PREMIER PLAN
Le Match
Uhuru Kenyatta – 60 ans –
TOLGA AKMEN/AFP
AVANTAGE Il contrôle la majorité et est à la tête d’un véritable empire économique. FAIBLESSE Son propre camp est divisé sur le soutien à apporter à Raila Odinga.
Le divorce est consommé Après s’être engagé à soutenir la candidature de son vice-président pour l’élection de 2022, le chef de l’État kényan a pris fait et cause pour son ancien opposant, Raila Odinga.
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es yeux cernés, Uhuru Kenyatta tourne en boucle. Ce 1er septembre 2017, devant les journalistes venus recueillir sa réaction après l’invalidation par la Cour suprême de sa victoire face à Raila Odinga à la présidentielle du 8 août, le chef de l’État paraît sonné. « Je suis personnellement en désaccord avec cette décision. Je la respecte, autant que je suis en désaccord avec elle, mais je la respecte. Mais je suis en désaccord avec elle », répète-t-il. Derrière lui, William Ruto a la mine grave. Kenyatta semble vaciller, mais son colistier paraît confiant, convaincu qu’il ne s’agit là que d’une ultime épreuve. Kenyatta est finalement réélu à l’issue d’un remake controversé, boycotté par Odinga. Et Ruto fait plus que jamais figure d’héritier. Mais l’histoire s’écrira autrement. Car, entre Kenyatta et Ruto, c’est
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JEUNE AFRIQUE – N° 3108 – JANVIER 2022
avant tout une union de raison qui a été conclue. En 2012, la Cour pénale internationale (CPI) a confirmé les poursuites engagées contre eux pour les violences postélectorales de 2007-2008, qui ont fait 1 200 morts. Candidat à la présidentielle en 2013, Ruto s’allie alors à Kenyatta. Les deux ennemis scellent une paix fragile entre leurs ethnies et font bloc face à la CPI. Le ticket « UhuRuto » rafle la magistrature suprême, les charges contre Kenyatta sont abandonnées en 2014, celles contre Ruto en 2016, après une campagne d’intimidation contre plusieurs témoins. Selon les termes du « deal », Kenyatta devait ensuite soutenir Ruto en 2022. Mais le 9 mars 2018, après des mois de tensions, Kenyatta fait, au détour d’une poignée de main devenue symbolique, la paix avec l’opposant Raila Odinga. Il sait qu’il vient de porter un coup à Ruto. Avec Odinga
au sommet de l’État, dans un rôle volontairement flou, il vient d’isoler son ancien allié, qu’une partie de son entourage ne souhaite pas voir arriver au pouvoir. Les deux hommes se livrent, depuis, une guerre de palais.
Référendum retoqué Il y a d’abord eu un projet de référendum constitutionnel, dont l’une des principales mesures était la création d’un poste de Premier ministre. Perçu par les pro-Ruto comme un moyen pour Kenyatta et Odinga de se partager le pouvoir, il a fait l’objet d’intenses débats et a été retoqué à deux reprises par la justice. Mais l’offensive n’a pas été portée que sur un front : de nombreux proches de Ruto ont été écartés du pouvoir ou mis en cause dans des affaires de corruption. Surtout, Kenyatta a fait d’Odinga son nouveau champion pour 2022. Longtemps adversaires, les « fils de »