Ecran total Special Annecy 2021

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Annecy 2021

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Société officiant dans la production et la distribution internationale, Autour de Minuit fête ses 20 ans. Depuis sa création, elle a cultivé une ligne éditoriale originale, oscillant entre œuvres pointues et grand public. Rencontre avec son fondateur et dirigeant, Nicolas Schmerkin.

Dates clés 1998 Nicolas Schmerkin lance le magazine Repérages, qui paraîtra jusqu’en 2010. 2001 fondation d’Autour de Minuit. 2010 La société gagne l’Oscar du meilleur court métrage d’animation avec Logorama. 2016 Prix du meilleur producteur européen aux Cartoon Tributes. 2019 Autour de Minuit est désignée “meilleur distributeur” par Unifrance.

Quelle fut la genèse d’Autour de Minuit ?

J’ai fondé Autour de Minuit à Paris en 2001, au moment où je voyais qu’une nouvelle génération d’artistes émergeait grâce à la démocratisation des outils numériques, et ce en plein milieu d’un paradoxe : les commissions en avaient assez d’évaluer le même type de projets, et, en même temps, ces artistes qui souhaitaient proposer des projets plus atypiques étaient persuadés que ces commissions ne voulaient pas les aider. A l’époque, j’aspirais, avec Autour de Minuit, à creuser le sillon de l’expérimental. En 2002, le réalisateur Hendrick Dusollier m’a proposé de l’accompagner pour concrétiser un court métrage qui appartenait à ce genre : Obras (12’). Pour ce film, qui mélange plusieurs techniques, nous avons obtenu tous les financements demandés. Il a eu une très belle carrière en festivals et a été nommé aux César. Cette reconnaissance a été pour moi un feu vert pour continuer à explorer de nouvelles formes. En parallèle, Autour de Minuit avait débuté la distribution internationale, avec un catalogue de courts métrages, composé notamment de Fast Film, de Virgil Widrich, ou Do You Have the Shine ?, de Johan Thurfjell. Quels ont été les moments forts d’Autour de Minuit ?

Le succès de Logorama, réalisé par le collectif H5 (François Alaux, Hervé de Crécy et Ludovic Houplain, 16’), a été une période très marquante. Cette œuvre, je l’ai portée avec eux durant plus de quatre ans. Et elle a connu un parcours exceptionnel. Quand nous avons gagné l’Oscar en 2010, je me suis retrouvé sur scène à prononcer un discours qui a fait sourire Meryl Streep ; ça ne s’oublie pas ! Logorama, qui fut aussi lauréat d’un César en 2011, nous a permis de franchir un palier. Les projets ultérieurs se sont concrétisés plus vite. Et, tout en continuant dans le court métrage, nous sommes allés vers d’autres horizons : nous avons investi la série d’animation pour adultes avec Babioles, de Mathieu Auvray (2012, pour le groupe Canal+) ; nous avons coproduit un long métrage d’animation espagnol pour adultes, Psiconautas, d’Alberto Vázquez et Pedro Rivero (2015) ; nous nous sommes ouverts aux programmes jeunesse, notamment avec les séries Non-Non, réalisée par Mathieu Auvray, Jean-Sébastien Vernerie et Martin ­Granica (2018, pour le groupe Canal+) et Jean-Michel, Super Caribou, réalisée par Mathieu Auvray et Pauline Pinson (2019, pour France Télévisions) ; et nous avons créé, en 2015, un deuxième stu-

Nicolas Schmerkin « Pour l’animation ciblant les ados-adultes, les choses ne bougent pas assez vite » dio, désormais implanté à Angoulême, Schmuby Productions, qui s’illustre dans la production déléguée et exécutive. Enfin, avoir accompagné durant des années le travail de Rosto [artiste néerlandais disparu en 2019 à l’âge de 50 ans, Ndlr] a été pour moi un honneur. Quand j’ai découvert un de ses films en 2002, au Festival de Rotterdam, cela a été un choc. C’est ce qui m’a donné envie de produire des objets insolites et hybrides. Quelle est votre actualité à Annecy ?

Nous avons un court métrage en compétition, dans la section l’Officielle, Swallow The Universe, de Nieto (12’). En tant que distributeur, nous soutenons trois films : Concatenation (1’) et Concatenation 2 - Olympic Games (1’10), de l’Italien Donato Sansone, qui figurent aussi dans

l’Officielle, et Un caillou dans la chaussure, d’Eric Montchaud (11’28), produit par XBO Films (France) et Nadasdy Film (Suisse), retenu dans la compétition Jeune public. Au haras, on pourra voir deux spéciaux de Panique au village, que nous avons coproduits et que nous distribuons. Dans la section Work-in-Progress (WIP), nous présentons le long métrage pour ados-adultes Unicorn Wars, d’Alberto Vázquez, que nous produisons avec les espagnols Abano Producións et UniKo Estudio Creativo, et que Schmuby coproduit. Pouvez-vous nous en parler ?

Unicorn Wars est un film de genre, qui raconte une guerre que se livrent des nounours et des licornes. Comme le définit Alberto Vázquez, “c’est un mix entre Apocalypse Now et Bambi, avec des

morceaux de Bible dedans”. Il est en fabrication et bénéficie d’un budget de 3 M€. Il sera prêt pour le printemps 2022. En France, il est soutenu par la région Nouvelle-Aquitaine, le CNC, via la passerelle et CVS, et la Sofica Cinéventure. UFO le distribuera en salles, tandis que Charades assure les ventes internationales. En Espagne, il a été très aidé par l’équivalent de l’avance sur recettes et la région Galice. Il est également accompagné par plusieurs diffuseurs espagnols, qui représentent un apport de 500 000 €. Il a aussi reçu le soutien du programme Média. En France, aucune chaîne ne s’est engagée. Le film se fait donc dans la douleur avec 3 M€ ; il aurait fallu un budget deux fois plus important au vu de son ambition. Produire du cinéma d’animation pour adulte reste compliqué…

Si on ne nous permet pas de fabriquer des films d’animation pour adultes, on ne pourra pas créer ce marché. Et il faut réussir à faire passer le message suivant : il n’y a pas que des films dans la lignée de Persépolis ou Valse avec Bachir qui peuvent rencontrer le public ; de Louise en hiver [de Jean-François Laguionie, produit par JPL Films] à Unicorn Wars, le spectre est large… Toutefois, les choses bougent : à Annecy, dans la section WIP longs métrages, deux tiers des films sont destinés à une cible ado-adulte. De plus, Mars Express, film de science-fiction de Jérémie Périn, produit par Everybody On Deck, qui figure dans la section WIP, est cofinancé par France 3 Cinéma. Schmuby s’occupe d’ailleurs de la moitié de l’animation de cette œuvre. Il y a donc des aspects encourageants, mais il faudrait que l’industrie passe à la vitesse supérieure. En mars dernier, vous avez obtenu, à Cartoon Movie, le prix Eurimages au développement de la coproduction pour Les Ombres, un long métrage familial…

Les Ombres est adapté d’une BD de Vincent Zabus et Hippolyte (Dargaud). Si elle s’adresse aux adultes, le film, lui, sera visible par toute la famille, à partir de 7 ans. Il est coproduit par Panique ! (Belgique) et Schmuby. Traitant de l’exil et de la transmission, proche de l’univers de Miyazaki, il sera mis en scène par Nadia Micault. Il suscite beaucoup d’intérêt. Nous finalisons le développement et avançons sur le financement. Propos recueillis par L. F.

9 juin 2021 / Écran total  n°1332

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