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APRÈS-CRISE FINANCEMENTS
Une arme à double tranchant La tendance de l’investissement durable (investissement socialement responsable) a la cote. L’idée est louable évidemment, mais méfiance ! Ce type d’investissement devrait faire l’objet d’études minutieuses selon Roland Gillet. « Surtout en cette période difficile, pour mesurer la part d’opportunisme ou de solidarité responsable des investisseurs quand ils souscrivent à ce type d’investissement. Il existe rarement des repas gratuits en matière de gestion financière. »
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Éviter les faillites à tout prix ! Alors que nous quittons progressivement la crise sanitaire, il est primordial de s’intéresser à la situation des finances des entreprises. Quelle évolution dans les prochains mois ? Comment éviter les faillites à venir ? Éléments de réponse.
Nouvelles habitudes online La crise sanitaire a poussé les consommateurs vers le e-commerce et leur retour dans les commerces physiques ne va pas de soi. Les très grandes enseignes s’adaptent au changement à coup de milliards d’investissement, mais il y a fort à parier que sauter le pas de la livraison sera plus compliqué pour les petites enseignes… Cette adaptation aux nouveaux comportements d’achat sera le véritable défi pour nombre de commerces de détail selon Roland Gillet.
Les indépendants travaillent en moyenne 57 heures par semaine C’est ce que démontre le Baromètre des indépendants publié cet été par Securex et par l’Université de Gand. Les 3/4 d’entre eux travaillent plus de 50h/semaine, et quelques 10 % des indépendants interrogés, plus de 80h/semaines. Le panel compte 401 travailleurs, et parmi eux, 4 sur 5 pensent que leur équilibre vie pro/vie perso n’est pas respecté. Et si 28 % d’entre eux disent parvenir à s’éloigner du travail pendant leur temps libre, 66 % note le stress dû à la charge de travail.
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rouver de l’argent n’est pas compliqué pour une entreprise saine qui peut en outre bénéficier de taux d’intérêts historiquement bas. Ce qui l’est plus, c’est de trouver des sources de financement externes alors que votre business-plan bat de l’aile et/ou que vos fonds propres apparaissent très limités avec la crise. » En quelques mots, Roland Gillet, professeur d’économie financière à la Sorbonne et à l’ULB (Solvay) vient de résumer la situation Corporate Finance actuelle. Selon l’expert, ce n’est pas à l’Etat de pourvoir au financement des entreprises, mais devant l’ampleur de la crise, il a dû intervenir, en accordant surtout des garanties. « Il a dû entamer une discussion délicate avec le secteur bancaire. » Le but était de demander un moratoire sur les crédits des entreprises et un report de paiement de leurs intérêts. « C’est ce que nous connaissons depuis mars dernier. » Mais dans quelques mois, ce moratoire prendra fin. Dès lors, à quoi s’attendre ? « En fin d’année, lorsque la phase de liquidité sera terminée, les entreprises devront à nouveau assurer leurs engagements. » Selon Roland Gillet, c’est à ce moment que l’on pourra vraiment juger de la solvabilité d’une entreprise. Si l’événementiel, l’aérien et l’horeca ont été fortement impactés financièrement, il faudra être vigilant et discriminant au sein même de chaque secteur d’activité. « Dans l’horeca par exemple, certains restaurants en ville ont pris la crise
peu oublié ces 20 dernières années malgré la crise de 2008. » D’un autre côté, il est également important d’adapter ses sources de financement selon son secteur et les spécificités de son entreprise. Plus vous vous situez dans une activité concurrentielle et risquée, plus vous devez augmenter vos fonds propres.
Il faut absolument éviter de se surendetter ! C’est ce qu’on a un peu oublié ces 20 dernières années malgré la crise de 2008. — ROLAND GILLET - PROFESSEUR D’ÉCONOMIE FINANCIÈRE de plein fouet alors qu’en zones touristiques, certains ont fait une saison exceptionnelle car les Belges n’ont pas beaucoup voyagé cet été. » D’où l’importance extrême d’analyser chaque situation financière pour éviter un saupoudrage improductif et son lot de faillites. « Il reste encore beaucoup d’incertitudes et la situation est loin d’être stabilisée. » Selon Roland Gillet, il faudra une
fois encore tirer des enseignements de cette crise inédite. Il recommande ainsi aux entrepreneurs de toujours renforcer leurs fonds propres quand la conjoncture est favorable. Car lorsque la situation se dégrade, il devient en général illusoire de trouver les fonds propres nécessaires pour traverser les turbulences. « Et surtout, il faut absolument éviter de se surendetter ! C’est ce qu’on a un
S’il est important de savoir gérer les finances de son entreprise, l’entrepreneur doit également pouvoir se pencher sur la gestion privée de ses avoirs. « Il doit y avoir une stratégie claire dans la gestion du patrimoine professionnel et privé ainsi qu’un bon équilibre entre les deux », insiste Dimitri Bauters, directeur régional Bruxelles-Wallonie chez Van Breda. « L’entrepreneur fait parfois l’erreur d’injecter tout le privé dans l’entreprise. » En période de crise, il pourrait donc tout perdre. L’entrepreneur attend de la liquidité, de la sécurité et du rendement dans ses investissements mobiliers. « En banque, il est aujourd’hui très difficile de trouver tout cela dans un seul produit. L’entrepreneur doit donc diversifier son portefeuille », explique Dimitri Bauters. L’idée serait donc de s’adresser à un professionnel en banque qui lui assurerait une diversification maximale suivant son profil et son horizon de placement. « L’entrepreneur doit également être informé des changements fiscaux et juridiques qui peuvent avoir des conséquences importantes sur son patrimoine global. » TEXTE BASTIEN CRANINX