ACTU
Au premier plan, la station d’épuration qui a rejeté l’eau anormalement chargée en lactose. Au second plan, l’usine Lactalis de Retiers.
« SPECTACULAIRE MAIS MOINS GRAVE QUE BEAUCOUP D’AUTRES » Le 18 août, un incident se produisait à l’usine Lactalis de Retiers. Trois jours plus tard, les rejets d’eau saturée en lactose asphyxiaient les poissons de La Seiche. Depuis, sur 8 km, il n’y a plus de vie dans le cours d’eau. Une enquête est en cours. Les pêcheurs, eux, ne décolèrent pas. « C’est une pollution d’une ampleur exceptionnelle », souffle un fonctionnaire de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM). Le 18 août, un incident dans un atelier de l’usine Lactalis de Retiers a entraîné le rejet d’eau saturée en lactose dans La Seiche. Conséquence : « Sur 8 km, la rivière est recouverte de lentilles d’eau et, surtout, tous les poissons ont été asphyxiés », poursuit l’agent de la DDTM, avant de tempérer. « C’est spectaculaire. Mais cette pollution est moins grave que
16 Le Mensuel N°95 / Octobre 2017
beaucoup d’autres qui ne se voient pas. Les rejets de Lactalis, de l’eau insuffisamment épurée en lactose, sont organiques. La nature va pouvoir reprendre ses droits. Dans quelques mois, il n’y paraîtra plus. L’agence française pour la biodiversité considère que le milieu sera revenu à son état normal dans trois ans. Il y aura de nouveau des poissons-géniteurs. » Ce « policier de l’eau » connaît parfaitement le dossier sur la pollution de La Seiche par Lactalis fin août. Son analyse a le mérite du recul. Pourtant, elle est loin de satisfaire les associations de protection de l’environnement qui, un mois et demi après le début de la pollution, ne décolèrent pas. Trois d’entre elles ont porté plainte contre le géant de l’agroalimentaire qui emploie 850 personnes à Retiers. « Nous ne pouvons tolérer que la rivière soit entièrement asphyxiée sur 8 km car il y a eu un “problème dans l’usine” », gronde Jérémy Grandière de la Fédération française de pêche, qui estime que près de 15 à 20 t de poissons morts auraient été collectés par Triadis service, l’entreprise chargée de leur ramassage. Pourtant, officiellement, seules quatre tonnes de cadavres de poissons ont été collectées, puis incinérées dans l’unité de traitement de produits d’abattage de la SVA Jean-Rozé à Cornillé. « La collecte des poissons morts n’a commencé que dix jours après leur asphyxie. Ils étaient en état de décomposition avancée quand on a voulu les retirer de l’eau. Les lambeaux passaient à travers les épuisettes »,
souffle Pauline Pennober de l’association Eau et rivières. Lactalis a-t-elle tardé à donner l’alerte ? A-telle sciemment continué à déverser de l’eau polluée dans La Seiche ? C’est ce qu’aura à évaluer le procureur de la République de Rennes. Le magistrat s’appuiera sur l’enquête de la gendarmerie de Vitré et sur le procès verbal de l’Agence française de la biodiversité. Quelle que soit la suite judiciaire donnée, Jérémy Grandière prévient : « Nous, nous irons jusqu’au bout. »
15 À 20 T DE POISSONS MORTS Le représentant des pêcheurs assure qu’ils ne se satisferont pas d’une simple compensation via le financement de l’introduction de poissons par l’industriel. « Nous voulons de réelles garanties pour que Lactalis ou un autre industriel ne puisse plus polluer les cours d’eau. » Au micro de France bleu Armorique, Bruno Alix, directeur de l’usine de Retiers, ne cachait pas son erreur après les faits mais rassurait : « On assumera notre responsabilité. Ce genre d’incident ne se reproduira plus. Nous avons d’ores et déjà mis en place des actions correctives. » Une chose est certaine : la suite donnée à cette procédure ne devrait pas se faire attendre. La pression médiatique est telle que le procureur devrait arbitrer rapidement. Claire Staes
L. Le Saux
POLLUTION DE LA SEICHE