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A. La croissance du marché privé de la construction immobilière

Face à cette « financiarisation

» du logement, les promoteurs immobiliers se sont frottés les mains. Selon la Fédération des Promoteurs Immobiliers (FPI), le secteur de la promotion immobilière réalisa à la fin des années 2000 un chiffre d’affaires de 17,2 Mds d’euros, dont 10,6 proviennent de la promotion de logements collectifs, suivie derrière par l’habitat individuel et le tertiaire 8 . Sur la totalité de ce chiffre d’affaires, 71% est produit par les grands groupes de promotion immobilière, alors qu’ils ne représentent que 21% des promoteurs privés. Parmi eux, on peut citer Nexity, Bouygues Immobilier, Eiffage Construction ou encore Vinci Immobilier. Cette hausse a été significative dans les années 2000. En Ile-de-France par exemple, les cinq premiers groupes de promotion immobilière dirigent 40% de la production totale, contre 25% à la fin des années 1990. 9 Ces grands groupes ne dominent pas que le marché francilien. L’agence Lanoire&Courrian travaille depuis quelques années avec Vinci Immobilier pour la construction de plusieurs centaines de logements dans l’Ouest de Bordeaux. J’ai ainsi pu découvrir la façade d’un des plus grands groupes de construction français, notamment via ma collègue Stéphanie qui, en parallèle de la médiathèque, travaillait sur les plans de vente de cette opération. La dualité entre les grands groupes et les petits promoteurs est relativement facile à observer. Un petit promoteur a généralement son activité répandue sur une seule agglomération, voir deux. Ainsi, il est plus à même à être sensible sur la fabrication de la ville qui l’accueille. Un grand groupe aura moins de regard sur cela. Doté de services juridiques et financiers développés, il appliquera la même stratégie sur un projet situé à Bordeaux, Paris ou Lyon.

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A. La croissance du marché privé de la construction immobilière

Travailler en agence m’a fait prendre conscience de l’état du marché actuel de la construction de logements collectifs en France. Deux faits sont à retenir. Le premier, c’est que le marché du logement neuf français est en baisse depuis plusieurs mois. Les rythmes de vente et de commercialisation des logements neufs sont tendus. La structuration de la clientèle et la demande de logements fluctuent rapidement. Les promoteurs se retrouvent avec des stocks de logements qu’ils n’arrivent pas à vendre. En moyenne, en un an, les opérations étaient financées avec environ 30% de prêt de commercialisation. Aujourd’hui, compte tenu du contexte, entre 40 et 50% du prêt de commercialisation et un avantage technique maîtrisé sont nécessaires pour obtenir les financements et libérer ensuite les sommes pour les travaux et la fin de l’opération.Cette tendance provoque l’augmentation des prix moyens dans une grande partie des métropoles françaises (4060€/m 2 en moyenne hors parking). La baisse du nombre de logements neufs produits s’applique aussi bien aux logements collectifs qu’aux maisons individuelles, dont les ventes ont baissé de 11% en 2018. 10

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Données issues d’un sondage déclaratif réalisé par la FPI en 2010. 9 TROUILLARD, Emmanuel, «La production de logements neufs par la promotion privée en Île-de-France (1984-2012): marchés immobiliers et stratégies de localisation», thèse soutenue en 2014 à Paris VII. 10 MARIN, Olivier, « La vente de maisons neuves en pleine dégringolade en France », Le Figaro Immobilier, le 22/08/19 à 11h16

FIGURE 13 : Graphique illustrant la production de logements neufs, en France, depuis 2010

C’était sans compter sur la crise sanitaire et économique que traverse le monde depuis le début de l’année 2020. L’économie est en grande partie à l’arrêt. Il va falloir s’attendre à des conséquences lourdes sur le marché de la construction. Le gouvernement pourrait très certainement revoir les dispositifs de défiscalisation et d’accession à la propriété. La situation de crise actuelle pourrait également servir de base de réflexion à une nouvelle stratégie de fabrication de la ville. Il serait bon d’assister à un changement de cap dans la conception des logements de demain, plutôt que de contraindre les architectes à dessiner des espaces encore moins qualitatifs, sous prétexte de crise financière.

Le deuxième fait à retenir, c’est que le marché privé prend de plus en plus d’espace dans la construction, au delà du domaine initial qui était le logement. Olivier Dartois, directeur général du groupe de promotion Aqprim, illustre le cas bordelais : «Pour donner un ordre d’idées, sur les 2000 logements produits par Bordeaux Métropole, à peu près 800 sont issus de promoteurs privés. Le développement des Partenariats Public Privés a également bouleversé le marché public.» 11 C’est d’autant plus vrai que les bailleurs sociaux n’hésitent plus se rapprocher des promoteurs immobiliers. En effet, la loi du 17 février 2009, dite «plan de relance économique», a autorisé les promoteurs à vendre une partie de leurs programmes aux organismes de logement social.

11 Extrait de la conférence tenu à l’école d’architecture dans le cadre du séminaire 04 d’HMONP, le 23/01/20

C’est ce que l’on appelle la VEFA (Vente en Etat Futur d’Achèvement)-HLM. Le succès fut tel que la part de logements achetés à des promoteurs privés s’élève à 53,1% en 2018, contre 3% en 2007 12 . La figure 14, ci-dessous, illustre parfaitement ce phénomène croissant depuis des années.

FIGURE 14 : Graphique illustrant la part de la VEFA-HLM dans le secteur du logement social, en France, depuis 2007

En parallèle, La loi ELAN (Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique), parue en 2018, amène plusieurs assouplissements à la loi SRU. Pour rappel, depuis le début des années 2000, la loi SRU impose que : «Les communes de plus de 3 500 habitants (1 500 habitants dans l’agglomération parisienne) appartenant à des agglomérations ou intercommunalités de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants doivent ainsi disposer de 25 % ou 20 % de logement social, en regard des résidences principales, d’ici 2025. Le taux applicable dépend du niveau de tension sur la demande en logement social qui s’exprime sur le territoire concerné.» 13 Sans perturber l’essence même de cet article, la loi ELAN y apporte plusieurs correctifs. La liste des logements locatifs sociaux reconnus s’allonge, tout comme la durée de prise en compte des logements sociaux vendus à leurs locataires par les organismes de logement social (de 5 à 10 ans).

12 Chiffresdu Systèmed’Information pourleSuivi desAidesau Logement(SISAL). 13 Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, article 55.

De même, les communes rentrant dans le dispositif SRU depuis le 1er Janvier 2015 bénéficie d’un échéancier plus flexible pour atteindre les objectifs de réalisation de logements locatifs sociaux. Enfin, jusqu’en 2025, les EPCI à fiscalité propre pourront se voir confier les obligations SRU des communes qui le constituent. L’objectif de ces modifications reste l’extension du parc de logements neufs sur l’ensemble du territoire, tout en régulant le rythme de construction. Par ces mesures, nous voyons bien que la politique du logement n’a pas beaucoup évolué depuis les années 2000. Il s’agit de construire toujours plus de logements, plus vite, et moins chers.

Au niveau de la métropole Bordelaise, la baisse du nombre de logements produits s’apparente plus à un « ralentissement » qu’à une véritable perte d’activité. L’Opération d’Intérêt National (OIN) Bordeaux Euratlantique a notamment contribué, avec l’arrivée du TGV, à dynamiser la production de logements neufs sur la métropole, en plus d’une croissance démographique au beau fixe. En 2018, le construction de 2792 logements a été autorisé, contre 2093 en 2014 et 1337 en 2009. En termes de logements sociaux, le taux reste en dessous de l’obligation fixée par loi, à savoir 17,3% en 2016 contre 16,6% en 2014. 14 Ce dynamisme a été profitable à l’agence Lanoire&Courrian, le secteur du logement occupant une partie importante de son carnet de commandes. En vingt-quatre ans d’activité, c’est presque 2500 logements qui ont été conçus par l’agence. Dans ces projets, nous pouvons citer «Le Dorat» à Bègles (Réhabilitation de 100 logements et création de 57 logements), le Campus «Bel Air» à Bègles (résidence étudiante de 118 logements) ou encore la résidence «Panorama» aux Bassins-à-flot (111 logements dont 61 en locatifs).

FIGURE 15 : Photographie du projet «Le Dorat», Bègles

14 ChiffresdeBordeauxMétropole.

FIGURE 16 : Photographie du projet Campus «Bel-Air», Bègles

FIGURE 17 : Photographie du projet «Panorama», Bassins-à-flot, Bordeaux

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