© Nicolas Hienly | CAPAM
l’E-MAG ultramarin de l’environnement
mayotte
Le parc naturel marin en action pour une pêche durable Afin de préserver durablement les richesses naturelles du lagon, qui est l’un des plus grands du monde, l’équipe du Parc œuvre quotidiennement dans le secteur de la pêche, en proposant des actions concrètes. • Quelles principales actions menez-vous en ce moment pour favoriser une pêche respectueuse des ressources ?
INTERVIEW christophe fontfreyde, directeur délégué des parcs naturels marins de Mayotte et des Glorieuses • Quelles sont les spécificités de la pêche mahoraise ? - Une flotte de pêche très artisanale se développe dans le lagon, avec à peu près 200 barques et 600 pirogues qui ramènent chacune entre 40 et 80 kg de poissons par jour. C’est une pêche à l’hameçon, à la palangrotte, une technique plutôt protectrice. Dans le lagon, il est interdit de pêcher au fusil et la pêche au filet demeure heureusement très marginale. Ainsi le lagon, certes sous pression (démographie, pollutions, changement climatique), tient encore le choc. Ici la pêche est surtout vivrière, et les ventes s’avèrent souvent informelles. On peut observer des points de débarquements un peu partout : plages, embouchures des rivières... Les Mahorais ont besoin de cette pêche artisanale que nous suivons de près, d’autant que nous gérons ici le Système d’informations halieutiques (SIH) 1, qui permet d’évaluer la pêche et les ressources, pour mieux les préserver. Mais en termes de professionnalisation des pêcheurs et d’installation de quais de débarquement, tout reste à construire.
Pour soulager la pression de pêche dans le lagon, une initiative importante va avoir lieu cette année : la pose de 15 dispositifs de concentration de poissons (DCP), qui vont être ancrés dans les cinq nautiques à l’extérieur de la barrière de corail, de façon à inciter les pêcheurs à sortir du lagon pour aller pêcher, toujours à l’hameçon, des espèces pélagiques. Ces DCP sont actuellement en fin de construction à La Réunion et devraient nous être livrés en juin ou juillet. Ils vont être posés dans la foulée. Notre idée est en effet de dire : plutôt que d’interdire la pêche dans le lagon, proposons des solutions alternatives pour concilier pêche et biodiversité. C’est bien l’idée qui sous-tend le Parc marin : développer en protégeant et protéger pour développer. En ce qui concerne la pêche à la senne dans la ZEE de Mayotte en dehors du lagon, notre conseil de gestion préconise l’interdiction des DCP dérivants, qui mettent en péril la biodiversité marine. Si cette décision était prise, cela permettrait en termes d’image de montrer l’exemple dans l’océan Indien, région où le thon albacore est en état de surpêche, mais aussi de diminuer dans la ZEE les prises accessoires. En effet les senneurs, en cerclant les bancs de thons, capturent de nombreuses autres espèces que nous aimerions protéger, par exemple des dauphins, des tortues et parfois même des baleines, des animaux par ailleurs emblématiques pour le tourisme nautique durable à Mayotte. Autre exemple d’action : nous allons lancer cette année une grande campagne de suivi des ressources halieutiques par caméras posées au fond de l’eau sur des trépieds, en différents points. Grâce à ce système développé par l’Ifremer, les récifs éloignés vont être explorés : la Zélée à Mayotte et, en partenariat avec le parc limitrophe des Glorieuses, le Geyser et l’île du Lys. Nous aurons ainsi un continuum de suivi par caméras dans des lieux qui, on le sait, sont braconnés. L’impact de ce braconnage sur les espèces pourra être estimé. C’est une première à Mayotte, et la deuxième mission de ce type aux Glorieuses pour voir l’évolution cinq ans après, avant de passer la main à la future Réserve naturelle.
La gestion du SIH est réalisée par l’Ifremer dans tous les autres départements français.
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+ d’info ici : PNM de Mayotte
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