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Kokou Ferdinand Makouvia Moulage, moulé, moulant présenté au Musée de la Céramique de Rouen au travers du regard de Zoé Monti
Empreinter le sensible, prière au toucher Empreinter le sensible. Déjouer la présentation. Reprendre possession de l’espace. Trinité immémoriale de la céramique, Moulage, moulé, moulant. À quels saints aujourd’hui te vouer ? À quels sens encore te porter, te transférer, te transposer ? D’une époque à une autre, d’une technique, éthique, supplique, à un savoir et à un faire, sensuel et dévoué, actuel et affiné, des passeurs passent et veillent. Kokou Ferdinand Makouvia est de ceux-là. Il est de ceux qui retiennent ces gestes aux précisions millénaires, les emplissent en délice, les grandissent en malice, les emmènent et les soutiennent jusqu’à leur forme nouvelle. Il est de ceux qui érigent à leur tour et pour des siècles des socles et des prières, inventant par la danse affolée de leur corps travaillé, travailleur, d’amples liturgies et de nouveaux lieux pour les contenir. Il est de ceux qui aux quatre vents s’affairent, face, genoux et pieds à l’envers, dans la poussière, dans la matière, exultant pour un avènement à nul autre pareil. Il est de ces sculpteurs qui aiment à regarder la terre sécher au soleil.
L’œuvre moulant, moulage, moulé est à la réalité fidèle. La terre blanche et rouge est ardente, généreuse. Étendue et tendue vers sa cime la plus glorieuse. La céramique est découverte, sans couverte, ni vernis, ni émail, ni glaçure. Comme s’il avait fallu retenir quelque chose de la porosité brute du matériau, de sa ductilité première, de son humidité salutaire, de son amoureuse étreinte, de sa manière épousante, éprouvante, de toucher au monde. Les formes sont des caresses lisses, crénelées de frappes répétées et endurcies. Elles deviennent bordures molles de lèvres ensuées, aspirantes, absorbantes, entr’ouvertes, tantôt par un murmure chanté et fondant, tantôt par un souffle chantant et fondé. À bien y regarder pourtant, à scruter la profondeur du reflet, sa transparence, sa surbrillance, à faire affleurer en creux ce qui le déborde et le réconforte, les œuvres moulé, moulant, moulage sont au réel dissemblables.