La Feuille hors série. Spécial Assises du journnalisme. Septembre 2021

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Focus

Assises du journalisme ­­— Septembre 2021

L’essor d’une spécialité

La Feuille

De plus en plus de journalistes se consacrent à l’environnement et font face ensemble.

A

ujourd’hui quand on écrit sur le changement climatique, on joue un rôle de lanceur d’alerte, comme le font les climatologues et les scientifiques », affirme Stéphane Mandard, journaliste au service Planète du Monde. Si, il y a quelques années, les questions environnementales n’étaient pas la priorité des rédactions, aujourd’hui les journalistes spécialisés dans ce domaine sont attendus. « Ce n’est plus un thème marginal, constate Angela Bolis, pigiste. Je n’ai aucun mal à vendre mes sujets. » Cette spécialité suppose d’explorer une multitude de sujets. Aurore Coulaud, journaliste pour la cellule environnement de Libération, a assisté à la naissance de la chronique Fil Vert du quotidien. « On voulait faire des sujets réguliers sur la thématique de l’environnement et nos chefs ­répondaient positivement », se souvientelle. Un jour est consacré aux animaux, un autre aux ­actions concrètes à mettre en place, un autre aux bonnes nouvelles. Puis la journaliste et ses collègues se mettent à travailler sur des dossiers qui regrou­pent

décryptages, enquêtes, portraits et reportages. Ils abordent des thèmes comme la chasse, le recyclage ou le réensauvagement. La rédaction accueille à bras ouvert ces nouveaux sujets. Cette diversité passionne Sébastien Billard, journaliste environnement chez L’Obs. Il regrette néanmoins de ne pas pouvoir faire assez de La thématique de l’environnement suppose, pour un terrain à cause du temps que journaliste, d’explorer une multitude de sujets. prend le travail sur le Web. « C’est paradoxal, parce que travailler sur d’être contre la protection de l’environl’environnement veut dire aller voir nement, soutient Clémentine Thiberge. ­dehors ce qui se passe », déplore-t-il. Mais on n’est pas pour autant militant. On garde à l’esprit que les sujets qu’on traite Vigilants mais pas militants sont toujours nuancés. » Du côté des journalistes scientifiques, Pour Stéphane Mandard, « il est imporl’approche est différente. Clémentine Thi- tant de creuser ce sillon, d’informer, de berge, spécialisée dans le domaine, répéter. Nous sommes face à un boulever­explique : « Je fais surtout des décryptages s e m e nt h i s t o r i q u e  » . Év e i l l e r l e s d’études et de travaux de recherche ». consciences et rendre la science accesCependant, tous se rejoignent pour dire sible à tous, tel est le mantra des journaqu’il faut rester vigilant. « Quand on est listes environnement. spécialisé sur ce thème, c’est impossible Marine GACHET

Ultramarins, ultra oubliés

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n matière de solutions à l’urgence climatique, les départements d’outre-mer (D OM) français peuvent servir d’exemple. La Réunion est le département qui produit le plus d’électricité à partir des énergies renouvelables, avec plus de 35 %. Cela s’explique par le fait que l’île n’est pas connectée au réseau métropolitain des centrales nucléaires. Cette exemplarité n’est pourtant que rarement traitée dans les médias nationaux. Et c’est loin d’être un cas isolé : de nombreux faits d’actualité ne sont pas ou peu évoqués dans la presse française. Dans le scandale du chlordécone aux Antilles, en janvier 2021, les juges d’instruction ont laissé entendre aux parties civiles que la procédure pourrait aboutir à un non-lieu. Cet insecticide, interdit aux États-Unis dès 1976 et retiré de la vente en France en 1990, a

continué d’être utilisé dans les Antilles françaises jusqu’en 1993. Leurs sols ont été durablement contaminés ainsi que les nappes d’eau souterraines. Toute l’agriculture en est affectée. Les populations ­locales continuent de subir les conséquences, avec des risques avérés d’accouchement prématurité et de cancer de la prostate. Dans les

En Guadeloupe, 22,02 % de l’éléctricité est d’origine renouvelable, selon l’Orec.

médias français, les actions en justice contre ce scandale environnemental n’ont pas fait la une. Et en 2020, la chaîne France Ô, d ­ édiée au traitement des informations ultramarines, est fermée. Une fermeture révélatrice : la chaînes n’a pas su ou pu s’adresser à la fois aux Ultramarins et aux Métropolitains. La pauvreté du traitement médiatique des DOM se résume en un chiffre : selon une étude de l’INA publiée en 2018, les Outremer représentent moins de 0,5 % des sujets traités dans les journaux télévisés français en dix ans. « On en parle quand il y a une crise assez importante ou un cyclone, ce n’est pas systématique », analyse Boris Courret, journaliste à BFM TV et ancien de France Ô. Même dans un contexte de crise environnementale, la loi kilométrique n’épargne pas les Outre-mer.

Marielle POUPARD

Photos : Rachel Claire/Pexels - Marcel Mochet/AFP

Au cœur des scandales environnementaux, les Outre-mer sont pourtant loin de faire la une.


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