PENSER PUIS PLANIFIER LA MISE EN ŒUVRE DE LA MATIÈRE Si la matière permet de matérialiser le concept architectural, c’est bien l’association et la composition des matériaux qui vont permettre sa conception. Penser au matériau idéal à employer pour son projet est une chose, penser à comment l’employer lors de la construction en est une autre. C’est pourquoi l’architecte doit réfléchir en amont à la façon dont les matériaux vont se comporter lors de la conception et comment les entreprises vont réaliser l’ouvrage. Cette démarche architecturale nécessite une certaine culture de la construction et une prise de conscience des conséquences constructives que génère un simple trait dans un projet. Chaque assemblage doit être étudier en détail pour optimiser sa production, sa manutention, son comportement mécanique et sa durabilité. Il faut donc être capable d’anticiper les actions qui vont être générées sur les matériaux pour les dimensionner, mais aussi d’évaluer les aptitudes des entreprises à réaliser ces ouvrages, se servir de leurs compétences pour élaborer des détails techniques qui soient en accord avec leur savoir-faire. J’ai très vite compris que cette notion de culture constructive et de mise en œuvre des matériaux était une pensée fondamentale au sein de l’école nationale supérieure d’architecture. Ce constat tient notamment dans le fait que nos premières approches du projet et des théories de conceptions architecturales (S2AA) nous ont étés enseignées par Pascal Rollet, architecte représentant l’unité de recherche Architecture, Environnement & Cultures constructives (AE&CC). Sa pédagogie consiste à nous initier aux différentes étapes de l’élaboration d’un projet, en nous imposant une thématique (masse ou ossature) et une matière de référence (pierre ou bois). La première étape de cet exercice m’a permis d’élaborer un concept de base par le biais de croquis et d’études de références, c’est la genèse du projet. La seconde étape fait face à la difficulté de la réalisation de ce concept et à l’expérimentation d’assemblage des éléments par la maquette et le dessin technique. Le travail de maquette est fondamental car il est riche d’informations et m’a permis de définir les caractéristiques spécifiques des comportements de la matière et des matériaux employés. Le dessin technique complète cette recherche en ajoutant une attention toute particulière au détail. C’est une démarche qui a constitué les fondements de mon approche du projet et de ma culture constructive. En me confrontant directement aux phénomènes physiques, aux éléments de construction et aux systèmes constructifs, j’ai développé une sensibilité aux détails qui me pousse à enrichir mes connaissances de la construction pour concevoir et imaginer le bâtiment au préalable dans les moindres détails : « Tandis que je trace les plans d’exécution, j’empile les briques [...] tout est conçu est pensé en préalable à l’appel d’offre » 6. C’est cette qualité de concepteur qui pousse certains architectes aux limites de l’ingénierie et qui leurs permet d’optimiser, de solutionner ou de réinventer certains systèmes constructifs pour mener à bien leur projet. A la fin de ma deuxième année de licence, j’ai eu l’opportunité de réaliser un stage au sein de l’agence d’architecture RBC Architecture (S2AS). Malgré un parcours professionnel qui m’avais permis de travailler en tant que dessinateur projeteur dans un cabinet d’architecture. Je débutais ce stage avec un nouveau statut, celui d’un futur architecte. La pression et les attentes ne sont naturellement pas les mêmes car le métier d’architecte requière une certaine pluridisciplinarité. Tantôt médiateur entre les entreprises et le maître d’ouvrage, tantôt concepteur, l’architecte doit jongler avec de nombreuses responsabilités. C’est pour cette raison que je me demandais si ces deux premières années à étudier l’architecture pouvaient suffire
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MURCUTT Glenn, L’Australie de Glenn Murcutt, Avivre Architecture, 2004, p. 37.