CETEQ
LA MODERNISATION DE LA COLLECTE SÉLECTIVE : UNE AVANCÉE POUR LE QUÉBEC Richard Mimeau Directeur général Conseil des entreprises en technologies environnementales du Québec (CETEQ) rmimeau@ceteq.quebec
e ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, M. Benoit Charette, a récemment annoncé la nouvelle mouture du système de collecte sélective et de consigne au Québec. En effet, le projet de loi 65 — Loi modifiant principalement la Loi sur la qualité de l’environnement en matière de consigne et de collecte sélective — a été présenté à l’Assemblée nationale le 24 septembre dernier. Voici certains des commentaires que nous avons émis à son sujet.
L
PRÉVOIR UNE COMPLÉMENTARITÉ ENTRE LES SYSTÈMES MODERNISÉS Bien que le projet de loi concerne à la fois la consigne et la collecte sélective, nous nous attarderons plus précisément sur cette dernière, mais disons d’abord quelques mots sur la consigne. Celle-ci est là pour de bon, puisqu’il s’agit d’une forme de tri positif de la matière qui en améliore la qualité. Toutefois, il faut être vigilant face à un élargissement important de la consigne : l’évaluation de ses impacts sur la rentabilité et la pérennité des centres de tri (CDT) doit être considérée. Il ne devrait pas être question d’une consigne élargie (notamment au verre et aux autres contenants en plastique) qui aurait des répercussions néfastes sur l’industrie des CDT en retirant d’importantes matières de valeur et des quantités entrantes. Il est impératif de considérer la pérennité de l’industrie du recyclage dans notre réflexion concernant la mise en place d’une consigne. De plus, afin d’assurer l’équité entre les entreprises, il sera important de prévoir un mécanisme de complémentarité entre les deux systèmes modernisés. LA RESPONSABILITÉ ÉLARGIE DU PRODUCTEUR La principale nouveauté introduite par le gouvernement concerne la mise en place d’une responsabilité élargie du producteur (REP). Il s’agit d’une recommandation du comité aviseur du ministre. Cette approche repose sur la responsabilité des producteurs qui mettent en marché des contenants, des emballages, des imprimés et des journaux. En devenant responsables des matières mises en marché, les entreprises sont incitées à utiliser des matières écoconçues, à intégrer du contenu recyclé, à s’assurer de la récupération et du recyclage performants de leurs matières ainsi qu’à favoriser le développement des marchés, en particulier les marchés locaux et limitrophes, dans une perspective d’économie circulaire. Les entreprises devront miser sur le partenariat avec les municipalités, les MRC et les organismes municipaux par la prise en compte de leur rôle dans les services de proximité avec les citoyens, ce qui permettra de bâtir sur les acquis actuels et les investissements réalisés, tout en considérant les réalités des différentes régions du Québec. Vous vous en doutez, cette situation provoquera une réelle transformation de l’industrie de la collecte sélective en favorisant l’innovation et en modernisant ses façons de faire. L’ORGANISME DE GESTION DÉSIGNÉ Bien entendu, lorsqu’on parle de REP, il est nécessaire d’avoir un organisme de gestion qui assurera la bonne conduite des opérations. Un tel organisme favorisera la mise en place de bonnes pratiques et offrira un climat propice à l’investissement de capitaux privés. On ne peut que s’en réjouir.
Cependant, afin de réaliser ses objectifs d’efficacité et de rentabilité, l’organisme de gestion doit avoir les coudées franches et passer des contrats sur le long terme. En effet, au Québec, seules huit entreprises privées œuvrent dans le système actuel. Cette aberration s’explique par le fait que le modèle d’affaires en vigueur n’est pas rentable et que presque seules les organisations à but non lucratif peuvent y trouver leur compte grâce, notamment, aux subventions gouvernementales. Bien qu’on ne puisse être opposé à la mission de ces organisations, il faut reconnaître que l’avenir de la collecte sélective passe par une nouvelle gouvernance qui offrira des directives de marché novatrices et qui exigera un produit de qualité supérieure. Ainsi, afin d’obtenir ces résultats, l’organisme de gestion doit pouvoir conclure des contrats à long terme. Ce faisant, les entreprises privées pourront justifier les investissements nécessaires à la modernisation de leurs équipements. Autrement dit, l’entreprise privée ne peut justifier l’investissement requis pour moderniser ses équipements pour un contrat de trois à cinq ans. En accordant un contrat sur une plus longue période, on permet à l’entreprise privée d’investir au Québec tout en évitant au gouvernement, et à ses organisations, de subventionner une industrie. LA RELATION ENTRE L’ORGANISME DE GESTION ET LA COLLECTE DES INDUSTRIES, COMMERCES ET AUTRES INSTITUTIONS (ICI) Bien que la REP et l’introduction d’un organisme de gestion soient des avenues utiles et importantes, il est nécessaire de circonscrire l’étendue du champ d’action de cette organisation, puisqu’il existe au Québec deux types de collecte sélective. En effet, il y a une différence importante entre la situation vécue dans la collecte résidentielle (que l’on pourrait qualifier de publique) et celle de la collecte des ICI (qui pourrait, elle, être qualifiée de privée). Cette dernière est bien établie et, à la suite de nombreux investissements privés et d’ajustements réalisés au cours des dernières années, elle offre un produit de qualité. Il serait dommage de sacrifier les efforts qui portent des fruits dans le privé et de risquer l’encombrement du volet public de la collecte sélective. VERS UN RÈGLEMENT AU PRINTEMPS 2021 Le projet de loi 65 est une excellente nouvelle pour la collecte sélective au Québec. En responsabilisant les producteurs et en accordant la gestion à un organisme reconnu, le système deviendra beaucoup plus efficace et les taux de récupération et de revalorisation devraient être plus élevés. Cependant, il ne faut pas pour autant encombrer le nouveau système et se départir de ce qui fonctionne bien. Ces questions seront abordées par le gouvernement lors de l’élaboration du règlement d’application au printemps prochain. n
17 LE MAGAZINE DES MATIÈRES RÉSIDUELLES AU QUÉBEC Ce texte vous fait réagir ? Faites-nous part de vos commentaires en écrivant à info@magazine3rve.cc
3RVE VOL. 16 N O 3 AUTOMNE 2020