Ecran total Special Annecy 2021

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Annecy 2021

Un 60e anniversaire et de beaux souvenirs !

H

CrĂ©Ă© en 1960, le Festival international du film d’animation d’Annecy aurait dĂ» fĂȘter ses 60 ans en 2020. Mais la pandĂ©mie l’en a empĂȘchĂ©. Qu’à cela ne tienne, mĂȘme s’il y a un an de dĂ©calage et que la crise sanitaire bouleverse encore nos vies, c’est pour cette annĂ©e ! A l’occasion de cette cĂ©lĂ©bration, Ecran total a demandĂ© Ă  plusieurs professionnels et artistes de raconter un souvenir qui les lie Ă  la manifestation. PlongĂ©e au cƓur de quelques-uns des moments forts que le Festival a permis de faire vivre.

H Cela fait plus de vingt ans que je me rends rĂ©guliĂšrement au Festival d’Annecy avec mes compagnons de TAT. Au dĂ©part, nous venions avant tout pour dĂ©couvrir le panorama de l’animation mondiale du moment et rencontrer les professionnels du secteur, une opportunitĂ© rare Ă  l’époque, surtout pour des Toulousains. Mes souvenirs y sont donc trĂšs nombreux : les traditionnels jingles entonnĂ©s par le public Ă  chaque projection, les petits restos du centre-ville, les avions en papier, les sĂ©ances du soir aussi trash que tordantes, les claques face Ă  la crĂ©ativitĂ© visuelle de certains films, les files d’attente devant les stands du Mifa pour proposer nos projets aux chaĂźnes
 Mais la projection en 2017 en avantpremiĂšre des As de la Jungle, notre premier long mĂ©trage, reste de loin le moment Ă  la fois le plus Ă©prouvant et le plus rĂ©confortant de ma carriĂšre. L’excitation “d’ĂȘtre dans le festival”, d’en faire partie intĂ©grante – voir son film “au programme” ! – mĂȘlĂ©e au stress du jugement d’un public pointu et exigeant m’ont littĂ©ralement minĂ© et Ă©puisĂ© les jours prĂ©cĂ©dant la projection. L’angoisse de la salle vide, puis ce moment oĂč l’on voit la queue se former Ă  l’entrĂ©e de la salle qui se remplit, se remplit, se remplit
 Les applaudissements bienveillants avant le dĂ©but de la projection, l’angoisse encore de la rĂ©action du public
 Va-t-il rire ? Va-t-il rester jusqu’au bout ? La libĂ©ration enfin avec les premiĂšres rĂ©actions et l’accueil chaleureux en fin de projection


ImmĂ©diatement suivi d’un Ă©trange et agrĂ©able effondrement nerveux, quand toute la pression s’évapore d’un coup et que la conviction d’avoir enfin atteint un objectif fixĂ© plus de vingt ans auparavant apaise profondĂ©ment. C’est fort ce genre de moment, et seul un Ă©vĂ©nement comme le Festival d’Annecy peut nous l’offrir. Alors, de tout mon cƓur, bon anniversaire ! David Alaux, rĂ©alisateur et cofondateur de la sociĂ©tĂ© TAT Productions

H Parmi les centaines de bons souvenirs que nous avons de l’incontournable Festival d’Annecy, il en est un qui se singularise : celui d’un “non-Annecy”. Nous sommes en juin 2020, nous sortons Ă  peine de l’anxiĂ©tĂ© du confinement et, parmi tant d’autres mauvaises nouvelles de l’état du monde, le Festival d’Annecy n’aura pas lieu “en vrai”. Heureusement, son Ă©dition numĂ©rique inĂ©dite nous redonne un peu de couleurs, et mĂȘme si nous n’avons pas autorisĂ© la diffusion en ligne de notre nouveau long mĂ©trage, Calamity, le film trouve sa place dans la sĂ©lection officielle avec un bonus autour de sa fabrication. Ce samedi-lĂ , entre nous les souvenirs divergent. Moi, Claire, j’écris un SMS commun Ă  Marc Bonny (notre distributeur chez GĂ©bĂ©ka) et Henri : “Vous avez lu vos mails ?” Marc me rĂ©pond dans la foulĂ©e : “Ah oui quand mĂȘme.” Je rĂ©ponds : “Tu penses que c’est une blague ?” Marc : “ Je reconnais lĂ  l’humour de Marcel Jean, mais c’est sĂ©rieux.” Et notre conversation continue, nous nous moquons gentiment d’Henri qui n’a pas encore dĂ©couvert nos Ă©changes
 
car moi, Henri, je suis Ă  Lille, en famille. Il est 20 h ce samedi quand je rallume mon portable pour m’apercevoir que 42 SMS m’attendent depuis plus d’une heure : “Vous avez lu vos mails ?” Sans mĂȘme lire la suite, je me prĂ©cipite sur ma messagerie et je trouve un mail de Marcel Jean, le sĂ©lectionneur du Festival, qui commence par rĂ©pondre Ă  nos derniĂšres questions d’organisation online, pour ajouter avec son humour lĂ©gendaire : “Par ailleurs, j’ai une chouette nouvelle Ă  vous annoncer, Ă  titre confidentiel : Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary est le rĂ©cipiendaire du Cristal du long mĂ©trage d’Annecy 2020.” Quelle bizarrerie de vivre cela Ă  distance
 AprĂšs avoir appelĂ© ensemble RĂ©mi ChayĂ© [le rĂ©alisateur du film, Ndlr], et digĂ©rĂ© la grande nouvelle, nous dĂ©cidons de rĂ©pondre Ă  l’invitation du Festival : et si nous vivions ce moment physiquement tous ensemble ? Le mercredi suivant, nous passons huit heures de train aller-retour, masquĂ©.e.s, et c’est un immense bonheur. Toute l’équipe du Festival est lĂ  pour nous accueillir avec la chaleur

qu’on lui connaĂźt. Elle est belle, et bien lĂ , en chair et en os, Ă©reintĂ©e d’avoir relevĂ© magistralement le dĂ©fi d’un formidable festival 100 % en ligne, mais avec ses sourires qui transpercent les masques. Nous aurions voulu nous jeter dans leurs bras
 A charge de revanche pour les annĂ©es Ă  venir. Merci Annecy pour tous ces moments magiques et indispensables ! And by the way, Annecy
 Happy birthday! Claire La Combe et Henri Magalon, producteurs (Maybe Movies)

H Juin 2009. Terrasse de l’ImpĂ©rial. J’ai dans la main un projet que je porte depuis un an. Il y a quelques mois, j’en ai parlĂ© directement Ă  Pierre Siracusa de France TĂ©lĂ©. Le sujet l’a passionnĂ©. Ça s’appelle Les Grandes Grandes Vacances : deux petits Parigots envoyĂ©s en Normandie pendant la DeuxiĂšme Guerre mondiale. Le fonds d’aide Ă  l’innovation du CNC m’a bien aidĂ©e pour le penser et l’écrire. Maintenant, il lui faut un producteur. Je ne connais pas grand-chose au monde de l’animation. Je viens Ă  Annecy depuis quelques annĂ©es en tant que journaliste de la presse jeunesse. Je suis devenue directrice d’écriture il y a tout juste un an.

Une amie qui s’est attachĂ©e au projet me propose de me faire rencontrer Didier Brunner. J’ignore qu’il est ce producteur prĂ©curseur Ă  qui on doit Kirikou et Les Triplettes de Belleville. Je ne connais rien de son mĂ©tier fait d’audace, de diplomatie et de persĂ©vĂ©rance. Sur la terrasse, je rencontre un petit homme Ă  la fois intense et discret. Il a des yeux malicieux et un sourire timide. Je parle vite. Je ne sais pas ce qui fait mouche. Il m’assure qu’il va le lire. LĂ , tout de suite. J’ignore alors que cette promesse – lire vite – est si difficile Ă  tenir dans la rĂ©alitĂ© d’un producteur. Peu aprĂšs, il me contacte. Il trouve ça diffĂ©rent. Il veut le produire. Juin 2016. Estrade de la grande salle de Bonlieu. Devant l’écran gĂ©ant (et mille personnes), on me tend le micro pour dire quelques mots Ă  Didier (je ne pense plus “Brunner”). On lui remet un Cristal d’honneur pour sa carriĂšre. En prĂ©parant ce que je m’apprĂȘte Ă  lui dire Ă  voix haute, j’ai rĂ©alisĂ© que, entretemps, j’avais fondĂ© Tant Mieux Prod, produit mes premiers courts mĂ©trages et reçu un Cristal en production tĂ©lĂ©. Je suis devenue productrice. Merci Annecy. Merci Didier. Delphine Maury, productrice (Tant Mieux Prod)

H Le Festival d’Annecy a accueilli Pierre Tchernia Ă  plusieurs reprises. En 1999, il est le prĂ©sident d’honneur et nous assistons cĂŽte Ă  cĂŽte Ă  une sĂ©ance de courts mĂ©trages dans la grande salle de Bonlieu. Ce soir-lĂ , l’ambiance est particuliĂšrement survoltĂ©e et cela dĂ©marre avec les avions en papier en attendant la projection, puis la bande-annonce partenaires et le public qui scande “le lapin, le lapin
” L’annĂ©e prĂ©cĂ©dente, nous avions lancĂ© la premiĂšre bande-annonce partenaires qui se terminait par un lapin sur la neige. Depuis, le public d’Annecy a fait du lapin un gimmick qu’il rĂ©clame chaque annĂ©e. EnfoncĂ© dans mon fauteuil, je m’interroge. Que pense Pierre Tchernia de cette ambiance un peu potache ? La derniĂšre fois qu’il est venu, c’était dans l’ancien casino-thĂ©Ăątre et, Ă  cette Ă©poque, l’atmosphĂšre Ă©tait sans doute plus policĂ©e
 Au cours de cette sĂ©ance, le film Feuerhaus, de BĂ€rbel Neubauer, accompagnĂ© d’une musique Ă©lectro de sa composition, est projetĂ©. Est-il sensible aux films expĂ©rimentaux, non narratifs ? L’électro n’est sans doute pas sa tasse de thé ? En un mot, je me fais des films dans ma tĂȘte. Et, Ă  mon grand Ă©tonnement, quand nous avons quittĂ© la salle, Pierre Tchernia m’a confiĂ© deux choses : “Vous avez Ă  Annecy une ambiance exceptionnelle. Le public manifeste son enthousiasme ou sa dĂ©ception avant ou aprĂšs les films et il n’a pas besoin d’attendre comme dans d’autres

9 juin 2021 / Écran total  n°1332

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