European Forum for Urban Security
BRIDGE - Comprendre et répondre à la polarisation au niveau local
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Publié par le Forum européen pour la sécurité urbaine (Efus), ce document est le résultat du projet BRIDGE – Renforcer la résilience pour réduire la polarisation et la montée de l’extrémisme, qui a été mené entre 2019 et 2021. Il a été rédigé par Eszter Karácsony et Julia Rettig, chargées de mission, sous la direction d’Elizabeth Johnston, déléguée générale, et de Carla Napolano, déléguée générale adjointe, avec l’assistance de Hemma Jari et de Stephanie Stacey, stagiaires à l’Efus, et des partenaires du projet, ainsi que la contribution de Götz Nordbruch (ufuq.de, Allemagne), Adrian Jofre Bosch (Institut Royal Elcano, Espagne), Tim Chapman (Université de l’Ulster, Royaume-Uni), Eolene Boyd-MacMillan (Université de Cambridge) et Markus Pausch (Université des Sciences appliquées de Salzbourg, Autriche). L’usage et la reproduction sont libres de droits s’ils sont effectués à des fins non commerciales et à condition que la source soit spécifiée. Editing et traduction : Nathalie Bourgeois Révision : The Editorialist Mise en page : Marie Aumont Illustrations : Thibéry Maillard Impression : Technicom, Boulogne-Billancourt Imprimé en juin 2021 ISBN : 9782913181878 Dépôt légal : juin 2021 Forum européen pour la sécurité urbaine 10 rue des Montibœufs 75020 contact@efus.eu - www.efus.eu
Cette publication a été cofinancée par le Fonds pour la sécurité intérieure - Police de l’Union européenne. Elle n'engage que ses auteurs et la Commission européenne ne peut être tenue pour responsable de l'utilisation qui pourrait être faite des informations qu'elle contient.
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BRIDGE – Comprendre et répondre à la polarisation au niveau local
Remerciements
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Le projet BRIDGE a été mené grâce à l’engagement et la contribution des représentants des institutions partenaires suivantes : Bruxelles (Belgique), Conseil départemental du Val-d’Oise (France), Düsseldorf (Allemagne), Gouvernement de Catalogne (Espagne), Genk (Belgique), Igoumenitsa (Grèce), Louvain (Belgique), Reggio Emilia (Italie), Région Ombrie (Italie), Rotterdam (Pays-Bas), Stuttgart (Allemagne), Terrassa (Espagne), Vaulx-en-Velin (France), ufuq.de (Allemagne) et l’Institut royal Elcano (Espagne). Nous remercions les élus et leurs équipes, ainsi que les membres du panel d’experts, d'avoir partagé leur expérience et leurs connaissances, et pour leur travail et leurs idées qui nous ont été précieuses. Nous remercions également la Commission européenne pour son soutien financier sans lequel ce projet et cette publication n’auraient pas été possibles.
Partenaires du projet Quentin Degrave (Val d’Oise, France), Hadelin Feront et Farida Belkacem (Bruxelles, Belgique), Tanja Schwarzer (Düsseldorf, Allemagne), Lluis Paradell (Gouvernement de Catalogne, Espagne), Karien Lantmeeters et Bieke Vancraeynest (Genk, Belgique), Telis Karapiperis, Dimitris Rossakis et Garifalia Bastiano (Igoumenitsa, Grèce), Miran Scheers, Jana Nickmans et Anneleen Oyen (Louvain, Belgique), Selma Cherif el Meslouhi (Reggio Emilia, Italie), Cinzia Ercolani (Région Ombrie, Italie), Ineke Nierstrasz, Alia Azzouzi et Aike Janssen (Rotterdam, Pays-Bas), Anna Farraz, Joan Chicón Vallejo, Antoni Flores Lorente, Ana López Hernández (Terrassa, Espagne), Gregor Belgardt et Felix Grünwald (Stuttgart, Allemagne), Claire Bourguignon (Vaulx-enVelin, France)
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Institutions partenaires du projet Götz Nordbruch (ufuq.de, Allemagne) et Adrian Jofre Bosch (Institut royal Elcano, Espagne)
Autres contributeurs Michela Morelli, Antonino Azzara, Stefano Anastasia, Lorenzo Fanoli (Université de Pérouse, Italie) L’équipe Efus et Moritz Konradi, chargé de mission
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Sommaire
>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Avant-propos - par Elizabeth Johnston......................p. 8 Introduction................................................................. p. 11 Chapitre 1 : Comprendre la polarisation – concepts clés et observations..................................................... p. 18 Polarisation et cohésion sociale.................................................... p. 20 La polarisation et ses principaux acteurs...................................... p. 21 Polarisation, conflits et tensions................................................... p. 22 Polarisation et radicalisation......................................................... p. 24 Réseaux sociaux, isolation sociale et polarisation......................... p. 26 Le terme de polarisation tel que nous l’utilisons dans cette publication.................................................................................... p. 27 Le rôle des collectivités territoriales et régionales dans la réponse à la polarisation................................................................................... p. 28
Chapitre 2 : Diagnostiquer la polarisation par des audits locaux – indicateurs et outils ......................... p. 30 Indicateurs et outils.................................................... p. 32 Données démographiques............................................................ p. 33 Structures sociales........................................................................ p. 34 Participation sociale et politique................................................... p. 35 Perspectives différentes sur les réalités locales ............................ p. 36 Facteurs de risque......................................................................... p. 36 Personnes clés.............................................................................. p. 37 Facteurs de protection................................................................... p. 37
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Sélection des outils de l’audit.................................. p. 39 Questionnaire/enquête de polarisation (jeu à somme nulle)......... p. 39 Identifier les personnes ressources/bâtisseurs de pont/agents de liaison potentiels et réels.............................................................. p. 43 Le Quick Scan de Rotterdam......................................................... p. 44 Échelle de participation................................................................. p. 46
L’examen éthique....................................................... p. 49
Chapitre 3 : Répondre à la polarisation – stratégies innovantes de prévention et de réduction................ p. 50
Chapitre 4 : Intégrer la question de la polarisation dans les politiques de sécurité urbaine – recommandations pour les collectivités territoriales................................................................... p. 70
Bibliographie et ressources ....................................... p. 84
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Avant-propos
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Depuis quelques années, nous assistons en Europe à une polarisation croissante de la société. Bien qu’elles soient souvent liées à des causes et des discours polarisants de dimension internationale ou nationale, les divisions sociales et les tensions accrues entre les groupes et les communautés ont un impact local, et affectent la vie paisible et démocratique des villes et des régions européennes. Les collectivités territoriales ont ainsi un rôle central et stratégique à jouer pour prévenir et surmonter la polarisation et favoriser la cohésion sociale. La réponse à ce phénomène déstabilisant commence en faisant face aux causes profondes de la polarisation. L’approche du Forum européen pour la sécurité urbaine est fondée sur la conviction que la prévention des discriminations et de la marginalisation de certains groupes ou communautés contribue à renforcer les liens sociaux et la résilience individuelle et collective. Pour prévenir ou surmonter la polarisation, il est essentiel de promouvoir et de faciliter un dialogue entre tous les groupes et secteurs de la société et de renforcer la participation et l’inclusion de tous les citoyens. Après plusieurs années de travail par l’Efus et ses membres sur la prévention de la radicalisation menant à la violence et à un extrémisme croissant à l’échelle locale, appréhender le problème de la polarisation est l’étape suivante logique où l’on cherche à répondre aux causes profondes. Ceci est nécessaire dans la mesure où la polarisation peut rendre les sociétés plus vulnérables à la radicalisation et à l’extrémisme. Cependant, s’attaquer à la polarisation est un domaine d’action relativement nouveau, en particulier à l’échelle locale.
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Le projet BRIDGE – « Renforcer la résilience pour réduire la polarisation et la montée de l’extrémisme » mené par l’Efus était dans ce sens une initiative innovante. Lancé en 2019 avec le soutien financier de l’Union européenne, le projet a réuni 13 collectivités territoriales de sept États membres de l’UE, qui ont travaillé intensément pendant deux ans et demi, avec le soutien de l’Efus et d’un panel d’experts pluridisciplinaires. Cette publication réunit les connaissances et enseignements de ce projet. Elle est destinée à donner aux villes des éléments sur les concepts clés, ainsi que des recommandations concrètes sur la manière de mesurer et de répondre à la polarisation. Ce guide pour les collectivités territoriales ne prétend pas donner une réponse exhaustive au phénomène complexe de la polarisation, qui évolue constamment, mais il présente une sélection de concepts, d’outils et de pratiques qui peuvent être opérationnalisés et adaptés à divers contextes locaux et régionaux. Prendre en compte le phénomène de la polarisation peut ainsi compléter et renforcer les stratégies locales de sécurité.
Elizabeth Johnston Déléguée générale de l’Efus
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Citations de partenaires du projet « Louvain est une ville multiculturelle avec un haut degré de cohésion sociale, de diversité et de cohérence, qui jouent un rôle important pour protéger la ville de la polarisation et de l’extrémisme. Toutes nos politiques visent à renforcer les liens entre les habitants, c’est pourquoi nous travaillons de près avec eux et les considérons comme des partenaires dans notre approche globale et intégrée. Cette collaboration intense avec toutes les strates de la société nous permet d’aborder les problèmes avec rapidité et selon une approche intégrée. La ville considère que la diversité est une force positive. Nous prenons soin les uns des autres, quelle que soit notre origine ». Mohamed Ridouani, Maire de Louvain
« En poursuivant l'engagement de la ville sur les questions du vivre ensemble, notamment auprès d'instances participatives telles que les Conseils de quartiers, le conseil citoyen, le conseil des seniors et le conseil des parents d'élèves, le projet BRIDGE de lutte contre la polarisation s'inscrit dans la stratégie locale de la prévention de la délinquance, en lien avec le Plan territorial de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et de lutte contre les discriminations, signé en 2014. Le but est de se reconnaître dans les règles établies de la République qui visent à protéger les uns et les autres ». Hélène Geoffroy, Maire de Vaulx-en-Velin
« Dans une ville où cohabitent plus de 170 nationalités, de multiples niveaux d’éducation, classes sociales et croyances religieuses, il y aura toujours des sujets qui peuvent mener à la polarisation et aux tensions sociales. Notre politique est de prévenir les situations de tensions et de violence qui sont causées par la polarisation. Ce faisant, nous pouvons contribuer à construire une Rotterdam où règne le respect et où il y a place pour toutes sortes d’opinions différentes ». Ahmed Aboutaleb, Maire de Rotterdam
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Introduction
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> La polarisation comme facteur clé dans le travail de prévention de la radicalisation et de l’extrémisme Depuis quelques années, le phénomène de la polarisation occupe de plus en plus le champ des débats académiques et a fortiori politiques. On assiste à une polarisation croissante de nos sociétés, où le consensus général sur les valeurs partagées et les fondements du système démocratique semble se fissurer. Dans ce guide, le terme « polarisation » fait référence à la polarisation pernicieuse qui renforce les tensions au sein de la société, et donc menace la démocratie et la cohésion sociale tout en sapant la résilience des communautés. La polarisation est un processus au cours duquel le renforcement des différences entre groupes sociaux peut être la conséquence ou la cause de tensions accrues. Les inégalités sociales et économiques, la marginalisation de certains groupes et le manque de représentation ou de participation de tous les citoyens au processus démocratique peuvent alimenter la polarisation. Lorsque les sociétés sont divisées et fragmentées, les groupes ou individus qui se perçoivent comme marginalisés ou considèrent leur identité menacée sont davantage susceptibles d’être attirés par les discours négatifs sur l’ « autre » groupe, avancés par les acteurs polarisants, ceux qu’on appelle les « pousseurs » de la polarisation. Ces discours polarisants amplifient les différences, alimentent l’hostilité entre les groupes et nient l’existence d’un socle commun de valeurs partagées. L’hostilité contre les autres groupes, la pensée « eux et nous » et la négation d’un socle commun de valeurs sont des traits communs aux deux phénomènes de la polarisation et de la radicalisation conduisant à l’extrémisme violent. Le travail sur la réponse au phénomène de la polarisation dans le cadre du projet BRIDGE découle de celui réalisé ces dernières années par le Forum européen pour la sécurité urbaine (Efus) et ses partenaires, dans le domaine de la prévention de la radicalisation menant à l’extrémisme violent. Dans le cadre de différents projets financés par l’Union euro-
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péenne, un intense travail collectif a été mené sur l’identification de domaines concrets d’intervention, l’élaboration d’actions pratiques de prévention de la radicalisation à l’échelle locale1 et le développement de stratégies locales de prévention2. Dans un contexte marqué par une série d’attentats terroristes en Europe, comprendre et prévenir les processus de radicalisation, et développer des stratégies de prévention pour renforcer la cohésion sociale et la résilience, est devenu prioritaire dans les politiques de sécurité de nombreuses collectivités territoriales3. Il est tout aussi important de comprendre et prévenir les dynamiques de polarisation à l’échelle locale car les tensions et les divisions dans la société peuvent amplifier les facteurs psychologiques et sociaux qui contribuent à rendre les individus vulnérables aux processus de radicalisation. La polarisation peut en effet être considérée à la fois comme une cause et comme une conséquence de l’extrémisme violent. À l’inverse, négliger les phénomènes de tensions accrues entre les groupes sociaux à l’échelle locale peut renforcer la pensée « eux et nous », et intensifier la polarisation, ce qui contribue à créer un terreau fertile pour les processus de radicalisation et leurs dynamiques extrémistes. Les stratégies municipales efficientes de réponse et de prévention des processus de radicalisation menant à l’extrémisme violent doivent ainsi intégrer des approches de réduction ou de prévention de la polarisation entre différents groupes dans la population locale.
La polarisation comme thématique transversale des politiques de sécurité urbaine en Europe La polarisation est une thématique transversale qui peut être observée, étudiée et définie dans le cadre de plusieurs disciplines (psychologie, santé publique, sociologie, sciences politiques, théorie de la démocratie, études des conflits, justice restaurative, sécurité urbaine). Chaque discipline éclaire un aspect différent des phénomènes complexes de polarisation. La psychologie se concentre sur les schémas de pensée et les 1- Voir Efus (2016). Prévenir et lutter contre la radicalisation à l’échelon local. 2- Voir Efus (2017). Prévention de la radicalisation menant à l’extrémisme violent – Guide méthodologique pour l’élaboration d’une stratégie locale. 3- Voir les conclusions et les recommandations pour les collectivités territoriales du projet PRACTICIES : Efus (2020). PRACTICIES. Partenariat contre la radicalisation violente dans les villes.
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comportements qui caractérisent la polarisation chez les individus, les groupes et les communautés. Ceux-ci comprennent une pensée « eux et nous » peu complexe (nous avons raison, ils ont tort ; nous sommes bons, ils sont mauvais) et un système de pensée « jeu à somme nulle » (s’ils gagnent, nous perdons), qui sont des facteurs prédictifs clés des groupes polarisés. Ceci peut amener les individus, les groupes ou les communautés à se sentir incapables de trouver les moyens de tolérer et de travailler de façon pro-sociale avec les différences et les désaccords. La sociologie met l’accent sur les inégalités socio-structurelles et le phénomène de l’exclusion et de la marginalisation qui peuvent être des facteurs moteurs dans la polarisation. La perspective des sciences politiques analyse la polarisation dans le cadre d’idéologies, de mouvements et de partis qui sont en compétition et de diverses formes de participation politique et civique. Le point central est l’analyse des relations de pouvoir. Les sciences politiques s’intéressent aux cadres institutionnels et à leurs interactions, mais aussi aux relations avec les citoyens en tant que souverains. Les processus de polarisation sont ainsi analysés en termes à la fois de polarisation politique entre les partis et de division de l’électorat. La sous-discipline de la théorie de la démocratie pose la question du degré auquel les processus de polarisation affectent la qualité de la démocratie et l’équilibre des pouvoirs au sein d’une entité politique. Différentes approches se concentrent sur les modes de délibération ainsi que l’émergence et l’existence de dynamiques populistes. Plus récemment, l’analyse et le développement d’innovations dans la démocratie, qui devraient favoriser l’inclusion et la participation, sont devenus une branche importante de cette discipline. L’étude des conflits examine des modèles de conflits, les dynamiques d’escalade et les moyens d’intervention potentiels, tandis que la discipline de la justice restaurative met l’accent sur la responsabilité, le dialogue, la médiation, les connexions et la (re)création de relations justes. Une approche holistique, pluridisciplinaire et multisectorielle est nécessaire face à la nature complexe de la polarisation, dans le cadre d’une approche stratégique de la sécurité urbaine telle que la conçoit le Forum
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européen pour la sécurité urbaine. Une telle approche stratégique met en avant « l’équilibre entre prévention, sanction et cohésion sociale » et cherche à « garantir l’inclusion sociale dans tous les aspects et domaines des politiques de sécurité locales »4. Les politiques de sécurité intégrées sont centrées sur la participation citoyenne et la coopération multi-acteurs, et associent tous les groupes vivant dans une municipalité ou une région à la définition des objectifs et des méthodes pour la coproduction de solutions. Seule une municipalité qui favorise la solidarité au sein d’une société pluraliste et diverse peut être résiliente et garantir une sécurité pour tous. Surmonter la polarisation qui, par définition, implique une rupture des liens sociaux et une absence de dialogue, d’échanges intercommunautaires et de voies productives pour résoudre les conflits, est une précondition de toute politique de sécurité urbaine réussie. Dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire, le rôle des collectivités territoriales est particulièrement important dans la mesure où, d’une part, la polarisation se manifeste localement, alimentant les conflits et la radicalisation au sein des municipalités, et où, d’autre part, les collectivités territoriales ont de larges compétences en matière de prévention des violences et de promotion de la cohésion sociale. De plus, les structures municipales de prévention de la criminalité sont les mieux placées pour diagnostiquer et surveiller la polarisation, sensibiliser, la réduire sur le court et le long terme, et outiller les acteurs locaux pour qu’ils puissent la prévenir. En particulier, les maires et les autres élus locaux et régionaux jouent un rôle clé dans la réponse à la polarisation à l’échelle locale. Lorsque les élus assument le leadership politique dans les stratégies et initiatives de prévention de la ville dans l’objectif de renforcer la cohésion sociale, cela contribue à donner de la visibilité à celles-ci et favorise leur acceptation par le public. Associer la population locale à de telles démarches contribue à renforcer ou rétablir la confiance entre les citoyens et leurs institutions locales, notamment en renforçant l’inclusivité et la transparence des processus de décision politique.
4- Efus (2017). Manifeste : Sécurité, démocratie et villes - Coproduire les politiques de sécurité urbaine, p. 15.
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Ainsi cette publication est-elle destinée aux collectivités territoriales, ainsi qu’aux autres acteurs locaux. Elle décrit le concept de polarisation et présente des outils et des recommandations concrètes sur la manière de détecter, prévenir et réduire la polarisation à l’échelle locale ou régionale.
Le projet BRIDGE Cette publication présente les résultats et les outils du projet européen BRIDGE – « Renforcer la résilience pour réduire la polarisation et la montée de l’extrémisme » qui a été mené par l’Efus. Ce projet cofinancé par la Commission européenne dans le cadre du programme ISF-P a réuni un consortium de 13 collectivités territoriales de sept pays : Bruxelles (Belgique), Conseil départemental du Val d’Oise (France), Düsseldorf (Allemagne), Gouvernement de Catalogne (Espagne), Genk (Belgique), Igoumenitsa (Grèce), Louvain (Belgique), Reggio Emilia (Italie), Région Ombrie (Italie), Rotterdam (Pays-Bas), Terrassa (Espagne), Stuttgart (Allemagne), Vaulx-en-Velin (France). Deux partenaires experts faisaient également partie du consortium : l’Institut royal Elcano, un think tank basé à Madrid qui est spécialisé dans les études internationales et stratégiques, ainsi que l’association ufuq.de basée à Berlin, qui propose des formations et des ateliers sur des sujets tels que la prévention de la radicalisation, l’islamisme et la culture jeune, et les discriminations et le racisme. Enfin, un panel pluridisciplinaire d’experts est intervenu en soutien du consortium pour travailler sur la définition des principaux concepts liés à la polarisation, et accompagner les partenaires locaux et régionaux dans la mise en œuvre de leur projet pilote. Le projet BRIDGE avait pour objectif de renforcer les capacités des collectivités territoriales à détecter et évaluer les tensions et la polarisation dans leur territoire, et à soutenir le développement d’activités pour prévenir et réduire les causes et les effets de la polarisation, et favoriser la participation citoyenne et la cohésion sociale. Une définition de travail ainsi que des méthodes et des indicateurs permettant d’analyser le phénomène de la polarisation ont tout d’abord été élaborés selon une approche pluridisciplinaire, donnant ainsi au projet son cadre conceptuel. Dans un deuxième temps, chaque ville et région partenaire a réalisé un audit afin d’identifier les formes et les dynamiques
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de polarisation à l’œuvre dans leur territoire. Ces audits comprenaient une analyse approfondie des données socio-économiques et démographiques locales, ainsi que des enquêtes, interviews et groupes de parole avec les acteurs locaux pertinents afin d’identifier un certain nombre d’indicateurs : les déficits structurels, les acteurs polarisants présents sur le territoire, les facteurs de risque ou les vulnérabilités des groupes et des individus, et les facteurs protecteurs qui, au contraire, renforcent la résilience des groupes et des communautés. Ces évaluations locales ont permis aux partenaires du projet d’étudier les risques et les problèmes existant dans leur collectivité, ainsi que les capacités et les ressources mobilisables pour contrer la polarisation et éviter une dérive vers des tensions accrues et la violence. À partir des résultats de ces audits locaux, les municipalités et gouvernements régionaux ont développé des activités concrètes (des projets pilotes) destinées à analyser de façon plus approfondie la polarisation locale, son degré de prévalence et les risques qu’elle comporte, ainsi qu’à en mitiger les effets et les causes en sensibilisant et en formant les acteurs locaux et en renforçant la résilience des communautés locales et la cohésion sociale dans leur ville ou région. Cet audit de polarisation et les activités de prévention et de réduction peuvent être intégrés aux stratégies de prévention des villes et aux plans d’action qui les accompagnent. La pandémie de Covid-19 s’est déclarée pendant la phase de développement des projets pilotes. Ceci a affecté la capacité des collectivités territoriales partenaires du projet à conduire les activités prévues, rendant impossible la tenue de réunions individuelles ou de groupe et d’événements présentiels. De plus, certaines municipalités ont estimé que la pandémie et les mesures de restriction avaient, dans une certaine mesure, un effet polarisateur. Elles ont pris cela en compte à l’heure d’élaborer leurs projets pilotes, par exemple en cherchant à recueillir les expériences de la pandémie et leurs effets sur la santé mentale publique et les liens sociaux au travers d’une enquête locale approfondie.
Plan de la publication Cette publication apporte aux acteurs de la sécurité urbaine une
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approche pragmatique et des recommandations concrètes leur permettant de répondre à l’échelle locale au phénomène de la polarisation. Le premier chapitre présente les concepts clés de la polarisation tels que compris par différentes disciplines académiques, établissant ainsi un cadre conceptuel holistique et pratique pour une meilleure compréhension du phénomène. Sont ensuite abordés les relations entre la polarisation, les concepts de sécurité urbaine et la cohésion sociale, ainsi que le rôle clé des collectivités territoriales pour répondre à la polarisation. Le second chapitre est centré sur le diagnostic de la polarisation à l’échelle locale et régionale : il souligne l’importance d’une analyse solide et d’une évaluation des acteurs, des facteurs, des thèmes et des discours polarisants. Des indicateurs d’évaluation, des outils et des méthodes de diagnostic sont accompagnés de conseils pratiques pour leur utilisation et sur les ressources nécessaires. Il s’agit ici de permettre aux acteurs locaux d’identifier les méthodes, outils et indicateurs les plus appropriés pour eux. Ce chapitre comprend aussi des réflexions sur les résultats des audits conduits par les collectivités territoriales dans le cadre de BRIDGE. Le troisième chapitre présente des mesures et des stratégies pratiques, innovantes et durables pour prévenir et réduire la polarisation à l’échelle locale et régionale, ainsi que des plans d’action et des projets concrets pour favoriser la résilience et la cohésion sociale à l’échelle locale et régionale. Le quatrième chapitre comprend des recommandations méthodologiques concrètes pour permettre aux collectivités territoriales d’incorporer et d’évaluer la question de la polarisation dans le cadre de leurs politiques et initiatives locales de sécurité urbaine et de leurs stratégies de prévention. Il donne des conseils pratiques et des directives concrètes sur le diagnostic, la prévention et la réduction de la polarisation. Enfin, il présente les principales conclusions à tirer des activités locales de réduction de la polarisation et de renforcement de la résilience des communautés locales. Une liste de ressources, d’outils et de documents de référence est incluse à la fin de cette publication.
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Chapitre 1
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Comprendre la polarisation – concepts clés et observations
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Polarisation et cohésion sociale Définir un terme comme celui de « polarisation », avec toutes ses nuances, n’est pas facile, surtout si l’on considère que l’une des causes principales de la polarisation est une simplification à outrance de la réalité, ce qui provoque des confrontations fondées sur un manque de compréhension mutuelle. Après tout, la notion de démocratie présuppose une société où cohabitent les différences et les intérêts opposés. Le terme de polarisation ne fait pas référence à la diversité et au pluralisme politique, social, culturel et religieux, mais à une fragmentation croissante de la société en groupes antagonistes qui se perçoivent comme adversaires les uns des autres sur des questions existentielles ayant trait à l’avenir de la société5. Si la démocratie est construite sur des valeurs et des principes partagés et, idéalement, des liens sociaux, la polarisation, elle, désigne une fragmentation sociale et politique qui remet en question ce socle commun. Dans le cadre du projet BRIDGE, le terme polarisation est utilisé en fonction de cette définition de travail élaborée par le consortium du projet : une fragmentation croissante de la société en groupes antagonistes perçus comme étant des adversaires sur les questions existentielles liées à l’avenir commun. Elle se caractérise par des formes aiguës de pensée « eux et nous », le rejet de l’« autre » et l’absence de dialogue. La polarisation peut favoriser la dérive d’une communauté, d’un groupe ou d’un individu vers la radicalisation, la violence et la criminalité, alors que la réduire renforcera la cohésion sociale, la résilience et le progrès démocratique. La cohésion sociale signifie l’existence de liens sociaux : elle « tient » la société ensemble par la confiance, la réciprocité et la solidarité. Une société peut connaître une certaine forme de polarisation et, en même temps, un certain degré de cohésion sociale. Par exemple, il peut y avoir un paysage politique très polarisé et divisé, où les groupes politiques ne partagent pas de valeurs communes, au sein d’une société 5- Par exemple : la Suisse est un pays décentralisé caractérisé par l’existence de trois principaux groupes de population, chacun avec sa langue – français, allemand et italien –, ce qui se reflète dans la structure politique et territoriale. En dépit de leurs différences, les trois groupes se considèrent comme faisant partie à parts égales de la société suisse. Si la polarisation s’est accrue récemment en Suisse autour des questions d’immigration et de l’affichage en public de symboles religieux musulmans, le multilinguisme peut être considéré comme une politique publique qui respecte la diversité et le pluralisme et ne favorise pas la fragmentation et la polarisation.
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généralement cohésive où il existe un consensus général sur les normes et les valeurs du système démocratique. Bien que le lien entre cohésion sociale et polarisation soit complexe et fluide, il existe des indicateurs observables et expérientiels6 qui peuvent permettre aux collectivités territoriales d’évaluer et de surveiller la cohésion sociale et la polarisation à l’échelle locale (voir chapitre 2).
La polarisation et ses principaux acteurs Dans son livre Polarisation: Understanding the dynamics of us versus them7 (« la polarisation : comprendre la dynamique eux et nous ») Bart Brandsma présente la polarisation comme une interprétation de la société qui est fondée sur les catégories « eux et nous », alimentée par les discours identitaires qui renforcent la catégorisation en groupes opposés, et maintenue par des expériences de menace, de peur, d’anxiété et de colère. De nombreuses études ont montré qu’un sentiment de menace à une époque incertaine peut conduire les individus et les communautés à chercher refuge dans des groupes homogènes régis par des règles claires d’inclusion et d’exclusion, et qui apportent un sentiment de sécurité et de sûreté8. Brandsma distingue différents rôles ou acteurs qui interviennent dans un processus de polarisation. Les « pousseurs » sont les moteurs et les avocats des groupes antagonistes ainsi que de leurs identités. Ils provoquent ou renforcent les tensions et les divisions entre les groupes, en exploitant des incidents ou des conflits et en disséminant des discours antagonistes et hostiles sur les autres groupes. Afin d’attiser la polarisation, ils font appel aux émotions et aux sensations plutôt qu’au raisonnement et à l’évaluation des faits. Les « rejoigneurs » sont les gens qui ont été réceptifs aux arguments des « pousseurs » et qui ont choisi un camp. La polarisation est un processus qui requiert une attention et une communication constantes pour pouvoir se développer et évoluer.
6- Voir par exemple UNODC (2010). Manual on victimisation surveys, p.4. ou Conseil de l’Europe (2005). Guide méthodologique pour l’élaboration concertée des indicateurs de la cohésion sociale, Strasbourg, Council of Europe Press. 7- Brandsma, B. (2017). 8- Schmid et al. (2009).
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Les « bâtisseurs de pont » qui cherchent à dialoguer avec et à arbitrer les groupes opposés peuvent, en reconnaissant leur antagonisme, renforcer involontairement les dynamiques de polarisation. Enfin, la catégorie de « boucs émissaires » désigne les personnes ou les groupes qui sont condamnés et attaqués. Dans une dynamique de polarisation, des points de vue de plus en plus extrêmes sur la supériorité de l’endogroupe et les déficiences de l’exogroupe sont adoptés par les membres du groupe, ce qui renforce la polarisation dans une boucle de rétroaction dysfonctionnelle9. Bart Brandsma dit qu’il existe des spectateurs au milieu des groupes polarisés : les gens qui n’ont de vues extrêmes sur aucun des deux groupes et qui essaient de rester neutres. Il recommande de porter attention à ce « milieu », de le renforcer et de lui donner des plateformes d’expression. Selon lui, cela réduirait le pouvoir d’attraction des vues extrêmes, donnerait des exemples de « pensée du milieu » et autoriserait d’autres à penser de cette façon modérée en « rendant OK la pensée grise ». Il est important de noter que la « pensée du milieu » n’est pas la même chose que la pensée majoritaire : l’extrémisme du centre a montré comment des agents institutionnalisés (directement ou indirectement) peuvent initier la polarisation et marginaliser la « pensée du milieu ».
Polarisation, conflits et tensions L’existence de conflits et de tensions est normale. C’est l’escalade des conflits menant à l’extrémisme, l’intolérance et la violence qui pose problème. La polarisation sociale peut être comprise comme une escalade déjà avancée du conflit qu’il est trop tard pour désamorcer par le dialogue démocratique et la négociation parce que les fronts sont déjà endurcis. D’un point de vue social et psychologique, la polarisation et les conflits sont la norme plutôt que l’exception : ce sont des phénomènes sociaux inévitables. Bart Brandsma suggère que « la paix est une longue série
9- Pettigrew, T. F., & Tropp, L. R. (2011); Diamond, A. (2007); Davies, L. (2014).
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de conflits qui ont été résolus avec succès »10. Il propose un modèle en forme d’iceberg où le conflit et la polarisation sont départagés par la ligne de flottaison : le conflit au-dessus et la polarisation en-dessous. On peut aussi prendre l’image du volcan : les fondations profondes et dynamiques du volcan (la polarisation) sont toujours présentes, tandis que la montagne volcanique peut être dormante ou entrer en éruption (conflit), en fonction de divers facteurs internes et externes. Brandsma considère que le conflit est une escalade de la polarisation. On peut empêcher un conflit latent d’éclater en refusant d’alimenter la polarisation, c’est-à-dire en refusant de considérer le conflit sous l’angle du « eux et nous », et au contraire en écoutant toutes les parties prenantes afin de prendre en compte leurs diverses expériences, préoccupations et désirs sociaux sous-jacents. Une fois qu’il a éclaté, un conflit appelle une intervention afin de rétablir la sécurité. De façon similaire à la polarisation et au conflit, les extrémismes sont la norme plutôt que l’exception. On peut définir l’extrémisme comme « une position à l’un des deux extrêmes d’une dimension idéologique (politique, religieuse, éthique, morale, philosophique, écologique, etc.) »11. N’importe qui peut, et beaucoup le font, avoir une position située à l’un des deux pôles d’une dimension idéologique (par exemple « mon parti politique est le meilleur », « toutes les religions sont mauvaises », « ma religion est la seule vraie religion », « les solutions technologiques aux problèmes sont les meilleures », etc.). La possibilité qu’une position extrême alimente la polarisation et éclate en conflit peut dépendre du degré auquel on reconnaît que son propre point de vue est lié à ceux qui se trouvent à un autre point de la palette idéologique. Si l’on se perçoit comme faisant partie de la même dimension que les autres, alors on peut trouver un terrain commun, des intérêts partagés, et reconnaître une humanité commune. Si, à l’inverse, on nie se trouver dans la même dimension, alors on nie l’existence d’une communauté ou d’un espace civique dans lequel participer. Reconnaître ou nier que des vues différentes et même opposées se trouvent dans la même dimension semble être un indicateur de l’absence de radicalisation et d’extrémisme violent. 10- Brandsma, B. (2017), p.65. 11- Suedfeld, P., Cross, R. W., & Logan, C. (2013).
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BRIDGE – Comprendre et répondre à la polarisation au niveau local
Polarisation et radicalisation Il est très important de souligner la différence entre polarisation et radicalisation. La radicalisation peut être définie comme un « processus par lequel des individus ou des factions des groupes polarisés avancent vers une acceptation et une utilisation de l’extrémisme violent et au bout du compte du terrorisme »12. Ainsi, la polarisation peut mener à la radicalisation dans certaines circonstances. On peut aussi trouver des groupes radicalisés dans les sociétés non polarisées et une polarisation sans radicalisation. Les termes « radicalisation » et « extrémismes » sont aujourd’hui les plus couramment utilisés pour désigner les dynamiques par lesquelles les individus, les groupes ou l’opinion publique sont mobilisés pour soutenir ou participer à la violence politique. Le terme « extrémisme cognitif » fait référence aux concepts qui présupposent une suprématie de certaines croyances ou idéologies, ce qui est fondamentalement contraire aux valeurs et aux principes des sociétés libérales et démocratiques. L’extrémisme comportemental ou violent « se réfère aux moyens et méthodes violents auxquels recourent les individus extrémistes pour atteindre leurs objectifs en faisant fi de la vie, des droits et des libertés fondamentales d’autrui »13. Alors que les dynamiques de violence peuvent inclure des idées et croyances radicales et extrémistes, les comportements extrémistes violents ne sont pas linéaires, automatiques ou à sens unique14. Nous devons souligner que nous faisons ici référence aux processus de radicalisation et de polarisation anti-démocratiques et qui menacent la démocratie. Historiquement, le terme « radicalisation » a longtemps été utilisé pour désigner des mouvements démocratiques et émancipatoires contre l’autoritarisme. Les détenteurs du pouvoir qualifiaient les mouvements démocratiques de radicaux, terroristes ou dangereux. C’est toujours le cas dans certaines régions du monde.
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12- Radicalisation Awareness Network, Tackling the challenges to prevention policies in an increasingly polarised society, novembre 2016, p. 3 13- Efus (2017). Prévention de la radicalisation menant à l’extrémisme violent – Guide méthodologique pour l’élaboration d’une stratégie locale, p. 10. 14- Le groupe d’experts de la commission de haut niveau sur la radicalisation, établie par la Commission européenne en 2017 pour élaborer des recommandations pour renforcer les politiques de l’UE contre la radicalisation et l’extrémisme violent, a souligné le lien important entre polarisation et radicalisation. Dans son rapport final publié en mai 2018, le groupe reconnaît l’importance de la polarisation et de l’idéologie extrémiste dans les processus de radicalisation et appelle à poursuivre le travail et sensibiliser sur ces liens (HLCEG-R 2018).
Le concept de démocratie radicale demeure lié à l’avancement de la démocratie, mais d’une façon non-violente et participative. À une époque où l’on assiste à une régression démocratique dans de nombreux pays, il est particulièrement important d’avoir une vue différenciée des processus de radicalisation et de la façon dont les termes « radical », « extrême » ou « terroriste » sont utilisés15. Même au sein de l’Union européenne, des partis extrémistes et anti-démocratiques siègent au gouvernement de plusieurs pays membres, à différents niveaux de gouvernance. Ces partis comprennent la lutte contre la « radicalisation » et « l’extrémisme » comme une lutte contre des mouvements émancipatoires. De plus, la création de discours d’exclusion et l’établissement d’une terminologie « eux et nous », qui renforcent les liens de capital social créés entre égaux au sein de la même communauté, ne doivent pas nécessairement être réels, mais seulement perçus comme tels16. Cette distinction souligne l’importance d’analyser la situation réelle. Les contextes de polarisation peuvent grandement varier et il en va de même, par conséquent, pour les stratégies de prévention efficaces. Par exemple, nous pouvons faire référence au conflit en Irlande du Nord et la polarisation qui le sous-tend, et le comparer à la polarisation de la société allemande autour des questions d’immigration et d’islam. Si le conflit en Irlande du Nord est lié à des questions politiques et territoriales, et donc à des inégalités réelles, la polarisation de la société allemande autour de la migration et de l’islam n’est pas fondée dans la même mesure sur des données factuelles. Cependant, indépendamment de ces différences contextuelles, la fermeture des identités sociales et cette opposition entre les individus engendre la marginalisation et les discriminations et déshumanise l’autre supposément antagoniste avec des fausses informations et des arguments infondés, même en l’absence d’un groupe contraire ou d’une opposition homogène. Si les identités sociales fondées sur des définitions « eux et nous » font partie de la vie et de la communication sociales normales parce qu’elles donnent une identité et une sécurité, 15- Freedom House (2019). 16- Par exemple, des questionnaires ont été développés et validés de façon trans-culturelle pour mesurer la perception des inégalités de revenus (GINI subjectif) et la discrimination perçue, qui peuvent toutes deux alimenter la polarisation.
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BRIDGE – Comprendre et répondre à la polarisation au niveau local
les identités sociales fermées de façon rigide s’avèrent souvent toxiques : elles ne répondent pas seulement à la question « Qui suis-je ? », elles signalent aussi un retrait de la société ainsi qu’une dévaluation et une déshumanisation des autres17.
Réseaux sociaux, isolation sociale et polarisation Depuis quelques années, les réseaux sociaux jouent un rôle important dans les processus de polarisation de nos sociétés modernes et l’émergence d’événements de grande portée (un exemple frappant étant celui de l’attaque contre le Capitole à Washington en janvier 2021). Il est démontré que les algorithmes développés par les plateformes technologiques pour personnaliser les informations que nous recevons à partir des données de navigation sont devenus des instruments de contrôle du flux d’informations et influencent de façon croissante l’opinion publique et la distribution de l’information. Le retrait des informations qui contredisent les points de vue des utilisateurs et cause de fait leur isolement au sein de leur bulle idéologique, est connu comme le phénomène des chambres d’écho18 ou des bulles. Cet isolement polarise la société, et réduit l’opposition et la confrontation des idées à un exercice de complexité cognitive19. 17- De façon similaire, un questionnaire a été développé et validé de façon trans-culturelle pour mesurer le degré auquel les personnes interrogées déshumanisent les autres. 18- Voir par exemple, Pariser, Eli. (2011). The Filter Bubble: What the Internet is Hiding from You. London: Penguin UK. Une étude récente à ce sujet : Cinelli et al., (2020). Cinelli et al. (2020). Echo Chambers on Social Media: A comparative analysis. À partir de la définition selon laquelle « les chambres d’écho se caractérisent par la coexistence de deux éléments : (i) une polarisation des opinions sur un sujet controversé, et (ii) l’homophilie des interactions, c’est-à-dire la préférence pour interagir avec des pairs qui pensent de la même manière » (p.1), l’analyse des données empiriques « confirme l’hypothèse que les plateformes organisées autour des réseaux sociaux avec des algorithmes de flux d’actualités qui prennent en compte les préférences des utilisateurs favorisent l’émergence de chambres d’écho » (p.6). https://arxiv.org/pdf/2004.09603.pdf 19- Avec ou sans chambres d’écho liées aux algorithmes, les internautes répliquent eux-mêmes ce processus de filtrage en ignorant, « n’aimant pas » ou en refusant de manière rigide les vues différentes des leurs. L’exposition à d’autres perspectives ne fait que renforcer les vues préétablies que l’on a au lieu de favoriser une plus grande tolérance des vues autres que les siennes. Le « biais de confirmation » fait référence à la tendance humaine d’interpréter une information nouvelle comme une confirmation d’une opinion existante : nous ne « voyons pas » une information contradictoire, nous l’ignorons ou nous la rejetons. Le biais de confirmation peut exprimer une faible complexité cognitive, un mode de pensée inflexible et fermé qui sont le propre des individus ou groupes incapables de tolérer la différence ou de coopérer avec d’autres en cas de désaccord.
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L’isolement social s’est aggravé avec la pandémie de Covid-19 et a, dans certains cas, créé un terreau idéal pour les discours, modes de pensée et comportements polarisants20. Lorsque les individus, les groupes ou les communautés ne se perçoivent pas comme étant équitablement représentés au sein des institutions responsables de la prise de décision en matière de Covid-19, la cohésion sociale est sapée et la polarisation renforcée.
Le terme de polarisation tel que nous l’utilisons dans cette publication À partir de ces premières définitions et distinctions, il est important de mieux définir comment nous utilisons le terme de polarisation dans cette publication.
La polarisation des idéologies ne signifie pas forcément la polarisation des individus. Dans un contexte politique qui peut être divisé en deux grands blocs, la société n’est pas nécessairement polarisée de la même manière à l’échelle individuelle.
La polarisation n’est pas limitée aux marges de la société, mais peut aussi s’enraciner au centre. Ce que l’on appelle « l’extrémisme du centre », qui s’exprime, par exemple, dans le rôle des partis populistes au sein des gouvernements, est un phénomène relativement nouveau. Comme le montrent les événements politiques récents en Europe, certains élus se livrent délibérément à des discours et des actions conflictuels qui sèment la discorde, et ainsi créent ou renforcent la polarisation.
Il existe une dimension structurelle fondamentale qui joue fortement sur la polarisation et la radicalisation. L’exclusion de certains acteurs et citoyens du débat et de l’arène publics, des processus de prise de décision et des instances de négociation aboutit à une marginalisation des groupes exclus. La capacité d’inclusion des démocraties, par l’institutionnalisation des conflits sociaux au travers de processus
20- Notamment le mouvement américain Qanon, qui diffuse des théories du complot très contestables sur les leaders politiques, a gagné du terrain en Europe depuis le début de la pandémie de Covid-19.
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BRIDGE – Comprendre et répondre à la polarisation au niveau local
régulés permettant l’opposition des idées et des valeurs, a garanti un certain ordre et la stabilité. Cependant, donner une fausse représentation et discriminer certains segments de la population peut avoir de graves conséquences : cela sape la cohésion sociale et alimente les processus de polarisation. Il est ainsi crucial de pallier ces déficits structurels en produisant des mécanismes de prévention de la polarisation afin de réduire les discriminations et d’améliorer la cohésion sociale, y compris la participation démocratique et civique, et de réduire les inégalités, dont celles liées à la santé, car elles sapent le bien-être et la résilience. Ces deux éléments sont des facteurs de protection qui favorisent la participation citoyenne et renforcent la cohésion sociale.
Le rôle des collectivités territoriales dans la réponse à la polarisation De nombreuses collectivités territoriales européennes manquent de connaissances approfondies et détaillées sur les processus de polarisation. Comme nous l’avons vu, la polarisation est un phénomène complexe, protéiforme et qui évolue rapidement. La recherche sur la polarisation et les stratégies de réponse se développent rapidement aussi, mais elles en sont encore à un stade précoce. Si les moteurs de polarisation se trouvent à l’échelle locale, nationale ou internationale, ses effets se manifestent souvent à l’échelle locale, alimentant les tensions, les conflits et les comportements violents dans les collectivités. Les collectivités territoriales sont des acteurs clés face à la polarisation, en raison de leurs compétences étendues et des ressources dont elles disposent pour prévenir les violences et favoriser la cohésion sociale. Leurs structures de prévention de la criminalité et de sécurité urbaine sont les mieux placées pour diagnostiquer et surveiller les phénomènes de polarisation et de tensions à l’échelle locale et régionale. Afin d’obtenir une vision complète des risques et tensions potentiels, les collectivités territoriales doivent inclure tous les groupes, communautés et acteurs locaux pertinents dans le processus d’évaluation, et l’élabora-
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tion de stratégies et d’activités concrètes de prévention ou de réduction de la polarisation. En sensibilisant sur le phénomène de la polarisation, en formant les acteurs, en responsabilisant les acteurs locaux et en associant les citoyens à ces efforts, les collectivités territoriales peuvent renforcer la résilience des communautés locales aux facteurs et aux acteurs de risque. Le suivi permanent des dynamiques et tendances de polarisation devrait être intégré au sein d’approches globales de sécurité urbaine et devenir un pilier des politiques de prévention à l’échelle locale et régionale. Une approche globale permet aux collectivités territoriales de favoriser une société résiliente qui garantit la sécurité de tous. La prévention et le renforcement de la résilience sont des missions clés des collectivités territoriales, dans le cadre des approches intégrées de la sécurité urbaine. Divers acteurs locaux peuvent être mobilisés et contribuer à renforcer la résilience et prévenir la polarisation, tels que les centres de jeunesse, les centres sociaux et de santé mentale, l’accompagnement des familles, les clubs de sport et les communautés religieuses. Les activités de prévention doivent favoriser la tolérance et démontrer que la diversité sociale, culturelle et religieuse constitue l’un des fondements de toute société démocratique et pacifique. Renforcer la résilience signifie encourager les individus à réfléchir sur, et à comprendre, les expériences, perspectives et points de vue différents. Favoriser le dialogue et la participation citoyenne et veiller à ce que les municipalités et autres institutions locales représentent bien la diversité de la population qu’elles servent est fondamental pour préserver la cohésion sociale et prévenir la polarisation.
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Chapitre 2
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Diagnostiquer la polarisation par des audits locaux – indicateurs et outils
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I. Indicateurs et outils
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> La polarisation a de plus en plus d’impact sur les communautés locales. Il est donc essentiel pour les villes et régions qu’elles puissent mesurer son ampleur. L’approche stratégique de la sécurité urbaine (qui, comme nous l’avons vu, devrait aussi avoir pour objectif de prévenir la polarisation) s’appuie sur la connaissance de la réalité du terrain à l’échelle locale. L’Efus promeut de longue date une telle approche, qui doit prendre en compte les facteurs qui composent le paysage de sécurité locale, notamment les données sociales et économiques ainsi que le degré de cohésion sociale, et associer tous les acteurs pertinents à la prévention de la criminalité et à l’amélioration du sentiment local de sécurité21. La mise en œuvre d’actions locales pour réduire et prévenir la polarisation, et ainsi améliorer la sécurité individuelle et collective, demande une compréhension claire et précise des facteurs et acteurs de risque et des tensions et fragmentations à l’œuvre dans une municipalité donnée. La meilleure façon d’obtenir une telle évaluation est de conduire un audit local, c’est-à-dire une analyse systématique du phénomène de la polarisation, dans un contexte et à un moment donné. L’audit est un instantané d’une situation et doit être régulièrement actualisé. Il aide à identifier les priorités, les atouts et les ressources que l’on peut mobiliser pour faire de la prévention, et permet aux collectivités de développer des stratégies concrètes afin de répondre aux problèmes qui auront été identifiés. Un audit local de polarisation comprendra en général une analyse des caractéristiques sociales et démographiques de la ville ou de la région, et l’identification des facteurs et acteurs de risque qui peuvent contribuer à accroître les tensions et la polarisation. Il examinera également l’efficacité des programmes et activités en place pour renforcer la cohésion sociale à l’échelle locale, notamment les services de santé, de 21- Pour plus d’informations sur les audits locaux, voir aussi Efus (2016). Méthodes et outils pour une approche stratégique de la sécurité urbaine.
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logement, sociaux, éducatifs, ainsi que l’environnement institutionnel et politique. Ceci permettra de repérer les opportunités et les pratiques innovantes sur lesquelles s’appuyer. Il est aussi essentiel d’identifier les opportunités de renforcer la participation citoyenne, et d’associer la société civile et les acteurs locaux à l’élaboration d’une stratégie de prévention détaillée22. Nous présentons ci-après les facteurs et acteurs de la polarisation locale que l’audit peut identifier et analyser.
Données démographiques La polarisation n’est pas causée ni liée de façon claire à la diversité démographique. Cependant, les discours toxiques « eux et nous » exploitent souvent certaines données démographiques pour mettre en avant une supposée opposition entre différents groupes de population. Si de tels discours gagnent des adeptes, les tensions et les fragmentations au sein de la société locale se renforcent. L’analyse de tels discours toxiques comparée aux données démographiques peut permettre aux collectivités territoriales d’identifier les marqueurs démographiques qui alimentent les identités collectives supposément antagonistes polarisant la société. Les inégalités socio-économiques et de genre, et l’absence d’opportunités pour les minorités religieuses ou ethniques dans le territoire, sont des facteurs qui doivent être étudiés dans le cadre d’un audit local de polarisation. Il convient de collecter et d’analyser les données suivantes : 1. l’égalité sociale (revenus et distribution du patrimoine, adéquation entre éducation et emploi, groupes d’âge, habitants de souche et nouveaux venus), ce qui intègre les inégalités de santé et leurs déterminants sociaux ; 2. les taux d’emploi et les liens avec le genre, l’âge, l’origine ethnique et le niveau d’éducation ; 22- Ibid.
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BRIDGE – Comprendre et répondre à la polarisation au niveau local
3. la diversité sociale et le multiculturalisme ; 4. les facteurs et éléments démographiques qui ont changé (par exemple la distribution de l’emploi dans le quartier, l’arrivée d’un nouveau groupe de migrants, l’intégration sociale de tel ou tel groupe ethnique ou religieux).
Structures sociales La marginalisation ou l’exclusion de certains groupes ou communautés peut être un facteur de tension et de polarisation. Le manque d’accès égal aux services publics et sociaux, y compris de santé, ainsi que l’exclusion géographique de certains quartiers (notamment par manque de transports publics) ont un effet de ségrégation sur certaines communautés. Ces expériences quotidiennes de marginalisation et d’exclusion peuvent être aggravées par l’expérience de la discrimination, par exemple dans l’accès à l’emploi ou au logement, ou par des pratiques institutionnelles discriminatoires (profilage racial). Lors de l’analyse des structures sociales présentes sur le territoire, il est important d’évaluer les préoccupations en matière de sécurité qui se concentrent sur certains quartiers en particulier. Les troubles liés à des crimes haineux, au trafic de drogue ou à la petite délinquance contribuent au sentiment d’insécurité des habitants, et peuvent avoir un impact sur leur bien-être et leur santé physique et mentale23. Ces craintes et sentiments d’insécurité peuvent être exploités dans les discours polarisants. Recueillir des données sur les thèmes suivants peut donner des informations précieuses sur la résilience des individus et de la communauté, sur la santé mentale publique, et sur les domaines qui demandent des investissements ou des interventions pour réduire ou prévenir une exploitation par des « pousseurs » de polarisation :
égalité d’accès aux services publics (garderies, écoles, transports publics) 23- La mauvaise santé mentale ne se limite pas aux conditions diagnostiquées comme telles, mais comprend aussi les problèmes psycho-sociaux subcliniques qui résultent d’expériences difficiles telles que les ruptures dans les « systèmes de vie » qui caractérisent les sociétés sûres : sécurité, sûreté, réseaux/liens, justice, identités/rôles et moyens de vie (économiques, politiques, religieux, spirituels, autres).
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égalité d’accès aux activités sociales (clubs de sport, associations culturelles)
problèmes de sécurité, sociaux et de santé, y compris la victimisation, l’insécurité et les violences discriminatoires24.
Participation sociale et politique La démocratie et la cohésion sociale sont largement fondées sur la participation et le dialogue, car elles reposent sur le sentiment d’être représenté et sur la participation à la vie de la communauté. Par contraste, les inégalités en matière de participation politique et démocratique peuvent renforcer les expériences d’exclusion et de marginalisation vécues par certains citoyens dans leur vie quotidienne. La marginalisation peut aussi se manifester par l’absence de structures d’assistance et de conseil permettant aux citoyens d’être informés et en mesure de défendre leurs droits. Cela va des politiques anti-discriminatoires aux offices de conseil sur les droits et les aides financières, les réseaux de soutien linguistique, ou les services d’aide psychologique. Les expériences d’exclusion et de marginalisation peuvent aussi être liées à un manque d’espaces où pouvoir discuter en sécurité, et à un manque de dialogue et de relations de confiance entre différents groupes et communautés. De tels services peuvent jouer un rôle clé dans la prévention ou la réduction du niveau de polarisation. Afin d’évaluer le niveau d’exclusion politique et de marginalisation, un audit de polarisation peut observer les aspects suivants : 1. le niveau et la forme de participation dans les processus locaux de prise de décision (dans les quartiers et au niveau municipal, formellement et informellement) ; 2. le niveau d’inégalité dans l’accès local à une assistance privée ou publique en matière de santé mentale, et les structures de soutien.
24- « Un acte de violence discriminatoire est un incident violent que la victime, un témoin ou toute autre personne perçoit comme étant incité par un préjugé ou un parti-pris, l’intolérance ou la haine, qu’il constitue ou non un délit ou un crime d’après le code pénal ». In. Efus (2017), Preventing Discriminatory Violence at the Local Level: Practices and Recommendations, p.20.
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Si le niveau de participation est bas et que le niveau d’inégalités dans l’accès aux services d’assistance est élevé, alors il est probable que la marginalisation et l’exclusion soient présentes dans la société locale, et constituent des facteurs de risque de polarisation.
Perspectives différentes sur les réalités locales Les perceptions de la polarisation peuvent varier selon les perspectives et le rôle de la personne qui est consultée. L’évaluation que fait un agent de police de la situation locale peut varier de celle d’un travailleur social. De même, un citoyen senior aura une perception différente de celle d’une personne plus jeune ou d’une mère célibataire originaire d’une minorité ethnique. Comme il est très important d’obtenir une image fidèle de la polarisation au niveau local, il faut inclure dans le processus les points de vue de différents acteurs d’origines différentes. La polarisation et ses facteurs sont des sujets sensibles, et l’analyse demande de soigneusement prendre en compte l’influence de celle ou celui qui pose les questions ainsi que la façon dont elle ou il le fait, parce que cela aura un effet sur ce que ressent le participant, s’il se sent confortable ou non, et par conséquent sur l’honnêteté de ses réponses.
Facteurs de risque Évaluer une situation dans une ville ou une région demande d’analyser les facteurs de risque qui peuvent favoriser des formes nocives de polarisation. Il convient également d’inclure des données démographiques et une analyse des déficits structurels, avec une évaluation ciblée des sujets ou incidents sociaux ou politiques qui sont importants pour tel groupe ou segment de population. Il peut s’agir par exemple de controverses au sujet des taux de criminalité dans un quartier spécifique, ou des craintes concernant l’implantation d’un abri pour les réfugiés, ou bien des échos de l’actualité politique internationale sur les communautés locales. Pendant la pandémie de Covid-19, la propagation de théories du complot a eu lieu en parallèle à une polarisation des opinions sur la réponse des agences de santé publique et sur les direc-
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tives destinées à enrayer la propagation du virus. Identifier ces sujets controversés est nécessaire avant d’élaborer des stratégies qui répondent aux discours et aux préoccupations locales.
Personnes clés Obtenir une image complète des problèmes de polarisation et des tensions à l’échelle locale demande aussi d’identifier les « pousseurs » (aux deux pôles opposés) et les questions auxquelles ils ou elles s’intéressent. Ceci implique d’identifier les individus, les groupes, les organisations et les institutions, dont la presse locale, qui jouent un rôle dans la dynamique de polarisation à l’œuvre dans le territoire. Pour mener cette évaluation, il convient d’associer divers types d’acteurs avec des origines, un parcours et un rôle distincts dans la communauté locale. Afin de déterminer les stratégies de prévention ou de réduction, il ne suffit pas d’identifier les « pousseurs » mais aussi ceux qui peuvent être des « bâtisseurs de pont », des « agents de liaison » ou des « personnes référentes » au sein des communautés locales. Il s’agit d’individus qui ne sont peut-être pas impliqués dans les controverses ou les discours polarisants, mais qui ont la confiance du public et la capacité à entrer en contact avec divers individus, groupes et communautés. Les mesures destinées à renforcer la résilience des communautés locales et à réduire la polarisation toxique peuvent s’appuyer sur ces individus, qui devraient être associés à l’identification d’activités de prévention et de réduction, recevoir une formation adéquate et être soutenus de façon systématique.
Facteurs de protection Les réseaux locaux, notamment les associations qui jouent un rôle actif dans la vie locale, sociale et culturelle, les partenariats et les pratiques de justice restaurative peuvent aider à contrer la polarisation au niveau local, car ils contribuent à rétablir ou maintenir des relations justes, la confiance, les liens et le dialogue. Autant de facteurs qui renforcent la cohésion sociale, la résilience des communautés et le bien-être des citoyens.
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Les collectivités territoriales devraient investir dans le soutien à ces facteurs de protection, parce qu’ils jouent un rôle important pour prévenir ou réduire la polarisation. Pour ce faire, il convient tout d’abord qu’elles les identifient, et évaluent comment ils entrent en jeu. Ainsi, l’évaluation de tels facteurs protecteurs devrait se focaliser sur : 1. Les structures informelles et formelles des communautés locales et des quartiers qui répondent aux préoccupations sociales et politiques, comme les conseils locaux de prévention de la délinquance, et les capacités de communication et de coordination de ces structures qui favorisent les liens sociaux, arbitrent les conflits et assistent les personnes vulnérables. 2. L’état de préparation des institutions publiques pour recueillir, répondre et traiter les préoccupations locales et conflits locaux. 3. Les personnes-ressources / bâtisseurs de ponts déjà en activité ou potentiels, qui peuvent être perçus comme médiateurs légitimes par tous les groupes sociaux. Une fois évalués les schémas et le fonctionnement des facteurs de protection, on peut recueillir des informations sur la façon dont ils sont perçus par les habitants : fonctionnent-ils bien ? Sont-ils efficaces ? Ou au contraire les habitants pensent-ils qu’ils ont besoin de soutien, de renfort ou d’une réorganisation ? Lorsqu’on recueille les réponses, il est important de garantir la représentation et la participation active des citoyens, ou, au moins, des pourcentages représentatifs des sousgroupes sociaux locaux qui auront été identifiés au préalable. On peut poser les questions suivantes : quels réseaux et partenariats fonctionnent-ils bien ? Pourquoi fonctionnent-ils bien ? Que manque-t-il et que faudrait-il changer ou réformer ?
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II. Sélection des outils de l’audit
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Les outils que nous suggérons servent à identifier, affirmer et renforcer les facteurs de protection et réduire les facteurs de risque. Une approche combinant diverses méthodes est recommandée pour l’audit de polarisation, afin de permettre aux municipalités de « photographier » la polarisation à partir de plusieurs angles, en utilisant des méthodes qualitatives (groupes de parole, entretiens) et quantitatives (analyse des données existantes, dissémination de questionnaires). Combiner ces méthodes permet d’obtenir une image plus large et profonde de la polarisation à partir de données empiriques. Intégrer des données démographiques existantes avec des données quantitatives récentes augmente les bénéfices des investissements antérieurs, permet de réviser les processus de collecte de données afin de les améliorer, et augmente les bases de données pour le suivi régulier et la planification des politiques. Organiser des groupes de parole et des entretiens permet d’obtenir des informations nouvelles et peut initier un processus de construction ou de renforcement de la cohésion sociale. Cependant, réunir des personnes qui ont des points de vue différents demande une bonne préparation, afin d’éviter de perpétuer et de consolider des vues et des discours polarisés entre les groupes et participants opposés. La sélection suivante d’outils d’évaluation apporte des angles et des perspectives différents : certains facilitent la détection de la polarisation et des tensions au sein d’une municipalité, d’autres permettent d’évaluer le niveau de participation ou encore d’identifier les potentiels « bâtisseurs de pont ».
1. Questionnaire/enquête de polarisation (jeu à somme nulle) Ce mode de pensée conçoit la vie comme un jeu à somme nulle où l’on ne peut gagner que si d’autres perdent. Un tel mode de pensée est l’une des causes-racines de la polarisation et des tensions sociales. C’est
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BRIDGE – Comprendre et répondre à la polarisation au niveau local
pourquoi un audit sur le mode de pensée « jeu à somme nulle » est utile pour générer des données empiriques sur la manifestation de la polarisation dans une communauté donnée. L’audit peut apporter aux municipalités des informations précieuses sur l’étendue de la polarisation, ainsi que les facteurs de risque et de résilience. Pour ce faire, le questionnaire utilise le concept du mode de pensée « jeu à somme nulle », qui mesure le degré auquel un individu conçoit les relations intergroupes et sociales comme fixes et hostiles, excluant la possibilité de coopération et de dialogue. L’enquête cherche à déterminer la présence de modes de pensée « jeu à somme nulle » sur une échelle. Il a été démontré que celle-ci est un indice d’hostilité intergroupe.
Opérationnalisation Les questions doivent être adaptées et travaillées pour qu’elles correspondent au contexte spécifique de la collectivité. On peut ajouter des marqueurs territoriaux, comme les noms des gangs ou autres identifiants de polarisation que la municipalité juge pertinents étant donné le contexte local. Un autre aspect important est la façon dont le questionnaire est distribué afin qu’il touche le plus grand nombre possible de personnes et permette ainsi de réunir des données représentatives. Ceci peut se faire en ligne, physiquement sur papier, ou avec une combinaison des deux. Un autre point important est de permettre aux gens de répondre de façon anonyme et sûre, et de garantir que leurs données ne seront ni publiées ni partagées. Si les réponses sont recueillies oralement, les données d’identification et démographiques doivent être enregistrées et classées séparément. Afin que ces études produisent des données valides, leur exécution doit être menée ou soutenue par un partenaire expert qualifié. Les réponses peuvent démentir ou confirmer les perceptions. Les critères de validité supposent que la collecte de données soit fondée sur un échantillon représentatif de la population et que l’étude ne reflète ni ne comprenne aucun biais.
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Exemples concrets Les répondants doivent se sentir à l’aise pour répondre le plus honnêtement possible et doivent être rassurés qu’il n’y a pas de réponse bonne ou mauvaise. Ils doivent pouvoir prendre tout le temps dont ils ont besoin. Ils pourront donner leur niveau d’accord ou de désaccord avec des affirmations comme suit : « Le succès d’une personne est généralement l’échec d’une autre personne ». « La vie est telle que lorsqu’une personne gagne, l’autre personne doit perdre ». « la collectivité territoriale souhaite ce qui est le mieux pour moi et pour ma communauté ». Outre ces affirmations, avec lesquelles les répondants peuvent « ne pas être du tout d’accord » ou « très d’accord », l’enquête peut aussi demander aux répondants de nommer un groupe ou une communauté avec laquelle ils s’identifient le moins.
Ressources nécessaires Afin de formuler des questions pertinentes et d’analyser les réponses, il faut pouvoir analyser des données démographiques anonymisées. De plus, la municipalité doit s’assurer de collecter des données des participants qui représentent la diversité de la population locale. Inciter à remplir le questionnaire, par exemple avec des « bons culturels », des coupons, ou en offrant la possibilité de visiter des lieux ou monuments historiques de la ville, peut être une option pour attirer ceux qui ne répondraient pas autrement. La municipalité doit éviter de collecter des données biaisées en incluant seulement des participants qui sont bien intégrés socialement et qui, par conséquent, ne participent pas à la polarisation. Pour collecter des données valides, il est aussi important de pouvoir répondre rapidement et directement aux participants (par exemple s’ils se sentent mal à l’aise). Afin de garantir que la municipalité puisse travailler à partir des résultats, l’engagement du public doit être soutenu sur la durée.
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BRIDGE – Comprendre et répondre à la polarisation au niveau local
Partenariats Afin d’élaborer et de mettre en œuvre le questionnaire de façon efficace, il convient de collaborer étroitement avec les acteurs suivants : services publics donnant accès aux statistiques et données recherchées ; une université ou un centre de recherche local qui élaborera le questionnaire, conduira l’examen éthique et contribuera à analyser les données et à présenter les résultats de façon claire pour tous ; divers communautés et groupes situés à divers points de l’échelle de polarisation afin de favoriser la participation durable des répondants et, enfin, des organisations locales et nationales qui puissent soutenir/collaborer à des activités avec le public après l’analyse des résultats du questionnaire.
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2. Identifier les personnes ressources/bâtisseurs de pont/ agents de liaison potentiels et réels Une méthode éprouvée pour prévenir la polarisation est de s’appuyer sur des habitants qui peuvent agir comme « bâtisseurs de pont », parce qu’ils ont la confiance de la communauté locale et sont perçus comme médiateurs légitimes par les groupes opposés. Ces personnes peuvent jouer un rôle précieux pour faire baisser les tensions et rétablir le dialogue et la confiance. Une fois identifiées, elles doivent être formées et soutenues, pour qu’elles puissent intervenir à court, moyen et long terme dans leur communauté locale (au sein de certains groupes spécifiques de population et entre différents groupes). Un tel processus doit leur permettre de favoriser la cohésion sociale, en renforçant la confiance et la coopération entre les groupes, et en s’appuyant sur des intérêts mutuels.
Ressources nécessaires Afin d’identifier ces « bâtisseurs de pont » potentiels, les collectivités peuvent consulter les acteurs locaux qui connaissent bien les communautés locales sur le terrain et peuvent recommander des personnes. Celles-ci peuvent être des médiateurs, des travailleurs sociaux, ou des associations qui connaissent et ont accès aux communautés locales. Une fois ces personnes ressources identifiées et contactées, elles doivent être formées sur leur mission et être constamment soutenues et supervisées. La municipalité doit pouvoir être en mesure d’accompagner de la sorte les nouvelles ou nouveaux « bâtisseurs de pont » qui auront été associés au processus par les personnes ressources originales, ce qui rendra le processus en question plus durable. Pour établir un programme de formation pour les « bâtisseurs de pont », il sera peut-être nécessaire de collaborer avec les institutions ou organisations éducatives locales qui peuvent donner une accréditation ou une validation officielle, par exemple en créant un test pratique mesurant une série de compétences et d’aptitudes.
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3. Le Quick Scan de Rotterdam Dans le cadre de leur Approche de la radicalisation, de l’extrémisme et de la polarisation, la Ville de Rotterdam conduit régulièrement des Quick Scans qui donnent une évaluation générale des tensions sociales, des incidents et des sujets polarisants dans la ville. Depuis 2017, la ville conduit un Quick Scan quatre fois par an. Des Quick Scans additionnels sont réalisés à la suite de certains incidents locaux, nationaux ou internationaux. Ce sondage permet à la collectivité territoriale de « prendre la température » de la ville, et d’identifier de façon précoce les tensions, les sujets polarisants et les conflits. Le Quick Scan comprend des entretiens en tête-à-tête et des réunions avec des personnes clés, des acteurs et des représentants des diverses communautés et groupes de la société locale. Il permet de collecter rapidement des informations sur les motifs de préoccupation et les tensions à l’œuvre dans la ville, ce qui permet une meilleure compréhension, avec des réponses pertinentes et ciblées. D’autres sources d’information du Quick Scan sont les rapports ou informations fournis par les services de la jeunesse, qui opèrent en ligne et sur site, par la police et d’autres partenaires.
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Ressources nécessaires Les informations et données du Quick Scan sont fournies par différentes personnes qui représentent et reflètent la diversité de la société locale à Rotterdam. La municipalité est engagée dans un effort à long terme pour établir et maintenir un réseau d’individus qui représentent les différentes communautés, les quartiers, les professions et les catégories démographiques. Ces personnes contribuent à la paix dans la vie quotidienne qui permet aux habitants, quelle que soit leur origine ou leur religion, de vivre ensemble. La municipalité est régulièrement en contact avec ces personnes et organise avec elles des formations et des journées thématiques. Le manuel municipal sur la gestion de ce réseau de personnes ressources souligne l’importance d’investir dans ce projet, autant par temps de paix que lorsque des conflits éclatent. Outre des entretiens avec ces individus, d’autres sources d’information sont utilisées, notamment un suivi et une évaluation des contenus relayés par les réseaux sociaux et autres plateformes en ligne.
Partenariat L’engagement à long terme de la municipalité avec son réseau de personnes ressources est l’élément central de la méthodologie du Quick Scan. De plus, les partenariats avec la police et d’autres services municipaux permettent d’identifier et d’évaluer les informations sur les tensions et la polarisation.
Observations Généralement, les personnes ressources détectent rapidement les signaux de tensions polarisantes. Elles peuvent, en effet, facilement identifier ce qui se passe au sein d’une communauté parce que les gens leur font confiance. On peut distinguer les signaux « doux » et « forts » : les premiers font référence aux sentiments ou préoccupations, et les seconds à des événements ou incidents. Les observations du Quick Scan sont combinées avec d’autres sources d’information, telles que l’évaluation des menaces conduite par la municipalité de Rotterdam pour suivre les tendances à la radicalisation.
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BRIDGE – Comprendre et répondre à la polarisation au niveau local
Le Quick Scan est un élément central de l’approche de Rotterdam en matière de polarisation et de sa stratégie globale de dialogue et de cohésion sociale. La ville fait en sorte que la voix des groupes et des individus modérés soit entendue dans le but de prévenir les tensions. Les « bâtisseurs de pont » locaux jouent un rôle important dans cet effort, car ils ou elles peuvent rencontrer les membres de leur communauté pour maintenir la paix et organiser des activités pour contrer la polarisation lorsque celle-ci apparaît.
4. Échelle de participation La démocratie et la cohésion sociale sont largement fondées sur la participation et le dialogue. Le manque d’opportunités de participer formellement et informellement à la société locale (participation politique, démocratique, sociale ou économique) est un facteur d’exclusion et de marginalisation, et peut être l’une des causes structurelles des processus de polarisation du fait qu’il renforce les tensions.
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L’ « échelle de participation » est un outil pratique pour évaluer les possibilités, les niveaux et les formes de participation des individus à la société locale. C’est un outil visuel qui permet aux collectivités territoriales de représenter et de catégoriser différentes opportunités de participation pour les individus au sein de la société, par exemple au sein de partenariats ou par la participation à des débats et décisions, ou encore en jouissant d’un certain pouvoir de décision25.
Ressources nécessaires pour l’utilisation de l’outil La municipalité doit avoir accès à et la capacité d’analyser des données anonymisées sur la participation conventionnelle et non conventionnelle aux processus démocratiques, dans différents groupes et milieux de la société locale. S’il n’existe pas de données sur les formes conventionnelles et non conventionnelles de participation, la municipalité devrait pouvoir mener une analyse de la perception de la démocratie en utilisant l’échelle de participation et la tester auprès du public. Une fois la phase de collecte terminée, les experts municipaux pertinents peuvent analyser les données et se concentrer sur les groupes et sousgroupes qui se perçoivent comme ayant de l’influence et un pouvoir décisionnaire sur certains aspects de la vie locale. Enfin, les collectivités territoriales doivent avoir la capacité et la volonté politique d’agir en fonction de ces observations ainsi que d’élaborer des stratégies destinées à renforcer la participation du public.
Partenariats Pour réaliser cet exercice, il est recommandé que les collectivités territoriales contactent et/ou dialoguent avec : les institutions nationales ou régionales pertinentes qui puissent leur donner accès aux statistiques et données recherchées ; les communautés et groupes locaux qui ont des perceptions différentes de la participation démocratique ; les organisations locales et nationales qui peuvent parrainer/soutenir la participation du public ; une université locale ou centre de recherche 25- Projet PRACTICIES (H2020-SEC-06-FCT-2016), D4.2 – Échange d’expériences, 28 octobre 2018, p.6.
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BRIDGE – Comprendre et répondre à la polarisation au niveau local
qui peut conduire l’examen éthique et contribuer aux processus de recherche, d’analyse et de reporting ; les institutions éducatives et/ou associations locales telles que les clubs culturels ou sportifs qui peuvent promouvoir la participation des jeunes ; et enfin les travailleurs sociaux et associations qui ont des contacts et des relations de confiance avec les groupes les moins susceptibles de participer politiquement.
Les liens entre les observations et le niveau de polarisation Les observations collectées avec l’échelle de participation permettront aux collectivités territoriales d’évaluer et de répondre aux expériences vécues, quel que soit l’endroit où on peut les situer dans un continuum d’aliénation/participation démocratique et aux prises de décision. Les expériences de marginalisation et d’aliénation, réelles ou perçues, peuvent alimenter la polarisation et saper la cohésion sociale.
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III. L’examen éthique
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Avant de commencer la mise en œuvre, les outils d’audit fondés sur des enquêtes ou des questionnaires doivent passer un examen éthique. Il s’agit, en général, de faire valider les formulaires destinés à recueillir des informations sur les participants ainsi que les formulaires de consentement (les photos, vidéos et enregistrements audio requièrent un consentement distinct). Il convient de vérifier ces prérequis au préalable auprès d’une université ou d’un comité d’éthique (dans certains pays, le processus d’examen éthique est centralisé, alors que, dans d’autres, il est décentralisé et conduit par des instituts de recherche et/ou universités)26. Dès le début de la planification de l’audit, les municipalités doivent établir un partenariat collaboratif avec les chercheurs et les organisations qui contribueront au processus d’examen éthique. Ceci peut aider la municipalité à conceptualiser l’utilisation des outils d’une façon qui, non seulement, corresponde aux standards d’éthique internationaux, mais aussi réponde aux facteurs sous-jacents de risque de polarisation et, à l’inverse, de renforcement de la cohésion sociale. Dans la mesure où un examen éthique peut durer entre quelques semaines et quelques mois, il est important de planifier à l’avance. Un examen éthique n’est pas la même chose qu’un examen juridique, et il est possible que les deux soient nécessaires selon le contexte de chaque municipalité (conformité aux exigences locales, régionales, nationales et européennes). Pendant la crise sanitaire du Covid-19, de nombreux, sinon la totalité, des comités d’examen éthique dans le monde ont donné la priorité aux recherches liées à la pandémie, et ont mis en place des processus d’examen accélérés pour toute recherche en lien avec celle-ci. Dans la mesure où la pandémie a, dans certains cas, amplifié et accéléré la polarisation, y compris les déterminants sociaux et physiques qui contribuent à toute sorte d’inégalités, il peut être bénéfique pour les municipalités de collaborer avec des experts en santé mentale pour inclure des questions liées au Covid dans leur recherche qualitative ou quantitative en matière de polarisation. 26- Cela peut dépendre du contexte national et local. Il convient de vérifier les réglementations en cours afin de s’assurer que l’examen éthique est conforme.
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Chapitre 3
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Répondre à la polarisation – stratégies innovantes de prévention et de réduction
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À partir des résultats et des conclusions de la phase d’audit, qui aura permis à chaque collectivité partenaire d’évaluer le niveau et la forme de polarisation à l’œuvre dans leur territoire, ainsi que les facteurs et acteurs de risque et de protection, les collectivités partenaires ont élaboré des projets pilotes ciblés avec l’aide du comité d’experts BRIDGE. Ces projets ont pour objectif de prévenir ou de réduire la polarisation à court, moyen et long terme. Il s’agit de mettre en place des solutions durables pour prévenir et/ou réduire les causes structurelles de polarisation, plutôt que des actions immédiates et ad hoc de prévention. Ces actions ne peuvent être durables que si les citoyens se les approprient, ce qui veut dire qu’ils doivent être associés au processus d’élaboration et de mise en œuvre aux côtés des acteurs pertinents qui auront été identifiés au préalable, dans le cadre d’une approche « toute la société ». En raison de la situation sans précédent causée par la pandémie de Covid-19, les activités pilotes des partenaires locaux ont dû être adaptées aux circonstances et certaines activités qui nécessitaient une participation en personne ont dû être retardées. À l’heure où nous rédigions cette publication, les mesures de restriction étaient toujours en place (avec des différences selon les pays), ce qui a empêché de conduire les activités prévues. Leur mise en œuvre future reste incertaine.
Ville de Bruxelles : questionnaire de polarisation et méthodologie de groupes de parole L’activité pilote de la Ville de Bruxelles avait plusieurs objectifs : 1. mieux comprendre la structure de la polarisation dans la ville, 2. améliorer les relations entre les communautés locales, 3. combler le fossé entre différents groupes de population et les institutions et collectivités territoriales. Sur la base de ces objectifs, la Ville de Bruxelles a diffusé une enquête en ligne afin de mieux comprendre la structure et les caractéristiques de la polarisation à l’échelle locale, ainsi que l’impact sur celle-ci de la crise du Covid-19.
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Cette grande enquête qualitative cible 5 000 habitants et employés à Bruxelles. Des experts ont contribué à élaborer le questionnaire – afin de garantir la production de données valides et qu’il soit adapté au contexte de la ville – et l’échantillon de la population locale. Un examen juridique et éthique a aussi eu lieu. De plus, pour garantir la validité de l’échantillon de population, et notamment l’inclusion de groupes qui tendent à être exclus de telles enquêtes (les seniors, les migrants, les femmes), la municipalité a mis en place des partenariats entre les services municipaux, tels que ceux de l’enseignement supérieur, les services sociaux et les centres communautaires. Des visites gratuites de monuments et lieux historiques de Bruxelles étaient offertes pour inciter les gens à répondre. Il s’agissait aussi d’illustrer les liens existants entre la ville et ses habitants. Le questionnaire lui-même est testé et disséminé en cinq phases : la première s’adresse aux anglophones en Belgique recrutés au travers d’une plateforme spécialisée telle que Prolific ou Pollfish. Il s’agit de permettre la planification de l’analyse et l’identification des aspects de l’enquête que la municipalité peut amender si besoin. La seconde phase concerne un échantillon de convenance : des membres du personnel municipal de la ville de Bruxelles participent oralement à l’enquête en donnant leur réponse, en français ou flamand, à des collèges qui enregistrent, traduisent et transmettent les informations aux chercheurs. Il n’y aura pas de sondage sur l’expérience utilisateurs. Les individus ne fournissent pas de données réelles : l’accent est mis sur leurs expériences (qui peuvent varier). La troisième phase s’adresse aux franco- et néerlandophones en Belgique recrutés par le biais de plateformes d’enquête pour tester les traductions, les plans d’analyse et régler les derniers problèmes. La quatrième phase est fondée sur un échantillon de convenance des habitants de Bruxelles avec lesquels la Ville a déjà des relations fortes, et qui pourraient préparer le terrain pour des groupes de parole entre travailleurs sociaux et membres des communautés locales, ainsi que réunir des données empiriques sur la polarisation et la santé publique. Enfin, la dernière phase consiste à recruter des personnes de la population générale et
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des sous-groupes ciblés, afin d’améliorer la compréhension empirique de la polarisation et de la santé publique pendant cette période. À l’heure où nous écrivons, l’analyse des résultats par les experts spécialisés restait à faire. Ensuite, la municipalité a prévu d’organiser des groupes de parole entre citoyens et des formations pour les leaders communautaires. Il s’agira de recueillir des informations sur les tensions entre différents groupes de population et d’établir un dialogue continu entre ceux-ci et les collectivités territoriales. Autres actions prévues : Recrutement et formation de leaders communautaires aux méthodes de facilitation du dialogue (septembre-octobre 2021). Points à retenir et recommandations : l’élaboration du questionnaire et l’évaluation des résultats doivent être menées par des experts afin de produire des données valides fondées sur les résultats d’un échantillon représentatif. Il convient de conduire un examen éthique. La municipalité doit clairement identifier les objectifs qu’elle compte poursuivre au vu des résultats de l’enquête, dans le cadre d’une stratégie durable et à long terme.
Gouvernement de Catalogne et Ville de Terrassa : enquête approfondie de polarisation Sur la base des résultats et des informations collectés pendant la phase d’audit, le Gouvernement de Catalogne et la Municipalité de Terrassa ont élaboré une enquête pour analyser plus profondément les conflits complexes liés aux dynamiques de polarisation dans la région. Il s’agissait d’étudier le niveau de cohésion sociale, les questions de sécurité, le radicalisme et l’extrémisme, et les facteurs de résilience. L’enquête comprenait aussi des questions sur les interactions communautaires, les influences extérieures sur les dynamiques polarisantes et les bonnes pratiques de renforcement de la cohésion sociale. L’enquête a été conduite de deux façons : dans la ville de Terrassa, le questionnaire a été distribué à divers types d’acteurs, tels que travailleurs sociaux, police locale, professionnels de l’éducation, leaders
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communautaires et services de santé locaux afin d’obtenir une image complète de la situation locale. De plus, environ 300 membres de la police de Catalogne ont été interrogés afin d’évaluer plus largement les acteurs et les dynamiques polarisantes dans toute la région. Les résultats seront analysés et disséminés par le biais de sessions de formation en ligne pour la police et les acteurs municipaux des municipalités de Catalogne. L’autorité régionale a l’intention d’incorporer les résultats et les outils de l’enquête de polarisation à leurs stratégies de politique publique.
Ville de Düsseldorf : sensibiliser au phénomène de la polarisation Capitale du Land de Rhénanie du Nord-Westphalie, Düsseldorf est engagée de longue date dans la promotion de la cohésion sociale à l’échelle locale. Outre le conseil municipal, il existe un conseil de l’intégration, un conseil pour les citoyens seniors, un conseil des jeunes et un conseil consultatif pour les personnes handicapées, qui relaient tous les préoccupations de ces groupes respectifs. Bien que ces organes existent depuis longtemps, des points de vue et comportements polarisants, et parfois extrémistes, se font jour à Düsseldorf. Pour y répondre, la municipalité a décidé de lancer une campagne vidéo afin de sensibiliser divers acteurs locaux et le public. La municipalité a mis en place un groupe de travail qui réunit des partenaires de l’Office de l’Égalité des Chances, de l’Office de la Migration et de l’Intégration, du département de la Culture et de l’Administration des écoles, de l’Office de la Jeunesse, de la Ligue des Associations de bien-être, de la communauté juive et du Conseil de Prévention de la Délinquance. La vidéo produite pour la campagne sera mise à disposition des professionnels de l’éducation qui pourront l’utiliser lors de débats avec les jeunes sur le racisme, les discriminations et la polarisation.
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BRIDGE – Comprendre et répondre à la polarisation au niveau local
Ville de Genk : dialogue de groupe sur l’impact de la pandémie et storytelling collectif Le projet pilote de la Ville de Genk a pour objectif de recueillir des données sur les effets de la pandémie sur la polarisation au sein de différents groupes d’âge (16-25 ans, 26-39 ans, plus de 40 ans), afin de comprendre les tensions observées au sein de la société locale pendant la pandémie, l’émergence de nouveaux facteurs et acteurs de polarisation, et les impacts négatifs et positifs de la pandémie sur la polarisation. Genk veut recueillir des histoires et des expériences personnelles, et invitera les habitants à les raconter lors de sessions de groupe. Afin d’obtenir des informations des différents groupes d’âge, des sessions de dialogue seront organisées avec tous les groupes d’âge ensemble. Les participants seront sélectionnés par un travailleur social spécialisé et des agents des services municipaux pertinents (Diversité et Égalité de Chances, ainsi que Développement d’une Identité Positive et Interdépendance). À partir des résultats de ces sessions, les participants élaboreront et produiront de manière collaborative un « produit » créatif (par exemple une collection de nouvelles, une pièce de théâtre, une exposition, un court-métrage, etc.). Le principal objectif de cette activité est de partager des histoires et des expériences personnelles qui peuvent lier les différents membres de la communauté et renforcer la cohésion sociale. Le produit final présentera les impacts autant négatifs que positifs de la pandémie (par exemple, pour le côté positif, le fait que l’expérience partagée de la crise peut avoir pour effet de surmonter certaines divisions). La municipalité prévoit qu’un certain nombre de thèmes émergeront de ces conversations et veut en parler ouvertement avec les habitants. Ces thèmes pourraient notamment être :
la pauvreté, les difficultés et opportunités économiques le genre et la sexualité la diversité culturelle la religion/les croyances 56
la santé/le bien-être la globalisation l’éducation/la formation l’asile/l’immigration l’éducation/le travail/la formation les perceptions des gens et de la société les loisirs/la vie nocturne (boîtes de nuit). Pour préparer les sessions de groupe, des conversations en tête-à-tête sont organisées avec les participants dans un environnement sûr où elles/ils peuvent librement raconter leur histoire et leur expérience. Points à retenir et recommandations : il est recommandé de confier la sélection des participants à des agents municipaux qualifiés, par exemple les travailleurs sociaux. Les participants doivent donner leur accord. Le groupe sélectionné doit être représentatif des différentes communautés locales.
Ville d’Igoumenitsa : questionnaire de polarisation et séminaire thématique pour les acteurs locaux Le projet pilote de la ville a consisté en un questionnaire de polarisation, élaboré avec le soutien d’experts, afin de détecter les niveaux et formes de tensions sociales et les manifestations potentielles de polarisation dans la société locale. Le questionnaire était adressé aux acteurs locaux (élus locaux, représentants de la police et des gardescôtes, l’Association du Droit de la ville, l’Association commerciale, représentants des médias locaux et de la culture…). Quarante-huit personnes ont répondu. Les résultats ont montré qu’il existe des tensions sociales et que la société locale est dans une certaine mesure polarisée. À la question « Y a-t-il des groupes dans votre commune qui ne se parlent pas (quels groupes) ? » une majorité a répondu « oui ». À la question de savoir quelles catégories de citoyens n’échangent pas avec les autres groupes, les répondants ont indiqué les Roms, les étudiants du secondaire et les supporters de divers clubs de sport.
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BRIDGE – Comprendre et répondre à la polarisation au niveau local
À la deuxième question, « Y a-t-il des groupes qui sont exclus, marginalisés ou victimes de discrimination par l’État ou autre ? », une majorité a répondu par l’affirmative. La plupart pensent qu’il existe en effet des groupes sociaux qui sont exclus, marginalisés et victimes de discrimination. Ils désignent en priorité les Roms et les travailleurs immigrés. À la question numéro 3, « Avez-vous remarqué/vécu la délinquance ou la violence dans votre ville ? », 66,7% ont répondu qu’ils avaient été témoins de phénomènes de violence et de comportements délinquants dans leur ville. À la sous-question, « quels phénomènes susnommés mènent-ils selon vous à la/au polarisation/xénophobie/racisme et à la violence sexiste ? », 81% ont répondu qu’il s’agit principalement des « actes de violence et de vandalisme dans les espaces communaux et publics ». Liée à cette sous-question, la question numéro 4 « Croyezvous que ce phénomène se soit accru ces dernières années ? », 88,3% ont répondu par l’affirmative, ce qui montre que cette question doit être traitée. Enfin, la dernière question portait sur le rôle de la municipalité dans la prévention et la réduction de tels actes et comportements qui pourraient, par exemple, mener à une aggravation de la polarisation. À la question « Quels types d’action doivent être lancées ? », et « Qui, selon vous, doit entreprendre de telles actions ? », la plupart ont répondu que la Municipalité d’Igoumenitsa et autres institutions publiques devraient avant tout élaborer et mettre en place des actions de sensibilisation en ligne et via les médias. Un expert a analysé les résultats et souligné les domaines de tension qui alimentent la polarisation et suggéré des actions pour y remédier. La prochaine étape consistera pour la municipalité à organiser avec les experts spécialisés un séminaire avec les acteurs locaux sur ce qui constitue la polarisation, comment elle se manifeste dans la communauté locale, et comment la prévenir ou la réduire, par exemple avec des actions de sensibilisation destinées aux jeunes. Points à retenir et recommandations : il convient d’élaborer le questionnaire avec le soutien d’un expert qui connaît les spécificités locales et les nuances de la langue grecque autour des notions de pola-
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risation. Les acteurs locaux doivent être informés des objectifs du projet et du questionnaire, afin qu’ils participent aux sessions de sensibilisation et aux activités organisées ensuite pour prévenir ou réduire la polarisation. Enfin, les experts doivent connaître et être conscients des caractéristiques locales.
Ville de Louvain : développer un modèle d’approche restaurative dans la structure organisationnelle de la ville et expérimenter la méthodologie des « cercles communautaires » L’activité pilote de la Ville de Louvain consistait à explorer comment appliquer « l’approche restaurative » à la structure organisationnelle de la ville et, sur un plan pratique, à expérimenter la méthode des « cercles communautaires » dans un quartier marqué par les conflits et les tensions. L’approche restaurative est une méthode de gestion des conflits et des dommages causés qui consiste à réunir toutes les parties prenantes dans un environnement sûr où elles peuvent reconnaître le dommage causé et travailler ensemble pour le réparer. Cette approche est particulièrement efficace dans les situations de polarisation. Selon les termes de Tim Chapman, expert en la matière, « la justice restaurative permet aux personnes de construire ou de réparer une communauté après un incident nuisible. Cela peut se faire au travers de ‘cercles restauratifs’ ou de conférences où les participants sont encouragés à raconter leur expérience, exprimer leurs sentiments et leurs points de vue, et à s’écouter et se questionner les uns les autres de façon sûre et respectueuse. Un cercle restauratif est un processus de communication nonhiérarchique où chaque participant s’assoit en cercle et parle à son tour, sans interruption »27. La Ville de Louvain à l’intention d’appliquer cette approche dans son modus operandi. Pour ce faire, elle a prévu une phase préparatoire au cours de laquelle les différents services municipaux et les membres du
27- Mitiger la polarisation : les enseignements de l’approche de justice restaurative par Tim Chapman, expert auprès du projet BRIDGE. Article publié sur le site web de l’Efus (2021) : https://efus.eu/thematiques/mitigating-polarisation-lessons-from-the-restorative-justiceapproach-by-tim-chapman-expert-with-the-bridge-project/?lang=fr
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BRIDGE – Comprendre et répondre à la polarisation au niveau local
comité de pilotage de Leuven Restorative City travailleront ensemble pour élaborer la façon d’opérationnaliser l’approche restaurative pour la municipalité. Ils produiront des recommandations claires et pratiques pour l’application par le conseil municipal de Louvain de l’approche restaurative ; identifieront un cas pour lequel on utilisera le modèle de cercle communautaire ; composeront, prépareront et animeront (avec un animateur) ce cercle communautaire ; documenteront et évalueront son process et ses résultats ; et enfin discuteront et définiront la relation entre le modèle des cercles communautaires et d’autres pratiques restauratives. Conformément à l’objectif d’intégrer l’approche restaurative dans la structure organisationnelle de la ville, il y aura plusieurs phases de travail en parallèle. La première aura pour objectif de définir précisément la structure organisationnelle qui permettra à Louvain d’être une ville restaurative. Ensuite, trois sessions interactives seront organisées pour clarifier les ambitions et les objectifs des acteurs, la forme de gouvernance et la façon dont celle-ci sera structurellement soutenue, et les rôles et missions des partenaires participant à l’innovation structurelle, ainsi que le soutien financier nécessaire. La seconde phase, scientifique, consiste en une recherche sur comment Louvain peut effectivement être une ville restaurative. Cette phase est essentiellement dirigée par un expert externe. En particulier, cette activité sera focalisée sur les bénéfices que cette approche peut apporter aux acteurs et aux citoyens locaux. La mise en place effective de ces activités demande un travail collaboratif en partenariat avec le comité de pilotage de Leuven Restorative City (services municipaux, police locale, Institut de Criminologie de l’Université de Louvain – KU Leuven, services locaux de médiation et éducateurs de jeunesse) et avec les professionnels intervenant dans le cas pilote (gestionnaire de quartier, médiateurs de quartier, gardiens de logements sociaux et de quartier). Avant que le travail de ce partenariat ne soit opérationnel, des représentants des acteurs impliqués ont participé à une session de formation sur la justice restaurative pour réduire la polarisation.
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Points à retenir et recommandations : il convient de former les acteurs pertinents pour qu’ils comprennent bien les spécificités de l’approche restaurative et de l’outil des cercles communautaires. Le cas pilote pour l’expérimentation de cet outil doit être identifié avec le soutien d’experts. Sur la base de ce cas-test, il convient d’élaborer des recommandations claires et pratiques pour intégrer de façon durable l’approche restaurative à la structure organisationnelle de la ville.
Ville de Reggio Emilia : accompagner la régénération urbaine en renforçant la cohésion sociale L’audit de polarisation de la Municipalité de Reggio Emilia a révélé des tensions entre différents groupes de population du quartier de la gare, où existent de fortes disparités économiques et sociales et qui manque d’espaces publics où les citoyens peuvent se rencontrer. Ce quartier multiculturel a mauvaise image auprès des habitants de Reggio Emilia, principalement en raison d’une couverture presse négative. Alors qu’il est prévu de régénérer ce quartier en aménageant un ancien site industriel, la municipalité et ses partenaires ont décidé de consacrer le projet pilote BRIDGE aux mesures d’accompagnement à ce projet de régénération urbaine, afin de renforcer la cohésion sociale et de prévenir une accélération de la polarisation dans le quartier. Ce faisant, la Ville répond aux associations et groupes de citoyens étrangers qui vivent ou travaillent dans le quartier et qui avaient exprimé leur souhait de voir le quartier régénéré sur le plan résidentiel, social et culturel. La municipalité et son partenaire, l’association Mondinsieme, ont organisé une série de réunions de quartier, en s’appuyant sur la collaboration existante au sein d’un réseau local regroupant des acteurs locaux, des citoyens, des services municipaux et la police. Il s’agissait d’identifier et d’impliquer des personnes-ressources vivant dans le quartier et ainsi de renforcer l’inclusivité des activités destinées à renforcer la communication et la cohésion sociale. Outre ces réunions, un festival de rue dans le quartier a été lancé afin de créer des espaces et des activités communs pour tous les citoyens, qu’ils soient immigrants ou natifs, résidents ou non-résidents.
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BRIDGE – Comprendre et répondre à la polarisation au niveau local
Pour accompagner le réaménagement urbanistique du quartier de la gare, et notamment l’installation dans le quartier du QG de la police municipale, un programme de formation a été donné aux policiers municipaux dans le but d’améliorer les relations avec les habitants. Ce programme encourageait une approche interculturelle et a contribué à dissiper les stéréotypes et à améliorer la compréhension mutuelle entre police et citoyens par le dialogue et la coopération. Toutes les activités qui ont accompagné la régénération urbaine du quartier ont contribué à l’objectif de réécrire collectivement les discours autour de ce quartier. Points à retenir et recommandations : encourager un dialogue fructueux entre les habitants et la police demande la participation de professionnels dûment formés, qui peuvent faciliter la communication et contribuer à dissiper les stéréotypes.
Ville de Rotterdam : réduire la polarisation dans les écoles L’évaluation par la Ville de Rotterdam de la polarisation locale avec la méthode Quick Scan (voir Chapitre 2) a montré que les tensions et les dynamiques de polarisation mises à jour avec Quick Scan affectent aussi les écoles locales. Les enseignants notamment ont exprimé un besoin d’être soutenus pour répondre à la polarisation qui oppose les élèves, et risque de nuire à la paix et au respect mutuel dans la vie quotidienne à l’école. La municipalité a répondu en organisant une formation en ligne pour les futurs enseignants du secondaire qui leur apporte non seulement des connaissances théoriques sur les processus et les dynamiques de polarisation, mais aussi des compétences pratiques et de communication. L’objectif est de leur enseigner des méthodes concrètes pour qu’ils sachent réagir lorsque des élèves provoquent des débats polarisants et conflictuels et soient capables d’instaurer un climat dans leur classe où les élèves puissent librement discuter de leurs opinions et croyances. Le programme de formation sera évalué et mis à disposition d’un plus grand nombre d’enseignants ou futurs enseignants à Rotterdam et au-delà.
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Ville de Stuttgart : répondre à la polarisation en formant des Guides du Respect La municipalité de Stuttgart a décidé de traiter la question de la polarisation à la suite de tensions croissantes entre différents groupes sociaux en raison, et à cause, de plusieurs incidents dans les piscines publiques, où des employés et maîtres-nageurs ont été insultés et même attaqués. Ces incidents, qui ont coïncidé avec des événements similaires dans d’autres villes allemandes, ont fait les unes des journaux et alimenté la controverse. Dans une certaine mesure, les immigrants et les jeunes ont été tenus pour responsables et stigmatisés comme étant irrespectueux. Le débat a été alimenté par des fausses accusations et des généralisations abusives. Ces incidents, et d’autres constats, ont amené la Municipalité de Stuttgart à se focaliser sur le thème du respect et à répondre aux dynamiques évolutives de polarisation. Le projet pilote des Guides du Respect a pour objectif de favoriser la cohésion sociale en promouvant des interactions respectueuses, équitables et paisibles entre tous les citoyens, notamment dans les espaces publics. Le projet est basé sur une approche par les pairs et mettait l’accent sur le dialogue entre les jeunes et les autres groupes sociaux. En établissant un dialogue avec les citoyens sur la vie en commun qui doit être respectueuse et paisible, les volontaires agissaient aussi comme intermédiaires entre la municipalité et le public. De plus, comme ils représentaient divers groupes de population, les Guides du Respect ont aussi mis en avant les opportunités liées à l’immigration et à la diversité. La municipalité a lancé une campagne publique pour recruter des volontaires, principalement parmi les jeunes adultes. Tous les volontaires ont été formés à leur mission en tant que Guides du Respect, et ont reçu une formation basique en stratégies de communication et gestion des conflits. Lorsqu’ils patrouillaient dans les espaces publics tels que les piscines, les parcs et les places, ils étaient toujours accompagnés d'agents municipaux et parfois menaient des missions conjointes avec la police. La municipalité a offert un soutien permanent aux Guides, notamment en leur donnant la possibilité de réfléchir sur les missions dont ils avaient la charge et en leur offrant des formations avancées.
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BRIDGE – Comprendre et répondre à la polarisation au niveau local
Le projet pilote a été mis en place en coopération avec plusieurs partenaires tels que la police, des formateurs aux conflits déployés par le réseau des travailleurs de rue, les associations de jeunesse, et la société municipale de gestion des piscines publiques. Cette approche coopérative a renforcé l’approche municipale de la sécurité, intitulée le Partenariat pour la Sécurité de Stuttgart. Avant tout, le projet pilote a confirmé l’hypothèse selon laquelle une majorité de jeunes sont ouverts au dialogue et à la coopération si on les traite d’égal à égal, et que l’on communique avec eux de façon simple. Points à retenir et recommandations : recruter des Guides du Respect volontaires demande un soutien et une supervision constants, ainsi qu’une formation, délivrée par des professionnels, à la communication et à la gestion des conflits. Lorsqu’ils sont déployés, les volontaires doivent toujours être accompagnés d’agents municipaux, agents de police ou autres. Les limites de leur mission doivent être clairement communiquées et respectées : les volontaires ne doivent pas intervenir dans des situations dangereuses qui demandent une médiation professionnelle ou l’intervention de la police.
Département du Val d’Oise : activités éducatives et culturelles pour réduire les tensions entre la police et les jeunes Le projet pilote du Val-d’Oise a été mis en œuvre dans le cadre de sa politique de prévention spécialisée dans les villes d’Argenteuil et de Villiers-le-Bel, et était centré sur la réduction des tensions entre la police et les jeunes. Il s’agissait de comprendre les points de vue des deux côtés, de nuancer et de développer les perceptions et les représentations de ces deux groupes et de créer des conditions favorisant le dialogue, et enfin, de renforcer les liens et la confiance entre les professionnels qui travaillent sur la question des comportements des jeunes dans les espaces publics. Sur la base de ces objectifs, le projet pilote du Val-d’Oise a été organisé en quatre activités complémentaires les unes des autres. L’association de prévention spécialisée Valdocco a commencé à travailler avec un groupe de 4-5 jeunes filles à l’écriture d’un scénario dans le
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but de réaliser un court-métrage sur les relations police-population. Les jeunes filles ont pu rencontrer et dialoguer avec des agents de police, et cet échange a nourri la phase finale de mise en œuvre du court-métrage. Cette activité a été complétée par une autre action éducative et artistique menée par une autre association de prévention spécialisée, Contact. Celle-ci travaille avec des jeunes pour rédiger, avec l’aide d’un éditeur qui travaille pour une maison d’édition, leurs expériences et leurs perceptions de la police. Il est envisagé de mener cette activité également avec des agents de police volontaires. Les textes seront lus par les deux groupes et il est possible qu’une réunion soit organisée entre ceux-ci. De plus, le département envisage de créer un groupe de travail sur les relations entre la police et les jeunes qui réunirait des agents de police et des éducateurs spécialisés en prévention. Sa mission serait de discuter des moyens de réduire les tensions entre les deux groupes, et de dissiper les préjudices et les fausses représentations. Enfin, la quatrième action sera une série de représentations théâtrales sur le thème des relations police-population suivies d’un débat. L’association Théâtre en Stock réalisera cette activité. La pièce sera rédigée pour le Conseil départemental du Val-d’Oise avec la participation d’agents de police et d’associations de prévention spécialisée. Elle sera ensuite proposée aux associations de prévention spécialisée qui pourront mobiliser des jeunes pour qu’ils participent au projet. Points à retenir et recommandations : il s’agit de créer un espace sûr pour le dialogue et d’établir la confiance avec chacun des groupes concernés, avant de commencer à travailler sur le sujet lui-même. Par ailleurs, le but est d’engager des activités artistiques et culturelles sous la supervision d’experts et de professionnels afin d’établir des ponts entre les différents groupes.
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Ville de Vaulx-en-Velin : une évaluation approfondie pour objectiver le degré et la forme de polarisation et élaborer une stratégie locale de prévention Le projet pilote de la municipalité de Vaulx-en-Velin a consisté en une analyse approfondie et objective de la polarisation locale, qui n’est pas encore clairement identifiée, décrite ou bien connue par les acteurs locaux et les citoyens de la ville. Il s’agissait aussi d’identifier des indicateurs qui permettraient à la ville de suivre l’évolution de la polarisation. À partir des résultats de l’analyse, l’objectif à long terme est d’élaborer des programmes d’action pour prévenir les manifestations de polarisation telles qu’identifiées par l’analyse. Pour mettre en œuvre ces actions, Vaulx-en-Velin conçoit une méthodologie pour un diagnostic approfondi, identifie des indicateurs d’évaluation quantitative de la polarisation locale, et conçoit ou adapte les outils d’évaluation qualitative pertinents, tels que les questionnaires. La phase suivante consistera à collecter des données et de l’information en lien avec les indicateurs identifiés. Ensuite, il s’agira d’enregistrer ces données et d’analyser les résultats. Pour réaliser les activités prévues, deux types de partenariat doivent être établis et mobilisés. Le premier est un partenariat avec un expert/ professionnel du monde de la recherche ou de l’université qui a une connaissance de la polarisation et de l’expérience dans l’élaboration d’indicateurs et l’analyse de résultats. Ceci permettra d’élaborer une méthodologie permettant une analyse objective des données récoltées. Le deuxième type de partenariat réunira des acteurs locaux dans le but de collecter des données qualitatives et quantitatives. Il s’agit par exemple des services municipaux pertinents, de représentants de la police et des citoyens qui peuvent aussi faire remonter des informations et des données à la municipalité. Points à retenir et recommandations : pour une analyse approfondie de la polarisation, la municipalité devrait travailler avec un ou une experte ayant des connaissances spécifiques sur la polarisation et l’élaboration d’indicateurs, afin de collecter des données représentatives, ainsi que sur l’analyse des données. Il convient d’établir et de
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mobiliser des partenariats locaux dans le but de collecter des informations et données pertinentes. Les résultats doivent être présentés de manière à nourrir une stratégie à long terme et durable de prévention de la polarisation, qui peut inclure des propositions d’actions spécifiques. Enfin, une telle stratégie devrait être pleinement intégrée à la stratégie globale de sécurité existante.
Région Ombrie : enquête sur la pensée « jeu à somme nulle » et formation des acteurs locaux La Région Ombrie a mené un audit régional de polarisation qui a mis en lumière une augmentation du taux de pauvreté et d’autres facteurs socio-économiques négatifs, mais aussi une baisse de la participation politique et une hausse des discours de haine envers les immigrants. Comme l’audit a révélé la présence de polarisation parmi les citoyens de la région, l’autorité régionale a décidé d’étudier davantage le phénomène en mesurant dans quelle mesure la pensée « jeu à somme nulle » se propage parmi la population. Une étude fondée sur un instrument de psycho-diagnostic destiné à mesurer la présence d’un tel mode de pensée a été menée en coopération avec l’Université de Pérouse et d’autres experts. Afin que l’échantillon soit représentatif de la diversité sociale, économique, culturelle de la population et de son niveau d’éducation, le questionnaire a été diffusé en ligne et sur papier. Le questionnaire papier a été distribué dans les cabinets médicaux et les salons de coiffure, ainsi qu’à des groupes de résidents de différentes municipalités. Le questionnaire en ligne a principalement été rempli par des étudiants de l’enseignement supérieur. Les résultats ont montré que les phénomènes potentiellement polarisants sont davantage prévalents chez les individus ayant un faible niveau d’éducation, la tranche d’âge 35-60 ans, et les habitants des banlieues et des municipalités les moins peuplées. À la suite de l’enquête, un programme de formation a été donné à différents types d’acteurs – policiers, agents municipaux, avocats, et représentants de diverses organisations de la société civile. Il s’agissait de
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BRIDGE – Comprendre et répondre à la polarisation au niveau local
les informer sur le phénomène de la polarisation et d’en discuter, ainsi que de diffuser les résultats de l’enquête et de les sensibiliser. La formation comprenait des sessions sur la prévention et l’approche intégrée de la sécurité urbaine, ainsi que sur le phénomène des discours de haine. Afin de poursuivre ces efforts de sensibilisation et de capitaliser sur l’expérience et les connaissances acquises à ce jour, la Région a produit une publication qui sera diffusée à d’autres collectivités territoriales. La Région Ombrie a conduit les activités de son projet pilote, en coopération avec des experts de l’Université de Pérouse, des municipalités situées dans et en dehors de la région, la police, des associations du Barreau, des organisations de la société civile, des médecins généralistes et des coiffeurs. Points à retenir et recommandations : mener une étude sur la prévalence de la pensée « jeu à somme nulle » requiert la participation d’experts tels que des universitaires. Il convient de considérer avec soin les aspects éthiques et légaux dans toute activité de recherche et de collecte de données, qui doit être conforme à la législation nationale et européenne. Il faut notamment bien préparer la collaboration avec les professionnels des domaines sensibles, notamment les cabinets médicaux et les salons de coiffure, afin de garantir la confidentialité des informations et l’anonymat des répondants.
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Chapitre 4
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Intégrer la question de la polarisation dans les politiques de sécurité urbaine – recommandations pour les collectivités territoriales
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BRIDGE – Comprendre et répondre à la polarisation au niveau local
Ce chapitre est consacré aux recommandations méthodologiques et opérationnelles pour les collectivités territoriales en matière d’élaboration des audits locaux de sécurité, et d’élaboration et de mise en œuvre de stratégies et d’activités locales durables pour prévenir ou réduire la polarisation. Toutes les mesures et actions entreprises pour diagnostiquer et répondre à la polarisation à l’échelle locale ou régionale doivent être en ligne avec les stratégies, politiques et initiatives générales de prévention de la ville ou de la région. Dans la mesure où la polarisation est un phénomène protéiforme et complexe, qui a des impacts sur différentes strates et sphères de la société, les stratégies de prévention et de réduction de la polarisation demandent, pour être efficaces, une approche pluridisciplinaire et multi-acteurs. Ainsi, les différents services municipaux (jeunesse, éducation, police, santé) comme les acteurs tels que les associations de jeunesse, les initiatives citoyennes et les leaders communautaires doivent être associés à l’élaboration et la mise en œuvre de telles stratégies.
Un sujet sensible Répondre à la polarisation est difficile et demande la participation de toutes sortes d’acteurs locaux, qui peuvent avoir des perceptions très différentes des réalités locales et des dynamiques et causes de la polarisation. Déterminer si la population locale est polarisée et quels comportements, actions et situations correspondent effectivement à un phénomène de polarisation demande d’agir avec beaucoup de soin et de façon transparente. Il faut également bien clarifier les termes et la compréhension de ce phénomène. C’est pourquoi il est très important d’associer une large gamme d’acteurs locaux afin d’élaborer ensemble une compréhension de la situation locale. Les conflits d’intérêts ou les tensions entre groupes ou communautés sont légitimes et sont la norme dans les sociétés démocratiques. Utiliser à mauvais escient ou à la légère le label « polarisation » peut (même involontairement) discréditer les revendications légitimes de tel ou tel groupe, et donc attiser de nouvelles tensions menant à la polarisation.
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Lorsqu’il existe sur le territoire des conflits aigus et des dynamiques polarisantes entre différents groupes ou communautés, la municipalité doit être consciente que les représentants de la collectivité ou la police ne peuvent pas agir comme « bâtisseurs de pont », parce qu’ils ne sont probablement pas perçus par tous les acteurs impliqués comme des représentants impartiaux d’une institution qui inspire confiance. Intervenir sur la polarisation au milieu d’une controverse qui crée des divisions au sein de la population locale demande de prendre des précautions et de mettre en œuvre des stratégies qui peuvent, dans une certaine mesure, paraître illogiques. Comme la polarisation est alimentée par un renforcement constant des discours qui divisent, les activités de réduction ne doivent pas s’adresser aux « fauteurs de trouble » ou « pousseurs » de la radicalisation. Une collectivité qui s’adresserait aux acteurs polarisants dans une situation où les dynamiques polarisantes sont toujours à l’œuvre et non traitées pourrait involontairement légitimer leurs revendications et amplifier les discours sous-jacents qui divisent. Au contraire, les activités de réduction de la polarisation devraient, tout d’abord, se focaliser sur les groupes cibles qui ne prennent pas activement part au conflit, c’est-à-dire le « centre silencieux ». Les stratégies de communication sur les mesures destinées à réduire les conflits et les tensions doivent aussi prendre en compte les discours polarisants existants et éviter de renforcer (involontairement) les qualificatifs fondés sur des préjugés et des stéréotypes décrivant les deux groupes polarisés28.
Volonté politique – le rôle des élus locaux et régionaux Le soutien et l’engagement politiques des élus et une communication active sur les objectifs et la stratégie de réponse à la polarisation sont nécessaires à la mise en œuvre effective de mesures de prévention et de réduction. Les discours et actes publics des élus sont très symboliques, et peuvent servir d’exemple et de levier dans le contexte local ou régional. Ils peuvent aussi avoir une portée à l’échelle nationale, voire internationale. Ainsi, les responsables politiques locaux et régionaux 28- Voir Efus (2017). Prévenir les violences discriminatoires au niveau local : pratiques et recommandations.
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doivent éviter tout discours polarisant et toujours, quelles que soient les circonstances (même lorsqu'ils sont en campagne), promouvoir l’inclusivité et la tolérance. La volonté et l’engagement politiques des élus doivent s’exprimer par une communication transparente en interne (avec leurs équipes) et en externe (avec les citoyens locaux), ainsi que par un soutien financier et des ressources adéquates pour traiter le problème. Ceci donnera une légitimité politique et une reconnaissance publique aux stratégies et activités entreprises.
Construire une vision partagée de la ville Élaborer un plan concret de réponse à la polarisation commence par une évaluation générale de l’étendue et de la forme de celle-ci à l’échelle locale et régionale. L’étape suivante est de formuler une vision claire pour l’avenir de la ville, qui doit être partagée et soutenue par tous les acteurs qui y participent. Cela implique de définir des objectifs à moyen et long terme, et d’établir une compréhension commune des objectifs et des priorités. Cela renforce la participation des divers acteurs pertinents et donc l’inclusivité du processus de prise de décision. Un tel effort collectif est particulièrement efficace s’il se concentre sur le potentiel, les ressources et les expériences partagées, plutôt que sur les déficits et les conflits. Répondre à la question de la polarisation à partir d’une vision largement partagée de l’avenir de la ville ou de la région favorise l’acceptation et le soutien. Afin de susciter l’adhésion et de faire participer la population locale au processus, ce qui lui permettra de s’approprier cette vision de la ville, on peut mettre en place des formats informels de participation qui vont au-delà de la politique électorale. De nombreuses municipalités pratiquent déjà certaines formes de participation régulière des citoyens, que ce soit par des réunions avec les dirigeants politiques, des réunions à la mairie, des groupes de parole ou des « future labs ». Le développement de stratégies et de mesures pour répondre à la polarisation peut utiliser ces formats pour mobiliser et rallier la communauté locale à l’élaboration de buts partagés et d’une vision commune.
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Créer un espace pour le dialogue et la compréhension mutuelle La polarisation se caractérise par des fronts endurcis et l’absence, voire le refus, d’un dialogue constructif entre groupes opposés. Faciliter le dialogue entre les différents groupes et segments de la population est donc très important pour surmonter les tensions. Réunir des gens qui ont des points de vue différents demande une préparation soigneuse et des animateurs qui sont reconnus et perçus comme légitimes et impartiaux par tous les participants et qui inspirent confiance. Dans les activités de dialogue de groupe, tous les participants doivent être traités sur un pied d’égalité et interagir de façon coopérative. Les objectifs doivent être partagés par tous, avec le soutien des institutions. À l’inverse, initier un dialogue sans préparation peut perpétuer et enraciner les conflits entre les groupes29. Faciliter les contacts intergroupes, s’ils sont accompagnés par des praticiens dûment formés et conduits avec doigté, renforce la capacité des participants à avoir de l’empathie et favorise la complexité cognitive qui se traduit en ouverture d’esprit et davantage de résilience30. Accroître la complexité cognitive en surmontant les schémas de pensée noir-et-blanc et « eux et nous » n’est pas facile. Cependant, permettre aux participants de réfléchir sur, et d’exprimer, leur expérience, et permettre à chacun de raconter son histoire, tout en évitant les discussions sur « l’autre groupe » est un bon point de départ. Il convient de prendre le contexte local en compte lorsqu’on prépare un tel dialogue. Lorsqu’il n’y a pas de conflit en particulier ni d’incident récent, le dialogue préventif entre participants d’origines et de parcours variés peut favoriser la compréhension mutuelle et permettre de (ré) affirmer un engagement à résoudre pacifiquement les conflits et à favoriser des interactions positives entre les groupes de la société locale ou régionale. En cas de conflit endurci, le dialogue dans le cadre d’un processus de médiation peut être utile. Des acteurs professionnels dûment formés, tels que les travailleurs sociaux, peuvent appeler les représentants du «
29- Voir Kelman, H. C., & Fisher, R. J. (2003) 30- Voir Boyd-MacMillan et al. (2016); Saslow et al. (2014); Pancer et al. (2000)
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centre silencieux » à participer à ce type de rencontre. Les membres des parties perçues comme polarisées doivent se rencontrer précisément pour atteindre des objectifs clairs. Les participants doivent être soigneusement sélectionnés à condition qu’ils assument le problème et soient prêts à en parler. Il faut éviter l’utilisation d’une rhétorique polarisante et de la confrontation intergroupes, parce que cela mettrait les participants sur la défensive et empêcherait d’avancer dans la communication et l’engagement. Lorsqu’un conflit ou incident est résolu, le dialogue de réconciliation entre les membres des groupes polarisés est un format qui peut permettre de réduire la rhétorique polarisante et favoriser les contributions constructives en cas de conflit, ainsi que la cohésion sociale.
Acteurs, réseaux, partenariats À partir de l’évaluation des ressources existantes, des structures et des éventuelles failles, l’élaboration et la mise en œuvre d’actions concrètes de prévention ou de réduction de la polarisation demande de faire équipe avec différents types d’acteurs. Il convient d’identifier les acteurs et les partenariats clés, et de leur attribuer des tâches et des rôles précis (par exemple comme bâtisseurs de pont ou agents de liaison). Ces acteurs et partenariats doivent représenter les services publics et les organisations de la société civile, tout en incluant des structures informelles et des individus. Une telle approche peut rendre nécessaire la participation d’organisations qui ne font pas encore partie des réseaux municipaux ou avec lesquelles la municipalité n’a pas encore de contact formel ou de relations officialisées. À cet égard, il est important d’élaborer des stratégies de communication ciblées pour expliquer que la participation à un dispositif local de prévention constitue une reconnaissance du rôle et de la responsabilité de ces organisations au sein de la communauté. Il faut aussi rassurer ces organisations sur les possibles aspects « négatifs » d’une telle collaboration (plus de responsabilités, critiques d’une partie de la société locale, etc.). Si les acteurs locaux sont indispensables à la stratégie de prévention,
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ils ne suffisent peut-être pas pour remplir toutes les tâches. La coopération avec les institutions régionales ou nationales peut être très utile et apporter une expertise additionnelle. Une telle collaboration multiniveaux et multi-acteurs peut faire bénéficier le projet de toute une gamme d’expertises et de connaissances. Les échanges permanents entre décisionnaires politiques, chercheurs et praticiens nourrissent l’élaboration de stratégies et d’outils locaux. Cette collaboration multiniveaux et multi-acteurs peut renforcer l’approche « toute la société » et contribuer à légitimer les actions menées.
Renforcement des capacités La polarisation affecte les individus, les communautés et la société, ainsi que les institutions, et pose un défi pour de nombreux domaines des politiques publiques et de nombreux praticiens de terrain. Répondre à ce défi demande une gamme d’aptitudes, de compétences et de connaissances. Le phénomène de la polarisation n’est pas nouveau en soi, mais les contextes dans lesquels il évolue et ses dynamiques varient et évoluent dans le temps. Pour effectivement répondre à la polarisation et à ses diverses expressions, il convient de faire un bilan des aptitudes, compétences et expertise existantes sur lesquelles on peut s’appuyer, et d’identifier les domaines qui demandent une formation ciblée et un renforcement des capacités. Ces besoins peuvent concerner différents domaines : le rôle particulier des réseaux sociaux dans les processus de polarisation et l’importance des compétences et des outils en réseaux sociaux pour répondre à ce défi ; l’émergence de nouveaux acteurs politiques qui alimentent la polarisation et sur lesquels il existe encore peu de connaissances disponibles ; l’expression spécifique de la polarisation et ses discours sous-jacents, notamment en ce qui concerne la religion ou les conflits mondiaux. À partir de l’évaluation des acteurs pertinents et de leur rôle et expertise, la phase de préparation d’un dispositif de prévention doit déterminer les besoins spécifiques en formation pour transmettre les informations et connaissances générales de base et renforcer les aptitudes et compétences permettant de répondre à la polarisation. Il
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convient d’inclure les pratiques professionnelles réflexives intégrant les traumatismes y compris ce qui est prévu pour la supervision (par exemple par des collègues seniors, par les pairs, ou par le mentorat), afin de réduire la « fatigue compassionnelle » et les traumatismes vicariants et secondaires. Dans ce sens, la présence continue et la disponibilité de professionnels de la santé mentale, pour des consultations confidentielles et un soutien sans stigmate ni conséquences professionnelles négatives, est bénéfique.
Point de départ – audits locaux et régionaux de polarisation La première étape, et le point de départ de toute action concrète de prévention et de réduction de la polarisation, est l’élaboration et la mise en œuvre d’audits locaux et régionaux de polarisation (voir chapitre 2). Ce diagnostic d’une situation propre à un territoire donné est crucial pour améliorer les connaissances sur la polarisation au sein de la population locale et appuyer les mesures de prévention et de réduction sur des données probantes. Les mesures de prévention ne peuvent être élaborées et mises en œuvre efficacement que si des données pertinentes sont collectées sur l’état de la polarisation à l’échelle locale et les facteurs et acteurs de risque et de protection. Ceci doit se faire dans le respect des cadres législatifs et juridiques locaux, régionaux, nationaux et européens. Afin que l’audit soit fiable, les collectivités doivent utiliser des méthodologies adéquates avec le soutien d’experts. Les stratégies, politiques et initiatives existantes de prévention doivent être régulièrement revues et évaluées en fonction des connaissances et données les plus récentes. Les données sur la polarisation dans un territoire donné (au niveau local ou régional) doivent être régulièrement publiées (par exemple sous la forme d’un rapport annuel). Les acteurs locaux de la sécurité doivent être formés à auditer et surveiller les tensions et les dynamiques de polarisation dans leur contexte local respectif. Dans la mesure où la polarisation est un phénomène qui évolue rapidement et qui se manifeste surtout sur les réseaux sociaux, les municipalités doivent renforcer leurs ressources et leurs capacités de suivi régulier de ceux-ci. Elles doivent élaborer des campagnes et des straté-
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gies pour contrer les discours conflictuels et polarisants qui affectent les discours, ou accroissent les tensions et les conflits à l’échelle locale ou régionale. Il est recommandé de travailler de concert avec les acteurs pertinents locaux et régionaux, notamment les médias locaux, les réseaux sociaux et les influenceurs locaux, pour déboulonner les discours polarisants, les rumeurs, les discours de haine et les théories du complot qui affectent et nuisent à la communauté locale. Analyser le contexte local ou régional commence par un examen général des caractéristiques démographiques, économiques, sociales et autres de la ville. Les données sur les niveaux de pauvreté, le revenu moyen, le taux de décrochage scolaire, le chômage, l’accès aux services de santé (dont la santé mentale), aux apprentissages, l’accès au logement et la qualité de celui-ci, l’accès aux transports publics et aux garderies d’enfant permettent d’évaluer les inégalités structurelles et les facteurs de risque de marginalisation, qui, à leur tour, peuvent alimenter la polarisation. À partir des résultats de cette analyse, il est crucial d’établir un profil des facteurs de risque pour les individus ou les groupes – notamment leur genre, âge et caractéristiques socio-économiques – et d’identifier les facteurs de protection et sources de résilience et de bien-être déjà en place pour ces individus ou groupes. Cette cartographie des facteurs de protection doit inclure l’identification des acteurs locaux qui travaillent dans les quartiers ou avec les groupes identifiés comme manifestant des tensions ou de la polarisation. Elle inclut aussi l’évaluation des structures et des programmes existants dans le cadre de l’environnement politique et institutionnel qui peuvent contribuer à développer des actions de prévention ou de réduction, et l’identification des opportunités et points forts et du potentiel de la ville ou de la région qui peuvent contribuer à renforcer la cohésion sociale et la participation citoyenne. Il est également important d’identifier et de s’appuyer sur les opportunités d’entrer en contact avec les habitants, de dialoguer directement avec eux pour résoudre les conflits et leurs conséquences négatives, et aussi de renforcer leurs obligations mutuelles par la reconnaissance de leurs intérêts communs. Ceci peut se faire, par exemple, par des processus et outils tels que les « cercles restauratifs » développés dans le cadre de l’approche de justice restaurative.
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De même, à partir des résultats de l’audit, il est recommandé d’élaborer un plan de communication interne et externe qui permette à la municipalité de sensibiliser le public sur le phénomène et sur les actions à prendre.
Élaborer des actions locales Lorsque l’on élabore des activités locales à partir des résultats de l’audit, il est important de s’appuyer sur les ressources existantes identifiées au préalable, ainsi que sur les acteurs et structures identifiés pendant l’audit local de polarisation. Outre la mobilisation des ressources identifiées, les collectivités doivent veiller à ce que les citoyens puissent s’approprier l’élaboration et la mise en œuvre des actions locales. L’élaboration d’initiatives et de politiques concrètes devrait être fondée sur une approche « toute la société », qui associe tous les acteurs locaux pertinents, y compris les citoyens. Ainsi, les collectivités doivent-elles nouer des relations de confiance avec les personnes ressources au sein de la communauté qui, étant donné leur proximité et leur connaissance des différents groupes de population locaux et des facteurs et acteurs polarisants, peuvent effectivement participer à une approche conjointe avec tous les acteurs pertinents, y compris les citoyens. Si ces derniers sont associés et s’approprient les mesures et stratégies envisagées, cela renforce la légitimité et la durabilité des actions. Agir face à la polarisation demande des mesures et des approches qui apportent aux communautés locales des réponses ad hoc et des solutions à long terme, dont l’impact est durable. Les stratégies et mesures de réponse à la polarisation doivent être associées à des stratégies et des politiques à long terme. De telles initiatives et solutions doivent être élaborées d’une manière souple et flexible, c’est-à-dire qu’on peut les changer en fonction de l’évolution du contexte local. Une évaluation régulière de ces initiatives permet de déterminer si elles demeurent pertinentes ou si elles doivent être adaptées.
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Avant d’élaborer des mesures de prévention et de lutte contre la polarisation, il convient de définir les objectifs généraux et à long terme des politiques publiques en matière de cohésion sociale, d’intégration, de développement socio-économique, d’anti-discrimination, de jeunesse et de programmes éducatifs et pour l’emploi. Les collectivités territoriales peuvent favoriser l’égalité des chances, par exemple en élaborant des politiques et initiatives publiques qui réduisent les inégalités structurelles et la marginalisation. De plus, afin de légitimiser de telles actions et de créer un contexte favorable à leur mise en œuvre, les collectivités doivent communiquer de façon transparente, à l’interne et à l’externe, sur les actions envisagées et leurs objectifs à court, moyen et long terme. Les activités concrètes, pratiques et locales de réponse à la polarisation doivent être conçues dans le cadre de réponses globales et durables adaptées aux contextes et besoins locaux et aux priorités locales. Afin de bien développer de telles activités, il convient de prendre en compte réflexions et les aspects suivants.
Approches durables pour répondre à la polarisation Les activités de prévention ou de réduction de la polarisation doivent être en ligne et en cohérence avec les stratégies et politiques générales de prévention de la municipalité, et correspondre à des objectifs et des résultats durables à long terme. L’importance de la durabilité est bien connue. Élaborer des initiatives durables demande une planification soigneuse en amont, ainsi qu’un processus de suivi permanent. Il s’agit donc de déterminer les préconditions, l’ampleur ainsi que les objectifs concrets et communs des stratégies et activités de prévention ou de réduction de la polarisation. Il convient ainsi de mesurer si la ou les nouvelles initiatives répondront à la polarisation de manière efficace et conséquente, si elles correspondront aux groupes ou communautés polarisées, et si l’on cherchera à dialoguer avec ceux-ci. Cela peut se faire, par exemple, en permettant un usage partagé des ressources locales par les groupes polarisés, ou bien en mettant à disposition des plateformes et des opportunités de promouvoir et de permettre l’iden-
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tification de valeurs et de buts partagés. Un autre aspect important consiste à évaluer si les mesures envisagées sont conformes aux initiatives et stratégies existantes, et comment ces nouvelles activités et initiatives peuvent être intégrées à la routine et aux habitudes des organisations et acteurs responsables. Pour déterminer le succès des activités, on peut utiliser diverses approches : évaluer formellement le processus de mise en œuvre et le résultat des activités ; établir des structures et systèmes permettant un suivi réflexif, par exemple par des évaluations informelles permanentes, des rapports de situation, une supervision par les pairs ou les collègues, ou encore le mentorat. Ces préparatifs doivent comprendre des processus formels de documentation, et une définition collective des indicateurs et marqueurs de succès partagés par tous les acteurs impliqués dans l’activité en question. Travailler avec une diversité d’acteurs peut requérir une réflexion régulière sur les objectifs des activités et les résultats escomptés, de façon à favoriser une vision partagée, de même qu’une définition claire et un consensus général sur les objectifs communs.
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Outils et projets Bulles d’information - Filter Bubble : https://www.filterbubble.lu/ LIAISE 1 & 2 – Prévention de la radicalisation menant à l’extrémisme violent. Projet mené par l’Efus et cofinancé par le Fonds Sécurité Intérieure de l’Union européenne.
Présentation des étapes de développement d’une stratégie locale de prévention de la délinquance, depuis la mobilisation politique jusqu’à l’élaboration, le diagnostic et l’évaluation.
Recommandations méthodologiques, obstacles potentiels à la stratégie et comment les surmonter. LOUD – Jeunes leaders locaux pour l’inclusion. Mené par l’Efus, cofinancé par le Programme Erasmus+ de l’Union européenne.
Renforcement des capacités des collectivités territoriales et des jeunes à produire des discours alternatifs, combattre les préjugés et renforcer la cohésion sociale.
Méthodes et campagnes locales de discours alternatifs produites par les jeunes d’une municipalité et adressées à leurs pairs, dans le but de favoriser des environnements qui dissuadent les jeunes de dériver vers l’intolérance et les comportements extrémistes.
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Newscraft: https://newscraftseriousgame.com/ PRACTICIES – Partenariat contre la radicalisation violente dans les villes. Codirigé par l’Université de Toulouse II – Le Mirail (France). Projet financé à 100% par la Commission européenne / Programme de recherche et d’innovation Horizon 2020.
Outils de prévention contre les discours de haine Pratiques de prévention de la radicalisation violente à l’échelle européenne, nationale et locale.
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BRIDGE – Comprendre et répondre à la polarisation au niveau local
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BRIDGE – Comprendre et répondre à la polarisation au niveau local Des points de vue extrémistes qui se banalisent, des conflits intergroupes de plus en plus aigus et toutes sortes de modes de pensée « eux et nous » semblent marquer de façon croissante la réalité des sociétés européennes aujourd’hui. De telles formes de polarisation sont souvent étroitement liées à des phénomènes transnationaux tels que les crises financières, les mouvements migratoires, le terrorisme international ou la récente pandémie, mais elles ont un impact profond sur la vie sociale à l’échelle locale. Cette publication examine comment la polarisation se développe et touche les municipalités comme les régions européennes. Elle présente des outils, des exemples pratiques et des recommandations pour que les collectivités territoriales puissent mieux comprendre, diagnostiquer et agir contre la polarisation.
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