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Desseins et dessins du Brabant wallon
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espace
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Avril 2020 Bimestriel
La revue qui décode les enjeux territoriaux du Brabant wallon
Nouveaux quartiers, tous les mêmes ? Comment le bâti brabançon se standardise
sommaire
Vos nouvelles rubriques apprendre
en bref
On approfondit une
thématique nouvelle qui suscite le débat.
découvrir
On part à la découverte d’initiatives positives tournées vers l’avenir et vers un développement durable du territoire.
comprendre découvrir
apprendre
Pourquoi tous les nouveaux quartiers se ressemblent
respirer
Desseins et dessins du Brabant wallon
respirer
Espace en devenir
comprendre
rencontrer
L’idée est de partir à la découverte d’initiatives originales expérimentées en dehors du Brabant wallon et de voir comment elles pourraient servir d’exemple pour le Brabant wallon.
débattre
évoluer
apprendre
S’approprier l’espace public
agenda
Urbanisme transitoire : quand le vide fait le plein d’idées
De moins en moins les pieds dans l'eau
Espace-vie est la revue bimestrielle de la Maison de l’urbanisme du Brabant wallon – Centre culturel du Brabant wallon ( janvier, avril, mai, juillet, septembre et novembre). Elle traite de sujets relatifs à l’aménagement du territoire, à l’urbanisme et aux enjeux culturels en Brabant wallon. Créée en 1989, Espace-vie est indépendante de tout parti politique et dispose d’une entière liberté éditoriale.
Espace-vie propose à ses lecteurs un éclaircissement sur une question que l’on peut se poser dans son quotidien en matière de cadre de vie.
explorer
Les derniers chiffres de l’étalement urbain
évoluer
répondre
Portrait d’une personnalité ou d’un citoyen actif dans le monde de l’aménagement du territoire en Brabant wallon.
Compacité et intimité
Faut-il mettre toute votre commune en zone 30 ?
Il s’agit de décrypter un enjeu, une prise de position, une politique. On prend le temps d’analyser la situation.
On jette un regard sur un sujet traité par le passé et on le confronte aux réalités actuelles.
débattre
Espace-vie s’ouvre à ses lecteurs et propose un espace de confrontation des points de vue.
respirer
Une image marquante qui possède une histoire forte.
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Éditeur responsable : Nicolas Van der Maren - Rédacteur en chef : Xavier Attout (x.attout@ccbw.be) - Rédacteurs : Caroline Dunski (c.dunski@ccbw.be), Karima Haoudy (k.haoudy@ccbw.be) - Avec la contribution de : Joëlle Rigaux, Agnès Chevalier, Maureen Schmetz Équipe de la Maison de l’urbanisme : X. Attout, A. Chevalier, K. Haoudy, M. Schmetz - Président de la Maison de l'urbanisme : Mathieu Michel - Maquette : Louise Laurent (www.louiselaurent.be) - Mise en page : Louise Laurent - Dessins : Marco Paulo - Imprimeur : Artoos Group - IPM Printing - Tirage : 7 000 exemplaires - Adresse : 3, rue Belotte, 1490 Court-Saint-Étienne - Contact : 010 62 10 50 ou m.urbanisme@ccbw.be - www.mubw.be - www.ccbw.be Espace-vie est publié avec le soutien de la Wallonie et du Brabant wallon. La revue est envoyée sur demande et gratuitement aux habitants du Brabant wallon, abonnement de 12 euros/an hors Brabant wallon. Ne peut être vendu. Si vous préférez recevoir Espace-vie en version numérique, n’hésitez pas à nous le signaler. Toute reproduction partielle ou totale nécessite une autorisation préalable de l’éditeur responsable. La clôture de ce numéro s’est déroulée le 17 mars 2020. © Photo de couverture : Maureen Schmetz Espace-vie est imprimé sur du papier recyclé dans une imprimerie climatiquement neutre. Les émissions de CO2 sont neutralisées à 100 % par le biais de plantations d’arbres. L’emballage qui entoure la revue lors de l’envoi est en maïs.
avant-propos
Pragmatisme et « Stop au béton » La diminution de l’étalement urbain est un enjeu quotidien dans le petit monde de l’aménagement du territoire wallon. Et ce, depuis plus de vingt ans. Sensibiliser, éduquer et former, inlassablement. Cet enjeu semble aujourd’hui être enfin bien intégré dans la tête de la plupart des politiques et promoteurs. De même que dans celle de nombreux Wallons. Les derniers chiffres démontrent d’ailleurs une tendance à la baisse : l’artificialisation du sol s’étendait sur 18 km2/an entre 1990 et 2000 en Wallonie, pour ne plus atteindre que 11,3 km2/an entre 2016 et 2019. Et l’ambition du Schéma de Développement du territoire (SDT) était d’encore réduire cette urbanisation du sol à 6 km2/an en 2025 et d’arriver à un « Stop au béton » en 2050. Un agenda qui a toujours laissé de nombreux observateurs perplexes, tant l’opérationnalisation de ces mesures paraissait difficile à mettre en œuvre à court terme. Et qu’il y a, encore aujourd’hui, davantage d’interrogations que de certitudes sur la marche à suivre. Qu’en est-il par exemple du dédommagement financier destiné aux propriétaires d’un foncier qui verraient le statut de leur terrain à bâtir évoluer ? Ou encore sur base de quels critères pourra-t-on dire à un bourgmestre du Brabant wallon que le quota de terrains constructibles le concernant est épuisé ? Au final, les incertitudes sont encore bien trop nombreuses pour passer à l’action.
Reste que si de nombreuses mesures visant à enrayer l’étalement urbain existent déjà dans le Code du Développement territorial, passer à la vitesse supérieure semble compliqué à mettre en œuvre. Il n’y a plus qu’à attendre 2025 pour en savoir plus… Xavier Attout
3 espacevie.be | avril 2020
Résultat : le ministre de l’Aménagement du territoire, Willy Borsus, a décidé de revoir la copie wallonne. Première décision : modifier l’agenda du « Stop au béton ». L’idée d’atteindre un certain plafond en 2025 passe à la trappe. Tous les regards sont dorénavant tournés vers 2050. « Ne pas déterminer clairement la manière dont on peut atteindre la réduction à 6 km2/an est un objectif théorique qui ne sera pas réalisé », tranche-t-il. Et d’ajouter : « L’ambition de la Déclaration de politique régionale est de fixer d’ici 2025 la trajectoire de la diminution de l’artificialisation de notre territoire. » Pour y parvenir, un comité d’experts a été mis en place. Il devra déterminer la marche à suivre. Ce qui ne sera pas une mince affaire tant les questions en suspens sont nombreuses. Une marche arrière teintée de pragmatisme qui vise à ne pas se casser les dents comme le nord du pays l’expérimente avec le Bouwshift (nouvelle sémantique pour le Betonstop), où les dédommagements financiers avoisineraient les 12 milliards selon les premières estimations.
en bref
Retrouvez tout le contenu d'Espace-vie, de nouvelles informations, des vidéos et autres infographies sur notre nouveau site internet espacevie.be.
Le CBTC livré au printemps 2021
© Benoit Colette Photography
Rénovation en vue au Domaine de Franquenies 4
Une belle rénovation d’une bâtisse du 17e siècle va voir le jour d’ici peu à CérouxMousty. Et ce, dans le cadre d’un projet immobilier de vingt-cinq logements qui s’est dessiné autour de la Maison du Bailli, l’ancienne Cour de justice locale dont l’immeuble principal a été reconstruit dans sa forme actuelle après un incendie datant de 1677. Le promoteur a souhaité préserver le bâtiment qui domine ce site d’un hectare. Le porche colombier, la chapelle Notre-Dame des Fièvres et les murs d’enceinte seront eux aussi conservés. Les logements seront répartis en plusieurs unités : un immeuble de 17 appartements, 5 maisons unifamiliales alors que l’ancienne Maison du Bailli sera réaffectée en trois grands appartements. Le projet s’inscrit dans le cadre d’un habitat intergénérationnel. « Nous avons voulu créer un lieu avec une identité forte en préservant le patrimoine bâti identitaire et une articulation des nouveaux développements autour des espaces structurants du site », explique Pierre-Paul Lannoy, architecte au sein du bureau Archi-LdC. Les matériaux choisis, briques rouges et châssis en aluminium, permettent de marier l’ancien (façades classique côté rue) et le nouveau (grandes baies vitrées côté jardin). Le chantier devrait durer 24 mois.
Le quartier des Confluents est lancé à Tubize. La première pierre du futur quartier des Confluents à Tubize a été posée début mars. Ce projet mixte (bureau, commerce et résidentiel) développé par Duferco-Wallonie est l’une des phases principales de la réhabilitation du site des anciennes Forges de Clabecq (87 ha). On y retrouvera notamment 671 logements, un Outlet Mall, une zone de loisirs et différents autres services. Ce projet s’étend sur 12 hectares. À terme, d’ici une quinzaine d’années, on retrouvera 2 500 logements sur le site.
Le projet a été repensé. Le permis pour le projet des Berges de l’Argentine sera déposé en septembre prochain. Stéphan Sonneville, CEO du promoteur Atenor, au sujet de ce projet de près de 220 appartements développé à La Hulpe.
La première phase du chantier du China Belgium Technology Center (CBTC) à Louvain-la-Neuve devrait se terminer au printemps 2021. Après quelques contretemps liés à un changement d’actionnariat au sein du propriétaire United Investment Europe et des retards en matière de commercialisation, les travaux viennent de reprendre. L’entreprise Delens a remporté l’appel d’offres liée à la fin du chantier (18 millions). Dans sa première phase, le CBTC comprendra du bureau (20 000 m2), un centre de conférence (1 100 m2), un hôtel de 170 chambres et un espace de coworking (de 1 800 à 4 000 m2). L’investissement s’élève à 90 millions pour cette première phase. Le CBTC s’étend sur 8 hectares et comprendra 120 000 m2 au terme des trois phases. Cet incubateur d’entreprises doit renforcer les échanges entre la Chine et l’Europe en matière d’innovation et d’ICT.
© Marc Detiffe
© Marc Detiffe
Phase 2 pour Esprit Courbevoie La Ville d’Ottignies-Louvain-la-Neuve vient d’octroyer deux nouveaux permis pour le projet Esprit Courbevoie à Louvain-la-Neuve. Ceux-ci concernent la construction de deux immeubles, l’un comprenant 104 appartements, l’autre 95 appartements et deux commerces. Au total, Besix Red et Thomas & Piron construiront près de 500 logements sur ce site. Les premiers habitants prendront possession de leur appartement en avril.
Le conseiller en environnement de la commune de Beauvechain, Vincent Bulteau, a été élu CSR Pioneer of the Year. « Le jury a estimé que son travail était une source d’inspiration en termes de biodiversité et de partenariats durables, peut-on lire dans le communiqué de presse. Il parvient avec succès à fédérer différents acteurs. L’initiative à petite échelle de la commune de Beauvechain a un impact majeur sur la biodiversité. » CSR Professional of the Year est une initiative de Time4Society. Cette asbl trace un lien durable entre les entreprises et les organisations, de même qu'entre le secteur marchand et le non-marchand. L’objectif est de mettre en valeur la responsabilité sociétale, ou sociale, des entreprises.
Un parc pour PME à Mont-Saint-Guibert La première pierre du futur parc d’activités économiques destiné aux PME Jaurdinia a été posée le 20 mars. Situé à Mont-Saint-Guibert, le long de la N25, ce parc s’étend sur 40 000 m2 et comprendra une quarantaine d’entreprises. Près de 80 % du site est déjà vendu, preuve du manque de terrains encore disponibles pour l’activité économique dans le centre du Brabant wallon. C’est la société BVI qui est à la manœuvre.
© Syntaxe Architectes
Le prix médian d’une maison en Brabant wallon atteint les 310 000 euros, en hausse de 4,3 % en un an et de 14,8 % depuis 2015, selon les derniers chiffres des notaires. Notons qu’il existe de grandes disparités de prix dans toute la province, entre Lasne (500 000) et Hélécine (195 000 euros).
« Stop au béton », suite et pas fin Un groupe d’experts a été mis en place par le Gouvernement wallon de manière à atteindre les objectifs de « Stop au béton » à l’horizon 2050. Il devra élaborer une méthodologie de mesure de l'étalement urbain, une trajectoire de réduction de l’étalement urbain par bassin et une trajectoire de superficie artificialisable jusqu’à 2050 répartie par bassin. Enfin, il devra aussi déterminer les instruments nécessaires pour atteindre ces objectifs. Parmi les experts retenus, on retrouve quatre représentants des ministres de l’Aménagement du territoire, de la Mobilité et du Logement et quatre représentants du SPW Territoire, de même que Bertrand Ippersiel (Ville de Namur), Samuel Saelens (Union wallonne des Entreprises), Cédric Swennen (SPI), Laurent Dion (Société wallonne du Logement), Renaud Naiken (Thomas & Piron), Joëlle Huysecom (Natagora), Arnaud Stas (SPW Agriculture), Danièle Antoine (Fondation rurale de Wallonie), Francis Haumont (cabinet d’avocats HSP) et Jacques Teller (ULg). Ajoutons qu’un groupe « données » composé de membres de la CPDT et un comité d’accompagnement d’une vingtaine de personnes est également prévu, de manière à apporter son expertise.
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Beauvechain : le travail de Vincent Bulteau primé
La nouvelle mode des immeubles Ă appartements. Comme ici Ă Waterloo.
apprendre
les nouveaux quartiers se ressemblent
Texte et photos : Xavier Attout
I
l suffit de faire défiler les vues 3D d’une dizaine de projets de nouveaux quartiers ou d’ensembles d’appartements pour s’en rendre compte. Que ce soit à Waterloo, Nivelles, Braine-l’Alleud, Wavre ou Mont-Saint-Guibert, difficile de distinguer les différences et la réelle identité d’un projet au premier coup d’oeil. Le propos peut même être étendu à Liège, Namur, Gembloux ou encore Marcinelle, pour les quelques nouveaux quartiers qui sont en passe de sortir
L'image véhiculée par les nouveaux projets est souvent la même. Cela entraine clairement une perte d’identité pour le Brabant wallon. Il est regrettable qu’un développement situé à Court-Saint-Étienne, à Gembloux ou à Liège soit pratiquement similaire. Christian Radelet, ancien fonctionnaire délégué du Brabant wallon
de terre. La standardisation de la promotion immobilière est devenue une norme en Brabant wallon et en Wallonie. Avec un combo classique : des immeubles à toitures plates, emballés sous un crépi blanc, équipés de châssis sombres et munis d’étroits balcons. Quand bien même un architecte
parviendrait à tirer son épingle du jeu, les quelques différences architecturales qu’il apporterait à son projet suffiraient rarement à masquer l’uniformité qui sied de plus en plus au paysage immobilier wallon. « Il est évident qu’il y a une certaine lassitude à voir sortir de terre des immeubles cubiques avec un crépi blanc et des châssis gris », regrette l’architecte nivellois Jean-Marie Delsaut, à la tête du bureau DDV. Un constat qui est partagé par l’ancien fonctionnaire délégué du Brabant wallon, Christian Radelet : « L’image véhiculée par les nouveaux projets est souvent la même. Cela entraine clairement une perte d’identité pour le Brabant wallon. Il est regrettable qu’un développement situé à Court-Saint-Étienne, à Gembloux ou à Liège soit pratiquement similaire. Mais il faut également relever que les promotions immobilières ne concernent presque plus que des appartements, ce qui favorise l’émergence de cette uniformité. D’une manière générale, je pense que cette situation est davantage liée à un effet de mode qu’à une question de cout. » Un constat qui n’est pas vraiment partagé du côté des architectes, comme en témoigne Jean-Marie Delsaut : « Cette uniformité est surtout liée au fait que les promoteurs veulent dépenser le moins d’argent possible, histoire de maximiser leurs profits. Il est de plus en plus rare que des promoteurs dégagent des budgets importants pour développer une architecture différente, avec des matériaux de qualité. Sauf à quelques exceptions, comme le futur quartier de Val de Thines à Nivelles (ndlr : 263 logements dans la première phase), où le promoteur a interdit le recours au crépi, et ce au profit de la brique. »
L’isolation pousse à la standardisation Du côté des promoteurs justement, l’un des plus actifs en Brabant wallon et en Wallonie estime de son côté que cette situation est surtout liée à
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La plupart des nouveaux quartiers qui sortent de terre en Brabant wallon et ailleurs en Wallonie se ressemblent de plus en plus. Une standardisation des constructions qui est notamment liée à une architecture stéréotypée, aux exigences en matière de performances énergétiques, à l'évolution des modes de vie et à une hausse des couts de construction. Faut-il tout accepter pour autant ?
apprendre
une évolution de l’architecture vers des formes plus urbaines et cubiques. Mais qu’il s’agit aussi de contraintes liées à l’efficience énergétique des bâtiments. « La tendance actuelle est de construire des bâtiments qui possèdent les plus hautes performances énergétiques, explique Joël Polus, directeur du développement chez Thomas & Piron Bâtiment. Ce qui entraine la construction d’immeubles compacts, dont la mise en œuvre recommande
La concurrence a entrainé une flambée du prix des terrains. Il y a moins d’argent à consacrer à la construction des bâtiments. Par conséquent, certains promoteurs peuvent être tentés de recourir à des matériaux de moindre qualité. Joël Polus, directeur du développement chez Thomas & Piron
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l’utilisation de matériaux spécifiques. D’où le recours récurrent au crépi, qui est très léger, étanche à l’air et aisé à installer. » Une contrainte technique qui est confirmée par Aymé Argeles, responsable du département Environnement & Technologie à la Confédération Construction wallonne, qui a vu au fil du temps une certaine évolution dans l’utilisation des matériaux : « Les bâtiments qui
RETROUVER LA DURABILITÉ DES BÂTIMENTS Secteur pour le moins conservateur, la construction est en pleine mutation. Son avenir passera notamment par l’industrialisation et la préfabrication de ses modes de construction. L’essentiel du travail devrait se faire en effet à l’avenir en usine, en Belgique. Ce qui permettra de réduire le temps de construction de 20 %. Sans parler de la diminution des nuisances et des déchets sur les chantiers. « Nous tendons vers une standardisation des modes de construction, fait remarquer Aymé Argeles, responsable du département Environnement & Technologie à la Confédération Construction wallonne. Mais les perspectives de développement en la matière sont
encore énormes. La situation aux Pays-Bas est encore plus avancée car leur parc de logements est bien plus standardisé. Une situation qui est très intéressante pour la réutilisation des matériaux puisqu’ils sont souvent similaires. Le modèle d’économie circulaire y fonctionne bien davantage que chez nous. » Un changement des mentalités doit donc encore être opéré. De manière à ne pas se retrouver dans la même situation qu’aujourd’hui où de nombreuses villas des années 70 et 80 sont déjà démolies, soit pour des questions énergétiques, soit pour des questions liées à la qualité du bâti. Ce qui est loin d’être un exemple en matière de durabilité.
sont construits aujourd’hui sont de plus en plus complexes. Surtout par rapport aux bâtiments érigés depuis l’après-guerre. Quant à savoir s’ils sont plus solides, c’est une autre histoire… » Et Jean-Marie Delsaut d’ajouter : « Auparavant, l’isolant n’avait qu'une épaisseur de 5 cm. Aujourd’hui, elle est de 25 à 30 cm. S’il faut mettre un parement en brique par-dessus, cela coute beaucoup plus cher. Ce qui se répercute directement sur le prix de vente. L’uniformité de la production est surtout liée à cet aspect-là. »
La fiabilité des constructions On le voit, les raisons de cette standardisation du bâti sont donc multiples. Et on peut même en rajouter d’autres. « Ce qui peut également expliquer cette situation, c’est qu’il y a de plus en plus d’acteurs qui sont présents sur le segment résidentiel, lance Joël Polus. La concurrence est bien plus importante qu’auparavant. Ce qui entraine une flambée du prix des terrains. Il y a donc moins d’argent à consacrer à la construction des bâtiments. Par conséquent, certains promoteurs peuvent être tentés de recourir à des matériaux de moindre qualité. Une situation qui ne s’applique bien évidemment pas dans le cas de développement de résidences de standing, car les prix de sortie sont élevés. » Un exemple : si le prix de
interview
« La révolution via l’industrialisation »
vente d’un appartement peut par exemple avoisiner les 4.000 euros/m2 à Waterloo dans le cadre de certains projets, il peut redescendre à 2.700 euros/m2 à Nivelles. Il ne faut pas être un expert en immobilier pour comprendre que la marge de manœuvre est bien différente d’un cas à l’autre. Enfin, un autre élément de cette standardisation des constructions concerne les modes de construction. De nombreux observateurs relèvent que les constructions actuelles semblent moins fiables que ce qui était produit auparavant. « Les fondations en béton sont similaires, c’est aussi solide, tempère Jean-Marie Delsaut. Après, concernant l’enveloppe du bâtiment, le crépi ne semble pas être le parement le plus durable. À noter aussi une tendance de la « construction de l’immédiateté », qui vise avant tout à vendre un appartement en se souciant moins de la durabilité du bâtiment. » Il suffit d’ailleurs de se balader dans le quartier des Papeteries de Genval, construit en 2015, pour se rendre compte que le crépi installé sur la face nord de certains immeubles est déjà complètement verdâtre/brun. « Il existe toutefois aujourd’hui des crépis plus performants qu’auparavant, explique Joël Polus. Mais il ne faut pas oublier non plus que, contrairement à la brique, une façade cela s’entretient et se nettoie. »
Olivier Vandooren, directeur général du Centre scientifique et technique de la Construction. Propos recueillis par X. A.
Les constructions actuelles sont-elles moins fiables qu’auparavant ?
Non, au contraire. La Belgique dispose d’un savoir-faire important en la matière. La qualité des constructions et notamment la technique d’isolation par l’extérieur y sont reconnues, de même que la compétence des entreprises.
Certains observateurs ont l’impression que les nouveaux immeubles à appartements sont moins durables qu’auparavant…
Comment voyez-vous les développements futurs du secteur de la construction ?
Il est au-devant de la quatrième révolution industrielle, ce qui va lui permettre d’entrer dans une certaine industrialisation. Si la Belgique veut multiplier par cinq le rythme de rénovation énergétique de son bâti, cela passera en partie par l’industrialisation.
Quel impact auront l’industrialisation et la préfabrication sur la qualité du bâti ?
Les Papeteries de Genval, cinq après son inauguration.
Les perspectives sont en tout cas importantes. Un exemple : pour des maisons alignées, il est possible d’isoler toutes les maisons en un coup en y ajoutant une double peau extérieure. Outre l’isolation, il est possible d’y greffer des techniques particulières de chauffage ou de la connectivité. Et tout cela par l’extérieur. Il y a déjà eu plus de 4 000 chantiers de ce type aux Pays-Bas et quelques milliers en France. Nous sommes en train d’analyser comment initier cette technique en Wallonie.
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Peut-être que l’enveloppe extérieure du bâtiment peut donner cette impression. La finition de l’enduit sur isolant par rapport à un revêtement en brique semble de prime abord moins durable. Mais ce n’est plus le cas. Les techniques de construction ont fait de grands progrès. L’enduit sur isolant est une technique bien éprouvée qui continue à se développer. Il est possible aujourd’hui de remplacer l’enduit par le collage de briquettes ou de pierres naturelles. Cette technique permet d’atteindre des niveaux d’isolation très élevés, est également relativement abordable au niveau financier et économe en matériaux.
respirer
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© Pedro Correa
Compacité et intimité Un immeuble de vingt appartements qui forme une unité, de manière à resserrer les liens entre les habitants. Mais un ensemble où chaque appartement bénéficie d’une isolation acoustique et énergétique (K 29) importante, de manière à préserver son intimité. Le projet de logement public conçu par l’Atelier d’architecture Mathen (Corbais)
pour la société de logement public Le Foyer wavrien permet de réconcilier quelque peu architecture et logement public. Située à Wavre, rue des Nerviens, cette réalisation peut « paraitre simple et évidente de prime abord, les espaces de circulation ont toutefois été optimisés pour donner le plus de prépondérance possible aux lieux de vies et d’usages »,
expliquent les architectes. L’ensemble du projet s’élève à 2,6 millions (TVAC). Ajoutons que l’Atelier d’architecture Mathen a reçu le Grand Prix d’architecture de Wallonie pour cette réalisation, dans la catégorie habitat collectif.
comprendre
l’étalement urbain Le Brabant wallon est toujours plus urbanisé et se densifie également davantage chaque année. Ce n’est pas qu’une impression, les chiffres le démontrent. La pression foncière pousse les prix à la hausse mais attire toujours plus de monde. Et, surprise, on y construit davantage de maisons que d’appartements.
Le nombre d'habitants à attendre d'ici 2035. Soit une hausse de 10%. Nivelles et Tubize (+ 4 000 habitants), de même que Braine-l'Alleud et Waterloo (+ 3 000) accueilleront le plus de nouveaux habitants.
Court-SaintEtienne
+ 1,20%
Nivelles
+ 0,50%
Orp-Jauche
Ramillies
Perwez
Urbanisation 5 à 10 % 11 à 20 %
Chastre
21 à 30 %
Augmentation entre 2009 et 2019
Villers-la-Ville
Densité de population
+ 0,50%
+ 1,20%
+ 1,30%
Walhain
+ 1,40%
MontSaintGuibert
Incourt
+ 1,70%
+ 2,60% + 0,60%
Genappe
+ 1%
+ 2,80%
Ottignies-LLN
Jodoigne
ChaumontGistoux
31 à 40 % 41 à 50 % 51 à 60 %
Waterloo 1 422 hab/km2 Rixensart 1 285 hab/km2 Ottignies-LLN 941 hab/km2 Wavre 817 hab/km2
Superficie résidentielle par habitant Lasne 783 m /hab 2
Chaumont-Gistoux 586 m2/hab
Braine-l'Alleud 765 hab/km
2
Grez-Doiceau 530 m2/hab Incourt 517 m2/hab Ramillies 510 m2/hab
Évolution de l’artificialisation du sol en Wallonie
Davantage de villas que d'appartements : nombre de permis octroyés en dix ans (de 2008 à 2018) :
18 km2/an entre 1990 et 2000 16 km2/an entre 2000 et 2010 12,7 km /an entre 2010 et 2015 2
11,3 km2/an entre 2016 et 2019
11
Hélécine
+ 1,60%
+ 2,00%
Wavre
+ 1,90%
+ 1,60%
+ 1,80%
Lasne
Braine-l'Alleud
Ittre
+ 1,30%
+ 3,70%
Rixensart
+ 0,90%
+ 1,50%
Braine-leChateau
Beauvechain
Grez-Doiceau
La Hulpe
Waterloo
+ 0,20% + 0,80%
Rebecq
+ 0,50%
+ 0,90%
+ 3,70%
En 2009 : 17,80 % (10% en Wallonie) En 2019 : 19,20 % (10,6% en Wallonie)
+ 0,90%
Urbanisation du Brabant wallon
Tubize
+ 4%
,
seconde commune la plus urbanisée de Wallonie
+ 7 860 Maisons neuves
+ 7 047 Appartements neufs Source : Iweps
espacevie.be | avril 2020
Texte : Xavier Attout - Infographie : Louise Laurent
débattre
en Bruxelles envisage de mettre toute la Région en zone 30. De plus en plus de villes wallonnes y songent également. Selon l’institut VIAS, 30 % de la population belge est favorable aux zones 30 généralisées. Un chiffre qui tombe à 22 % en Wallonie, et même à 20 % en Brabant wallon. Une proportion étonnante. Texte et photos : Xavier Attout
Quels sont les avantages de la zone 30 ?
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David Da Câmara échevin de la Mobilité à Ottignies-Louvain-la-Neuve
Est-il envisageable de mettre toute votre commune en zone 30 ?
C’est un objectif sur lequel nous travaillons depuis quelque temps. Il faut y aller crescendo. Mettre la commune entièrement en zone 30 est l’objectif final mais il faut franchir auparavant plusieurs étapes pour y parvenir. L’idée est avant tout de rendre la vie moins facile pour l’automobiliste et d’apaiser la place des piétons dans l’espace public. Comment procéder ? Il faut travailler sur la réduction de la vitesse mais également sur l’installation d’aménagements spécifiques rendant les déplacements plus compliqués. Une telle mesure ne peut être prise sans l’autre, sans quoi elle échouera. Il faut une proposition de mobilité globale.
Existe-t-il des exemples d’expériences réussies à l’étranger ?
Il y en a plusieurs sur lesquelles nous pouvons nous inspirer. À Nantes par exemple, des mesures ont été prises avec succès. En fait, l'idée principale consiste à forcer le partage de la voirie entre les modes actifs de déplacement. La voiture ne peut plus régner en maitre.
Ils ne sont plus à démontrer. Le principal, c’est que le piéton possède une chance de survie en cas d’accident. Le pourcentage de décès est bien plus faible si un véhicule roule à une vitesse basse. À 50 km/h, un piéton risque de mourir dans 10 à 15 % des cas. Un chiffre qui tombe à 5 % à 30 km/h. Une « Ville 30 » rassemble également d’autres avantages, que ce soit en termes de pollution, de qualité de vie ou encore de diminution des nuisance sonores. Cela permet aussi de ramener de la convivialité dans l’espace public et ne de ne plus devoir dédier des sites propres pour les cyclistes. Un élément non négligeable quand on regarde le profil des voiries du Brabant wallon, qui sont très étroites. Avec le 30 km/h, l’idée est de ramener les cyclistes dans la circulation. Les pistes cyclables y sont moins incontournables. Ce qui nous permet de nous concentrer sur l’équipement des axes dont la vitesse est limitée à 50km/h.
Comment mettre cela en place ?
L’idée est que la norme soit le 30 km/h et que l’exception soit la limite à 50 km/h. Ce n’est pas évident à mettre en œuvre. Il faut changer toute la signalisation. Il faut également mettre en place des mesures d’accompagnement et bien communiquer sur les changements. Avoir une adhésion locale est important. Signalons qu'une bonne partie de Louvain-la-Neuve est déjà en zone 30.
Quel est votre agenda ?
L’idée est de mettre cela en place le plus vite possible. Nous espérons pouvoir entamer les premières démarches cette année et mettre cela en oeuvre en 2021.
n zone 30 ? Enfin, à côté de ce travail structurant, les riverains ont également un rôle à jouer. S’ils roulent trop vite ou continuent à se garer n’importe comment, cela ne va pas.
Quel est votre bilan ?
Quelle est votre stratégie aujourd’hui ?
Cédric Tumelaire échevin de la Mobilité à Waterloo
Waterloo sera-t-elle bientôt totalement en zone 30 ?
C’est en tout cas l’objectif. Nous avons entamé cette réflexion il y a deux ans. Un premier test est en cours dans le quartier Faubourg Est. L’objectif de départ était d’y diminuer le trafic de transit et la vitesse, de même que d’améliorer la sécurité dans le quartier. Nous sommes arrivés à la conclusion que pour y parvenir, il était opportun de faire passer le quartier en zone 30.
Comment cela s’est-il traduit sur le terrain ?
Dialoguer avec les riverains est essentiel. Cela a pris près de six mois pour expliquer les contours de notre démarche. Nous avons aménagé des effets de porte pour ralentir le trafic, installé un radar préventif, redessiné des espaces de stationnement pour éviter que les voitures ne se garent sur le trottoir. Faire comprendre qu’une voiture est un obstacle supplémentaire qui ralentit le trafic est important.
Plutôt que de travailler quartier par quartier, nous avons organisé il y a peu une grande réunion avec les habitants pour expliquer notre souhait de mettre tous les quartiers résidentiels de Waterloo en zone 30, de manière à ce qu’ils retrouvent un peu de quiétude.
Quel est votre planning ?
L’idée est que tous les quartiers résidentiels de Waterloo soient en zone 30 d’ici avril 2021. La mise en place et la sensibilisation vont demander un an de travail. Les grands axes tels que les chaussées de Bruxelles, de Louvain, Barras ou de Tervuren resteront limités à 50 km/h pour fluidifier le trafic. Des aménagements standardisés vont être effectués à l’entrée des quartiers, des radars préventifs vont être installés. Il y aura aussi un important travail en matière de signalisation. Et pour être efficace, la police devra agir de manière répressive. Nous devons donc nous concerter. L’idée est d’y aller de manière progressive, quartier par quartier.
Y a-t-il eu des oppositions ?
Non, très peu. Une des difficultés est notamment de résister à la pression mise par certains conducteurs qui n’acceptent pas que vous rouliez à 30 km/h...
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Il est très positif. Les riverains sont satisfaits. Il y a juste une voirie de ce quartier qui reste problématique. Le trafic de transit et la vitesse n'y ont pas diminué. Nous allons devoir travailler dessus. Ces résultats ont en tout cas poussé le quartier du Faubourg Ouest à demander également sa mise en zone 30. D’autres également.
évoluer
les pieds dans l’eau Il y a dix ans, Espace-vie se demandait si l’importante urbanisation du Brabant wallon avait un lien avec la multiplication des inondations. La situation a bien évolué depuis lors, avec une sérieuse prise en main de cette question. Si bien que les risques ont déjà bien diminué. Texte : Xavier Attout - Photos : PBW et S. Pigarella
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Inondations / A-t-on trop construit en Brabant wallon ces dernières années ?
Serrer la vis pour réparer les erreurs du passé Le Brabant wallon a été urbanisé sans prendre suffisamment en compte les risques d’inondations. Ses habitants payent les erreurs du passé. Le ministre wallon de l’Aménagement du territoire veut resserrer les conditions d’octroi des permis en zones inondables.
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es inondations de novembre et janvier qui la dédouanent de toutes responsabilidernier, dont une bonne partie du Bratés. C’est scandaleux. » bant wallon a été victime, sont-elles liées Pour rappel, la Région wallonne a élaboré à une situation exceptionnelle ou bien en 2005 une carte de l’aléa d’inondation, à une certaine négligence des pouvoirs divisant les risques en trois catégories. publics en matière d’urbanisme ? Un peu « Cette carte est en cours de révision des deux, mon général ! Il ne fait aucun car elle n’est plus adaptée aux enjeux doute que de nombreux citoyens payent actuels », explique Jean-Marie Tricot, du aujourd’hui de mauvaises décisions prises Contrat de rivière Dyle-Gette. Un exemple : par le passé en matière d’aménagement on peut y voir qu’en Brabant wallon, 177 du territoire et d’urbanisme. hectares (3,38 % du territoire) sont classés Le Brabant wallon, eldorado des proen zones inondables mais urbanisables moteurs immobiliers, a t-il été trop (et dans le bassin Dyle-Gette. Grez-Doiceau, mal) urbanisé ? La question est sensible. Jodoigne, Ottignies-Louvain-la-Neuve et Comme partout en Wallonie, certaines communes de la « Il va falloir prendre des province ont été trop laxistes dans l’octroi de permis dans décisions fortes en matière d’aménagement du terrides zones inondables. Pourquoi ? La pression foncière toire. Comme déclasser exacerbée qui voit des lodes zones à bâtir. » tissements pousser comme des champignons entraine parfois certaines dérives. Walhain figurent parmi les communes les Difficile aussi pour un mandataire de froisplus exposées. Une goutte d’eau dans le ser un de ses concitoyens. « La situation paysage brabançon. Mais une goutte qui actuelle résulte de coups de fusils qui mérite une certaine attention. Ce qui n’a sont partis il y a de nombreuses années, pas toujours été le cas par le passé. confie Christian Radelet, fonctionnaire Parmi les griefs avancés, il y a notamment délégué du Brabant wallon, en charge de celui de ne pas avoir réservé suffisamment l’urbanisme. Nous payons aujourd’hui les de terrains pour implanter des bassins erreurs du passé. La situation évolue. Ded’orage ou des zones d’expansion de crue. puis que je suis en fonction, je n’ai pas le L’aménagement du territoire a été mal souvenir d’avoir accordé un permis dans pensé. Avec, comme résultat, le fait qu’il une zone à forts risques d’inondations. faut aujourd’hui s’arracher les cheveux Mais dans les zones à faibles risques, cela pour trouver un terrain bien situé pour arrive. Il y a alors des contraintes dans le construire un bassin d’orage. « Il va falloir permis comme l’interdiction de construire prendre des décisions fortes en matière une cave. Mais l’idée n’est pas d’interdire d’aménagement du territoire, lance Christoutes les constructions dans ces zones. tian Radelet. Comme déclasser des zones Ce qu’il faut par contre éradiquer, c’est à bâtir. Un exemple : en amont de Wavre, l’octroi de permis par une commune dans en face de Walibi, il reste un terrain à pardes zones inondables avec des conditions espace-vie mars 2011 n° 209 l
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tiellement urbaniser entre Limal et le zoning. Je me demande s’il ne faudra pas le déclasser pour diminuer les risques. » Quelles solutions alors ? Impossible de revenir en arrière. On ne peut pas désurbaniser une ville comme Wavre, située en fond de vallée. L’urbaniste Yves Hanin propose un nouveau plan de gestion de l’eau
(voir page 6). Alors que le ministre wallon de l’Aménagement du territoire, Philippe Henry, vient de lancer une série de pistes pour améliorer la situation. Il veut durcir les règles d’urbanisme en zones sensibles et annonce la mise sur pied d’ici l’été d’un règlement régional qui soumettra les permis à des conditions plus strictes.
de l’aménagement du territoire, etc. Un bémol : si en l’absence de réponse de la commune à ses remarques, le fonctionnaire délégué peut suspendre un permis et un ministre l’annuler, les communes gardent une certaine latitude de donner leur feu vert. Il leur suffira de répondre aux remarques pour avoir le dernier mot.
Une solution en trois temps
À moyen terme, Philippe Henry annonce qu’il va mettre en œuvre des initiatives informatives et règlementaires. Notamment vis à vis des futurs constructeurs et des personnes habitant dans les zones à risques. « Il s’agit de mettre en avant les bonnes pratiques dans la conception des projets (perméabilité des revêtements, pilotis, toitures vertes) et dans la construction et l’utilisation des locaux, de manière à réduire les dégâts des eaux (installations électriques par exemple alimentées par le plafond plutôt que par le sol, placement de la chaudière à gaz à l’étage, plaques de plafonnage horizontales, etc.) », précise Philippe Henry. Il ajoute que « le volet règlementaire est quant à lui plus difficile à mettre en œuvre ». Enfin, à long terme, le ministre renvoie la balle à l’évaluation du CWATUPE.
Que propose le ministre Henry ? Une solution en trois temps. Tout d’abord rappeler aux communes et à l’administration régionale les outils législatifs et informatifs à disposition. Il s’agit notamment de l’article 136 du CWATUPE qui précise que les communes peuvent interdire ou soumettre à des conditions l’octroi d’un permis en zone inondable. « Cette instruction insistera aussi sur la nécessaire motivation des permis (NDLR : par les communes) et des conséquences d’une argumentation mal étayée, c’est-à-dire, la suspension de permis », a expliqué au parlement wallon, fin janvier, Philippe Henry. En résumé, un défaut de motivation entraînera la suspension du permis. Ajoutons que dans les zones inondables, l’octroi d’un permis doit également être accompagné des avis des instances spécialisées que sont les gestionnaires de cours d’eau, l’administration
> Xavier Attout
interview
« Les mentalités évoluent »
dossier
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-t-on trop construit en Brabant wallon ces dernières années, de quoi accentuer les risques en cas de pluies diluviennes ? En mars 2011, suite à plusieurs importantes inondations, Espace-vie mettait sur la table la question des mauvaises décisions prises en matière d’aménagement du territoire et ses répercussions. Il en ressortait, selon les experts interrogés, qu’il fallait resserrer les boulons en matière d’octroi de permis dans des zones à risques et multiplier l’aménagement de bassins d’orage et de zones d’extension de crue. Problème : le manque de terrains pour concrétiser ces ambitions. D’où l’idée émise à l’époque de déclasser certaines zones à bâtir. Le ministre de l’époque, Philippe Henry, misait de son côté sur une meilleure utilisation des outils législatifs existants (Cwatupe) et sur la mise en place d’un guide des bonnes pratiques pour améliorer la conception des projets. Une situation qui, on va le voir, a bien évolué en une décennie.
Paul Dewil est directeur du Service d’études hydrologiques de la Région wallonne.
> Le Brabant wallon a-t-il été urbanisé sans prendre en compte la problématique de l’eau ? Cette province a été plus urbanisée que les autres. La prise en compte du cycle de l’eau est relativement récente. Il y a vingt ans, les responsables communaux ne s’en préoccupaient pas. Il y a une évolution des mentalités. En 1967 par exemple, on retenait l’eau en aval. Alors qu’aujourd’hui, il y a une autre conception : on retient l’eau dans le bassin versant, avant les rivières. > Où en est la révision de la carte d’aléa d’inondation ? Elle est en cours. La dernière date de juillet 2007. Une directive européenne exige qu’il y ait une révision tous les six ans. La carte va donc être actualisée d’ici peu. Elle prendra en compte les derniers événements, de même que d’autres types d’inondations comme la concentration du ruissellement. > Quelles pistes peut-on envisager pour améliorer la situation ? Les bassins d’orage ne vont pas tout résoudre. Lors de pluies exceptionnelles, ils débordent et ne servent pas à grand-chose. Il faut des solutions globales : réguler l’octroi de permis, prendre des décisions urbanistiques fortes et avoir une gestion de crise efficace. Si tout cela est réuni, cela diminue les risques d’inondations. > Déclasser des zones d’habitat, une solution ? Toutes les zones d’expansion naturelle de crues devraient être réservées. Le problème, c’est qu’il y a des enjeux urbanistiques et financiers. Difficile parfois pour un mandataire de déclasser une zone. Un exemple : en amont de Wavre, entre Wavre et Ottignies, toute une zone naturelle d’expansion a été urbanisée. Le tampon est donc réduit. Il faut travailler sur des mesures alternatives. > X. A.
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récentes inondations, comme à Tubize, erreurs commises dernières années matière d’aménagement territoire. ministre Henry veut y remédier © S.P. LesLes récentes inondations, comme ici ici à Tubize, ontont mismis au au jourjour lesles erreurs commises cesces dernières années en en matière d’aménagement du du territoire. Le Le ministre Henry veut y remédier . ©. S.P.
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Relisez sur espacevie.be l’article publié en mars 2011 (209)
Moins d’inondations « La dernière inondation importante en Brabant wallon date de 2016, fait remarquer Jean-Marie Tricot, coordinateur du Contrat de rivière Dyle-Gette. Une dizaine de communes étaient touchées. Surtout dans l’est du Brabant wallon. » L’été 2016 avait fait son lot de dégâts, avec des centaines de maisons inondées. Des communes comme Villers-la-Ville, Court-Saint-Étienne et Genappe étaient également touchées. Depuis lors, il n’y a plus eu d’épisodes orageux aussi intenses.
Davantage de bassins d’orage
Depuis 2013, la Province du Brabant wallon a pris les choses en main. Avec trois grandes actions. La principale a trait à la gestion des cours d’eau de 2e catégorie dont elle est gestionnaire. Elle la concrétise par la création d’ouvrages de lutte contre les inondations. Une quinzaine ont été réalisés et huit sont à l’étude. Elle est également active en matière d’entretien de ces cours d’eau (réfections de berges, curage, suppression des embâcles). Seconde action, l’aide aux communes par le biais de subventions pour la lutte contre les coulées de boue ou pour la création d’ouvrages de retenue le long des cours d’eau de gestion communale (3e catégorie). Une dizaine de bassins d’orage ont été subventionnés. Pour lutter contre les coulées de boue, 14 km de fascines ont été installées dans 19 communes. Troisième action, la mise en place depuis 2013 d’une plateforme de lutte contre les inondations. « Une vraie réussite, souligne Marc Bastin. C’est un outil de centralisation d’informations et de collaboration de tous les acteurs en matière de lutte contre les inondations. Il est salué tant par les citoyens que les professionnels. »
Des permis plus cadrés Je n’ai pas de boule de cristal mais dès que tous les projets d’ouvrages seront concrétisés, la plupart des inondations que l’on a connues en Brabant wallon auront peu de chances de se reproduire. Marc Bastin, député provincial en charge des cours d’eau
Les permis octroyés dans les zones à faibles risques d’inondations ont sérieusement diminué ces dernières années. Le CoDT a permis de resserrer les boulons alors que le vade-mecum élaboré par la cellule Giser (Conseils techniques et avis d’urbanisme pour la gestion intégrée sol érosion ruissellement) est particulièrement bien suivi. Par contre, aucun déclassement de zone à bâtir n’a été effectué. Un souhait lancé en 2011 qui devrait en fait rester encore bien vain vu le prix des terrains en dans la province.
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Une plateforme provinciale
La lutte contre les inondations est multiple. Cela passe par une meilleure attention des permis octroyés en zone inondable mais également par la mise en place de bassins d’orage ou de zones d’expansion de crue. Ces ouvrages se sont multipliés ces dernières années. Que ce soit à Jodoigne (110 000 m³), à Suzeril (Court-Saint-Étienne,170 000 m³), à Gentissart (Villersla-Ville, 27 400 m³), à Chastre ou en encore à Wauthier-Braine (40 000 m3). Plusieurs dossiers sont encore sur la table : le Cocrou à Grez-Doiceau, la Cala à Genappe, le Pont Neuf à Rebecq, le Ry des Corées et la Petite Gette à Orp-Jauche, le Pisselet à Chaumont-Gistoux, la Thyle à Villers-la-Ville, le Bois des Cuves à Ramillies, ou encore le Gaesbecq à Ittre. « Je n’ai pas de boule de cristal mais dès que tous ces projets se seront concrétisés, la plupart des inondations que l’on a connues en Brabant wallon auront peu de chances de se reproduire, explique le député provincial Marc Bastin, en charge des cours d’eau. Plus de 5 millions d’euros sont réservés en ce sens dans les cinq prochaines années. » Ajoutons qu’outre la Province, la Région wallonne s’occupe de la création de bassins d’orage pour les cours d’eau de première catégorie. Et que, nouveauté, in BW est désormais active dans ce secteur, la Province lui déléguant la maitrise d’ouvrage.
découvrir
du Brabant wallon Et si l’urbanisme était finalement une affaire du quotidien ? Et si vous étiez aussi un acteur à part entière du dessein de notre territoire ? Du dessein au dessin... il n’y a qu’un trait avec le portrait du territoire qui s’est glissé au sein de ce numéro. Occasion pour nous de faire escale dans les territoires artistiques afin de mesurer l’impact du Brabant wallon sur la fabrique artistique. Texte : Karima Haoudy - Illustration : Alain Maes
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abitant du Brabant wallon, vous avez la primeur de découvrir, en complément de l'envoi de ce numéro d'Espace-vie, l’outil « L’urbanisme c’est nous », invitation à (re)découvrir le territoire sous le prisme des regards urbanistique et artistique. À l’origine de cet outil, une idée toute simple : montrer que l’urbanisme – matière ô combien complexe – est notre quotidien et surtout, l’affaire de tous. Au carrefour de la réalité objective et de l’imaginaire, nous avons fait appel au graphiste David Cauwe et à l’illustrateur Alain Maes pour exprimer de manière didactique et ludique les enjeux de l’aménagement et du ménagement du territoire : mobilité, accès au logement, espaces publics, préservation des paysages, etc. À ce faisceau
Sur notre site Retrouvez sur espacevie.be la genèse de cet outil avec Alain Maes
À l’origine de l’outil « L’urbanisme c’est nous », une idée toute simple : montrer que l’urbanisme – matière ô combien complexe – est notre quotidien et surtout, l’affaire de tous.
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d’enjeux est associée une carte qui vous donne un (archi) condensé du territoire du Brabant wallon. Une image à la lisière de la subjectivité mais aussi de l’objectivité. Car c’est à partir d’un solide travail de cartographie et de documentation que nous avons sélectionné les repères paysagers de nature diverse (patrimoine, infrastructures de loisirs, etc.) et les composantes d’aménagement du territoire (quartiers, infrastructures de mobilité, etc.), saillantes du Brabant wallon. Observer, s’interroger et réagir sont autant d’invitations à venir compléter cet outil, support
précieux pour récolter vos perceptions du territoire. Par le dessin, le verbe, la photo, etc. – libre à vous de choisir votre mode d’expression –, nous vous invitons à nous répercuter via, entre autres, les réseaux sociaux en utilisant #depuismafenetredubw, le regard que vous portez sur le Brabant wallon et sur les enjeux d’aménagement du territoire. Voire d’aller plus loin, en vous conviant à entrevoir d’autres horizons. Et ce, depuis votre fenêtre. Pour celles et ceux qui sont intéressés à recevoir l’outil « L’urbanisme c’est nous » et qui ne l’auraient pas reçu via cet Espace-vie, contactez-nous : m.urbanisme@ccbw.be – 010 62 10 53.
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Empreintes
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éel ou imaginaire... l’outil « L’urbanisme c’est nous » questionne les représentations du Brabant wallon. Du moins, des représentations artistiques. Pour sonder ce champ, rencontre avec Stéphanie Quériat, chercheuse pour la Conférence permanente du Développement territorial et docteure en Histoire, Art et Archéologie (ULB). Elle mène des recherches sur la perception du paysage par la population et s’est intéressée aux regards des artistes portés sur les territoires wallons. Par artiste, on entend les peintres, les photographes mais aussi les auteurs de guides de voyage qui ont exercé sur les artistes une influence et réciproquement, tant la porosité entre ces deux milieux était forte. La diffusion de modèles artistiques et culturels a contribué à façonner les perceptions d’un territoire, voire à influencer les usages et les choix en matière d’habitat. Et si l’efflorescence de la villa quatre façades qui parsème nos paysages était aussi le fruit de l’influence des modèles culturels qui bâtissent nos imaginaires collectifs ?
Sur notre site Retrouvez la présentation de Stéphanie Quériat portant sur les trajectoires de paysage, réalisée à l’occasion de notre Midi de l’urbanisme (7 février) Plus moche la ville ? La standardisation des paysages en question.
Immersions en Brabant wallon Quand on observe la carte des lieux ou des régions qui ont capté l’intérêt des artistes, entre la fin du 19e siècle et 1980, force est de constater que le
Localisation des paysages représentés dans l'art pictural, l'art photographique et les guides de voyage
Brabant wallon n’a pas suscité, à l’instar d’autres régions un passage récurrent des artistes. « Ceci s’explique entre autres par la notion de paysage qui s’est d’abord exclusivement attachée aux territoires présentant un relief mouvementé et, particulièrement, aux vallées encaissées du sud du pays, observe Stéphanie Quériat. Les territoires présentant un relief plat et dédiés presque uniquement à l’agriculture ne rentraient donc pas dans le cadre paysager et se voyaient même nier toute qualité paysagère ». Pour le Brabant wallon, on peut en effet constater que ce sont plutôt les territoires marqués tantôt par une topographie singulière, tantôt par le cours de l’histoire qui ont connu quelques passages d’artistes dits illustres. Les peintres de l’école de Tervueren ont également contribué aux représentations du nord du Brabant wallon.
Au-delà des frontières Dans les territoires de l’imaginaire, les frontières administratives s’effacent. Ainsi, pour le Brabant wallon, il est difficile de retrouver une expression artistique de l’entité administrative. Même constat pour d’autres régions. Une activité économique – songeons aux bassins industriels –, une mémoire historique ou encore une caractéristique géomorphologique définissent souvent une nouvelle géographie, en dépit des frontières administratives et au gré des sensibilités artistiques.
Une brique dans la tête ? Du Brabant wallon émerge une diversité paysagère. Le territoire, composé de trois ensembles distinctifs, est sillonné par un habitat caractéristique : la traditionnelle maison quatre façades. Un habitat souvent relayé à la périphérie de l’intérêt général. À l’aune de l’enjeu de la réduction de notre empreinte sur le territoire, il serait intéressant, note Stéphanie Quériat, de prendre en compte cette forme d’habitat dans toute son ampleur. D’en questionner davantage les possibilités de réutilisation. Mais aussi, de comprendre pourquoi ce type d’habitat habite durablement notre imaginaire collectif, de la bande dessinée aux émissions TV, en passant par la publicité. Comprendre la trajectoire de la formation de nos paysages est un prélude nécessaire pour assurer la maitrise de la trajectoire de l’étalement urbain, dont la maison quatre façades est l’une des expressions.
cultures
d'un territoire
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© Tristan Scarnière
Espace en devenir Pendant plus de 125 ans, la sucrerie a façonné la vie économique et sociale de Genappe et ses environs. Après sa fermeture, le Centre culturel de Genappe lançait, en 2012, un projet participatif intitulé « Carré Blanc ». Acteurs culturels, artistes et habitants ont posé leur regard sur ce qui fait la richesse de ce lieu. De leurs échanges sont nés expositions,
films et créations sonores, puis l’ouvrage « Les choses qu’on a vécues ensemble », paru aux Éditions Academia, fin 2016. Aujourd’hui, avec ses 145 hectares, l’ancienne sucrerie est le plus grand site industriel brabançon en friche. À côté des 77 ha de la réserve naturelle domaniale « Les Décanteurs de la Sucrerie de Genappe », gérée par l’association
Environnement-Dyle, émergeront une zone d’activité économique et un écoquartier avec, dès septembre prochain, une école secondaire à pédagogie active. Entre bâti et nature, gageons que ce nouvel ensemble aménagera des interstices où la créativité pourra continuer de s’épanouir. C. Du.
apprendre
l’espace public Qu’ils y soient invités ou qu’ils l’occupent de façon spontanée, que cherchent à provoquer les artistes qui s’expriment dans l’espace public ? Un lien social peut-il naitre plus facilement dans la rue que dans des lieux d’expression classiques ? Textes : Caroline Dunski – Photos : C. Coomans, C. Dunski et H. Rase
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nvitée lors d’un Midi de l’urbanisme à s’exprimer sur ce qu'est un « droit à la ville », Chloé Mercenier, architecte-urbaniste, précisait que celui-ci « ne se réduit pas à un droit d’accès individuel aux ressources incarnées par la ville : c’est un droit à nous changer nous-mêmes en changeant la ville de façon à la rendre plus conforme à nos désirs les plus fondamentaux. C’est aussi un droit plus collectif qu’individuel puisque, pour changer la ville, il faut nécessairement exercer un pouvoir collectif sur les processus d’urbanisation ».
Le droit à la ville ne se réduit pas à un droit d’accès individuel aux ressources incarnées par la ville : c’est un droit à nous changer nous-mêmes en changeant la ville de façon à la rendre plus conforme à nos désirs les plus fondamentaux. Chloé Mercenier, architecte-urbaniste
La chercheure au sein de l’unité Sasha (laboratoire architecture et sciences humaines de la Faculté d’architecture La Cambre Horta – ULB) soulignait aussi l’impact que des initiatives citoyennes peuvent avoir sur l'espace en transformant et en « détournant » le sens d’un lieu, voire en y générant de nouveaux usages. Elle évoquait des initiatives spontanées telles que l’appel du collectif « PicNic the Streets ! », lancé par le philosophe et économiste Philippe Van Parijs. Suivi par des citoyens bruxellois, l’appel a donné lieu
à l’occupation temporaire des rues de Bruxelles par le biais d’un pique-nique désobéissant de plus de 2 000 personnes, pour interpeller les pouvoirs publics, dénoncer l’importance donnée à la voiture dans la ville et revendiquer plus d’espace pour la mobilité douce et des espaces verts et conviviaux. C’est cette initiative qui a donné naissance aux premières réflexions sur la création d’un piétonnier dans le centre de Bruxelles.
Spontané ou commandé L’initiative d’occuper l’espace public, qu’il soit urbain ou rural, peut partir de citoyens réunis par une même préoccupation. Elle peut être aussi le fait d’artistes agissant spontanément et pratiquant des « attentats artistiques » ou un « art vandale »…, quand ils ne sont pas sollicités par une association, un collectif, un centre culturel, un comité de quartier, voire même par une autorité publique ayant lancé un appel à projets artistiques. À Louvain-la-Neuve, dans le cadre du festival littéraire Les nuits d’encre, la MJ Chez Zelle organise chaque année une « Nuit de la sérigraphie »1. En compagnie d'artistes, une quinzaine de jeunes participent à des workshops d’écriture, de dessin et de sérigraphie pour réaliser des affiches. Au petit matin, avant le lever du soleil, ils les essaiment ensuite sur les murs de la ville. « En général, quand on se balade dans la ville le lendemain, la moitié des affiches ont déjà disparu », note Hélène Rase, chargée de projets littérature et BD au Centre culturel du Brabant wallon. « Pour nous, l'important est de questionner avec les jeunes ce qui est en jeu lorsqu'on choisit de s'exprimer dans l'espace public ! Cela suppose par exemple que notre expression s'impose au passant, que l'on réfléchit peut-être différemment à la forme que va prendre notre message, etc. » Bien qu’elles soient relativement éphémères, il reste donc des traces de cet art mural. L’art spontané côtoie parfois un art de commande ayant fait l’objet d’appels à projets. En Province de Namur, la commune d’Éghezée lançait
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Le cri du peuple, sculptures de Chloé Coomans au Rond-point des Droits de l’Homme à Ottignies.
apprendre
récemment un appel à projets pour l’installation d’une œuvre d’art dans le quartier de la gare, au terme d’une réflexion menée avec les citoyens. L’œuvre devait embellir le quartier, le faire vivre, être interactive et éventuellement ludique, évolutive, voire associer les habitants dans sa réalisation, donner un sentiment d’appartenance à Éghezée dans sa globalité (avec ses 16 villages), faire référence au lien, au rassemblement… Chloé Coomans y a répondu en compagnie d’Elparo, plasticien autodidacte issu du milieu du graff (voir interview en page 23).
Apporter de la culture partout
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Les arts vivants eux aussi s’imposent dans l’espace public. Par sa proximité avec le public, le théâtre de rue permet d’interpeller le passant, voire même de lui faire prendre une part active dans le spectacle. En 2018, pendant la tournée culturelle « Scène de villages », qui investit les espaces publics avec une programmation culturelle en allant à la rencontre des citoyens sur leur lieu de vie et met en valeur les liens patrimoniaux, Les Royales Marionnettes déplaçaient le castelet de La Porte du Diable, à vélo… et à l’huile de mollets. L’identité artistique de la compagnie repose sur l'appartenance à la rue et à la marionnette traditionnelle. Les Royales Marionnettes pratiquent « un théâtre forain qui exhorte la foule, fait monter la température, s'empare de l'espace et de la parole tout en bénéficiant d'un lieu propice à l'écoute ». Didier Balsaux, ayant repris la direction artistique de la compagnie il y a une petite trentaine d’années, explique que « avec nos tournées à bicyclette, nous jouons pour des comités dont
l’objectif est de refédérer les habitants, de remettre de la vie dans les villages ». Didier Balsaux porte toutefois un regard critique sur l’évolution du théâtre de rue et regrette l’abandon progressif des formes contestataires adoptées dans la foulée de mai 68. « Avant, il brisait les codes de la bienséance et du théâtre bien-pensant. Au début des années 2000, sous
QUELLES RÈGLES ET AUTORISATIONS ? L’utilisation de l’espace public communal pour l’organisation de manifestations sportives, folkloriques ou culturelles est généralement régie par le règlement général de police administrative. Les communes y imposent une demande écrite d’autorisation, dans un délai qui peut varier d’une commune à l’autre. Quand la mise en place de la tournée culturelle Scène de villages débute, ses organisateurs déterminent un calendrier d’occupation des différentes places de villages de l’Est du Brabant
wallon et établissent une première note à destination du Collège des bourgmestre et échevins de chaque commune concernée. Cette note détaille le lieu, la date et les divers éléments de l’organisation. Le service de police traite les demandes nécessitant des mesures particulières en ce qui concerne la circulation. Quant aux tags et graffitis sur le mobilier et l’immobilier (public ou privé), sauf autorisation du Collège communal ou du propriétaire d’un bien privé visible
depuis la voie publique, ils sont généralement interdits et punissables d’une amende administrative dont le montant est variable d’une commune à l’autre. Certaines communes prévoient aussi que les propriétaires de biens mobiliers ou immobiliers se trouvant sur le domaine privé et visible depuis la voie publique ont l’obligation de maintenir lesdits biens dans un état exempt de tout tag, graffiti ou inscription quelconque. Une demande de dérogation peut cependant être introduite auprès du Collège communal.
interview
Attentat artistique ou travail de commande Chloé Coomans, artiste plasticienne2 Propos recueillis par C. Du.
Comment vos sculptures trouvent-elles place dans l’espace public ?
Chloé Coomans, artiste plasticienne.
prétexte de soutenir les compagnies financièrement, les politiques se permettent de les censurer. En France, notre spectacle Fraise au balcon, qui se place dans la lignée du mariage pour tous, a souvent été déprogrammé par des maires et des politiciens interpellés par des citoyens choqués. Les choix de programmation dans des festivals de rue sont de moins en moins engagés et certains spectacles ne peuvent être programmés qu’en salle. Aujourd’hui, dans les festivals de rue, on est devant un public de zappeurs, de consommateurs, une sorte de ‘Walibi des arts de la rue’, fort éloigné de la vocation première d’apporter de la culture partout. Je garde un souvenir ému des moments où je jouais comme semi-amateur. J’ai vécu des moments d’intense émotion avec des gens qui n’avaient jamais mis les pieds dans un théâtre. » 1. Programmée dans la nuit du 27 au 28 mars, la Nuit de la sérigraphie 2020 doit malheureusement être reportée sine die en raison de la crise sanitaire qui secoue la planète.
Vous répondez aussi à des appels à projets ?
Oui, je passe énormément de temps à constituer des dossiers pour répondre à des appels à projets. Je préfère de loin ce type de commande que le travail pour des galeries d’art contemporain, qui s'adresse à une élite. J’aime pouvoir toucher des gens hors des musées et des galeries. Pour la première édition de Scène de villages, les organisateurs voulaient une œuvre mobile et interactive. J’ai donc créé Starship, une soucoupe volante animée par un ami comédien qui faisait passer le permis de (la) conduire aux gens et leur faisait vivre une aventure interstellaire. On touche les gens beaucoup plus profondément quand on les fait participer à l’œuvre. 2. Chloé Coomans pratique la céramique ou la sérigraphie, mais est surtout connue comme sculptrice monumentale en espace public.
23 espacevie.be | avril 2020
On touche les gens beaucoup plus profondément quand on les fait participer à l’œuvre.
Cela dépend d’un projet à l’autre. À l’origine, les sculptures qui sont désormais placées sur le rond-point des Droits de l’Homme à Ottignies avaient été installées de nuit sur un rond-point de la Nationale 4 à Louvain-la-Neuve. C’était un attentat artistique et je croyais qu’elles n’y resteraient que 24 heures. Régulièrement, les étudiants s’amusaient à les déplacer d’un endroit à un autre. Comme elles n’étaient pas traitées pour rester éternellement en extérieur, j’ai fini par les enlever, mais les gens m’appelaient pour regretter qu’elles n’y soient plus. J’ai contacté la commune qui m’a renvoyée vers le MET (NDLR : Ministère wallon de l’équipement et des transports, devenu Service public de Wallonie, SPW). C’est lui qui a trouvé l’endroit où elles ont été placées à l’occasion des 50 ans d’Amnesty international, après avoir été thermolaquées pour mieux résister. Le MET a payé les frais de production et la commune a géré l’installation.
agenda
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MIDI DE L'URBANISME
quand le vide fait le plein d’idées Le vendredi 15 mai de 12h à 14h Centre culturel du Brabant wallon
Marie Godart Amaury Vandenhende
Imaginez votre Ville (site Boch - La Louvière)
Sébastien Rodesch
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Chef de projet Usquare.brussels, Société d'aménagement urbain
Que faire du vide ? Comment le transitoire peut-il servir au permanent ? Alors que les développements urbains s’étalent sur le long terme, des occupations temporaires germent ici et là sur des lieux vacants. Commerces, ateliers créatifs, habitat… s’implantent au gré des initiatives citoyennes et/ou des pouvoirs publics. Si l’occupation éphémère participe à maintenir des quartiers en vie et à endiguer l’expansion urbaine, de nombreuses questions demeurent : frontières entre le légal et l’illégal, concertation entre propriétaires, occupants et communes, adaptation des outils règlementaires et, aussi, quelle place accordée au logement.
Corine Buffoni
Business Manager Matexi Brabant wallon
Michèle Haine Simon Verelst
Chercheurs CPDT, IGEAT-ULB
Inscriptions obligatoires avant le 8 mai via m.urbanisme@ccbw.be Prix : 5 euros 12h-12h15 : accueil et sandwichs 12h15 : début de la conférence 3, rue Belotte 1490 Court-Saint-Étienne
En jeu autour des enjeux de l'urbanisme
Laisse béton mais construis ta maison
L’urbanisme, je m’y frotte !
ANIMATION 21 juin de 13h à 18h Ferme de Froidmont Rixensart
VISITE GUIDÉE 9 septembre de 9h30 à 17h Itinérance en Brabant wallon Départ de Court-Saint-Étienne
ANIMATIONS ÉCOLE 21/4, 23/4, 30/4 et 18/5 Ottignies, CourtSaint-Étienne et Chaumont-Gistoux
Décoder le CoDT FORMATION CCATM 15 juin à 20h Foyer populaire Centre culturel du Brabant wallon