European Month of photography Luxembourg 2023

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EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG
2023
2 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023 SOMMAIRE Cihan Çakmak, em fraktal_03 reflektieren (reflect), 2021

06 Arendt House, Rethinking Identity: European Month of Photography Arendt Award

Cihan Çakmak, Ulla Deventer, Jojo Gronostay, Lívia Melzi, Karolina Wojtas

12 Cercle Cité – Ratskeller espace d’exposition, Rethinking Identity, Family and Community

Cihan Çakmak, Ulla Deventer, Jojo Gronostay, Lisa Kohl, Emma Sarpaniemi, Karolina Wojtas

18 Nationalmusée um Fëschmaart, Rethinking Identity: Je est un autre : Krystyna Dul, Corina Gertz, Katinka Goldberg, Lívia Melzi, Zanele Muholi, Lunga Ntila, Bruno Oliveira, Frida Orupabo

26 Nationalmusée um Fëschmaart, Erwin Olaf & Hand Op de Beeck: Inspired by Steichen

30 Casino Luxembourg – Forum d’art contemporain, Bodies of Identities, group exhibition

42 Casino Luxembourg – Forum d’art contemporain, Tills: Raphaël Lecoquierre

44 neimënster, Je suis Moi, Je suis Toi, Krystyna Dul, Aneta Grzeszykowska, Eman Khokhar, Celeste Leeuwenburg

48 neimënster, A room of One’s Own, Cansu Yıldıran, Ofir Berman, Imane Djamil

52 neimënster, Révélation(s) / Portfolio – Plateforme – Luxembourg 2023

58 Révélation(s) / Portfolio – Plateforme – Luxembourg 2021

66 Parc de Merl, Manon Diederich, Pit Reding, Pol Trierweiler

68 Villa Vauban – Musée d’Art de la Ville de Luxembourg, Katrien de Blauwer, Photographe sans appareil

72 Musée d’Art Moderne Grand-Duc

3 04
Avant-propos
Jean (Mudam), Dayanita Singh. Dancing with my Camera 76 Centres d’art Nei Liicht & Dominique Lang, Sven Becker: Impermanence Horizons & Mike Zenari: Humain 80 CNA Display 01 Dudelange, Image Storage containers, Jeff Weber 82 CNA Waassertuerm & Pomhouse Dudelange, The Hand that topples the tower, Mike Bourscheid & Vanessa Brown 84 CAP Ettelbrück, Echoes of Self, Cristina Nuñez 86 Université du Luxembourg, site Belval, Echoes of Self 2, Cristina Nuñez 88 Bibliothèque nationale du Luxembourg, Caecilia Tripp. Sleeping with books 90 Instituto Camões, Centre culturel portugais, Alma pintada, Paulo Lobo 94 Nosbaum Reding, Isabelle Ferreira, O Salto 96 Ceysson & Bénétière, ORLAN Ceci est mon corps… Ceci est mon logiciel… 98 Valerius Gallery, Roger Ballen : Into the Ballenesque 100 Reuter Bausch Art Gallery, Christian Aschman & Laurianne Bixhain 102 Clervaux Cité de l’image, Installations photographiques à ciel ouvert 106 CNA Steichen Collections, Les collections permanentes, Clervaux 108 Trier, Europäische Kunstakademie, Identities : Portraying the Intangible 112 Lët’z Arles 2023, Luxembourg Photography Award ( LUPA ) and mentorship Daniel Wagener, Rozafa Elshan 114 Edward Steichen Award Luxembourg 118 Rotondes, Light Leaks festival, Luxembourg Streetphoto Collective 120 Index des artistes 122 Informations pratiques 123 Remerciements / Partenaires PAGE

AVANT-PROPOS

Cette neuvième édition du Mois européen de la photographie au Luxembourg met l’accent sur les questions d’identité. Dès les années 80, le thème est central à l’art et particulièrement à la photographie contemporaine. Des artistes comme Cindy Sherman remettent en question la relation entre le photographe et son sujet dans des mises en scène les plus variées.

Dans un registre différent et en travaillant sur l’idée du cliché, Richard Prince - dans la série Nurses - s’approprie l’image d’infirmières telles qu’elles figurent sur la couverture de magazines érotiques et popularise ainsi le concept d’une création à partir d’images existantes. L’idée de la représentation et son enjeu social ou culturel devient prioritaire notamment dans l’analyse des stéréotypes. Apparaît aussi, dans ce contexte, une photographie féminine qui s’interroge sur le corps de la femme et se positionne en opposition à ce qu’on appelle aujourd’hui - dans des écrits plus polémiques - le “male gaze”. Des photographes comme Rineke Dijkstra redéfinissent aussi notre idée du portrait en portant un regard délicat sur des êtres plutôt fragiles que forts. De nombreux artistes choisissent comme sujet de prédilection le conflit sous-jacent qui se dessine entre le personnage qui se met en scène et sa nature cachée. L’évocation des tensions qui peuvent s’établir entre d’un côté le corps fragilisé d’un individu face aux défis sociétauxnotamment à travers les réseaux sociaux aujourd’hui - occuperont de plus en plus de place. Les questions relatives à notre identité propre - sexuelle et culturelle - face aux préjugés raciaux et clichés de toute nature sont reprises par l’art contemporain et se

déclinent de multiples façons en photographie également.

A l’interrogation sur les apparences et la question du corps s’ajoutent nos expériences personnelles, divers traumatismes, nos souvenirs et rencontres qui façonnent notre identité et influencent l’acte créatif. Enfin, le caractère marquant de notre culture d’origine, la terre natale ou la terre d’accueil est également exploré dans l’œuvre des artistes qu’on expose. Dans un monde globalisé et à travers des processus d’amalgamation, l’acte photographique devient souvent le lieu où se marque la perte des racines, de la matrice d’une identité originelle, pour devenir à son tour le lieu d’une nouvelle identité. Sous le titre de Rethinking Identity, cette 9ème édition du festival photographique propose une série d’expositions qui évoquent ainsi le rapport pas toujours facile entre l’idée de représentation et les enjeux symboliques de la société. On retrouvera ce questionnement dans le travail photographique de cette nouvelle génération qui occupe maintenant la scène et à qui ce festival procure la possibilité de communiquer leur façon de voir à un plus large public.

Le Mois européen de la photographie au Luxembourg, ancré dans un réseau européen de festivals de la photographie depuis 2006, avec une nouvelle constellation comprenant Circulation(s) (Paris), PhotoBrussels Festival (Bruxelles), Imago Lisboa (Lisbonne), Foto Wien (Vienne) et EMOP Berlin - permet d’établir une plateforme de la création photographique européenne qui s’enrichit d’édition en édition par rapport au thème imposé et à partir de

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laquelle émergent des expositions thématiques de groupe et monographiques.

Ainsi, avec Rethinking Identity, EMOP poursuit ses recherches photographiques sur les changements politiques, identitaires et artistiques de notre société.

Dans ce contexte thématique et à partir d’un ensemble d’une cinquantaine d’artistes, le jury d’EMOP (Berlin, Lisbonne, Luxembourg, Paris et Vienne) a retenu cinq artistes en vue du European Month of Photography Arendt Award. Un ensemble de ces œuvres sera montré au Arendt House et parallèlement dans l’espace d’exposition du Cercle Cité et au Nationalmusée um Fëschmaart. Certains artistes. qui ont fait partie de la présélection mais dont la candidature n’a pas été retenue pour le prix Arendt, ont intégré des expositions sur la même thématique dans des espaces différents. Ainsi le Casino Luxembourg participe avec une grande exposition thématique intitulée Bodies of Identities et une exposition monographique.

Les expositions au Mudam, à la Villa Vauban, au Centre Culturel de Rencontre Abbaye de Neumünster mais aussi à Clervaux (Cité de l’Image), au Centre National de l’Audiovisuel (CNA) et dans les galeries Nei Liicht et Dominique Lang à Dudelange ainsi qu’à Ettelbrück ( Centre des Arts pluriels ) déclinent le thème en restant dans l’esprit de leur programmation. Dans ce contexte, nous accueillons d’ailleurs pour la première fois une institution voisine, l’Académie des Beaux-Arts de Trêves.

RETHINKING IDENTITY

Le Mois européen de la photographie au Luxembourg est toujours l’occasion de célébrer la photographie sous ses formes les plus nouvelles comme celles du passé. On réservera donc une place pour notre patrimoine photographique à travers les collections comme celle de The Family of Man qui ont permis de sensibiliser le public luxembourgeois à une photographie différente. Les galeries luxembourgeoises comme Ceysson & Bénétière, Nosbaum Reding, Valerius, Reuter Bausch tout comme l’Institut français et l’Institut Camões défendent quant à eux un volet plus ancré dans le contemporain. Nous avons aussi intégré dans ce catalogue une association comme Lët’z Arles et son prix Luxembourg Photography Award, dont le rôle dans la promotion des photographes luxembourgeois à l’étranger est essentiel ainsi que le Edward Steichen Award qui témoigne de la vivacité du paysage photographique au Luxembourg. Enfin une initiative comme celle du Luxembourg Street Photography Collective témoigne d’une dynamique certaine dans le milieu photographique amateur.

Nous remercions pour cette édition le Ministère de la Culture, la Ville de Luxembourg et bien entendu nos partenaires institutionnels ainsi que ceux du privé sans lesquels une manifestation comme celle-ci ne serait pas possible. Leur engagement constitue le fondement même d’un événement culturel comme le Mois européen de la photographie au Luxembourg.

Paul di Felice et Pierre Stiwer (Café-Crème asbl) directeurs de EMOPLux 2023 (European Month of Photography Luxembourg).

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6 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023 Ulla Deventer,
“The Cat”, Brussels, 2014

ARTISTES LAURÉATS PRÉSÉLECTIONNÉS POUR LE PRIX

CIHAN ÇAKMAK, ULLA DEVENTER, JOJO GRONOSTAY, LÍVIA MELZI,

COMMISSAIRE DE L’EXPOSITION

PAUL DI FELICE POUR CAFÉ-CRÈME ASBL EN COLLABORATION

AVEC LES PARTENAIRES DU EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY.

RETHINKING IDENTITY

EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY ARENDT AWARD 2023

Le EMOP Arendt Award est un prix prestigieux créé en 2013 pour les artistes visuels émergents ayant de fortes compétences artistiques et une pratique photographique en développement. Le prix est parrainé par le cabinet d’avocats luxembourgeois Arendt.

Le lauréat est annoncé le 10 mai 2023 à Arendt House à Luxembourg pendant le Mois européen de la photographie à Luxembourg, où tous les artistes nominés seront exposés et invités à assister à l’exposition et à la cérémonie de remise des prix. En outre, une publication comprenant des livrets monographiques sera éditée à cette occasion. Le jury de cette édition était composé de : Paul di Felice (Luxembourg), Delphine Dumont (Bruxelles), Emmanuelle Halkin (Paris), Verena Kaspar Eisert

ARENDT & ART

(Vienne), Maren Lübbke-Tidow (Berlin), Rui Prata (Lisbonne). Dans le jury attribuant le prix, Verena Kaspar Eisert, ex-curatrice de Kunst Haus Wien a été remplacée par Félix Hoffmann, nouveau directeur de Foto Wien à Vienne.

Après Rethinking Nature (2021), l’équipe curatoriale d’EMOP a choisi le thème de Rethinking Identity pour son édition 2023. Parmi une quarantaine de positions artistiques proposées et discutées par les curateurs du réseau EMOP dans le cadre de ce thème, les cinq artistes suivants, qui vivent et travaillent tous en Europe, sont nominés pour le EMOP Arendt Award 2023 : Cihan Çakmak, Ulla Deventer, Jojo Gronostay, Lívia Melzi et Karolina Wojtas.

Le lancement de l’exposition et la remise de l’Award ont lieu au cours du Mois Européen de la Photographie au Luxembourg.

7 ARENDT & ART • RETHINKING IDENTITY
KAROLINA WOJTAS.
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8 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
Cihan Çakmak, When we leave (2019), Leipzig, Germany

RETHINKING IDENTITY

Lorsque nous parlons d’identité, nous nous référons à un ensemble complexe d’expériences individuelles, relationnelles, culturelles, sociales voire même politiques.

C’est autour de ces questionnements identitaires que les artistes sélectionnés pour l’édition 2023 proposent des œuvres photographiques et vidéographiques qui dépassent souvent le cadre bidimensionnel de l’image afin de confronter le spectateur/regardeur à l’œuvre tout en créant une relation particulière entre eux. Les cinq artistes nominés pour l’ Award sur le thème Rethinking Identity tout en empruntant des chemins différents, à travers des ré-interprétations singulières,

dépassent tous les clichés classiques de l’identité. Avec une vision subjective et individuelle, Cihan Çakmak aborde les réminiscences d’une fracture identitaire kurde en créant des situations oniriques qui défient la fragmentation sociale et l’isolement qu’elle a subis.

Alors que Ulla Deventer, en utilisant le corps féminin comme instrument de pouvoir, puise à la fois dans la documentation photographique et l’installation d’art contemporain pour déconstruire les stéréotypes sur la prostitution ou dénoncer les violences sexuelles.

Les représentations de soi déconstruites et les perceptions fragmentaires du corps de Karolina Wojtas créent de nouvelles fictions qui interrogent les concepts de temps et d’espace dans une perspective sociale et relationnelle. La critique du système scolaire polonais et de l’éducation générale est abordée de façon caustique.

Dans un autre registre, le travail de Lívia Melzi confronte l’archive et les représentations autour de l’identité à travers ses recherches sur les capes Tupinambá (des tribus guerrières Tupi de la côte brésilienne) utilisées à l’origine pour des rituels anthropophages.

La question de l’identité culturelle se mêle à des éléments autobiographiques dans l’œuvre multimédia de Jojo Gronostay (né en Allemagne avec des racines ghanéennes). Objets et images d’objets et fragments de corps sont dé-contextualisés et présentés à une échelle inhabituelle jouant sur les interrelations entre colonialisme et capitalisme.

Ces positionnements artistiques émergents expriment différents types d’identités, qu’elles soient individuelles, familiales, culturelles ou territoriales dans des langages contemporains qui ouvrent le champ de la photographie à d’autres médias.

9 ARENDT & ART • RETHINKING IDENTITY
Lívia Melzi, Autoportrait II, 2022, On collaboration with Gliceria Tupinambá & Léo Eloy
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Jojo Gronostay, Brutalism, 2021, Courtesy of the artist and Galerie Hubert Winter / Vienna
11 ARENDT & ART • RETHINKING IDENTITY
Karolina Wojtas, Untitled, abzgram, 2017
12 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023 Ulla Deventer, Snowwhite, Accra, 2021

RETHINKING IDENTITY, FAMILY, COMMUNITY

Le cycle d’expositions des curateurs de l’EMoP, commencé par « Rethinking Nature » (2021), se poursuit avec le thème de « Rethinking Identity » pour l’édition de 2023. Ce thème vaste, mais important sous toutes ses facettes, est plus que jamais d’actualité dans le contexte de la photographie contemporaine. Aujourd’hui, le rôle de la photographie et de sa diffusion sur les réseaux sociaux dans la construction et la déconstruction des identités est devenu crucial. Il est d’autant plus intéressant de voir comment les artistes réinterprètent ces images.

En effet, « repenser l’identité » dans la création contemporaine peut nous amener à emprunter différents chemins qui vont au-delà des stéréotypes et des clichés classiques. Aujourd’hui, ces mutations d’identités, qu’elles soient individuelles, culturelles ou territoriales s’expriment à travers des questionnements artistiques qui abordent de nouvelles typologies de ce

concept. Dans le cadre du festival, nous avons, comme pour les éditions précédentes, regroupé des artistes selon des sous-thèmes significatifs. Ainsi, les notions de famille et de communauté dans la recherche identitaire sont présentes dans la sélection des six artistes qui investissent les lieux du Cercle Cité. Ici, l’idée d’appartenance et d’intimité véhiculée par les transmutations de l’image privée et de l’image publique trouve de nouvelles visualisations en relation avec les comportements actuels face aux concepts traditionnels de la famille et aux nouveaux mouvements communautaires.

13 CERCLE CITÉ – ESPACE D’EXPOSITION RATSKELLER • RETHINKING IDENTITY, FAMILY, COMMUNITY CERCLE
RATSKELLER
CITÉ
ARTISTES CIHAN ÇAKMAK, ULLA DEVENTER, JOJO GRONOSTAY, LISA KOHL, EMMA SARPANIEMI, KAROLINA WOJTAS COMMISSAIRE DE L’EXPOSITION PAUL DI FELICE (POUR CAFÉ-CRÈME ASBL)
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Karolina Wojtas, Untitled, We can’t live without each other, 2021 Emma Sarpaniemi, When the Sun goes down We see Lemons (2019-)

À la recherche de protection au sein de la famille (au sens large) et du besoin d’une certaine communauté pour exister, Ulla Deventer utilise la photographie, la vidéo et l’installation pour aborder de façon interdisciplinaire les thèmes tabous sur la violence au quotidien.

Pour cela, elle utilise la métaphore du cheval maltraité, pour montrer que face à notre existence isolée et notre incapacité de créer des liens, nous devons repenser la question identitaire en interrogeant notre vivre ensemble. Marquée par l’arrivée de son frère à l’âge de 13 ans, Karolina Wojtas montre à travers ses photo-installations comment la rivalité fraternelle

a influencé sa quête identitaire. En le choisissant comme un des protagonistes de ses mises en scènes grotesques, elle évoque dans la confrontation dérisoire entre le Moi et l’autre et le dialogue ludique entre le sujet et l’objet, une sorte d’aliénation avec l’environnement familial tout en critiquant en général l’éducation en Pologne.

On retrouve cette autodérision sous une autre forme aussi dans les tableaux vivants humoristiques de l’artiste finlandaise Emma Sarpaniemi. Dans sa pratique photographique, elle joue sur l’image de la féminité en explorant les relations complices avec ses modèles amies.

15 CERCLE CITÉ – ESPACE D’EXPOSITION RATSKELLER • RETHINKING IDENTITY, FAMILY, COMMUNITY
Cihan Çakmak, em fraktal_02 rausgehen ( going out ), 2021, video still
16 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023 Lisa
–No 1 de la série Bihaç Frontière croate
2022.
par Kultur lxArts Council Luxembourg et Aide à la création et diffusion en photographie 2021, Centre
de l‘audiovisuel.
Kohl, BLINDSPOT
bosniaque
Courtesy of the artist, project soutenu
national

À travers des images issues de son univers onirique, Cihan Çakmak enquête sur ses origines kurdes tout en posant les questions du genre face à une culture traditionnelle et patriarcale de cette communauté. Sa quête artistique est une façon de raconter son histoire, entre identité kurde et allemande, tout en se libérant des stéréotypes.

Dans le travail multimédia de Jojo Gronostay, le thème de l’identité se réfère souvent à ses origines africaines. Inspiré par la mode et l’architecture, il a créé une collection de vêtements usés, trouvés au marché d’Accra au Ghana, intitulée Dead White Men’s Clothes. Déclinée sous différentes formes artistiques allant de la photographie et la sculpture à l’installation, celle-ci renvoie aux questions d’identité, de néocolonialisme et de mondialisation.

Chez Lisa Kohl, les réflexions autour de la globalisation et des migrations ne sont pas exprimées de manière directe, mais se traduisent par une approche artistique sensible et poétique . La thématique de l’identité en transition et la rencontre avec l’autre dans la situation d’exilé, est abordée par l’artiste sous forme de traces métonymiques témoignant de ces passages et bouleversements difficiles.

L’exposition a été initiée dans le cadre d’une collaboration internationale de Café-Crème asbl sous le titre de « Rethinking Identity » du réseau EMoP (European Month of Photography asbl) regroupant les institutions dédiées à la photographie de six capitales européennes (Berlin, Bruxelles, Lisbonne, Luxembourg, Paris et Vienne).

17 CERCLE CITÉ – ESPACE D’EXPOSITION RATSKELLER • RETHINKING IDENTITY, FAMILY, COMMUNITY
Jojo Gronostay, REPRO I (2022) / THE REPROS
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Katinka Goldberg, The Portraits of my grandmother Assne, from the series Shtumer Alef, 2020

ARTISTES

RETHINKING IDENTITY: JE EST UN AUTRE

Dans la célèbre citation de Rimbaud tirée d’une lettre qu’il écrivit en 1871 à Paul Demeny « Je est un autre », le poète se voit comme un être multiple, composé d’une diversité de personnalités, agissant entre individualité et altérité. Cet énoncé interroge de façon contradictoire la construction du sujet dans son rapport aux autres.

Déjà dans les années 1960 et 1970, ces thèmes ont été au centre des débats philosophiques et psychologiques, de l’existentialisme et de l’antipsychiatrie voire du féminisme. Aujourd’hui, les études post-féministes et postcoloniales s’ouvrent à une approche intersectionnelle en se concentrant davantage sur les diversités des situations dans leur corrélation entre les genres et les races.

C’est le cas des autoportraits de Zanele Muholi qui sont des interfaces pour questionner les identités, dénoncer la xénophobie et le racisme en bousculant les codes de la représentation. Devant la caméra, elle interprète de multiples rôles et se joue des clichés et stéréotypes de la culture africaine. Elle incarne différents personnages qui sont autant de témoignages de la complexité des rapports de domination et qui expriment son engagement pour le mouvement LGBTQIA+ et plus particulièrement pour celui de l’identité lesbienne en Afrique du Sud.

19 NATIONALMUSÉE UM FËSCHMAART • RETHINKING IDENTITY: JE EST UN AUTRE NATIONALMUSÉE UM FËSCHMAART
DE L’EXPOSITION PAUL DI FELICE (POUR CAFÉ-CRÈME ASBL)
KRYSTYNA DUL, CORINA GERTZ, KATINKA GOLDBERG, LÍVIA MELZI, ZANELE MUHOLI, LUNGA NTILA, BRUNO OLIVEIRA, FRIDA ORUPABO
COMMISSAIRE
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De même, les photomontages de la jeune artiste sud-africaine Lunga Ntila (décédée récemment dans un accident) s’inspirent de la culture africaine en se référant à des mouvements d’avant-garde européens comme le cubisme influencé à son tour par l’art africain. Son travail aborde des sujets tels que les normes sociales de la société patriarcale des Blancs tout en canalisant l’énergie créative pour élever la femme noire. Dans sa série Define Beauty, elle représente son autoportrait de manière déformée commentant ainsi les canons de beauté dans notre société.

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Lívia Melzi, Sans titre verso, 2022 Zanele Muholi, Labo I, Torino, Italy, 2019

La pratique de Frida Orupabo consiste également à transformer des images personnelles en collages. En tant qu’artiste norvégienne nigériane, elle fait référence dans son travail à des images d’archives de la violence coloniale, à des représentations stéréotypées des rôles raciaux et de genre et transmute des expériences autobiographiques et des problèmes politiques dans de nouveaux récits. Lívia Melzi, artiste qui est née au Brésil et vit à Paris, utilise le médium de la photographie pour interroger l’héritage colonial et sa puissance visuelle à travers de nouvelles images d’artefacts et d’autoportraits. Sa recherche artistique porte sur les questions de représentations occidentales et de colonialisme notamment sur les capes Tupinambà issues des tribus guerrières de la côte brésilienne.

Dans sa série Averted Portrait, Corina Gertz s’intéresse aux traditions vestimentaires en montrant les diversités colorées et les particularités culturelles de notre monde. Elle pointe les particularités de nos expressions individuelles et culturelles tout en luttant contre l’intolérance envers les autres.

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Frida Orupabo, Turning, 2021, Copyright The Artist, Courtesy of the artist and Galerie Nordenhake Berlin/Stockholm/Mexico City

Les collages de Katinka Goldberg explorent la tension entre elle et le monde en jouant sur la déconstruction et la reconstruction de manière poétique et surréaliste de son histoire familiale en mémoire de sa grand-mère juive. Explorant le médium photographique en tant que peintre, sculpteur et photographe, elle visualise une identité traumatisée et fragmentée que son travail tente de reconstruire.

En parlant ouvertement de sa sexualité dans son œuvre photographique, le Luso-Luxembourgeois Bruno Oliveira intègre automatiquement les aspects de l’immigration et les particularités culturelles des communautés portugaises. A travers des images autobiographiques au fort caractère narratif, il évoque avec poésie son passé traumatique. La photographie l’aide à déconstruire et reconstruire cet « autre Je ».

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Corina Gertz, IT 02, 2019
23 NATIONALMUSÉE UM FËSCHMAART • RETHINKING IDENTITY: JE EST UN AUTRE
Bruno Oliveira, Amplectendo copulabis, Series: In ore gloria, 2021
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Krystyna Dul, Mamas & Papas, 2022

Dans une tout autre esthétique, la série d’autoportraits manipulés de Krystyna Dul nous parle d’une identité multiple mélangeant les racines et les genres. Dans cette série intitulée Mamas & Papas, où elle change la bouche et les yeux, sa petite fille continue à identifier cette fusion comme le portrait de sa maman.

Ici on peut dire, en paraphrasant Edouard Glissant, dans sa conception de la créolisation, que les photographies mettent « en rapport le divers tout en maintenant l’identité ».

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Lunga Ntila, Define Beauty III, 2019
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Hans Op de Beeck (*1969), The Cliff, 2019, polyester, polyamide, wood, steel, coating, Studio Hans Op de Beeck

ERWIN OLAF & HANS OP DE BEECK: INSPIRED BY STEICHEN

La nature comme source d’inspiration

L’un des rares effets secondaires positifs de l’épidémie mondiale de Covid-19 est peut-être le fait que de nombreuses personnes ont renoué avec la nature au cours des deux dernières années.

On a marché, couru ou fait du vélo. L’absence de voitures et de grandes foules a permis aux animaux de s’aventurer dans notre environnement immédiat.

Il y avait moins de bruit dans l’ensemble et plus de choses à écouter tranquillement. Le vent, l’eau, les animaux et, parfois, la force brutale de la nature nous ont laissé une impression durable. L’environnement naturel a été une importante source d’inspiration pour les artistes dans la période récente également - comme il l’a souvent été tout au long de l’histoire de l’art. C’est certainement le cas pour l’un des plus célèbres artistes d’origine luxembourgeoise, le photographe Edward Steichen (1879-1973).

Steichen et son héritage artistique

Né au Luxembourg, élevé dans le Wisconsin et formé comme apprenti lithographe, Steichen s’est mis à la photographie à l’adolescence. À l’âge de vingt-trois ans, il avait déjà créé des paysages tonals sombres et des études psychologiques brillantes qui lui ont valu les louanges d’Alfred Stieglitz à New York et d’Auguste Rodin à Paris, entre autres. Au cours de la décennie suivante, ce jeune homme - qui était le portraitiste préféré de l’élite de deux continents - a été

salué à plusieurs reprises comme le maître inégalé de la photographie picturale. Il est vrai que Steichen «peignait» en quelque sorte ses images légères, à la recherche d’angles inhabituels, de scènes lunatiques et de moments poétiques. Au début, il les trouvait souvent dans la nature qui l’entourait : un arbre dans son jardin qu’il suivait au fil des saisons ; un petit lac entouré d’arbres près de la maison d’une connaissance ; une vue à travers les arbres sur l’immeuble Flatiron au cœur de Manhattan (une photographie vendue aux enchères pour 12 millions de dollars pas plus tard qu’en novembre 2022). Ce petit groupe de photographies représentant la nature a toutefois été quelque peu éclipsé dans les décennies suivantes par la profusion de portraits que Steichen a réalisés de contemporains mondialement connus, tels que Constantin Brâncuşi, Greta Garbo et Thomas Mann, et par le travail qu’il a effectué pour des magazines et des entreprises.

Pourtant, la nature reste une partie merveilleuse de son œuvre très riche et variée, dont le Luxembourg a reçu une partie lors d’une importante donation de la succession de Steichen en 1985 : 178 photographies originales pour être exact. Celles-ci sont depuis conservées au Musée national d’archéologie, d’histoire et d’art (MNAHA), la maison mère du Nationalmusée um Fëschmaart. Avec les 44 photographies de la collection de la Ville de Luxembourg (qui les a rejointes en 2018 dans le cadre d’un prêt à long terme), la collection s’élève aujourd’hui à un total de 222 œuvres.

27 NATIONALMUSÉE UM FËSCHMAART • ERWIN OLAF & HANS OP DE BEECK: INSPIRED BY STEICHEN NATIONALMUSÉE UM FËSCHMAART COMMISSAIRE RUUD PRIEM
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L’éloquence et la beauté de ces images sont démontrées via une présentation trimestrielle dans le Cabinet Steichen, une petite salle de l’aile Wiltheim du musée, où une sélection différente de 20 tirages est présentée tous les trois mois. Pour la première fois, il existe également, depuis décembre 2022, un catalogue raisonné de la collection du musée, qui documente et présente chaque photographie de manière très détaillée – une étape importante dans l’histoire de l’étude de l’héritage artistique de Steichen dans son pays de naissance. Au Luxembourg, mais aussi dans le monde entier, cet héritage est particulièrement célébré en 2023, qui marque les 50 ans de la mort du photographe. Naturellement, le musée rend également hommage à Edward Steichen. Notre exposition actuelle dans la salle Wiltheim met en lumière l’importance internationale de son langage visuel innovant, de ses thèmes et de ses techniques pour deux artistes contemporains très appréciés : Erwin Olaf (*1959) et Hans Op de Beeck (*1969).

Le pouvoir de la nature et des scènes poétiques

Le photographe néerlandais Erwin Olaf, basé à Amsterdam, est particulièrement connu pour ses

mises en scène et ses compositions très théâtrales. Olaf, qui au Luxembourg présente sa série Im Wald (2020), a déclaré à son sujet: «L’idée de cette série m’est venue lors d’une visite à Munich et après les réunions pour une exposition à la Kunsthalle (fin mai 2021), j’ai été invité à faire un tour avec des gardes forestiers, dans la nature et les forêts des environs de la capitale bavaroise. J’ai été très impressionné par cela et aussi ému, car je me suis rendu compte depuis un certain temps que nous, humains, commettons une énorme exploitation de la nature, sans considérer les conséquences pour notre propre survie. Mais par-dessus tout, l’indifférence de la nature et son pouvoir silencieux et écrasant m’ont fait une énorme impression. [...] C’est alors que j’ai réalisé que j’avais un sujet pour une nouvelle série de photographies. Après la série Palm Springs, en partie photographiée en plein air, j’ai ressenti le besoin de prendre un nouveau départ et de laisser derrière moi tout voyage dans le temps et toute décoration, avec un sujet qui se joue ici et maintenant et dans lequel la conception par les êtres humains ne jouerait aucun rôle. La puissance indifférente de la nature, l’arrogance de l’homme envers cette même nature et l’incessant besoin de déplacements, avec les énormes conséquences que cela implique, sont devenus le thème de la série Im Wald.»

Hans Op de Beeck, né à Turnhout et vivant à Bruxelles, travaille sur une grande variété de supports. Que ce soit pour ses sculptures ou ses installations expansives, ses aquarelles grand format ou ses vidéos et films d’animation, il utilise les stratégies de mise en scène du théâtre, du cinéma et de l’architecture pour créer des images oniriques à l’atmosphère dense, qui semblent familières et pourtant étrangères. Op de Beeck a passé plus de dix ans à travailler sur une série de grandes aquarelles monochromes qu’il peint la nuit. Les œuvres originales mesurent entre 2,5 et 5 mètres de long et abordent des thèmes classiques et contemporains. Dans de nombreux cas, il s’agit de scènes poétiques représentant des lieux nocturnes mystérieux, parfois peuplés de personnages anonymes. Comme dans l’ensemble de son œuvre, c’est l’ambiance de l’image qui est importante. Cela vaut également pour ses sculptures, qui sont généralement présentées dans des environnements monochromes en gris : une jeune fille endormie sur un radeau flottant dans l’eau, ou deux jeunes amoureux assis ensemble sur une falaise. L’art et le quotidien se confondent ; des personnes et des objets au rendu réaliste se transforment en sculptures dans un monde monochrome où la vie semble arrêtée.

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Edward Steichen (1879-1973), Carl Sandburg, 1923, printed after 1953, gelatin silver print, toned, Collection MNAHA

Nouvelles collaborations

L’idée d’une collaboration avec Erwin Olaf est née à Bruges, où j’ai travaillé pendant plusieurs années comme conservateur en chef du musée Memling. J’ai invité l’artiste à visiter l’exposition William Kentridge : Smoke, Ashes, Fable (2017/2018), dans l’espoir de l’intéresser à un futur projet au musée. Comme j’ai commencé à travailler au Luxembourg peu après, le projet ne s’est pas concrétisé. Cependant, Erwin m’a contacté au musée, une institution qu’il connaissait bien puisqu’il y avait exposé une œuvre pour le Mois européen de la photographie (EMOP) en 2015, que le musée a ensuite acquise. La discussion renouvelée et le nouveau lieu ont donné lieu à des idées nouvelles. Il venait de commencer à photographier en dehors de son studio pour la première fois et travaillait sur une série Im Wald (2020) qui me rappelait les photographies de paysages de Steichen. En même temps, je pensais aux paysages monumentaux en aquarelle de Hans Op de Beeck, qui, bien qu’ impressionnants, n’avaient pas encore été beaucoup montrés dans les institutions publiques.

Une nouvelle phase dans l’œuvre photographique d’Erwin Olaf, les dessins aquarellés relativement

peu connus et les sculptures récentes de Hans Op de Beeck, combinés au petit groupe de photographies de paysages de Steichen, semblaient offrir un matériel passionnant pour une exposition. L’idée a séduit Erwin et Hans, qui ne s’étaient jamais rencontrés auparavant mais qui admiraient leurs œuvres respectives et les photographies de Steichen. Leur toute première collaboration est désormais exposée dans la salle Wiltheim du musée, du 16 décembre 2022 au 11 juin 2023. L’exposition présente quelque 43 photographies, de grandes aquarelles et des sculptures. Les œuvres d’Erwin Olaf et de Hans Op de Beeck présentent des liens surprenants avec la photographie de paysage de Steichen tout en nous permettant de revisiter l’œuvre familière du photographe luxembourgeois avec un regard neuf. Bien que très différents, les trois artistes s’unissent comme des musiciens virtuoses pour créer une nouvelle harmonie, une présentation richement variée d’images en noir, blanc et tons gris, dont l’unité et la cohérence sont frappantes.

Ruud Priem, chef de service & conservateur des collections Beaux-Arts, MNAHA

29 NATIONALMUSÉE UM FËSCHMAART • ERWIN OLAF & HANS OP DE BEECK: INSPIRED BY STEICHEN
Erwin Olaf (*1959), Im Nebel, 2020, archival pigment print
30 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023 Rafał Milach, STRIKE 2020

ARTISTES

COMMISSAIRES

BODIES OF IDENTITIES

Dans le cadre de la 9e édition du Mois européen de la photographie « Rethinking Identity », le Casino Luxembourg propose sous le titre « Bodies of Identities » une exposition qui s’interroge sur les enjeux complexes de l’identité dans notre société contemporaine.

Aujourd’hui, les questions identitaires se posent par rapport à des orientations équivoques, parfois conflictuelles, au croisement des problématiques psychologiques, philosophiques, biologiques, géographiques, culturelles et socio-politiques. Les œuvres très variées d’une vingtaine d’artistes se confrontent en dialoguant sur les rapports de subjectivités et de tensions sociales dans un monde en crise tout en conjurant les hiérarchies et les politiques d’identité actuelles.

Pour Louisa Clement, le corps humain fragmenté représente un point de départ à une analyse de ce dernier en tant que matière et motif. Elle présente avec son installation 55 Heads, cinquante-cinq portraits photographiques de têtes de mannequins de vitrine. Bien que dépourvues de visages, chaque portrait dévoile son identité par le biais de différents attributs qui lui sont propres : la forme de la tête, sa position, sa matière, sa surface ou encore sa couleur. En mettant en évidence cette individualité, Clement questionne la notion de neutralité du mannequin et l’impossibilité de la représentation d’un corps-type. Ces portraits ne sont pas sans évoquer une certaine esthétique propre aux avatars ou autres corps numériques.

31 CASINO LUXEMBOURG – FORUM D’ART CONTEMPORAIN • BODIES OF IDENTITIES CASINO LUXEMBOURG FORUM D’ART CONTEMPORAIN
YOUNES BABA ALI, LORRAINE BELET, ALINE BOUVY, LOUISA CLEMENT, EFFI & AMIR, ANETA GRZESZYKOWSKA, PHILOMÈNE HOËL, BHARTI KHER, RAFAŁ MILACH, ALBAN MUJA, PEDRO NEVES MARQUES, JULIAN PALACZ, LUKAS PANEK, DITA PEPE, LUCIA PIZZANI, SILVIA ROSI, MARIANNA SIMNETT, ANDRZEJ STEINBACH, VINCE TILLOTSON, ROMAIN VADALA PAUL DI FELICE, KRYSTYNA DUL (CAFÉ-CRÈME ASBL) & KEVIN MUHLEN, STILBÉ SCHROEDER (CASINO LUXEMBOURG)
SEE INSERT FOR ENGLISH TRANSLATION

Shy Yume, un avatar de la femme idéale créée à partir d’un sondage effectué auprès des internautes sur un site pornographique et évoluant désormais sur les réseaux sociaux, est au centre de l’installation Shy de Lorraine Belet. Son portrait occupe un écran placé sur des extraits de conversations de forums en ligne imprimés. On peut y lire des détails sur la relation - souvent violente et abusive - qu’entretiennent les internautes avec leur avatar. Shy - produit archétypal de fantasmes - devient en même temps un miroir ouvrant vers

une identification et une résonance avec le spectateur. Belet nous ouvre les profondeurs abyssales du monde virtuel et de ses rapports désincarnés.

C’est un acte purement volontaire que Marianna Simnett effectue dans son œuvre vidéo The Needle and the Larynx. Elle s’y fait injecter du Botox directement dans le muscle crico-thyroïdien, empêchant ainsi celui-ci de se contracter. Cette paralysie temporaire a pour effet un abaissement du timbre de la voix de l’artiste. Simnett se soumet ici à une procédure habituellement faite sur des hommes afin de leur conférer une voix plus profonde, plus masculine. Dotée d’une voix désormais étrangère – l’artiste fait l’expérience d’une aliénation de son propre corps. Par ce geste, elle questionne les stéréotypes des corps et des genres ainsi que leur perpétuation rendue possible par de telles interventions chirurgicales. Le corps – et de fait l’identité – deviennent une matière malléable et transformable à souhait par le biais d’interventions d’une violence indéniable.

La voix, respectivement les sons produits par notre corps et ses organes, sont également au centre du film By the throat du duo Effi & Amir. Contrairement à Simnett, Effi & Amir explorent la manière dont notre voix et notre prononciation sont profondément ancrés en nous et comment ils dévoilent certains aspects de notre identité, souvent malgré nous. Des sons et mots prononcés deviennent ainsi des facteurs d’identification et de détermination d’appartenance à un territoire ou à un groupe. Le Shibboleth, un test linguistique déterminant l’appartenance à un groupe par la voix, remonte à l’antiquité biblique et se voit toujours pratiqué à des points de frontière où la provenance de la personne - révélée par sa voixdéterminera si elle pourra accéder à ce territoire. By the throat explore de manière documentaire et scientifique différentes manifestations de Shibboleth et les destins rattachés à cette identité profonde portée par les sons de notre voix.

32 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
Lucia Pizzani, Maga unicorn
33 CASINO LUXEMBOURG – FORUM D’ART CONTEMPORAIN • BODIES OF IDENTITIES
Aneta Grzeszykowska, Beauty Mask #8, 2017
34 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
Romain Vadala, Baptiste (Néos), 2023.

Les corps s’effacent entièrement dans la série d’impressions numériques Candids de Julian Palacz. Ici, la figuration laisse place à une abstraction composée d’un dense réseau de lignes vibrantes. Cette image est le résultat d’une analyse algorithmique de vidéos privées de l’artiste. Les lignes retracent tous les mouvements des corps à l’intérieur du cadre de la vidéo. Sans en dévoiler le contenu, Palacz met à nu des moments de sa vie par le biais d’une transformation numérique. L’artiste va même jusqu’à partager le code de déverrouillage de son téléphone portable dans la série de cubes d’acier intitulée 17352799. Les outils numériques de sécurité, de surveillance et d’analyse numérique deviennent pour Palacz des outils de création tout en étant un reflet de nos identités exposées à ces algorithmes.

La vidéo The Pudic Relation Between Machine and Plant de Pedro Neves Marques met en scène une main robotique caressant les feuilles d’une plante - un Mimosa Pudica (mimosa pudique). Sur un fond de laboratoire, cette relation aux connotations sensuelles et sexuelles entre une machine et une plante pose la question de la sensibilité des plantes au toucher et vice-versa de la capacité des robots à reproduire les mouvements du corps humain, et donc aussi d’imiter le toucher sensuel d’une main humaine. Pedro Neves Marques tend un arc entre les réflexions et recherches botaniques du 18 e siècle sur la sensibilité des plantes et la pensée post-humaniste contemporaine.

35 CASINO LUXEMBOURG – FORUM D’ART CONTEMPORAIN • BODIES OF IDENTITIES
Louisa Clement, 55 heads, 2014. Vue d’installation Ludwigsforum, 2019.

Dans la série de Acorazadas (Blindé), de Lucia Pizzani, le jeu d’apparition et de disparition, mais aussi de protection et d’intégration, révèle une recherche esthétique et écologique sur l’idée d’une seconde peau qui protège du monde extérieur. Ses collages d’images de magazines, extraits de la nature et d’autoportraits qui sont en symbiose avec ces organismes, évoquent une nouvelle identité humaine fusionnelle avec le monde des plantes et animaux.

Les figures hybrides Intermediaries créées par Bharti Kher font se rencontrer des cultures, croyances et esthétiques différentes, mais aussi des matières et formes qui, au départ, n’étaient pas pensées pour se côtoyer et partager un espace physique rapproché. À partir de fragments de figurines et de sculptures, parfois en y ajoutant des formes abstraites, Kher fait surgir des personnages aux identités métissées. Ces assemblages et leurs raccords ne sont pas parfaits ; ce qui leur confère une force évocatrice et une plasticité assumée et authentique. Kher crée ainsi des figurines à l’image de nos sociétés contemporaines. L’icône ancestrale laisse place à de nouvelles formes identitaires empreintes d’altérité et de mixité.

36 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
Aline Bouvy, Urine Mate I, 2015.
37 CASINO LUXEMBOURG – FORUM D’ART CONTEMPORAIN • BODIES OF IDENTITIES Alban Muja, It’s a Beautiful Name But It Can Sometimes Be a Burden, 2021.

Dita Pepe, Dame Astrid, 2021

La majorité des filles abordent cette profession de manière décalée. Elles ne réalisent pas vraiment les risques impliqués. Elles pensent : « Ouais, je peux gérer. Les gens me regarderont bizarrement, et puis après je m’en fiche ! » Mais elles ne réalisent pas qu’à l’avenir, elles ne pourront pas travailler avec des enfants, dans la santé publique ou ailleurs. Et elles doivent filtrer les entreprises qui disent non parce qu’elles étaient dans le porno. Par exemple, j’en suis arrivée à la conclusion que je ne veux coucher qu’avec des personnes qui m’attirent. Je n’aime pas quand on m’envoie quelqu’un que je n’aime pas, mais je ne dirai pas non. C’est comme la prostitution - les gens qui paient pour ça sont surtout plus âgés ou moins attirants. Un jeune mec attirant ne lâchera pas du fric pour vous ; ça n’arrive qu’une fois tous les trente-six du mois. Ce que je n’aime pas dans ce travail, c’est être avec quelqu’un qui me répugne. C’est ce qui peut vous arriver de pire. Mais tout le monde a son prix, donc quand on me propose le juste prix, je suis prête à y retourner, pour une nuit seulement. Mais sur le long terme, ça ne sera plus mon souci ; je refuse.

Texte (extrait du livre Les frontières de l’amour, 2021) de Zuzana Kolarzova, auteure de l’étude Pornoherectví jako profese (La pornographie comme profession, 2019) à l’Université Palacky d’Olomouc sous la supervision du sociologue Martin Fafejta.

38 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023

Dans sa pratique artistique, Dita Pepe explore le large éventail d’existences et d’identités qu’elle aurait pu avoir dans des réalités parallèles. Le «et si...» induit une recherche concernant les expériences d’autres femmes, ici en particulier - celle des travailleuses du sexe. Leurs histoires et identités visuelles servent Pepe comme filtres pour se concentrer sur ses propres sentiments tout en interrogeant les rapports de pouvoir. Un peu comme dans un jeu de masquerade, elle se vêt de leur peau visuelle et émotionnelle pour se mettre en scène devant sa propre caméra. Se promenant dans le monde de nombreuses possibilités, elle cherche son propre espace, sa propre voie.

Aneta Grzeszykowska, dans la série Beauty Mask, prend son propre visage comme point de départ pour interroger - par le procédé du « morphing » - les fondements mêmes de la représentation visuelle des êtres humains. Les masques de beauté cachent son identité, mais déforment également et de façon sévère sa physionomie. Contrairement à ce qu’ils promettent, les masques apparaissent comme un rappel brutal des effets de la chirurgie esthétique, évoquant des pratiques SM. Le visage de la femme est déformée au point de faire ressembler le masque à une muselière ce qui témoigne des contraintes que la société impose aux femmes en raison de leur sexe. [gender-based]

Philomène Hoël associe image, film et performance pour mettre en scène et actionner des scénarios de crise du réel. Elle est fascinée par les conflits d’identité et la construction de subjectivités, comme le montre son diptyque Niki. Parfois absurdes ou étranges, ses œuvres puisent dans ses propres souvenirs, ceux de partenaires, d’amis, de proches ou d’inconnus ; elles montrent notre désir de dissoudre notre individualité au gré de nos rencontres et posent la question de la subjectivité construite et de la fiction d’un soi. Son travail s’intéresse à toutes les formes de résistance, de rejet, de répulsion, mais aussi de confusion, d’angoisse, de désir.

Aline Bouvy puise son inspiration dans les éléments qui font partie de son quotidien. Ceux-ci forment un composé étrange qui génère, selon les circonstances, des pulsions créatives qui interrogent l’objet. Ainsi, son œuvre Urine Mate est

une allusion à la masculinité et au quotidien, en même temps qu’elle est un jeu sur les mots anglais mate (copain, mec) et made (fait). Ainsi, « Urine Made » est un clin d’œil à la photographie présentant une sculpture dont le moule en plâtre a été mélangé à l’urine de l’artiste dans le quotidien intime de son atelier. Bouvy soulève la question de la définition de matière première authentique, ici l’urine et le plâtre. Le travail d’Aline Bouvy s’inscrit dans cette ambition profonde de nous ramener à la simplicité humaine, en dépassant les connotations construites, hiérarchisées et politiques de notre société. (1)

Dans Figur I, Andrzej Steinbach attire notre regard sur une jeune femme au crâne rasé et au regard équivoque. Ses différentes poses sont autant de facettes de son identité, ce qui rend impossible de savoir qui elle est réellement. L’arrière-plan neutre et les vêtements qu’elle porte ne livrent aucun indice. Sa posture et son langage corporel, qui font subtilement référence au langage gestuel de la photographie de mode, se moquent de toute perception établie du genre et déconcertent. Steinbach nous invite à ralentir, à regarder de plus près et à étudier les similitudes et les différences. Cependant, il semble qu’il n’y ait aucun moyen de sortir de cette ambivalence.

Romain Vadala questionne sa relation avec les images omniprésentes dans les médias. Né dans les années 90, il grandit au moment où l’Internet, puis les smartphones et les médias sociaux, deviennent une partie intégrante de notre vie quotidienne. Ses portraits flous et esthétisants sont une réflexion sur le temps présent et sur une jeunesse qui vit inévitablement avec un sentiment d’ambivalence face à la déconstruction constante du sens et des valeurs connues. Reflétant cette réalité instable, leur identité visuelle subit en accéléré tous les changements : entrer dans l’âge adulte, s’adapter aux règles du monde virtuel, définir son genre.

(1) Extrait d’un article d’Audrey Christiaens à l’occasion de l’exposition de l’artiste Urine Mate à la Galerie Albert Baronian, Bruxelles (Belgique), 15 janvier-15 février 2016.

39 CASINO LUXEMBOURG – FORUM D’ART CONTEMPORAIN • BODIES OF IDENTITIES

Les peintures et vidéos de Lukas Panek explorent la circulation et la modification des images de nos jours. À partir de divers points d’entrée, il dirige à plusieurs reprises son attention vers les subtilités de l’économie de la production d’images contemporaines. Examinant les hiérarchies au sein des cultures axées sur l’image, Panek dissèque non seulement celles qui existent entre les images individuelles et leur contenu, mais aborde également la relation critique entre leur utilisation et leur reproduction. Il les identifie en outre comme des compagnons dépréciés de la vie quotidienne, cherchant à renforcer leur dimension sociale dans des domaines qui vont bien au-delà du simple privé et personnel. Quand on les regarde, elles deviennent les archétypes d’une expérience universelle : les formes fondamentales de nos co-existences.

Chez Vince Tillotson, le travail porte sur l’identité collective plus que sur l’identité individuelle. Ses photographies se focalisent sur la manière dont l’architecture est utilisée comme un outil pour

refléter nos systèmes de croyances identitaires et culturelles. Dans cette série réalisée dans l’État de New York, il documente de façon conceptuelle les symboles nationalistes et l’architecture néoclassique en évoquant la fragilité de nos démocraties occidentales face au regain populiste généralisé.

Dans sa série de treize photographies It’s a Beautiful Name but it Can Sometimes Be a Burden, l’artiste Alban Muja s’intéresse aux prénoms portés par les personnages qui figurent dans l’image. Chacun d’entre·eux porte avec lui une relation particulière à ce prénom. Celui-ci leur a été attribué pour différentes raisons ; anecdotiques pour certains, symboliques pour d’autres. Avec le temps ces raisons sont devenues une partie intégrante de leur identité et les aura marqués à un moment ou un autre de leur vie. La beauté des noms se trouve aussi dans ces histoires qu’ils racontent.

Née en Italie, d’origine togolaise, Silvia Rosi s’intéresse aux questions d’identités dans le

40 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023

contexte de la diaspora africaine sur le sol italien. En s’inspirant des portraits en studios africains, elle déconstruit les codes identitaires familiaux et culturels à travers des autoportraits où elle incarne sa mère voire son père pour raconter leur histoire de migrants. Dans sa série récente Teacher Don’t Teach Me Nonsense, l’artiste, portant un vêtement en tissu dans la tradition togolaise représentant des chiffres et des lettres, se trouve devant un fond du même motif, ne laissant apparaître que son visage. Ainsi elle semble, comme l’exprime le curateur Awa Konaté (magazine Foam ) « indétectable du regard colonialiste ».

Les personnages photographiés par Younes Baba

Ali arborent des vêtements ou accessoires marqués par l’inscription « Italia ». La provenance de ces personnes n’est pas dévoilée, pourtant il apparaît assez clairement qu’il s’agit ici de migrants. Pure nécessité vestimentaire ou marque du désir d’identification à ce nouveau contexte et à la population locale ; la question reste ouverte. La

gravité du positionnement politique italien actuel face aux migrants n’en est que plus accentuée.

Dans la série STRIKE de Rafał Milach, les regards suivent le spectateur, interrogeant le concept d’identité construit en réponse à des événements socio-politiques. La curiosité des observateurs se mêle à la colère et à la détermination des manifestants. Accumulant plusieurs niveaux visuels d’interprétation, une grille de lecture est proposée qui interroge les différentes prises de position par rapport à une série de protestations citoyennes contre la limitation des droits des femmes en Pologne. On est déboussolé et on se demande qui se positionne comment dans ce conflit. Ces personnes font-elles partie de la protestation ou sont-elles indifférentes ? Ce qui semblait être une présence fortuite qui aurait pu passer inaperçue devient élément intégrant d’un manifeste politique.

41 CASINO LUXEMBOURG – FORUM D’ART CONTEMPORAIN • BODIES OF IDENTITIES
Paul Di Felice, Krystyna Dul, Kevin Muhlen, Stilbé Schroeder
Philomène Hoël, Nikki (dyptich), 2023.
42 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
Raphaël Lecoquierre, Nūbēs (documentation), 2022.

COMMISSAIRES

TILLS: RAPHAËL LECOQUIERRE

Raphaël Lecoquierre développe une pratique intimement

liée à l’image photographique, aussi bien ses propriétés matérielles propres que son pouvoir suggestif, qu’il manipule à l’aide d’expérimentations et de procédés singuliers. Son travail est à la fois minimal, poétique et radical. Il questionne notre rapport au visible et au déferlement aliénant des images qui nous entourent.

Entamée à partir de 2010, suite à la découverte inopinée d’un ensemble de photos échouées sur un bord de mer, le corpus Nūbēs (Nuages en latin) actuellement centrale dans son travail, regroupe un ensemble diversifié de tableaux, sculptures et installations in-situ réalisé à l’aide d’un procédé faisant usage d’un vaste ensemble de photographies analogiques vernaculaires. Ces images de famille, de paysages et autres instants de mémoires glanées et accumulées au fil du temps, sans hiérarchie ni catégorisation particulière, sont dissoutes par oxydation afin d’en extraire la substance colorée. Les pigments prélevés sont incorporés à du stuc vénitien et utilisés comme matière première

pour la création de motifs. Les images documentant le monde disparaissent et se renouvellent à la surface de compositions picturales nébuleuses, s’apparentant à des blocs de souvenirs aux contours troubles et indéfinis. Opérant dans une dialectique entre destruction et création, Nūbēs est un espace de poésie autonome et méditatif, imaginé comme un arrêt sur images atemporels évoluant aux frontières de la représentation. Ces surfaces à l’aspect marbré invitent le regardeur à y prendre une part active en explorant sa propre imagination.

Là où Lecoquierre projette ses images dans une matérialité et temporalité autre, les figeant dans la matière pour en révéler le potentiel évocateur, l’artiste multidisciplinaire, producteur de radio et DJ Lou Drago, basé à Berlin, intervient pour insuffler une dimension sonore et performative – mais aussi méditative – à l’exposition Tills. Suspending Time représente ainsi une série de performances qui « potentialisent l’expérience du temps vertical ou non linéaire ».

43 CASINO LUXEMBOURG – FORUM D’ART CONTEMPORAIN • TILLS: RAPHAËL LECOQUIERRE CASINO LUXEMBOURG FORUM D’ART CONTEMPORAIN
KEVIN MUHLEN, STILBÉ SCHROEDER
SEE INSERT FOR ENGLISH TRANSLATION
44 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023 Celeste
À partir de ce qu’elle m’a dit, et ce que je ressens. Buenos Aires, 2019
Leeuwenburg,

COMMISSAIRE

JE SUIS MOI, JE SUIS TOI

Les expériences formatrices - de l’enfance à la maternitésont essentielles à la construction de l’identité d’une femme.

Dans son livre Le deuxième sexe, Simone de Beauvoir affirme avec éloquence que «l’on ne naît pas, mais que l’on devient femme». Le processus de construction de la personnalité des filles passe nécessairement par une identification à la mère.

Dans une relation mère-fille, les filles, du fait de leur ressemblance physique et de leur proximité, s’identifient à la figure maternelle et vice-versa. Je suis moi, je suis toi présente un portrait intime et personnel de la découverte de soi, composé de photographies et/ou d’installations vidéo d’Aneta Grzeszykowska, de Krystyna Dul, d’Eman Khokhar et de Celeste Leeuwenburg, qui abordent toutes des thèmes liés à la relation universelle mère-fille.

La sociologue Nancy Chodorow explique que «les mères considèrent leurs filles comme une extension d’elles-mêmes». Cette relation a fait l’objet d’une réflexion de la part de nombreuses artistes

NEIMËNSTER

féministes ayant œuvré dans les années 60 et 70, notamment Louise Bourgeois, Valie Export et Mary Kelly, qui ont revendiqué le passage de la maternité au maternage, c’est-à-dire du patriarcat au maternage féministe.

En tenant compte de ces idées féministes, l’artiste Aneta Grzeszykowska observe comment ces éléments sont essentiels pour forger l’identité d’une femme. Les œuvres représentent la fille de l’artiste, Franciszka, jouant avec une poupée grandeur nature de l’artiste elle-même. En s’attaquant aux rôles sexués imposés par la société, la série intitulée Mama déplace la dynamique du pouvoir vers l’enfant. Ici, la fille prend soin de l’adulte comme elle le ferait d’une poupée, et le parent devient l’objet sur lequel l’enfant projette un fantasme d’adulte. Proche de la pensée de la philosophe Luce Irigaray, Grzeszykowska souligne l’importance de rompre avec le discours répressif selon lequel la femme n’est perçue que comme une mère, et pour la fille de la reconnaître comme une femme, en prenant finalement ses distances avec la toute-puissance maternelle.

45 NEIMËNSTER • JE SUIS MOI, JE SUIS TOI
CLAIRE DI FELICE (POUR CAFÉ CRÈME ASBL) EN PARTENARIAT AVEC NEIMËNSTER ET L’INSTITUT FRANÇAIS DU LUXEMBOURG
SEE INSERT FOR ENGLISH TRANSLATION
KRYSTYNA DUL, ANETA GRZESZYKOWSKA, EMAN KHOKHAR, CELESTE LEEUWENBURG

Dans la série Becoming, l’artiste Krystyna Dul réfléchit à sa relation avec son partenaire et à la nature transformationnelle de son statut de mère depuis la naissance de leur fille. Ces scènes intimes, éclairées de façon spectaculaire, qui rappellent les représentations historiques de la Vierge à l’Enfant, exposent le caractère fusionnel de leur relation, dans laquelle la mère et l’enfant forment une unité intense. Dans ses scènes de bains, elles sont en symbiose, rappelant le

46 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
Eman Khokhar, Becoming, 2021 Aneta Grzeszykowska, Mama #10, 2018

temps que l’enfant a passé dans le ventre de sa mère. Alors que les œuvres de Grzeszykowska et de Dul commentent la relation mère-fille du point de vue maternel, Eman Khokhar et Celeste Leeuwenburg examinent individuellement les questions de filiation, naviguant entre héritage culturel et familial. Après son retour au Moyen-Orient, Eman Khokhar s’est rapprochée de sa mère et de ses racines. Son imagerie superposée, combinant des motifs culturels tels que le foulard, les perles de prière de sa mère et un autoportrait obscur, présente un voile qui à la fois cache et révèle leurs similitudes et leurs différences. Ces juxtapositions soulignent ce qui renforce leur lien.

La série de Leeuwenburg, From what she told me, and how I feel, est le résultat d’une collaboration familiale et d’un dialogue entre le passé d’une mère et le présent d’une fille. Faisant référence aux récits

et aux images des performances réalisées dans les années 1970 par sa mère l’artiste argentine Delia Cancela, le travail de Leeuwenburg prend une tournure contemporaine en combinant vidéo et images fixes.

À travers cet hommage, elle renoue avec sa mère, s’y identifie tout en créant une œuvre qui lui est propre et qui construit son identité d’artiste et de femme d’aujourd’hui.

Je suis moi, je suis toi cherche à réunir les différentes perspectives entourant la dynamique mère-fille, à la fois stimulante et inspirante, à travers un prisme social et culturel, en guise de clin d’œil aux femmes qui nous entourent, à celles que nous sommes aujourd’hui et à celles que nous deviendrons demain.

47 NEIMËNSTER • JE SUIS MOI, JE SUIS TOI
[I]
192
O‘Reilly, Andrea (2008) Feminist Mothering, State Univ of New York Pr. p.
Krystyna Dul, Nursing Madonna (Becoming IV), 2021
48 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
Ofir Berman, Jerusalem, Israel, 2018

A ROOM OF ONE’S OWN

«La liberté intellectuelle dépend des choses matérielles. (...) Les femmes ont eu moins de liberté intellectuelle que les fils des esclaves athéniens. Les femmes n’ont donc pas eu la moindre chance d’écrire de la poésie. C’est pourquoi j’ai tant insisté sur l’argent et une chambre à soi.»

Virginia Woolf - A Room of One’s Own

L’exposition tire son nom du livre A Room of One’s Own écrit par Virginia Woolf, l’une des romancières modernistes les plus remarquables du XXe siècle. Woolf y évoque les inconvénients d’être une femme dans le monde de l’art dominé par les hommes - en particulier sur la scène littéraire - et propose des moyens de faire ressortir la créativité des femmes à travers des histoires qui oscillent entre réalité et fiction.

L’exposition A Room of One’s Own réunit des artistes qui résistent aux conventions et transcendent les frontières dans leurs travaux photographiques docu-

mentaires qui s’apparentent à la fiction. Chaque artiste cherche les traces de son identité dans la mémoire collective de sa ville natale, les traditions et les récits du passé.

Cansu Yıldıran (née en 1996, Turquie) a photographié sa ville natale de Caykara, dans la région de la mer Noire, où la tradition interdit aux femmes de posséder une maison ou des terres. Même si la migration saisonnière fait encore partie de la culture des habitants de la région, dont la plupart sont des descendants grecs, les femmes doivent relever d’autres défis pour conserver un sentiment d’appartenance et d’identité. À travers la série Dispossessed (Dépossédées), Yıldıran se lance dans un voyage personnel à la recherche de ses racines tout en posant des questions sur la dynamique du pouvoir dans une société en constante évolution.

49 NEIMËNSTER • A ROOM OF ONE’S OWN
NEIMËNSTER COMMISSAIRE YASEMIN ELÇI (POUR CAFÉ CRÈME ASBL)
SEE INSERT FOR ENGLISH TRANSLATION

Ofir Berman (né en 1991, Israël) saisit la vie quotidienne d’une communauté qui défie le temps et l’espace au milieu d’Israël, l’un des pays les plus avancés sur le plan technologique. Les habitants de Mea Shearim résistent aux normes du 21e siècle. Ce quartier isolé invente ses propres règles. En errant dans Mea Shearim, Berman se retrouve parmi de «vieux» enfants et de «jeunes adultes» - ou comme si les adultes étaient piégés dans des corps d’enfants. En tant qu’étrangère, en tant que femme, en tant que photographe, elle ne peut ni se cacher ni se fondre dans cet environnement. L’appareil photo devient son seul lien avec le monde extérieur, où elle a peur d’être remarquée.

50 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
Imane Djamil: By the Yard III, 2020

Dans 80 Miles to Atlantis, Imane Djamil (née en 1996, Maroc) photographie les habitants de la côte historique de la ville saharienne de Tarfaya qui vivent parmi les fantômes du passé. Les vestiges de l’architecture qui deviennent son terrain de jeu mêlent le passé colonial et le présent postcolonial de sa ville natale. Les ruines reviennent à la vie dans les scènes de Djamil, qui ressemblent à des images de film, brouillant ainsi les frontières entre réalité et mythe. L’artiste critique l’apathie de l’État à l’égard de la préservation de son patrimoine culturel.

51 NEIMËNSTER • A ROOM OF ONE’S OWN
Yasemin Elçi (traduit de l’anglais par Paul di Felice) Cansu Yıldıran: Ayşe
Hala, 2016
52 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
Anna Krieps: Title: Instaspacewalk 2, 2022, Place: Instagram Museum Berlin

RÉVÉLATION(S)

- PORTFOLIO REVIEW 2023

STEVEN DA CRUZ GONÇALVES, MANON DIEDERICH, ANNA KRIEPS, BRUNO OLIVEIRA, PIT REDING, ANNE SPELTZ, POL TRIERWEILER

L’édition 2023 de la Portfolio Review, organisée par Café

Crème asbl, réunit huit artistes sélectionnés par un jury du Mois européen de la photographie du Luxembourg sous le thème de Rethinking Identity. Ils présentent leurs travaux devant des experts européens de la photographie contemporaine lors de la journée Révélation(s) Portfolio Review à neimënster.

Soucieux de donner une plus grande visibilité aux artistes émergents luxembourgeois, les organisateurs ont initié une nouvelle formule qui propose, à côté de la présentation individuelle devant un public, une exposition à la «Chapelle» du Centre Neimënster d’œuvres choisies de la sélection 2023. Appelés à faire une proposition en lien avec la thématique Rethinking Identity, les artistes sélectionnés ont préconisé une façon pertinente et originale de s’exprimer en choisissant des contextes personnels et des situations particulières fortement ancrés dans leur quotidien. Les photographies de Steven da Cruz, souvent présentées dans des mises en scène baroques, parlent d’un certain malaise d’une génération dont le regard sur le corps, la beauté et les normes sociales sont en mutation. On retrouve aussi le caractère baroque dans les œuvres de Bruno Oliveira qui nous parlent dans un style poétique et autobiographique de migration et de communautés. L’esthétique « Queer » relie certains travaux de ces jeunes artistes luxembourgeois qui n’ont pas peur de

montrer leur vulnérabilité. C’est le cas de Pit Reding qui partage ses réflexions artistiques avec l’idéologie des membres de LGBTIQ+.

La question de l’identité dans le contexte des dynamiques de pouvoir respectivement post-coloniale et féministe est abordée avec humour par Manon Diederich dans ses séries de collage Postcards from Brussels et Bouchée à la reine. Une autre forme d’humour se trouve dans les séries d’Anna Krieps qui photographie sa sœur l’actrice Vicky Krieps en astronaute dans différentes situations. Cette création de son alter ego dans ses mises en scènes photographiques est le résultat d’une longue obsession d’identification avec le personnage du spationaute. Chez Pol Trierweiler la quête de l’identité est liée à un retour à l’enfance. L’espace vert du jardin avec toute sa mémoire positive est pour lui une façon d’aborder l’autoréflexion et l’auto-identification dans un climat de méditation.

De cette préoccupation individualiste, on passe à une démarche plus sociale à travers la photographie documentaire d’Anne Speltz qui s’intéresse à l’autre à travers des projets participatifs qui intègrent les protagonistes tout en posant aujourd’hui la question de l’identité autrement.

53 NEIMËNSTER • RÉVÉLATION(S) - PORTFOLIO REVIEW 2023 NEIMËNSTER
SEE INSERT FOR ENGLISH TRANSLATION
54 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
Manon Diederich Magischer Determinismus oder Wenn man die Erinnerung löscht, 2021, Cologne, from the series Postcards from Brussels, Mixed Media Steven da Cruz Gonçalves, Rough as Silk, 2022, Series: Holidays from Morality

Dans une petite forêt à l’extérieur de la ville frontalière de Bihac, de jeunes réfugiés vivent sous des tentes. Ils n’ont accès à aucune infrastructure. A quelques kilomètres de là se trouve un camp officiel, mais il ressemble à une prison : il est clôturé, les entrées et les sorties ainsi que la cuisine sont réglementées, et il n’y a pas d’autre campement au loin. De plus, il est trop éloigné à pied de la frontière bosno-croate, ce qui complique la poursuite du voyage des migrants. Beaucoup préfèrent donc vivre dans des maisons vides ou dans des tentes près de la frontière et être indépendants. Bihac (Bosnie), février 2022 / De J’attends le bonheur

55 NEIMËNSTER CHAPELLE • RÉVÉLATION(S) - PORTFOLIO REVIEW 2023
Anne Speltz [FR]
56 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
Pol Trierweiler, Untitled, Series: 32° and tears, 2021-2022
Pit Reding, Wilson, Series: Human, 2022
57 NEIMËNSTER CHAPELLE • RÉVÉLATION(S) - PORTFOLIO REVIEW 2023
Bruno Oliveira, Trapped in the attic, Series: Tales of Junior, 2022

ARTISTES

RÉVÉLATION(S) / PORTFOLIO PLATEFORME – LUXEMBOURG ÉDITION 2021

CARTE BLANCHE AUX ARTISTES-PHOTOGRAPHES SÉLECTIONNÉS EN 2021

Révélation(s)/Portfolio – Plateforme est le titre donné à un événement organisé par Café-Crème asbl où des artistes du Luxembourg et de la grande région présentent leur travail à des experts européens de photographie contemporaine.

A la différence des revues de portfolios classiques, l’artiste sélectionné par un jury du Mois européen de la photographie du Luxembourg est invité à présenter et commenter son travail en public à travers un exposé d’environ dix minutes en anglais. A la fin de toutes les présentations, l’artiste échange individuellement avec chaque expert présent qui commente son travail en tête à tête.

La présentation du travail devant public, pour l’édition 2021, a eu lieu au Casino Luxembourg - Forum d’art contemporain. Huit experts européens ont assisté aux présentations et ont échangé avec les artistes. Il s’agissait de : Delphine Dumont (directrice, Photo Brussels Festival + Hangar, BE), Christian Gattinoni (critique d’art + rédacteur en chef de la revue en ligne « www. lacritique.org », FR), Emmanuelle Halkin (commissaire d’exposition, Festival Circulations, FR), Verena Kaspar Eisert (curatrice, Kunsthaus Wien, AU), Rui Prata (directeur, Imago Lisboa, PT), Claartje van Dijk (curatrice, Foam, NL), Anouk Wies (directrice artistique, Ratskeller, LU).

58 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
PORTFOLIOS REVIEW ÉDITION 2021
BRUNO BALTZER & LEONORA BISAGNO, JUSTINE BLAU, MARIE CAPESIUS, LISA KOHL, LUCAS LEFFLER, ROZAFA ELSHAN, CAECILIA TRIPP, SILJA YVETTE
SEE INSERT FOR ENGLISH TRANSLATION

SILJA YVETTE METAPHYSICS OF CORE MATTER

Metaphysics of Core Matter est un projet qui se situe à l’intersection de l’art, de la recherche et de l’industrie. Il s’agit de l’investigation artistique d’objets d’emballage, dont le caractère essentiel réside dans le moulage enveloppant des marchandises désirées. Leur expansion et leur dimension, qui sont problématiques pour l’environnement, sont explorées à travers la réalisation de sculptures éphémères dans le cadre de l’atelier de l’artiste, sur des sites industriels ou en laboratoire d’essais servant à tester du matériel photos et autres matériaux. Les matériaux dominants de notre époque subissent une transformation dans ce travail - une réévaluation. Cette œuvre plonge dans un domaine métaphysique, examine l’essence même de ces matériaux

Dans le contexte social, ces corps d’emballage doivent être compris comme des archétypes de la consommation et du commerce ; des articles produits en série en mousse, en polystyrène ou en aluminium, qui perdent leur valeur dès qu’ils ont rempli leur fonction. En raison de leur omniprésence, Silja Yvette considère ces matériaux comme des «pigments» de notre époque. Ces matériaux, si vite déclassés, sont soignés, hissés sur un piédestal symbolique et, en fin de compte, ils indiquent ce qu’ils représentent réellement : une image iconique de la réalité contemporaine de la vie accélérée. Une boîte à outils de la modernité.

Contrairement aux motifs des images, la série s’efforce de rendre sa propre production photographique respectueuse de l’environnement et utilise avant tout des matériaux bio-sourcés et recyclés..

59 PORTFOLIOS REVIEW ÉDITION 2021 • RÉVÉLATION(S) / PORTFOLIO – PLATEFORME – LUXEMBOURG ÉDITION 2021
Silja Yvette, Full Fill Fall, Metaphysics of Core Matter, 2021

BRUNO BALTZER & LEONORA BISAGNO

Bruno Baltzer et Leonora Bisagno constituent, depuis 2014, un duo d’artistes.

Après une série de collaborations et deux démarches artistiques distinctes, leur recherche pluridisciplinaire s’est unie sous le signe de la photographie. Ils travaillent entre Luxembourg et Greve dans la région de Chianti en Italie.

Avec leur travail prolifique et multiforme, Baltzer et Bisagno analysent les représentations du sujet politique ainsi que la condition contemporaine de

l’image. Grâce à l’utilisation stratégique d’outils et de protocoles, ils explorent des questions sociétales dans le cadre de projets in situ et participatifs. À travers une position de contingence, élaborée en réponse à un contexte précis - un séjour à l’étranger, un événement politique proche, une actualité - ils insufflent une variation symbolique destinée à déjouer les modes de représentation dominants. Par le biais d’un “making of” original, ils inscrivent dans leurs œuvres différents récits par l’emploi de procédés spécifiques tels que la trace, le détournement, la mise en abyme.

S’ouvrant à des dynamiques relationnelles, leurs gestes sont révélés par des «strates» exprimant la complexité culturelle, politique, technique de nos sociétés.

Dans leur travail en galerie ou dans l’espace public, Bisagno et Baltzer explorent la notion de sphère publique, de sa représentation visuelle et de son traitement. En témoigne notamment Notre-Dame (2015), une série photographique pour laquelle ils ont demandé à des touristes chinois venus visiter la célèbre cathédrale parisienne de poser avec leur fille dans les bras. Par cette stratégie picturale et ce simple geste – un renversement de la perspective et une accolade entre générations et continents – leur travail ouvre sur d’autres mondes (images) possibles.

60 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
Bruno Baltzer & Leonora Bisagno, notre-dame, 2015

MARIE CAPESIUS VARVAKIS

Par l’oeil du faucon, Je t’ai reconnu.

À travers les siècles, Les générations et les chemins qui traversent les pays. En quoi notre lignée nous façonne-t-elle ? Que reste-t-il du passé en nous ?

Je parcours les lignes et les traces qui nous relient.

Varvakis est le nom de mon ancêtre et navigateur grec qui a fait fortune en développant au 19ème siècle une méthode de conservation pour exporter du caviar dans le monde entier. Il a soutenu la Grèce dans sa lutte pour l’ indépendance et, à sa mort, lui a légué sa fortune. Il est jusqu’à aujourd’hui reconnu comme un héros national. Son surnom, Varvakis, lui a été donné d’après un oiseau de proie de son île natale, Psara, à cause de ses «yeux perçants».

En 2019, j’ai engagé les débuts de mes recherches sur Varvakis dans le cadre d’un workshop en « Photographie et psychogéographie » à Athènes. J’ai collecté des histoires et documents de famille, dans

l’intention de trouver des restes du passé qui sont encore présents, que ce soit physiquement ou à travers la mémoire des personnes. En m’inspirant de la « dérive » des Situationnistes comme méthode de travail sur le terrain, je me suis fiée à la fois aux fruits de mes recherches et à un élément essentiel dans mon approche artistique : mon intuition.

En 2020, j’ai obtenu la bourse de création du Centre National de l’Audiovisuel pour la série Varvakis et en 2022, un extrait du travail sera présenté dans le projet et publication H - the notion of humanistic photography, une collaboration entre le CNA au Luxembourg et la Kaunas Gallery en Lituanie.

Dans la série Varvakis, je questionne la notion d’identité, de quelle manière elle est façonnée par nos origines et l’histoire de notre famille. J’examine ce qui reste du passé en nous et dans quelle mesure cela nous influence, consciemment ou inconsciemment. J’utilise des morceaux de l’histoire de Varvakis comme trame narrative et utilise des symboles afin d’aborder des sujets plus larges, tels que la génétique et la psycho-généalogie.

61 PORTFOLIOS REVIEW ÉDITION 2021 • RÉVÉLATION(S) / PORTFOLIO – PLATEFORME – LUXEMBOURG ÉDITION 2021
Marie Capesius, Varvakis, 2019-2022

LUCAS LEFFLER

Lucas Leffler (°1993) est un jeune artiste visuel qui vit et travaille à Bruxelles. Après des études techniques en photographie à la HELB et un master artistique à la KASK de Gand, il développe aujourd’hui une pratique artistique mêlant expérimentation chimique de la photographie, installation, édition ou encore performance.

Cette pratique questionne la nature de l’image photographique, à travers sa technique et son histoire. Elle est motivée par une fascination pour la matière produite par la chimie argentique, et par la nature bivalente de l’image photographique: un statut alchimique situé quelque part entre science et magie.

«Mon approche est essentiellement expérimentale et tend à faire transformer ma pratique photographique

vers d’autres formes comme la sculpture ou encore l’installation. Je cherche à déborder de la planéité de la surface photographique pour élargir ses possibilités plastiques. Je m’inspire beaucoup de mythes, de faits historiques souvent liés à la photographie, et je m’en sert comme base pour les interpréter ou pour créer de nouvelles histoires par le biais de mises-en-scène et d’expérimentations.»

Son travail a notamment été exposé à Contretype (Bruxelles), Galerie Satellite (Liège), au festival ManifestO (Toulouse) et au Musée de l’Elysée (Lausanne) pour l’exposition quinquennale reGeneration4. Sa récente publication Zilverbeek (Silver Creek) est sortie en automne 2019 avec l’éditeur néerlandais The Eriskay Connection. Son travail sera prochainement montré au Hangar Art Center (Bruxelles) dans le cadre du PhotoBrussels Festival, ainsi qu’à la Biennale de l’Image Tangible à Paris.

62 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
Aperçu de l’installation de Lucas Leffler

JUSTINE BLAU PHUSIS, PHOTOGRAPHIE 2022

La définition de «nature» et «vie» est en constante évolution. Physis signifie «nature», en opposition à l’«artificiel». Le mot physis, en grec ancien, désignait initialement un processus de croissance et a finalement pris une signification d’idéal personnifié, la «nature» étant souvent vue sous l’angle d’une représentation distante.

Au fil des siècles, les scientifiques ont cherché à éclairer le monde sur les véritables principes de la nature. Comme le souligne Olivier Grau dans Virtual Art : «from illusion to immersion»: tandis que « la science du XVIIIe et XIXe siècle a soutenu la constitution d’une connaissance factuelle en opposition à toute forme de système spirituel », le XXe siècle est devenu « l’âge de la biologie et de l’évolution », les techniques de génie génétique étant utilisées pour transformer la vie elle-même.

Le 21ème siècle a été appelé «le siècle de la biologie», et il semble être à la hauteur de ce nom avec

des techniques de génie génétique et des biotechnologies très avancées qui permettent de créer de nouvelles formes de vie et même de potentiellement ressusciter des espèces éteintes. Les progrès sont réalisés à une vitesse incroyable, ce qui change la société et même l’idée même de ce qui nous rend humains, modifiant nous-mêmes et notre relation au monde.

L’œuvre PHUSIS dépeint des bulles de savon comme une métaphore des phénomènes naturels dans le monde macro et micro, interférant avec les gestes humains. L’œuvre est développée sous forme de photographie, de vidéo et d’installation (2022-2023).

Justine Blau adopte une approche multidisciplinaire dans son travail, mélangeant sculptures, installations, photographies et vidéos. Ses projets explorent les questions ontologiques entourant la connexion de l’humanité à la nature, la représentation du monde naturel et des entités vivantes. En utilisant à la fois des techniques d’illusion analogiques et numériques, ses créations artistiques manipulent nos perceptions et stimulent nos sens.

63 PORTFOLIOS REVIEW ÉDITION 2021 • RÉVÉLATION(S) / PORTFOLIO – PLATEFORME – LUXEMBOURG ÉDITION 2021
Justine Blau, PHUSIS I

L’analyse et l’exploration de contextes migratoires, de frontières et de non-lieux de vie et de survie font partie de la recherche artistique de Lisa Kohl. Sa démarche repose sur une vision politique et poétique du territoire et de la transition: mers, déserts, bases militaires, aéroports, autoroutes, installations portuaires, campements, lieux désaffectés. Il s’agit d’une réflexion sur l’exil à travers la rencontre avec l’autre; capter les traces de territoires traversés en révélant l’ombre, l’errance, et en traçant un fragile liseré entre le visible et l‘invisible, la présence et l’absence. L’expérience sur le terrain invite à l’exploration d’une géographie de l’intime. Son intention est d’interroger ses limites à propos des espaces imaginaires, qui habitent le sensible, le désir et le vécu. Comment se rapprocher de l‘inimaginable, construire une tension entre la réalité et sa représentation? Ouvrir des

espaces d‘association et donc de rétro-éclairage du réel est au cœur de sa démarche d‘artiste. La base fondamentale est la question de savoir comment traiter le médium de l‘image comme un moyen de représentation et la responsabilité qu‘il implique à l‘égard de ce qui est représenté. Liées à des situations et à des lieux, ces interventions renvoient à notre mémoire collective, qui est questionnée poétiquement sur un plan dialogique dans ses œuvres.

La série photographique Blindspot (Bihaç | Frontière bosno-croate | Calais | France | 2022) incarne métaphoriquement la présence de l’absent et la visibilité de l’invisible. Les éléments que la série représente, tels que l’abri, le tapis du mihrab et le moulage du corps font symboliquement allusion à la notion de refuge et à l’appropriation d’espaces anonymes de vie et de prière. L’ambiance sacrée renvoie ici à la croyance et à l’espoir en relation avec l’identité et l’étrangeté, l’intimité et le manque de foyer.

64 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
LISA KOHL BLINDSPOT Lisa Kohl, BLINDSPOT – No 3 de la série Calais France, 2022, Courtesy of Kultur lx - Arts Council Luxembourg and Aide à la création et diffusion en photographie 2021, Centre national de l‘audiovisuel.

ROZAFA ELSHAN

À la fin de l’excursion, elle lui offre un petit carnet rose qui reposait juste avant la clôture de l’exposition sur la planche d’exposition. Dans le petit cahier de poche se déployait une série de gribouillages faits entre la station de départ et d’arrivée. Il tombait devant ce personnage qui ressemblait à une boule de laine, elle n’avait pas de domicile fixe. Elle était pourtant extraordinairement mobile et insaisissable : composée par de vieux bouts de fil de différentes sortes et couleurs, déchirés et noués ensemble, mais elle n’est pas seulement une boule de laine. De temps en temps, en tournant la page, il pouvait voir un petit bâton apparaître depuis le centre de la page, formant une étoile. Vide et achevé, à sa manière. Inutilisable, mais en quelque sorte, complet.

Il ne peut rien dire d’autre, car elle ne se laisse pas attraper : « De bas en haut, de bas en haut. »1 Elle se tient dans les plis des rideaux et dans les recoins des lattes. La conversation avec elle ne va souvent pas très loin. Sans mot et en traversant les pages, il se demande ce qu’il adviendra d’elle. 2 Compositrice d’images, de documents et d’objets où l’importance de ceux-ci varient, pour peu que son

dispositif délimite un monde ouvert aux notions d’ordre et de chaos, invitant à se pencher, se tordre de multiples façons.

Mosaïste du quotidien, elle incite le regard à se démaquiller du monde. Elle nous instruit au sein d’une recherche en cours, cherchant ses propres structures face à toute déconstruction.

Ce qu’elle récolte : ce sont des restes, des fins comme possibilités d’autres suites, elle dresse des listes à travers nos codes, nos systèmes établis.

Voici qu’une noblesse vernaculaire nous apporte différences et variations sur un même thème, celui de la recomposition alliée à la décomposition, où tout, absolument tout, pourrait être replié, débarrassé en deux secondes.

Ne resterait que la poussière. La poussière de la poussière. On range, on repart. Comme personne, comme rien. C’est une tragédie absurde, c’est violent, c’est actuel.3

Titre du déploiement : Salle d’attente

65 PORTFOLIOS REVIEW ÉDITION 2021 • RÉVÉLATION(S) / PORTFOLIO – PLATEFORME – LUXEMBOURG ÉDITION 2021
Rozafa Elshan, Synthèse d’une excursion 1 Didi-Huberman, Brouillards de peines et de désirs, La verticale des émotions, 2023, Les éditions de minuit, p. 283 2 Kafka, F., Le souci du père de famille, Avril 1917. 3 Notes d’Arnaud Matagne, Château du Karreveld, Bruxelles, 2022.
66 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023 Pit Reding, Pit, Series: Human, 2022
Manon Diederich, Bouchée Nr. 1, 2021, Cologne, from the series Bouchée à la Reine, Mixed Media Pol Trierweiler, Untitled (2022), from the series Garden

MANON DIEDERICH, PIT REDING, POL TRIERWEILER

Depuis 2021, la Ville de Luxembourg organise trois différentes expositions temporaires par an dans l’espace public au Parc de Merl. L’une des premières expositions de photographies a été réalisée par les élèves du lycée qui se situe à proximité du parc, au campus Geesseknäppchen.

Une autre exposition résultait d’une commande auprès d’un jeune artiste photographe local. Les expositions plus récentes résultent d’une collaboration comme par exemple avec Lët’z Arles asbl, Café crème asbl, avec un curateur d’art local, etc. Les structures d’exposition en verre de sécurité présentent une plateforme à ciel ouvert dans l’optique de toucher un grand public. Pour renforcer le soutien à la création locale et pour proposer une sélection qualitative d’expositions d’art, les structures d’exposition au Parc de Merl sont gérées par la Coordination culturelle. La Ville veille à ce que les œuvres soient de haute qualité et que les expositions soient innovantes et originales. Ainsi, les expositions organisées présentent une plus-value pour le quartier de Merl et la capitale. Il importe à la Ville que l’art exposé prenne en compte le contexte

local, qu’il dialogue avec celui-ci, qu’il interagisse avec le tissu social et qu’il fasse sens par rapport à l’environnement dans lequel il intervient.

Dans le cadre de Rethinking Identity du Mois européen de la photographie, le jury de Café Crème asbl en collaboration avec la Ville de Luxembourg a sélectionné parmi les lauréats de l’appel Révélation(s)Portfolio-Plateforme 2023 les trois candidats suivants : Manon Diederich, Pit Reding, Pol Trierweiler.

Choisis pour leur qualité artistique et leur pertinence par rapport au thème de cette édition d’EMOP, ces artistes luxembourgeois émergents proposent des installations qui tiennent compte de l’espace public sans pour autant négliger les aspects plus personnels de leur quête de l’identité.

Nourries d’une esthétique « Queer » chez Pit Reding, de l’humour belge chez Manon Diederich et de compositions artistiques chez Pol Trierweiler, ces propositions photographiques créatives et originales témoignent d’une réflexion actuelle sur les représentations identitaires.

67 PARC DE MERL • MANON DIEDERICH, PIT REDING, POL TRIERWEILER SEE INSERT FOR ENGLISH TRANSLATION PARC DE MERL
68 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
Katrien de Blauwer, When I Was a Boy 81, 2019, photographie (collage)

LA COUPE EST COMPARABLE CHEZ MOI AU DÉCLIC DE L’APPAREIL PHOTO

KATRIEN DE BLAUWER

DE LUXEMBOURG

KATRIEN

DE BLAUWER OU LA PHOTOGRAPHIE SANS CAMÉRA

Avec la photographie conceptuelle dans les années 1970 et la photographie plasticienne dans les années 1980, l’artistique s’est de plus en plus mêlé au photographique. Ce changement de paradigme a eu comme conséquence que le questionnement du statut de l’image, de la trace photographique voire de l’acte photographique est devenu une partie du processus artistique.

Alors que ces années étaient marquées par la fin de l’ontologie photographique, aujourd’hui on s’est émancipé de cet enfermement de l’essence de ce médium en l’ouvrant à un champ multimédia de production esthétique contemporaine qui se réclame de la photographie.

L’expérimentation et le mélange des genres, en recourant aux déconstructions des représentations classiques, favorisent la création d’un espace visuel poétique qui alimente de nouvelles écritures. Ce

MUSÉE D’ART DE LA VILLE

VILLA VAUBAN

détachement de la simple duplication du réel par la démarche plasticienne débouche sur d’autres voies expressives et imaginaires. Ainsi, chez Katrien de Blauwer, la « révélation » ne se fait plus à partir du processus photographique lié à un extrait « mécanique » du réel, mais, suite à une décontextualisation de la réalité à partir de nouvelles images déconstruites et reconstruites. Son univers visuel est marqué par une iconographie issue de pages de magazine. En découpant, assemblant et colorant ces photographies de magazine qu’elle a collectionnées depuis de nombreuses années, elle réalise des œuvres dont les séquences fragmentées ont une force artistique et narrative. Les différents titres de ses séries comme When I Was a Boy ou Why I Hate Cars suivi de Dirty Scenes racontent certaines histoires personnelles et révèlent des éléments autobiographiques qu’elle n’aurait pas pu exprimer directement avec l’appareil photographique.

69 VILLA VAUBAN – MUSÉE D’ART DE LA VILLE DE LUXEMBOURG • KATRIEN DE BLAUWER OU LA PHOTOGRAPHIE SANS CAMÉRA
COMMISSAIRES PAUL DI FELICE (CAFÉ-CRÈME ASBL) EN COLLABORATION AVEC GABRIELE GRAWE (VILLA VAUBAN)
SEE INSERT FOR ENGLISH TRANSLATION

En obstruant les visages et en cachant tout signe identitaire personnel, elle fait apparaître néanmoins dans ses œuvres une quête de soi et une façon presque thérapeutique de repenser sa propre identité. Ce processus artistique, sans caméra, qui est une façon anonyme d’intrusion dans la confidence de l’artiste, fait resurgir, à travers des images empruntées à des esthétiques connotées de la mode et du cinéma, les interrogations sur le corps voire sur la féminité et la sexualité. Elle a trouvé dans le petit format une manière d’affleurer des situations secrètes et introverties avec une élégance inattendue. Cette démarche que Katrien de Blauwer revendique comme étant photographique permet de donner une nouvelle vie à des images enfermées pendant des années dans des magazines. Tout en racontant une nouvelle histoire personnelle, elle offre aussi de nouvelles trames de lecture au spectateur qui à son tour est invité à s’approprier ces images pour créer sa propre narration.

70 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
Paul di Felice Katrien de Blauwer, Commencer 14, 2020, photographie (collage)
71 VILLA VAUBAN – MUSÉE D’ART DE LA VILLE DE LUXEMBOURG • KATRIEN DE BLAUWER OU LA PHOTOGRAPHIE SANS CAMÉRA
Katrien de Blauwer, Commencer 40, 2019, photographie (collage) Katrien de Blauwer, When I Was a Boy 6 2018, photographie (collage)
72 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
Dayanita Singh, Go Away Closer, 2007 © Dayanita Singh

DAYANITA SINGH. DANCING WITH MY CAMERA

Depuis quatre décennies, Dayanita Singh (1961, New Delhi) développe une œuvre qui se distingue par la manière dont elle brouille les genres et explore les limites du médium photographique. Dancing with my Camera, qui constitue la plus importante exposition dédiée à l’artiste indienne à ce jour, parcourt l’ensemble de son œuvre, depuis son premier projet photographique consacré à l’univers musical du percussionniste indien Zakir Hussain (1951, Bombay) jusqu’à ses œuvres les plus récentes, parmi lesquelles Let’s

See (2021), inspirée de la forme des planches-contacts.

Témoignant de l’invention formelle qui caractérise l’œuvre de Dayanita Singh, l’exposition met également en valeur le regard singulier qu’elle porte sur des thèmes tels que l’archive, la musique, la danse, l’architecture, la disparition, le genre ou encore l’amitié.

Loin d’être appréhendée comme une image figée, la photographie constitue pour Singh une « matière première » : dans laquelle le « où » et le « quand » de la prise de vue importent moins

que l’impression qu’elle suscite dans le présent de l’expérience et dans sa relation avec d’autres images. Selon un processus de montage qui accorde un rôle essentiel à l’intuition, l’artiste puise dans ses archives des photographies qu’elle associe, combine et réinterprète pour aboutir à des assemblages temporaires au sein desquels se mêlent, avec une grande fluidité, les temporalités, les lieux, les figures humaines et les objets. Singh est notamment connue pour ses livres, qui représentent un pan essentiel de son œuvre. Elle y expérimente différentes formes de présentation des photographies, animée par son intérêt pour la capacité des livres à circuler dans le temps et dans l’espace et pour la relation privilégiée, intime, qu’ils établissent avec le lecteur. Ses « livres-objets » apparaissent par ailleurs souvent dans ses expositions, comme des œuvres à part entière.

73 MUDAM • DAYANITA SINGH. DANCING WITH MY CAMERA MUDAM MUSÉE
GRAND-DUC
COMMISSAIRE
D’ART MODERNE
JEAN
STEPHANIE ROSENTHAL
SEE INSERT FOR ENGLISH TRANSLATION
COMMISSAIRES DE LA PRÉSENTATION AU MUDAM CHRISTOPHE GALLOIS, ASSISTÉ DE CLÉMENTINE PROBY

À partir du début des années 2010, Singh a commencé à associer ses images au sein de structures modulaires en bois – qu’elle décrit comme des « photo-architectures » – lui permettant d’exploiter dans toute sa potentialité une conception de la photographie fondée sur le montage et les possibilités narratives offertes par la juxtaposition d’images. Cette orientation a notamment donné lieu à la création d’une série de « musées » tels que le File Museum (2012), le Museum of Chance (2013) ou encore le Museum of Tanpura (2021) prenant la forme de structures modulaires en bois de teck destinées à accueillir des tirages photographiques. Celles-si peuvent être agencées selon différentes configurations et permettent un changement rapide des constellations d’images et de l’espace. Les « musées » de Singh conjuguent les principes de l’exposition et de l’archive, et invitent les spectateurs à se mouvoir librement – à « danser » – autour d’eux pour faire l’expérience des images.

L’exposition est accompagnée d’un catalogue publié par Hatje Cantz et disponible en deux versions : allemande et anglaise.

L’exposition Dayanita Singh. Dancing with my Camera est organisée par le Gropius Bau, Berlin, en collaboration avec le Mudam Luxembourg – Musée d’Art Moderne Grand-Duc Jean, la Villa Stuck, Munich et le Musée Serralves, Porto et est présentée à l’occasion de la 9e édition du Mois européen de la photographie Luxembourg.

74 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
Dayanita Singh, Museum of Chance, 2013 © Dayanita Singh Dayanita Singh, Museum of Chance, 2013 © Dayanita Singh

Biographie

Dayanita Singh (1961, New Delhi) a présenté des expositions personnelles au Minneapolis Institute of Art (2021), au Tokyo Photographic Art Museum (2017), à la Tate Modern à Londres (2017), au Dr. Bhau Daji Lad Museum à Bombay (2016), à la Fondazione MAST à Bologne (2016), au Kiran Nadar Museum of Art à Delhi (2015), à l’Art Institute of Chicago (2014)

et à la Hayward Gallery au Southbank Centre à Londres (2013). En 2022, Singh a reçu le Hasselblad Award et, en 2018, le International Center of Photography Infinity Award. Ses œuvres sont conservées dans les collections d’institutions telles que le Centre Pompidou à Paris, le K21 – Kunstsammlung NRW à Düsseldorf, le Moderna Museet à Stockholm et le SFMOMA à San Francisco. Elle vit et travaille à Dehli.

75 MUDAM • DAYANITA SINGH. DANCING WITH MY CAMERA
Dayanita Singh, File Museum, 2012 © Dayanita Singh

SVEN BECKER : IMPERMANENCE HORIZONS

Sven Becker a découvert sa passion pour la photographie - ce qu’il traduit par «capter des moments» - autour de 2007. À cette époque, le Luxembourg connaissait une transformation sociétale et culturelle significative. Les groupes qui, depuis leurs débuts, se produisaient dans leur sous-sol et garage ou, avec un peu de chance, dans les bars de petites villes françaises ou luxembourgeoises du sud, étaient maintenant invités à jouer dans la capitale.

C’était l’année où de nombreuses choses semblaient possibles pour une jeune génération émergeante de musiciens expérimentateurs et imprégnés par l’enseignement dans les écoles d’art et les universités européennes. Ils étaient tous impatients de construire la scène culturelle luxembourgeoise à partir de zéro, de la remplir d’idées et d’initiatives qu’ils avaient observées, admirées ou auxquelles ils avaient activement participé dans d’autres villes européennes. De retour dans leur pays d’origine, leur écosystème était constitué de bars avec de la musique forte et des nuits longues, de maisons vides, d’espaces publics et d’entrepôts industriels partiellement reconvertis. Ce qui est souvent décrit aujourd’hui comme le début - ou pour être juste - la poursuite de l’heure de naissance de la scène artistique et culturelle et de son public, était pour cette génération la possibilité de respirer l’air du grand

large, des grandes métropoles, longtemps désiré, une retraite urbaine pour les penseurs alternatifs - un lieu de communauté, d’apprentissage et d’appartenance. C’était une période d’expérimentation. Faisant partie d’une communauté plus large d’expérimentateurs, et pendant une période de nouvelles possibilités numériques, Sven Becker s’essaye à la conception graphique, la conception de sites Web, la conception éditoriale et la photographie. Électrisé par l’offre culturelle croissante et la scène créative florissante, il a commencé à photographier toutes sortes de concerts et d’événements culturels. La bonne et la nouvelle musique étaient ce qui l’inspirait. C’était le début d’un exercice sans fin pour capter l’innovation en train de se faire, dans son état brut et authentique.

La culture rassemble les gens et stimule l’inventivité. Ainsi surgit l’idée d’organiser des expositions et d’éditer des magazines sous le nom du collectif IUEOA. Parmi ces projets, une collaboration sur la vidéo Voyage au bout d’une Identité de Filip Markiewicz, basé à Hambourg, pour l’exposition Paradiso Lussemburgo, sélectionné pour représenter le Luxembourg à la Biennale de Venise en Italie en

76 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023 CENTRES D’ART NEI LIICHT & DOMINIQUE LANG
COMMISSAIRE MARLÈNE KREINS
SEE INSERT FOR ENGLISH TRANSLATION

2015; la signature d’un contrat d’un an portant sur la documentation des activités du (Carré) Rotondes et un certain nombre d’autres campagnes de communication ou projets éditoriaux.

Depuis 2013, Sven Becker travaille en tant que photographe indépendant pour la presse locale et des magazines tels que Lëtzebuerger Land, Paperjam, Delano, City Mag, et a été commissionné par Nido / Stern ou Les jours (France). 2013 marque également le début d’une série de voyages documentaires indépendants dans des pays et des villes telles qu’Istanbul, en Turquie, où il a couvert les manifestations d’occupation du parc Gezi et récemment l’attentat terroriste de la veille du Nouvel An 2016; Myanmar et le Japon en 2015, Téhéran, Iran, en 2016 où il a couvert la scène culturelle de la communauté d’artistes iraniens, et Paris en 2019 avec le mouvement des Gilets Jaunes.

Intrigué par l’inconnu et la culture des autres, son travail se distingue par son approche empathique et humaine qui nous donne un aperçu des histoires de ses sujets et des changements sociaux. Son vif intérêt pour les thèmes et les actions socio-politiques, la cohésion sociale ou son absence, ainsi que les événements contemporains, tels que l’arrivée récente des réfugiés en Europe, l’a amené à rejoindre le projet de livre Je ne suis pas un réfugié.

Il travaille actuellement en tant que photojournaliste pour Lëtzebuerger Land et poursuit ses projets personnels en restant intrinsèquement proche de ce qui se passe dans la société contemporaine dont il fait partie.

77 CENTRES D’ART NEI LIICHT & DOMINIQUE LANG • SVEN BECKER : IMPERMANENCE HORIZONS
Sven Becker, Impermanence horizons 1
78 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
Mike Zenari, Ruizhe Du A frontal hyperrealistic

COMMISSAIRE

MIKE ZENARI :

Qu’est-ce qu’une identité ?

Une identité est un ensemble de caractéristiques, un concept complexe et multiforme qui englobe de nombreux aspects de la perception qu’une personne a d’elle-même, notamment son physique, ses valeurs, ses croyances, son contexte culturel, son histoire personnelle et ses relations.

Même si ces caractéristiques sont différentes pour chaque individu et que notre entourage les perçoit à leur façon, vous avez probablement une idée approximative de qui vous êtes... Aujourd’hui, la technologie ne cesse d’estomper les limites entre l’illusion et la réalité. L’humain s’écarte de plus en plus du contenu original pour le remplacer peu à peu par des simulacres. Nous avons évolué vers un artifice qui semble toujours plus éloigné de la réalité du passé. Il me semble donc nécessaire de repenser nos relations interpersonnelles, nos relations avec le contenu et la technologie.

Si un ordinateur est capable d’utiliser la réalité, de la transformer pour créer de l’illusion, pourrions-nous faire la distinction ?

Les photos produites par l’intelligence artificielle sont une fusion de données, d’algorithmes et d’apprentissage automatisé.

L’algorithme est nourri avec une grande quantité de données photographiques, à partir de laquelle il

apprend à reproduire le style visuel. Plusieurs images sont alors rassemblées en une. La machine apprend ensuite à manipuler la lumière, les ombres, la couleur et le contraste afin de produire des portraits concrets qui pourraient parfaitement représenter des personnes réelles.

À première vue, ces portraits générés par l’IA ne se distinguent guère des vraies photos. Bien que les algorithmes puissent produire des images très réalistes et visuellement attrayantes, ils ne parviennent pas à saisir la complexité émotionnelle d’une personne réelle. Il leur manque la profondeur qui découle de l’interaction humaine.

Cette exposition comprend en alternance une série d’images générées par ordinateur ainsi qu’une série de portraits de personnes pris par moi-même toutes très diverses. Ce sont des gens que j’ai rencontrés dans le but précis de les photographier dans le cadre de cette exposition ou au hasard.

Pour moi, la distinction entre fiction et réalité passe par de brèves interactions, intimes, humaines qui font partie intégrante de la photographie.

79 CENTRES D’ART NEI LIICHT & DOMINIQUE LANG • MIKE ZENARI : HUMAIN
MARLÈNE KREINS
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HUMAIN CENTRES D’ART NEI LIICHT & DOMINIQUE LANG
80 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
Jeff Weber, Ivy Mike The Family of Man ), 2011-2013 Restoration of photographs from the collection The Family of Man at the CNA by Studio Berselli, 2011-2013

JEFF WEBER: IMAGE STORAGE CONTAINERS

Dans une série de six photographies, l’artiste Jeff Weber documente le processus de restauration, par le Studio Berselli milanais, de la photographie grand format représentant l’essai de la bombe à hydrogène Ivy Mike. Cette initiative s’inscrit dans le cadre d’une restauration générale de The Family of Man réalisée entre 2011 et 2013 sous les auspices du Centre national de l’audiovisuel (CNA), où l’exposition est installée de façon permanente depuis 1994.

En dehors du délicieux paradoxe que représente la documentation d’un processus de restauration de l’image d’une destruction à l’échelle monumentale, Weber, un artiste connu pour son intérêt à brouiller ce que l’on peut considérer comme étant à l’intérieur

ou à l’extérieur d’une œuvre d’art [1], a expliqué que sa démarche consiste à replacer The Family of Man dans le contexte de l’époque de sa création : la guerre froide et la course aux armements nucléaires. Ainsi contextualisées, ses photographies du processus de restauration deviennent à la fois une représentation antithétique de l’exposition et une description étonnamment précise de l’atmosphère politique omniprésente dans laquelle elle a voyagé.

81 DISPLAY01 CNA • JEFF WEBER: IMAGE STORAGE CONTAINERS DISPLAY 01 CNA
WALERICH
COMMISSAIRE MICHÈLE
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[I] Michel Baers (extrait du texte All That Is Solid Melts into Light, 2022)

THE HAND THAT TOPPLES THE TOWER

Pour cette saison estivale, le CNA est ravi de présenter

l’exposition The Hand that topples the Tower – des artistes

Vanessa Brown et Mike Bourscheid au Waassertuerm + Pomhouse. Du 6 mai au 20 août, les deux propositions artistiques seront présentées conjointement dans l’ancien site industriel emblématique de Dudelange et inviteront le visiteur à plonger dans une expérience multimédia.

Dans l’espace d’exposition du socle de la tour, l’artiste luxembourgeois Mike Bourscheid présentera une série photographique inspirée de l’architecture du château d’eau, ré-interprétant de manière ludique sa stature à piliers sous forme humaine. La cuve de l’ancien réservoir d’eau accueillera quant à elle l’installation Sunny Side Up and other sorrowful stories, une projection du court métrage Agnes produit par l’artiste, dans lequel il interprète différents rôles, accompagné de sculptures présentant/reprenant certains costumes utilisés dans le film. Parallèlement, l’ancienne station de pompage Pomhouse accueillera le projet >>>000 / Gravity de l’artiste canadienne Vanessa Brown explorant le concept de trous en tant que représentations symboliques du désir humain, de la relativité du temps et de notre place dans la galaxie.

Dans son œuvre Sunny Side Up and other sorrowful stories, présentée à l’intérieur du château d’eau, Mike Bourscheid mêle anecdotes familiales, contes fictifs, travail domestique et imagerie de la mascu-

linité. Réunissant plusieurs œuvres sculpturales et un court métrage mettant en scène l’artiste luimême, son travail fonctionne comme une scène ou un décor de film prêt à être activé. Le sens du jeu et du pathos caractéristique de Bourscheid se retrouve dans cette série de costumes, d’accessoires, de prothèses et de marionnettes soigneusement fabriqués à la main et sur mesure, dont beaucoup figurent dans le film. Les actions quotidiennes du corps dans le ménage, la routine qui se manifeste dans la lessive répétée, le lavage de la vaisselle, le maintien de l’ordre ou le balayage du sol, est mise en scène de manière ludique. Avec son savoir-faire méticuleux habituel, Bourscheid a produit des accessoires, tels que des gants et des chaussettes, auxquels il attache des cheveux pour en faire des perruques: des outils qui semblent extrêmement encombrants pour travailler dans la maison et en même temps commentent artistiquement la dévotion aimante, souvent absurde, aux objets et aux rites du quotidien.

Au Pomhouse, l’exposition >>>000 / Gravity de Vanessa Brown présente une série d’œuvres vidéo, de textiles, de sculptures et d’œuvres sonores commandées par la collaboratrice Michelle Helene Mackenzie. Le thème central de l’exposition est le trou. Brown explore les profondeurs de ce sujet

82 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023 POMHOUSE / WAASSERTUERM CNA
COMMISSAIRE DANIELA DEL FABBRO
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MIKE BOURSCHEID & VANESSA BROWN

étonnamment riche dans ses recherches éclectiques qui incluent l’oculus du Panthéon, les cratères géographiques, les grottes, les trous noirs, ainsi que les orifices du corps humain. Brown retrace l’inspiration pour ce projet dans son enfance et son enthousiasme précoce pour le trou portable des Looney Tunes. Dans cet univers de dessin animé, le trou alterne entre objet et vide. L’installation de Brown fait également référence à des trous de nombreux autres types, englobant ceux trouvés dans l’espace, la géographie et même l’anatomie du corps. En intégrant le son et la vidéo dans ses sculptures, l’artiste crée une installation immersive instillant un sentiment de magie et de crainte en même temps. Autant voyage philosophique et existentiel qu’artistique, son exposition oscille entre les mondes intérieur et extérieur, transformant le trou en un lieu puissamment imaginé de nostalgie et d’évasion, de répit et de refuge.

*D’après des textes sur les expositions de Vanessa Brown: That Other Hunger (2022) et de Mike Bourscheid: Sunny Side Up and other sorrowful stories (2023), par Zoë Chan pour la Richmond Art Gallery

83 POMHOUSE & WAASSERTUERM • THE HAND THAT TOPPLES THE TOWER
Vanessa Brown, 000 Gravity 2022 © Vanessa Brown Mike Bourscheid, Film still, Agnes © Mike Bourscheid
84 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
Poorani (2022)
Stephania (2022)

APRÈS AVOIR EXPLORÉ PENDANT DE NOMBREUSES

ANNÉES LE GENRE DE L’AUTOPORTRAIT DANS UN BUT THÉRAPEUTIQUE, CRISTINA NUÑEZ A OUVERT

LE CHAMP DU PORTRAIT À DE NOUVELLES

DIRECTIONS EN INVENTANT UN TYPE

D’AUTOPORTRAIT PARTICIPATIF.

ECHOES OF SELF

CRISTINA NUÑEZ

L’exposition présente une sélection de photographies de la série Higher Self, élaborée à travers le dispositif participative de Cristina Nuñez appelée The Self-Portrait Experience (SPEX). Toutes les œuvres ont été réalisées au Luxembourg au cours des deux dernières années dans le cadre d’ateliers destinés en particulier aux jeunes immigrés de la région et confrontés à la drogue.

Avec plus de 4 000 sessions depuis 2008, SPEX est un dispositif de transformation individuelle et sociale reconnu internationalement. Initiée par Nuñez comme un outil d’auto-thérapie, SPEX est aujourd’hui un laboratoire de pair à pair pour

CAP ETTELBRÜCK

stimuler le processus créatif inconscient et élargir la perception de soi. L’objectif principal est de permettre à quiconque de faire l’expérience du processus créatif sous la direction de l’artiste, en apprenant à exprimer des émotions inconfortables et à convertir la douleur en art.

Echoes of Self est la suite de l’exposition My Echo, My Shadow and Me présentée à l’Université du Luxembourg pendant Esch 2022.

85 CAP ETTELBRÜCK • ECHOES OF SELF
COMMISSAIRES PAUL DI FELICE ET CAROLINA LIO
SEE INSERT FOR ENGLISH TRANSLATION
86 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
(2022)
Shade Sadiku

ECHOES OF SELF 2

CRISTINA NUÑEZ

Dans la culture actuelle, le selfie est un moyen puissant à travers lequel l’auto-représentation et l’auto-tromperie deviennent, respectivement, des opportunités commerciales viables et une stratégie dominante de construction du sentiment d’appartenance.

L’accélération de la production d’images comme pratique quotidienne est visible dans les dizaines de milliers de photos téléchargées chaque minute sur les réseaux sociaux. Une estimation récente approximative relate, qu’aujourd’hui, plus d’images sont partagées chaque heure que celles produites durant tout le XIXe siècle. Les adolescents et les jeunes adultes sont les plus touchés par cette tendance et ses conséquences.

L’artiste Cristina Nuñez a commencé à utiliser le dispositif SPEX (The Self-Portrait Experience) avec des jeunes en 2008, et elle a remarqué une profonde différence entre la façon dont ils percevaient l’autoportrait avant et après le selfie-boom de 2012. La montée du phénomène conduit à la nécessité de contrôler notre regard sur les photos, avec une augmentation d’une certaine inquiétude face à l’image représentant nous-mêmes. Aujourd’hui, Nuñez observe que la plupart des jeunes hésitent à faire ou à montrer leurs autoportraits ou photos de groupe où ils n’ont pas le contrôle

total comme dans les selfies réalisés avec leurs devises téléphoniques et retouchées par des filtres flatteurs. Cela démontre que nous sommes arrivés à un moment critique de l’image de soi et qu’il est devenu de plus en plus important de réapprendre à se regarder de manière plus authentique.

A l’inverse des normes des réseaux sociaux, l’autoreprésentation, comme le dispositif SPEX, encouragent l’utilisation du numérique pour l’introspection analytique et l’identification profonde avec l’autre, renversant souvent le sentiment d’isolement caché derrière l’utilisation massive des réseaux sociaux. Un point particulièrement innovant de SPEX et du projet My Echo, My Shadow and Me, est la valeur d’activisme social du processus, l’affirmation du droit d’exprimer toute émotion et aspiration, même si cela n’est pas encore socialement accepté.

Ainsi, le noyau de ce projet évolutif, initié dans le cadre de Esch 2022, est constitué d’ateliers autobiographiques réguliers dirigés par l’artiste Cristina Nuñez et impliquant 45 jeunes du lycée, de l’université et issus de diverses associations sociales.

Carolina Lio, extrait du livre My Echo, My Shadow and Me, publié par artasexperience, 2022 (traduit de l’anglais par P. di Felice)

87 UNIVERSITÉ DU LUXEMBOURG • ECHOES OF SELF 2 UNIVERSITÉ
DU LUXEMBOURG
COMMISSAIRES PAUL DI FELICE ET CAROLINA LIO
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CAECILIA TRIPP: SLEEPING WITH BOOKS

Sleeping With Books est intimement liée à l’œuvre

Untitled de Félix Gonzales-Torres (panneau publicitaire d’un lit vide), et s’inscrit dans un continuum qui brouille les distinctions entre les luttes pour les droits civiques et le rêve collectif. Prenant la forme d’un paysage photographique onirique, Sleeping With Books mêle les moments intimes du sommeil, du deuil, du subconscient et du réveil aux idées d’émancipation.

BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DU LUXEMBOURG

l’imagination dialogique radicale en tant que rituel collectif de célébration et de désobéissance civile. Au-delà des frontières géographiques et avec un esprit poétique, c’est une cérémonie de formes de liberté et d’utopie au croisement de notre cosmopolitisme.

Sleeping With Books prend racine dans l’espace métaphysique de l’imaginaire, en tant que lieu de résistance, de relation et d’opacité, initiant un Tout-Monde de futurs partagés. Chacun devient son propre agent dans l’appropriation d’idées, d’expériences, de perceptions, de passions, de concepts et d’imaginaires inspirés par ces livres qui constituent des archives et des capsules espace-temps d’un vivier de possibilités et de révoltes en devenir. Embrassant des installations cinématographiques immersives, des sculptures, des “Scores drawings” de grande taille, des photographies ainsi que des performances, le processus conceptuel et collaboratif de Caecilia Tripp est lié à l’espace de

Migration à travers des contextes historiques changeants, son oeuvre déterre les éc(h)ologies des cultures décoloniales hybrides, l’anthropocène Black, les espaces sonores, les codes culturels, les sphères cosmiques et l’imaginaire social comme un «devenir» continu d’une «identité fluide» vers un avenir partagé. Une poétique de la relation, comme l’appelle Edouard Glissant.

L’acte collectif de dormir avec l’Angelus Novus de Klee vu par Walter Benjamin, l’anarchisme, John Cage et James Baldwin parmi beaucoup d’autres, s’accorde ainsi avec la partition d’un paysage de rêve partagé où les identités se fluidifient.

88 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023 COMMISSAIRE BNL (NADINE ABEL-ESSLINGEN) EN COLLABORATION AVEC ERNA HÉCEY SEE INSERT FOR ENGLISH TRANSLATION
UNE SÉRIE PHOTOGRAPHIQUE ; TRAVAIL EN COURS (2011-), (25 PHOTOGRAPHIES)

Les œuvres de Caecilia Tripp ont été présentées à l’échelle internationale dans des galeries et des musées tels que la résidence PS1/MOMA à New York (États-Unis), le Musée d’art moderne de Paris (France), le Centre d’art contemporain de la Nouvelle-Orléans (États-Unis), la 7e Biennale de Gwangju (Corée du Sud), la Clark House Initiative, Bombay (Inde), Brooklyn Museum New York, Bronx Museum, New York (USA), le Centre d’Art Contemporain d’Ivry, Le CREDAC, Paris (France), Steirischer Herbst/Graz (Autriche),

Sharjah Biennale 14, (Émirats Unis), Toronto Biennial & AGYU Toronto (Canada) comprenant une publication majeure. Son exposition solo Liquid Earth, présentée à la Konschthal Esch (Luxembourg), dans le cadre du Mois Européen de la Photographie, est présentée - en collaboration avec ZOME AR (Augmented Reality) et son fondateur Theodore Wohng – dans de multiples lieux fusionnant l’aspect cosmopolite avec le métavers et les récifs coralliens.

89 BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DU LUXEMBOURG • CAECILIA TRIPP: SLEEPING WITH BOOKS
Sleeping with Books, Photography (2011-ongoing), B&W, various dimensions, courtesy of the artist and Erna Hecey Office. Sleeping with Books, Photography (2011-ongoing), B&W, various dimensions, courtesy of the artist and Erna Hecey Office.
90 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
Longe daqui (Far from here) starring Grupo Etnográfico do Alto Minho Luxemburgo, 2020

LUÍS DE CAMÕES

ALMA PINTADA: PAULO LOBO

Depuis près de vingt ans, je photographie les Portugais du Luxembourg dans l’espace public. Comme ça, en passant, de façon plus ou moins nonchalante, j’observe avec un œil amusé et complice les individus et les groupes dans le cadre de fêtes populaires, d’ambiances de cafés ou de moments plus intimistes de la vie quotidienne.

J’ai essayé de mettre l’accent essentiellement sur les êtres humains, leurs instants de grâce, d’humour ou de gravité. En même temps, j’ai toujours été conscient d’une certaine ambiguïté dans ma démarche, car, de fait, mes images jouent beaucoup sur les stéréotypes et les clichés associés à la communauté lusophone.

J’ai toujours été fasciné par la question de la mise en scène, de la représentation de soi. Comment se donne-t-on à voir aux autres, quel rôle jouet-on, quel costume endosse-t-on, quel maquillage

applique-t-on et quel sourire arbore-t-on ? Pourquoi des individus affichent-ils une telle adhésion à des traditions de leur terre d’origine, pour se donner en spectacle dans les rues de leur pays d’accueil ? Comment distinguer entre l’apparence et la vérité des êtres ? Et que voit-on quand on laisse tomber le masque ? Je me borne à poser les questions, ces images étant au cœur d’une réflexion sur moimême en tant que fils d’immigrés et sur les autres Lusitaniens au Luxembourg.

Enfin, au-delà de cette quête existentielle sur des éléments de mon identité, mes photographies témoignent aussi d’un corps humain collectif qui marque de son empreinte la société luxembourgeoise dans tous ses devenirs.

91 INSTITUTO CAMÕES, CENTRE CULTUREL PORTUGAIS • ALMA PINTADA: PAULO LOBO
CAMÕES CENTRE
INSTITUTO
CULTUREL PORTUGAIS
COMMISSAIRES ADÍLIA MARTINS DE CARVALHO & PAUL DI FELICE POUR CAFÉ-CRÈME ASBL
SEE INSERT FOR ENGLISH TRANSLATION
« SE SÓ NO VER PURAMENTE ME TRANSFORMEI NO QUE VI »
92 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
Retratos com grão (Portraits with grain), 2023
93 INSTITUTO CAMÕES, CENTRE CULTUREL PORTUGAIS • ALMA PINTADA: PAULO LOBO
O sol chama por mim / Terra de Vida (The sun is calling for me/ Land of Life), 2005 - 2022 O sol chama por mim / Terra de Vida (The sun is calling for me/ Land of Life), 2005 - 2022
94 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
Isabelle Ferreira, L’invention du courage (o salto), TOR ORO, 2022, acrylique et transfert photographique sur bois, 28 x 34 x 3 cm. Photo Rebecca Fanuele

O SALTO : ISABELLE FERREIRA

Pour sa première exposition au Luxembourg, Isabelle Ferreira présente à la galerie Nosbaum Reding O salto. En portugais, O salto signifie le saut et désigne, dans le langage courant, le saut par-delà les frontières, que tentent au péril de leur vie des milliers de Portugais dans les années 1960 pour fuir la dictature, la misère et les guerres coloniales.

Isabelle Ferreira poursuit ainsi ses recherches initiées en 2021 sur l’histoire refoulée de l’immigration clandestine portugaise. Avec pudeur et sensibilité, l’artiste sonde les sillons de la déchirure provoquée par ce grand saut. Une déchirure à la fois symbolique, géographique et plastique, qui marque le début du o salto. Tel un contrat, la photo d’identité du candidat à la migration est déchirée avant le départ : une première moitié est confiée à la famille restée au pays ; la seconde est conservée par le migrant avant d’être renvoyée dès son arrivée en France, gage d’une parole donnée et respectée. Geste récurrent du processus créatif d’Isabelle Ferreira, à l’intersection de la peinture, de la sculpture et de l’architecture, la déchirure s’aventure pour la première fois du côté de l’image photogra-

phique. L’artiste s’approprie des photos d’identité soigneusement collectées, qu’elle transfère sur des planches de contreplaqués. Par des gestes précis de soustraction, de recouvrements d’aplats de peinture ou de laine, l’artiste insuffle une aura à ces visages anonymes accrochés au mur, prenant valeur d’icônes. A ces portraits répondent des vues aériennes des Pyrénées. Un paysage fragmenté qui autorise de nouveaux cadrages de ce territoire traversé à pied, de nuit comme de jour et par tous les temps, par des milliers d’hommes,femmes et enfants.

Avec O salto, Isabelle Ferreira nous invite à parcourir les sillons d’un paysage et d’une histoire longtemps refoulée, qu’elle sort des limbes de l’oubli, afin de rendre hommage à ces pèlerins de l’immigration d’hier et d’aujourd’hui, d’ici et d’ailleurs, pour les accueillir dans nos mémoires intimes et collectives.

95 NOSBAUM REDING • O SALTO : ISABELLE FERREIRA SEE INSERT FOR ENGLISH TRANSLATION NOSBAUM REDING
96 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023 ORLAN, Corps-Sculpture, Sans dessus dessous ou jambes en l’air, masque et tête à l’envers, 1 9 6 5, Tirage photographique sur Fine art Baryta 325 gr/cm Print on Fine art Baryta 325 gr/cm, 183 x 128 cm, 72 x 50.4 in, Edition 1/5, Oeuvre encadrée

Emblématique de l’intérêt que les artistes contemporains ont porté à la performance et aux possibilités d’utiliser leur corps comme médium de création, ORLAN se singularise par ses pratiques multiples.

Interrogeant les représentations de l’art, des genres, de la sexualité et du sujet, cette artiste à l’envergure internationale n’a cessé de mettre en jeu son apparence et son identité pour se réinventer au fil d’un travail continu de « sculpture de soi ». Le parcours réfléchi et complexe de cette artiste hors normes, qui mêle intensément art, vie et inter-

rogations sociopolitiques, s’est toujours déroulé dans un dialogue étroit avec le public et se moque allègrement du consensus. Sans prétendre aucunement à l’exhaustivité, mais en tirant parti de la diversité et de la grande richesse des œuvres présentées, l’exposition permet de mieux comprendre comment, en plus d’un demi-siècle de création ininterrompue, ORLAN, tout comme son œuvre, s’est constamment créée. Et emparée d’elle m’aime.

97 CEYSSON & BÉNÉTIÈRE • ORLAN SEE INSERT FOR ENGLISH TRANSLATION
CEYSSON & BÉNÉTIÈRE
ORLAN
CECI EST MON CORPS… CECI EST MON LOGICIEL… ORLAN, La grande Odalisque, 1977, Photographie en blanc et noir, Black and White photograph, 147.5 x 207 cm, 58.1 x 81.5 in, Edition 3/7, Oeuvre encadrée
98 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
© Courtesy of Roger Ballen, Unwind, 2013, from the series: Asylum of the birds

ROGER BALLEN : INTO THE BALLENESQUE

Né à New York en 1950, vivant et travaillant en Afrique du Sud depuis près de 40 ans, Roger Ballen est l’un des photographes les plus remarquables et les plus acclamés par la critique du XXIe siècle. Tout au long de sa carrière, Roger Ballen a poursuivi un objectif artistique singulier : exprimer la psyché humaine et explorer visuellement les forces cachées qui façonnent notre identité. compte, de me définir. Il s’agit fondamentalement d’un voyage psychologique et existentiel.

À l’occasion du «Mois européen de la photographie» de cette année, la galerie Valerius présente une série d’œuvres de Roger Ballen, issues de séries bien connues, qui explorent de manière appropriée le thème de l’identité.

Comme le souligne Roger Ballen : « L’objectif des photographies que j’ai prises au cours des quarante dernières années a été, en fin de

Je me demande souvent si le visage que je vois dans le miroir est le mien et d’où viennent mes pensées. La «réalité» est un mot qui n’a pas de sens pour moi ; elle est insondable. Je préfère exprimer l’énigme qui se cache derrière ce mot plutôt que de réfléchir à sa nature fondamentale.

Les compositions sont très formelles. Elles sont simples, elles sont claires. Mais à l’intérieur, il y a un théâtre, une complexité qui reflète en quelque sorte la condition humaine. »

99 VALERIUS GALLERY • ROGER BALLEN : INTO THE BALLENESQUE SEE INSERT FOR ENGLISH TRANSLATION
GALLERY
VALERIUS
COMMISSAIRES LOU PHILIPPS ET GERARD VALERIUS

WHAT REMAINS IS AN INTERMEDIARY THING, REPEATED

Pour l’accrochage à la Galerie Reuter Bausch, Christian

Aschman revoit son projet sur Tokyo réalisé en 2014 dont les images ont été publiées d’abord dans The Space in between, livre d’artiste publié en 2015 et édité par Théophile’s Papers *.

Variant la façon d’exposer ses images – il lui arrive de les coller sur des affiches en des lieux publics dans les rues de Paris ou de les exposer déconstruites – il a choisi cette fois-ci de proposer des images dans leur intégralité. Neuf ans après leur date de prise de vue, ces photographies aux formes simples constituent un corpus d’images qui peuvent être mises en espace de façon aléatoire. En perpétuelle mutation dans le temps et dans l’espace, ces images et séquences d’images révèlent les interstices, les infimes hésitations, la présence et l’absence, l’attente, le mouvement des corps, les tremblements, le positionnement, l’incertitude, le choix ou le non-choix. Dans une conversation avec Christian Aschman, le critique Stéphane Léger s’exprime ainsi : « Lorsque je regarde ta production photographique dans les métropoles et capitales du monde sur près de vingt ans, je ne peux pas la qualifier de photographie d’architecture, même si cette

dernière en constitue la substance ou la matière.

J’ai le sentiment aussi que ces formes simples que tu photographies depuis longtemps ne peuvent pas s’épuiser, que dans leur simplicité elles ouvrent une multiplicité de regards dans un continuum temporel.

Quant à Laurianne Bixhain, l’artiste a choisi - sur le mode d’un dialogue avec ses photographies - un texte de Chloe Chignell.

«Je suis préoccupée par les affects ordinaires. Je ne m’intéresse pas aux profondeurs de ma propre expérience. Je travaille dur pour rester à la surface, pour garder la tête hors de l’eau, pour respirer, comme on dit. Cela demande de l’entraînement. Je répète les gestes encore et encore, pour comprendre leur banalité. Au cas où un geste susciterait un affect supérieur ou inférieur à l’ordinaire, je le ralentis ou l’accélère pour en vider sa charge. Il est réconfortant de savoir qu’un cri peut être représenté par une une répétition de a. Il ne reste qu’une chose partielle, le souvenir. Mon visage émerge de quelque chose d’épais, de

100 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
SEE INSERT FOR ENGLISH TRANSLATION REUTER BAUSCH ART GALLERY

quelque chose de lumineux. Je donne presque un profil, mais je ne me permets pas l’angle complet. Je ne tournerai pas mon regard. Je n’ éclaircirai pas mon visage. Je n’ aiguiserai pas mes contours. Je ne serai ni votre sujet, ni votre premier plan. Je serai une éternelle intermédiaire. Mes mouvements : une dérive immuable. Je tends à devenir une ambiguïté parfaitement orchestrée, comme le rideau qui tombe derrière et pourtant couvre encore. Il ne reste qu’une chose floue, brillante.»

The Space in between a été publié avec le support de la Bourse CNA-Aide à la création et à la diffusion en photographie (CNA-Centre national de l’audiovisuel) et le Fonds culturel national du Luxembourg. Stéphane Léger est critique d’art et chercheur indépendant.

101 REUTER BAUSCH ART GALLERY • CHRISTIAN ASCHMAN & LAURIANNE BIXHAIN - WHAT REMAINS IS AN INTERMEDIARY THING, REPEATED
Christian Aschman - Untitled-1 140-01, Tokyo 2014 Chloe Chignell ( artiste, chorégraphe et auteure ) Laurianne Bixhain, A blurred thing, shining (2022)

ARTISTES

SIX INSTALLATIONS PHOTOGRAPHIQUES À CIEL OUVERT

Six regards différents nous invitent à les suivre et nous ouvrent, chacun à sa manière, un monde qui se déploie dans la photographie et se prolonge dans notre imaginaire. Un réseau de dialogues temporaires s’installe entre les images, leur lieu d’exposition à ciel ouvert qui change au fil des saisons et celui qui les contemple. Les photographes transforment l’image de la ville et le regard que nous portons sur elle par des reflets venus d’ailleurs.

La saison photographique 2022-2023 célèbre la diversité de la création luxembourgeoise à travers les travaux de six photographes contemporains. Sur la place du marché, Bruno Oliveira nous embarque à destination du Cap-Vert avec une documentation imprégnée de ses sensations personnelles, tandis que Véronique Kolber fait défiler, dans la montée de l’Église, devant nos yeux et l’objectif de sa caméra, des scènes de rue américaines qui font écho à notre mémoire cinématographique. Derrière l’église, Marie Capesius explore la question du paradis et les

CLERVAUX CITÉ DE L’IMAGE

contrastes de mondes coexistants sur l’île du Levant à travers des images calmes et sensuelles. Inspiré par l’approche de l’archéologie, Boris Loder réunit des objets, les examine et condense ainsi les identités des quartiers de la ville de Luxembourg et leurs stéréotypes dans des photographies sculpturales - visibles dans les Arcades de la Grand-Rue. Sur le plateau du Château, ce sont d’abord les photographies en noir et blanc à l’esthétique minimaliste de Marc Schroeder qui s’imposent à nous, captant des paysages urbains qui semblent obéir à une logique graphique stricte. Dans le jardin du Château, les femmes prises en portrait par Jeannine Unsen partagent avec nous un moment à la fois intime et intense. Ainsi se tissent différents chemins, lectures et connexions à travers ces rencontres qui n’arrêtent pas de nous interpeller.

102 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
MARIE CAPESIUS, VÉRONIQUE KOLBER, BORIS LODER, BRUNO OLIVEIRA, JEANNINE UNSEN, MARC SCHROEDER COMMISSAIRE ANKE REITZ
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JEANNINE UNSEN

Jeannine Unsen met en scène des femmes qui se figent dans des décors soigneusement imaginés, soulevant la question de la vulnérabilité, de l’identité et de la représentation. Les contextes souvent intemporels dans lesquels les personnages se révèlent sont issus de voyages intérieurs de la photographe. Le processus durant lequel le portrait est pris témoigne de la connexion non-verbale établie entre la photographe, son modèle mais aussi le spectateur. L’artiste élabore avec beaucoup de délicatesse ces portraits et a le souci du détail.

MARC SCHROEDER

Cette photographie a été prise à Remich, au Luxembourg, juste après la levée du confinement général lié au Covid en avril 2020. C’est la première d’une série de onze «tableaux», chacun composé uniquement de détails architecturaux et urbains. Bien que les scènes individuelles de la série présentent des formes géométriques nettes qui imposent un ordre visuel strict, elles transmettent également une impression de vide et de stérilité. Elles représentent des espaces publics dépourvus de présence humaine, où les obstacles physiques ou leurs ombres entravent notre liberté de mouvement. En tant que telle, la série sert d’abstraction de la période de confinement général de 2020.

103 CLERVAUX CITÉ DE L’IMAGE • SIX INSTALLATIONS PHOTOGRAPHIQUES À CIEL OUVERT
Jeannine UNSEN, Seja, 2016, i love you baby Marc Schroeder, Corona 2020, Scenes of the Pandemic 1

BORIS LODER

Mon parcours photographique a commencé par l’exploration des environs de mon quartier, en particulier la zone autour de la gare. Ce lieu est souvent associé au trafic de drogue et à la prostitution, contribuant ainsi aux stéréotypes négatifs du paysage urbain luxembourgeois. Dans le but de remettre en question ces idées préconçues, je me suis lancé dans une quête pour découvrir la vérité sur des lieux spécifiques tels que les parkings, les terrains de jeux et les terrains vagues. Pour capter l’essence de ces lieux, j’ai commencé à collecter différents objets trouvés sur place.

VÉRONIQUE KOLBER

Cette série rend hommage de manière incontestable à la tradition de la American Street photography. Ces rencontres éphémères dans les rues animées de New York soulèvent plus de questions qu’elles ne donnent des réponses. Chaque photographie capte un moment de réalité éphémère qui vibre de potentiel cinématographique, stimulant l’imagination.

104 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
Boris Loder, Particles. Sports Ground Campus, Geesseknäppchen Véronique Kolber, American Diorama-Streets, 2011_4

BRUNO OLIVEIRA

L’île de Cape Verd mérite bien son nom. Là-bas, la couleur est un lieu, une pièce, un paysage, une personne, un souvenir.. Lorsque j’ai voyagé sur l’île natale de mon petit ami, Santo Antao, où nous avons rendu visite à sa famille en été 2018, tout semblait si familier et pourtant si étranger. Le chien sur cette photo a été la première âme errante rencontrée lors de mon voyage et la première que j’ai suivie. À travers les montagnes escarpées de Santo Antao, il m’a guidé vers des coins cachés que j’aurais manqués autrement. Son regard avait une certaine fascination, comme s’il avait quelque chose de vital à partager, mais quoi, cela restait un mystère. Néanmoins, sa présence a marqué mon voyage de son empreinte indélébile.

MARIE CAPESIUS

Monter au paradis et descendre en enfer ?

Ou monter en enfer et descendre au paradis ?

Dans la série Héliopolis l’image « Gate » dévoile le portail qui donne accès à la base militaire de l’île du Levant depuis le village naturiste Héliopolis. Cette porte devient symbole de la dualité entre ces deux mondes qui se côtoient alors que tout les oppose.

105 CLERVAUX CITÉ DE L’IMAGE • SIX INSTALLATIONS PHOTOGRAPHIQUES À CIEL OUVERT
Bruno Oliveira, Coentro e Cachorros. Cachorro no monte em Paul, 2018 Marie Capesius, Heliopolis. Gate, 2017-2019
106 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
© CNA / Romain Girtgen Toni Frissell © Library of Congress

LES COLLECTIONS PERMANENTES

Les Steichen Collections au Grand-Duché de Luxembourg

rassemblent le patrimoine lié à Edward J. Steichen (18791973) et à sa carrière prolifique marquée par la photographie.

Plusieurs collections témoignent de son travail créateur au Luxembourg. Le fonds des Steichen Collections du CNA met en lumière la carrière de curateur de Steichen au MoMA via la conservation et la réinterprétation de ses deux expositions emblématiques et désormais historiques : The Family of Man (1955) et The Bitter Years (1962). Elles forment aujourd’hui deux ensembles iconiques de la photographie humaniste et documentaire du XXème siècle.

www.steichencollections.lu

THE FAMILY OF MAN MÉMOIRE DU MONDE DE L’UNESCO CHÂTEAU DE CLERVAUX

En 1955, Edward Steichen conçoit The Family of Man pour le 25ème anniversaire du Museum of Modern Art (MoMA) de New York. Une exposition qui attirera le monde au musée et qui entrera dans l’histoire de la photographie, par son ambition, son succès international et sa réception enthousiaste et controversée à la fois. L’exposition est pensée comme un panorama humaniste visant à tisser des liens entre les peuples via le pouvoir de communication de l’image. Steichen saisit l’esprit du temps et dessine une image rassurante, incluant tensions et espoirs, sur le fond du contexte historique agité de la guerre froide.

THE STEICHEN COLLECTIONS CNA

503 images de 273 auteurs de 68 pays sont ici sélectionnées pour composer un manifeste pour la paix et l’égalité fondamentale des hommes. Les images d’auteurs tels que Robert Capa, Henri Cartier-Bresson, Dorothea Lange, Robert Doisneau, August Sander, Ansel Adams, … y sont mises en scène d’une manière moderniste et spectaculaire.

Après une itinérance internationale et décennale, l’exposition est léguée au Grand-Duché de Luxembourg dans les années 1960. Aujourd’hui, la collection entièrement restaurée fait partie de la Mémoire du Monde de l’UNESCO et est présentée selon une interprétation contemporaine au respect de son histoire au Château de Clervaux.

En résonance avec le thème de l’édition actuelle du Mois Européen de la Photographie Rethinking Identity, le CNA a acquis une collection de photographie contemporaine d’auteurs internationaux, la Teutloff Collection. Elle permettra d’instaurer un dialogue futur avec la collection patrimoniale et ainsi de repenser et mettre en question l’image de l’homme et sa représentation.

www.steichencollections-cna.lu

107 THE STEICHEN COLLECTIONS • LES COLLECTIONS PERMANENTES
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108 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023 Alma
Haser, Cosmic Surgery, 2020

ARTISTES

COMMISSAIRES

IDENTITIES : PORTRAYING THE INTANGIBLE

« La photographie, en tant que forme d’expression personnelle, encourage les artistes à aller au-delà des observations superficielles et à se plonger dans leur passé, leurs expériences de vie ou leurs croyances. Les neuf photographes présentés expriment les subtilités de leur identité et s’efforcent de faire des déclarations honnêtes et significatives sur leur vie et leur environnement. »

Simon Santschi

Il semble donc presque contradictoire de concevoir une exposition dans laquelle ce moyen artistique particulier cherche à aller au-delà de la simple apparence physique et à révéler les fissures du masque social soigneusement construit. Mais c’est précisément la nature confrontationnelle de l’appareil photo qui aide l’artiste à capter ces moments où le vrai Moi commence à transparaître et où le spectateur, ou spectatrice, est confronté aux luttes, aux traumatismes, aux désirs et aux conflits les plus intimes du modèle. La Kunsthalle Trier place l’intangible au centre de l’exposition et présente

ACADEMIE EUROPÉENNE D’ART DE TRÈVES

KUNSTHALLE TRIER

les œuvres photographiques séduisantes de neuf artistes qui se définissent par leur approche personnelle et diversifiée du sujet, car ils vont au-delà de la surface pour discuter du thème de l’identité en tant que quête de soi et représentation de soi, en tant que découverte de soi.

Avec la conviction que « l’identité n’est pas négociée mais libérée », Akosua Viktoria Adu-Sanyah crée une rencontre visuelle profondément personnelle et en constante évolution, qui nous permet de nous plonger dans ses réflexions multiformes sur l’identité personnelle, les attentes, le racisme et l’espace intermédiaire. L’installation photographique Inherence : Poems of Non-Belonging montre, à travers ses diverses applications de la photographie et de la matérialité, la nature complexe qui constitue l’identité personnelle de chacun.

109 KUNSTHALLE TRIER • IDENTITIES : PORTRAYING THE INTANGIBLE
AKOSUA VIKTORIA ADU-SANYAH, ALMA HASER, NATALIA KEPESZ, STEFAN KRAUTH, SANNE MAES, MARTINE PINNEL, REBECCA RACINE RAMERSHOVEN, PIT REDING, FRANZISKA STÜNKEL
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SIMON SANTSCHI, DIRECTEUR DE L’ACADÉMIE EUROPÉENNE D’ART DE TRÊVES. & DR. LISI LINSTER, CONSERVATRICE ADJOINTE DE LA KUNSTHALLE

Les sculptures photographiques d’Alma Haser remettent en question les notions de beauté et d’auto-représentation en étendant les visages dans l’espace de la galerie. Ses extensions reconstruites en origami défient notre pensée normative, créant des impressions étranges. La photographie en noir et blanc Natalia Kepesz adopte une approche plus sentimentale. Ses images poétiques et ensorcelantes captent le sentiment d’incertitude et de solitude que l’on ressent à travers les yeux de sa fille Pola, tout en remettant en question sa propre définition de soi en dehors de sa maternité. Stefan Krauth utilise l’idée du self-fashioning à travers les

moyens humoristiques des costumes et de la mise en scène. Selfie est une accumulation de grands tirages de Krauth jouant à se déguiser, confrontant les spectateurs à la fausseté du cliché encore répandu qui dit que «les vêtements font l’homme». Les portraits vidéo de Sanne Maes permettent une approche différente de la photographie en introduisant l’image en mouvement. Présentés sur des écrans de télévision encadrés, les portraits sont à moitié cachés par des taches d’encre inspirées du test de Rorschach, questionnant autant l’identité des modèles que révélant les impressions des spectateurs à leur égard. Le lac luxembourgeois de la

110 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
Pit Reding, Untitled (Barbie), Untitled (Drag), 2023

Haute-Sûre sert de toile de fond aux photographies pittoresques de Martine Pinnel. Baigné dans des tons sourds, le paysage froid reflète les turbulences intérieures de l’artiste et lui donne un aperçu inhabituellement personnel de sa santé mentale. Dans l’œuvre Identity I de Rebecca Racine Ramershoven, le voile est moins un moyen d’expression personnelle qu’un voilement de l’identité, un identifiant imposé par la société. En jouant avec les textiles et la texture, l’artiste dépeint l’effet étouffant que les attentes sociales peuvent avoir sur l’identité personnelle des personnes de couleur. Les rôles de genre, la sexualité et les luttes qui en découlent, imposées par les conventions sociales, sont le sujet des images révélatrices de Pit Reding. Soulignant le caractère sexué des jouets d’enfance, l’artiste luxembourgeois adopte une approche corporelle intime dans ces photographies jamais exposées auparavant. Les paysages urbains de Franziska Stünkel questionnent le rôle de notre environnement sur la formation de l’identité personnelle. Les bâtiments peuvent laisser une trace, une impression, tout comme son reflet est capté dans chaque bâtiment.

111 KUNSTHALLE TRIER • IDENTITIES : PORTRAYING THE INTANGIBLE
Dr. Lisi Linster, Conservatrice adjointe de la Kunsthalle Martine Pinnel, Self Portrait, 2022
112 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
Daniel Wagener, Opus incertum, 2022

LUXEMBOURG PHOTOGRAPHY AWARD ( LUPA ) : DANIEL WAGENER ET LUPA MENTORSHIP : ROZAFA ELSHAN

Association œuvrant pour la promotion de la scène photographique liée au Luxembourg, Lët’z Arles poursuit, cette année encore, son soutien et son accompagnement à deux artistes, via deux prix distincts. Daniel Wagener et Rozafa

Elshan ont été sélectionnés par un jury d’experts comme lauréats, respectivement, du Luxembourg Photography Award (LUPA) et du LUPA mentorship.

Les 2 artistes ont eu des liens passés avec EMOP Luxembourg : Daniel Wagener a exposé ses travaux au LUCA lors d’EMOP 2019 et Rozafa Elshan a présenté son portfolio d’artiste en 2021.

Née en 1994, Rozafa Elshan est accueillie début 2023 au sein du nouveau programme de mentorat – résidence, proposé par Lët’z Arles en partenariat avec l’École Nationale Supérieure de la Photographie (ENSP) d’Arles. Durant 3 mois, elle bénéficie d’un accompagnement mentoré de l’ENSP avec master classes, workshops, sessions de travail collectif ou individuel et accès aux équipements techniques de l’ENSP. Ce mentorat-résidence, fondé sur l’approfondissement d’un projet de recherches et sur la professionnalisation d’une pratique artistique, donnera lieu à une future production : une exposition au Luxembourg et une première publication, en collaboration avec le Centre national de l’audiovisuel.

Lauréat du LUPA 2023, Daniel Wagener (né en 1988) présentera Opus incertum à la Chapelle de la Charité, dans le cadre de la 54e édition des Rencontres d’Arles. Avec son installation monumentale, pensée en résonance à cette chapelle baroque au décor

chargé, l’artiste interroge la mémoire du temps et du lieu et les transformations sociales et fonctionnelles que l’édifice a subies. Il cherche à reconnecter le lieu à la contemporanéité. Emprunté à la maçonnerie romaine, le terme opus incertum signifie construire des murs à partir de petits blocs, de carreaux cassés, de briques variées. L’installation in-situ se compose d’un dispositif de racks industriels remplis d’images de « chantiers » contemporains, de visions urbaines, de traces de bâti du passé et du présent. Cet entrepôt modulaire de stockage d’images obstrue la vue de l’autel et devient l’interface plastique d’un nouveau culte de la consommation. L’artiste interroge la nature de l’icône dans notre société contemporaine et nous questionne sur l‘intersection du spirituel avec le matériel.

Documentant les épisodes de chantiers urbains et révélant ce qui n’est plus aperçu, opus incertum est aussi un hommage au travail collectif et à l’engagement de ces acteurs qui font société pendant les processus de construction, qui transmettent leurs méthodes et leur culture dans une solidarité exemplaire, tout en restant invisibles. Avec un trait d’humour indéniable, l’artiste réussit ainsi à créer une sublimation, une sublimation de l’utile.

Sous le commissariat de Danielle Igniti, l’exposition s’accompagne d’une publication dédiée et d’un retour au Luxembourg, sous une forme adaptée pour le Pomhouse du Centre national de l’audiovisuel, à partir de début

2024.

113 LËT’Z ARLES 2023 • LUXEMBOURG PHOTOGRAPHY AWARD ( LUPA ) AND MENTORSHIP DANIEL WAGENER, ROZAFA ELSHAN LËT’Z ARLES 2023
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114 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
Eva L’Hoest, Shitsukan Of Objects, 2019, stereolithography, photo credits : Ludovic Beillard

REPOUSSER LES LIMITESPROMOUVOIR LES NOUVEAUX TALENTS

Le prix Edward Steichen Luxembourg est un hommage à la vie et à l’œuvre de l’artiste américain Edward Steichen qui est né au Luxembourg. Ce prix rend hommage aux réalisations artistiques de Steichen en tant que photographe et conservateur, ainsi qu’à son inlassable engagement pour la défense des arts et l’encouragement de nouveaux talents. Il s’agit d’un prix d’encouragement créée en 2004 lequel, tous les deux ans, donnera l’occasion à de jeunes artistes de moins de 35 ans de s’immerger dans le contexte culturel bouillonnant de la ville de New York, qui s’est avéré si fertile pour Steichen lui-même.

Le prix comporte deux catégories, la première à vocation résolument européenne, la seconde plus spécifiquement destinée aux artistes luxembourgeois. Les deux prix consistent en une résidence à New York au sein de l’International Studio and Curatorial Program (ISCP), un centre d’art contemporain renommé basé sur la résidence pour les artistes et les conservateurs, situé à Brooklyn. Le premier prix, le Edward Steichen Award Laureate, consiste en une résidence de six mois. Le second, le

Edward Steichen Luxembourg Resident in New York, sponsorisé par le fonds-stART up, Œuvre Nationale de Secours Grande-Duchesse Charlotte, est accordé sous forme d’un séjour de quatre mois à l’ISCP. Les artistes sont nommés par des conservateurs et des experts du Luxembourg et de la grande région dans le domaine de l’art contemporain. Les lauréats sont ensuite sélectionnés par un jury composé de trois membres: un Luxembourgeois, les deux autres européens et américains respectivement. De plus, un représentant de l’Œuvre Nationale de Secours Grande-Duchesse Charlotte, fonds-stART up, participe au processus de délibération et de sélection. Comme les artistes contemporains ont de plus en plus souvent recours à des techniques variées qui dépassent les approches traditionnelles et brouillent les distinctions entre les genres artistiques, le prix Edward Steichen est ouvert à un vaste éventail de pratiques dans le domaine des arts visuels.

115 EDWARD STEICHEN AWARD LUXEMBOURG • REPOUSSER LES LIMITES - PROMOUVOIR LES NOUVEAUX TALENTS EDWARD STEICHEN AWARD LUXEMBOURG
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En 2022, l’artiste belge Eva L’Hoest a été désignée lauréate du prix Edward Steichen en reconnaissance de son utilisation pertinente des technologies contemporaines pour relier la mythologie à l’actualité contemporaine. Eva L’Hoest travaille avec des scans 3D, la modélisation, la capture directe et les générateurs d’effets spéciaux, entre autres, pour atteindre une compréhension plus profonde de notre époque actuelle. «Entre ruines fictives et réelles, les images en mouvement de ses films et installations explorent les méandres de la mémoire - humaine et non humaine - qui rappellent des questions économiques et environnementales plus vastes», explique Antoinette Jattiot, commissaire d’exposition et écrivain. «Son approche de l’image photographique, qu’elle soit sculpturale, numérique ou conceptuelle, révèle et déconstruit des écosystèmes qui nous alertent sur notre relation à l’espace et à l’ère numérique. Poétiquement, elle explore l’état du monde, notre capacité à habiter le temps et le pouvoir de la contemplation». Eva L’Hoest séjournera à l’ISCP de juillet à décembre 2023.

Le prix Edward Steichen Luxembourg Resident in New York 2022 a été attribué à l’artiste Nika Schmitt pour ses systèmes mécaniques élaborés fonctionnant à partir de données, de rythmes et de motifs collectés. «Nika Schmitt montre comment les données se forment au contact d’autres données et comment cette relation interactive est liée à nos propres expériences sensorielles», écrivent Sandra Schwender et Carl Rethmann à propos de son travail. Elle commencera sa résidence à l’ISCP en septembre 2023. Malgré le large éventail de pratiques artistiques prises en considération, les approches innovantes de la photographie restent intéressantes pour le prix Edward Steichen. En 2015, l’artiste belge Max Pinckers a été désigné lauréat du prix Edward Steichen pour son interprétation contemporaine de la photographie documentaire, explorant les limites de celle-ci et révélant la nature manipulatrice du médium. Sa résidence aux États-Unis a donné lieu à un ensemble d’œuvres, Margins of Excess, sur la construction des faits et de la fiction. Il a fait partie de Double Bind (2021), la première exposition monographique de son travail au Fotomuseum d’Anvers, présentant ce qu’il appelle un «documentaire spéculatif». Plus récemment, Max Pinckers s’est attaché, pour le magazine The New Yorker, à «trouver les angles morts de la photographie documentaire lors du plus grand événement sportif du monde», la Coupe du monde de football au Qatar.

116 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
Esther Hovers, The Right To Be Forgotten – installation View at The Glucksman Museum, Cork (IRL), Variable Sizes, Mixed Media, photo by Jed Niezgoda. Esther Hovers, The Right To Be Forgotten –The Drawing, 2021, 50 x 65 cm, Graphite on graph paper, Artist Frame.

Il convient également de souligner le talent prolifique de l’artiste et graphiste Daniel Wagener, résident Edward Steichen Luxembourg à New York en 2018. Dans ses photographies subtilement humoristiques, Daniel Wagener capte la bizarrerie des décors du quotidien, souvent mise en valeur, dans ses œuvres d’art, par des techniques d’impression ou d’édition expérimentales et peu coûteuses. La même année, l’artiste néerlandaise Esther Hovers avait poursuivi ses explorations de la manière dont les humains naviguent dans les géographies urbaines en tant que lauréate du prix Edward Steichen, pendant sa résidence de six mois à l’ISCP. Son travail photographique examine plus généralement les relations de pouvoir et de contrôle dans les espaces publics, et New York était le cadre idéal pour étendre ses recherches. Dans son récent travail intitulé Le Droit à l’Oubli, Hovers reproduit un portrait trouvé sur Google du premier homme à revendiquer avec succès son «Droit à l’Oubli» auprès de la Cour de justice de l’Union européenne. Comme il a gagné

son procès, sa quête d’oubli est entré dans les annales. Hovers recherche des techniques de reproduction qui montrent et modifient simultanément son portrait. Internet n’oublie pas et nous sommes confrontés à des archives personnelles en ligne qui ne cessent de croître. Pour cette série d’œuvres, elle utilise la reproduction photographique comme moyen de réfléchir à la circulation sans fin, à la résilience de l’image.

Expérimenter les nouvelles technologies, remettre en question, brouiller ou repousser les limites, telles étaient les caractéristiques de la vie et de l’œuvre d’Edward Steichen lui-même. Il continue d’être une source d’inspiration aujourd’hui, pour notre association et pour nos lauréats qui cherchent à perfectionner leur art tout en élargissant le dialogue entre les cultures et les peuples, plus important aujourd’hui que jamais.

117 EDWARD STEICHEN AWARD LUXEMBOURG • REPOUSSER LES LIMITES - PROMOUVOIR LES NOUVEAUX TALENTS
Françoise Poos (présidente) Traduction réalisée par DeepL, révisée par Pierre Stiwer Max Pickers, Migrant workers from Peshawar, Pakistan, in their shared room in the Industrial Area during the FIFA World Cup, Doha, Qatar, Friday 25 November 2022 © Max Pinckers
118 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
Graciela Magnoni, Harar, Ethiopia, 2015 © Graciela Magnoni Tatsuo Suzuki, © Tatsuo Suzuki Max Pinckers, People Exiting the Metro at Yonggwang Station, Pyongyang, North Korea, 2017, from the series Red Ink, 2018 © Max Pinckers

LIGHT LEAKS FESTIVAL, LUXEMBOURG

Un festival

urbains à travers les yeux des photographes - Storytelling en photographie de rue, photojournalisme et photographie documentaire.

En 2016, le Luxembourg Streetphoto Collective a transformé ses populaires Slidenights en un véritable festival de Street photo au Luxembourg, accueillant des conférences avec des photographes de renom tels que Harry Gruyaert, membre de Magnum, Sabine Weiss, Jane Evelyn Atwood, Matt Stuart et bien d’autres aux Rotondes à Luxembourg. Au fil des années, le festival a continué à se développer et des éléments tels que son exposition annuelle, le Open Wall Contest et la Discoverbox ont été ajoutés.

En 2023, le festival portera pour la première fois son nouveau nom Light Leaks Festival. Ce changement de nom permettra de clarifier l’accent mis sur la photographie de rue et documentaire et de fournir une plateforme reconnaissable pour les amateurs du genre, d’ici et d’ailleurs. D’origine luxembourgeoise, le Luxembourg Streetphoto Collective a pour objectif d’ouvrir le festival à un public international.

Dans cette optique, comme chaque année, la liste des intervenants de 2023 comprend des photographes de renommée internationale issus de la photographie de rue et du documentaire. Les invités de cette année sont Tatsuo Suzuki, Graciela Magnoni et Max Pinckers.

De plus, à côté de l’exposition annuelle présentant le travail d’une vingtaine de photographes locaux, d’un collectif international de photographie de rue et d’une école secondaire locale, une exposition en plein air dans la cour du Centre Culturel des Rotondes où seront présentés les travaux des intervenants invités sera également organisée.

Le Light Leaks Festival offre également un lieu d’échange entre professionnels, amateurs et toute personne intéressée par le sujet. Dans cette optique, les organisateurs du festival ont prévu de nombreux ateliers, un marché de matériel et de livres de photos, la possibilité de montrer son portfolio et une Discoverbox où chacun pourra présenter son travail.

119 ROTONDES • LIGHT LEAKS FESTIVAL, LUXEMBOURG STREETPHOTO COLLECTIVE ROTONDES
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qui célèbre la vie quotidienne et les témoignages
STREETPHOTO COLLECTIVE

AKOSUA VIKTORIA ADU-SANYAH

*1990 Bonn (Allemagne)

Vit et travaille à Zurich (Suisse) www.akosuaviktoria.com

CHRISTIAN ASCHMAN

*1966 Luxembourg

Vit et travaille entre Bruxelles (Belgique) et Luxembourg www.christian-aschman.com

YOUNES BABA-ALI

*1986 in Oujda (Maroc)

Vit et travaille entre Bruxelles (Belgique) et Dakar (Senegal) www.younesbabaali.com

ROGER BALLEN

*1950 New York

Vit et travaille à Johannesburg (Afrique du Sud) www.rogerballen.com

BRUNO BALTZER

*1965 Nyons (France)

Vit et travaille entre Luxembourg et Greve in Chianti (Italie) www.bruno-baltzer.net

LORRAINE BELET

*2002 France

Vit et travaille en France www.lorrainebelet.cargo.site

SVEN BECKER

*1979 Luxembourg

Vit et travaille au Luxembourg https://atelierimages.cargo.site

OFIR BERMAN

*1991 Israël

Vit et travaille à Tel Aviv www.ofirberman.com

LEONORA BISAGNO

*1977 Zurich (Suisse)

Vit et travaille entre Luxembourg et Greve in Chianti (Italie) www.leonorabisagno.com

LAURIANNE BIXHAIN

*1987 Luxembourg

Vit et travaille entre Bruxelles, Belgique et Luxembourg. www.lauriannebixhain.com

JUSTINE BLAU

*1977 Pétange (Luxembourg)

Vit et travaille à Luxembourg www.justineblau.com

AMIR BORENSTEIN (EFFI & AMIR)

*1969 Israël

Vit et travaille à Bruxelles (Belgique) www.effiandamir.net

MIKE BOURSCHEID

*1984 Esch-sur-Alzette (Luxembourg)

Vit et travaille à Bruxelles (Belgique) www.mikebourscheid.com

ALINE BOUVY

*1974 Watermael-Boitsfort (Belgique)

Vit et travaille entre Bruxelles et Perlé (Luxembourg)

VANESSA BROWN

*1981 Lausanne (Suisse)

Vit et travaille à Bruxelles (Belgique) www.vanessa-brown.com

CIHAN ÇAKMAK

*1993 Osterholz-Scharmbeck / Niedersachsen (Allemagne)

Vit et travaille à Leipzig www.cihancakmak.com

CANSU YILDIRAN

*1996 Istanbul (Turquie)

Vit et travaille à Istanbul (Turquie) www.cansuyildiran.com

MARIE CAPESIUS

*1989 France

Vit et travaille au Luxembourg www.mariecapesius.com

LOUISA CLEMENT

*1987 Bonn (Allemagne)

Vit et travaille à Bonn (Allemagne) www.louisa-clement.de

STEVEN CRUZ

*1996 Luxembourg

Vit et travaille à Bruxelles (Belgique)

Instagram: stevencruz

KATRIEN DE BLAUWER

Vit et travaille à Bruxelles (Belgique) www.katriendeblauwer.com

ULLA DEVENTER

*1984 Henstedt-Ulzburg (Allemagne)

Vit à Hambourg et travaille en France, Belgique, Ghana www.ulladeventer.com/de

MANON DIEDERICH

*1987 Luxembourg

Vit et travaille à Cologne (Allemagne)

Instagram: manon_gewan

KRYSTYNA DUL

*1986 Nowy Targ (Pologne)

Vit et travaille au Luxembourg www.krystynadul.com

ROZAFA ELSHAN

*1994 Luxembourg

Vit et travaille à Bruxelles (Belgique) www.rozafaelshan.com

ISABELLE FERREIRA

*1972

Vit et travaille à Paris (France)

Instagram: isabelleferreira_if

CORINA GERTZ

*Wuppertal (Allemagne)

Vit et travaille à Düsseldorf (Allemagne) www.corinagertz.com

KATINKA GOLDBERG

*1981 Stockholm (Suède)

Vit et travaille à Oslo (Norvège)

Instagram: katinkagoldberg

JOJO GRONOSTAY

*1988 Hambourg (Allemagne)

Vit et travaille à Vienne (Autriche)

www.jojogronostay.com

ANETA GRZESZYKOWSKA

*1974 Varsovie (Pologne)

Vit et travaille à Varsovie

Instagram: anetagrzeszykowska

ALMA HASER

*1989 Forêt Noire (Allemagne)

Vit et travaille à Londres (Royaume-Uni) www.haser.org

PHILOMÈNE HOËL

*1985 France

Vit et travaille à Londres (Royaume-Uni) www.philomenehoel.fr

IMANE DJAMIL

*1996 Casablanca (Maroc)

Vit et travaille à Casablanca (Maroc) www.imanedjamil.com

NATALIE KEPESZ

*1983, Goldberg (Złotoryja)

vit et travaille à Berlin, www.nataliakepesz.de

EMAN KHOKHAR

Née à Lahore (Pakistan)

Vit et travaille à Dubai (Émirats arabes unis) www.emankhokhar.com

BHARTI KHER

*1969 Londres (Royaume-Uni)

Vit et travaille à New Delhi (Inde) www.bhartikher.com

LISA KOHL

*1988 Luxembourg

Vit et travaille au Luxembourg www.lisa-kohl.com

VÉRONIQUE KOLBER

*1978 Luxembourg Vit et travaille à Steinsel ((Luxembourg) www.veroniquekolber.com

ANNA KRIEPS *1986 Vit et travaille au Luxembourg www.annakrieps.com

STEFAN KRAUTH

*1978 Karlsruhe Vit et travaille à Karlsruhe s-krauth.de

RAPHAËL LECOQUIERRE

*1988 Saint-Cloud (France) Vit et travaille à Bruxelles (Belgique)

CÉLESTE LEEUWENBURG

*1986 Paris (France) Vit et travaille à Paris www.celesteleeuwenburg.com

120 EUROPEAN MONTH OF
2023
PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG

PAULO LOBO

*1964 Baixa da Banheira (Portugal)

Vit et travaille au Luxembourg www.paulobo.com

BORIS LODER

*1982 Heidenheim (Allemagne)

Vit et travaille au Luxembourg www.borisloder.com

LUNGA NTILA

*1995 † 2022 Johannesburg (Afrique du Sud)

www.nataal.com/lunga-ntila

SANNE MAES

*1974 La Haye

Travaille et vit à La Haye www.sannemaes.nl

CAROLE MELCHIOR

*1972 Arlon (Belgique)

Vit et travaille entre le Luxembourg et la Belgique www.carolemelchior.com

LÍVIA MELZI

*1985 Brésil

Vit et travaille à Paris (France) et à São Paulo (Brésil) www.liviamelzilab.com

RAFAŁ MILACH

*1978 Gliwice (Pologne)

Vit et travaille à Varsovie (Pologne) www.rafalmilach.com

ZANELE MUHOLI

*1972 Umlazi (Afrique du Sud)

Vit et travaille à Johannesburg (Afrique du Sud) www.muholizanele.com

ALBAN MUJA

*1980 Mitrovica (Kosovo)

Vit et travaille entre Berlin (Allemagne) et Pristina (Kosovo) www.albanmuja.com

PEDRO NEVES MARQUES

*1984 Lisbonne (Portugal)

Vit et travaille entre Lisbonne (Portugal) et New York (États-Unis) www.pedronevesmarques.com

CRISTINA NUÑEZ

*1962 Espagne

Vit à Saulnes (France) et travaille au Luxembourg www.cristinanunez.com

BRUNO OLIVEIRA

*1993 Sanfins (Portugal)

Vit et travaille au Luxembourg www.brunooliveira.lu

ORLAN

*1947

Vit et travaille à Paris (France) www.ORLAN.eu

FRIDA ORUPABO

*1986 Sarpsborg (Norvège)

Vit et travaille à Oslo (Norvège) www.fridaorupabo.com

JULIAN PALACZ

*1983 Leoben (Autriche)

Vit et travaille à Vienne (Autriche) www.julian.palacz.at

LUKAS PANEK

*1993, Berlin (Allemagne)

Vit et travaille à Berlin www.lukaspanek.com

DITA PEPE

*1973 Ostrava (République Tchèque)

Vit et travaille à Ostrava www.ditapepe.cz

MARTINE PINNEL

*1988 Luxembourg

Vit et travaille au Luxembourg www.martinepinnel.com

LUCIA PIZZANI

*1975 Caracas (Venezuela)

Vit et travaille à Londres (Royaume-Uni) www.luciapizzani.com

REBECCA RACINE RAMERSHOVEN

(*1987, Bad Nauheil)

vit et travaille à Cologne rebeccaracineramershoven.com

PIT REDING

*1996 Luxembourg Vit et travaille au Luxembourg www.pitreding.com

SILVIA ROSI

*1992 Scandiano (Italie)

INDEX DES ARTISTES

ANNE SPELTZ

*1996 Luxembourg

Vit et travaille à Hannover (Allemagne)

www.anne-speltz.de

ANDRZEJ STEINBACH

*1983 Czarnków (Pologne)

Vit et travaille à Berlin (Allemagne)

www.andrzejsteinbach.de

FRANZISKA STÜNKEL

*1973 Göttingen

vit et travaille à Göttingen www.franziskastuenkel.de

VINCE TILLOTSON

*1989 Luxembourg

Vit et travaille à New York (États-Unis)

www.vincetillotson.com

POL TRIERWEILER

*2003 Luxembourg

Vit et travaille au Luxembourg

CAECILIA TRIPP

Vit et travaille entre Paris (France) et New York (États-Unis)

JEANNINE UNSEN

*1975 Luxembourg

Vit et travaille au Luxembourg

www.jeannineunsen.com

ROMAIN VADALA

*1998

Vit et travaille entre Londres (Royaume-Uni) et Modena (Italie) www.silviarosi.com

EMMA SARPANIEMI

*1993 Helsinki (Finlande) Vit et travaille à Helsinki www.emmasarpaniemi.com

MARC SCHROEDER

*1974 Luxembourg

Vit et travaille entre Luxembourg, Lisbonne et Berlin www.marcpschroeder.com

MARIANNA SIMNETT

*1986 Londres (Royaume-Uni)

Vit et travaille à Berlin (Allemagne) www.mariannasimnett.com

DAYANITA SINGH

*1961 New Delhi (Inde)

Vit et travaille à New Delhi (Inde) www.dayanitasingh.net

Vit et travaille à Metz (France) www.romainvadala.com

DANIEL WAGENER

*1988 Luxembourg.

Vit et travaille entre Luxembourg et Bruxelles. www.danielwagener.org

JEFF WEBER

*1980 Luxembourg

Vit et travaille à New-York (États-Unis)

www.jeffweber.be

EFFI WEISS (EFFI & AMIR)

*1971 Ramat Gan (Israël)

Vit et travaille à Bruxelles (Belgique)

www.effiandamir.net

KAROLINA WOJTAS

*1996 Jarosław (Pologne)

Vit et travaille en Pologne

www.karolinawojtas.com

MIKE ZENARI

Né à Dudelange (Luxembourg)

Vit et travaille au Luxembourg

www.mikezenari.com

121 INDEX DES ARTISTES

INFORMATIONS PRATIQUES

LIEUX D’EXPOSITION / VENUES AND EXHIBITIONS

LUXEMBOURG

Arendt House

41 A, Avenue J. F. Kennedy, L-2082 Luxembourg

Tél : (+352) 40 78 78 1

www.arendt.com

EMoP Arendt Award remise du prix > 10.05.2023

Rethinking Identity > 11.05 - 10.09.2023

Bibliothèque nationale du Luxembourg

37d Avenue John F. Kennedy, 1855 Luxembourg

Tél : (+352) 26 55 9-100

www.bnl.public.lu

E-mail : info@bnl.etat.lu

Caecilia Tripp, Sleeping with books > 23.05 - 31.07.2023

Casino Luxembourg – Forum d’art

contemporain

41, rue Notre-Dame L-2240 Luxembourg

Tél : (+352) 22 50 45

www.casino-luxembourg.lu

1. Tills: Lecoquierre > 06.05 - 10.09.2023

2. Bodies of Identities > 06.0510.09.2023

Cercle Cité - Ratskeller Rue du Curé

L-1368 Luxembourg

Tél : (+352) 46 49 46-1

www.cerclecite.lu

Rethinking Identity, Family & Community > 05.05 - 02.07.2023

Instituto Camões, Centre culturel portugais

4, Place Joseph Thorn, L-2637 Luxembourg

Tél : (+352) 46 33 71-1

www.instituto-camoes.pt Alma pintada, Paulo Lobo > 10.0507.07.2023

Musée d’Art Moderne Grand-Duc Jean (Mudam)

3, Park Dräi Eechelen, L-1499 Luxembourg-Kirchberg

Tél : (+352) 45 37 85 1

www.mudam.com

Dayanita Singh, Dancing with my Camera > 12.05 – 10.09.2023

Vernissage 11.05.2023 à 19h00

Nationalmusée um Fëschmaart Marché-aux-Poissons, L-2345 Luxembourg

Tél : (+352) 47 93 30 1

www.nationalmusee.lu

Rethinking Identity, Je est un autre > 04.05 - 22.10.2023

Erwin Olaf & Hand Op de Beeck: Inspired by Steichen > 16.12.2022-11.06.2023

Edward Steichen (1879-1973). The Artist’s View > 07.03.2023 - 04.06.2023

neimënster ( Centre Culturel de Rencontre Abbaye de Neumünster )

28, rue Münster, L-2160 Luxembourg

Tél: (+352) 26 20 52 1

www.neimenster.lu

The Portfolio artists / Chapelle

03.05. - 01.06.2023

Je suis toi, Tu es Moi > 03.05 - 06.06.2021

A Room of One’s Own > 03.05. - 01.06.2023

Parc de Merl – Luxembourg

P. Trierweiler, P. Reding, M. Diederich > à partir de mi-juin jusqu’à début octobre

Rotondes ( Centre culturel )

3 Place des Rotondes, 2448 Luxemburg-B’voie

Tél: 26 62 20 07

www.rotondes.lu & lightleaks.lu

Light Leaks Festival > 18.5 - 21.5.2023

Villa Vauban – Musée d’Art de la Ville de Luxembourg

18, Avenue Emile Reuter, L-2420 Luxembourg

Tél : (+352) 47 96 49 00

www.villavauban.lu

Katrien de Blauwer > 01.04 - 02.07.2023

Nosbaum Reding

4 Rue Wiltheim, 2733 Luxembourg

Tél : (+352) 26 19 05 55

www.nosbaumreding.lu

Isabelle Ferreira, O Salto > 09.03 - 27.05.2023

Reuter Bausch Art Gallery

14, rue Notre-Dame

L-2240 Luxembourg

www.reuterbausch.lu

Christian Aschman & Laurianne Bixhain

> 27.04 - 20.05.2023

Valerius Gallery

1, Place de Theatre | L-2613 Luxembourg info@valeriusartgallery.com www.valeriusgallery.com

Roger Ballen : Into the Ballenesque > 27.04 - 20.05.2023

CLERVAUX

Clervaux – cité de l’image Maison du Tourisme et de la Culture

11, Grand-rue, L-9710 Clervaux www.clervauximage.lu

Six installations photographiques à ciel ouvert

Octobre 2022 - Octobre 2023

The Family of Man –Steichen Collections CNA Château de Clervaux

L-9712 Clervaux

Tél. : +352 92 96 57 www.steichencollections-cna.lu

The Family of Man > 01.03.202301.01.2024

DUDELANGE

Centre National de l’Audiovisuel (CNA)

1b, rue du Centenaire, L-3475 Dudelange

Tél : (+352) 52 24 24 1 www.cna.lu

Pomhouse / Waassertuerm: The Hand that topples the Tower / Mike Bourscheid / Vanessa Brown - 13.05 > 20.08.2023; Ouvert mercredi à dimanche, 12:0018:00 | Entrée libre

Display 01: Storage containers - Jeff

Weber, 13.05. - 01.10.2023

Ouvert mercredi à dimanche , 12:00 - 18:00 | Entrée libre

Centre d’art Nei Liicht

Rue Dominique Lang, 3505 Dudelange

Tél : (+352) 51 61 21 - 2942

www.galeries-dudelange.lu

Mike Zenari / Humain & Sven Becker / Impermanence horizons

29.04.2023 - 18.06.2023

Centre d’art Dominique Lang

Gare Dudelange-Ville

Tél : (+352) 51 61 21 - 2942

www.galeries-dudelange.lu

Mike Zenari « Humain » & Sven Becker « Impermanence horizons »

29.04.2023 - 18.06.2023

ESCH / ALZETTE

Université du Luxembourg

2 Av. de l’Universite, 4365 Esch-sur-Alzette

Echoes of Self, Cristina Nuñez > 18.0501.10.2023

ETTELBRUCK

Centre des arts pluriels (CAP)

1 PLace Marie-Adelaïde

L-9063 Ettelbrück

Tél : (+352) 2681 2682

www.cape.lu

Echoes of Self, Cristina Nuñez > 26.04.15.05.2023

WANDHAFF / KOERICH

Ceysson & Bénétière

13-15 Rue d’Arlon, Wandhaff / Koerich (Windhof)

Luxembourg + 352 26 20 20 95

www.ceyssonbenetiere.com

ORLAN

Ceci est mon corps… Ceci est mon logiciel… > 31.03 - 13.05.2023

TRIER

Kunsthalle Trier (EKA)

Aachener Str. 63, 54294 Trier, Allemagne

Tél : +49 651 89 78

www.kunsthalle-trier.de

Identities. Portraying the intangible > 18.05 - 11.06.2023

122 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023

REMERCIEMENTS / THANKS TO

Mme Sam Tanson, Ministre de la Culture

Mme Lydie Polfer, Maire de la Ville de Luxembourg

Mme Christiane Sietzen, responsable des services culturels de la Ville de Luxembourg

M. Benoît Andries, directeur, Agence luxembourgeoise d’action culturelle

Mme Anastasia Chaguidouline, responsable de la programmation du Cercle Cité

Mme Vanessa Cum, coordinatrice culturelle de la Ville de Luxembourg

M. Guy Thewes, directeur des Musées de la Ville de Luxembourg

Mme Gabriele Grawe, conservatrice des Musées de la Ville de Luxembourg

M. Michel Polfer, directeur du Musée national d’archéologie, d’histoire et d’art (MNAHA)

M. Ruud Priem, chef de service & conservateur des collections Beaux-Arts, Musee national d’archeologie, d’histoire et d’art (MNAHA)

Mme Bettina Steinbrügge, directrice du Musée d’Art Moderne Grand-Duc Jean (Mudam)

M. Christophe Gallois, commissaire d’exposition au Mudam

Mme Michelle Cotton, chef de département au Mudam

M. Kevin Muhlen, directeur du Casino Luxembourg – Forum d’art contemporain

Mme Stilbe Schoeder, commissaire d’exposition au Casino Luxembourg - Forum d’art

contemporain

M. Claude D. Conter, directeur de la Bibliothèque Nationale du Luxembourg

Mme Nadine Esslingen, responsable de la médiathèque de la BNL

Mme Ainhoa Achutegui, directrice du Centre de Rencontres Abbaye de Neumünster

Mme. Ilaria Fagone, responsable des expositions Centre de Rencontres Abbaye de Neumünster

M. Pedro Sousa e Abreu, Ambassadeur du Portugal au Luxembourg

Mme Adília Martins de Carvalho, directrice du Centre culturel portugais (Instituto Camões)

Mme Claire Lignières-Counathe, Ambassadrice de France, Luxembourg

M Maxime Dafri, directeur de l’Institut français, Luxembourg

M. Paul Lesch, directeur du Centre National de l’Audiovisuel

Mme Michèle Walerich, département photo CNA

Mme Anke Reitz, responsable des Steichen Collections au CNA

Mme Marlène Kreins, directrice responsable des Centres d’art de la Ville de Dudelange

Mme Anouk Wies, Strategic advisor / Cell for cultural affairs, UniLu

Mme Sandra Schwender, directrice de Clervaux Cité de l’Image

M. Carl Adalsteinsson, directeur CAP, Ettelbrück

M. Simon Santschi de l’Académie européenne des Arts de Trèves ( Allemagne )

Mme Lisi Linster, conservatrice adjointe de la Kunsthalle Trier ( Allemagne )

Mme Florence Reckinger-Taddeï, présidente de Lët’z Arles

Mme Cécilia Zunt-Radot, directrice de Lët’z Arles

Mme Françoise Poos, présidente du Edward Steichen Award Luxembourg

Me Philippe Dupont, associé fondateur Arendt & Medernach

Mme Carole Pellegrini, Events team, Arendt & Medernach

Mme Valérie Quilez, coordinatrice internationale auprès de Kultur | lx , Arts Council

Luxembourg

Mme Diane Tobes, coordinatrice nationale auprès de Kultur | lx , Arts Council Luxembourg

Mme Hélène Doub, responsable du département des arts visuels Kultur | lx , Arts Council Luxembourg

LES GALERIES SUIVANTES / THE FOLLOWING GALLERIES

BERLIN

Galerie Nordenhake berlin@nordenhake.com

Société societeberlin.com

BRUXELLES Baronian www.baronian.eu

DÜSSELDORF

Galerie Clara Maria Sels www.galerie-claramariasels.de

HAMBURG

Galerie Conradi www.galerie-conradi.de

LUXEMBOURG Ceysson & Bénétière www.ceyssonbenetiere.com

Erna Hecey Office www.ernahecey.com

Nosbaum Reding www.nosbaumreding.lu

Reuter Bausch Art Gallery www.reuterbausch.lu

Valerius Gallery www.valeriusgallery.com

THE EMOP NETWORK

BERLIN Ville de Berlin

Moritz van Dülmen (directeur de Kulturprojekte Berlin)

Maren Lübbke-Tidow, curatrice auprès de Kulturprojekte Berlin et European Month of Photography Berlin

BRUXELLES

Delphine Dumont, directrice de Hangar Art Center et fondatrice du PhotoBrussels Festival

LISBONNE

Rui Prata, directeur de Imago Lisboa

PARIS Kadist www.kadist.org

Galerie Les Filles du Calvaire www.fillesducalvaire.com

Galerie Maubert www.galeriemaubert.com

Perrotin Paris www.perrotin.com

VARSOVIE

Jednostka Gallery www.jednostka.com

Raster Gallery www.en.rastergallery.com

VIENNE

Galerie Hubert Winter www.galeriewinter.at

LUXEMBOURG

Café-Crème asbl, Paul di Felice, Pierre Stiwer, directeurs et fondateurs du Mois européen de la photographie Luxembourg

PARIS

Emmanuelle Halkin, membre du comité Fetart / Circulations, Paris

VIENNE

Felix Hoffmann, directeur de Foto Wien

123 INFORMATIONS PRATIQUES / REMERCIEMENTS

COLOPHON

Editor / Publisher

Paul di Felice, Pierre Stiwer ( Café-Crème asbl )

Organisation du Mois européen de la photographie Luxembourg / Managers of EMoP Luxembourg

Paul di Felice, Pierre Stiwer (directeurs); Krystyna Dul ( main assistant ) et / and Sarah Hornung ( stagiaire )

Traductions / Translations

Pierre Stiwer, Simon Welch, Paul di Felice, Claire di Felice Assisted by Google Translate, Chat GPT and DeepL

Révélation(s) / Portfolio – Plateforme – Luxembourg

Café-Crème asbl

Conception graphique / Graphic Design hyke.studio

Ceysson & Bénétière

Luxembourg

Droits / Credits

All pictures if not otherwise stated: courtesy of the artist

No part of this publication may be reproduced or transmitted in any form or by any means, electronic or mechanical, including photocopy, recording or any other information storage and retrieval system, without prior permission in writing from the publisher.

Imprimé / Printed

Offset Printing House KOPA, Kaunas, Vilnius, Lituanie

ISBN 978-99959-674-9-9

photo de la couverture / cover photo Katinka Goldberg; Grandmother with lion, 2019, from the Series Bristningar (Rupture)

124 EUROPEAN MONTH OF PHOTOGRAPHY LUXEMBOURG 2023
RETHINKING IDENTITY

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