son meilleur ami qui va vers ses 90 ans. Tous deux s’étaient rencontrés peu après la guerre. Il m’a dit : «Si je savais quelque chose, je te le dirais. On allait au pub, on buvait une bière, on parlait de voitures, on parlait de nos bonnes amies, on reparlait de voitures, et plus la soirée avançait et plus on parlait de nos bonnes amies. Mais de la guerre, non.» Vous ne partagiez pas la même passion pour l’aviation ? Si, mais à 17 ans, je devais gagner ma vie et j’ai effectué un apprentissage de mécanicien auto. J’aimais bien bricoler, j’étais content d’apprendre dans un domaine qui m’intéressait déjà. Je suis entré dans le monde automobile sans jamais penser que j’allais y rester toute ma carrière. Ça fait plus de 40 ans.

A

UTO : Vous êtes né en Angleterre ? Jonathan Hartop : A quelques kilomètres de l’ancienne usine Aston Martin. J’ai trois sœurs aînées, dont une qui a 6 ans de plus que moi. On l’amenait à l’école et, en rentrant, ma mère s’arrêtait dans la petite ville de NewportPagnell. Elle me laissait sortir de notre vieille Morris Minor break et j’avais le droit de regarder les voitures. Des modèles qui vous faisaient déjà rêver ? C‘était beau à voir, mais dans les années 60, on entendait surtout parler de Lotus et de formule 1. C’était l’époque des Jim Clark et Graham Hill, puis de Jochen Rindt et d’Emerson Fittipaldi. Quand êtes-vous arrivé en Suisse ? A 8 ans. Par la suite, j’ai été renvoyé en Angleterre dans un internat. Puis j’ai perdu mes parents et ma sœur aînée

est devenue ma représentante légale. A 16 ans je lui ai dit : «L’internat, ce n’est pas pour moi, je veux rentrer à la maison, en Suisse.» Vous êtes donc plus Suisse qu’Anglais ? Je crois quand même, même si je ne renie pas mes origines britanniques. Une partie de la famille de mon père venait d’Aberdeen, en Ecosse. C’était un homme de l’aviation ? Mon père était pilote de la RAF pendant la guerre. Il a rejoint la réserve en 1938, à l’âge de 20 ans. Il pilotait des bombardiers Hampden. Il a été capturé en 1941 près de Brest et il est resté dans différents camps de prisonniers, dont le dernier où il a passé plus de 2 ans. C’était le fameux camp qui a inspiré «La Grande évasion», le film avec Steve McQueen. Mon père préparait des cartes géographiques pour que d’autres prisonniers puissent s’échapper.

Dont une bonne partie chez Aston Martin ? J’étais chez Rolls Royce Motor Cars International, à Lausanne, lorsque j’ai reçu un coup de téléphone de M. Keller (réd. : propriétaire du garage du même nom, à Genève). Il m’a dit de manière confidentielle qu’il était en train de discuter avec Aston. Dans les années 90, l’usine ne fabriquait que 45 voitures par année. Ils avaient l’idée de sortir la DB7, mais il fallait la distribuer. En fait, c’est un ancien de Rolls-Royce que je connaissais qui mettait en place les concessionnaires. Il avait dit à M. Keller : «Je veux bien vous donner Aston mais vous allez chercher Hartop.» Mais ça, je l’ai appris longtemps après. J’avais 34 ans et j’ai appelé ce copain à l’usine Aston. C’est clair qu’il ne pouvait pas me dire grandchose, donc je lui posais des questions et en même temps je faisais les réponses. Et ça me donnait une idée de ce qu’il avait en tête.


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