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CARTE BLANCHE

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CARTE BLANCHE

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DOSSIER

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INTERVIEW ULB

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/ DÉRISION /

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BIBLIOGRAPHIE

La chute du Capitole

QUELLE JUSTICE POUR DEMAIN ?

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Le jury populaire en Belgique La réforme du système pénitentiaire Interview du juge Jean-Christophe Werenne La langue judiciaire et politique La fleur au fusil « D'autres fenêtres »...

© ALEXANDROS MICHAILIDIS/Shutterstock

© NICOLE GLASS/Shutterstock

SOMMAIR

BLUE LINE

N°07

Simplifions Bruxelles

Interview de la rectrice d'Annemie Schaus

Ce que payent les femmes


ÉDITO Chères lectrices, chers lecteurs, Tout d’abord je dois souligner le courage exemplaire dont nous, les étudiants, faisons part. Loin de nos auditoires, loin de nos professeurs et surtout loin de nos amis, nous redoublons d’efforts pour demeurer forts et optimistes dans l’espoir que la situation s’améliore. Sénèque disait à très juste titre : « Tirons notre courage de notre désespoir même ». À l’heure où le droit pénal est en pleine réforme, nous avons décidé de consacrer le dossier central de ce septième Blue Line à la Justice. En atteste la couverture, elle est habituellement personnifiée par Thémis. C’est surtout sous ses attributs que l’on peut la reconnaitre : la balance, symbole d’équité, et les yeux bandés, représentation de l’impartialité. De l’avenir du Jury populaire aux violences policières en passant par notre système pénitentiaire et l’emploi des langues en matière judiciaire, nos rédacteurs vous dévoilent ce que pourrait bien être la justice de demain. Pour ce dossier central, nos rédacteurs ont eu également l’occasion de rencontrer le juge Jean-Christophe Werenne qui nous parlera du Conseil du contentieux des étrangers. Hors dossier, ils se sont penchés sur l’actualité. Deux cartes blanches vous sont proposées, l’une tournée à l’internationale, avec cette attaque contre le symbole de la démocratie américaine, le Capitole. L’autre, centrée sur la Belgique, se veut une plaidoirie pour une meilleure gestion de Bruxelles. Pour accompagner ce panel d’écrits, nous avons exceptionnellement pu interviewer Annemie Schaus, rectrice de l’ULB. Elle vous livrera ses pensées sur l’organisation et le financement de l’université mais aussi sur le brûlant sujet des examens en présentiel. Comme à l’accoutumée, le Blue Line se termine par la rubrique Dérision réalisée avec soin par notre chère détachée pédagogique. Elle tire à boulets rouges sur un sujet particulièrement important : les coûts de l’existence chez la femme. Je vous souhaite une très belle lecture,

Adeline


{ CARTE BLANCHE CAPITOLE }

LA CARTE BLANCHE

« La chute du Capitole » : Premier Prem ier coup d’État ou ultime ult ime coup d’éclat ? PAR GUILLAUME ERGO

© NICOLE GLASS/Shutterstock

Les évènements du 6 janvier de cette année 2021 resteront à jamais gravés du sceau de l’infamie dans l’Histoire des États-Unis d’Amérique. Ou bien, ils pourront être perçus, à raison, comme de l’instrumentalisation à des fins de propagande partisane d’un mouvement spontané.

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{ CARTE BLANCHE CAPITOLE }

On peut regarder les évènements du Capitole comme le sénateur Chuck Schumer, leader démocrate du Sénat, c’est-à-dire comme « une tentative de coup d’État ». Ainsi, à l’instigation du président Trump, des groupes hostiles ont pénétré dans l’enceinte sacro-sainte du Capitole, siège du Congrès américain, afin d’interrompre un processus constitutionnel de certification des résultats de l’élection présidentielle. Les manifestants ont submergé les faibles forces de police présentes. Les émeutiers sont entrés dans les bâtiments, voire jusqu’aux hémicycles. Les putschistes étaient armés. D’ailleurs, ils comptaient dans leurs rangs des miliciens et même des membres en service des forces armées. Qui plus est, la police de Washington est soupçonnée, au choix, d’imprévision coupable, de complaisance, voire de complicité avec les « putschistes ». Quel était le but de cette « vile multitude » ? Rien de moins que précipiter l’avènement d’une république bananière nationalepopuliste présidée par Donald Trump ? Au-delà des clichés volontiers colportés et entretenus par une presse partisane dont j’ai proposé un mélange au début de ce texte, il serait bon de revenir sur les évènements du Capitole de manière plus posée, sans complaisance mais sans connivence. Tout d’abord, il faut reconnaître l’évidence : Joe Biden a remporté les élections américaines. Certes, il y a peut-être eu des irrégularités, comme il y en a dans toutes les grandes élections majeures dans toutes les nations du monde. Il n’en

demeure pas moins que le président Donald Trump, une fois tous les bulletins comptabilisés, une fois tous les recours – parfaitement légitimes dans un État de droit – épuisés, aurait dû concéder la victoire à son adversaire démocrate. En effet, il le devait non seulement aux Américains qui ont accordé leur suffrage au candidat du parti démocrate mais surtout et plus encore aux millions de ses concitoyens qui ont voté pour lui. Plus que sa propre personne, le président Trump a représenté une source et une ressource de fierté et d’espoir pour ses partisans. Parmi eux, on compte les perdants de la mondialisation, les petites gens de toutes les confessions, de toutes les communautés. Le chômage, la criminalité, le mépris des plus nantis ne connaissent pas de différences de couleur ou de religion qu’on en dise. Révolte populaire, à coup sûr. Révolution populiste, certainement. Rénovation démocratique, on verra… Il est, en effet, nécessaire de comprendre le contexte américain, celui de la violence politique. Par exemple, durant l’été 2020, plusieurs villes majeures dans différents États américains ont été la proie d’une quasi insurrection anarchiste menée par le mouvement Black Lives Matter. Ces émeutes faisaient suite au décès de Georges Floyd au cours de son interpellation par des policiers locaux. Bien que les autorités fédérales aient apporté leur soutien à la famille de la victime ou aient exigé une grande rigueur dans l’enquête, cela n’a pas empêché les Black Lives Matter d’entamer violences et pillages. Ce n’est que l’intervention des forces fédérales qui a finalement permis de

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{ CARTE BLANCHE CAPITOLE }

CapItOle

Que penser quand les partisans démocrates et leurs élus n’ont eu de cesse de remettre en question les résultats des élections présidentielles de 2016. Cela n’a cessé de se ressentir pendant quatre ans dans leurs prises de parole, dans les médias, dans les réseaux sociaux et même par une procédure d’impeachment ! Ils ont même poussé le vice jusqu’à vouloir le destituer une seconde fois alors que Donald Trump n’était plus président. Est-ce étonnant dès lors que certains de l’autre bord scandent « Not my President ! » en évoquant Joe Biden ? Enfin, il faut savoir définir ce qu’est un coup d’État. C’est « un acte d’autorité consistant dans une atteinte réfléchie, illégale et brusque, aux règles d’organisation, de fonctionnement ou de compétence des autorités constituées, atteinte dirigée, selon un plan préconçu et pour des raisons diverses, par une personne ou par un groupe de personnes réunis en un parti ou un corps ; dans le but soit de s’emparer du pouvoir, soit d’y défendre ou d’y renforcer sa position, soit d’entraîner une simple modification de l’orientation politique du pays » selon Olivier Bichet, auteur de la thèse Étude du coup d'État en fait et en droit. Les évènements du Capitole sont loin de correspondre à cette définition. À moins de la détourner et de la transformer pour lui faire perdre toute réelle signification. Le mouvement des « preneurs du Capitole » était spontané, irréfléchi, sans plan préconçu. Ils n’avaient le soutien d’aucune autorité au sein de l’Administration fédérale ou parmi les élus

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républicains du Congrès, aussi surpris que leurs collègues démocrates. Certes, on pourrait s’étonner de bon droit que les gigantesques services de renseignement de l’Oncle Sam n’aient rien prévu ou surveillé. Mais, à y regarder de près, l’histoire du renseignement américain ressemble à une succession de déboires : Pearl Harbor en 1941, la Baie des Cochons en 1961, le World Trade Center en 2001 et même les attaques pirates sur les sites partisans en 2016… Comme dit la sagesse populaire, il n’y a pas de pire aveugle que celui qui refuse de voir. Loin de constituer une tentative de coup d’État, ce qui s’est passé au Capitole ressemble plus à un ultime coup d’éclat d’un peuple qui va devoir se taire et subir la défaite de son héraut. Même si je ne veux pas manquer de respect aux morts de l’Union et de la Confédération, un parallèle peut être fait entre les évènements du Capitole et la guerre de Sécession. Jadis, là aussi, deux parties de l’Amérique semblaient irréconciliables et avaient franchi ce qu’on pensait être un point de non-retour. Pourtant, il a fallu tout le génie et toute l’énergie d’Abraham Lincoln pour ressouder les États-Unis. Sur le champ de bataille de Gettysburg, où morts bleus et gris reposaient ensemble, le visionnaire avait dit : « C’est à nous de faire en sorte qu’ils ne soient pas morts en vain ; à nous de vouloir qu’avec l’aide de Dieu cette nation renaisse dans la liberté ; à nous de décider que le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, ne disparaîtra jamais de la surface de la terre. » Durant sa présidence, Joe Biden sera-t-il attentif à la maxime de son prédécesseur ? Aura-t-il la volonté, le courage et les épaules de gouverner pour l’entièreté des Américains, y compris et surtout pour ceux qui lui ont tourné le dos ? Je l’espère pour lui. Et pour les Américains. 

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juguler ces débuts insurrectionnels au nom du Law and Order. La société américaine est violente. Et la violence se trouve dans chaque camp ; ce qu’on a du mal à comprendre en Europe même si des vagues arrivent peu à peu d’outre-Atlantique, vagues dont les Gilets jaunes sont une écume.


DOSSIER QUELLE JUSTICE POUR DEMAIN ? Depuis plusieurs années, la santé de Dame Justice n’est plus au beau fixe. Sa balance a de plus en plus de mal à peser et son épée est émoussée. Le troisième pouvoir regarde son avenir avec inquiétude… Et si nous transformions ces difficultés en opportunités afin de penser et panser la Justice à l’aune des défis et des questionnements (légitimes) qui font notre actualité ? Les étudiants libéraux ont une fois de plus usé de leurs meilleures plumes pour vous exposer des pistes pour demain afin que Dame Justice retrouve un peu de sa superbe. Telle est l’ambition de notre dossier ! 7


{ DOSSIER JUSTICE }

LE JURY POPULAIRE EN BELGIQUE RÉFLEXION SUR UN DÉBAT INTEMPOREL, AUX NOMBREUX ENJEUX DÉMOCRATIQUES PAR LOUIS MARESCHAL

En Belgique comme ailleurs, les dispositions législatives, réglementaires et administratives sont parfois prises au mépris de la plus élémentaire concertation populaire. Un abondant florilège normatif entre quotidiennement en vigueur. Les normes, tantôt à peine débattues, tantôt prises sur le fil, sont libellées en des termes qui ne brillent hélas, trop souvent pas par leur clarté mais qui ont néanmoins vocation à impacter directement tous les citoyens. L’institution judiciaire, en se portant garante de la Constitution, s’érige en un véritable garde-fou des droits et libertés dont jouissent les habitants du Royaume. Dans le tryptique des pouvoirs exercés par l’État belge, la justice dispose de prérogatives essentielles dont l’une des finalités est d’équilibrer les pouvoirs législatif et exécutif. Alors que l’heure est plus que jamais celle du numérique, la masse des médias participe par conséquent à une sur-information, laquelle est de temps à autre synonyme de mésinformation. L’incompréhension ne cesse, ce faisant, de grandir entre une large majorité des citoyens et ceux qui les gouvernent, en ce compris les fonctionnaires œuvrant pour la justice. Les malentendus qui découlent d’une telle mésentente sont déplorables, dans la mesure où ils vont de pair avec une méfiance des individus à l’endroit de leurs représentants et plus généralement à l’endroit de la démocratie. Au travers de la critique du jury populaire, ce modeste article tend à faire prendre conscience de l’urgence de plaider, au moyen d’une pensée engagée et juste, pour la sauvegarde d’institutions conçues selon le mécanisme de la démocratie directe ou indirecte, qui fonctionnent avec les citoyens et pour les citoyens.

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{ DOSSIER JUSTICE }

POUR RAPPEL En brève synthèse, les trois hautes juridictions que sont la Cour de cassation, la Cour constitutionnelle et le Conseil d’état veillent respectivement à ce que : la correcte application du Droit au sens large par les cours et tribunaux ordinaires soit respectée, les lois en vigueur obéissent au principe de légalité, et enfin les actes administratifs soient valides.

Sous le soleil d’Athènes, l’invention de la démocratie.

Les premiers fragments de ce qui pourrait constituer les prémisses de la démocratie telle que nous la connaissons, remontent à l'ère de la Grèce antique. Au sein des assemblées de la cité bordée par la mer Égée, la mode est alors moins celle du costume-cravate que de la toge. Dans la ville de l’Acropole, plus de deux mille ans avant l’invention de l’électricité, nul habitant ne possède de smartphone. L’accessibilité à l’information et à la connaissance est limitée, voire nulle, d’une manière telle que l’exercice de réflexion intellectuelle sur le pouvoir est une commodité réservée à seulement quelques-uns. Pourtant, c'est bien à cette époque que l'on évoque pour la première fois l’entreprise d'association des citoyens au pouvoir conjoint de prendre des décisions et de rendre la justice. Au cours de cette période, il est déjà largement discuté tant de la question de la souveraineté que de la question de la légitimité de l'ingérence des citoyens aux affaires de l’État. Selon les partisans de la démocratie directe, le peuple se réserve certaines prérogatives gouvernementales ; alors que la thèse des défenseurs de la démocratie représentative aboutit à l’exclusion totale de la participation du peuple aux affaires étatiques et par extension, à l’exercice de la justice. Aussi bien aujourd’hui qu’hier, la frontière entre démocratie et dictature n’est pas bien épaisse. Certaines considérations demeurent immuables. Plus tard, la modernité démocratique ouverte par les deux révolutions américaine et française du XVIIIe siècle amène les auteurs d'alors – notamment des Lumières en France – à avertir des risques que présente la démocratie représentative. Depuis, des esprits critiques exprimeront toujours leurs craintes vis à vis d'une justice entièrement professionnelle ou encore d'un « règne des experts » dans l'institution judiciaire.

L’EXPRESSION ASSEZ ÉLOQUENTE '' RÈGNE DES EXPERTS '' RENVOIE À LA SITUATION DANS LAQUELLE AU COURS DU PROCÈS, LA PAROLE DES EXPERTS SERAIT '' SACRALISÉE '' EN ÉTANT ÉLEVÉE AU RANG DE VÉRITÉ ABSOLUE.

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{ DOSSIER JUSTICE }

Plus près de nous, l’on constate que si la justice rendue exclusivement par des magistrats professionnels séduit de plus en plus le jury populaire compte encore de fervents adeptes ; tant auprès de ceux qui se vêtissent d’une robe dans le prétoire qu’auprès de ceux qui enseignent le droit dans les universités.

La cour d’assises comme exemple de démocratie participative. Traditionnellement décoré de ses

échafaudages, le palais de justice de Bruxelles se dresse au bout de la rue de la Régence. L’imposant édifice aux enceintes de marbre abrite l’une des onze cour d’assises du territoire. Cette dernière, de par sa pérennité, paraît insensible au défilement des époques. Au terme d’un procès qui s’étend parfois sur plusieurs semaines, douze citoyens tirés au sort sont tenus de se prononcer sur la culpabilité d’un individu accusé d’avoir commis un crime. Le jury populaire ainsi constitué, entouré de trois magistrats, dispose de la faculté de sceller ou non, la privation de liberté d’un de leurs semblables. La mission reconnue aux jurés intéresse intimement l’État de Droit. La justice, lorsqu’elle est rendue, ne peut souffrir d’aucune approximation. Aussi, le doute n’a de place au sein des tribunaux que lorsqu’il est bénéfique à l’accusé. Dès lors que le verdict estime la culpabilité de l’accusé comme étant établie, la protection contre l’arbitraire est assurée par le fait que sur les douze jurés au moins six doivent se prononcer en faveur de cette thèse. Les juges professionnels se chargent ensuite de parfaire la décision, en livrant un raisonnement sur les questions de droit. Enfin, contrairement à la procédure correctionnelle, magistrats et enquêteurs doivent donner le détail de leurs investigations en répondant aux questions posées par les jurés d’assises. Pareille méthode présente l’avantage de gager d’une transparence authentique, qualité appréciable dans le procès pénal.

Un projet de réforme au parfum d’abolition. Si elle semble avoir résisté au rythme du temps, les fréquentes critiques qui lui sont adressées pourraient bien sonner le glas de l’archaïsme de la cour d’assises. La probable réforme, qui n’a de cesse que de régulièrement défrayer la chronique, en témoigne. Lors de son mandat, l’ancien ministre, Koen Geens, avait accouché d’un audacieux projet de réforme. Publié en 2015, le « Plan Justice », finalement avorté cinq ans plus tard, réservait un sort peu complaisant à la cour d’assises : sa suppression. La réalité de la possibilité d’une abolition a depuis germé dans les consciences. Les doléances fusent de plus belle et fustigent l’institution et son jury populaire. L’aptitude et la compétence des citoyens devenus juges le temps d’un procès sont remises

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en cause, de même que le cadre sensationnaliste dans lequel il s’inscrit. Les assises, de par la nature grave des infractions à l’aune desquelles les accusés sont jugés, ne seraient au fond qu’une sorte de « foire aux monstres », pour reprendre la formule de Me Bruno Dayez, excitant au passage la vindicte de l’opinion publique. Comme pour confiner au paradoxe, un argument contre la cour d’assises concerne son coût, somme toute fort onéreux. Il pourrait en effet être à déplorer que le projet de réforme de la cour d’assises ne soit en réalité que le « cache-sexe » d’un phénomène scandaleux, néanmoins à la mode ces dernières années : les économies budgétaires faites au mépris de la justice. La qualité du procès judiciaire a-t-elle un prix quantifiable ? Pourquoi ne pas vendre la démocratie sous prétexte de bénéfices dans ce cas ? Dans un pays surdéveloppé comme la Belgique, la santé, l’éducation et la justice sont trois secteurs dont les subventions allouées ne peuvent en aucun cas être réduites.

La participation des citoyens à l’exercice du pouvoir  : démocratie, démagogie ou véritable utopie ? Dans ce plat pays qu’est le nôtre, l’expression de la

volonté populaire est concrétisée au moyen d’un processus qui correspond à l’exercice de la démocratie représentative. Le vote obligatoire pour l’ensemble des citoyens en leur qualité d’électeur a pour objectif d’élire des représentants qui soient capables de voter des lois en conformité avec les intérêts de tout un chacun. Si l’histoire des civilisations démontre que certaines figures politiques ont pu se démarquer, le progrès au sens strict ne peut jamais se faire sans inclure les citoyens. Pour reprendre la maxime du juge américain Louis D. Brandeis : « La fonction politique la plus importante est celle de simple citoyen ». Il n’est pas utopique de considérer que représentation et participation puissent fonctionner de concert. Sur les questions législatives ou judiciaires, dans une optique de dynamisme démocratique, ne vaudrait-il pas mieux éviter de faire l’économie de l’avis des belges ? En définitive, si la proposition de rendre la justice entièrement professionnelle reste critiquable, elle n’est cependant pas privée de sens. Mais si le jury populaire venait à disparaître ne faudrait-il pas, par conséquent, procéder à l’élection des juges ? Tant de voies de réflexions auxquelles nous confierons, aux lecteurs de Blue Line, le soin de l’appréciation. 


{ DOSSIER JUSTICE }

RÉFORME DU SYSTÈME PÉNITENTIAIRE :

LES PRISONS OUVERTES… JUSTICE PUNITIVE OU RÉHABILITATRICE ? PAR TITUS SEDENA

Il peut paraître insignifiant qu’un détenu ayant commis un homicide volontaire soit incarcéré en cellule 22 heures sur 24. Que penseriez-vous si je vous disais que pour ce même individu, je lui laisserais volontiers les clés de sa cellule afin qu’il purge sa peine en allant au travail, à l’école ?

Par un jugement du 9 janvier 2019, la Belgique est condamnée par le tribunal de 1re instance de Bruxelles dû à sa surpopulation dans les pénitenciers de Saint-Gilles et Forest. Un délai de 6 mois lui est accordé afin de pallier ce problème sous peine d’astreinte. Notons que l’ancien ministre de la Justice, Koen Geens (CD&V), avait pour priorité de ramener la population carcérale à moins de 10.000 détenus au moment de sa nomination en 2014. En 2018, son objectif fut temporairement atteint, car le nombre de détenus avait diminué à 9.984. Durant les 18 mois qui ont suivi, la surpopulation des 36 prisons du pays est remontée avec un surplus de 1862 détenus. En décembre 2019, soit une année après la condamnation, le cabinet de l’ancien ministre Koen Geens reconnaît que la population carcérale en moyenne s’accroît à nouveau malgré des chiffres inférieurs à ceux du début de son mandat. Selon les dires de son cabinet : « Nous avons urgemment besoin de nouvelles prisons ». Cette politique aurait certes un effet positif à court terme dans la mesure où la construction d’infrastructures supplémentaires a pour objectif d’enrayer ce processus de surpopulation. Néanmoins, cette solution n’offrirait qu’un répit de courte durée, car ces nouvelles infrastructures pénitentiaires continueraient d’être systématiquement remplies comme les précédentes. De toute évidence, une liste exhaustive des facteurs provoquant la surpopulation des prisons est difficilement réalisable. Toutefois, nous pouvons affirmer que la surpopulation des prisons est provoquée par l’ensemble des décisions prises à l’issue des procès/condamnations. Il a été constaté que les juges

d’instruction ont trop fréquemment recours à la détention préventive des individus. Cela n’est pas sans conséquence, car elle contribue largement à l’augmentation du nombre de détenus. Au cours de l’année 2019, l’administration pénitentiaire de Belgique révélait que 37,8 % de la population carcérale des 35 prisons du territoire y résidait à titre préventif. En outre, le traitement infligé aux internés dans les annexes psychiatriques des prisons est également un facteur qui favorise la surpopulation carcérale. Selon l’Observatoire international des prisons (OIP), la relation entre les équipes thérapeutiques et les personnes internées est alarmante. Ici est visée la médication excessive des détenus qui pose problème dans l’accompagnement thérapeutique de ceux-ci. Il faut savoir que si un détenu refuse sa médication malgré une dose excessive, celuici ne pourra plus sortir et sera considéré comme non coopératif. D’après l’OIP, il n’est pas rare que ce type de détenus reste en chambre d’isolement pendant des semaines, voire des mois.

Pour quelles raisons emprisonne-t-on ?

La privation de liberté n’est pas la finalité du processus d’incarcération. Elle n’est qu’une étape permettant de remplir la double fonction des prisons à savoir : protéger la population face aux citoyens déviants et la réhabilitation de ceux-ci dans la société. Je vous l’accorde, il est légitime de se demander si notre justice est punitive ou si elle vise la réinsertion sociale des détenus. Croyez-moi, ce questionnement ne date pourtant pas d’hier. >>

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{ DOSSIER JUSTICE }

Remontons peu après la prise d’indépendance de notre pays, en 1831. À cette époque, le régime carcéral se met en place sous la houlette d’Édouard Ducpétiaux (18041868). La « prison cellulaire » est alors acquise comme peine centrale dans l’arsenal pénal ; en effet, la privation de liberté est censée amener les détenus à l’amendement : comme tout individu libre et responsable, le détenu doit rechercher par un retour sur lui-même la cause de ses erreurs afin de se changer. Édouard Ducpétiaux opte pour le système dit pennsylvanien, caractérisé par un isolement cellulaire complet de jour et de nuit, avec ou sans travail en cellule. Selon Ducpétiaux : l’isolement constituerait la véritable punition, touchant l’âme du criminel pour le dissuader de récidiver. D’après lui, ce régime cellulaire exclut les communications entre les détenus et par la suite les désordres et complots de tout genre. Il rend impossible la corruption mutuelle en soustrayant les prisonniers à l'influence des mauvais conseils et des exemples pernicieux. Il prévient les associations criminelles après la libération et garantit la société contre le concert des malfaiteurs. Édouard Ducpétiaux lance un vaste programme de construction d’établissements : de 1844 à 1919, pas moins de trente maisons de dépôt (destinées aux prévenus en attente de jugement) et maisons d’arrêt (pour les personnes condamnées) sont construites sur ce modèle cellulaire. Adolphe Prins est nommé inspecteur général des prisons

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en 1884. Il critique ce système cellulaire : la vie morale y est, selon lui, réduite à sa plus simple expression et à la libération, le passage soudain de l’isolement absolu à la liberté complète ne peut qu’être désastreux. Dans le même temps, il déplore que les juges hésitent et finissent par punir, mais à moitié, multipliant de la sorte les courtes peines de prison. Or, selon Adolphe Prins, la principale erreur dans la lutte contre la criminalité tient précisément dans ce recours abusif aux courtes peines de prison qui alimentent la récidive. C’est sur la base de ces deux considérations qu’il propose de retenir une classification des délinquants en deux grandes catégories : les délinquants d’occasion et les délinquants d’habitude, à l’égard desquels la plus grande sévérité s’impose. Il conçoit deux types d’établissements : le premier groupe comprendrait les établissements pour jeunes et adultes normaux au sein desquels les délinquants professionnels seraient rendus inoffensifs par une détention la plus longue possible et basés sur un régime de travail le jour et d’isolement la nuit. Le second accueillerait les délinquants anormaux (aliénés et « défectueux »). Cette classification l’a internationalement reconnu comme l’inventeur de la défense sociale. Le 23 mars 1888, le ministre extra-parlementaire de la Justice, Jules Le Jeune, déposa à la Chambre un projet de loi pour « l’établissement de la liberté conditionnelle et des condamnations conditionnelles dans le système pénal ». L’exposé des motifs souligne sa volonté de défendre la société face aux récidivistes, en prévoyant une pression


{ DOSSIER JUSTICE }

sociale plus efficace par un « internement » de longue durée. C’est à partir de cet objectif de maintien de l’ordre public et de cet outil statistique de mesure de l’efficacité du système pénal qu’il s’agit de comprendre les discussions relatives à l’introduction de la libération conditionnelle dans le paysage législatif belge.

Vers un paradis carcéral ?

Revenons-en au détenu ayant commis un homicide volontaire à qui j’aurais confié les clés de sa propre cellule pour purger sa peine. Vous vous doutez bien que si cette expérience n’avait pas déjà été réalisée auparavant je serais réticent à cette idée. Pourtant cette pratique est monnaie courante au sein des prisons ouvertes dans les pays du Nord. Les pays scandinaves ont instauré cette politique carcérale vers le milieu des années 60 et ont vu le taux de récidives des prisonniers diminuer fortement. À ce jour, les pays scandinaves sont ceux qui comptent les taux de criminalité les plus bas d'Europe. Au Danemark, 34 % des détenus sont en établissement ouvert, la Suède avec 24 %, ainsi que la Finlande avec 32 % de ses détenus. Sans problème de surpopulation carcérale, ces pays peuvent donc se permettre de faire du sur-mesure en donnant la priorité à la réinsertion des détenus. Le terme « établissement ouvert » désigne un établissement pénitentiaire dans lequel les mesures préventives contre l’évasion ne résident pas dans des obstacles matériels tels que des murs, serrures, barreaux ou gardes supplémentaires. Cette définition est loin du compte croyez-moi… Entre 7 heures et 21 heures, les détenus peuvent entrer et sortir à leur guise. Pas de murs d’enceinte, pas même un fil de fer barbelé pour dissuader. Les détenus sont presque en liberté. Les surveillants ne se baladent pas dans les couloirs en faisant tournoyer les trousseaux de dizaines de clés. Les cellules sont équipées comme aucune autre : ordinateur, routeur wifi, téléphone portable, etc. Certains ont même des animaux de compagnie. En prime, des activités censées permettre la réintégration (sports collectifs, etc.) sont proposées aux détenus. Et puis, les prisonniers travaillent. Certains établissements comptent des exploitations agricoles (hectares de terrains) où les prisonniers sont présents de manière quotidienne. Ils cultivent et font de l’élevage. Au Danemark, les prisonniers sont autonomes à condition de travailler. Au sein de la prison ouverte de Sobysogard près d’Arslev, les détenus doivent passer un examen obligatoire qui offre les compétences théoriques de base en fin d’année. Le travail et la formation sont les principaux outils de l’accompagnement à l’intérieur et à l’extérieur

de la prison. Dans cette perspective, ils ont pour ambition de reprendre une formation ou se préparer à exercer un métier. L’appui d’entreprises du secteur public et privé leur permet d’exercer dans la reconstruction de bâtiments, dans des services communaux et, avec une dérogation, dans des entreprises privées. Des formations sont adaptées afin qu’ils puissent avoir un certificat ou un diplôme leur permettant de chercher de l’emploi. A posteriori, il s’avère qu’au terme de leur peine, l’ensemble des détenus ont acquis les compétences nécessaires afin qu’ils puissent conclure leur projet de réinsertion sociale et être aptes à vivre en société. En France, le centre de Mauzac en Dordogne est l’un des seuls établissements ouverts de France avec celui de Casabianda en Corse. Casabianda est considérée comme une prison modèle depuis 1948 qui accueille essentiellement des détenus condamnés pour des crimes sexuels intrafamiliaux. Seuls deux incidents à moins d’une semaine d’intervalle durant l’été 2018 ont jeté l’opprobre sur l’établissement. Fort heureusement, il existe deux prisons ouvertes en Belgique, Hoogstraten (province d’Anvers) et Ruiselede (Flandre Occidentale), mais ce nombre est infime par rapport à d’autres pays qui se sont montrés pragmatiques sur la question des prisons ouvertes. Au terme de mes recherches, j’en conclus que la liberté, la valorisation de l’individu par ses efforts et son travail, sont les clés de voûte des établissements ouverts. De manière implicite, cette philosophie implique une pratique dans laquelle la réintégration des détenus est vraiment au centre du processus de réhabilitation. Il est donc envisageable que cette approche prenne une place plus importante dans le système carcéral contemporain. Alors qu’attend notre système carcéral pour s’ouvrir davantage à la justice de demain ? Je tiens à terminer par cette citation en guise de réponse à notre expérience de départ :

« Être libre, ce n'est pas

seulement se débarrasser de ses chaînes ; c'est vivre d'une façon qui respecte et renforce la liberté des autres...

»

Nelson Mandela

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{ DOSSIER JUSTICE }

FACE AU JUGE, DISCUSSION AVEC

Jean-Christophe Werenne PROPOS RECUEILLIS PAR ADELINE BERBÉ & ÖMER CANDAN

LES PROPOS ÉMIS N’ENGAGENT QUE LA RESPONSABILITÉ DE L’INTERVIEWÉ.

Devenu juge au Conseil du contentieux des étrangers (CCE) à l’âge de 30 ans, JeanChristophe Werenne nous aidera le temps d’un échange covid-friendly à porter un regard sur le CCE et plus particulièrement sur son métier de juge au sein d’une juridiction administrative.

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{ DOSSIER JUSTICE }

  Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Jean-Christophe Werenne et je suis juge au Conseil du contentieux des étrangers depuis 2012. Ce Conseil est une juridiction administrative indépendante. Il peut être saisi de recours contre les décisions du Commissariat général aux Réfugiés et aux Apatrides, contre les décisions de l’Office des étrangers et contre toutes les autres décisions individuelles prises en application de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers (ci-après, « Loi relative aux étrangers »). Cette juridiction, qui existe depuis douze ans (elle a commencé ses travaux le 1er juin 2007), a repris les compétences en matière de légalité des actes relatifs aux étrangers du Conseil d’État et, en matière d’asile, celle de la défunte Commission permanente de Recours des Réfugiés.

  Pouvez-vous expliquer brièvement le contentieux des étrangers ?

Le contentieux des étrangers regroupe l’entièreté des décisions qui sont prises à l’égard des personnes autres que nos ressortissants, que ce soit des citoyens de l’Union ou des ressortissants des pays tiers. Des volets de cette matière sont du ressort des juridictions administratives (pour lesquels le CCE est compétent, avec le Conseil d’État comme recours en cassation) et d’autres de l’ordre judiciaire (détention, aide sociale, etc.). Il existe deux types de contentieux au sein de ma juridiction, l’un relatif aux recours contre les décisions du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides qui permet de confirmer, mais aussi de réformer la décision entreprise et d’en prendre une nouvelle qui s’y substitute (ou de l’annuler si l’on s’estime non suffisamment informé), l’autre est relatif aux recours contre les décisions individuelles prises en application des lois sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers. Dans cette hypothèse, c’est un recours en l’égalité (annulation) des décisions. Il offre au Conseil la possibilité d’annuler une décision et de la renvoyer devant les autorités compétentes. Nous avons également une compétence de référé en extrême urgence qui, grosso modo, combine les deux contentieux dans l’hypothèse où une urgence (en substance, un rapatriement) est envisagée. Nous avons la chance de travailler dans un univers bilingue et j’aime à croire que nous travaillons, les deux rôles linguistiques confondus, en bonne intelligence. Ayant parfois une culture juridique différente, voire parfois des lectures différentes d’un texte, nous parvenons régulièrement à trouver des consensus alimentant la qualité de notre travail.

  Pensez-vous avoir les moyens et le matériel nécessaire pour votre travail ?

Il faut admettre que nous sommes assez chanceux, nous avons les moyens et le matériel nécessaires pour travailler

dans les meilleures conditions. En ces temps de pandémie, il faut bien avouer que le système réseau dont nous jouissons au CCE, qui est plus que performant, nous aide à « télétravailler ». De plus, le bâtiment a été entièrement repensé pour répondre aux mesures gouvernementales visant à nous protéger et surtout protéger les tiers qui ont recours à notre juridiction, que ce soit les avocats ou les requérants. Notre service juridique et informatique a également créé une version virtuelle de la loi, extrêmement pratique où chaque usager peut annoter selon son bon vouloir les dispositions des lois et des textes européens et internationaux utiles. Mon cabinet comprend deux collaboratrices, lesquelles m’aident à la rédaction des arrêts en cours, ainsi qu’à effectuer des recherches pour accélérer le traitement des dossiers et je travaille en concordance avec mes greffiers qui assurent le bon déroulement des audiences et les prononcés de mes arrêts.

  Nous connaissons les arriérés en matière de justice. Comment faites-vous face à ces problèmes lorsqu’il est question d’expulsion (par exemple) ?

Nous ne faisons pas partie de l’ordre judiciaire mais nous connaissons évidemment des difficultés d’arriérés. La situation chiffrée est, dans un souci de transparence, publiée sur le site chaque mois. Le nombre de recours a été exponentiel ces dernières années à l’instar de la difficulté de la matière qui est de plus en plus influencée par les législations européennes et internationales mais surtout par les jurisprudences des Cours concernées (Conseil d’État, Cour constitutionnelle, Cour de Justice de l’Union et Cour européenne des droits de l’Homme, pour l’essentiel). Un certain nombre de questions préjudicielles ont également été posées, ce qui retarde la résolution de certaines affaires, mais tout cela n’est que bénéfique. Pour les expulsions tombant sous le cas des référés, nous sommes régulièrement appelés à traiter des décisions (dont les dossiers sont pendants, parfois depuis des années) vu leur urgence. Pour le reste, notre chef de corps a pris de nombreuses décisions en vue de traiter de l’arriéré de la juridiction, et, en l’espace d’un an, les effets commencent déjà doucement à se faire sentir.

  Avec l’intervention des médias, de l’opinion publique sur les réseaux etc., comment apprend-ton à rester objectif face aux cas qui se présentent ?

Surtout dans des matières comme la nôtre, je pense que c’est fondamental. Pour ma part, je trouve que les médias, s’ils assurent l’information aux citoyens, manquent – trop – souvent de précision et empêchent certains de nos concitoyens d’avoir une vue correcte sur la situation de la migration, et de la protection internationale en particulier, alors que l’extrême complexité de la matière ne s’y prête pas. Je me souviens encore de dossiers spéciaux sur le >>

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sujet dans un journal francophone d’envergure nationale où même les noms de certaines juridictions impliquées étaient erronés. On se souvient également du sacro-saint « réfugié politique » – expression par trop limitative puisque la notion de réfugié recouvre bien d’autres réalités – ou du « demandeur d’asile » dès que l’on parle d’une personne de nationalité étrangère. Nos compétences suscitent, comme vous le dites, souvent des réactions excessives (en particulier sur les réseaux sociaux) et il nous appartient, en tant que magistrats tenus à un devoir de réserve, de ne pas y avoir égard. Le contentieux de la légalité, dans lequel j’exerce mes fonctions aujourd’hui, est objectif, ce qui peut évidemment paraître plus facile émotionnellement parlant que le contentieux de l’asile, où j’exerçais auparavant. Enfin, nous avons été par le passé sujets, dans la presse et les réseaux sociaux, à de nombreuses polémiques alimentées, notamment par le politique, et dans ces hypothèses extrêmes, nous avons toujours réagi avec fermeté et intégrité. Je trouve d’ailleurs ces polémiques non fondées : nos arrêts sont très longuement motivés que ce soit en droit ou en fait, et il reste toujours la possibilité d’exercer un recours en cassation devant le Conseil d’État, si l’on souhaite contester une décision. Et preuve que cela fonctionne, tant les requérants que l’État belge n’hésitent pas à y avoir recours. La matière étant ce qu’elle est, c’est tant mieux. Il est important que ce recours existe, que ce soit pour avaliser notre point de vue ou pour constater, le droit étant pratiqué par des humains et non des machines, qu’une erreur a été commise. Pour paraphraser un excellent collègue lors d’un colloque destiné à des spécialistes : les décisions sont rendues par des femmes et des hommes qui ont chacune et chacun leur propre histoire, leur propre sensibilité et leur propre expérience personnelle et professionnelle, lesquelles influent inévitablement sur la manière d’appréhender un récit d’asile ou de se convaincre du bienfondé d’une demande d’asile, par exemple. Cette dimension, trop souvent oubliée, est une réalité et, qu’elle plaise ou non, elle sous-tend d’emblée chaque décision prise au Conseil. Face à un dossier X, un magistrat Y n’aura pas toujours la même approche, sensibilité ou aptitude à être convaincu ou non par les arguments entendus qu’un magistrat Z. La justice est humaine : c’est un fondement de notre État de droit !

  Comment se déroule le métier de juge durant cette période de crise sanitaire ?

Le Conseil du contentieux des étrangers, comme les autres juridictions administratives, est repris dans la liste des services essentiels (MB 01/11/2020). La procédure étant essentiellement écrite dans notre contentieux, le passage au télétravail (qui était du reste déjà largement utilisé avant la pandémie) nous a permis de continuer sans trop de difficultés à travailler. Durant la période de confinement, les audiences, à

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l’exception de celles rendues dans le cadre de l’extrême urgence, étaient bien entendu supprimées. Pendant cette période, l’arrêté royal de pouvoirs spéciaux n°19 du 5 mai 2020, concernant la prorogation des délais de procédure devant le CCE et la procédure écrite, prévoit pendant une période déterminée le traitement de certains recours sans audience publique. Vu la situation incertaine durant cette période, les délais de dépôt et de traitement des procédures devant le Conseil pour les litiges relatifs au droit des étrangers qui expirent pendant la période allant du 9 avril 2020 au 3 mai 2020 inclus ont été prolongés de plein droit à 15 ou 30 jours (selon la procédure) après la fin de la période susmentionnée.

FACE À UN DOSSIER X, UN MAGISTRAT Y N’AURA PAS TOUJOURS LA MÊME APPROCHE, SENSIBILITÉ OU APTITUDE À ÊTRE CONVAINCU OU NON PAR LES ARGUMENTS ENTENDUS QU’UN MAGISTRAT Z. LA JUSTICE EST HUMAINE : C’EST UN FONDEMENT DE NOTRE ÉTAT DE DROIT ! Aujourd’hui, les audiences sont maintenues selon des modalités particulières. Ainsi, l’accès aux bâtiments n’est autorisé que pour les personnes qui sont convoquées à l’audience (l’avocat du requérant, le requérant s’il veut comparaitre en personne, l’avocat ou le représentant de l’administration concernée et, le cas échéant, un interprète). Des protections en plexi ont été installées entre les différentes parties et le port du masque est obligatoire dans les couloirs. Les services de l’accueil et la sécurité font également en sorte que le nombre de personnes dans une salle soit limité et organisent ainsi le passage d’une affaire à une autre.


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De manière plus personnelle, vivant à Liège, je suis à Bruxelles une à deux fois semaine pour l’instant (contre trois ou quatre avant la pandémie), pour assurer les audiences et m’entretenir avec mon cabinet des dossiers en cours.

procédures écrites. J’espère surtout que les futurs décideurs prendront conscience de l’importance du pouvoir judiciaire et qu’ils mettront enfin les moyens pour qu’il exécute sa mission au mieux.

  Nos derniers secrétaires d’État avaient des positions bien fermes au sujet de l’immigration. Pensez-vous que c’est la meilleure des méthodes  ? Était-elle efficace ?

  Nous terminons par une question plus personnelle. Quel genre d’étudiant étiez-vous à l’université  ? Pourriez-vous partager votre meilleure anecdote avec nous ?

Il ne m’appartient pas de commenter les positions ou les décisions de nos secrétaires d’État. J’applique le droit tel qu’il existe au moment où je statue ou au moment de la décision querellée, selon la procédure concernée, et je n’ai pas à émettre de jugement sur la prise de position du ministre compétent. Par ailleurs, comme dit plus haut, l’État belge est également soumis aux législations supérieures et aux jurisprudences des hautes juridictions du pays et européennes. Une prise de position faite dans la presse n’implique nullement qu’elle serait validée ou correcte en droit. Mais nous en revenons alors à une de vos questions précédentes.

  Comment voyez-vous la justice de demain ?

La version utopique serait évidemment de souhaiter ce qui est réclamé par le monde judiciaire depuis des années : enfin un refinancement à la hauteur de la tâche, un cadre complet voire complété, des bâtiments en ordre et une numérisation de qualité. La version dystopique serait celle où l’exécutif interviendrait de plus en plus, les juges étant de plus contraints à l’utilisation permanente et obligatoire des nouvelles technologies, supprimant par ce biais toutes les audiences publiques et imposant un recours plus que systématique aux

Je dirais que j’étais un étudiant impliqué dans les matières que j’affectionnais particulièrement, le droit public et constitutionnel de manière générale, beaucoup moins s’agissant du droit privé ou du droit fiscal. Dans ces cas-là, je n’étais pas le plus prompt à me rendre au cours (notez bien que contrairement à vous en cette période difficile, je pouvais m’y rendre…). J’étais aussi impliqué dans l’institution universitaire, ce qui a été une vraie plus-value pour moi, s’agissant du travail en équipe ou de l’investissement pour des causes « plus grandes » que soi. J’ai ainsi évolué au sein de l’Association des étudiants en droit, au Conseil de faculté et au Conseil des études de l’Université et ai été impliqué dans la gestion de spectacles musicaux au profit de la Fondation Balis (du nom de l’étudiant décédé lors de l'explosion criminelle du 6 décembre 1985 au Palais de Justice de Liège). S’agissant d’anecdotes, et puisqu’il faut en choisir une – nos passages à l’Université à tous n’en manquant pas –, je me souviens de celle-ci : à l’instar d’une situation récente, mais beaucoup moins problématique, un de nos professeurs avait également oublié d’éteindre son micro mais était allé satisfaire un besoin naturel, ce qui avait évidemment provoqué l’hilarité de l’auditoire. 

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LA LANGUE

JUDICIAIRE ET POLITIQUE PAR ARNAUD DEVOS

L’article 30 de la Constitution est la disposition de base quand on souhaite étudier l’emploi des langues en Belgique. Certes, cette norme constitutionnelle consacre la liberté linguistique mais d’emblée, elle précise la possibilité de réglementer cet emploi dans certains cas. Sur la base de ce prescrit, le législateur a adopté la fameuse loi du 15 juin 1935 concernant l’emploi des langues en matière judiciaire.

L’article 30 de la loi fondamentale dispose que : « l’emploi des langues usitées en Belgique est facultatif ; il ne peut être réglé que par la loi, et seulement pour les actes de l’autorité publique et pour les affaires judiciaires ».

Situation antérieure et réforme 2018

Dès le début de son mandat, l’ancien ministre de la justice, Koen Geens, a souhaité réduire le formalisme et réaliser des économies de procédure. Pour ce faire, il a entrepris différentes réformes, notamment la mutation du régime des nullités de droit commun et la révision de la rectification. Logiquement, cet élan réformateur a également touché la législation relative à l’emploi des langues en matière judiciaire. En effet, afin de rencontrer l’objectif fixé par l’ancien ministre, celle-ci devait être modifiée.

La loi pot-pourri du 25 mai 2018 vise à réduire et redistribuer la charge de travail au sein de l’ordre judiciaire, M.B., 30 mai 2018. Cette législation a permis de poursuivre le but de l’ancien exécutif, d’ores et déjà mis en œuvre par les lois pot-pourri antérieures, à savoir la modernisation du droit procédural par le biais d’une déformalisation.

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Avant la loi pot-pourri VI, les éventuelles violations de la loi du 15 juin 1935 échappaient au régime des nullités de droit commun – les actes de procédure, qui méconnaissaient cette dernière, étaient, sous réserve de nuances, d’office frappés de nullité. Aussi, celles-ci ne tombaient pas dans le champ d’application de la rectification et ce faisant, l’appel était indispensable lorsque l’une des parties souhaitait corriger la décision de justice entachée d’une violation linguistique. Autrement dit, ladite loi était d’ordre public. Cette réalité induisait des conséquences inacceptables où le simple acte mentionnant une citation anglaise était sanctionné par une nullité… Aussi, elle impliquait de nombreux débats juridiques farfelus afin de savoir si tels mots ou telles expressions en langue étrangère étaient admis. Selon une doctrine quasiment unanime, il n’était plus justifié de prévoir un tel système sui generis – ce qualificatif résulte de la singularité des conséquences découlant d’une violation linguistique ; en effet, comme précisé supra, celle-ci était totalement étrangère au régime des nullités de droit commun. Par le biais de la loi pot-pourri VI, l’ancien ministre de la justice a d’une part, soumis la sanction prévue à l’article 40 de la loi du 15 juin 1935 à la théorie des nullités de droit commun – les articles 860 et suivants du Code judiciaire – et d’autre part, modifié l’article 794 dudit Code en ouvrant la voie d’une éventuelle rectification des décisions de justice en cas d’une méconnaissance purement formelle de la législation relative à l’emploi des langues en matière judiciaire.

La rectification des décisions judiciaires est prévue par l’article 794 du Code judiciaire. Celle-ci permet au juge de corriger ses petites erreurs. Ainsi, une partie ne peut interjeter un recours si elle ne souhaite que condamner ces fautes mineures. Partant, cette figure du droit procédurier permet de désengorger les juridictions d’appel.

En vertu des articles 860 et suivants du Code judiciaire, le juge ne peut prononcer la nullité d’un acte que moyennent le respect de 4 impératifs : 1) cette sanction est expressément prévue par le législateur ; 2) la partie, soulevant la nullité, doit prouver un grief – les nullités soumises auxdits articles sont d’ordre privé et partant, ils ne peuvent en aucun être soulevés par le juge - ; 3) le grief démontré doit être irréparable ; 4) la partie doit la soulever in limine litis – avant tout autre moyen. La loi du 15 juin 1935 impose des obligations linguistiques aux actes de procédure autant qu’aux décisions judiciaires – ce pour quoi, on évoque l’article 794 du Code judiciaire (voy. supra). Il y a lieu de préciser que sur la base de l’article 20 du Code judiciaire, les voies de nullités ne valent que pour les actes de procédure. Ainsi, les décisions judiciaires irrégulières ne peuvent être frappées de nullité que par le biais de l’exercice d’un recours, tout en rappelant la nouvelle obligation d’opter dans certains cas pour la rectification.

Dès l’adoption de la loi pot-pourri VI, les modifications apportées par celle-ci à la loi du 15 juin 1935 ont été largement décriées du côté néerlandophone et ce, même par ceux, qui avant la réforme, soutenaient la nécessité de changement. Leurs critiques ont rencontré un certain écho dans l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 19 septembre 2019 qui a sonné le glas – pour partie – des mutations consacrées par cette loi modificative. Autrement dit, à la suite de cet arrêt, on est revenu à la situation antérieure par la résurgence du caractère d’ordre public. Ainsi, le juge peut soulever d’office la nullité des actes de procédure établis en violation de la loi linguistique. Aussi, une partie peut l’invoquer sans devoir démontrer un grief et par corrélation, l’irréparabilité. Cette partie n’est pas non plus tenue de la souler in limine litis. >>

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L’arrêt décisif

Le 19 septembre 2019, la Cour constitutionnelle, après avoir confirmé la constitutionnalité de l’élargissement du champ d’application du régime de la rectification aux violations purement formelles de la loi du 15 juin 1935, a annulé l’article 5 de la loi pot-pourri VI. Celuici modifiait l’article 40 de la loi du 15 juin 1935 en soumettant la méconnaissance des dispositions relatives à l’emploi des langues en matière judiciaire des actes de procédure au régime des nullités de droit commun. Malheureusement, contrairement au libellé modifié de l’article 794 du Code judiciaire – la disposition consacrant la rectification –, le nouvel article 40 de la loi du 15 juin 1935 avait une portée bien plus large. En effet, ledit régime des nullités de droit commun s’appliquait pour l’ensemble des méconnaissances de la législation linguistique en matière judiciaire, alors même que la section de législation du Conseil d’État avait insisté sur la distinction entre les violations purement formelles et matérielles. Selon les termes de l’ancien ministre de la justice, les violations purement formelles correspondent à l’indication d’un simple mot ou une citation dans une langue autre que celle de la procédure. À l’inverse, la rédaction d’un acte de procédure en croate dans une procédure néerlandophone est constitutive d’une violation matérielle. Ce fait a malheureusement provoqué l’annulation d’une partie substantielle de la réforme tant attendue, sans oublier, l’autre cause d’annulation, à savoir l’exigence d’une loi spéciale en vertu de l’article 157bis de la Constitution concernant l’arrondissement judiciaire de Bruxelles. Cet article 157bis dispose que : « Les éléments essentiels de la réforme qui concernent l’emploi des langues en matière judiciaire au sein de l’arrondissement judiciaire de Bruxelles, ainsi que les aspects y afférents relatifs au parquet, au siège et au ressort, ne pourront être modifiées que par une loi adoptée à la majorité prévue à l’article 4, dernier alinéa – une majorité spéciale ». Celui-ci a été inséré lors de la 6e Réforme de l’Etat. Malheureusement, selon la Cour constitutionnelle, la loi pot-pourri VI, loi ordinaire – une simple majorité à la Chambre des représentants -, ne pouvait pas apporter une telle modification quant à la législation linguistique. En effet, selon cette haute juridiction, une loi spéciale s’imposait – autrement dit, une majorité des 2/3 à la Chambre des représentants et au Sénat ainsi qu’une majorité de présence et de votes au sein de chaque groupe linguistique.

L’espoir, modifications prochaines

Quid de l’avenir ? La résurgence de la situation antérieure n’est pas soutenable au regard de l’objectif fixé par notre Napoléon belge du 21e siècle, Koen Geens. Il est plus que souhaitable de s’affranchir de ce formalisme à outrance, car prévoir un régime des nullités aussi strict pour l’emploi des langues en matière judiciaire ne relève pas du bon sens. Bien entendu, en Belgique, les sujets linguistiques

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sont sensibles, et ce plus encore, pour nos hommes et femmes politiques, mais ne devons-nous pas aujourd’hui oser le bon sens nonobstant l’éventuelle exigence d’une loi spéciale ? Tel que le déclarait Danton : « Il nous faut l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace ». Malgré la force de la N-VA et du Vlaams Belang au sein de la Chambre des représentants, il faut modifier l’article 40 de la loi du 15 juin 1935 afin de soumettre les méconnaissances linguistiques formelles des actes de procédure à la théorie des nullités de droit commun. Ainsi, on est débarrassé des débats juridiques farfelus : est-ce qu’on doit écrire «  rue Renard  » ou «  straat Devos » ? Peut-on écrire « quod non » ? Et j’en passe…. Par cette modification simple, on résoudrait la plupart des problèmes et surtout, on redorait l’image sérieuse de la justice belge. Aussi, au travers des propos de la Cour constitutionnelle dans ledit arrêt, il semblerait qu’une loi ordinaire suffit si on ne souhaite que soumettre lesdites violations linguistiques formelles aux articles 860 et s. du Code judiciaire – information importante au regard de la composition du parlement fédéral et de la minorité flamande du présent gouvernement De Croo. Par ailleurs, en garantissant la nullité d’office pour le surplus, on assure l’identité flamande de la Flandre en rejetant les actes rédigés entièrement en français dans une procédure en néerlandais – par ailleurs, il est peut-être temps de cesser avec cette dichotomie surannée entre le français et le néerlandais en constatant l’émergence grandissante de la langue de Shakespeare, y compris en matière judiciaire. En sus, cette solution permettrait de décliner d’office la compétence du juge francophone de Bruxelles lorsqu’en vertu des articles 3 et 4 de la loi du 15 juin 1935, il fallait saisir le juge néerlandophone de l’arrondissement judiciaire de Bruxelles – celui-ci, contrairement à l’arrondissement administratif de Bruxelles, comprend les 19 communes et l’arrondissement administratif de Hal et de Vilvorde. Ainsi, les habitants de ce dernier arrondissement seraient, moyennant nuance, cités en néerlandais.

In posterum

Cette proposition ne peut qu’être soutenue, y compris par les nationalistes flamands. Elle garantit la territorialité et le bon sens ! Oui, il est possible de modifier la loi du 15 juin 1935 en alliant les préoccupations juridiques strictes et politiques linguistiques réalistes. Cette matière étant bien trop technique et dense que pour la présenter ainsi que la moderniser dans toutes ces nuances en seulement quelques lignes… Toutefois, Vandaag meer dan gisteren, is het tijd om een grondige, maar zinvolle, wijziging aanbrengen aan deze centrale taalwetgeving ! Autrement dit, pour les plus francophones d’entre nous : «  Aujourd’hui plus qu’hier, il est temps d’apporter une modification profonde, mais sensée, à cette législation linguistique centrale ». 


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r O e r p u s he

LA FLEUR AU FUSIL

vers une relation saine entre la police et les citoyens PAR SARAH VERHOEVEN & CONSTANTIN DECHAMPS

Hier, les policiers étaient nos héros du quotidien, nous protégeant, entre autres, des terroristes. Mais depuis quelques années, il semblerait que ces derniers soient devenus la cible des critiques, car All Cops Are Bastards… En riposte, nombreux sont les discours de principe défendant les forces de police. Cette opposition est stérile et empêche les possibilités d’amélioration de la relation entre la police et les citoyens de voir le jour.

Ces dernières années sont fortement marquées par les violences policières. Loin d’être nouvelles, elles font rapidement le buzz sur les réseaux sociaux et se retrouvent propulsées sur le devant de la scène médiatique. Pourtant, quoi qu'on en dise et sans pour autant prendre parti, nous ne pouvons que constater la cassure grandissante dans la relation entre le corps de police et les citoyens. Les agents de police, étant les premiers acteurs de terrain à constater les infractions, à enregistrer les plaintes et à faire respecter la loi, représentent le  premier maillon de la chaîne de la justice pénale ; il n'est donc pas admissible de laisser ce malaise perdurer plus  longtemps. Nous tenons à exposer certaines perspectives d’avenir quant au rétablissement d’une relation de qualité entre le premier maillon de la chaîne et les citoyens.

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© ALEXANDROS MICHAILIDIS/Shutterstock

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Le Droit face caméra ou d’une première solution

Les confrontations entre policiers et particuliers ont souvent lieu après une période d’énervement mutuel et prennent régulièrement pour point de départ le refus de la part d’un policier de se laisser filmer. La situation dégénère par la suite jusqu’à arriver aux scènes de violences que nous connaissons. Au vu des questions récurrentes faisant débat, nous trouvons important de rappeler qu'il est dans le droit de chaque citoyen de filmer la police lors de ses interventions. En effet, durant les contrôles à domicile ou d’identité en rue, deux droits se confrontent, le droit à la vie privée et à l’image des policiers et le droit à l’information des citoyens. Bien que certains disent que ce droit est réservé aux journalistes, rien en droit belge n’interdit de filmer la police dans l’exercice de ses fonctions. Devant une intervention de la police en rue, journalistes et citoyens sont par conséquent sur le même pied d'égalité en matière de prise d'images. Tout policier qui s’oppose à cela s'oppose en réalité au contrôle social légitime et démocratique que peut exercer tout un chacun lorsqu'il est témoin de faits sur la voie publique. Ce n’est donc pas sujet à interprétation. Il reste cependant à noter que les policiers conservent leur droit à l’image. Ainsi, si un usage avec intention de nuire en est fait – comme l’incitation à la vengeance, à la haine ou la diffamation – ils pourront ester en justice mais aucunement se faire justice par eux-mêmes et empêcher préventivement la prise d’images. Un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme abonde dans ce sens car l’intérêt public le justifie. Nous conclurons ce rappel par les mots que le porte-parole de la police de Charleroi, David Quinaux, tenait dans le journal La Dernière Heure en date du 19 août 2020 : « Certains agents oublient que quand ils mettent un uniforme, ce n'est plus leur image, mais celle du bras armé de l’État qui prévaut ». Pour autant, nous ne pouvons nier que certains particuliers font un usage malveillant des images de l’intervention dont ils furent une des parties, en sélectionnant des passages qui les posent en victimes. Nous faisons ici référence, entre autres, à l’affaire du Contrôle de Waterloo. D’aucuns proposent pour remédier à cette situation de restreindre le droit à l’information, ce qui pour nous n’est pas envisageable. La solution des bodycam nous semble être une meilleure alternative, qui se soucie tant du respect de l’État de droit que de l’objectivation de la situation. Actuellement en phase de test en région bruxelloise, la technologie des bodycam est déjà bien implantée chez certains de nos voisins européens – Allemagne, Royaume-Uni, Danemark – et des études sur ses effets ont été réalisées au Canada et aux USA. Il en ressort qu’au Canada, la relation police-citoyens étant déjà bonne, l’effet des bodycam est neutre. À l’inverse, les États-Unis, recensant des épisodes d’hostilité marquante, l’adoption des bodycam a de nombreux effets positifs.

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Parmi les points positifs constatés aux États-Unis, nous pouvons notamment citer un emploi de la force deux fois moins fréquent de la part des policiers, une baisse de 87% des plaintes à leur encontre, une plus grande facilité à évaluer la pertinence de ces plaintes ou à objectiver les faits en cas de procès, ainsi qu’une diminution de l'agressivité et de l’impolitesse réciproques entre les citoyens et les policiers. En outre, l’action des policiers semble paraître plus juste aux yeux des citoyens lorsque ceux-ci portent des bodycam. Bien entendu, la situation belge n’est pas la même que dans ces deux pays, l’effet observé sera donc neutre ou positif en fonction de la zone d’utilisation dans laquelle on se trouve. Relevons tout de même que la perception des bodycam par le public est un élément important quant à l’acceptation de cet outil, souvent vu comme un outil de surveillance. Il convient selon nous de communiquer sur les effets positifs des bodycam ainsi que de veiller à ce que cette technologie demeure dans le cadre légal de ses attributions et sans les outrepasser.

L’herbe est plus verte ailleurs ou d’une seconde solution

La force ne doit rester à la loi que si elle est absolument nécessaire et légitime. Le fait de céder trop rapidement à l’usage de la force est moralement réprouvable et doit être sanctionné. Pour autant, soyons réalistes, dans certaines situations, l’usage de la force reste nécessaire pour garantir le maintien de l’ordre public et de l’État de droit. À ce titre, rappelons les conditions d’exercice de la force établies par l’article 37 de la Loi sur la fonction de police : « Dans l'exercice de ses missions la police peut, en tenant compte des risques que cela comporte, recourir à la force pour poursuivre un objectif légitime qui ne peut être atteint autrement. Tout recours à la force doit être raisonnable et proportionné à l'objectif poursuivi. Et tout usage de la force est précédé d'un avertissement, à moins que cela ne rende cet usage inopérant. » Nonobstant cet usage légitime, nous sommes en droit de constater que fréquemment les agents des forces de l’ordre cèdent trop facilement à son usage. Cette faiblesse serait due selon nous à un défaut de formation et de pratique. Pour les quelques 6 mois de formation initiale de nos agents et les 18 mois de nos inspecteurs, en comparaison, nos voisins danois et suédois bénéficient de deux ans et demie et nos voisins allemands jusqu’à 36 mois. De plus, il serait fort intéressant de prendre exemple sur leurs modules de formation car outre les matières plus classiques – sport, code de la route, intervention – que nous retrouvons chez nous, ils se penchent également sur l’éthique, la connaissance des institutions et des groupes politiques, sociaux, religieux et ethniques qui composent la société. Concernant la gestion des manifestations et pour reprendre les bonnes pratiques de nos voisins, citons par exemple le Principe


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de la désescalade en Allemagne. Ce dernier repose sur l’idée qu’il sied de n’employer la force qu’en dernier recours. Cela se réalise en saturant l’espace de policiers et en déployant des agents non armés chargés de négocier – avant, pendant et après les manifestations – afin d’isoler les éléments violents du cortège. Des conférences de presse sont également réalisées en direct pour expliquer à la population ce qu’il se passe et établir un lien de confiance.

NOMBREUSES ET FACILES SONT LES CRITIQUES MAIS IL APPERT QU’UN ÉVENTAIL DE SOLUTIONS S’OFFRE À NOUS EN VUE DE RESTAURER UNE RELATION SAINE ET PACIFIÉE ENTRE LES FORCES DE L’ORDRE ET LES CITOYENS. Autre exemple, la Suède a créé une unité spéciale, La police du dialogue, chargée d’aider les gens à atteindre leurs objectifs sans violence. Cette unité a fait sienne la maxime suivante : « Ce ne sont pas vos ennemis mais des citoyens. » Il serait de bon ton de s’inspirer des pratiques susmentionnées sachant qu’une grande partie des manifestations ayant lieu en Belgique se termine de plus en plus souvent par des affrontements et des canons à eau...

L’éthique de la proximité ou d’une troisième solution

Nous ne nions pas qu’une partie du corps policier se pense intouchable. Nous ne nions pas qu’une partie du corps policier est violente. Mais nous ne nions pas non plus qu’une partie de ce même corps policier fait ce métier par convictions et volonté de rendre service à la collectivité. Pour autant, il ne suffit pas de se prévaloir de ces beaux sentiments pour ne pas remettre en question certaines méthodes de la Police. Pour reprendre le philosophe André Comte-Sponville : « La bonne volonté n’est pas une garantie ni la bonne conscience une excuse : car la morale ne suffit pas à la vertu, il y faut aussi l’intelligence et la lucidité. » Conformément à la piste de réflexion visant à un aménagement de la formation des forces de l’ordre, il convient dès lors de leur faire acquérir non plus seulement des compétences qui visent

à leur demander d’imposer la loi, mais qui les conduisent également à réfléchir à la manière dont ils font respecter la loi et ce, afin que la police soit respectée parce qu’elle est respectable et non parce qu’elle est crainte. En parallèle de cette nouvelle éthique, il est souhaitable que la philosophie de Community policing dont se prévaut la police belge puisse se réaliser de manière uniforme sur l’ensemble du territoire. Cette approche pour une police de proximité, orientée vers la communauté et où la sécurité n’est plus seulement prise en compte mais également la qualité de vie, cherche des solutions aux insécurités en se basant sur les réalités locales. Pour ce faire, proximité et accessibilité sont de mise. La police doit être accessible à la population et il est important de réduire le plus possible la distance physique entre ces deux parties notamment par une présence accrue et visible sur le terrain. À cet effet, il semble indispensable de développer des indicateurs et des outils de suivi quantitatifs et qualitatifs de l’évolution de la relation police-population afin de mesurer l’impact des éventuels projets engagés. Encore une fois, nos voisins expérimentent très bien cette approche puisqu’on constate une meilleure considération des polices dans des pays tels que le Danemark, la Suède, la Finlande, la Norvège, l’Allemagne ou encore le RoyaumeUni. De par l’approche du Community policing leurs agents de police remplissent leur fonction de sécurité, mais ont également un rôle notable de fonctionnaires sociaux.

Une chaîne qui se tient ou en conclusion

Nous ne comprenons pas que l’on puisse être pro ou anti police par principe, comme nous avons pu le laisser paraître, nous n’adoptons pas de positions allant dans un de ces sens. Concernant les violences actuelles et en l’absence de réformes approfondies, nous plaidons pour l'application stricte de la loi existante, il suffit d'appliquer le code pénal. Nous sommes donc en opposition vis-à-vis de cette tendance à l’inflation législative, conséquence des lois spectacles. « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires », comme le disait Montesquieu. Enfin, nombreuses et faciles sont les critiques mais il appert qu’un éventail de solutions s’offre à nous en vue de restaurer une relation saine et pacifiée entre les forces de l’ordre et les citoyens. Il n’est donc pas question de désigner, comme tentent de le faire les pro et anti police, un coupable mais bien de trouver des solutions. Ainsi pour mettre en place les bodycam, adapter les formations et appliquer de manière plus efficace la philosophies de Community policing, il est nécessaire d’investir dans la police. Car cette dernière en tant que premier maillon possédant une relation privilégiée avec le reste de la chaîne pénale, se doit de retrouver un lien de confiance apaisée avec les citoyens, permettant ainsi aux policiers d’honorer leur devise : « Écouter, Servir et Protéger ». Ce refinancement passe également par les institutions de la Justice – continuité de la chaîne pénale – qui pourront d’autant mieux remplir leur rôle et ce de manière optimale. 

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{ DOSSIER JUSTICE }

D’AUTRES FENÊTRES… PAR ADRIEN PIRONET

Il est un fait évident, la justice de demain commence dès aujourd’hui ! Pour ce faire, voici un panel de livres, de séries et de films à voir en gardant en tête deux objectifs. Le premier étant de se divertir et de s’évader un peu. Le second étant d’apprendre et de réfléchir à ce que pourrait être la justice dans l’avenir. Vous trouverez alors quelques clés pour poursuivre les réflexions menées par nos rédacteurs, de manière plus légère :

LIVRE

Des délits et des peines

de Cesare Beccaria, Flammarion, 2006. Il s’agit certes d’un vieil ouvrage au regard de toute la littérature scientifique et philosophique connue. Toutefois, il n’en demeure pas moins que celui-ci est un nécessaire pour comprendre l’origine du système pénal d’aujourd’hui. Il représente une vision moderne de la justice en plaidant pour la légalité des peines ainsi que l’abolition de la peine de mort. Au-delà de cet aspect purement théorique, l’œuvre de Beccaria a servi de source d’inspiration pour fonder certains États modernes comme les États-Unis.

LE traité fondateur par excellence de la justice pénale moderne.

UN DUO DE SÉRIES Boston Justice

de David. E. Kelley, États-Unis, 2004 ;

& Better Call Saul

de Vince Gilligan et Peter Gould, États-Unis, 2015.

Boston Justice prend place dans un cabinet d’avocats ; quoi de plus classique ? me direz-vous. Ce qui change véritablement la donne, c’est l’humour et le ton totalement décalé des personnages. Tantôt par des plaidoiries caustiques accablant les personnages âgés, tantôt dans des relations personnelles tendues, cette série est à (re) découvrir. Better Call Saul est le spin off de Breaking Bad, où l’on suit l’avocatescroc Saul Goodman. On peut résumer la série comme relatant les péripéties, parfois loufoques et grotesques, du personnage. Nul besoin d’en dire davantage pour captiver tous les fans de Walter White et son personnage Heisenberg. En revanche, pour les profanes, il est recommandé de commencer le visionnage par Breaking Bad afin de saisir l’univers de la série.

Deux approches différentes du monde de la justice mais l’une et l’autre tout aussi savoureuses. 26

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{ DOSSIER JUSTICE }

LIVRE Tais-toi !

de Anne Gruwez, Racine, 2020. Après qu’Ömer ait interviewé Anne Gruwez dans le 6e Blue Line, il est temps d’aborder son livre. On y retrouve la marque de fabrique de la juge : humanité, sincérité et, parfois, sévérité. Au-delà de ces considérations, on découvre la mécanique grippée de la justice. Ce n’est pas toujours rose comme en témoigne son anecdote à propos d’un marché public de renouvellement du parc informatique : la lenteur de l’administration et des procédures fait que son ordinateur est déjà obsolète avant d’arriver sur son bureau. Bref, découvrez les joies de la justice belge mis en musique par une juge d’exception.

La célèbre juge d’instruction présente le fonctionnement de la justice depuis l’intérieur, et ce n’est pas glorieux…

FILM

L’Associé du diable

de Taylor Hackford, États-Unis, 1997. Ces dernières années, la série de Netflix, Lucifer, qui met en scène le diable, a un énorme succès. On pourrait croire à une formidable nouveauté sur le petit écran ; or, il n’en n’est rien ! Au cinéma, en 1997, est projeté un film où le seigneur des enfers a choisi la plus belle profession pour s’installer sur terre, celle de maître du barreau ! Sans en dévoiler davantage sur l’intrigue, on retrouve Keanu Reeves dans le rôle d’un jeune avocat de province qui refuse de perdre la moindre affaire. Il gagne tous ses procès jusqu’au jour où un grand cabinet de New York, dirigé par Al Pacino, vient le débaucher.

Un casting de légende, des avocats sans pitié et une touche de mystique.

FILM

La French

de Cédric Jimenez, France, 2013. Le monde de la justice n’est pas uniquement représenté par les plaideurs, au contraire. On retrouve tout un corps de métier varié, dont les magistrats. Dans ce film inspiré de faits réels, on découvre Jean Dujardin en juge d’instruction. L’intrigue débute dans les années 1970, lorsqu’il est transféré aux affaires du grand banditisme, à Marseille. La corruption et le trafic règnent à tous les échelons de la société. C’est un homme juste et dévoué qui va tenter de rétablir l’ordre et la sécurité au péril de sa vie.

Un superbe film franco-belge tiré de l’histoire du juge Michel en guerre contre la pègre.

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Bru xel les -Ca pita le

LA CARTE BLANCHE PAR STÉPHANE GURBUZ

Bruxelles a tant d’atouts, que ce soient ses parcs, ses monuments, son multiculturalisme, ses musées, mais Bruxelles est ingérable. Ce n’est pas très étonnant quand on sait que la Région de Bruxelles-Capitale est une véritable lasagne institutionnelle, ou un mille-feuilles si vous êtes plus dessert, avec d’innombrables niveaux de pouvoir et de compétences  : le gouvernement fédéral (avec Beliris), la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Vlaamse Gemeenschapscommissie, la COCOM, la COCOF, 19 communes, 19 CPAS, les Gouvernement et Parlement bruxellois, 8 ministres, 89 députés, 190 bourgmestres et échevins, 695 conseillers communaux…

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SIMPLIFIONS BRUXELLES

{ CARTE BLANCHE BRUXELLES }


{ CARTE BLANCHE BRUXELLES }

Simplifions cela. Non seulement pour des raisons d’économie, car il ne va pas sans dire que ces élus sont très bien rémunérés, avec des salaires de 49.602 à 102.555€ pour un échevin ou un président de CPAS bruxellois et entre 55.084 et 132.616€ pour un bourgmestre, et qu’on pourrait assez facilement faire des économies de millions d’euros chaque année rien qu’en réduisant les élus locaux, mais simplifions, avant tout, pour des raisons d’efficacité. Trois mots d’ordre pour simplifier cette Région bruxelloise : fusionner, élargir et régionaliser.

Fusionner

Une meilleure gestion de la Région passerait par une fusion partielle des 19 communes bruxelloises en grands arrondissements (Nord, Sud, Ouest, Est et le Pentagone). Certaines économies d’échelle permettraient d’accroitre les budgets pour accomplir plus de défis. À titre d’exemple, une fusion entre Watermael-Boitsfort et Auderghem permettrait d’économiser près de 17 millions d’euros par an. La fusion devrait pouvoir mettre en place un transfert des matières communales importantes à la Région pour éviter des situations confuses et inefficaces. À titre d’exemples, la gestion de la voirie, le stationnement (qui laisse place à des situations surréalistes au quotidien dans nos rues avec des parkings payants à un seul côté de la rue et des horaires différents), la police et les grands projets d’infrastructure (projet Néo, futur Stade national) devraient être des compétences exclusivement régionales.

Élargir

Comment expliquer à un étranger que les Bruxellois n’ont quasi rien à dire sur la gestion du ring qui entoure la Région ou même sur l’aéroport de Bruxelles-Zaventem ? Dire que Bruxelles s’arrête aux 19 communes serait faux d’un point de vue linguistique, économique et sociologique. Compter sur la coopération entre la Flandre et Bruxelles pour mettre sur pied des projets d’infrastructure communs ne marche visiblement pas, preuve en est avec le déploiement du RER, projet datant de 1990 et qui est toujours en chantier à l’heure actuelle. Il faut donc passer à l’étape supérieure : élargir la Région aux communes périphériques flamandes (les six communes à facilités et une partie du Brabant flamand). D’un point de vue économique, ce serait clairement plus efficace et cela permettrait surtout d’avoir une vision plus claire et d’accélérer les projets futurs. En effet, si l’on souhaite par exemple diminuer la part de l’automobile dans les déplacements des navetteurs – ces habitants de la périphérie qui travaillent à Bruxelles, il faudrait développer le métro vers les communes périphériques (Dilbeek, Wemmel, Zellik, Grimbergen). Or, on le voit avec l’exemple du RER, pour mettre en place de tels travaux et projets, il faudrait que les bourgmestres, conseillers communaux, ministres de la Mobilité flamands et bruxellois et Beliris se mettent d’accord. Rien de tel qu’une Région bruxelloise élargie pour décider plus efficacement et plus rapidement et pour faire primer l’intérêt général.

Régionaliser

Supprimons la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Vlaamse Gemeenschapscommissie, la COCOM et la COCOF au profit d’une Région bruxelloise plus forte que jamais dans un souci de simplification mais surtout de pragmatisme. Il faut régionaliser les compétences communautaires. La crise sanitaire a mis en lumière la répartition surréaliste des compétences dans notre pays. En effet, rien que sur le territoire de Bruxelles, il y a 4 ministres de la Santé différents avec des portefeuilles totalement éclatés. De plus, Bruxellois et Wallons ne perçoivent pas les choses de la même manière. On pourrait s’imaginer un enseignement bilingue qui colle mieux à Bruxelles et un enseignement plus francophile pour les Wallons tout en garantissant un statut similaire aux enseignants. La Région bruxelloise a absolument tous les atouts pour rivaliser avec d’autres grandes métropoles européennes de par notamment sa position stratégique au cœur de l’Europe occidentale à mi-chemin entre Londres, Paris, Amsterdam et Cologne et sa reconnaissance de facto en tant que capitale politique européenne. Allons plus loin en faisant de Bruxelles une capitale attractive et dynamique pour la classe moyenne et les jeunes, mais pour ce faire, il faut régler le problème de la complexité des institutions bruxelloises. 

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{ INTERVIEW ULB }

LES ÉTUDIANTS ET LE RECTORAT, MÊME COMBAT ? INTERVIEW DE LA RECTRICE DE L’ULB

Annemie Schaus PROPOS RECUEILLIS PAR ÖMER CANDAN

Après quelques mois de mandat, durant une période hors-norme et à la sortie de la session de janvier, Annemie Schaus, rectrice de l’Université Libre de Bruxelles, a accepté de nous recevoir afin de répondre à quelques questions. Elle est ainsi revenue sur cette période compliquée et a évoqué la gestion de son établissement pendant la crise, les décisions qu’elle a dû prendre, les difficultés liées au sousfinancement de l’enseignement supérieur, pour terminer par sa vision du futur qui annonce un avenir bouché aux jeunes si personne ne se bouge.

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{ INTERVIEW ULB }

  Le manque de moyens financiers est problématique pour nombre d’établissements d’enseignement supérieur, et la crise sanitaire n’a fait que renforcer cet état de fait. Comment maintenir la qualité des formations avec des moyens financiers par étudiant qui ne cessent de diminuer ? Pendant la première vague, il n’y a pas eu d’aide financière du gouvernement et donc les universités ont dû faire face seules à hauteur de plus de 17 millions d’euros pour les établissements de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de 4,2 millions rien que pour l’ULB. Il est clair que ça aggrave la situation et met en exergue les inégalités.

Les professeurs ont fait preuve de beaucoup de créativité, d’originalité pour garantir la qualité de l’enseignement. Beaucoup de programmes d’aide aux étudiants existent aussi, mais c’est au prix d’un travail important qui nécessite aussi d’être financé. J’espère qu’à l’issue de cette crise, les politiques se rendront compte du rôle démocratique de l’université, et donc de l’importance de son financement, et qu’ils réinvestiront massivement dans celui-ci. Nous travaillons, par ailleurs, à l’ULB à la révision de la loi de financement.

  Une des pistes de solution ne réside-t-elle pas dans le développement de partenariats publicprivé ? La recherche et l’enseignement restent quand même

des services publics, donc a priori le financement public doit être privilégié, mais on développe des partenariats public-privé en ce qui concerne certains domaines de recherche, le transfert de technologies ainsi que la formation continue. Par contre, pour la formation initiale et la recherche fondamentale, pour garantir leur indépendance, c’est le financement public qui reste privilégié bien sûr.

  On sort d’une période où les étudiants ont eu énormément de revendications et avaient besoin de se sentir écoutés. Le seul acteur légitime se trouve être la FEF au niveau du décret de représentation et de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer le monopole de cette organisation. En tant que rectrice, estimez-vous qu’il faille remettre sur table le monopole de cette organisation en incitant à une pluralité ? Je pense que ce n’est pas le rôle d’une rectrice de se mêler de l’organisation des associations étudiantes. Il y a différentes formules : réinvestir la FEF ou créer de nouvelles organisations, par exemple. Il est clair que le pluralisme est toujours une bonne chose.   Après cette deuxième session d’examens en période de COVID-19, estimez-vous que le nécessaire a pu être fait du côté des établissements afin d’offrir aux étudiants un enseignement de qualité et une session d’examens équitable ? Majoritairement oui. Pour ce qui est de la qualité, comme je vous l’ai dit plus tôt, la grande majorité des collègues

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© EQROY/Shutterstock

{ INTERVIEW ULB }

se sont mobilisés pour garantir le meilleur enseignement possible, certains ont dû revoir leurs cours pour les rendre compatibles avec le distanciel. Pour les examens, c’est pareil, on a dû changer la façon d’interroger les étudiants. Des aides ont également été mises en place. Je pense donc que l’enseignement a pu garder sa qualité cette année-ci. Il faudra évidemment en tirer des leçons, mais quand on prétend qu’il y aura une « génération de diplômes Covid », je n’y crois pas du tout.

  Pour la session de janvier, l’annonce d’examens à passer en présentiel dans les auditoires a été très mal perçue par certains étudiants. A-t-il été facile pour l’ULB de prendre cette décision ? Après coup, la crainte des étudiants était-elle justifiée ou fallait-il donner l’impulsion à ceux ayant encore peur du virus de venir sur le campus ?

Pour des raisons pédagogiques, faire passer certains examens en présentiel était nécessaire. L’ULB a donc permis à ses professeurs de s’organiser entre eux pour que ceux qui estimaient que le présentiel était nécessaire pour des raisons pédagogiques puissent le faire. Au total, nous n’avons pas eu plus de 12% d’examens en présentiel, c’est beaucoup moins que dans d’autres universités. Un des critères était de faire passer les examens des premières années de Bachelier, ainsi que des poursuites de cursus en présentiel. Pour ce qui est des craintes, toutes les mesures avaient été prises et il n’y a pas eu de cas de contamination

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dans les amphithéâtres. On a reçu des messages de crainte de certains étudiants, certains parents, mais on a tout mis en place afin de les rassurer. C’est également sur cette base qu’on peut dire qu’il y a moyen de contrôler la propagation du virus quand les mesures sont respectées. Les étudiants ne sont pas du tout « je-m’en-foutiste », au contraire, ils sont responsables et respectueux envers les mesures. Il y a toujours des exceptions, mais c’est un peu comme partout...

  Les premiers échos des résultats de la session de janvier, dans le supérieur, indiquent une hausse par rapport aux précédentes années. Cela peut paraitre surprenant dans la mesure où de nombreuses alertes évoquaient une catastrophe à venir. Finalement, devons-nous cela à la persévérance des étudiants ? À la compassion des professeurs ? Ne trouvez-vous pas que cette annonce nie simplement le fait que les étudiants n’ont de toute façon pas eu d’autre choix que de présenter et d’essayer de réussir leurs examens ? Nous devrons étudier les facteurs qui expliqueraient ce meilleur taux de réussite. Dire que les étudiants ont triché ne s’avère pas exact, car le taux de réussite est également supérieur pour les examens en présentiel. Alors certainement que les étudiants n’avaient pas grand-chose d’autre à faire, ce qui les a peut-être amenés à s’accrocher, à travailler plus, à être moins insouciants. Ça a eu un effet sur leur santé mentale mais paradoxalement, ça a aussi sans doute eu un impact sur leur taux de réussite.


{ INTERVIEW ULB }

C’est encore tôt pour vous donner une analyse définitive.

  Vous dites dans une carte blanche que les aînés sacrifient les jeunes. Estimez-vous que les mesures de gestion de la crise n’étaient pas justifiées ou disproportionnées ? Ce n’est pas ce que j’ai dit, j’ai dit que les jeunes ont renoncé à une partie de leur jeunesse pour protéger les ainés et les plus fragiles. Je pense qu’après cette crise, les ainés vont devront investir massivement dans la jeunesse. Il n’y a pas que la crise sanitaire. Les crises climatiques qu’on annonce, le sous-investissement dans les universités, l’accès au chômage pour les jeunes sont des enjeux majeurs à traiter après cette crise.

  Donc, si je comprends bien, vous estimez que les jeunes ont fait le nécessaire pour les personnes à risque mais qu’à un moment donné, il faudra requalifier les personnes à risque ? Voilà, exactement. À un certain moment, les nouvelles personnes à risque seront les jeunes en détresse. Il y a aussi le problème de cet avenir bouché par toutes les crises qu’on annonce (climatique, etc.), le manque de moyens pour la culture et les fractures socio-économiques. Il faudra apporter une réponse à tout ça. On ne peut pas laisser les jeunes sans perspectives.

  Dans une interview, vous avez qualifié « l’ascenseur social que constituent l’éducation et l’enseignement » de grippé. Pouvez-vous préciser ? Et surtout, nous dire comment inverser la tendance ? Moi, quand j’ai commencé mes études en ’83, je ne venais pas d’un milieu particulièrement favorisé, mais parce que les universités étaient financées correctement, l’encadrement permettait de réussir l’université dans des conditions qui actuellement n’existent plus. Pour les gens qui étaient dans la même situation que moi dans les années ’80, aller à l’université leur permettait de bénéficier de l’ascenseur social alors que maintenant, à cause du sous-financement, celui-ci est clairement grippé. Ceci dit, malgré ce sous-financement, on travaille pour relancer cet ascenseur social. J’espère que les politiques se rendront compte combien il est nécessaire de prévoir des mesures spécifiques et un encadrement pour les primo-arrivants. C’est surtout en première que l’on constate ces difficultés.

  Les effets pervers du décret Paysage sont dénoncés et partagés par nombre d’acteurs. Sa réforme est attendue. Que pensez-vous de l’avantprojet de décret présenté par la ministre Glatigny et notamment de son souhait d’obliger la réussite de la première année de Bac en deux années maximum ?

études sans pour autant que le taux de réussite soit meilleur surtout que pour certains, il y a également d’autres facteurs qui peuvent entraver la réussite comme les jobs étudiants. Allonger les études avec moins d’aide financière fait qu’on travaille pour payer ses études et qu’on réussit moins. Je pense donc que mettre le décret sur la table, c’est vraiment une bonne chose. Imposer la réussite de la première en deux ans me parait relativement strict, il faudrait nuancer cette exigence. Il faudrait en tout cas mettre des verrous entre le Bachelier et le Master. On a des étudiants qui sont en deuxième Master, d’autres qui sont à la veille de défendre leur mémoire, et qui ont encore des cours de Bachelier, ça ne va pas.

  La gestion de la crise sanitaire a mis en lumière la place du numérique dans bien des secteurs ; l’éducation n’y a pas échappé. Comment jugezvous l’intégration du numérique dans nos universités ? Quels constats pouvons-nous établir après quasi un an de cours à distance ? Pour ce qui est de la fracture numérique, l’ULB a mis tout en œuvre pour aider tant les étudiants que les professeurs qui n’avaient pas le matériel adéquat. Il y a eu des prêts d’ordinateurs et des octrois d’accès à la 4G. Pour ce qui est de l’intégration du numérique, il faudra aussi en tirer des leçons pour après. Cette crise nous a montré que le numérique est un outil incroyable pour l’enseignement, mais cela doit rester un outil et non devenir la manière exclusive d’enseigner.

  Quelle a été pour vous la décision la plus compliquée à prendre depuis le début de votre mandat ? Prendre la décision de passer en distanciel, ça a été compliqué, mais je l’ai fait en coordination avec les vicerecteurs, la ministre et les autres universités.

  Pour conclure cette interview, quel style d’étudiante étiez-vous pendant vos années à l’université ? Avez-vous une petite anecdote à nous raconter ? J’étais une étudiante travailleuse mais fêtarde aussi. Je n’étais pas la première de classe mais je travaillais beaucoup et ça ne m’empêchait pas de faire la fête.

Pour l’anecdote, je dirais qu’elle remonte à ma première journée à l’université. J’étais très impressionnée et en même temps j’avais ce sentiment de « je n’y arriverai jamais ». Heureusement, ce sentiment s’est estompé très vite grâce aux contacts avec les autres étudiants. 

J’estime que c’est une bonne chose de revoir le décret Paysage. On constate un allongement de la durée des

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/ D€RISION / PAR CORALIE BOTERDAEL

Ce que veulent les femmes Pa y e n t

DE LA POUDRE DE MASCARA NOIR PAILLETÉ INTENSE D’YVES-SAINT-GUERLAINPINPIN

UN POT DE CRÈME FRAICHE DE JOUVENCE ANTI-ÂGE « J’Y CROIS TROP »

DES ÉLASTIQUES ÉTHIQUES EN FIBRES NATURELLES QUI N’AGRESSENT PAS LE CHEVEU

UNE BOITE DE 27,5 TAMPONS COMPAK COTTONCOMFORT NIGHT SOFT SUPER PLUS PLUS

€ DES BANDES DE CIRE VERTES POUR LES JAMBES, BLEUES POUR LES AISSELLES, JAUNES POUR LE MAILLOT, ROSES POUR LE MINOIS ET DES BANDES DE CIRE ORANGÉ SAUMON SUPÉRIEUR DE NORVÈGE POUR LA PLANTE DES PIEDS €

TOTAL = Dommage que l’argent ne pousse pas dans les arbres… Voici une liste de courses fantasque mais représentative des réalités que vivent les femmes... Dans les magasins, on retrouve en effet pléthore de ces produits aux déclinaisons aussi variées que le choix des séries sur Netflix. Mais dans cette mêlée d’articles plus prometteurs les uns que les autres, il est compliqué de les distinguer. Tout comme il est difficile de les acheter… Car tout ça coute un bras et la moitié de l’autre ! Or, et c’est un fait que l’on peut déplorer, les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes existent encore. Sans compter que celles-ci ne sont pas seulement moins bien payées, elles payent également plus que les hommes ! Elles trouent régulièrement le fond de leur portefeuille entre les menstruations, la contraception, la lingerie, le maquillage, les séances de soin, etc. La carte bancaire chauffe bien souvent non pas seulement pour des petits plaisirs mais aussi pour des biens de première nécessité qui n’incombent pas à ces chers messieurs. Il est ardu de faire les comptes et si certains accusent l’existence d’une « Pink Taxe » – forcément, toutes les filles sans exception vénèrent le rose – il est en réalité presque impossible de la mesurer car les paramètres sont nombreux et complexes. Néanmoins, on ne peut ignorer les couts liés au statut de femme… Les plus évidents concernent la ménorrhée. Les femmes ont en moyenne leurs règles durant trente-neuf ans, c’està-dire jusqu’à environ 500 fois dans une vie. Déjà que c’est une croix à porter, elles doivent de surcroit supporter l’achat de protections. Serviettes hygiéniques et tampons, cups ou éponges, serviettes lavables ou slips menstruels ; l’offre ne manque pas, mais leur prix est culotté ! Sans

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oublier la visite annuelle de contrôle chez le gynécologue, l’achat de sous-vêtements et linge de lit lorsqu’ils ont été souillés, les antalgiques ou antispasmodiques pour les règles douloureuses et les dépenses accrues de papier toilette tous les 28 jours… Dracula se retournerait dans son cercueil s’il savait combien tout ce sang est cher aux femmes ! Il n’y a pas que les menstruations qui coutent la peau du popotin. Elles doivent aussi casquer pour la contraception. Au-delà du préservatif ou du diaphragme, il y a la pilule, le stérilet, l’implant, le patch, l’anneau vaginal ou l’injection ; un large éventail de contraceptifs hormonaux qui s’adresse exclusivement aux femmes… Pourtant ne vous êtes-vous jamais demandé pourquoi elles doivent assumer et payer seules une contraception alors qu’il faut être deux pour danser un tango ? Mais ce n’est pas tout… Pour une même marque la note du rasoir couleur rose diamant ou du déodorant à la fleur de mademoiselle est souvent plus salée que celle du rasoir ou de l’antitranspirant pour homme. Chez le coiffeur, même pour une coupe courte, les tarifs vont du simple au double lorsqu’il s’agit du crâne d’une dame. Vous l’aurez peutêtre constaté, les prix de certains produits d’hygiène et services similaires sont parfois plus élevés pour les femmes que pour les hommes. On peut donc le dire : « Marketing, packaging, merchandising… Everything for bullshitting my darling ! » Et après tout ça, il faut encore compter toute la panoplie des cosmétiques, sous-vêtements et accessoires de mode.


{ DÉRISION }

Crèmes et huiles apparemment si essentielles, maquillage voire peinture de séduction, talons hauts, boucles d’oreille, gaines amincissantes versus soutiens-gorges en dentelle ; tous ces attributs synonymes de féminité qui paraissent indispensables lors d’un entretien d’embauche, d’un speed dating ou toute autre occasion pour les femmes de se vendre. Car elles se doivent d’être engageantes et cela leur coute à nouveau les yeux de la tête ! En effet, là où le bas nylon blesse, ce n’est pas seulement parce que certains produits sont l’apanage de la gent féminine ou parce que d’autres affichent des prix inégalitaires ; c’est sans doute avant tout une question de mentalités. Ne l’avez-vous pas remarqué ? Dans l’imaginaire véhiculé par notre société, les femmes doivent faire attention à leur apparence, détenir les secrets de beauté et les appliquer ; les tutos en la matière ne manquent d’ailleurs pas… Il faut qu’elles prennent soin d’elles, qu’elles soient pimpantes, charmantes, qu’elles brillent comme des sous neufs. Bref, vous l’avez compris, le ticket de caisse est kilométrique entre les soins imposés par la Nature et ceux dictés par la Nanattitude… Le budget alloué à ces soins pèse lourd à la fin du mois, ce qui donne matière à réflexion, car trouvez-vous normal que les femmes soient indéniablement confrontées à plus de frais que les hommes ?! N’estimez-vous pas qu’il est temps de changer les codes ? Et les codesbarres tant qu’à faire !? 

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{ BIBLIOGRAPHIE }

/ BIBLIOGRAPHIE / La chute du Capitole PAR GUILLAUME ERGO

POUR EN SAVOIR PLUS, CONSULTER L’ARTICLE : « Élections américaines 2020 : morts qui votent, bulletins brûlés et autres rumeurs et infox sur le scrutin », W. Audureau et A. Maad, dans Le Monde, 5 novembre 2020. https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/11/05/elections-americaines-rumeurs-et-intox-autour-du-comptage-desvoix_6058636_4355770.html

Le jury populaire en Belgique PAR LOUIS MARESCHAL POUR UN AVIS LARGEMENT EN DÉFAVEUR DE LA COUR D’ASSISES, CONSULTER LA CARTE BLANCHE : « Supprimer

la cour d’assises, un pas vers une Justice plus moderne et humaine », F. Van Leeuw, dans Le Soir, 06 décembre 2020.

https://plus.lesoir.be/342026/article/2020-12-06/carte-blanche-supprimer-la-cour-dassises-un-pas-vers-une-justice-plus-moderne-et Pour un avis d’avantage orienté en faveur du jury populaire, consulter l’article : « Supprimer le jury populaire c’est condamner à terme l’État de droit », T. Denoël, dans Le Vif, n° 11, 12 mars 2020. https://www.levif.be/actualite/belgique/supprimer-le-jury-populaire-c-est-condamner-a-terme-l-etat-de-droit-zone-le-vif/article-normal-1262895.html

La réforme du système pénitentiaire PAR TITUS SEDENA POUR PLUS D’INFORMATIONS, CONSULTER LES DOCUMENTS SUIVANTS : • Vidéo : « Prisoners In Finland Live In Open Prisons Where They Learn Tech Skills | On The Ground. », D. T. Allen, dans Insider news, 7 novembre 2020. https://youtu.be/l554kV12Wuo • Article : « La nouvelle loi pénitentiaire. Retour sur un processus de réforme (1996 - 2006) », P. Mary, dans Courrier hebdomadaire du CRISP, n° 1916, p.5-51, novembre 2006. https://www.cairn.info/revue-courrier-hebdomadaire-du-crisp-2006-11-page-5.htm • Article : « Foucault et "la société punitive" », F. Gros, dans La prison, n°135, p.5-14, avril 2010. https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2010-4-page-5.htm • Article : « Internés sous les verrous : punis ou soignés ? Du côté de la Belgique », M. Mormont, dans VST – Vie sociale et traitements, n° 124, p.1923, avril 2014. https://www.cairn.info/revue-vie-sociale-et-traitements-2014-4-page-19.htm • Article : « Les alternatives à la prison », S. Portelli, dans La prison, n°135, p.15-28, avril 2010. https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2010-4-page-15.htm • Reportage : « Mauzac : Le pari de la "prison ouverte" », C. Hubert & L. Valais, sur rtl.fr., 6 mars 2018. https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/mauzac-le-pari-de-la-prison-ouverte-7792513488 • Citations : « Citations du jour : Toutes les citations de Jean Chalon Jean », sur citations.ouest-France.fr. https://citations.ouest-france.fr/citation-jean-chalon/mots-peuvent-etre-mortels-mot-4294.html • Article : « Les prisons ouvertes : Une solution à la surpopulation carcérale belge ? », auteur inconnu, sur Moustique.be, 18 janvier 2019. https://www.moustique.be/22856/les-prisons-ouvertes-une-solution-la-surpopulation-carcerale-belge • Article : « La population carcérale atteint 10.000 détenus, pour une capacité de 9.400 places », H. Messoudi, sur rtbf.be, 8 avril 2020. https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_coronavirus-pour-le-ministre-geens-la-situation-dans-les-prisons-est-normale?id=10468339

La fleur au fusil PAR SARAH VERHOEVEN ET CONSTANTIN DECHAMPS L’ARTICLE SE BASE SUR DES INFORMATIONS RÉCOLTÉES DANS LES DOCUMENTS SUIVANTS : • Article : « Belgique, Suisse, Canada, France : filmer la police est-il répréhensible ? », N. Loppy, sur TV5Monde.com, 27 novembre 2020. https://information.tv5monde.com/info/belgique-suisse-canada-france-filmer-la-police-est-il-reprehensible-385487 • Communiqué : « Le droit de filmer l’action policière n’est pas un trouble à l’ordre public », La Ligue des droits humains, la Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés Bruxelles et la CNAPD, sur liguedh.be, 19 décembre 2018. https://www.liguedh.be/le-droit-de-filmer-laction-policiere-nest-pas-un-trouble-a-lordre-public/ • Article : « Policiers filmés en pleine arrestation à Bruxelles : pourquoi l'agent sur cette vidéo est en grande partie dans le faux », A. Ca, dans DH Les Sports, 19 aout 2020. https://www.dhnet.be/regions/bruxelles/policiers-filmes-en-pleine-arrestation-a-bruxelles-pourquoi-le-policier-sur-cette-video-a-tort-5f3cf8acd8

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BLUE LINE | Avril 2021


{ BIBLIOGRAPHIE }

ad5862199ac263?fbclid=IwAR23kjCk_6STJxKsdac7XsHXUi-VfAfO_jgLK2R2qiRFyANdKlbbo_pcbAw • Article : « Caméras corporelles sur les policiers français : ce que nous apprend l’expérience des États-Unis et du Canada », F. Lollia, sur theconversation. com, 18 janvier 2021. https://theconversation.com/cameras-corporelles-sur-les-policiers-francais-ce-que-nous-apprend-lexperience-des-etats-unis-et-ducanada-152731 • Article : « La police française est-elle plus violente et raciste que les autres polices européennes ? », auteur inconnu, dans SudOuest, 25 janvier 2021. https://www.sudouest.fr/2021/01/25/la-police-francaise-est-elle-plus-violente-et-raciste-que-les-autres-polices-europeennes-8328663-11171.php • Article : « La police peut-elle changer d’éthique ? », S. Lermercier, sur theconversation.com, 12 janvier 2020. https://theconversation.com/la-police-peut-elle-changer-dethique-129710?fbclid=IwAR0Pa13a7WGjhJZ4pWOJs9l37dkpvPOArMXAP6Y62rpXyWTCmPRpDrlu7w

À CONSULTER ÉGALEMENT : • Site : La police fédérale, « La Police d'excellence » : https://www.police.be/5998/fr/a-propos/police-integree/la-police-dexcellence?fbclid=IwAR1iLK n8xlYrrfOH-i_PS-Z83K6tjqwFg02tuZ14RJFhmcSTI35bijKREYg • Site : La police engage : https://www.jobpol.be/fr/jobs-en-uniforme/fonctions

Simplifions Bruxelles PAR STÉPHANE GURBUZ L’ARTICLE EST INSPIRÉ DES LECTURES SUIVANTES : • Livre : « Vers une Belgique à quatre ? Les compétences communautaires à Bruxelles après la sixième réforme de l’État », M. El Berhoumi, L. Losseau et S. Van Drooghenbroeck, die Keure, Bruges, 2017. • Article : « Et si votre commune optait pour la fusion ? », M. Pops, dans Trends Public Sector, n°22, novembre 2017. http://actions.trends.levif.be/actions/trends/publicsector/archive/2017-11/index.jsp

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BLUE LINE PRÉSIDENT ET ÉDITEUR RESPONSABLE : Adrien PIRONET Avenue de la Toison d’or, 84 - 86 1060 Bruxelles

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RÉDACTRICE EN CHEF : Adeline BERBÉ

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ASSISTANTS DE RÉDACTION : Coralie BOTERDAEL - Antoine DUTRY

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DIRECTION ARTISTIQUE : Daphné ALGRAIN

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