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INTERVIEW CULTURE

RENELDE PIERLOT “ Le théâtre est utile à la société ” Originaire de Virton en Belgique, Renelde Pierlot arrive à Luxembourg à quatre ans. À l’âge de dix ans, elle est bouleversée par une pièce jouée aux Rotondes d’antan. Un moment charnière, où une part d’elle même se transforme à jamais. Depuis, elle suit l’espoir d’offrir le même bouleversement à quelqu’un par son travail artistique, « pour façonner un monde plus viable ». Diplômée en art dramatique au conservatoire de Liège, elle fait ses débuts à la scène en Allemagne. Aujourd’hui installée à Esch, la jeune comédienne et metteuse en scène, garde un ancrage professionnel en Belgique et en Allemagne, tout en occupant les scènes du pays par ses propres créations ou dirigées par les grands noms du théâtre contemporain luxembourgeois. Rencontre avec une artiste qui ne cesse de marquer l’identité et le paysage théâtral du Grand-Duché.

N°221

TEXTE : GODEFROY GORDET

En 2017, vous passez à l’écriture et signez, en collaboration avec Laura Laboureur, Cuisse de nymphe emue. À quel moment décide-t-on d’écrire ? Je ne me considère pas auteur. Je ne sais pas écrire, j'ai été traumatisée à l'école, écrire un mail me coûte énormément d'énergie. Par contre, j'écris des spectacles. J’écris des spectacles dans ma tête. J'imagine et j'invente des spectacles. Cuisse de nymphe émue est venu du désir de rester dans la recherche. Avec Laura Laboureur on cherchait de nouvelles formes théâtrales. C'est devenu une forme qu'on a montrée et qui connaît une énorme recherche littéraire et corporelle. Dans Cuisse de nymphe emue, vous parlez de féminité par le prisme de nymphes nues exposant leur corps. Pourquoi faire du corps un spectacle ? Je ne sais pas si c'était uniquement un travail sur le corps. C'est très dur pour nous de qualifier ce projet. Une « Cuisse de nymphe émue » c'est une couleur, un rose, et ça désigne aussi une fleur, une variété de rose. Ce spectacle est un travail de recherche sur une identité féminine, et si elle peut être réduite à ses cuisses. Mais c’est réducteur par rapport à l’ampleur de notre recherche.

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On a fait un travail immense sur la corporalité, et sur la sémantique, en ne se donnant pas de contrainte, mais plutôt en s’interrogeant et en restant vivant en tant qu’artiste. C'est un projet expérimental qui m'a fait énormément grandir et qui a apporté une pierre dans l’édifice que Laura et moi faisons ensemble aujourd'hui. En février 2019, vous montez Voir la feuille à l’envers. Une création qui prend pour point de départ l’hyper sexualisation de notre ère, dans l’idée de parler de celles et ceux qui sont marginalisés. Quelle a été la genèse de ce projet ? Ce projet vient de très loin… À Liège j'ai fait un mémoire sur le théâtre avec des personnes âgées. Le sort des personnes âgées dans la société me révolte. En passant du temps avec mes grands parents et d’autres pensionnaires de maison de repos, j'ai appris énormément de choses en échangeant avec ces personnes. Et puis, j’ai vu un film sur la sexualité des personnes âgées, et je me suis demandé comment on pouvait éluder cette question dans notre société. Et j’en ai fait une pièce, qui porte sur la sexualité des personnes âgées, mais aussi des personnes handicapées ou incarcérées.

Comment s’est construite cette pièce déambulatoire ? Quand Tom Leick est venu me trouver pour me proposer de monter un spectacle en lien avec Breaking the Waves – que mettait alors en scène Myriam Muller, ndlr – je lui ai proposé ce projet. J'ai cru interpréter dans ses yeux que ce n’était pas ce qu'elle avait imaginé. En me remettant en question, j’ai réfléchi à ce triptyque sous une forme déambulatoire. De mes recherches, j’ai écrit ce spectacle dans ma tête, en ayant un canevas de ce que je voulais qui se passe. J’ai ensuite rencontré les acteurs à qui j’ai donné des extraits de textes que j'avais lus, des témoignages, des brochures de maisons de repos et je leur ai expliqué ce qu’il allait se passer et à quel moment. On a fait beaucoup d'improvisations enregistrées, qu’on a refaites et refaites encore… En fait, ce sont les comédiens qui ont écrit véritablement écris ce spectacle. Dans ce sens, depuis les débuts de votre compagnie « Les Frerebri(des) » (montée en 2014 avec Frédérique Colling et Brice Montagne), il y a cette volonté constante d’écriture au plateau. C’est comme ça que vous avez créé Robert(s) ?


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