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l’espace public Qu’ils y soient invités ou qu’ils l’occupent de façon spontanée, que cherchent à provoquer les artistes qui s’expriment dans l’espace public ? Un lien social peut-il naitre plus facilement dans la rue que dans des lieux d’expression classiques ? Textes : Caroline Dunski – Photos : C. Coomans, C. Dunski et H. Rase
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nvitée lors d’un Midi de l’urbanisme à s’exprimer sur ce qu'est un « droit à la ville », Chloé Mercenier, architecte-urbaniste, précisait que celui-ci « ne se réduit pas à un droit d’accès individuel aux ressources incarnées par la ville : c’est un droit à nous changer nous-mêmes en changeant la ville de façon à la rendre plus conforme à nos désirs les plus fondamentaux. C’est aussi un droit plus collectif qu’individuel puisque, pour changer la ville, il faut nécessairement exercer un pouvoir collectif sur les processus d’urbanisation ».
Le droit à la ville ne se réduit pas à un droit d’accès individuel aux ressources incarnées par la ville : c’est un droit à nous changer nous-mêmes en changeant la ville de façon à la rendre plus conforme à nos désirs les plus fondamentaux. Chloé Mercenier, architecte-urbaniste
La chercheure au sein de l’unité Sasha (laboratoire architecture et sciences humaines de la Faculté d’architecture La Cambre Horta – ULB) soulignait aussi l’impact que des initiatives citoyennes peuvent avoir sur l'espace en transformant et en « détournant » le sens d’un lieu, voire en y générant de nouveaux usages. Elle évoquait des initiatives spontanées telles que l’appel du collectif « PicNic the Streets ! », lancé par le philosophe et économiste Philippe Van Parijs. Suivi par des citoyens bruxellois, l’appel a donné lieu
à l’occupation temporaire des rues de Bruxelles par le biais d’un pique-nique désobéissant de plus de 2 000 personnes, pour interpeller les pouvoirs publics, dénoncer l’importance donnée à la voiture dans la ville et revendiquer plus d’espace pour la mobilité douce et des espaces verts et conviviaux. C’est cette initiative qui a donné naissance aux premières réflexions sur la création d’un piétonnier dans le centre de Bruxelles.
Spontané ou commandé L’initiative d’occuper l’espace public, qu’il soit urbain ou rural, peut partir de citoyens réunis par une même préoccupation. Elle peut être aussi le fait d’artistes agissant spontanément et pratiquant des « attentats artistiques » ou un « art vandale »…, quand ils ne sont pas sollicités par une association, un collectif, un centre culturel, un comité de quartier, voire même par une autorité publique ayant lancé un appel à projets artistiques. À Louvain-la-Neuve, dans le cadre du festival littéraire Les nuits d’encre, la MJ Chez Zelle organise chaque année une « Nuit de la sérigraphie »1. En compagnie d'artistes, une quinzaine de jeunes participent à des workshops d’écriture, de dessin et de sérigraphie pour réaliser des affiches. Au petit matin, avant le lever du soleil, ils les essaiment ensuite sur les murs de la ville. « En général, quand on se balade dans la ville le lendemain, la moitié des affiches ont déjà disparu », note Hélène Rase, chargée de projets littérature et BD au Centre culturel du Brabant wallon. « Pour nous, l'important est de questionner avec les jeunes ce qui est en jeu lorsqu'on choisit de s'exprimer dans l'espace public ! Cela suppose par exemple que notre expression s'impose au passant, que l'on réfléchit peut-être différemment à la forme que va prendre notre message, etc. » Bien qu’elles soient relativement éphémères, il reste donc des traces de cet art mural. L’art spontané côtoie parfois un art de commande ayant fait l’objet d’appels à projets. En Province de Namur, la commune d’Éghezée lançait