LE EN QUESTION SOL
SHARROL MUKENDIKLAASS Lauréate de la bourse de sommellerie de la Fondation
Gérard Basset de l’ASI
AVRIL 2023 NUMÉRO #8 DR. ALEX MALTMAN, JOHN SZABO MS, ALICE FEIRING De la terre au verre ?SHARROL MUKENDIKLAASS Lauréate de la bourse de sommellerie de la Fondation
Gérard Basset de l’ASI
AVRIL 2023 NUMÉRO #8 DR. ALEX MALTMAN, JOHN SZABO MS, ALICE FEIRING De la terre au verre ?cliquez
Publication par : Association de la Sommellerie Internationale
Rédacteur, gestionnaire de contenu : Mark DeWolf
Directeur des partenariats et du marketing : Claire Berticat
Assistante marketing : Xeniya Volosnikova
Assistante administrative : Juliette Jourdan
Traduction : Michèle Aström Chantôme, Manuel Negrete
Conception / Mise en page : Carissa Botha
Photographie : ASI/HRVPROD, 123RF, Getty Images, iStock, Unsplash, Jean Bernard, Lucas Frazão, Laurence Mouton
Photo de couverture : Unsplash
Collaborateurs :
Mark DeWolf, Jaba Dzimistarishvili, Reeze Choi, Alice Feiring, Francisco Figueiredo, Doug Frost, Romain Iltis, Marylou Javault, Kevin Lu, Alex Maltman, Sotiris Neophytidis, Monika Neral, Sylvain Nicolas, Loïc Pasquet, Heather Rankin, Clement Robert, Ronan Sayburn, John Szabo, Jo Wessels, William Wouters, Eric Zwiebel
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Le changement climatique est à l’ordre du jour, et la façon dont nous produisons le vin évolue sans arrêt, mais il y a une constante. C’est le sol. Comme nous le rappelle si éloquemment Alice Feiring, l’une des rédactrices invitées de cette édition, ainsi que le géologue Alex Maltman et John Szabo MS, il s’agit de la variable constante. Le monde du vin a connu des décennies de manipulations et d’altérations. Bien que ces vestiges de la pensée “science contre nature” subsistent encore, je suis heureux de dire que la grande majorité de la production de vin de haute qualité revient à des processus plus naturels, à la fois dans le vignoble et dans la cave. Il n’est donc pas surprenant que les sommeliers se soient ralliés à cette tendance, en intégrant de plus en plus de vins durables, biodynamiques et naturels dans leurs cartes des vins.
Avec la prise de conscience du rôle de la nature dans les vins que nous servons et dégustons, nous parlons de plus en plus du sol. Certains sommeliers identifient même le sol sur leur vin et quelques-uns organisent même leur carte en fonction du sol. La question est de savoir comment et dans quelle mesure le sol contribue au caractère d’un vin. Nous connaissons et aimons tous de nombreuses régions viticoles dont la réputation repose sur leurs sols. Avons-nous accordé trop d’importance au sol dans ces régions ? Peut-être pas assez ? Attribuons-nous les bons attouts au caractère organoleptique d’un vin en fonction de ce qui se passe sous la terre ? Devrions-nous accorder plus d’attention à ce qui se passe au-dessus du sol ? Après tout, le sol ne nourrit pas seulement la vigne, mais aussi toute la flore et la faune qui cohabitent avec elle. Comment cela se passe-t-il ? Dans cette édition, outre nos rédacteurs invités, nous avons demandé à des sommeliers tels que Reeze Choi (Chine), Romain Iltis (France) et Heather Rankin (Canada) de nous faire part de leur point de vue sur le lien entre le sol et ce qui se trouve dans le verre. Nous avons demandé à d’autres de partager leur “amour de la terre” en identifiant les vins qu’ils aiment et le sol dans lequel ils ont grandi.
Si l’on parle de l’influence du sol, ne faut-il pas aussi parler des racines qui transmettent les nutriments et qui sont peut-être finalement responsables de ce que l’on trouve dans le verre ? Peut-on parler d’influence du sol si les raisins ne sont pas cultivés de manière biologique ou biodynamique ? Peuvent-ils émettre le véritable langage de la terre si les vignes ne sont pas enracinées ? Nous avons interrogé Francisco Figueiredo, de l’Adega Regional de Colares, et Loïc Pasquet, de Liber Pater, dont les opinions tranchées sur les vignes enracinées sont à la fois fascinantes et opposées sur ce sujet.
Il s’agit d’une édition qui, nous en sommes convaincus, suscitera la réflexion, voire le débat. Comme le dit l’auteur français Joseph Joubert, “il vaut mieux débattre d’une question sans la régler que de régler une question sans la débattre”.
“Le terroir peut être influencé par l’agriculture, le climat et l’intervention de l’homme. Cependant, la roche mère est la seule constante que l’on ne peut nier. C’est le “contrôle” du vin.”
Alice FeiringWilliam Wouters, Président de l’ASI
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du 25 au 27 mai 2024 à VienneLe rôle que joue le sol dans le caractère final d’un vin est un sujet de plus en plus abordé et débattu. Le sol “kimméridgien” de Chablis, la poussière de Rutherford à Napa, la Terra Rossa de Coonawarra, le sol volcanique du mont Etna en Italie et l’Albariza de Jerez ne sont que quelques-uns des sols qui ont permis d’établir un lien entre le caractère d’un vin et le sol même sur lequel ont poussé les vignes qui ont nourri les raisins utilisés pour produire le vin. L’existence d’un “quelque chose” ne fait aucun doute, mais on peut se demander dans quelle mesure la géologie d’un vignoble y est pour quelque chose.
A-t-on accordé trop d’importance au sol ? Ou pas assez ? Peut-être avons-nous trop regardé sous la terre et pas assez au-dessus. Quelle est l’importance des champignons, des bactéries ou même des résidus de sol sur les peaux de raisin dans le caractère d’un vin ? Une question pour un autre jour. La question de l’influence du sol n’a jamais été aussi pertinente, car les sommeliers du monde entier en sont venus à adopter le sol, l’intégrant souvent dans leurs descriptions et commentaires d’un vin. Certains vont même jusqu’à classer leur carte des vins par terroir.
DR. ALEX MALTMAN, JOHN SZABO MS, ALICE FEIRINGAlice Feiring, célèbre écrivain américain spécialisé dans le vin, est l’auteur de The Dirty Guide to Wine, qui invite les lecteurs à relier un vin à sa source, à la terre même dont il est issu. Alice Feiring estime que l’intérêt d’organiser une carte des vins en fonction du sol n’est pas nécessairement de renseigner le consommateur sur le vin, mais de lui permettre de poser les questions qui en découlent. Comme elle le dit à propos du concept, “pourquoi pas ? Que cela renseigne ou non sur le goût, cela oriente le consommateur vers un vin de lieu, plutôt que vers un raisin, et encourage les questions et la curiosité. Et si le sommelier peut identifier un sous-sol, comme cela a été demandé lors du récent concours du Meilleur Sommelier du Monde de l’ASI, cela l’aide à penser que les vins sont issus de plantes vivantes provenant d’un lieu.
Ce sentiment est partagé par le Canadien John Szabo MS, qui déclare : “Si le personnel est compétent et bien formé pour guider les clients, il peut certainement s’agir d’une façon utile d’aborder la présentation des vins, qui suscitera la curiosité, engagera la conversation et
Dans ce numéro d’ASI Magazine, nous explorons le rôle que joue le sol dans le caractère des vins que nous chérissons. Alex Maltman, géologue réputé, qui de plus est un amateur de vin et l’auteur de nombreux articles visant à dénoncer les idées fausses et les malentendus sur le rôle du sol dans le caractère d’un vin. John Szabo MS est, avec Véronique Rivest, le sommelier le plus connu du Canada et l’auteur de Volcanic Wines : Salt, Grit and Power, qui a été salué par la critique et a notamment reçu le prix André Simon du meilleur livre sur les boissons.
encouragera les gens à avoir une vision un peu différente du vin et à essayer quelque chose d’autre. Mais je pense que cela ne fonctionne que dans un environnement intime où l’échange entre le serveur, le sommelier et le client est attendu, et où les convives viennent pour vivre une expérience, et non pour simplement manger et boire. Le vin est déjà suffisamment complexe, avec tant de régions, de cépages, de producteurs et de millésimes. Ajouter le type de sol à tout cela, pour un client qui veut simplement un bon verre de blanc, est contre-productif et découragera presque à coup sûr la consommation. Mais pour quelqu’un à l’esprit ouvert, qui est prêt à vivre une expérience et peut être guidé par un serveur ou un sommelier bien formé, un voyage dans le monde du vin vu sous l’angle du type de sol peut être une rencontre fascinante et mémorable, qui pourrait bien l’amener à revenir pour une autre tournée.
Au contraire, le Dr. Alex Maltman, géologue de renommée mondiale, déclare : “Je pense que la tendance est allée trop loin. Les roches et les sols des vignobles font certainement partie du tableau, car ils influencent le choix du porte-greffe, la méthodologie de culture, la gestion de l’eau, etc. Cependant, la tendance que vous mentionnez est que le sol est important, voire primordial, pour le goût du vin.
Je comprends parfaitement l’attrait et l’utilité de cette idée et j’aimerais beaucoup y adhérer, mais malheureusement elle me gêne. Les affirmations ne disent jamais comment cela se produit, et nos connaissances scientifiques sur l’interaction entre le sol et la vigne ne permettent pas de voir comment cela pourrait se produire, du moins dans la mesure indiquée.”
Pour une dernière réflexion sur le lien entre le vin, le sol et la nature ellemême, nous avons demandé à Alice Feiring, célèbre écrivain américain spécialisé dans le vin, créatrice de The Feiring Line, la première lettre d’information indépendante sur le vin naturel au monde, protectrice passionnée de l’authenticité et de la diversité du vin, de nous faire part de ses réflexions.
ASI au Dr. Alex Maltman (AM) : En tant que géologue et scientifique, vous (Dr. Maltman) avez clairement exposé dans vos recherches l’impossibilité pour les roches et minéraux du sol d’être absorbés par les vignes, et encore moins par les raisins, et enfin par le processus de fermentation jusqu’à la bouteille. Expliquez-nous.
AM : Les racines de la vigne absorbent l’eau interstitielle du sol et les éléments qui y sont dissous, en particulier les quelque quatorze éléments chimiques (nutriments) - potassium, calcium, magnésium, etc. Les racines sont incapables d’absorber les solides, les roches géologiques et les minéraux comme ceux dont les sommeliers aiment parler, tels que le granit, le schiste, le quartz, le silex, etc. qui sont des solides pratiquement insolubles. La vigne ne peut tout simplement pas les absorber. Lorsque de telles affirmations ont été soumises à des tests de dégustation à l’aveugle, elles n’ont tout simplement pas tenu la route (de la connectivité entre le sol et le goût). La croyance, aussi passionnée soit-elle, n’est pas une preuve. Je crains que l’idée ne soit surestimée.
ASI à John Szabo : Êtes-vous d’accord ou non avec le Dr Maltman ? John Szabo (JS) : Oui et non. Les roches sont composées de minéraux. Lorsque les roches s’altèrent, leurs constituants minéraux entrent dans la composition du sol. Les ions minéraux (atomes ou groupes d’atomes chargés positivement ou négativement), solubles dans l’eau contenue dans le sol, deviennent alors accessibles au système racinaire des plantes, qui peuvent les absorber et les assimiler. Sans les minéraux essentiels présents dans le sol, comme le calcium, le magnésium, l’azote, le phosphore, le potassium et le soufre, c’est-àdire les macronutriments, ainsi que toute une série de micronutriments supplémentaires (et l’eau dans laquelle ils peuvent se dissoudre), une plante ne peut pas pousser. La vigne doit donc absorber les minéraux et les distribuer dans toute la plante là où c’est nécessaire.
La vraie question est de savoir si ces minéraux (organiques et inorganiques) affectent directement l’arôme, la saveur et la texture d’un vin. Prouver l’existence d’une relation directe entre la teneur en minéraux du sol et l’arôme/le goût du vin est source de complications, notamment en raison de la complexité de la transformation du raisin frais en vin et (comme indiqué dans la question initiale) des multiples processus impliqués, tels que le débourbage, la fermentation, la conversion malolactique, la précipitation, les divers ajouts possibles, etc. Bien qu’il soit assez facile de montrer que des sols différents produisent des vins avec des signatures chimiques différentes, des précurseurs aromatiques différents et des profils polyphénoliques différents, il n’est pas exagéré de dire que des sols différents produisent des vins avec des compositions différentes. Et à partir de là, il n’y a qu’un pas à franchir pour dire que des sols différents produisent des vins aux profils aromatiques et texturaux différents, compte tenu de leurs compositions différentes. Une planète pleine de preuves anecdotiques (de dégustation) établit ce fait. Mais il est impossible (pour autant que je sache) de dire exactement quels minéraux, comment ils interagissent avec d’autres molécules (organiques) et quel impact direct et/ou indirect ils ont sur les caractéristiques sensorielles du vin, à ce stade de la compréhension.
Il convient de rappeler que la plupart des minéraux inorganiques n’ont ni odeur ni goût - ils sont inertes (le soufre est la principale exception notable) et ne peuvent donc pas avoir d’impact direct sur l’arôme et le goût du vin. Votre vin ne peut pas avoir l’odeur ou le goût de l’ardoise ou du basalte, car ces roches (minéraux agglomérés) n’ont ni odeur ni goût en elles-mêmes.
ASI à Alex Maltman : Vous avez été cité comme disant que “la présence de ces nutriments dans le vin peut indirectement affecter une série de réactions chimiques et ainsi influencer nos perceptions
“Les racines sont incapables d’absorber les solides, les roches géologiques et les minéraux comme ceux dont les sommeliers aiment parler, tels que le granit, le schiste, le quartz, le silex, etc. qui sont des solides pratiquement insolubles. La vigne ne peut tout simplement pas les absorber.”– Dr. Alex
MaltmanDr. Alex Maltman
gustatives. Mais il s’agit d’effets complexes et détournés, bien loin de la géologie du vignoble qui domine le vin”. Cela signifie-t-il que le sol peut avoir un impact sur le goût, même s’il est faible, et qu’il ne faut pas rejeter le sol, mais ne pas exagérer son importance sur le caractère final du vin ?
AM : Exactement. La géologie du sol d’un vignoble régit sa structure, ses propriétés hydriques, son comportement thermique, etc. et peut donc influencer le développement des précurseurs d’arômes dans les raisins en cours de maturation. La vinification transforme ensuite ces précurseurs en composés qui donnent au vin sa saveur. Donc, oui, de manière indirecte, la géologie peut avoir une certaine influence sur le vin final. Mais on est très loin des affirmations de la tendance actuelle : “Le sol, et non le raisin, est la dernière chose à savoir pour choisir un vin”, ce genre de choses.
ASI à John Szabo : Une question similaire à la vôtre, John, mais plus spécifiquement en ce qui concerne le lien entre le sol et le goût. La relation entre la composition du sol et le profil gustatif du vin n’est-elle qu’une partie de l’équation ? Y a-t-il d’autres effets du sol, tels que l’impact du sol sur la
concentration, les niveaux d’acidité ou même d’autres processus chimiques en jeu qui conduisent à la perception de la saveur ?
JS : Je dirais que d’autres aspects du sol, autres que la composition minérale, ont un impact beaucoup plus important sur les caractéristiques sensorielles d’un vin. Le plus important d’entre eux est la capacité du sol à retenir l’humidité. La disponibilité de l’eau est directement liée à la composition des baies et à la concentration des composés qu’elles contiennent, qui à leur tour ont un impact direct sur des aspects tels que la couleur du vin (concentration d’anthocyanes dans le vin rouge) et la texture (concentration de tannins).
L’acidité et le pH peuvent également être directement influencés par la composition du sol. Les sols riches en potassium, comme les sols volcaniques du comté de Lake, en Californie, en sont un excellent exemple. Comme le potassium est ce qu’on appelle un tampon acide, et que son abondance dans les sols se traduit par une abondance dans le moût et finalement dans le vin, les viticulteurs ont beaucoup de mal à essayer d’ajuster le pH (abaisser le pH à un niveau auquel le vin serait plus stable et moins sujet aux attaques bactériennes). Les tampons comme le potassium résistent (neutralisent) à un changement de pH après un ajout d’acide, ce qui rend presque impossible l’abaissement du pH (sans déverser des tonnes d’acide tartrique, ce qui n’est pas conseillé).
Un contre-exemple peut être trouvé à Santorin, en Grèce, où les sols sont également dérivés de matériaux volcaniques, mais dans ce cas pratiquement dépourvus de potassium. Les vins issus de ce climat méditerranéen chaud et sec, avec des alcools finis de plus de 14 %, présentent un pH incroyablement bas, parfois inférieur à 3, le genre de niveau que l’on attendrait d’un riesling de la Moselle.
Il s’agit d’aspects liés à la texture et à la sensation en bouche, qui n’ont rien à voir avec le goût, mais pour moi, la texture d’un vin a une relation beaucoup plus directe et concrète avec les sols viticoles que ses arômes
et ses saveurs. Ces derniers sont plus étroitement liés au cépage et au climat, à la météo.
ASI à Alex Maltman : Pensez-vous qu’il existe d’autres facteurs importants qui déterminent le caractère final, le “terroir”, d’un vin ?
AM : La grande valeur du concept de terroir est qu’il rassemble en un seul mot tous les facteurs multiples qui donnent de la distinction à un site et potentiellement à ses produits. Ces facteurs interagissent de manière dynamique et nous savons maintenant qu’ils peuvent varier de manière étonnamment complexe, même d’un rang de vignes à l’autre, d’un millésime à l’autre, d’une saison à l’autre, voire d’une heure à l’autre de la journée. C’est donc un véritable défi que d’essayer de démêler tous les facteurs et d’évaluer leur importance relative.
Pourtant, certains ont essayé. Et invariablement, le sol ne figure pas en tête de liste. Les facteurs habituellement regroupés sous le seul mot de “climat” ont tendance à occuper une place importante, qu’il s’agisse de la température ou de l’intensité de la lumière. Par exemple, nous savons maintenant comment ces facteurs affectent des éléments tels que les méthoxypyrazines (notes vertes et herbacées) et la rotundone (poivre noir) dans certains vins de Shiraz. Mais quel sommelier va parler avec lyrisme de l’intensité de la lumière ultraviolette et des amplitudes thermiques diurnes ? La terre, elle, a le bon son viscéral !
ASI à Alex Maltman : Comment expliquez-vous la connectivité de caractère entre les vins de Chablis, par exemple, si ce n’est pas le sol ? Est-ce le climat ou d’autres facteurs ?
AM : Dans le monde du vin, les anecdotes et les croyances ont la vie dure ! En fait, le climat est essentiel à Chablis, le producteur de vin tranquille le plus septentrional de France. Les meilleurs sites se trouvent à mi-chemin des pentes bien drainées, exposées de manière optimale au sud-ouest ; l’AOC initiale (1938) a délimité ces sites en tant que Grand Cru. Les sites ne coïncident pas avec le sol mais avec une roche mère sous-jacente intacte (la raison pour laquelle les pentes sont là) qui se trouve être d’un
âge géologique particulier. D’autres pentes reposent sur ce même substrat rocheux mais sont orientées de manière défavorable, de sorte que les vignes n’y ont pas été classées ; en effet, certaines d’entre elles ne comportent aucune vigne, même aujourd’hui.
Depuis le classement de 1938, si la délimitation de Grand Cru (qui ne couvre d’ailleurs que 2% du territoire chablisien) est restée la même, il existe aujourd’hui de nombreux sites d’AOC Chablis et de Premier Cru, sur des sols variés, d’âges géologiques différents.
Si vous me permettez une petite digression, la plupart des amateurs de vin savent que les roches de Chablis se sont formées sur un ancien fond marin et qu’elles contiennent de magnifiques coquillages fossilisés. Tout cela fait penser à la mer ! C’est pourquoi des éléments maritimes apparaissent souvent dans les notes de dégustation des vins de Chablis, comme une note iodée. Par exemple, “Chablis - on peut presque mâcher l’iode” ; “...beaucoup de caractère chablisien, en particulier l’iode” ; “...cette note d’iode propre au Chablisien”. Et, naturellement, c’est lié aux sols : “les coquilles d’huîtres fossilisées donnent au Chablis sa saveur iodée unique”, etc.
Il m’est apparu il y a quelques années que, contrairement à de nombreux mots de dégustation, l’iode est bien caractérisé, c’est un élément chimique que l’on peut mesurer. C’est pourquoi nous avons analysé des échantillons de sol et de feuilles de vigne provenant de sites de grands crus, ainsi que des vins de Chablis finis. Nous avons ensuite fait de même avec des sols et des vignes de chardonnay poussant sur la colline de Corton, en Bourgogne. Pour le plaisir, nous avons également analysé des vins de chardonnay de supermarché provenant de Mendoza (Argentine) et de la Barossa Valley (Australie). Toutes les valeurs analysées pour l’iode étaient minuscules dans les vins, et bien en dessous des limites de détection gustative. Mais ce qui était frappant - franchement surprenant - c’est que toutes les valeurs les plus basses provenaient des échantillons de Chablis et les plus élevées de ceux de Barossa. Vous voyez !
ASI à John Szabo : Vos recherches se sont concentrées sur les sols volcaniques. Pensez-vous que les vins issus de vignes poussant sur des sols volcaniques possèdent une qualité qui les lie ?
JS : Question simple, réponse complexe. Je vais vous donner une citation de mon livre qui explique l’idée générale :
Soyons clairs : il n’existe pas de “vin volcanique”. En revanche, il existe des vins issus de culture sur des sols volcaniques qui se déclinent en un arcen-ciel rayonnant et infiniment nuancé de couleurs, de goûts et de saveurs. Ce que je veux dire, c’est qu’il n’y a pas de vin volcanique au singulier, mais une grande diversité.
...malgré de grandes variations, il y a néanmoins quelques caractéristiques qui apparaissent avec suffisamment de régularité dans les vins issus de sols volcaniques (même si elles ne leur sont pas exclusives) pour conduire à des conclusions anecdotiques, sinon rigoureusement scientifiques. Ces caractéristiques dessinent grossièrement le tableau qui est ensuite complété par les infinies subtilités de chaque région, de chaque vin et de chaque millésime.
Tout d’abord, les vins issus de sols volcaniques se caractérisent par une qualité gustative commune, parfois due à une forte acidité, presque toujours à une salinité palpable, parfois aux deux. Les sels minéraux impliquant des éléments présents dans le vin, comme le potassium, le magnésium et le calcium, ainsi que leurs partenaires moléculaires dérivés de l’acide, comme le chlorure, le sulfate et le carbonate, ont été mis en cause (bien que dans les vignobles de bord de mer, il s’agisse souvent d’un simple chlorure de sodium provenant des embruns marins, et non des sols). Les sels minéraux peuvent également expliquer le goût vague, mais agréablement amer, que l’on trouve dans certains vins.
Le deuxième est leur caractère savoureux. Les vins volcaniques sont fruités, bien sûr, mais ils sont souvent accompagnés, voire dominés, par des arômes non fruités dans les gammes de saveurs terreuses et herbacées,
ainsi que par les nuances couvertes par le terme magnifiquement utile et multidimensionnel de minéralité et par toutes ses définitions variées. La minéralité et les vins volcaniques vont de pair.
Les meilleurs exemples, comme tous les grands vins, semblent avoir une autre dimension, ou du moins une dimension différente, une sorte de densité commune qui ne peut provenir que d’un véritable extrait dans le vin, et non de l’alcool ou du glycérol, ou simplement des tanins et de l’acide. C’est une sorte de gravité en apesanteur, intense, lourde comme une plume, ferme mais transparente, comme un bouclier impénétrable et invisible de saveurs qui sortent de nulle part mais ne s’imposent pas, elles sont juste là et vous devez les contourner avec votre langue. Elle peut être granuleuse, salée, dure, peut-être même désagréable pour certains, mais indéniable.
Bien entendu, le terme “terre volcanique” n’est que légèrement plus descriptif que le terme “fromage”. Le fromage est fabriqué à partir de lait, tandis que la terre volcanique est issue de matériaux volcaniques. Il existe des centaines de types de sols différents que l’on peut qualifier de volcaniques, même si l’on s’en tient à ma définition relativement limitée. Dans des endroits évidents comme le Vésuve, l’Etna, Santorin ou les îles de Macaronésie - des endroits formés par des volcans - la nature volcanique de la terre est incontestable. Mais même là, la composition du sol varie étonnamment. Même les laves pures présentent des variations de couleur en technicolor. Leur âge varie de quelques jours à des dizaines de
millions (milliards) d’années et leur structure chimique et physique est différente, allant de la roche pure au sable volcanique ou à l’argile ancienne altérée. Ce n’est que la pointe du volcan. Je n’ai même pas mentionné l’interférence de l’homme sur la chimie et la structure des sols.
Il faudrait un livre entier (ou deux) pour décrire toutes les catégories possibles de sols volcaniques et l’impact qu’ils ont sur le caractère du vin !
ASI à Alex Maltman : Les vignerons ont longtemps cherché des sols adaptés aux différents cépages. Il y a de belles histoires de viticulteurs comme Josh Jensen en Californie qui ont cherché du calcaire, par exemple, pour cultiver du chardonnay et du pinot noir. Pensez-vous qu’ils se sont peut-être trompés dans leur approche ? Se pourrait-il que l’allégeance historique au sol ait donné aux viticulteurs et aux sommeliers une vision romantique, plutôt que scientifique, de la relation entre le sol et le profil aromatique d’un vin ?
AM : Je comprends parfaitement ce que vous voulez dire. Par exemple, j’ai sous les yeux un tableau (que j’ai souvent vu reproduit) qui comporte des colonnes pour différents cépages et des lignes pour des sols particuliers. Certaines cases sont cochées en gras pour indiquer les combinaisons “préférées” - Syrah et granit par exemple - tandis que d’autres cases sont vides, ce qui indique vraisemblablement les combinaisons à éviter. Il semble donc que l’on dise que pour produire de la Syrah de qualité, il faut des sols granitiques.
Mais tout cela, comme le suggère votre question, n’est-il pas simplement
le reflet de certains sites européens classiques, en l’occurrence la syrah qui prospère sur les sols granitiques célèbres du Rhône septentrional ? Cela ne tient pas. La syrah s’épanouit et donne des vins superlatifs sur des sols non granitiques du Rhône septentrional : la Côte Rôtie n’est pas granitique et l’Hermitage a des sols autres que granitiques. Et inversement, Condrieu est composé de granit mais n’est pas planté de syrah.
Ailleurs, même en France, cela ne fonctionne pas (par exemple, le Gamay sur les sols granitiques du Beaujolais). Les vignes de syrah prospèrent évidemment sur les sols granitiques des régions de Swartland et de Paarl en Afrique du Sud, par exemple, mais elles prospèrent également dans la région de Barossa en Australie, de Hawkes Bay en Nouvelle-Zélande et de la vallée de Yakima dans l’État de Washington, où il n’y a pas de granit. Les vignobles des contreforts de la Sierra, en Californie, sont fiers de leurs sols granitiques, mais ici, c’est le Zinfandel qui domine. Etc., etc., avec des arguments exactement similaires pour les autres soi-disant combinaisons idéales.
Et pendant tout ce temps, il y a cet “éléphant dans la pièce” dont on ne parle pas, à savoir les porte-greffes de la vigne. Après tout, ce n’est pas le Pinot Noir, par exemple, qui interagit avec le sol, mais les racines résistantes aux pathogènes sur lesquelles il aura été greffé, presque certainement d’espèces différentes. Mais je ne vois pas les sommeliers s’enthousiasmer pour 1103 Paulsen, AXR1, 41B, 161-49 Couderc.
“Il faudrait un livre entier (ou deux) pour décrire toutes les catégories possibles de sols volcaniques et l’impact qu’ils ont sur le caractère du vin !”
– John Szabo MS
Dans une discussion qui se concentre si fortement sur la science du sol, ellemême un élément constitutif de la nature, il peut être surprenant de constater le peu de place accordée à la façon dont un vin est élaboré et à son rapport avec la discussion en cours. La question de l’impact du sol ne sert-elle à rien si les pratiques de vinification et d’élevage ne sont pas naturelles ? Des levures cultivées aux nombreux additifs potentiels qui masquent et altèrent le goût, l’argument est-il muet si la méthodologie n’est pas interventionniste et non manipulatrice ?
Pour Alice Feiring, c’est un sujet qui tient à cœur. “Le terroir peut être influencé par l’agriculture, le climat et l’intervention de l’homme. Cependant, la base est la seule constante que l’on ne peut nier. Pour qu’un vin transmette cette magie que nous appelons terroir, la vinification doit être aussi libre que possible d’ingrédients et de procédés. Même sans ajouts, il suffit de choisir la méthode de vinification, c’est-à-dire la rafle, l’extraction, la température, l’élevage, l’ajout ou non de soufre, pour que le vinificateur dispose d’une multitude de variables et d’options avec lesquelles jouer.
Alice Feiring ne prétend pas être une scientifique mais, comme elle le dit ellemême, “quelqu’un qui prétend à la connaissance empirique”. Si elle reconnaît que le sol n’a pas d’incidence sur l’arôme ou la saveur, elle déclare : “Je pense qu’il a une incidence sur la texture, en influençant la nature verticale ou horizontale de la sensation en bouche. Il m’arrive aussi de penser ou de ressentir de la salinité, bien que cela soit plus compliqué car la salinité peut provenir d’un certain nombre d’autres facteurs. Ceci est soutenu par la recherche du scientifique Benoit Marsan....Considérer le vin uniquement d’un point de vue scientifique, c’est considérer l’art uniquement par le biais de l’analyse. Le vin a le pouvoir d’avoir un impact émotionnel et expliquer son existence uniquement par la science limite son immense pouvoir de connexion avec les gens, le moment, et un peu de je ne sais quoi”.
Si le sol est à la “racine” (jeu de mots voulu) du caractère du terroir, et la vinification naturelle un moyen de faire entendre sa voix dans un vin, il est certain que le porte-greffe doit aussi jouer un rôle. Alice Feiring déclare : “Je peux m’avancer et dire que le choix du porte-greffe a un impact énorme sur le vin, principalement lié au rendement et à la rétention d’eau, à l’absorption d’azote et de potassium... plus qu’à la saveur et à la résistance aux maladies. C’est peut-être la raison pour laquelle les vignes franches de pied, bien enracinées, lorsque c’est possible, sont le Saint Graal, un lien direct avec le sol”.
Alice Feiring avecSi le sol est la voix du terroir, cette voix s’affaiblit-elle, voire se perd-elle, si les raisins ne sont pas cultivés sur leurs propres racines ? Pour le viticulteur bordelais Loïc Pasquet, propriétaire du Liber Pater (le vin le plus cher du monde), c’est le cas. Sa décision de planter des vignes non greffées repose sur le désir de produire des vins de Bordeaux tels qu’ils étaient élaborés dans le passé, mais aussi sur la conviction que le greffage sur des porte-greffes américains masque le terroir. Comme il le dit, “si vous pouvez être non greffé, vous avez le meilleur message du terroir parce que vous n’avez pas de filtre”. Loïc Pasquet reconnaît que, dans certains endroits, il n’y a pas de choix, mais dans le sien, il y en a un.
Francisco Figueiredo ne travaille également qu’avec des vignes franches de pied. Contrairement à Loïc Pasquet, qui a délibérément choisi de revenir à une époque où les vignes greffées étaient la norme à Bordeaux, Franceisco Figueiredo travaille dans une région, l’AOC Colares au Portugal, qui n’a jamais eu besoin de greffer, car son sol sablonneux l’a longtemps protégée du fléau du phylloxéra. Francisco Figueiredo, qui est vigneron et viticulteur de l’Adega Regional de Colares, la coopérative locale, a grandi à Lisbonne et se rappelle avoir aidé son père à faire du vin maison à partir du Ramisco de Colares. Aujourd’hui adulte, il est responsable de la majeure partie de la production de la petite AOC située dans les limites de la ville de Lisbonne, bien qu’il soit de plus en plus rejoint par une nouvelle génération de viticulteurs basés à Lisbonne qui cherchent à redonner à Colares sa gloire d’antan.
En ce qui concerne sa décision de créer le projet Liber Pater, Loïc Pasquet explique que lorsqu’il a lancé son projet en 2004, “nous (Bordeaux) avions perdu, à cause du phylloxéra, beaucoup de cépages indigènes et le goût du vin de Bordeaux. Aujourd’hui, à Bordeaux, nous (les autres viticulteurs bordelais) produisons un vin qui ressemble à une soupe. Au début du projet, je me suis demandé quel était le goût du vin avant le phylloxéra. Si nous comparons le Bordeaux d’aujourd’hui à celui de 1855, l’époque de la classification, le goût du vin d’aujourd’hui n’est pas le même que celui d’alors. Aujourd’hui, il n’y a plus de cépages autochtones, il n’y a plus de francs de pied. Tout a changé. Je me suis dit “si je replante le vignoble comme il était avant le phylloxéra, peut-être qu’on pourra retrouver un goût très ancien”.... Avant le phylloxéra, on parlait de Bordeaux comme d’un grand vin. Aujourd’hui, lorsque nous parlons de Bordeaux, nous disons qu’il est corsé, alcoolisé,
les francs de pied sont-ils le Saint-Graal de la viticulture ?Loïc Pasquet
“Je me suis dit « si je replante le vignoble comme il était avant le phylloxéra, peutêtre qu’on pourra retrouver un goût très ancien”.... Avant le phylloxéra, on parlait de Bordeaux comme d’un grand vin.”
– Loïc Pasquet
extrait, etc.... Nous devons retrouver le bon vin de Bordeaux. En fait, le Bordeaux peut être totalement différent (plus léger, plus frais) et très bon. C’est pourquoi j’ai tout replanté non greffé”.
Dans l’AOC Colares, une mince bande de terre située sur la côte atlantique, près de Sintra, à l’extrémité ouest de Lisbonne, peu de choses ont changé. Il n’y a jamais eu de modification des cépages qui y sont plantés. Le cépage autochtone Ramisco, qui n’est cultivé que dans l’AOC Colares, est l’un des rares cépages vinifera d’Europe à n’avoir jamais été greffé sur un portegreffe américain. Si les sommeliers recherchent actuellement l’authenticité dans leurs sélections de vins, cela n’a pas toujours été le cas. La faible teneur en alcool, l’acidité élevée et les tanins fermes des vins rouges de Colares n’étaient pas populaires dans les années 1980, 1990 et même au début des années 2000. Parallèlement à la demande croissante de transformation des vignobles en lotissements, la production de Ramisco s’est réduite à des volumes minuscules. Au début des années 2000, l’appellation Colares DOC a atteint son niveau le plus bas, avec
environ 12 hectares de vignes. Alors que les sommeliers et les consommateurs de vin se tournent vers des styles plus frais, le Colares est de plus en plus demandé.
Francisco Figueiredo se demande si le caractère particulier des vins de Colares est dû au fait qu’il s’agit de vignes non greffées. Il explique que le Ramisco “doit offrir des notes fruitées subtiles telles que la cerise acide ou la griotte, ainsi qu’un certain caractère balsamique, des tons boisés, une note iodée fumée, des tons de terre et de feuilles sèches en bouche, en combinaison avec une acidité très fraîche et un caractère salé, ce qui est assez rare dans les vins rouges”. Cette salinité provient des vignobles, qui se trouvent parfois à 100 mètres de l’océan. Elle provient du microclimat. Une partie peut provenir du sol, qui était à un moment donné sous la mer, mais je pense que ce caractère est surtout le résultat de l’influence de l’océan Atlantique sur les raisins eux-mêmes.
Francisco Figueiredo (Photo : Lucas Frazão) Vignes à Colares“Alors que les sommeliers et les consommateurs de vin se tournent vers des styles plus frais, le Colares est de plus en plus demandé.”
– Francisco Figueiredo
Loïc Pasquet est plus démonstratif dans ses réflexions sur les vignes enracinées, en ce qui concerne le Bordeaux. Il déclare : “Si vous plantez des vignes non greffées, vous avez la meilleure façon de communiquer le message de votre terroir. C’est pourquoi il était très important pour moi de replanter ces variétés sur un bon sol, sur leur propre porte-greffe (francs de pied)”. M. Pater précise qu’il ne serait pas possible de planter du Merlot dans des graviers ou du Cabernet Sauvignon dans de l’argile, s’ils étaient sur leurs propres portegreffes. Il explique que le greffage sur des porte-greffes américains permet aux viticulteurs de planter n’importe où, mais que la motivation n’est pas d’exprimer le terroir, mais d’exprimer le caractère variétal, et qu’en les mélangeant, on obtient une sorte de soupe variétale. “Si vous voulez faire de la soupe variétale, c’est facile. Vous greffez, puis vous dites que je veux 80 % de merlot, parce qu’il est corsé, qu’il a de l’alcool, qu’il a du sucre. Ensuite, on dit qu’il faut 10 % de cabernet sauvignon pour ajouter de la structure. C’est comme ajouter des pommes de terre et des carottes à la soupe. Ensuite, vous dites que vous voulez du piquant, alors vous ajoutez 10 % de petit verdot. On peut faire ce vin n’importe où. Le message du terroir est unique, car il s’agit de votre terroir. Vous seul pouvez produire le vin (qui reflète votre terroir). C’est pourquoi il est important de replanter de bonnes variétés, sur de bons sols, en utilisant des francs de pied. C’est pour cela que je n’ai pas de Merlot ou de Cabernet Franc, parce que je n’ai pas d’argile et je n’ai pas de calcaire”.
Parmi les cépages historiques uniques que Loïc Pasquet a plantés, en plus du cabernet sauvignon, on trouve le manchin (Tarney Coulant), le Castet, le Saint Macaire, la Pardotte, le Prunelard, le Camaralet et le Lauzet.
Fait remarquable, il plante également à une densité de 20 000 pieds par hectare, une pratique courante au XIXème siècle.
Quant à la crainte de voir le phylloxéra apparaître dans ses vignobles, il n’est pas inquiet car il dispose d’une terre arable composée de gravier et de sable. Ce qui l’inquiète, c’est “la loi, parce que la loi ne permet pas d’utiliser les variétés indigènes”. Pour ne parler que de Bordeaux, l’appellation ne sert qu’à faire du vin industriel. L’appellation n’est pas intéressante, parce qu’il n’y a pas de liberté. Il est impossible d’utiliser des variétés indigènes. Actuellement, c’est juste un goût de Merlot et de Cabernet Sauvignon. J’ai besoin d’avoir le goût du terroir, et pour cela j’ai besoin des cépages autochtones. Je suis fier d’être labellisé Vin de France parce que je suis libre, et être libre, c’est ce qu’il y a de mieux “.
En ce qui concerne la question des pratiques viticoles et de la vinification par rapport à l’expression du terroir, Loïc Pasquet dit “pour moi, le choix est de ne pas greffer. La greffe est un filtre. La technique dans le vignoble pourrait être biologique ou biodynamique. Pour être honnête, je n’ai jamais compris la biodynamie. Je n’ai qu’un seul dieu et je n’ai pas assez de temps à leur consacrer. Si je devais aussi traiter Steiner comme un dieu, je n’aurais pas le temps. Ce qui importe en fin de compte, c’est de maintenir la vie dans le sol. Nous sommes bien sûr naturels puisque nous n’utilisons pas de soufre dans la cave. Nous pouvons dire que nous sommes naturels, mais nous sommes plus, nous sommes tout. Nous voulons faire du vin comme avant.
Leonardo Da Vinci “il est difficile de faire quelque chose de facile”. Nous travaillons beaucoup dans la vigne pour ne rien faire dans la cave. Je ne
suis pas vinificateur. Je suis vigneron. Je ne fais rien. Je suis juste là pour aider la nature à faire le vin.
Loïc Pasquet est l’un des principaux membres de Francs de Pied, une association de grands vignerons qui croient en l’authenticité de la saveur créée par les vignes non greffées. Parmi les autres producteurs notables, on trouve notamment l’Allemand Egon Müller, le Bourguignon Thibault Liger-Belair, le Campanien Feudi San Gregorio et le Champenois Alexandre Chartogne.
Plantation de vignes à Colares“Je suis fier d’être labellisé Vin de France parce que je suis libre, et être libre, c’est ce qu’il y a de mieux.”
Loïc Pasquet
La Moldavie a une histoire millénaire dans le domaine de la viticulture, un climat idéal, de nombreux types de sols différents et une gamme attrayante de cépages indigènes et internationaux. Malheureusement, pendant la collectivisation de l’ère soviétique, l’industrie viticole moldave a régressé. Il a fallu un certain temps pour se ressaisir après la chute du rideau de fer, et bien que de nouvelles caves aient ouvert leurs portes et que la qualité se soit améliorée, ce n’est qu’il y a une dizaine d’années que la révolution viticole a véritablement commencé. En 2013, l’Office national du vin et de la vigne a ouvert ses portes dans le cadre d’un partenariat public-privé et, depuis, 500 millions de dollars ont été investis dans le secteur. Le nombre de caves est passé à 200, dont soixante petits producteurs, et 40 caves accueillent désormais des touristes, contre quatre en 2012. Les exportations au-delà des anciens marchés post-soviétiques ont triplé au cours de la dernière décennie. Aujourd’hui, la Moldavie est le 20e producteur mondial de vin et le 14e exportateur. Plus important encore, la qualité s’est améliorée, comme en témoignent les plus de 5 000 médailles remportées lors de concours internationaux. Mais ce n’est qu’un début. D’énormes efforts sont déployés dans les vignobles afin de cultiver les raisins idéaux. Le vin de Moldavie a opté pour la durabilité, ce que l’ensemble du secteur vitivinicole s’est engagé à faire en 2023. Les caves travaillent également beaucoup pour augmenter les mélanges de raisins locaux et de variétés locales et internationales, ce qui constitue la force particulière de la Moldavie en matière de vinification.
La Moldavie compte trois régions d’indication géographique protégée (IGP) : IGP CODRU, IGP ȘTEFAN VODĂ et IGP VALUL LUI TRAIAN. L’IGP CODRU a un relief caractérisé par une forte fragmentation des pentes avec des degrés d’inclinaison variables et est représentée de manière égale par tous les types d’exposition des pentes. Les vignobles de la région viticole de l’IGP “Codru” sont situés aux altitudes les plus élevées du pays, atteignant jusqu’à 400 m, et les pentes sont principalement orientées vers le sud-ouest et l’est. La structure du sol est essentielle pour la qualité du vin et des produits de la vigne. Les sols de la région IGP “Codru” sont principalement constitués de chernozems (sols noirs), à hauteur de 62 %, et de sols carbonatés, à hauteur de 21 %. L’IGP ȘTEFAN VODĂ présente un relief moyennement fragmenté, avec des vallées profondes et des pentes de différents degrés d’inclinaison. Les pentes d’une longueur moyenne de 200-400 mètres et d’un angle d’inclinaison de 3°-5° prédominent ici.
L’altitude de la région de ȘTEFAN VODĂ est caractérisée par une variation de 7,0 mètres à 290,7 mètres au-dessus du niveau de la mer, et 73% de la superficie totale se situe dans les limites des pentes de 1° à 10°, où les pentes de 1° à 5° prédominent. Le territoire de la région se trouve dans la zone naturelle de l’Europe de l’Est et de la Méditerranée de la silvosteppe avec le chêne pubescent et de la steppe xérophile avec le chaume - l’herbe à aiguilles, la barbe, l’herbe et l’absinthe autrichienne.
Les régions viticoles de Moldavie offrent un terroir et un profil aromatique uniques qui les distinguent dans le monde du vin. L’histoire unique de la Moldavie et la nouvelle génération de viticulteurs ambitieux contribuent au potentiel du pays à devenir un acteur majeur de l’industrie vinicole mondiale.
Les sommeliers ont des opinions différentes sur le rôle que joue le sol dans les caractéristiques de leurs vins préférés. Nous avons demandé à trois sommeliers, originaires de différents continents et représentant des points de vue divers, de nous faire part de leur point de vue sur le sol.
Reeze Choi est le fondateur d’une société de services de sommellerie et de conseil en vin, connue sous le nom de Somm’s Philosophy. Il est titulaire du diplôme d’or de l’ASI, est un advanced sommelier de la Court of Master Sommeliers et un éducateur certifié du WSET. Reeze a terminé troisième au concours du Meilleur Sommelier du Monde 2023 de l’ASI à Paris, a été premier au concours du Meilleur Sommelier d’Asie & Océanie 2018 de l’ASI et a remporté quatre fois le titre de Meilleur Sommelier de Chine.
Romain Iltis a obtenu le titre de Meilleur Sommelier de France en 2012, et en 2015 celui de Meilleur Ouvrier de France, dans la catégorie sommellerie. Né en Alsace, il a été formé au lycée hôtelier Alexandre Dumas, à Illkirch-Graffenstaden, et a commencé sa carrière auprès du chef Alain Ducasse. Depuis 2015, il occupe le poste de chef sommelier à la Villa René Lalique, 2 étoiles Michelin à Wingen-sur-Moder.
Heather Rankin est cofondatrice et copropriétaire d’Obladee, un bar à vin qui met l’accent sur les vins naturels et durables à Halifax, en Nouvelle-Écosse, au Canada. Certifiée par l’Association Canadienne des Sommeliers Professionnels, elle est régulièrement juge pour les National Wine Awards of Canada et participe à de nombreux concours et jurys provinciaux.
ASI : Selon vous, comment le terroir s’exprime-t-il dans un vin ? Reeze Choi (RC) : C’est l’une des questions les plus délicates dans le monde du vin. En œnologie, deux opinions prévalent. Certains affirment que les vignes absorbent certains minéraux présents dans le sol et que ces minéraux déterminent le caractère du vin. L’autre opinion veut que le sol influence la façon dont les raisins poussent, ce qui à son tour façonne le caractère du vin. N’étant pas un spécialiste du vin, je ne vais pas m’étendre sur l’influence du sol sur le vin. Mais si l’on observe les nuances de caractère et de style des
Reeze Choi“Pour le sommelier que je suis, la méthode de production importe moins que la qualité gustative du vin.”
– Reeze Choi
vins issus du même raisin et cultivés dans deux régions voisines, on peut être sûr que le sol a un impact considérable sur la façon dont un vin naît. Le Barolo et le Barbaresco se trouvent tous deux dans le nordouest de l’Italie. Les vins de ces deux régions sont produits à partir de 100 % de Nebbiolo et ont tendance à être moins influencés par le chêne. Nous savons que le Barolo et le Barbaresco ont des combinaisons de sols différentes et que cette différence contribue aux caractéristiques dissemblables de leurs vins. Le Barolo a un sol beaucoup plus ancien, d’où un vin plus structuré, tandis que le sol du Barbaresco contient plus de nutriments, ce qui donne au vin un arôme plus floral et un style plus facile et plus accessible, avec moins de tannins. Le sol peut s’exprimer de manière plus directe dans d’autres cas. Par exemple, le caractère fumé et salé du Koshu et du Carricante est dû à l’influence d’un sol volcanique ; le silex et la note de roche du Riesling cultivé sur de l’ardoise sont également présents.
Romain Iltis (RI) : J’ai la chance d’habiter en Alsace où il y a toutes sortes de sols différents, ce qui me permet de faire des comparaisons. Personnellement, je pense que le terroir s’exprime en bouche par la texture de l’acidité sur la langue. Pourquoi l’acidité est-elle importante ? Parce que l’acidité est présente pendant toute la durée de vie d’un vin. Elle est comme le squelette du vin, sa structure, et elle est présente pendant toute l’existence du vin. En outre, l’acidité est principalement responsable de l’élévation du goût du vin... c’est comme lorsque vous ajoutez un acide à une sauce, il en rehausse la salinité. Lorsque vous vous concentrez sur l’acidité d’un vin, vous vous apercevez qu’il a une texture qui reflète le sol. Par exemple, elle sera vive si les vignes sont cultivées sur du granit et tendre si elles sont cultivées sur du calcaire. Elle constitue un point commun lorsque l’on essaie des vins issus d’un même terroir, mais élaborés par des producteurs différents ou de millésimes différents.
Heather Rankin (HR) : Je pense que le sol s’exprime dans le vin à travers la réponse de la vigne à ce sol. Par exemple, une vigne vigoureuse plantée dans un sol limoneux très fertile peut produire un vin plus léger et légèrement dilué, alors qu’une vigne plantée dans un sol qui retient la chaleur, comme le granit, peut donner des raisins plus mûrs et un vin plus corsé. Je ne suis pas sûre que nous “goûtions” le calcaire (ou le gravier ou l’ardoise) dans un vin, mais nous goûtons plutôt les résultats de l’effet que le sol a eu sur les raisins et, en fin de compte, sur le vin. Le sol est très complexe et va au-delà de simples types d’argile, de sable ou de craie, par exemple. Il englobe des éléments tels que la structure, la profondeur, le pH, la température, le contenu microbien, la fertilité, etc. Toutes ces facettes se combinent pour déterminer les types de raisins qui peuvent pousser, leur qualité et l’expression ou les caractéristiques uniques que prendront ces raisins (et, en fin de compte, le vin).
ASI : Le sol est-il le principal facteur contribuant au goût du lieu ou l’un des nombreux facteurs contribuant au caractère “terroir” d’un vin ?
RC : Le sol est un facteur important pour le goût d’un lieu, certes, mais tout aussi important pour la survie de la vigne. En plus de donner certaines caractéristiques au vin, le type de sol détermine également si la culture de la vigne est possible dans certains climats plus rudes. Par exemple, l’ardoise de la Moselle retient et libère la chaleur pendant les nuits froides pour permettre la maturation ; la craie aide à retenir l’eau dans les régions plus sèches comme la Champagne ; un sol mieux drainé, comme le gravier, facilite la concentration du vin dans le Médoc.
RI : Le sol est important, mais ce n’est pas le seul facteur. Le climat, c’est-àdire la quantité de pluie et de soleil, est tout aussi important car il définit le potentiel agronomique de la vigne. Le viticulteur joue également un rôle important dans ce jeu. Il est le chef d’orchestre tandis que le raisin est l’instrument de musique. C’est à lui de décider quel raisin il va planter, de déterminer le niveau de maturité auquel il va récolter, la maturation du vin et bien d’autres choses encore. Toutes ces décisions leur permettent d’exprimer le terroir. Un vigneron m’a dit un jour que les choix faits par le vigneron ne changeaient pas le sol, mais son expression dans le vin.
HR : Le sol n’est qu’un élément de l’environnement naturel dans lequel un vin est produit. La topographie et le climat sont également des éléments clés qui contribuent au sentiment d’appartenance d’un vin. Ces trois éléments travaillent souvent ensemble (plutôt qu’indépendamment) pour soutenir la vigne et transmettre le terroir. Par exemple, les célèbres sols ardoisiers de la Moselle sont connus pour leur excellent drainage et leur capacité à retenir la chaleur - deux éléments essentiels pour un Riesling de haut niveau, mais les sols seuls ne garantissent pas le succès de la vigne ou la capacité du vin à exprimer le terroir. Les vignobles en pente raide de la région placent les vignes dans une position optimale pour une exposition maximale au soleil, et la proximité de la rivière apporte une lumière réfléchie supplémentaire ainsi qu’un climat tempéré. Ces trois éléments - sol, topographie, climatcontribuent à l’expression du terroir du vin.
ASI : Quel est le rôle de la méthode de production ? L’influence du sol et du terroir ne peut-elle être exprimée que par des méthodes naturelles ou les vins conventionnels peuvent-ils également exprimer le caractère du sol et du terroir ?
RC : À mon avis, “exprimer le caractère du sol” et “exprimer le terroir” sont deux choses différentes. Si le terroir est défini par le climat, le sol, la topographie - des caractéristiques de l’environnement naturel -, je considère que l’intervention humaine est également un facteur important. La façon dont les hommes cultivent le sol a également une incidence sur le terroir. Ainsi, le terroir ne reflète pas seulement les caractéristiques du sol en soi, mais aussi la culture. Certains vins conventionnels bien connus l’illustrent bien : par exemple, les arômes “classiques” de Bordeaux sont plus marqués dans les vins conventionnels que dans les vins naturels. En ce sens, on peut dire que les vins conventionnels expriment encore mieux le terroir. Je pense que les méthodes naturelles et les vins conventionnels représentent des philosophies différentes de la nature et de la culture, et donc des
manières différentes de présenter les caractéristiques du sol et du terroir. Pour le sommelier que je suis, la méthode de production importe moins que la qualité gustative du vin. RI : Il est difficile de donner un avis tranché. Certains vins conventionnels sont merveilleux, ils expriment vraiment le terroir, mais la plupart du temps ils ont besoin de vieillir pour que le terroir se révèle. Cela dit, je pense que l’on a une expression moins filtrée du terroir quand on utilise des méthodes bio ou biodynamiques.
HR : Je pense qu’il est généralement admis que l’agriculture conventionnelle et non durable limite la capacité du sol à se régénérer et à rester en bonne santé au fil du temps. Je ne pense pas qu’il soit exagéré de suggérer qu’un sol moins sain aurait plus de mal à soutenir la vigne et que le vin aurait plus de mal à exprimer le caractère du terroir. Les méthodes d’agriculture durable qui favorisent la santé microbienne des sols sont susceptibles de mieux soutenir la vigne et, de la même manière, de permettre une expression plus claire du terroir. Dans le chai, on pourrait affirmer qu’un vin fermenté avec des levures indigènes provenant de l’environnement local exprime mieux le terroir qu’un vin fermenté avec des levures cultivées, et que tout ce qui est ajouté (ou enlevé) au vin peut “masquer” ou déformer le caractère original du terroir. Mais les méthodes naturelles ne garantissent pas l’expression du terroir. Si le vin est trop volatil ou trop oxydé (par exemple), l’expression du terroir peut également être bloquée. En général, je pense qu’un vin fait intentionnellement et avec soin par un entraîneur compétent intéressé par la communication du terroir est ce qui est important - plutôt que de savoir si le vin a été fait complètement “naturellement” ou non.
ASI : Avez-vous un sol préféré ou une combinaison de sol et de cépage préférée ?
RC : J’ai découvert que j’aimais beaucoup la sensation que le sol calcaire donne à certains vins blancs. Il confère aux vins, en particulier à ceux qui sont produits dans le cadre
Romain Iltis
“Le viticulteur joue également un rôle important dans ce jeu. Il est le chef d’orchestre tandis que le raisin est l’instrument de musique.”
– Romain Iltis
d’une vinification réductrice, un joli ton rocailleux, fumé et savoureux. Le Domaine Follin-Arbelet, Corton Clos Blanche 2014 et le Domaine Leflaive Bourgogne Blanc 2004 sont deux des vins qui illustrent le mieux ces caractéristiques et que j’ai appréciés récemment.
RI : J’avoue que j’aime le riesling cultivé sur un sol gréseux. C’est une combinaison qui apporte de la linéarité, une pureté d’acidité et une texture granuleuse qui se traduit plus par une expression dans les gencives qu’au nez. Je trouve aussi qu’il apporte un caractère salin en fin de bouche et des arômes de pierre chaude. En ce qui concerne les vins rouges, j’aime le grenache cultivé sur un sol schisteux. Le schiste apporte au vin des tanins raffinés, une texture veloutée, de la fraîcheur, mais avec un caractère brûlé en fin de bouche. Un accord parfait avec les viandes rôties.
HR : Le Teroldego, cultivé sur les contreforts des Dolomites dans la région alpine du Trentin HautAdige, à l’extrême nord de l’Italie, est l’un de mes préférés. Le sol
est une composition unique de dolomite (carbonate de calcium et de magnésium, également connu sous le nom de calcaire magnésien) qui donne aux montagnes une couleur rose-corail cristalline qui réfracte la lumière du soleil sur les vignes. Le Teroldego est originaire de la région du Trentin et est apparenté à la Syrah. Comme la Syrah, il est très coloré, avec des tanins fermes, une acidité vive, et des arômes de mûre, de poivre et de terre. Ces vins sont d’une intensité et d’une fraîcheur peu communes, probablement dues à la combinaison unique du sol, de l’altitude et du climat de la région.
“Je pense qu’un vin fait intentionnellement et avec soin par un entraîneur compétent intéressé par la communication du terroir est ce qui est important.”
– Heather Rankin
Sharrol Mukendi-Klaas est la première lauréate de la bourse de sommellerie de la Fondation Gérard Basset de l’ASI
Sharrol Mukendi-Klaas ne s’attendait pas à entrer dans le monde du vin. En fait, Sharrol Mukendi-Klass a grandi loin de la culture du vin, au sens propre comme au sens figuré. Élevée dans la petite ville de Klerksdorp, dans la province sud-africaine du Nord-Ouest, loin des vignobles du Cap-Occidental, Sharrol Mukendi-Klass raconte : “Je voyais le vin comme une boisson pour les gens qui avaient de l’argent. Une boisson de paillettes et de glamour”.
L’idée de vivre du vin, sans parler de le boire, était encore plus farfelue. Elle explique : “Travailler dans un restaurant est le moyen le plus facile pour quelqu’un qui n’a pas de compétences particulières de trouver un emploi en Afrique du Sud. Je suis devenue serveuse par nécessité, pour gagner ma vie. Je suis tout de suite tombée amoureuse de l’interaction que j’avais avec les clients lorsqu’il s’agissait de les servir. Expliquer les différentes saveurs des plats me permettait de devenir une sorte de poète. En même temps, nous recevions une formation de base qui nous apprenait comment les vins se mariaient avec les plats, ce qui nous permettait de mieux vendre”.
Selon Romané Basset, c’est justement cette orientation client qui a permis à “Sharrol de se distinguer auprès des juges. Ce que j’ai le plus admiré, c’est l’importance qu’elle accorde à l’expérience des clients lorsqu’elle les sert. Elle aime interagir avec eux, partager ses connaissances et s’assurer qu’ils choisissent un vin qu’ils apprécieront. Cela me rappelle l’insistance de papa (Gérard Basset) sur le fait qu’un sommelier doit aimer les gens autant qu’il aime le vin”.
Sharrol Mukendi-Klass est la première lauréate de la bourse de sommellerie de la Fondation Gérard Basset de l’ASI. Nina Basset a déclaré : “Je suis personnellement ravie que nous ayons créé cette bourse en collaboration avec l’ASI, notamment parce que l’ASI a joué un rôle très important dans l’orientation de la carrière de Gérard. Il est donc tout à fait approprié de s’associer à l’ASI pour aider à façonner et à améliorer la carrière de Sharrol dans le domaine du vin, ainsi que celle de nombreux autres futurs boursiers”.
La bourse est née d’une discussion entre la fondation, dirigée par Romané et Nina Basset, et la Commission Diversité & Inclusion de l’ASI. Ensemble, ils ont décidé qu’une bourse centrée sur l’Afrique, dont la culture de la sommellerie se développe rapidement, mais qui est encore sous-représentée dans le monde du vin international, aurait le plus grand impact pour montrer que la sommellerie est une profession véritablement mondiale. C’est pourquoi la fondation s’est associée à l’ASI et à l’Académie des sommeliers de Jean-Vincent Ridon pour développer et mettre en œuvre le programme de bourses d’études. Romané Basset explique la décision de s’associer à JV Ridon : “Sa grande expérience du travail en sommellerie en Afrique, ainsi que sa carrière dans l’enseignement et son réseau international de contacts, nous ont permis d’être sûrs que la lauréate recevrait un programme de premier ordre qui la mettra certainement à l’épreuve, mais qui développera aussi considérablement ses compétences et ses connaissances”.
Ce sera un grand pas en avant pour Sharrol Mukendi-Klaas qui déclare à propos de cette opportunité : “J’ai l’intention d’utiliser l’éducation que je reçois de la Sommelier Academy pour inspirer les sommelières en herbe en Afrique du Sud et dans le reste de l’Afrique. Je sais qu’après avoir découvert mon parcours dans l’industrie du vin et de l’hôtellerie et vu le chemin parcouru, elles pourront également se projeter dans une carrière, et une carrière réussie, dans ce domaine. Si l’on y croit et que l’on travaille dur, tout est possible”.
Pour ce qui est de l’avenir, Sharrol Mukendi-Klaas se voit comme juge du vin et “directement impliquée dans l’Académie sud-africaine de sommellerie, où je peux partager mon expérience et enseigner aux femmes sommeliers en devenir”.
“J’ai l’intention d’utiliser l’éducation que je reçois de la Sommelier Academy pour inspirer les sommelières en herbe en Afrique du Sud et dans le reste de l’Afrique.”
Sharrol Mukendi-Klaas
C’est la question que Vinexposium a posée à Emmanuel Bourguignon, docteur en microbiologie et écologie du sol, ainsi que directeur associé au Laboratoire d’Analyses Microbiologiques des Sols (LAMS).
Alors que les sols vivants constituent le patrimoine aux fondements mêmes de la notion de terroir, gage d’authenticité, de typicité et de qualité des vins ; la crise climatique continue d’amplifier les conséquences de la gestion irrégulière des terres viticoles à l’échelle mondiale.
Face à cette urgence, Vinexposium réaffirme son engagement auprès de celles et ceux qui alertent, qui élaborent de nouvelles solutions et qui ouvrent la voie. Rassembler les forces et les paroles lors des événements du groupe à travers le monde (Wine Paris & Vinexpo Paris, Vinexpo Asia, …) pour accélérer et faciliter le changement. Telle est la revendication du premier organisateur mondial d’événements dédiés aux vins et spiritueux.
Comment restaurer les sols viticoles ?
Le niveau de dégradation des sols viticoles est très disparate selon les régions, les modes de viticulture et leur historique. Les vignobles ayant les sols les plus dégradés, sont fortement exposés à l’érosion, la compaction, la perte d’humus, la perte d’activité microbienne et les pollutions chroniques. Ces sols-là peuvent être, tout de même, restaurés, aggradés, redynamisés afin de leur permettre de retrouver toutes leurs fonctionnalités et leur capacité à héberger une biodiversité foisonnante assurant une nutrition qualitative de la vigne. La véritable question est plutôt combien de temps faut-il pour restaurer ces sols? Selon leur niveau de dégradation et le climat où ils se trouvent, cela peut prendre plus de dix ans voire, plus de 20 ans pour les cas les plus extrêmes. Heureusement, il y a depuis plusieurs années une importante évolution du monde viticole avec une sensibilité croissante vis-à-vis du sol. Les pratiques vertueuses, basées sur les principes de l’agro-écologie se multiplient dans les vignobles.
Quel est le rôle à jour des sommelières et des sommeliers ?
Cette profession joue un rôle central, les femmes et les hommes qui exercent ce métier permettent de faire découvrir et d’initier les gens à cette boisson extraordinaire qu’est le vin. Ils doivent se former à comprendre pourquoi et comment une viticulture respectueuse des sols, respectueuse du terroir et de la biodiversité permet l’obtention de raisins plus qualitatifs, plus concentrés, plus complexes, empreint d’une forte typicité. Ces mêmes raisins, mis entre de bonnes mains seront à l’origine de vins vibrant de vie et d’énergie, des vins de haut lieu, des vins uniques portant en eux la complexité des interactions entre l’homme, la vigne, le monde microbien et un terroir. Les acteurs de ce métier doivent à mon sens être engagés pour aider le grand public à comprendre l’importance de consommer des vins dont la production n’a pas été néfaste pour l’environnement, les sols, la biodiversité et l’humanité. Certains diront par les temps qui courent et les enjeux géopolitiques actuels que le vin, contrairement au pain et au riz, est un produit de luxe qui n’est pas vital à nos sociétés, argument recevable qui nous impose une généralisation des pratiques viticoles vertueuses, les sommeliers sont en première ligne pour expliquer cela à leurs clients. Il existe de plus en plus de domaines viticoles de dimension modeste, dans des appellations dites « modestes » mais dont le travail est absolument exemplaire tant au niveau du respect des sols que de la qualité de leur vin, les sommeliers doivent aussi être moteur dans la mise en lumière de ces artisans de la vigne car ils exercent souvent la viticulture de demain.
A retrouver sur
Scannez le QR code pour écouter l’épisode complet du podcast « Wines of The Future » produit par Vinexposium, avec Emmanuel Bourguignon.
Le diplôme de l’ASI est de plus en plus considéré comme l’un des sommets de la sommellerie. Lorsque le premier examen a été proposé en 2012, seul un petit nombre d’associations membres de l’ASI y participait. Aujourd’hui, un peu plus d’une décennie plus tard, des sommeliers du monde entier y participent chaque année. L’objectif ultime, selon Michèle Chantôme, coordinatrice de la Commission Examens de l’ASI et ambassadrice de l’ASI, “était et est toujours d’harmoniser le niveau de sommellerie dans le plus grand nombre de pays possible”.
Devenir sommelier ASI, en ayant réussi le très exigeant examen du diplôme, c’est faire partie de l’élite mondiale et pouvoir prouver ses capacités et son talent partout dans le monde. C’est une référence de haut niveau sur le plan personnel. Et pour les associations, c’est un plus indéniable de pouvoir offrir cette opportunité à leurs membres.
Selon Michèle Chantôme, “le fait que de plus en plus d’associations nationales organisent cet examen,
y compris les membres observateurs, montre qu’il y a un réel besoin de reconnaissance de la part des sommeliers. De plus, de nombreuses nationalités sont représentées, et donc différentes cultures, ce qui donne au diplôme un caractère diversifié et inclusif”.
La Commission Examens de Certification de l’ASI prépare également un protocole pour les personnes handicapées. Cette année, un candidat malentendant a passé l’examen. Pour cela, la commission a adapté le temps alloué à certaines épreuves, tout en maintenant un haut niveau d’exigence dans les épreuves écrites et les autres tâches pratiques.
“Je pense que les présidents des associations nationales sont heureux de profiter de notre offre car, en plus de leur donner un examen “clé en main”, nous les guidons par le biais d’une hotline sur WhatsApp au moment de l’examen et des instructions et conseils très précis leur sont également fournis avant le jour de l’examen”, précise Michèle Chantôme.
Les membres de la Commission elle-même, dirigée par un Meilleur Sommelier du Monde, Giuseppe Vaccarini, représentent différents pays dont l’Afrique du Sud, l’Estonie, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, le Japon, le Maroc, les Pays-Bas, le RoyaumeUni et le Venezuela, ce qui assure diversité et neutralité tant dans la préparation des épreuves que dans leur évaluation.
Grâce au Diplôme et aux examens de Certification 1 et 2, l’ASI encourage les sommeliers du monde entier à améliorer leurs compétences et les associations à les former. Il existe une forte demande de cours, en particulier de la part des associations qui ne sont pas équipées pour les dispenser. Les Bootcamps répondent en partie à cette attente en proposant des cours de maître, chaque année sur un continent différent. Bien que la portée globale soit limitée, il s’agit déjà d’un énorme pas en avant.
De nombreux sommeliers se réfèrent à la notion française de terroir et au lien entre le sol, les vignes et, en fin de compte, le verre. ASI a demandé à des sommeliers quelle était leur combinaison de terre et de vin préférée.
Jo WesselsL’une des formations du sol en viticulture qui me fascine souvent est le granit. Non seulement il me rappelle mon pays d’origine, l’Afrique du Sud, avec les spectaculaires affleurements granitiques de Paarl et de Stellenbosch, mais il représente aussi le terroir de nombreux vins que j’apprécie profondément à titre personnel. Je pense à des régions comme le Beaujolais, le Portugal (Dão et certaines parties du Douro), la Galice (où même les piquets des vignes sont en granit) et les crus du Rhône septentrional - en particulier la célèbre colline de l’Hermitage.
Le granit est une formation rocheuse ignée qui présente une certaine juxtaposition. D’une part, il est très riche en minéraux, notamment en potassium, même s’il n’est pas toujours disponible pour les vignes. D’autre part, elle n’offre pas beaucoup de rétention d’eau sous sa forme brute. Je suis sûr que tous ceux qui ont un comptoir en granit dans leur cuisine se demandent comment les vignes peuvent pousser sur un matériau aussi robuste. En effet, cela peut s’avérer
difficile. À moins d’une décomposition complète et d’une présence suffisante de matière organique, ce n’est pas un sol particulièrement luxuriant. Sur les sols granitiques, les vignes doivent souvent faire preuve de combativité et plonger leurs racines en profondeur. Et cela s’avère souvent payant, avec une qualité de fruit qui mérite l’admiration.
Je trouve généralement que les vins issus de sols granitiques présentent une précision, une fraîcheur et un caractère floral particuliers. Les cépages noirs tels que le gamay noir, le shiraz et le cinsaut ont tendance à mieux exprimer ces nuances. Je suis également convaincu que le Chenin Blanc issu de vieilles vignes sur des sols granitiques en Afrique du Sud est très prometteur. Ils valent vraiment la peine d’être recherchés ! Ce sont souvent mes vins de prédilection, ceux qui me font du bien lorsque je suis coincé entre le marteau et l’enclume (mauvais jeu de mots) et que j’ai besoin de me rappeler la valeur de la combativité dans les situations difficiles !
Le sommelier : Jo Wessels, Afrique du Sud
Le sol : le granit
“Je trouve généralement que les vins issus de sols granitiques présentent une précision, une fraîcheur et un caractère floral particuliers.”
Le Banyuls est l’un de mes terroirs préférés. L’AOP Banyuls, qui comprend les communes de Collioure, Port-Vendres, Banyuls-SurMer et Cerbère Banyuls, est nichée entre la Méditerranée d’un côté et les Pyrénées de l’autre, l’Espagne n’étant qu’à une courte distance en voiture. Ici, les vignes sont plantées sur des pentes abruptes (souvent jusqu’à 45 degrés) dans les sols d’ardoise noire uniques de la région. Ces pentes traîtresses, qui semblent plonger directement dans la mer, ainsi que le sol, rendent la culture de la vigne difficile et amènent la flore locale à creuser profondément, parfois jusqu’à 15 mètres, à la recherche d’eau et de nutriments.
Les sols d’ardoise noire sont euxmêmes d’origine marine, datant de 300 millions d’années. Ils sont riches en matière organique et en hydrocarbures, ce qui explique leur couleur foncée. Les vignes qui poussent sur ces sols doivent en outre faire face à de fortes pluies au
printemps et à l’automne, ainsi qu’à des températures caniculaires et à la sécheresse en été. Ces sols et ce climat feraient fuir bien des cépages, mais pas le Grenache, le monarque de Banyuls. Le Grenache s’est habitué à l’environnement inhospitalier de Banyuls, n’obtenant un peu de répit de la chaleur torride que grâce à la Tramontane, le fameux vent méditerranéen qui rafraîchit et aide à maintenir les vignes en bonne santé.
Tous ces éléments font de Banyuls un terroir très particulier, où l’effort annuel des vignerons, qui comprend la taille, la gestion du couvert végétal et les vendanges, toutes effectuées à la main, est récompensé par des vins doux naturels d’une qualité indéniable. Les très faibles rendements, dus à la richesse des vieilles vignes combinée à la pauvreté du sol en ardoises noires, confèrent à ces vins une étonnante concentration aromatique. Les vins doux ne sont pas les seuls à en bénéficier. Les vins secs produits sous l’AOP Collioure
sont également fabuleux. Ces vins issus de vignes cultivées sur les sols locaux d’ardoises noires révèlent toujours un bel équilibre en bouche, alliant une superbe fraîcheur à des tanins souples et soyeux. Le nez des vins peut être varié, jonglant entre les fruits noirs mûrs et confiturés, la réglisse et les épices douces.
Bref, le terroir de Banyuls vous séduira par ses paysages, son sol et le goût de ses vins !
Marylou Javault La sommelière : Marylou Javault, France Le terroir : Black Slate, Banyuls“L’effort annuel des vignerons, qui comprend la taille, la gestion du couvert végétal et les vendanges, toutes effectuées à la main, est récompensé par des vins doux naturels d’une qualité indéniable.”
Le sol graveleux du Médoc a quelque chose de particulier. Il offre au cabernet sauvignon de la rive gauche de Bordeaux une immense quantité d’énergie dans le vin, en particulier à Pauillac qui est l’un des meilleurs endroits pour cultiver ce cépage. Lorsque j’ai visité le château de Pauillac, la qualité du vin était
exceptionnelle. Cependant, l’un des secrets les mieux gardés est que le cabernet sauvignon peut être l’un des vins les plus avantageux. Les vins à base de cabernet sauvignon cultivés sur des graviers présentent une très grande qualité tout au long de leur évolution, avec de belles notes de cassis, de bois de cèdre et de violette.
Kevin Lu Le sommelier : Kevin Lu, Taïwan Le sol : Graves, MédocLancée par Symington Family Estates en 2020, l’école du porto enseigne depuis aux professionnels et aux amateurs du vin ce qu’est cette catégorie, dissipe les idées fausses, séduit les papilles et rehausse le profil du porto, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’industrie.
L’année dernière, le Douro Somm Camp, un camp d’entraînement éducatif basé dans la vallée du Douro, a été inauguré pour la première fois. Il reviendra cette année entre le 3 et le 6 juillet. Outre un nouveau programme d’événements, de dégustations et d’activités, l’édition de cette année accueillera également des sommeliers américains et asiatiques, en plus de ceux venus de toute l’Europe.
Les sommeliers participants auront l’occasion de visiter plusieurs propriétés historiques du Douro, d’assister à des dégustations et à des cours de maître, de faire connaissance avec les personnes qui se cachent derrière le vin, notamment les vignerons, les viticulteurs et les vendeurs, et d’avoir accès aux coulisses du processus de vinification dans le Douro.
Bien que de nombreux détails du programme soient gardés secrets, nous avons appris que le camp d’entraînement comprendra une classe de maître sur le changement climatique dans la région, un dîner à la Factory House historique de Porto et une visite de l’emblématique Quinta do Vesúvio dans le Douro supérieur - l’un des derniers domaines de porto Vintage où l’on foule encore les raisins à pied.
“Nous sommes ravis d’accueillir à Porto et dans le Douro un autre groupe de jeunes sommeliers prometteurs venus du monde entier. En partageant notre amour pour cette région et les vins qu’elle produit, nous espérons leur offrir une riche expérience d’apprentissage qu’ils pourront ramener chez eux et partager avec d’autres.”
Clément Robert est responsable de l’achat des boissons et des vins pour les Birley Clubs, un ensemble de clubs privés situés à Londres, en Angleterre.
Ronan Sayburn est Master Sommelier, ancien lauréat du concours britannique du meilleur sommelier de l’année et a représenté à deux reprises le Royaume-Uni au concours du meilleur sommelier d’Europe de l’ASI. Il a été chef sommelier et sommelier consultant dans de nombreux restaurants prestigieux du Royaume-Uni.
Sylvain Nicolas a commencé sa carrière de sommelier en tant qu’apprenti de Philippe Faure-Brac, Meilleur Sommelier du Monde ASI 1992. Depuis 2008, Sylvain est chef sommelier du restaurant Guy Savoy à la Monnaie de Paris.
Pour de nombreux sommeliers, le passage quotidien, hebdomadaire ou mensuel au sous-sol pour compter les bouteilles est une routine redoutée. Rares sont les sommeliers qui se délectent de la tâche souvent pénible de compter les étiquettes. C’est le cas de Clément Robert, responsable de l’achat des boissons et des vins pour les Birley Clubs, un ensemble de clubs privés de Londres, en Angleterre. Malgré sa relative jeunesse, Clément Robert, 37 ans, se souvient d’une époque “pas si lointaine, où l’on faisait l’inventaire au stylo sur papier avant de transférer les informations sur une feuille de calcul Excel”. Plus récemment, ils disposaient d’un logiciel fonctionnel qui leur permettait de passer, d’envoyer et de recevoir des commandes, mais ce n’était pas tout à fait l’outil spécifique dont ils avaient besoin pour leur activité. Si de nombreux grands restaurants et groupes de restauration tels que The Birley Clubs ont opté pour des solutions technologiques, tous ne considèrent pas ces systèmes comme une solution. C’est le cas de Sylvain Nicolas, du restaurant Guy Savoy à Paris, qui préfère conserver une approche pratique, au sens littéral du terme.
Les systèmes de gestion des stocks, tels qu’Alfred Technologies, permettent aux sommeliers de numériser leurs commandes et de faciliter la validation des stocks reçus, d’enregistrer facilement les livraisons et d’ajouter automatiquement les créances à l’inventaire. Il permet également aux sommeliers d’avoir toujours une vue en temps réel des niveaux de stock. Guy Doucet, d’Alfred Technologies, explique : “notre équipe d’experts travaille sans relâche pour proposer la meilleure solution qui aide les gérants d’établissements et les sommeliers à contrôler leurs opérations et à concentrer leurs efforts sur des tâches
véritablement créatrices de valeur, en consacrant leur temps à l’aspect le plus important de leurs activités quotidiennes, leurs clients. Les sommeliers qui mettent en œuvre Alfred ont certainement un atout dans leur poche, en éliminant le processus fastidieux d’inventaire périodique, tout en augmentant les marges bénéficiaires de manière significative.” Des sentiments partagés par Rajat Parr, un défenseur du travail de Doucet, qui déclare : “Alfred change la donne au moment où la restauration en a le plus besoin. Cette application de gestion, alimentée par l’intelligence artificielle, aide votre restaurant à être plus rentable, facilite les tâches ennuyeuses et fastidieuses et vous redonne du temps pour être avec vos clients.”
Alors que beaucoup voient la valeur de la réduction des heures de travail et d’autres avantages de la technologie, Sylvain Nicolas ne veut pas risquer de perdre le lien physique avec les bouteilles. Sa carte des vins comprend environ 1 300 références, soit 24 000 bouteilles, conservées dans deux caves - une cave de travail au restaurant et une grande cave de vieillissement située à l’extérieur du restaurant - cette dernière étant gérée par une tierce partie extérieure au restaurant. Comme il le dit en tant que chef sommelier, “il est important d’être connecté à l’inventaire des vins, il est important de toucher les bouteilles, de les regarder, car on peut voir l’évolution, le changement de
volume dans la bouteille, des choses qu’un ordinateur ne peut pas faire”.
Il y a six mois, Clément Robert a franchi une étape supplémentaire en révolutionnant son système de gestion des stocks en y ajoutant la IDFR (identification par radiofréquence). Cela lui permet d’étiqueter chaque bouteille dès son arrivée avec sa propre identification. Un scanner enregistre le prix unitaire et, en quelques minutes, la bouteille est enregistrée dans le stock. L’ajout de la IDRF permet à l’entreprise de suivre en temps réel le mouvement de chaque bouteille, car les caves peuvent être situées à l’extérieur, de l’autre côté d’une rue par exemple, ou même un site individuel peut abriter plusieurs restaurants, ce qui permet de savoir où se trouve le vin dans le complexe. Le fait de savoir où le vin se déplace au sein de leur complexe s’est avéré une aubaine logistique pour leur entreprise extrêmement complexe et imbriquée.
Ronan Sayburn MS, déclare à propos de l’introduction d’un système de gestion des vins sur mesure installé au 67 Pall Mall : “La nouvelle technologie a permis d’éliminer une grande partie des erreurs humaines dues à la fatigue des sommeliers qui
“Notre équipe d’experts travaille sans relâche pour proposer la meilleure solution qui aide les gérants d’établissements et les sommeliers à contrôler leurs opérations.”
– Guy Doucet, Alfred TechnologiesClement Robert Ronan Sayburn Sylvain Nicolas
faisaient les stocks à deux heures du matin, après une garde, en reliant nos vins à un système de point de vente utilisant des puces IDRF et des codes-barres. Elle a également permis d’identifier les erreurs, par exemple si un Chassagne 1er Cru Les Caillerets a été servi à un client au lieu d’un Chenevottes 1er Cru”.
Sylvain Nicolas, quant à lui, n’est pas découragé. Bien qu’il ait envisagé d’introduire un système d’inventaire informatisé, il dit “nous n’avons pas été convaincus de changer notre système, car ce que nous faisons fonctionne bien pour nous”. Son système repose toujours sur le fait qu’il passe des commandes quotidiennes à la cave de vieillissement pour remplir la cave du restaurant, ce qui, selon lui, lui donne une compréhension de son stock que ne peut avoir un système informatisé. Quant à la question des pertes potentielles, l’ensemble du stock fait l’objet d’un inventaire trimestriel et d’un audit afin de garantir la responsabilité, la traçabilité et la rentabilité du programme vinicole.
Pour d’autres, les systèmes numériques n’apportent pas seulement la tranquillité d’esprit, mais aussi de réels avantages économiques. Clément Robert explique que le système permet d’économiser jusqu’à 20 heures de travail par site, soit 150 heures par mois pour l’ensemble des opérations, en réduisant le temps passé à compter les stocks. Ronan Sayburn partage cet avis : “Au 67 Pall Mall, nous pouvions faire l’inventaire d’une carte des vins de 5 000 références en quelques heures à l’aide de codesbarres et d’un scanner manuel, et reconfirmer les emplacements dans la cave. Cela nous a également permis de suivre les tendances des prix de vente moyens, des styles de vin, etc.
En fait, s’agit-il de choisir entre la modernité et la tradition ou la comptabilité par rapport à la connaissance intime de chacun ? La réponse aux véritables avantages d’un système de gestion des stocks peut dépendre du sommelier qui gère la carte et dans les besoins spécifiques du restaurant.
“Le fait de savoir où le vin se déplace au sein de leur complexe s’est avéré une aubaine logistique pour leur entreprise extrêmement complexe et imbriquée.”
L’Argentine est mondialement connue pour ses vignobles de haute altitude où sont produits des vins concentrés et élégants, des vins aux caractéristiques propres et aux styles variés, comparables aux meilleurs du monde.
Les vallées de Calchaquíes sont un système de vallées et de montagnes du nord-ouest du pays qui s’étend sur 270 km du nord au sud, traversant les provinces de Salta, Tucumán et Catamarca. Elle concentre certains des vignobles les plus hauts du monde, culminant entre 1 700 et 3 100 mètres audessus du niveau de la mer, ce qui représente 2 % des vignobles plantés en Argentine.
Cette région est délimitée par les sierras de Quilmes à l’ouest et d’Aconquija à l’est, ce qui conditionne le climat en empêchant les masses d’humidité de pénétrer dans la vallée, générant ainsi un climat désertique/continental. L’aridité et la rareté des précipitations (200 mm par an) rendent indispensable l’utilisation de l’irrigation avec de l’eau de fonte pure provenant de la montagne.
En altitude, la température moyenne est plus basse puisqu’elle diminue d’environ un degré tous les 100 m de dénivelé. Cela signifie que les processus de la vigne sont lents et progressifs, ce qui permet d’obtenir des raisins de grande qualité.
L’altitude favorise également l’amplitude thermique, ce qui permet aux plantes de travailler pendant la journée et de se reposer et de récupérer pendant la nuit, en particulier pendant les chaudes journées d’été qui précèdent les vendanges.
L’altitude détermine également l’intensité du rayonnement UV. Plus la couche atmosphérique que les rayons du soleil doivent traverser est mince, plus le rayonnement UV est élevé. Cela génère une réaction physiologique chez la plante, qui développe des peaux plus épaisses pour se protéger, créant ainsi une plus grande concentration de polyphénols.
Les principaux aspects du vin proviennent de la peau, notamment la couleur, les arômes et les tanins. Ceci, associé à une viticulture de précision qui recherche le point optimal de maturité pour la récolte, permet d’obtenir des vins avec de la personnalité et de l’élégance, concentrés mais subtils, des vins mémorables à boire aujourd’hui ou à conserver pendant des années.
Àl’heure où le monde du vin revient aux cépages indigènes et les recherche, il est logique que l’on assiste à un retour similaire aux accords traditionnels qui reflètent l’unisson de la vigne et de la nourriture, enracinés dans un goût authentique du lieu. Nous avons demandé à deux sommeliers de pays aux traditions viticoles ancestrales de nous faire part de leurs recommandations en matière d’accords mets et vins indigènes.
Le sommelier : Jaba Dzimistarishvili
Le cépage : Saperavi
L’accord : Porc Lagaza de Kakhétie avec une demiglace aux baies, préparée par le chef Levan Kobiashvili
À propos du cépage : La Géorgie compte quelque 525 variétés de raisins indigènes, dont 60 % sont des blancs et 40 % des rouges. Le saperavi, qui se traduit littéralement par “donner de la couleur”, se distingue parmi les cépages rouges, car c’est l’un des rares cépages dont les pigments (anthocyanes) se trouvent non seulement dans la peau, mais aussi à l’intérieur du raisin. Ce raisin est à l’origine de vins produits dans des appellations célèbres telles que Mukuzan, Kashmi Saperavi, Kvareli pour les vins secs et Akhasheni et Kindzmarauli pour les vins mi-doux.
Lorsqu’il est transformé en vin rouge sec, le Saperavi a un potentiel de vieillissement étonnant et offre des arômes et des saveurs rappelant la mûre, la prune noire, la cerise et le poivre noir. Il peut également être vieilli en fûts de chêne ou en Qvevri.
A propos de l’accord : Quel que soit le lieu de vieillissement, nous obtenons un vin merveilleusement gastronomique qui se marie parfaitement avec la cuisine géorgienne. Le Saperavi étant considéré comme un cépage kakhète, j’ai choisi d’associer les vins issus de ce cépage à la cuisine kakhète, qui offre un large choix de plats à base de viande.
Le Lagaza, une race de porc kakhète, est nourri aux glands de la forêt, ce qui confère à la viande un goût unique. Pour préparer ce plat, le chef Levan Kobiashvili fait rôtir des porcelets lagaza et assaisonne la viande, qui est tendre et moelleuse, avec une demi-glace aux baies, épicée à la cannelle et à l’anis étoilé. Le plat est accompagné d’une purée de pommes de terre agrémentée de truffes de Kakhétie et d’une adjika de Gurian (une sauce de l’ouest de la Géorgie à base de noix et de poivrons verts) qui apporte une douce chaleur.
Ce plat se marie parfaitement avec un vin issu de Saperavi élaboré selon la méthode traditionnelle, c’està-dire qu’il est fermenté sur le chacha (marc) et conservé dans le Qvevri pendant 6 mois. Les tanins du Saperavi neutraliseront parfaitement le gras du porc. Les saveurs du cépage sont également intensifiées par la sauce aux baies et la garniture à la truffe se présente délicatement. Les amateurs de plats épicés apprécieront l’adjika de Gurian, car l’arôme de poivre noir, caractéristique du Saperavi, associé à l’adjika, crée un feu d’artifice culinaire en bouche.
Le sommelier :
Sotiris Neophytidis
Le cépage : Promara
L’accord : Asperges sautées à l’œuf et à la tomate
À propos du cépage :
Soyons honnêtes : lorsque quelqu’un entend parler de Chypre en termes de vin, la première chose qui lui vient à l’esprit est le Commandaria, élaboré à partir de Xynisteri et de Mavro. Ces deux cépages sont les plus plantés sur l’île.
Cependant, l’un des nouveaux cépages blancs qui mérite d’être mentionné est le Promara. Le Promara est un cépage blanc à peau épaisse et, comme son nom l’indique, c’est le raisin qui mûrit le plus tôt à Chypre. En tant que tel, il nécessite beaucoup de soins pour maintenir sa structure acide. Il n’occupe actuellement qu’environ un pour cent de l’ensemble du vignoble chypriote. Réfléchissez donc à la faiblesse de sa production dans le contexte mondial et à la raison pour laquelle il est si rare et si spécial.
A propos de l’accord :
L’un des plats les plus célèbres et les plus traditionnels de Chypre est l’asperge sautée avec un œuf et une tomate. L’amertume des asperges sera combinée aux composés phénoliques du Promara, l’œuf apportera le corps nécessaire et la tomate soulignera l’acidité vive de ce raisin.
Le parcours pour être reconnu comme un sommelier d’élite et un expert en vin peut emprunter de nombreuses voies. Au sommet, il y a le diplôme ASI Gold, le Master of Wine et la distinction de Master Sommelier. Chacune de ces distinctions comporte ses propres défis et récompenses. Nous avons demandé à Monica Neral, ASI Diploma Gold, Doug Frost, Master of Wine (et Master Sommelier), et Eric Zwiebel Gold ASI Sommelier et Master Sommelier de nous éclairer sur leur chemin vers l’excellence en matière de sommellerie.
Monica Neral est originaire de Rijeka, en Croatie, mais elle a passé 17 ans en Italie. Elle y a obtenu des diplômes en langues et littératures étrangères et est tombée amoureuse du monde du vin. Elle est sommelière, titulaire du WSET Level 3 award in wines, et la seule femme en Croatie à avoir obtenu le Gold Diploma de l’ASI. Elle a également terminé troisième des championnats nationaux de sommellerie croate de 2021 et 2022.
Après avoir travaillé dans plusieurs hôtels de luxe au fil des ans, elle s’est récemment lancée dans l’entrepreneuriat avec l’ouverture de VINNER. Grâce à VINNER, Monika organise des ateliers sur le vin, des cours éducatifs et des visites guidées dans le but de partager ses connaissances, en fusionnant de manière unique et professionnelle les deux plus grandes passions de sa vie : les langues et le vin. L’ASI a interrogé Monica sur le chemin qu’elle a parcouru pour devenir lauréate du Diplôme Or de l’ASI.
ASI : Avez-vous toujours aspiré à faire carrière dans le vin et l’hôtellerie ?
Monika Neral (MN) : Une carrière dans le vin et l’hôtellerie est arrivée par hasard, au bon moment, alors que je faisais une pause entre mes études en 2017. Cela n’a jamais fait partie de mes plans, mais les meilleures choses arrivent spontanément. C’est ce que la vie m’a appris. Cela m’a prise par surprise, et c’est rapidement devenu un amour, puis un travail.
ASI : Le fait d’avoir étudié pour obtenir d’autres certifications vous a-t-il aidée à vous préparer à l’examen du diplôme ASI ?
MN : Oui, j’ai obtenu le niveau 3 du WSET dans le domaine des vins, ce qui a constitué une étape importante dans ma formation, car cela m’a ouvert un monde complètement nouveau. Avant cela, j’analysais le vin uniquement en tant que produit final. Ensuite, j’ai commencé à comprendre le processus qui mène au
“En ce sens, je peux dire que le diplôme de l’ASI est beaucoup plus inclusif et complet parce qu’il prend en considération plus de compétences qu’un sommelier devrait avoir.”Monika Neal
produit final : ce qui se passe dans le vignoble, sur la vigne, l’importance du terroir, l’intervention humaine dans les chais et de nombreux aspects que j’ignorais auparavant. Par conséquent, la formation WSET a élargi mes connaissances à bien des égards et m’a définitivement aidée à préparer le diplôme de l’ASI.
ASI : Les études pour le Diplôme ASI vous ont-elles aidée à vous préparer à la compétition, et vice-versa ?
MN : J’ai participé deux fois au championnat national de sommellerie croate et j’ai terminé à chaque fois à la troisième place. J’ai passé l’examen du diplôme de l’ASI après le premier concours. Cela m’a beaucoup aidée car j’ai acquis une conscience de moi-même qui m’a permis de gérer le stress du diplôme. Et aussi la préparation à l’examen du diplôme a été si intense qu’en 2022, je me suis sentie motivée pour participer à nouveau au championnat et j’ai une fois de plus obtenu un très bon résultat.
ASI : Quelle a été la partie la plus difficile de l’examen du diplôme ?
MN : La partie la plus difficile de l’examen du diplôme a été la gestion du stress devant le comité pendant les tâches pratiques telles que l’accord mets et vins, la vente d’une bouteille de vin et la décantation. Je pense que l’on peut apprendre à gérer le stress en acquérant de l’expérience sur scène mais, avant cela, il faut travailler sur son contrôle interne avec des exercices de respiration, de méditation ou en faisant des choses qui nous calment et nous permettent de mieux nous comprendre.
ASI : L’ASI est une association mondiale représentant des pays qui produisent un large éventail de boissons. Cela se reflète-t-il davantage dans l’examen du diplôme ASI que dans d’autres certifications ?
MN : Comme je n’ai pas tenté l’examen du Master Sommelier, je ne peux que comparer le diplôme ASI avec la certification WSET qui comprend une partie théorique et la description de la dégustation de vin, mais pas d’examen pratique. En
ce sens, je peux dire que le diplôme de l’ASI est beaucoup plus inclusif et complet parce qu’il prend en considération plus de compétences qu’un sommelier devrait avoir : théorie, dégustation et pratique. En outre, il implique la connaissance non seulement du vin, mais aussi des spiritueux, des bières, du café, du thé, des cigares, etc. alors que le WSET est principalement axé sur le vin. Je peux également dire que c’était incroyablement stimulant et complexe, car les questions exigeaient non seulement une connaissance plus approfondie d’un éventail plus large et plus diversifié de boissons, mais aussi des réponses extrêmement précises. Le fait d’avoir obtenu la mention Gold me donne la confiance nécessaire pour continuer à obtenir les certifications WSET Diploma et MS.
ASI : Comment envisagez-vous l’aide que le diplôme ASI apportera à votre carrière ?
MN : Le diplôme de l’ASI a été une grande réussite pour moi et une énorme satisfaction. J’étais définitivement plus consciente de mes connaissances lorsque j’ai reçu les résultats et je peux dire que j’étais fière de moi. Il s’agit d’une certification
très importante qui m’ouvrira de nombreuses “portes” au cours de ma carrière, mais cela ne signifie pas que le processus d’apprentissage est terminé, ce n’est qu’un point de départ dans mon parcours. J’espère également que cette réussite sera un exemple et une source d’inspiration pour d’autres femmes qui souhaitent s’impliquer davantage dans l’industrie du vin et concourir au plus haut niveau de la profession de sommelier.
Doug Frost est président de la BUSA (Best USA Sommelier Association), PDG de Echolands Winery, Master of Wine et Master Sommelier, ainsi qu’auteur et consultant en vin basé à Kansas City, dans le Missouri. Doug Frost est l’une des trois personnes au monde à détenir simultanément les titres de Master of Wine et de Master Sommelier, ayant obtenu son MS en 1991 et son MW en 1993. Nous avons interrogé Doug sur son expérience du programme Master of Wine.
Doug FrostASI : Vous avez grandi à une époque et dans un endroit, Kansas City, que l’on n’associe pas instinctivement à la culture du vin. Comment quelqu’un se découvre-t-il une passion pour le vin à une époque où la consommation de vins fins n’en était qu’à ses débuts aux États-Unis, et dans le Midwest plus encore qu’en Californie ?
Doug Frost (DF) : J’ai commencé par faire la plonge dans l’arrière-boutique d’un steakhouse d’une petite ville du Kansas, à l’âge de 14 ans. C’était un endroit vraiment bizarre, mais j’aimais bien la folie qui régnait dans l’arrièreboutique en plein samedi soir. Après l’université, j’ai commencé à travailler dans un restaurant “chic” pour payer quelques factures et, dès le premier week-end, j’ai gagné un concours de vente de vin. Le sommelier s’est dit que je devais m’y connaître en vin (je l’avais clairement trompé, lui et les clients) et m’a invité à une dégustation. C’était dans les années 1970 et tout le monde jetait un billet de vingt dollars sur la table, puis nous buvions un premier cru de Bordeaux. J’ai été séduit. Kansas City était alors une ville d’environ un million d’habitants et il y avait beaucoup de vins sérieux à trouver, mais pas beaucoup de gens qui essayaient de les acheter.
ASI : Vous avez obtenu votre MS en 1991, qu’est-ce qui vous a poussé par la suite à vouloir également obtenir le titre de MW ?
DF : À vrai dire, j’ai essayé d’entrer dans le programme MW au milieu des années 80, mais je suis devenu directeur des ventes au niveau national pour une société de vente en gros et je n’avais plus le temps de m’occuper de mes affaires. En 1989, j’ai pu m’y remettre et, alors que je m’apprêtais à passer mon premier examen de MW, un ami m’a parlé du programme de MS. Je n’avais aucune idée de ce que c’était, mais les restaurants coulent dans mes veines et, quinze jours après, je suis allé passer l’examen avancé (on pouvait s’en tirer à bon compte à l’époque).
À ma grande surprise, je l’ai réussi et j’ai donc fini par faire en même temps Master of Wine et Master Sommelier, de 1989 à 1993.
ASI : Lorsque les gens vous demandent quelle est la différence entre Master Sommelier et Master of Wine, que leur répondez-vous ?
DF : Le MS est un examen de service. Le MW est un examen de rédaction. En plaisantant à moitié, je pourrais dire que le MS est large d’un kilomètre et profond de quelques centimètres et que le MW est large de quelques mètres et profond d’un kilomètre. Il y a un diagramme de Venn à tout cela, bien sûr, mais c’est vraiment la façon dont vous présentez les informations à l’examinateur qui fait la différence.
ASI : Pensez-vous que le fait d’avoir le titre de Master Sommelier et d’avoir vécu l’expérience de passer ces examens vous a aidé pour les examens de Master of Wine ?
DF : Comme je l’ai dit, ça s’est fait plus ou moins simultanément, mais chaque examen a été, d’une certaine manière, utile à l’autre. L’étendue de l’examen de la CMS m’a donné plus d’idées et d’exemples pour l’examen de MW, et la profondeur de l’examen de MW m’a aidé à étayer mes idées et mes réponses pour la CMS. Et une dégustation à l’aveugle reste une dégustation à l’aveugle, quelle que soit la manière dont on vous demande de formuler vos réponses et vos preuves.
ASI : Quelle a été la partie la plus difficile du programme de Master of Wine ?
DF : La partie dégustation est certainement plus difficile pour beaucoup que la théorie. J’ai réussi la théorie la première fois, mais il m’a fallu deux tentatives pour réussir la dégustation. Je crois fermement que le travail de dégustation à l’aveugle que j’ai fait dans le cadre du MS a alimenté et renforcé ma dégustation à l’aveugle dans le cadre du MW. Je conseille aux candidats au MW d’étudier le format de la CMS pour se préparer.
ASI : Quels mots d’inspiration donneriez-vous à quelqu’un qui essaie actuellement de devenir
Master of Wine ?
DF : Vous devez écrire selon une norme qui est britannique par nature. Étudier la rédaction d’essais courts et supprimer tous les mots superflus. Rédiger comme si vous écriviez un mémoire juridique ou un document de recherche médicale. Pour ce qui est de la dégustation, il faut procéder de la même manière à chaque fois. Les dégustateurs qui réussiront sont ceux qui font preuve d’une précision quasi militaire dans leur forme et leur processus.
“À ma grande surprise, je l’ai réussi et j’ai donc fini par faire en même temps Master of Wine et Master Sommelier, de 1989 à 1993.”
ASI : Ayant grandi en Alsace, entouré de vignobles et de grands restaurants, n’avez-vous jamais envisagé de ne pas faire carrière dans le vin ou l’hôtellerie ?
Eric Zwiebel (EZ) : J’ai cela dans le sang. Mes parents tenaient un restaurant. Mon père était le chef cuisinier et ma mère travaillait en salle. Le jour où j’ai annoncé à mon père que je souhaitais travailler dans un restaurant, il a été très contrarié car il pensait qu’ils (mes parents) avaient travaillé très dur pour nous offrir, à ma sœur et à moi, un meilleur avenir. Il n’en revenait pas. Il m’a dit : “Nous avons travaillé si dur toute notre vie et maintenant tu as décidé de faire les mêmes erreurs que moi”. Mais en grandissant à Ribeauvillé, en Alsace, le vin faisait partie de mon ADN, alors j’ai décidé de travailler dans ce domaine.
ASI : Décrivez comment votre carrière dans le vin a commencé ?
EZ : J’ai commencé à travailler dans les cuisines, mais je détestais cela, alors je suis passé à l’accueil. J’ai commencé dans un restaurant local avec une forte tradition gastronomique, mais qui n’avait pas d’étoile Michelin. Le chef sommelier, le directeur du
Eric Zwiebel est titulaire du Diplôme Or de l’ASI et du titre de Master Sommelier. Il a représenté l’Angleterre et la France à de nombreuses reprises lors de concours de sommellerie. Il travaille actuellement comme directeur des vins au Samling, à Windermere, en Angleterre. Nous avons interrogé Eric sur son parcours dans l’enseignement du vin, et plus particulièrement sur son titre de maître-sommelier.
restaurant et le propriétaire étaient très impliqués dans le vin. Le premier jour, mon père m’a accompagné et m’a dit qu’il serait bon d’apprendre le vin ici, car cela pourrait me donner l’occasion de faire quelque chose d’un peu spécial et différent à l’avenir. J’y ai fait un apprentissage de deux ans.
Ensuite, mon père m’a amené à l’Auberge de l’ll, où officiait Serge Dubs. J’y ai travaillé comme commis sommelier. Pour être honnête, je n’ai pas eu beaucoup d’occasions d’entrer en contact avec Serge. Même s’il ne m’a pas formé, il a été la première grande influence sur ma carrière dans le vin. Un jour, Serge servait un groupe de 16 personnes et je l’écoutais décrire le vin aux clients. Tout d’un coup, j’ai compris et je me suis dit que c’était quelque chose que je pouvais faire. En même temps, j’ai été séduit par le fait qu’en tant que sommelier se promenant dans le restaurant, les clients vous considèrent comme quelqu’un qui a des connaissances. Ils vous regardent comme quelqu’un qu’ils veulent rencontrer, car ils veulent que vous leur transmettiez votre savoir. J’avais désormais le “virus” de la sommellerie. Après une année
passée à L’Auberge de L’Ill, j’ai su que je voulais absolument devenir sommelier.
À ce stade, j’avais tout appris sans avoir suivi d’études formelles. Pour acquérir plus d’expérience, j’ai déménagé à Paris où j’ai travaillé avec Olivier Poussier pendant environ six mois avant d’aller travailler dans divers restaurants étoilés de la ville. Ces différentes expériences m’ont permis d’apprendre de plus en plus. À cette époque, je ne faisais pas de concours, car je ne voulais pas être considéré comme une simple encyclopédie du vin.
À 24 ans, j’ai décidé d’aller en Angleterre, où j’ai rencontré Gérard Basset, et les choses ont changé. À cette époque (1997), Gérard était célèbre, ayant déjà remporté le titre de Meilleur Sommelier d’Europe. J’ai commencé à travailler pour lui. L’expérience en Angleterre a tout changé pour moi. Je pense qu’en France, des sommeliers comme Gérard et moi n’avaient pas toujours l’impression d’être assez bons. Soudain, en Angleterre, j’ai appris que les gens vous appréciaient. C’était très gratifiant.
Eric Zwiebel“Le MS n’est qu’une étape dans un long voyage. C’est un peu comme la cerise sur le gâteau, car vous vous rendez compte que ce pour quoi vous avez travaillé a été reconnu.”
Gérard et moi parlions beaucoup. J’adore parler et Gérard aussi. Nous échangions des idées. J’aimais son approche de la sommellerie. Il parlait aussi de ses expériences, notamment des concours de sommellerie. Il a décrit la manière dont il s’est formé. N’oubliez pas qu’à cette époque, il n’était pas facile de trouver des connaissances. Gérard m’a incité à participer à des concours et à me lancer des défis.
Avec le recul, je peux dire que Serge m’a aidé à découvrir ce que je voulais faire. Grâce à Gérard, j’ai découvert ce que je voulais devenir”.
ASI : Comment a commencé votre parcours pour devenir Master Sommelier ?
EZ : Cela a commencé en Angleterre. En sortant de France, en tant que sommelier travaillant avec des chefs célèbres, ma connaissance du vin était bonne mais pas spéciale. C’est Gérard qui m’a encouragé à passer les examens du WSET, à participer à des concours et à étudier à la “Court”, pour finalement obtenir le titre de MS. Je peux dire que tout ce que j’ai fait pour améliorer ma carrière, c’est grâce à Gérard. J’ai travaillé cinq ans avec lui. C’était une période merveilleuse. Bien sûr, il ne m’a pas seulement inspiré, il a inspiré et aidé beaucoup de sommeliers. Gérard, avec son groupe d’hôtels Hôtel du Vin, a vraiment changé la culture de la sommellerie en Angleterre.
ASI : Comment appliquez-vous votre titre de MS dans votre vie quotidienne ?
EZ : La façon dont j’utilise mon titre de Master Sommelier est également un peu inspirée par Gérard. Je suis l’un des rares MS à travailler encore sur le terrain, même si mon nouveau travail va m’amener à acheter des vins pour des clients privés. Il m’a également incité à comprendre que le titre de MS n’est pas une question de personne. En bref, ce titre a été un plus, mais la philosophie que j’ai maintenant est que mon travail consiste à aider les autres dans leur cheminement. Comme un Sensei dans les arts martiaux, il est de mon devoir de transmettre mes connaissances.
ASI : Quels mots d’inspiration donneriez-vous à quelqu’un qui essaie de devenir MS ?
EZ : Pour être franc, mon voyage ne s’arrête jamais. Le MS n’est qu’une étape dans un long voyage. C’est un peu comme la cerise sur le gâteau, car vous vous rendez compte que ce pour quoi vous avez travaillé a été reconnu. Depuis, j’ai participé à de nombreux concours de sommellerie : j’ai remporté le titre de Meilleur Sommelier d’Angleterre en 2004, j’ai participé deux fois à la finale du concours du Meilleur Sommelier d’Europe, j’ai terminé à la quatrième place du concours du Meilleur Sommelier du Monde de l’ASI en 2013 et j’ai terminé deuxième en 2007 en affrontant Gérard Basset, Paolo Basso et le vainqueur Andreas Larsson en
finale. Malgré tout, je vous conseille de continuer. Même si j’arrête la compétition, je suis aujourd’hui viceprésident de l’UK Sommelier Academy et membre de son comité technique, et je continue à former d’autres personnes.
Lorsque j’ai passé mon diplôme ASI, j’ai reçu l’Or. J’ai utilisé cette expérience pour me préparer à concourir pour le titre de Meilleur Sommelier du Monde à Anvers. Je dirais qu’aujourd’hui, le diplôme de l’ASI est un très bon examen. Il devrait être davantage reconnu, car je pense que la certification ASI est très stimulante et très complète, puisqu’elle implique également d’autres compétences telles que l’accord mets et vins. Elle est très réaliste par rapport à ce que nous faisons, et elle est également très internationale. Il ne faut pas oublier que le “MS” est très axé sur le vin, alors que le diplôme de l’ASI est plus large et plus inclusif. Je trouve qu’il prépare mieux à la compétition. Le diplôme de l’ASI a été, en fin de compte, un nouveau pas en avant dans mon parcours, un pas que je suis très fier d’avoir accompli. Je suis impatient de voir ses progrès, car je pense que le diplôme de l’ASI apporte une nouvelle énergie et qu’il est très positif pour notre industrie.
Vinexposium, l’organisateur de Vinexpo America, a une fois de plus réuni le monde des boissons alcooliques pendant deux jours le mois dernier à New York. Organisés en tandem avec Drinks America, ces événements combinés mettent en avant le vin, les spiritueux, la bière, le saké, les boissons prêtes à boire, ainsi que d’autres produits et services connexes. Gabriela Pozo, présidente de l’Association équatorienne des sommeliers et PDG de MUZE Ecuadorian Chocolate, ainsi que l’association Best USA Sommelier, ont été invitées à présenter un séminaire sur l’association du chocolat et des vins effervescents à Vinexpo America à New York. Au cours de ce séminaire, certains des chocolats les plus délicieux du monde ont été servis et associés à des vins représentant les styles de vins effervescents les plus célèbres du monde afin de déterminer les meilleurs accords.
L’Association canadienne des sommeliers professionnels (CAPS) a entamé sa route vers Halifax, où se déroulera le concours du Meilleur Sommelier du Canada 2023. Justin Madol, sommelier au Don Alfonso 1890 à Toronto, a remporté le concours du Meilleur Sommelier d’Ontario à la fin de l’année 2022, tandis que Kelcie Jones, directrice des vins de l’établissement étoilé Burdock & Co. a récemment remporté le titre de Meilleur Sommelier de Colombie-Britannique. Le duo sera rejoint par des représentants des associations de l’Alberta, du Manitoba, du Québec et de l’Atlantique, ainsi que par d’autres anciens champions régionaux, lors du concours du Meilleur Sommelier du Canada qui se déroulera du 12 au 15 novembre à Halifax, sous la direction de Mark DeWolf, rédacteur en chef du magazine ASI et ancien président de la CAPS.
Le mois dernier, Emma Ziemann a remporté pour la troisième fois le championnat suédois de sommellerie. La finale opposait quatre candidats, contre trois habituellement, à la suite d’une demi-finale très serrée. C’est Emma Ziemann qui est arrivée en tête, Albert Wendensten terminant deuxième et Elliot Björkman troisième.
La victoire d’Emma Ziemann suit de près celle de Nikolai Haram Svorte, qui a remporté, lui, le titre de Meilleur Sommelier de Norvège lors d’un concours organisé à l’hôtel Bristol d’Oslo en janvier. Haram Svorte a battu Kristoffer Aga et Sander Johnsson en finale. Filmon Fitsum, de l’hôtel Britannia à Trondheim, a remporté le prix du vin junior lors d’un événement organisé au même moment.
Kelcie JonesAssemblée Générale de l’ASI à Helsinki, Finlande