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après la Chine et les États-Unis. Très présents en Afrique du Nord, ces groupes se sont tournés vers le sud du Sahara après la chute du colonel Kadhafi en 2011, le chaos libyen les incitant à diversifier leurs activités. Leur réputation les y avait précédés : « Beaucoup de dirigeants africains qui avaient visité la Libye et apprécié les ouvrages turcs étaient impatients de travailler avec eux », souligne The Economist. Ces sociétés ont en effet la réputation de travailler plus vite que leurs concurrents chinois, pour un rendu de qualité. Surtout, leurs chantiers sur le continent font majoritairement appel à des ouvriers et des sous-traitants africains, alors que les Chinois ont tendance à faire venir leur propre main-d’œuvre. Signe des temps, le groupe Yapi Merkezi a remporté fin décembre, face à des concurrents chinois, l’appel d’offres pour la construction de la ligne de chemin de fer reliant Dar Es Salam au lac Victoria en Tanzanie, pays pourtant partenaire historique de Pékin. L’essor du made in Türkiye (le pays ne souhaite plus être appelé « Turkey » en anglais, qui signifie aussi « dinde »…) est concomitant du reflux de la Chinafrique : selon le Boston University Global Development Policy Center, après deux décennies de domination et un pic en 2016, les prêts chinois ont chuté de 78 % l’an dernier, pour un montant inférieur à 2 milliards de dollars, soit leur plus bas niveau en Afrique depuis 2004 ! Le Covid-19 est passé par là : affecté par une récession en 2020, le continent est plus regardant envers les prêts de l’Empire du Milieu, son premier créancier. La crise a aussi affecté la capacité de prêt de la Chine. La nature ayant horreur du vide, ses challengers, notamment turcs, prennent donc le relais. ■ C.G. AFRIQUE MAGAZINE
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Le président rwandais Paul Kagamé a été accueilli par son homologue congolais Denis Sassou-Nguesso le 13 avril dernier.
Un étonnant modèle de coopération sud-sud
La République du Congo va concéder 12 000 hectares de maraîchages au Rwanda.
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’annonce a été faite à l’occasion de la visite du président rwandais Paul Kagamé à son homologue congolais Denis Sassou-Nguesso (DSN), mi-avril : la République du Congo va céder 12 000 hectares de terres agricoles au Rwanda. Les parcelles, concédées par Brazzaville à Kigali pour une période de vingt-cinq ans, sont constituées de maraîchages situés au bord du fleuve Congo. Il y sera principalement cultivé du ricin, plante avec laquelle est produite de l’huile, susceptible d’être exportée. Les deux pays d’Afrique centrale – qui n’ont pas de frontière commune – ont en effet chacun des besoins que l’autre peut satisfaire : le Congo (342 000 km2 pour 5,5 millions d’habitants) compte
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10 à 12 millions de terres arables, dont 5 % seulement sont exploitées. Inversement, le pays des mille collines, douze fois moins vaste mais presque trois fois plus peuplé (26 000 km2 pour 13 millions d’habitants), souffre d’un manque chronique de terres, ce qui entraîne des litiges fonciers et des tensions sociales. DSN et Kagamé entendent ainsi démontrer le potentiel de la coopération sud-sud au service du développement du continent. Certains à Brazzaville redoutent cependant que le Rwanda profite de ce deal davantage que son partenaire : « Il y aura le made in Congo, mais les ressources financières vont atterrir dans une banque de Kigali », a estimé le 3 mai l’analyse économique Alphonse Ndongo à nos confrères de RFI. ■ C.G. 101