Les 10 ans du GR2013 : N°1 MISSION TERRES

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MARS À JUIN 2023 N°1 MISSION TERRES

ÉDITO — INTENTIONS

Il y a 10 ans le sentier métropolitain du GR2013 était inauguré sous une pluie battante, après 3 ans de repérages partagés entre artistes, randonneurs, parfois facteurs, traileurs ou autres adeptes insoupçonnés de la marche en ville et en paysages péri-urbains. Aboutissement d’un pari institutionnel porté alors par la Capitale européenne de la culture, ce sentier faisait lieu de premier projet culturel d’une métropole encore invisible.

La création du Bureau des guides a par la suite permis d’approfondir cette première hypothèse d’un sentier comme outil de lectures partagées des paysages, et aussi d’en proposer d’autres. Dans l’épaisseur du temps, ce sont des dizaines d’actions qui se sont inventées sur le « terrain », des champs de pratiques qui se sont rencontrés, des conversations qui ont émergé, des communautés qui se sont reliées autour de l’idée d’un chemin et de la marche pour habiter plus pleinement nos sols et nos voisinages.

Les artistes-marcheurs.es et randonneurs.ses des premières heures ont peu à peu été rejoint . es par des habitant . es motivé . es à explorer, des chercheurs . ses intéressé . es à tisser autrement les savoirs, des artistes désireux de contribuer à des récits qui soutiendraient notre vie commune, et puis aussi des gammares, des rivières, quelques éoliennes, un étang, des enfants, des roches, des cheminées, des canadairs, des fissures dans les murs ou encore des caprisun…

Voilà 10 ans que nous marchons, à la recherche et à la rencontre des histoires qui constituent et orientent nos quotidiens. En prenant soin de ce morceau de territoire que dessine le chemin, en y voyant pousser peu à peu notre connaissance partagée et nos attachements communs, nous entendons l’urgence d’exercer ce qui reste de nos sens paysans (littéralement « gens du pays ») pour retourner au monde d’aujourd’hui. Et pour cela il va falloir ralentir…

Cette année anniversaire ne sera donc pas l’objet d’une unique grande fête, mais plutôt d’un ensemble d’invitations à se rassembler et à célébrer ce que l’auteur Gary Snyders nommait « le sens des lieux ». Au fil des mois nous vous invitons dans des formes et des formats très variés à venir penser avec vos pieds, vivre dans le dehors, percevoir avec votre dedans, explorer nos dessous et éprouver 10 ans d’aventures buissonnières comme la fabrique d’un sol hospitalier.

Alors en route !

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L’origine du GR2013

Al fonce

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Prendre la clef des champs

Sébastien Marot

8 — 9

Terres communes

Programmation du cycle

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Dureza

Christine Breton

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Marcher sur l’eau Collectif SAFI

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Discussion

Isabelle Stengers 23 — 24

La rivière et le bulldozer

Mathieu Duperrex

25 — 26

Conseils lecture

2023 : l‘annéeversaire !

Les 10 ans du GR2013, une annéeversaire organisée par le Département des Bouchesdu-Rhône, Provence Tourisme, le Comité Départemental de la Randonnée Pédestre des Bouches-du-Rhône (CDRP13) et le Bureau des guides du GR2013.

3 SOMMAIRE

TAKING THE COUNTRY’S SIDE

ont émergé il y a environ 10 000 ans à la Révolution néolithique. En prenant acte de l’impasse environnementale actuelle, son hypothèse est qu’aucune réflexion sensée ne pourra se développer sur le futur de ces deux disciplines, tant qu’elles ne seront pas reconnectées et fondamentalement repensées en conjonction l’une avec l’autre.

En mesurant l’impasse environnementale à laquelle notre monde est confronté, cette exposition entend susciter une réflexion — à la fois rétrospective et prospective — sur le lien étroit qui unit ces deux disciplines jumelles que sont l’agriculture et l’architecture, et sur leur divorce croissant depuis la révolution industrielle. Elle vise à apprendre des agronomes, activistes et projeteurs qui ont réfléchi à l’hypothèse d’une décroissance énergétique ainsi qu’à la recomposition et à la pérennisation des territoires vivants.

Composée d’un jeu historiographique de 42 cartes, d’une boussole réflexive, d’une grande frise chronologique et d’une série de vidéos, l’exposition Agriculture and Architecture : Taking the Country’s Side, produite dans le cadre de la Triennale d’Architecture de Lisbonne 2019, dont le commissariat avait été confié au master Architecture & Expérience de l’ENSAVT Paris-Est, a été présentée au Garagem Sul du Centro Cultural de Belém d’octobre 2019 à février 2020.

Cette exposition explore le lien entre l’agriculture et l’architecture, deux pratiques de domestication complémentaires qui

Quand on se tourne vers le passé, il semble bien que l’urbanisation de notre planète, qui n’a cessé de croître au cours de deux ou trois derniers siècles, est inévitable et qu’elle est le sens même de l’histoire : la quasi-totalité des statistiques les plus officielles démontre en effet que la population mondiale va continuer d’augmenter, au moins au cours de ce siècle, et se concentrer encore, comme elle le fait actuellement, dans des métropoles de plus en plus grandes. En revanche, lorsqu’on sonde l’avenir à l’aune des problèmes environnementaux qui s’y profilent, cette même urbanisation semble impossible et comme une fin de l’histoire. Un tel paradoxe, celui d’une évolution à la fois inévitable et impossible, provoque une dissonance cognitive et adresse à la raison un défi quasiinsoutenable.

Dans cette situation, Taking the Country’s Side - Prendre la clé des champs adresse aux architectes, ainsi qu’à tous ceux que préoccupe l’évolution actuelle de nos environnements vivants, une invitation à quitter leurs niches métropolitaines, leurs zones de confort et de spécialisation professionnelle, et à prendre, littéralement, la clef des champs.

Depuis plusieurs décennies, un certain nombre d’individus et de collectifs, en s’appliquant à bâtir des alternatives aux logiques délétères de l’agriculture industrielle et de l’économie de marché (sous les bannières de la permaculture, de l’écologie sociale, de l’agroforesterie, du biorégionalisme ou de l’agroécologie), ont fait prospérer un trésor d’idées et de principes qui remettent sérieusement en

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« L’histoire de la ville est intimement liée à celle des territoires productifs, c’est une co-évolution. »
« L’enjeu de la condition suburbaine n’est plus l’extension des villes, mais bien l’approfondissement des territoires. »
Sébastien Marot

PRENDRE LA CLEF DES CHAMPS

question les concepts fondamentaux de l’architecture et de l’urbanisme aujourd’hui. Le but de l’exposition est d’exposer les principes de cette sagesse pratique et d’en tirer les leçons.

Pour sa présentation à Marseille en 2023, notre intention est d’augmenter l’exposition par une réflexion originale et illustrée sur l’histoire et l’actualité du régionalisme et de la notion de biorégion, laquelle entend réindexer les modes d’habitat, de production et de coexistence sur le métabolisme de ces vastes « communaux » que sont les territoires « géographiques », à l’échelle, par exemple, des bassins versants.

Sébastien Marot, commissaire de l’exposition, le 10/04/2022.

TAKING THE COUNTRY’S SIDE

PRENDRE LA CLEF DES CHAMPS :

entre Architecture & Agriculture

Du 10 février au 21 mai 2023

Friche la Belle de Mai — Marseille

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TERRES COMMUNES

RÉHABITER MARSEILLE ?

Agriculture, Architecture et Biorégion

À l’occasion de sa venue à Marseille, l’exposition de Sébastien Marot « TAKING THE COUNTRY’S SIDE | Prendre la clef des champs » ouvre un nouveau chapitre sur les biorégions. En écho à cette proposition, nous vous proposons cinq journées thématiques, un programme de rencontres, d’interventions, d’ateliers et de marches, pour penser les terres communes de demain.

JOUR 1

Lundi 24 avril

NOURRIR LA VILLE

Subsistance alimentaire et métropole en présence de Carolyn Steel

JOUR 2

Mardi 25 avril

DESSINER UNE BIORÉGION

Le territoire, entre poétique et politique en présence de Daniela Poli

JOUR 3

Mercredi 26 avril

ORGANISER LES COMMUNS

Pratiques collectives et questions foncières en présence d’Isabelle Stengers

JOUR 4

Jeudi 27 avril

CONCEVOIR

D’AUTRES MONDES

Fin de l’urbanisme et projet rural en présence de Pierre Janin

JOUR 5

Vendredi 28 avril

AGIR EN TERRITOIRE

MARSEILLAIS

Arpentages et conversations hors-les-murs

Projection au Gyptis de Nul homme est une île, de Dominique Marchais

Une proposition collective du Bureau des guides du GR2013 et de la Cité de l’Agriculture, avec l’IMVT (ENSA-Marseille, ENSP-Marseille et IUAR) et le réseau ERPS des Écoles nationales Supérieures d’Architecture, Opera Mundi et Image de Ville, les éditions Wildproject, la MAV PACA et le CAUE13, la Friche la Belle de Mai, Radio Grenouille et les Grandes Tables.

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BALADES POLYPHONIQUES

Balades polyphoniques à la recherche des terres agricoles (pour avancer dans les SI, ré-habiter nos SOLS et nous aider humain·es des villes à trouver nos LA)

L’histoire agricole de Marseille est d’emblée une histoire urbaine, au sens où elle n’apparaît dans la forme maraîchère (qui forme la plupart des imaginaires de l’agriculture en milieu urbain) que tardivement, suite à la construction à l’aménagement lourd du canal de Marseille.

Elle passera ainsi d’une agriculture sèche et méditerranéenne au terradou, terroir fertile qui modifie les paysages, les manières de penser le jardin, la gestion des terres, et conduit la ville à connaître jusqu’à l’urbanisation des années 50 une auto-suffisance alimentaire.

Percevoir les enjeux de l’agriculture urbaine aujourd’hui nécessite de retrouver le sens de ce terroir, de sa vie d’avant les infrastructures puis de son urbanisation massive d’après-guerre qui laisse une portion congrue du territoire à l’activité agricole. C’est aussi se re-sensibiliser à cette question de l’eau, de sa présence ou de son absence, de sa provenance et ses interdépendances qui l’accompagnent, dans un contexte de réchauffement climatique. C’est enfin repartager les questions du commun, de la propriété foncière et des manières de s’organiser dans nos usages, dans nos modes de gestion et dans nos relations urbanisées.

Ces balades se feront en échos entre le Nord et l’Est de Marseille. On y rencontrera des initiatives et on partagera des conversations pour imaginer comment retrouver à la fois une capacité de production locale et les gestes de la terre, entre nécessités de production, besoins de réinvestir socialement les imaginaires de l’alimentation et honorer les chemins urgent d’une écologie des villes.

SYMPHONIE AGRICOLE #1

De la Ferme du collet des comtes au Vallon des Hautes douces

Samedi 29 avril 2023 - tte la journée

SYMPHONIE AGRICOLE #2

Du MIN des Arnavaux à la Busserine

Samedi 6 mai 2023 - tte la journée

Ces balades sont proposées par le Bureau des guides du GR2013 et s’imaginent avec les artistes du collectif SAFI, Nicolas Mémain, les collectifs des hautes douces, de la ferme du collet des comtes, de la Tour Sainte, la cité de l’Agriculture, l’Ecole des communs de l’alimentation, l’Après M et avec la participation des chercheur·ses Michel Peraldi, Jean-Noël Consales, Frédérique Moquet et Rémi Grisal, des agriculteurs des terres arpentées, des Jardins de Julien et les étudiants de l’ENSAMM.

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DUREZA CHRISTINE BRETON

Elle venait de saisir par les cheveux Kaïros, ce vieux petit dieu de l’antiquité, qui passait comme un texte de nuit. Elle, les gens de la terre l’appelaient parfois « celle qui mène les fleuves vers la mer », elle avait appris à saisir les situations qui passent. Mais qui aurait pu croire que Kaïros en tombe éperdument amoureux. J’ai retrouvé dans nos archives ce texte de lui que je vous livre malgré quelques lacunes ou pages manquantes. Il a pour titre :

Il était temps.

A cet instant, dans ce récit, il me fallait devenir au minimum un petit dieu malin et voilà... j’apparais. Je suis là dans mon froufrou d’ailes. Dieu des situations, je me nomme Kaïros. J’arrive toujours à temps pour la sauver, pour lui faire traverser les guets, quand elle est arrêtée au bord de ses fleuves descendus gaiement des montagnes. Mais là elle exagère, comment vais-je marier Granites et Dureza, un cépage ? Géologie et Botanique avec leurs majuscules de savoirs accumulés ?

Je me suis tellement attachée à elle. J’aime la regarder marcher, chercher, en Vieille ou en toute jeune femme, le long de ses temps inconnus. Elle me plaît tant que je ne peux la laisser là, seule, au présent, dans l’adversité. Mais cette fois-ci comment vais-je pouvoir manipuler ses réincarnations, les apparitions que j’aime lui inventer quand elle mène les fleuves ?

Jusqu’à présent c’était facile, il me suffisait de changer ce que vous appelez les siècles et hop je la plaçais dedans discrètement, sans bruit. Ses descendants faisaient la jonction. Et l’eau suivait son cours. Qu’elle soit à Cyrène il y a 2800 ans avant votre présent, j’étais là auprès d’elle en philosophe, ami de son frère. Qu’elle soit en Palestine 1500 ans avant votre présent, j‘étais l’ermite suspendu qui l’accompagnait marchant avec Cassien, un futur saint. Ses descendantEs d’il y a seulement 700 ans chantaient sa légende sur les routes

provençales médiévales et je chantais avec elles et eux. Plus complexe fut ma transformation en Vieille pour la suivre à Alger et à Marseille. Mais là, dans votre présent, face à la situation si dangereusement urgente je ne vois qu’une solution : changer mes ustensiles, pardon, mes attributs hérités au cours des temps. Je ne veux pas devenir un dieu d’avantgarde, je vais juste déposer un moment ma quincaillerie un peu trop métalliques et trop bruyants ; ça me fera des vacances par la même occasion. Je vais changer discrètement ma balance et le couteau pour un cep de vigne planté là.

Difficile à gérer, sans bouger, je ne sais si je pourrais tenir cette situation symbolique longuement. Une chose est sûre, Il n’y aura pas un historien d’art capable de voir la différence surtout dans ce temps si court que vous voulez nommer : présent.

Et hop ! Je vais entendre parler la langue de Dureza et des Montagnes. Nous ne serons pas trop de trois pour l’approcher et l‘écouter.

Elle sait si bien disparaitre et là elle le fait pour sauver sa peau.

Là le texte manque.

On devine que Kaïros l’a réincarnée en botaniste, collectionneuse du début du 21e siècle. Le texte reprend dans lequel elle discute ferme avec une inconnue qui lui demande :

— Vous avez été surnommée « la collectionneuse» car vous avez créé une collection internationalement reconnue au plan génétique, botanique sur les cépages de la famille du Dureza. Vous avez mené en laboratoire des expériences uniques sur ses gènes jusqu’à découvrir un gène que les médias ont nommé « gène de la longévité ou de l’éternité ». Je comprend que vous n’aimiez pas beaucoup l’immédiat des médias.

— Vous oubliez que grâce à cette publicité idiote je vis en danger maintenant. Mais sortons un moment il me faut aller écouter mon plant de Dureza, c’est un peu mon

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RÉCIT VÉGÉTAL

oracle. Là, moi, le dieu Kaïros transformé en pied de vigne minuscule, je la vois mieux. Dehors, elle s’assoie sur le sol. Après m’avoir salué « la collectionneuse » libéra les mots de Dureza :

Les humains parlent parlent ; même le petit dieu des situations, Kaïros, parle ; alors moi, non-humain Dureza, je me met à parler aussi et j’en profite. Il est dit que les plantes comme moi sont des vivants arrêtés mais ce n’est pas vrai ! J’ai beaucoup bougé et je me souviens de tous mes temps. Les humains disent aussi que les plantes n’ont pas de sexualité mais ces humains ont ils été hermaphrodites ? ont ils senti la caresse des abeilles ou du vent qui portent la jouissance de la pollinisation ? Il est dit aussi que les génomes de plantes comme moi sont peu riches en gènes mais le génome du riz contient 50 000 gènes et celui des humains 23 000 ! Il est dit, du coup, que les gènes ne font pas la valeur du vivant alors expliquez moi pourquoi tous les laboratoires humains s’intéressent assez à un de mes gènes pour s’entretuer vaillamment afin de le posséder ? Il est dit que nous les plantes n’avons pas d’histoire mais mon propre génome a été étudié à l’Université de Montpellier. Oh ! divine surprise les généticiens ont découvert dans mon ADN une des plus longue et célèbre histoire de vigne et de vin. Oui je suis Dureza le cépage à l’origine de la Syrha, actuellement la star des vins des « Côtes du Rhône ». Origine ou plutôt mariage quand un de mes pépins a rencontré celui de la Mondeuse Blanche des montagnes. Oui je suis Dureza un cépage oublié des humains et abandonné dans la catégorie « anciens cépages ». Nous sommes plusieurs à être « oubliés » et du coup les historiens de la vigne manquent les maillons de connaissances qu’ils avaient encore il y a seulement 50 ans.

.... lacunes du texte :

— Mais parlons d’autre chose. Vous vouliez savoir pourquoi je collectionne ? C’est simple et terrible à la fois. Les plantes cultivées que l’humain a créé par essais,

erreurs, observations et bidouillages depuis la préhistoire ont perdues leur autonomie. Elles ne peuvent plus vivre en dehors de nos soins tout comme les animaux domestiqués. Quand nous arrêtons de les soigner elles meurent et disparaissent du vivant. Nous devons intervenir constamment pour leur survie. C’est injuste et représente l’exacte modèle de toutes les dépendances collectives animales ou humaines que nous avons inventé et continuons de maintenir. Je considère comme un devoir sacré l’obligation de conserver ce que nous avons créé. Le Dureza, ce vieux cépage disparu qui fait le clou de ma collection, n’était plus soigné depuis le vol des 16 derniers pieds qui étaient cultivés et conservés prés de Tain l’Hermitage. Je suis une intellectuelle pas une agricultrice ; regardez mes mains ; je ne connais rien aux soins que d’autres savent prodiguer. Donc je collectionne des biens inaliénables, je prospecte dans le monde granitique sur toute la terre, achète, compare les pratiques de soins, conserve, analyse la plante, sa famille, comme ses gènes, ses chromosomes, comme ses terroirs. Conserver un bien public, pérenniser un savoir humain né il y a des millénaires sur les bords de l’Indus voilà mon aventure qui depuis peu me projète dans une zone à risques. J’ai été prévenue. J’assume le risque.

Autres lacunes....

Je vais vous raconter comment s’est faite cette collection devenue objet de toutes les convoitises et de tous les délits dont vous venez de vivre la violence d’un épisode. À l’origine je viens des collections publiques artistiques. Je me suis spécialisée dans l’art international contemporain. À force de côtoyer collections privées, ventes aux enchères et foires internationales j’ai été approchée par des collectionneurs peu regardant sur l’art et plus interressés par le blanchiment de leurs trafics parallèles. J’ai alors pris un violent coup de réalité. Quel gouffre entre les pseudo interprétations dont je m’alimentais innocemment, les

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DUREZA CHRISTINE BRETON

évaluations hors échelle qui faisaient de nous, responsables de musées, de dangereux assassins, capables de faire exister ou disparaitre des oeuvres et leurs auteurs. Pierre Legendre m’a ouvert les yeux avec son « jouir du pouvoir » et Serge Guilbaut, historien de l’art, m’a porté le coup décisif en montrant comment « New York vola l’idée d’art moderne » ; comment les références de nos jugements étaient véhiculées par des revues que payait largement la CIA après guerre.

— Attendez, vous êtes en train de me dire que le marché de l’art international des années cinquante a été colonisé par l’économie américaine ?

— Oui, cela a fondé symboliquement son impérialisme économique conquérant des décennies suivantes et a imposé NewYork comme capitale mondiale. J’ai découvert ce processus et perdu toutes illusions sauf dans la force de la fiction.

— Et la force du projet européen comme alternative collective possible ?

— Une évidence. Avec l’approche intégrée du patrimoine parue dans les textes européens dés 1975 ou les conventions sur le paysage qui en finissent avec la rupture entre patrimoine naturel et culturel nous avons des outils alternatifs dont il convient maintenant d’inventer les usages. A mon minuscule niveau de citoyenne, un usage s’est imposé et j’ai pris le virage des plantes cultivées.

Morale du récit.

En attendant de la retrouver, moi qui suis Kaïros, le petit dieu malin, je vais reprendre mes vieux attributs métalliques et Dureza va reprendre sa vie ardéchoise. Certains diront qu’il est un cépage endémique qui n’a jamais quitté le Rhône et le granite, d’autres diront qu’il a beaucoup voyagé depuis les montagnes du nord de l’Indus. Il était temps.

Pour l’anniversaire du GR2013

Février 2023

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Il y a 10 ans le topoguide du GR2013 proposait un premier récit collectif du sentier. À la fois descriptif de l’itinéraire et proposition artistique pour marcher ailleurs et autrement, il déclinait une série de cartes blanches aux artistesmarcheurs sous forme de double pages. Tout au long de l’ «annéeversaire» nous les retrouvons et renouvelons la proposition. 10 ans de pratiques, d’expériences, de rencontres à partir du sentier, ça mène où ?

On commence par Christine Breton et le Collectif SAFI...

Le voyage du Ressentiscaphe par le collectif SAFI ©Grégoire Édouard

MARCHER SUR L’EAU

Il y a dix ans, nous marchions sur l’hypothèse d’un sentier, un grand huit autour du massif du Garlaban et l’étang de Berre, qui deviendra le GR2013.

Après avoir tourné autour de l’étang, nous avons fini par plonger dedans ! Embarqués dans l’aventure « Pamparigouste » par le Bureau des guides du GR2013, nous avons construit « le Ressentiscaphe » une plateforme d’observation sensible pour, prendre la mesure, avec nos sens, de la nature de l’étang et entrer en relation avec cette petite mer intérieure et ses habitants. Ainsi, depuis 2019, nous naviguons, explorons ses côtes, tentons des formes de communication interspécifiques et essayons de repeupler l’étang, en diffusant sous l’eau des chansons d’amour !

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Ressentiscaphe du collectif SAFI ©Teddy
Seguin

SAFI (Du Sens, de l’Audace de la Fantaisie et de l’Imagination) est un collectif d’artistesmarcheurs-cueilleurs. La marche est pour eux un état d’attention au monde qui laisse apparaître la vie dans les circonvolutions de l'urbain. Traverser le monde et se laisser traverser est un exercice de porosité pour redevenir sensibles.

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Ressentiscaphe du collectif SAFI ©Teddy Seguin Dessin de Stéphane Brisset (SAFI)

DISCUSSION AVEC ISABELLE STENGERS

En écho au cycle de conférences TERRES COMMUNES, nous vous partageons des pensées qui nous nourrissent.

Mercredi 25 avril, 10h30 à la Friche Belle de mai Que reste-t-il de nos communs ?

Une conférence d’Isabelle Stengers.

Anti : Je t’ai souvent entendue parler de sciences, de philosophie, mais très peu de ce troisième grande catégorie dessiné par Deleuze et Guattari dans Qu’est-ce que la philosophie ?, que peux-tu me dire sur ton rapport à l’art ?

Isabelle : C’est une pauvreté de le rappeler mais le terme « art » comme catégorie est récent. Avant, il y avait des peintres, des musiciens, des sculpteurs, etc. Dire « ce sont tous des artistes », c’est né en même temps que la catégorie que je déteste personnellement et à laquelle je résiste politiquement, qui est LA Science. L’Art, La Science, La Philosophie… Ça a joué des tours dangereux à chacune des pratiques qui se retrouvaient ainsi catégorisées.

Dans Qu’est-ce que la philosophie, Deleuze et Guattari reprennent cette question que de nombreux philosophes ont posée : « Qu’est-ce que la Philosophie ? ». De la même manière, on pourrait demander : « Qu’est-ce que l’Art ? » Les épistémologues, eux, prétendent répondre à la question « qu’est-ce que la Science… ». Deleuze et Guattari, pour le coup, ont repris cette question un peu désolante, mais sur un mode très intéressant. Leur perspective était : il est bien prévisible que la philosophie crève et/ou soit assassinée comme ce fut le cas aux ÉtatsUnis. Ils parlaient depuis la perspective de sa disparition et de son assassinat. Et ils créaient des concepts de science et d’art comme concepts philosophiques qui devaient permettre de s’adresser à ce qui sinon, pouvait participer à l’assassinat de la philosophie. Pour fabriquer les divergences entre ces trois pratiques, ces trois modes de vivre et penser, ils ont fabriqué ces concepts sur le mode du diagnostic :

la manière dont l’art et la science se présentent aujourd’hui fait partie de ce qui peut prendre la philosophie entre charybde et scylla : un devenir-scientifique ou un devenir-artistique, au mauvais sens du terme à chaque fois.

Ils ont donc créé des concepts, ce qui pour eux est le propre de la philosophie, qui répondent à la menace. Les concepts d’art et de science dramatisent les contrastes entre ces pratiques en tant que modes de création. Donc ils ne défendaient pas la philosophie en rabaissant ce qui la menace, mais en créant, en refusant toute généralité qui établirait des domaines de définition et de légitimité qui, au bout d’un moment, aurait fini par écrabouiller ce malheureux domaine qui n’en est pas un, la pratique philosophique.

Donc, ça c’est quelque chose d’honorable, parce que ça ne fait pas de l’Art, de la Philosophie ou de la Science, des parties bien délimitées d’une anthropologie générale, anhistorique – l’Homme peint ou sculpte, observe ou essaie, s’interroge et interprète… – et dont comme par hasard les temps modernes auraient dégagé la vérité et la forme la plus pure. Non, non, ils prenaient ces termes comme à comprendre dans leur aventure singulière. Cette aventure n’était pas une bonne histoire, mais plutôt une histoire de dévastation.

Moi, je ne suis pas Deleuze, je ne vais pas en faire un concept. C’est pour ça que l’Art, j’ai du mal à en parler. C’est une catégorie qui me semble très fragile, née dans un moment malsain de notre histoire, celle de la colonisation. Au même moment qui a aussi créé cette référence à La Science et à La Philosophie, on voit naître une anthropologie impérialiste qui a reconnu l’Art ailleurs, en s’appropriant, en mettant en musée. C’est au nom de l’Art que l’on a volé des objets

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« Aujourd’hui nous sommes dans une modernité culpabilisée et hésitante, mais le mépris du sens commun ne s’en est que plus développé. »

DISCUSSION

puissants ailleurs.

Anti : Peux-tu revenir un peu sur ce moment malsain dans lequel serait né ces grandes catégories ? J’ai l’impression qu’il est au coeur de ce que tu appelles la destruction du sens commun…

Isabelle : Il me semble que l’un des points de rencontre de ces trois champs, nés à l’époque d’une modernité triomphante — le 19e sièclec’est de mépriser le sens commun. Aujourd’hui nous sommes dans une modernité culpabilisée et hésitante, mais le mépris du sens commun ne s’en est que plus développé. Au 20e siècle, ces grands champs de pratiques sont devenus plus hésitants et fragiles, cherchant à défendre une autonomie menacée par un monde qui ne les comprend pas mais les asservit à ses intérêts. C’est le sens commun qui se trouve accusé de n’être même pas capable de partager les hésitations des savoirs spécialisés. Cette incapacité est menaçante. Le sens commun ne peut plus comprendre l’Art, la Science, la Philosophie.

Pour moi, le sens commun n’est pas quelque chose que je pourrais définir, mais c’est quelque chose que j’aborde à partir de ce qu’on pourrait appeler sa défaite. Défaite au sens où les anglais disent unmaking. Dé-faire. Perdre toute consistance, devenir la tête-à-claque, ce contre quoi on définira ces grandes catégories.

Le sens commun en art, c’est le cliché. Il dira naïvement « Oh, c’est beau ». Le sens commun est, du point de vue esthétique, pris dans des clichés, dans le kitsch, etc. On peut se moquer de lui, on pourra faire un art kitsch, mais les connaisseurs sauront que ce n’est pas vraiment kitsch. C’est kitsch au sens d’un kitsch produit par l’art comme affirmation. Là où le sens commun serait dans le kitsch par défaut, par bassesse, sans s’en rendre compte.

Donc, pour moi, la catégorie « sens commun » est une catégorie problématique, au sens où nous ne savons pas de quoi le sens commun est capable. Par contre, nous savons qu’il a été mis dans l’incapacité d’objecter à son mauvais traitement.

L’incapacité d’objecter. L’une des scènes que je reprends et à laquelle j’ai assisté milles fois

c’est à l’époque de ce qu’on appelait la guerre des sciences, dans les années 90, l’époque où des scientifiques ont déclaré la guerre aux penseurs critiques qui voulaient faire des sciences des pratiques comme les autres. Un de leurs arguments, pris et repris très souvent lors de leurs conférences grand public était, « si vous pensez vraiment que nos savoirs sont relatifs à nos intérêts humains, précipitez vous du haut d’un quinzième étage et vous verrez si les lois de la physique existent ou pas ! » (rires) Et ça passait ! C’est d’ailleurs pourquoi ils le répétaient. Tout le monde semblait trouver cela très convaincant. C’est ça la défaite du sens commun. Personne n’aurait même imaginé objecter au physicien « Mais vous savez, avant Galilée, Newton, etc, on ne confondait pas les portes et les fenêtres... » Je l’ai fait une fois alors que c’est moi qui était interpellée comme « relativiste », et le physicien est resté bouche bée. (rires)

Le sens commun est désarmé au sens où il accepte ce qui aurait fait rire d’autres qui aurait eu assez d’imagination pour se demander pour qui on les prend. Ce qui joue de très mauvais tours au scientifique, qui se met lui-même à confondre la richesse de ce qu’ont fait Galilée et Newton avec le fait que les corps lourds tombent - chose qu’on a à peu près toujours su, même les animaux savent cela, sauf les mouches et les oiseaux bien sûr.

Donc défaite du sens commun qui se tait. Qui sait qu’il doit se taire, sauf à être ridiculisé. Comme je le serais si dans une exposition d’art contemporain je disais « je ne comprends pas » : je sais trop bien que la riposte serait « ça ne nous étonne pas » (rires). Comme si l’Art n’avait pas à intéresser les « gens » ! Il y a une habitude de se définir contre le sens commun et de faire du sens commun ce contre quoi on gagne à se définir. Ce que je veux faire, c’est revitaliser ce problème, parce que ce problème est politique. Il y a une grande importance politique à cultiver nos capacités d’objecter : « Ça vous ne pouvez pas le dire, ça vous ne pouvez pas nous le faire, pour qui nous prenez-vous ! Vous ne pouvez pas nous parler comme ça ». La défaite du sens commun est aussi une impossibilité politique.

Comment revitaliser la politique au sens de capacité collective de poser des questions qui importent ? Comment faire collectif ?

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Et j’ai l’impression que ce que nous appelons Art, dans beaucoup de sociétés anciennes, étaient des manières de créer du collectif, de créer ce qu’on pourrait appeler du « faire sens en commun ». Ça ne veut pas dire se mettre tous d’accord. Cela ne veut pas dire s’arrêter à un accord commun une fois pour toute. Ça veut dire pouvoir partager un sentiment d’importance.

Je t’avais parlé des sorcières néo-païennes et de leurs petites chansons ritournelles. Ce sont des chansons qui ne valent rien du point de vue de l’art musical, ou de l’art poétique, mais qui ont une efficace qui est de créer une sensibilitéensemble. Ces ritournelles, dans le witch camp auquel j’ai participé, on en apprenait une le matin, elles sont très faciles à retenir, et on la chante le soir, au coin du feu, ou en dansant. Même moi qui chante comme une casserole je pouvais. Ces chants collectifs ouvraient des espaces, ils fabriquaient un sentiment d’appartenance joyeux, pas du tout opprimant, le contraire des chants nazis…

La proposition qui me tarabuste c’est de chercher à interroger ces formes de productions artistiques, philosophiques, scientifiques, comme des dispositifs qui demandent à être évalués par rapport à leur efficace. L’efficace de ces petites ritournelles est tout à fait différente de l’efficace du grand Art qui a souvent une efficace à dimension polémique : scandaliser le sens commun d’une manière ou d’une autre.

Ce qui me manque souvent dans les pratiques artistiques, mais c’est sans doute aussi dû à mon ignorance, ce sont des modes d’interventions qui ne seraient pas des déclarations, proclamations, affirmations, mais des dispositifs qui auraient une efficace épidémique, qui feraient sentir à d’autres ce qui est en jeu dans ce qui est produit. Les dispositifs qui moi m’intéressent, ce qu’ils génèrent, s’adressent à celles qui cherchent à réussir à faire sens en commun d’une situation qui les divise. À transformer les divisions en contrastes qui appartiennent à la situation. Ces dispositifs-là, il faut accepter leurs contraintes, s’engager, pour faire l’expérience de leur efficace. C’est ce que j’appelle un dispositif génératif et non pas un dispositif clandestin, c’est quelque chose qui n’est pas manié, commandité, mais qui est

expérimenté par ceux que cela concerne. Et qui n’a de sens que si la situation les concerne vraiment. Son efficace, c’est la transformation qu’elle fabrique chez ceux que cela concerne.

Anti : Dans ton travail, tu associes souvent ce moment de défaite du sens commun, à la question d’une forme de professionnalisation. Peux-tu nous en parler ?

Isabelle : C’est un des thèmes de Whitehead. Le professionnel est un spécialiste, mais un spécialiste (qui) dont la sensibilité est anesthésiée par rapport aux questions et aux situations qui échappent à sa spécialité, qui les traite avec naïveté et/ou arrogance. Des professionnels, à la sensibilité étroite, il y a en eu de tout temps, souligne Whitehead, les scribes sont des professionnels, spécialisés, qui sont d’autant plus précis et fiables qu’ils restent indifférents à ce qu’ils écrivent. Ou les administratifs qui doivent bien connaître les règlements sans faire intervenir de sympathie ou d’antipathie. Ou les fonctionnaires, à qui on demande de fonctionner. Par contre, ce qui est arrivé au 19e siècle, c’est que les professionnels ont été liés à la notion de progrès, ils servaient le progrès. Les scientifiques devenant professionnels, devenaient ceux qui avaient en charge l’invention de l’avenir ! Mais c’était une invention mutilée parce que justement prise dans l’ornière d’une spécialité.

Les scientifiques aujourd’hui se conduisent en professionnels quand ils disent : « les conséquences de ce que nous trouvons ne nous regardent pas, ça regarde le politique. La société jugera ». (rires) Ils ne savent pas ce que c’est que la société, ni si elle a les moyens de juger. En fait, ils ne veulent pas le savoir, cela ne les regarde pas.

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AVEC ISABELLE STENGERS
« Les dispositifs qui moi m’intéressent,ce qu’ils génèrent, s’adressent à celles qui cherchent à réussir à faire sens en commun d’une situation qui les divise. »

DISCUSSION

S’il y avait une société qui sait faire sens en commun, qui peut se donner les moyens de faire sens en commun, la scientifique participerait à un collectif de gens concernés par ce qu’elle propose et penserait avec les autres ce que sont les conséquences envisageables, dommageables ou acceptables de ce qu’elle propose, mais elle penserait avec eux, elle ne leur expliquerait pas en quoi c’est un progrès, mais partagerait une perplexité autour des multiples différences que fera cette proposition. Tous seraient concernés de manières différentes et ils devraient apprendre à faire sens en commun de ce qu’implique ce qu’elle aura proposé. Dans ce cas-là on pourrait dire de la scientifique qu’elle est spécialiste, mais spécialiste nonprofessionnalisée, ce qui ne veut pas dire qu’elle prend la responsabilité des effets de ce qu’elle propose, elle ne peut pas le faire, mais exige que soient rassemblés ceux qui pourront permettre de penser les effets de cette nouveauté. Ce serait un de ces dispositifs à inventer où la différence entre spécialiste et professionnel est cruciale. Or, défaite du sens commun, les professionnels disqualifient les objections parce que « refus du progrès », « refus du changement », tout ce qui fait que les gens sont soit couards, soit conservateurs, réactionnaires, etc. Le progrès est souvent présenté comme une destruction créatrice. Ceux qui disent « ça va nous détruire », on leur répondra « Et bien oui, c’est ça le progrès. »

La professionnalisation articulée au progrès est une histoire qui tente de raconter ce qui nous est arrivé. Ce qui m’intéresse dans ces histoires de qu’est-ce qui nous est arrivé, ce n’est pas de trouver une réponse, mais d’essayer de démultiplier les réponses, de telles sortes qu’on puisse sentir que ces réponses ont fait relais les unes avec les autres. Qu’il n’y aura pas, qu’il n’y a pas une manière d’en sortir mais des manières de devenir sensible à toutes ces raisons qui se font écho pour nous dire que, malheureusement, on ne peut pas devenir autre chose que ce qu’on est devenu.

C’est pour ça qu’il faut une multitude de récits qui fassent vibrer le « ça aurait pu être autrement ». Il n’y a pas un destin, il n’y a pas un rouleau compresseur qui expliquerait qu’on ait pris ce tour-là. Il y a certes (des) de grosses causalités, mais ces grosses causalités, elles-

mêmes, sont intrinsèquement multiples. La colonisation est une de ces grosses causalités. Mais c’est une causalité multiple, qui implique les pillards et (le) les commerçants, les armées et les instituteurs, les médecins et les missionnaires…. Les répercussions de la colonisation ont atteint d’abord et très dramatiquement les colonisés, mais ont eu des effets en retour sur les colonisateurs. Et ces effets en retour ont activé d’autres effets, etc. Donc on a affaire à des causalités non-linéaires. L’idée de progrès et celle de colonisation se donnent très facilement la main, elles vont main dans la main, mais aucune des deux ne suffit seule à épuiser la question : « qu’est-ce qui nous est arrivé ? »…

Anti : Justement, ce terme de commun, pris dans le refus du mépris du sens commun, résonne avec une autre histoire qui est en train de tenter de se re-raconter, qui est l’histoire des communs au sens de common, que tu qualifies de « résurgent ». Comment fais-tu résonner ce qui est arrivé au sens commun avec nos capacités de faire commun dans la matérialité des lieux, à construire des communautés de quotidienneté ?

Isabelle : La destruction d’activités quiimpliquent un commun fait partie de cette histoire sur laquelle la colonisation a réagi en contrecoup. Les pratiques de subsistance commune, les communs, c’étaient en Europe, quelque chose qui, comme partout ailleurs dans le monde, était très usité, notamment dans les communautés rurales, mais pas seulement là, ça pouvait être aussi « en ville ». Notamment, cette idée de « juste prix » qui organisait les rapports marchands en ville, tient quelque part au fait que le commerce n’était pas perçu comme un échange de marchandises mais comme une pratique de communauté. Le profit - d’ailleurs le mot profiteur est devenu une insulte - était quelque chose de condamnable. Or la destruction des communs s’est faite en Europe et ensuite partout ailleurs dans les terres colonisées au nom de la notion d’individu, d’abord et avant tout l’individu propriétaire, et au nom de la légitimité du profit, que chacun cherche.

Aujourd’hui, il y a ce que j’ai appelé une résurgence de ce thème des communs et du projet de faire en commun. C’est une résurgence, pas au sens où l’on dirait « oh, ils rêvent d’un passé dépassé, ils voudraient que ce soit comme

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avant ». Non. Ce ne sera plus jamais comme avant. La résurgence revient sur un terrain qui a été détruit et reconfiguré sur base de cette destruction. Le juste prix sur les marchés, où le prix était quelque chose qui faisait sens en commun à l’époque, pour le paysan, pour le vendeur, pour l’acheteur, etc, tout ça était pensé, pratiqué. Aujourd’hui, ça doit être réinventé. Ça doit être réinventé dans un milieu hostile, ça devra résister à des argumentations du type « eh bien, comment est-ce que vous définissez « juste »?, avec un rire goguenard ou apitoyé. La seule justice c’est les lois du marché ! ” Donc, dans un milieu qui s’est armé contre ce qui faisait sens en commun, sur un mode dont l’une des efficacités est de l’effacer de l’imagination. Le droit de propriété au sens exclusif, au sens où on a le droit d’user et d’abuser d’une propriété, est quelque chose que les colonisateurs ont imposé dans les colonies en disant : « Vous n’avez pas de titres de propriété, donc nous nous approprions ». Mais ça a été aussi au préalable, les enclosures en Europe. C’est lié, mais ce n’est pas lié au sens où ce serait la même histoire, où nous aurions été victimes de la même manière du même geste colonisateur, c’est lié par répercussion. Starhawk le dit très bien. Elle a ce thème qui m’a beaucoup intéressée qui est que, avec la colonisation, sont venus les biens de luxe. Or, pour acheter les biens de luxe, les riches, ceux qui peuvent se le permettre, ont besoin d’argent et donc ils ont besoin d’extraire de l’argent de leurs propriétés. Les enclosures c’est justement le début de « il nous faut de l’argent ». Non plus de la subsistance mais de l’argent.

Donc l’extraction d’argent est nécessaire pour se payer ce qui vient d’ailleurs, c’est-à-dire pour la consommation. Avant, il n’y avait pas vraiment, ou peu de consommateurs. Il y avait des subsisteurs, des gens qui produisaient et gagnaient les moyens de leur subsistance. La consommation serait une des répercussions, chez nous, de l’afflux de biens exotiques. Il faut payer. Et là, il n’est plus question de « juste prix » qui permet la subsistance de tout le monde. C’est une de ces répercussions qu’il ne faut pas ignorer. Raconter cela est important parce que cela donne des récits où la colonisation n’est pas un grand complot, une cause unique, mais des entrelacs de causes.

Ceci dit, maintenant, nous sommes toutes des

consommatrices, que nous le voulions ou non. Parce que c’est tellement plus facile d’aller chez Delhaize. Il n’y a pas des circuits-courts partout, il y en a beaucoup qui sont hors-de-prix d’ailleurs. La solution de simplicité pour l’instant c’est d’ aller au supermarché, jusqu’au jour où les chaînes d’approvisionnement logistiques craqueront et où nous serons en situation complètement vulnérables. Nous nous sommes mis dans une situation de dépendance à des choses qui nous échappent complètement, alors que dans les communs, les choses dont on dépend, sont des choses à propos desquelles on peut faire sens pratique en commun.

Et donc, ce qui est intéressant, c’est que cette résurgence est politique mais éthique et esthétique, puisque c’est toute l’éthique de l’individualité « j’ai bien le droit de » qui doit être revue. Quand la participation aux communs est concernée, les droits individuels ne sont pas soumis à l’abstraction d’un bien commun mais composés avec les contraintes de l’interdépendance. Le réflexe de la légitimité « c’est mon droit » doit disparaître. Ça doit disparaître, pas au sens d’une tristesse, mais au sens d’une joie de faire sens en commun. Ce n’est pas « mon droit d’avoir à manger » mais la joie de mettre en place les conditions en commun pour que le moins de personnes possible n’aient faim dans le quartier.

J’ai fait partie d’un SEL (Service d’Echange Local). Un service très demandé était celui du déménagement. Au début, ceux qui proposaient ce service et faisaient équipe pour le rendre, c’était des gars costauds (rires), pas moi ! Et puis, il y a eu protestation : « Quand on est là, entre gars costauds, ça devient une course de vitesse, une course d’efficacité et on devient quasi professionnels… Il n’y a plus de joie. On ne le fait pas autrement que si on était des ouvriers payés ». On a pensé et il a été proposé d’élargir la gamme de celles et ceux qui se proposent. Par exemple, je me suis inscrite ! C’est-à-dire que là où il y avait avant quatre « hommes forts », on venait à une bonne dizaine dont certain.e.s participaient à des chaînes dans les escaliers ou transportaient des pots de fleurs ou des caisses légères…, et ça devenait une fête. Ce service ne ressemblait plus du tout à un déménagement professionnel, mais à un déménagement entre amies. Là, il n’était pas question de droits individuels défendus et argumentés, mais au

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AVEC ISABELLE STENGERS

contraire, on cherchait à comprendre ce que la situation exigeait de nous pour que ce soit l’invention d’autres manières de faire sens avec les différences qui se creusaient autour des « jeunes hommes vigoureux ».

Lorsque j’évoque la résurgence des communs, il s’agit vraiment de la résurgence anthropologique de quelque chose qui a toujours été synonyme de subsistance collective. Et c’est là qu’on a besoin d’inventer des dispositifs. Avant, ce que j’appelle dispositifs faisaient partie de mœurs, des manières dont on faisait, des coutumes. Aujourd’hui, il faut les inventer. Et il faut les inventer sur un mode esthétique-politique qui me semble devoir échapper aux définitions, un art des effets.

On peut commencer à faire sens en commun sur un mode qu’on dira assez restreint. Par exemple, assurant en commun des subsistances définies dans un premier temps dans des termes seulement humains, et pas multispécifiques. Il ne s’agit pas d’imposer une norme qui écrase avant que les concernés ne se soient rendus capables d’être sensibles à ce qui n’est plus alors seulement ressource mais cohabitants. Le commun multispécifique ne peut donc pas être une norme abstraite, c’est une manière sensible de se relier dans un commun et on ne prescrit pas des liens sensibles, on les génère. Si je parle de dispositifs génératifs, c’est justement que la dimension générative des dispositifs qui permettent que le faire sens en commun soit ouvert, inventif.

Si l’un.e de celleux qui participent au dispositif développe une sensibilité à des non-humains, et à la manière dont les non-humains ne sont pas pris en compte dans les pratiques qui se développent, ça fera problème pas en soi, mais de manière située : tel non-humain, face à telle pratique. Cette sensibilité pourra alors entrer dans la situation telle qu’il s’agit de s’en préoccuper. C’est de proche en proche que des liens peuvent se nouer. Ce n’est pas de manière générale : « Nous devons être sensibles à la forêt » (rires) Il n’y a personne qui est sensible à LA forêt, il y a des sensibilités à différentes manières dont les arbres font sociétés, des sensibilités qui peuvent se nourrir, s’entretenir et devenir partie de ce qui fait sens en commun.

Donc ça m’intéresse de voir celleux qui cultivent des dispositifs génératifs, qui peuvent régénérer, mais de proche en proche. Pas sur le mode du programme qui active la culpabilité « tu n’es pas sensible ! » Et quand on dit « faire sens en commun » c’est faire sens avec des gens de sensibilités différentes et trouver les manières de travailler ensemble à comment ces sensibilités peuvent infléchir les autres manières de faire. C’est toujours des infléchissements.

Il y a une dynamique dans les dispositifs génératifs qui ouvrent, et c’est aussi ce qui s’est passé avec mon récit du déménagement. Le fait de faire les choses ainsi était entré dans la définition du SEL, mais une sensibilité s’était créée au fait que ce ainsi, dans ce caslà, n’était pas suffisant. Il fallait le modifier. La générativité est ouverte. Ce qui a été généré crée de nouvelles sensibilités qui participent à un processus et non pas un état des choses stables. Et c’est peut-être la différence entre résurgence et tradition, c’est que ce savoir-là, il est vécu explicitement. Les traditions n’ont pas cessé de se modifier, mais dans les dispositifs de résurgence, c’est fait sur un mode explicite, que l’on peut célébrer.

Dans la résurgence, on sait ce qu’on a perdu, on sait de quoi il faut guérir. Et donc, la joie est constitutive des dispositifs de réappropriation, de récupération de la capacité de devenir « propre à ». Dans la tradition, il y a des occasions joyeuses, des fêtes, etc, ça faisait partie des mœurs communes. Par contre, cette joie-là, où on sent la vie qui passe là où elle avait cessé de passer, c’est quelque chose qui marque spécifiquement la résurgence.

Comment ceux qu’on appelle des artistes peuvent participer à la conception de ce qu’on appelle des dispositifs génératifs, ça ça m’intéresse vraiment. Mais il faut faire attention, ce n’est pas du jeu ou de la performance. La situation ne peut être proposée « créativement », elle doit les engager eux-mêmes, avec les autres, grâce aux autres, au risque des autres.

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ISABELLE
DISCUSSION AVEC
STENGERS

Extraits de « La rivière et le bulldozer », publié aux éditions Premiers Parallèles en août 2022.

MATTHIEU DUPERREX

LA RIVIÈRE ET LE BULLDOZER

En écho au cycle de conférences TERRES COMMUNES, nous vous partageons des pensées qui nous nourrissent.

Dimanche 2 avril, 11h à la Cité des arts de la rue La rivière et le bulldozer

Une conférence Voix d’eau avec Matthieu Duperrex

LECTURES À PARTAGER

La nourriture ne se retrouve pas dans nos assiettes par magie. Nourrir les villes a toujours nécessité des efforts gargantuesques et entraîné des répercussions sur les lieux et les écosystèmes, a fortiori dans un système mondialisé. Nos mœurs alimentaires façonnent la ville, ainsi que la campagne environnante. Carolyn Steel offre une vision fascinante de l’évolution des cités à travers le prisme de la nourriture : au cours des époques et tout autour de la planète, elle suit le trajet des aliments jusqu’à la ville, puis du marché ou du supermarché à la cuisine, et enfin de la table à la décharge ou aux égouts. Alors que plus de deux tiers de l’humanité vivra en ville d’ici à 2050, le sujet est brûlant d’actualité : comment nourrir la ville de demain ? Dans un style clair et imagé, l’autrice analyse cette question à la fois éthique et écologique, donne des pistes pour repenser nos villes et leur arrière-pays, mieux les concevoir, afin d’y vivre en harmonie.

À moyen terme, le changement climatique et l’épuisement des ressources fossiles vont inévitablement nous rattraper. Que faire face à ces réalités ? Comment vont-elles modifier nos sociétés et nos économies ? À partir de ce diagnostic et de ces questions, David Holmgren identifie 4 scénarios d’avenir : 1) dirigisme et sociétés de contrôle (« brown tech » ou technologie brune) ; 2) États-providences et énergies renouvelables (« green tech ») ; 3) sociétés écologiques désindustrialisées (« intendance de la Terre ») ; 4) effondrement et tribalisme néo-féodal (« canot de sauvetage »). Ces 4 scénarios de descente énergétique ne sont pas mutuellement exclusifs : ils glissent les uns vers les autres. Se préparer activement au troisième est la meilleure façon d’éviter que le monde ne bascule dans le dernier. Ce travail inédit de « prospective écologique » s’inscrit dans le droit fil de la permaculture – un projet de transformation indissociablement agricole et social. Textes choisis, traduits et présentés par Sébastien Marot, philosophe et professeur en histoire de l’architecture.

Le temps joue pour nous : les AMAP, la Bio et les circuits courts apparaissent de plus en plus dans les médias comme dans nos assiettes – l’opinion publique est acquise. Si chaque consommateur change ses habitudes alimentaires, si chaque agriculteur se forme à l’agroécologie, alors la victoire est au bout de la fourchette. Ceci est une fable. L’appel à la responsabilité individuelle, ce « chacun doit faire sa part », ne mettra jamais fin au modèle alimentaire industriel et marchand. Celui-ci est une machine à produire artificiellement au moindre coût, une machine à confisquer les savoirs et savoir-faire, à enrichir les industries technologiques, à déshumaniser. Il est temps d’échapper à notre enfermement dans les niches d’un marché alimentaire réservé aux classes aisées et de reprendre entièrement la terre aux machines. Ce manifeste propose de sérieuses pistes de rupture. L’Atelier Paysan accompagne la conception et le colportage des technologies paysannes. Les auteurs, paysans, syndicalistes et militants, sociétaires de la coopérative, font le constat que les alternatives paysannes, aussi incroyablement riches soient-elles, s’avèrent totalement inoffensives face au complexe agro-industriel, plus prédateur que jamais.

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LECTURES À PARTAGER

Fin des sociétés paysannes, cuisines équipées, bétonisation des terres arables, effacement des savoir-faire et cosmogonies autochtones, ignorance des rythmes du monde vivant… Ces phénomènes divers que l’on apprend aujourd’hui à déplorer sont bel et bien liés, nous disent depuis un demi-siècle des théoriciennes écoféministes, critiques de la modernité industrielle. C’est à leurs pensées, méconnues en France, ainsi qu’aux leçons existentielles et politiques qu’il convient d’en tirer, qu’est consacré cet ouvrage. L’auteure explore les alternatives écologiques et anticapitalistes contemporaines pour démontrer que la vie quotidienne est un terrain politique fondateur. Sans politique du quotidien, sans reconstruction collective et radicale de notre subsistance, il n’y aura pas de société égalitaire ni écologique. Contrairement aux idées reçues, ce n’est pas la généralisation du salariat qui a permis d’accéder à la société de consommation et au confort appareillé, mais le colonialisme et le travail domestique féminin. Une autre organisation politique de la vie et des rapports à la nature est possible. À condition d’être redistribué, ancré dans une communauté en prise avec un biotope et des usages, le travail de subsistance ainsi repensé devient un facteur d’émancipation. La fabrique du quotidien apparaît alors pour ce qu’elle est : un enjeu révolutionnaire.

Nous manquons, aujourd’hui en Europe, d’un projet écologiste capable de résister aux politiques d’étouffement, dans un monde de plus en plus irrespirable. D’un projet initié dans les quartiers populaires, qui y articulerait enfin l’ancrage dans la terre et la liberté de circuler. D’un projet dont le regard serait tourné vers l’Afrique et qui viserait à établir un large front internationaliste contre le réchauffement climatique et la destruction du vivant. D’un projet qui ferait de la Méditerranée un espace autonome et un point de ralliement des mutineries du Nord comme du Sud. D’un projet se donnant comme horizon à la fois la libération des terres, la libération animale et l’égale dignité humaine, fondamentalement liées. D’un projet assumant la sécession face à des forces d’extrême droite toujours plus menaçantes. D’un projet permettant de prendre le large en quête du One Piece, le fameux trésor du manga éponyme, devenu symbole, dans les quartiers populaires, de la soif de liberté qui y gronde. D’un projet qui se mettrait à hauteur d’enfants et chercherait leur bien-être et leur libération. Ce projet, c’est celui de l’écologie pirate.

Avec le collectif Reprise de terres en rédacteurs en chef invités : 180 pages pour défendre nos terres agricoles contre l’accaparement. Nous sommes au seuil d’une catastrophe foncière. Dans les dix prochaines années, la moitié des agriculteurs français va partir à la retraite, et c’est près d’un quart du territoire français qui va changer de mains. Alors comment inventer des tactiques foncières, politiques et juridiques pour contrer cet accaparement ? Comment résorber les divisions historiques entre paysannerie et protection du vivant ?

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La semaine de la randonnée c’est du 19 au 26 mars 2023 (la 13e semaine de l’année), une centaine de clubs de randonnée de notre département vont organiser une grande partie de leurs sorties hebdomadaires tout au long du GR®2013, sorties ouvertes au grand public.

La Fête des Sports de Nature organisée par le Département des Bouches-du-Rhône aura lieu les 27 et 28 mai 2023 au Domaine de Cabasse à Miramas. Ce week-end sera aussi celui de l’Ultra Randonnée 13. Une boucle de 120 kms à parcourir en marchant d’une traite autour de l’Etang de Berre, partant de Miramas !

COLOPHON

Un carnet réalisé par le Bureau des guides du GR2013 Design graphique : Super Terrain

27 ET AUSSI...

L’AGENDA DES 10 ANS

TAKING THE COUNTRY’S SIDE PRENDRE LA CLEF DES CHAMPS

Sébastien Marot

Du 10 février au 21 mai 2023

Friche la Belle de Mai — Marseille

Exposition

TRAME VERTE PRATIQUÉE

Collectif SAFI

Samedi 25 mars 2023

Balade

VOIX D’EAU

Louise Gras

Dimanche 2 avril 2023

Conférence

L’ÂGE DU FAIRE : ENCRE

Collectif SAFI

Samedi 15 avril 2023

Balade

RANDO ARCHIVES

À Miramas

Nicolas Memain

Jeudi 20 avril 2023

SYMPHONIE AGRICOLE #1

De la Ferme du collet des comtes

au Vallon des Hautes douces

Samedi 29 avril 2023

Grande marche

CYCLE TERRES COMMUNES

du 24 au 30 avril 2023

École buissonière

SYMPHONIE AGRICOLE #2

Du MIN des Arnavaux à la Busserine

Samedi 6 mai 2023

Grande marche

VOIX D’EAU

Matthieu Duperrex

Dimanche 7 mai 2023

Conférence

FOS, PORTRAIT DE VILLE

Nicolas Memain

Jeudi 18 mai 2023

Balade

EXPÉDITION

PAMPARIGOUSTE

À Istres

Dimanche 28 mai 2023

Balade sonore

REMBOBINER

L’AUTOROUTE NORD

Nicolas Memain

Samedi 03 juin 2023

Balade

VOIX D’EAU

Dimanche 4 juin 2023

Conférence

SORTIE DU N°2 OBJECTIF LUNE EN JUIN 2023

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