PARA MELDAR |
Para Meldar Twentieth-Century Sephardic Authors from the Former Yougoslavia A Judeo-Spanish Tradition Željko Jovanović
Coll. Studies in Hispanic and Lusophone cultures 41. Legenda éd. 2020. ISBN : 978-1-78188851-3
Relativement peu d’études ont été consacrées à la culture judéo-espagnole des pays de l’exYougoslavie si l’on excepte le travail pionnier de Krinka Vidaković-Petrov 1. On appréciera d’autant plus le livre de Željko Jovanović qui est issu de sa thèse de doctorat soutenue en 2015 à l’université de Cambridge. La vocation de Željko Jovanović pour les études sépharades tient à sa rencontre il y a une dizaine d’années avec trois remarquables personnalités du monde universitaire qui l’ont accompagné tout au long de son parcours de formation : Paloma DíazMas, Krinka Vidaković-Petrov et Julie Scolnik. Željko Jovanović a fait le choix de traiter la tradition sépharade de Serbie et de Bosnie à travers la vision qu’en ont les auteurs originaires de l’exYougoslavie. Il en résulte parfois une frustration de voir seulement brièvement mentionnés les travaux de Cynthia Mary Cruz ou de Max Luria. Ce regret est cependant compensé par la découverte d’auteurs moins connus et par l’objet même de la thèse : rendre compte de la diversité des attitudes que les Sépharades d’ex-Yougoslavie ont pu entretenir à l’égard de leur culture du milieu du XIXe siècle à la fin du XXe siècle. Tout commence en effet avec le mouvement de modernisation des communautés juives alors que
les pays balkaniques s’émancipent progressivement de la tutelle ottomane. La Serbie obtient un régime de semi-autonomie dès 1830 et la Bosnie intègre l’Empire austro-hongrois en 1878. Peu à peu une éducation sur des modèles occidentaux se met en place qui touche d’abord les garçons puis les filles. La langue d’enseignement n’est plus le judéo-espagnol, mais le serbe, le français et plus rarement l’allemand ou l’italien. Le mouvement de patrimonialisation du folklore judéo-espagnol (contes, romances, proverbes) est inséparable du sentiment de déperdition qui en résulte. Tous les auteurs sépharades ne l’abordent pourtant pas de la même façon. Certains, comme l’écrivain et diplomate Haïm S. Davičo, s’en réjouissent et encouragent leurs coreligionnaires à s’assimiler sans réserve à la communauté nationale serbe. Leur intérêt pour le folklore judéoespagnol est purement rétrospectif : sauvegarder les traces d’une culture appelée à disparaître et la faire partager au-delà de son milieu d’origine pour favoriser l’intégration des Juifs au sein de leur nouvelle nation. Cela conduit Davičo à publier le fruit de ses collectes exclusivement en serbe et dans des journaux serbes de premier plan. Le choix qu’il opère au sein du folklore n’est pas indifférent : dans ses contes, il met en scène les débats internes à la communauté juive entre partisans de la tradition et modernistes avec un biais assumé en faveur de ces derniers. Dans ses articles de presse, il n’hésite pas à se dissocier de sa propre communauté et à adopter le point de vue d’un Serbe orthodoxe pour mieux faire passer ses idées. Davičo est l’auteur de quatre contes et de deux essais à thème sépharade. Il est aussi reconnu pour son proverbier, dont une version en judéoespagnol a été publiée par le rabbin de Budapest Meyer Kayserling 2. Davičo fidèle à son engagement ne publia de son côté qu’une édition en serbe.
1. Citons notamment aux éditions de la Lettre sépharade le livre traduit en français Aspects de la culture des Juifs espagnols dans l’espace yougoslave. XVI-XXe siècles. 2012. ISBN : 978-2-35272011-9. 2. Refranes o proverbios españoles de los judíos españoles (1889).
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