Paperjam Plus - Private Banking

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AVRIL 2021

Private banking

« L’activité de

banque privée, c’est avant tout du relationnel  » Pierre Etienne Président du Private Banking Group Luxembourg de l’ABBL


ACTIF Oui, vous pouvez imaginer l’avenir avec sérénité : innovant, audacieux même, ou simplement confiant. Oui, vous pouvez oser aller toujours plus loin ; au bout de vos projets et de vos rêves parce que vous êtes parfaitement bien accompagné par nos équipes d’experts. Des équipes dédiées qui prennent activement soin de votre patrimoine pour que demain vous appartienne. Vous souhaitez en savoir plus ? www.degroofpetercam.lu ou prenez rendez-vous au +352 45 35 45 42 19

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L’aube d’une nouvelle ère

fondateur

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Rédaction Téléphone : (+352) 20 70 70-100 Fax : (+352) 29 66 19 E-mail : press@paperjam.lu Courrier : BP 728, L-2017 Luxembourg directeur de la publication

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D’une crise à l’autre… Après l’abandon du secret bancaire, qui a rebattu les cartes sur la Place et obligé les professionnels à embrasser la stratégie de l’argent blanc, après la crise des subprimes et ses répliques – qui ont bien failli mettre à genou tout le secteur financier –, voici la crise du Covid. Dont on peut déjà tirer un enseignement majeur pour le secteur : dans le monde de demain, la banque privée sera durable ou ne sera pas. Durable, d’abord dans les investissements qu’elle va proposer à sa clientèle. L’investissement durable devient incontournable. La clientèle est en demande. Comme si la crise avait précipité la prise de con­s­cience de la nécessité d’investir « sainement ». Durable, ensuite, dans ses services. Et plus précisé­ment dans la manière dont elle contacte et interagit avec ses clients. Dans un monde où le contact personnel est la clé, où la relation de confiance entre le client et le banquier doit s’incarner, le virage du numérique a dû être pris. Et semble avoir été pris. Les banquiers privés ont continué à conseiller, mais aussi, et surtout, à rassurer. On a l’impression que, si les relations devenaient plus distantes, elles devenaient également plus profondes. L’autre avantage de cette numérisation forcée, c’est l’amélioration de la gestion des risques et de l’efficacité opérationnelle. Presque un cadeau pour une industrie qui, si elle voit ses actifs sous gestion augmenter régulièrement – au Luxembourg, depuis 2009, les actifs ont plus que doublé –, voit aussi ses marges régulièrement s’éroder, tandis que ses coûts augmentent. Tout économiste qui se respecte vous dira que, dans chaque crise, il y a des opportunités qui sommeillent. Cela semble être le cas pour la banque privée.

Please recycle. Vous avez fini de lire ce magazine ? Archivez-le, transmettez-le ou bien faites-le recycler ! Tous droits réservés. Toute reproduction, ou traduction, intégrale ou partielle, est strictement interdite sans l’autorisation écrite délivrée au préalable par l’éditeur. © MM Publishing and Media SA. (Luxem­bourg) Maison Moderne ™ is used under licence by MM Publishing and Media SA. — ISSN 2354-4619

Auteur MARC FASSONE

AVRIL 2021 PRIVATE BANKING

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Banque et Caisse d’Epargne de l’Etat, Luxembourg, établissement public autonome 1, Place de Metz, L-2954 Luxembourg, R.C.S. Luxembourg B30775


Private banking Avril 2021

06 SUR LE RADAR

L’enjeu des ultra HNWI 08 LE JOUR OÙ

… Nous avons revu l’approche de la banque privée Raiffeisen 10 Dossier

Le Luxembourg, hub européen affirmé –

12 CONJONCTURE

Plus de 10 ans de croissance ininterrompue

18 INTERVIEW

AVEC PIERRE ETIENNE « Tout en étant concurrents, nous sommes partenaires d’un destin commun »

24 THE PLACE TO BE

Le Luxembourg, hub européen de la banque privée

28 TOOLBOX

Les petits plus du Luxembourg

30 ATTENTES DES

INVESTISSEURS Le choc des générations ?

32 SERVICES

« SUR-MESURE » Un accompagnement dans les moindres détails

Illustration

Ana Gaman

34 FACE À FACE

La combinaison gagnante du mentorat

36 INVESTISSEMENT VERT Le durable n’est plus une option

40 EN QUATRE POINTS

Encore timide, l’impact investing sort de l’ombre

42 GESTION DE FORTUNE

Une envie d’indépendance

44 À TRAVERS LE PAYS

La liste des banques privées

48 TECHNOLOGIES

Les défis de la digitalisation

50 TECH ÉMERGENTES

Les robo-advisors au Luxembourg 54 COMPLIANCE

Sous un feu nourri de réglementations 58 CAPITAL-

INVESTISSEMENT

Le private equity s’invite à table 60 MÉTIER SPÉCIFIQUE

Le profil du parfait banquier privé 62 INTERVIEW

AVEC KRIS DE SOUTER

Banquier privé et family officer, différents mais complémentaires 66 FORECAST

Où en sera la finance durable en 2021 ?

AVRIL 2021 PRIVATE BANKING

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Sur le radar

L’enjeu des ultra HNWI 21 % TOP 10

D’où viennent les plus riches ? Chaque année, Knight Frank, au cœur de son Wealth Report, établit un classement des pays accueillant le plus d’individus possédant un patrimoine de plus de 30 millions de dollars. Les États-Unis dominent le classement 2020, avec 240.575 ultra-riches, soit plus que l’Europe et l’Asie réunies. 513.244, c’est le nombre total d’UHNWI dans le monde en 2019, soit 6 % de plus que l’année précédente. La prévision de croissance de 27 % sur cinq ans porterait le total à 649.331. 1

Origine géographique des actifs de la clientèle (2019) L’Europe demeure le premier marché pour la banque privée au Luxembourg avec 85 % des actifs sous gestion.

États-Unis 240.575

FR, BE, GER

2

Chine 61.587

3

Allemagne 23.078

4

France 18.776

5

Japon 17.013

6

Royaume-Uni 14.367

7

Italie 10.701

8

Canada 9.325

9

Russie 8.924

10

Suisse 8.395

6

DANS LE MONDE ENTIER

17 %

* Actifs multijuridictionnels : il s’agit des comptes de clients résidant dans plusieurs juridictions ou de clients regroupés sous des contrats d’assurance-vie (les comptes étant ouverts au nom de la compagnie d’assurances). Source Enquête ABBL-CSSF 2020 sur le secteur de la banque privée – chiffres fin 2019

PRIVATE BANKING AVRIL 2021

LUXEMBOURG


Cible privilégiée des banques privées luxembour­ geoises, les ultra-riches – les UHNWI, pour « ultra high net worth individuals » – offrent les meilleures perspectives de croissance pour les banques. Zoom sur l’origine géographique des actifs sous gestion de la banque privée au Luxembourg, qui veut cibler davantage une clientèle internationale hors UE.

3 QUESTIONS À

FABIO MANDORINO

Senior adviser – Member Relations department au sein de l’ABBL

5 %

MULTI-JURISDICTIONAL ASSETS *

10 %

RESTE DU MONDE

D’où proviennent les actifs sous gestion confiés à des acteurs de la banque privée luxembourgeoise ? La banque privée luxembourgeoise revêt un caractère international prononcé. En témoigne l’origine géographique des actifs de la clientèle. Fin 2019, on constate que 85 % des actifs gérés par des membres de notre Private Banking Group Luxembourg appartiennent à des résidents européens. La proportion des actifs détenus par des clients issus des pays limitrophes au Luxembourg – la Belgique, la France et l’Allemagne – reste stable, tandis que la part des actifs ayant pour origine le reste de l’Europe s’accroît. Un peu plus de 10 % des actifs sous gestion appartiennent à des clients situés au-delà des frontières de l’Union européenne, principalement en Amérique du Sud, au Moyen-Orient et en Asie. Pourquoi le Luxembourg attire-t-il les clients fortunés européens ? Les acteurs ont développé une connaissance poussée des réglementations propres à chaque pays européen, pour pouvoir accompagner au mieux une clientèle dont la dimension est internationale, dans le respect des règles qui s’imposent à eux. Cette expertise multijuridictionnelle constitue l’un des principaux avantages compétitifs de la banque privée luxembourgeoise.

RESTE DE L’EUROPE 47 %

Le Luxembourg doit-il nourrir l’ambition d’aller chercher des clients au-delà des frontières de l’Union européenne ? La part des actifs provenant du reste du monde appartient souvent à des clients de banques globales ou étrangères, brésiliennes ou asiatiques, qui s’installent au Luxembourg pour accéder au marché européen. L’enjeu, pour la Place, est de parvenir à attirer ces banques au Luxembourg, en valorisant notre écosystème auprès d’elles. Auteur S. L.

AVRIL 2021 PRIVATE BANKING

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Le jour où…

… Nous avons revu l’approche de la banque privée Raiffeisen Si Banque Raiffeisen est riche d’une longue histoire, sa banque privée, sous sa forme actuelle, n’existe que depuis 2017. Selon Georg Joucken, head of private banking au sein de Raiffeisen, à l’origine de cette belle histoire, ce pari était le bon.

Pour nous différencier de la concurrence, nous avons choisi de déployer notre activité de banque privée au niveau du réseau : dans chacune de nos 37 agences, nos clients peuvent donc consulter un private banker qualifié, en gardant à l’esprit le principe selon lequel c’est à la banque de s’adapter au client. Nous mettons également une hotline de l’investisseur à disposition de nos membres et clients. Un investment desk s’occupe de coordonner et d’animer l’activité de placement, mais aussi de sélectionner les différents produits que nous proposons. Bien que nous soyons co-promoteurs de Lux Funds et que nous commercialisions les fonds de notre partenaire Vontobel, la banque dispose d’une grande liberté dans le choix de ses produits, notamment en utilisant le concept ‘best of’. Il s’agit d’un processus de sélection 8

PRIVATE BANKING AVRIL 2021

Les activités de placement de Raiffeisen se divisent en trois services : R-Gestion, R-Conseil et R-Invest. Chacun de ces services accorde une place importante aux produits durables, qu’il s’agisse de fonds ESG (environnemen­ taux, sociaux et de gouvernance, ndlr) certifiés par Luxflag ou Febelfin, de fonds indiciels qui répondent aux critères SRI (socially responsible investment, ndlr), de green bonds, ou encore de produits structurés pour lesquels nous nous fions également au label de ­Vontobel. La banque propose également une gestion discrétionnaire et un plan d’épargne en fonds d’investissement durables. Quatre ans après avoir lancé cette nouvelle approche en matière de placements, nous sommes tous très contents de l’évolution de notre activité, qui a plus que doublé. À l’avenir, l’enjeu consistera à trouver les bonnes réponses aux besoins des clients, en trouvant un équilibre entre le digital et l’humain. C’est là un aspect particulièrement important pour une banque coopérative comme la nôtre, où la proximité et la satisfaction des clients sont des éléments essentiels. Enfin, nous devrons également faire face, au cours des prochaines années, aux conséquences de l’avalanche réglementaire qui s’est abattue sur le secteur. »

Auteur Q. D.

Georg Joucken, head of private banking au sein de Raiffeisen.

Romain Gamba

Ceci s’explique également par l’évolution des besoins de nos clients, qui sont, pour la grande majorité, des résidents luxembourgeois, avec un profil d’investisseur plutôt prudent et défensif. Ils privilégient les investissements dans l’immobilier et préfèrent souvent les produits monétaires ou obligataires. La baisse des taux d’intérêt les a amenés à rechercher des alternatives. C’est dans ce contexte qu’une activité de placement plus structurée, avec une nouvelle approche, a vu le jour le 1er janvier 2017.

en architecture ouverte, développé en interne, sur la base duquel nous sélectionnons en toute transparence des fonds qui sont à la fois plus performants et moins risqués que leur indice de référence sur plusieurs années. Si aucun fonds ne correspond à nos critères, nous recommandons d’acheter des fonds qui répliquent des indices (ETF). Cette méthode a porté ses fruits jusqu’ici, en nous fournissant de très bons résultats.

Photo

« Banque Raiffeisen existe depuis près de 95 ans. Si, historiquement parlant, elle avait tendance à se concentrer sur les affaires courantes, la gestion de l’épargne, ou encore les crédits aux particuliers et professionnels, son activité de placement s’est étoffée au fil des années. Au départ, cette activité se limitait essentiellement à l’achat et à la vente de titres. C’est suite à la signature d’un partenariat avec la banque suisse Vontobel, en 2009, que la banque a commencé à se focaliser davantage sur le service de gestion discrétionnaire.


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Dossier

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PRIVATE BANKING AVRIL 2021


Le Luxembourg,  hub européen  affirmé Agilité, expertise multijuridictionnelle, accompagnement soigné, le Luxembourg se positionne plus que jamais comme la porte d’entrée du marché européen de la banque privée. Suite au Brexit, la position du Grand-Duché comme hub européen de la gestion de fortune s’est vue renforcée. Plusieurs banques internationales y ont relocalisé leur activité de banque privée. Ce sont à la fois les compétences multiples développées sur la Place, la stabilité financière attestée par le triple A, ainsi que la stabilité politique, sociale et économique qui sont traditionnellement mises en avant pour expliquer l’attrait de l’univers de la gestion de fortune luxembour­geoise. Mais le réel avantage compétitif du secteur reste pourtant sa capacité à répondre à des problématiques transfrontalières complexes. Avec quelques extras qui rendent le hub luxembourgeois encore un peu plus attrayant, comme son expertise en matière de philanthropie et d’investissements plaisir, ou encore les services rendus par les family offices.

Illustration

Ana Gaman

Le segment des UHNWI représente dorénavant plus de 58 % du volume d’actifs sous gestion. Des actifs sous gestion qui flirtent avec la barre des 500 milliards d’euros. La clientèle ciblée est à 85 % européenne. Les banquiers privés étaient donc au rendez-vous durant la pandémie. Le relationnel étant central en gestion de fortune, le défi posé par la crise sanitaire de préserver ce lien a été remporté par les acteurs de la Place. La crise sanitaire ayant en plus accéléré les projets de numérisation qui étaient déjà en train de se réaliser. Les challenges restant à relever dans le futur sont surtout ceux de la gestion des coûts liés aux enjeux réglementaires et d’attirer des talents de l’étranger. AVRIL 2021 PRIVATE BANKING

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Dossier

Plus de 10 ans de croissance ininterrompue L’activité de gestion de fortune au Luxembourg ne s’est jamais aussi bien portée, n’en déplaise aux Cassandre qui, il y a quelques années, misaient sur sa disparition. L’expertise des banquiers privés de la place financière est aujourd’hui reconnue et très appréciée d’une clientèle internationale de plus en plus riche.

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PRIVATE BANKING AVRIL 2021

Croissance soutenue En 2020, la progression de l’activité de la banque privée au Luxembourg tient d’ailleurs essentiellement aux performances des marchés. L’évolution de l’activité dans son ensemble, sur plusieurs années, se porte bien, comme en témoigne la récente étude Luxembourg Private Banking Survey 2020 de l’Association des banques et banquiers, Luxembourg (ABBL). Cette enquête consolide les chiffres du secteur sur base des indicateurs partagés par les membres du Private Banking Group Luxem­ bourg (PBGL), à savoir les acteurs luxembourgeois dédiés à la banque privée et à la gestion de fortune. « Si l’on considère les actifs sous gestion confiés à nos membres, on atteint 466 mil­ liards d’euros à la fin de l’année 2019. Nous devrions donc approcher ou franchir la barre des 500 milliards en 2020 », commente Fabio Mandorino, senior adviser – Private banking au sein de l’ABBL. Depuis 2008 et la crise financière, le volume d’actifs sous gestion confiés aux acteurs de la banque privée luxembourgeoise a plus que doublé (+107 %), passant de 225 milliards à 466 milliards d’euros en 2019. « C’est le résultat de 11 années consécutives de crois­ sance pour le métier, poursuit Fabio Mandorino. La taille de la banque privée luxembourgeoise reste toutefois moins conséquente que ce que repré­ sente la Suisse, référence dans le domaine de la gestion de fortune. On estime que le volume d’actifs sous

Ana Gaman

Liens renforcés Douze ans plus tard, le monde est à nouveau mis à l’épreuve. À la différence que, cette fois, la crise a été de nature à renforcer les liens entre les conseillers en banque privée et leurs clients. « Alors que le monde vacillait dans l’incertitude et que les marchés chutaient, les banquiers privés ont répondu présent pour rassurer et conseiller leurs clients, en multi­ pliant les échanges et en restant proches de chacun malgré la distance, commente JeanPascal Nepper, partner, head of banking and insurance au sein de KPMG Luxembourg. En période de crise, on se raccroche à ce que l’on connaît. La crise a sans aucun doute permis de consolider les relations que les acteurs luxem­ bourgeois entretenaient avec leurs clients. » Si les marchés ont reculé en mars et avril 2020, ils ont ensuite rapidement remonté. Durant cette période, avec l’aide de leur conseiller, les investisseurs ont pu réagir efficacement. « Les clients actifs ont pu effectuer quelques belles opérations et atteindre des performances rarement réalisées sur les transactions, commente Émilie Serrurier-Hoël, head of wealth

management Europe au sein de la Banque internationale à Luxembourg (BIL). Dans un contexte de crise, il est effectivement important de pouvoir s’appuyer sur les solutions de conseil proposées par un gestionnaire de fortune acces­ sible, qui vous connaît bien et qui peut vous aider à saisir les opportunités liées à la situa­ tion. » Bien vendre et bien acheter, alors que règne une grande volatilité, permet en effet de tirer son épingle du jeu.

Illustration

Une crise n’est pas l’autre. Celle que nous traversons actuellement, et dont on peine encore à évaluer les conséquences économiques, sociales et sociétales, n’a rien de comparable à celle de 2008, qui trouvait son origine au cœur des systèmes financiers. Les conséquences de chacune de ces deux crises sur l’activité de banque privée luxembourgeoise apparaissent même comme diamétralement opposées. Le séisme de 2008 avait entraîné une crise de confiance dans l’industrie financière, et dans la banque en particulier, conduisant à davantage de transparence. À partir de là, le modèle de la banque privée luxembourgeoise, alors remis en question, a commencé une mue profonde, vers une autre clientèle, plus fortunée, plus exigeante, désireuse de profiter d’un accompagnement global de gestion patrimoniale.


Conjoncture

gestion en Suisse est quatre fois plus important qu’au Luxembourg. Notre développement, toute­ fois, est beaucoup plus prononcé. Entre 2012 et 2019, le volume d’actifs sous gestion au Luxembourg a connu une croissance de 67 %, contre 24 % en Suisse. On reste petit, mais on croît plus vite. »

Photo

KPMG

Plus riches, plus internationaux Entre 2008 et aujourd’hui, le métier a profondément changé. Faisant le deuil du secret bancaire, les acteurs de la banque privée ont développé une nouvelle proposition de valeur s’appuyant notamment sur une expertise poussée en gestion, structuration et planification patrimoniales à une échelle transfrontalière. Cette réorientation radicale a entraîné une évolution conséquente de la clientèle. « Nous avons vu le segment des clients détenant plus de 20 millions d’euros croître au fil des dernières années. Aujourd’hui, cette clientèle représente plus de 58 % du volume d’actifs sous gestion, explique Jean-Pascal Nepper. La part de la clientèle dite ‘affluent’, détenant moins d’un million d’euros, s’est réduite considéra­ blement. Ces clients ne représentent plus que 8 % des actifs sous gestion. » Le Luxembourg attire donc désormais et avant tout une clientèle internationale, active, mobile, sophistiquée et exigeante. « Parvenir à la satisfaire implique de disposer de compé­ tences élargies. Au-delà du conseil en investis­ sement, il est nécessaire de s’appuyer sur une expertise en structuration et planification patrimoniales, d’être en capacité d’accompa­ gner le client en considérant la fiscalité inter­ nationale, de pouvoir proposer une gamme de produits d’investissement élargie et, plus que tout, d’assurer une gestion optimale de la rela­ tion client », ajoute Jean-Pascal Nepper. Empreinte internationale Les banquiers privés et gestionnaires de fortune peuvent aujourd’hui s’appuyer sur un écosystème enrichi, avec un accès direct à une large diversité de partenaires, avocats, fiscalistes, assureurs, spécialistes des investissements alternatifs ou encore de la philanthropie. « Les clients se tournent désormais vers le Luxembourg pour accéder à toute cette expertise, pour la capacité des acteurs à mobi­ liser les bons experts afin de concevoir les solu­ tions les plus adaptées à leurs besoins, précise Émilie Serrurier-Hoël. Ce que la clientèle for­ tunée vient avant tout chercher au Luxembourg, c’est une capacité à répondre à des probléma­ tiques transfrontalières complexes, qui tient compte de leur empreinte internationale. » En 2018, les clients belges, français et allemands détenaient 16 % du volume d’actifs sous gestion. Cette proportion reste très stable. Le volume d’actifs de clients provenant du reste de l’Europe, par contre, a considérablement évolué, passant de 40 % des actifs totaux

dans le domaine de la gestion de fortune. Une banque privée purement domestique n’aura généralement pas l’expertise pour accompagner le client à travers des problématiques qui dépassent les frontières nationales.

JEAN-PASCAL NEPPER Partner, head of banking and insurance KPMG Luxembourg

Porte d’entrée En tant que hub européen de la gestion de fortune, le Luxembourg dispose aujourd’hui d’un réel avantage compétitif. Cette position a d’ailleurs été renforcée suite au Brexit. La City de Londres étant sortie de l’Union européenne, plusieurs banques internationales ont choisi de relocaliser leur activité de banque privée au Luxembourg pour pouvoir continuer à servir une clientèle établie au cœur de l’Union européenne. « Nous sommes aujourd’hui la seule place financière en Europe à jouir de cette aura, confirme Fabio Mandorino. Les grands acteurs globaux de la banque privée qui n’étaient pas encore au Luxembourg ont rejoint la Place suite à la sortie du Royaume-Uni de en 2014 à 46 % en 2018. Ces clients ont géné- l’Union européenne, à l’instar de Goldman ralement une dimension internationale. Sachs, Citi (qui a rapatrié son activité de banque Résidents d’un pays déterminé, ils peuvent privée et environ 20 milliards d’encours au avoir des investissements, comme des entre- Luxembourg ) ou encore JP Morgan. Le prises ou de l’immobilier, dans un ou plusieurs Luxembourg se positionne plus que jamais autres pays, ou encore des enfants qui vivent comme la porte d’entrée du marché européen à l’étranger. « Tout en tenant compte des enjeux pour les acteurs de la banque privée ayant une réglementaires et fiscaux propres au pays de empreinte globale. » Ces dernières années, les résidence de chaque client, la banque privée autorités et les acteurs de la place financière luxembourgeoise cherche à mettre en place les ont multiplié les efforts de promotion à trasolutions les plus adaptées pour structurer un vers le monde, avec un focus important sur patrimoine diversifié et envisager les moyens le Moyen-Orient ou encore l’Amérique du de garantir la préservation et la transmission Sud. Plusieurs banques chinoises ont établi de ce patrimoine », assure la responsable de leur quartier européen au Luxembourg. Le l’activité Wealth management de la BIL. C’est pays est aussi désormais l’unique tête de pont là la principale valeur ajoutée du Luxembourg des banques suisses en Europe.

« Nous avons vu le segment des clients détenant plus de 20 millions d’euros croître au fil des dernières années. »

ÉVOLUTION DE LA TYPOLOGIE DE LA CLIENTÈLE EN POURCENTAGE (2015-2019) En millions d’euros > 20 54 %

54 %

10-20 52 %

56 %

58 %

5-10 1-5 <1

8 %

8 %

8 %

8 %

8 %

8 %

17 %

17 %

18 %

9 % 9 % 16 %

9 % 9 % 16 %

13 %

13 %

12 %

10 %

8 %

2015

2016

2017

2018

2019

Source

KPMG/Alfi Loan Fund Survey

AVRIL 2021 PRIVATE BANKING

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Dossier Conjoncture

« La stabilité politique, sociale et économique du Grand-Duché, confirmée par son triple A, attire aussi bien les institutions bancaires inter­ nationales, qui sont aujourd’hui, pour la plu­ part, présentes sur la Place, que les clients », assure Jean-Pascal Nepper. Alors que le monde est en proie à l’incertitude, les clients fortunés trouvent ici un lieu sûr pour placer leur patrimoine. « Beaucoup peuvent aujourd’hui craindre l’avenir. Dès lors, ils n’hésitent pas à rapatrier leurs actifs au Luxembourg, qui offre un cadre plus rassurant que les pays voisins, ajoute Émilie Serrurier-Hoël. La croissance de l’activité sur place tient beaucoup à cette réputation. Aujourd’hui, les grands acteurs de la banque privée n’hésitent pas à réorienter leurs clients vers le Luxembourg, principale­ ment si leur situation implique le recours à des compétences transfrontalières. Pour une banque comme la nôtre, qui ne dépend pas d’une mai­ son mère à l’étranger, c’est à travers notre réseau d’intermédiaires que nous allons à la rencontre de ces clients en faisant valoir la stabilité du Luxembourg et l’expertise des acteurs locaux. » Grandir avec l’industrie des fonds Autre atout de la banque privée luxembourgeoise : sa proximité avec l’industrie des fonds du pays – la seconde plus importante au monde. Le développement de la banque privée luxembourgeoise est désormais intimement lié à l’évolution de l’industrie des fonds et au développement de nouveaux produits d’investissement, dans le domaine des fonds alternatifs ou encore des fonds durables, pour lesquels l’appétit des investisseurs est grandissant. Les solutions proposées permettent d’accompagner les clients tout au long du cycle de vie. « Pour les entrepreneurs en phase de création de valeur, des structures de private equity nous permettent de les accompagner, commente Émilie Serrurier-Hoël. Pour certains clients actifs dans l’immobilier, des structures de fonds alternatifs immobiliers sont également une solution de structuration patrimoniale. Pour d’autres, qui sont davantage préoccupés par des problématiques de transmission et de planifi­ cation, soucieux de laisser un monde meilleur aux nouvelles générations, ils trouveront leur bonheur dans une offre vaste de fonds à carac­ tère ESG. » Garantir la qualité de la relation Si, ces derniers mois, l’activité de gestion de fortune luxembourgeoise a continué à bien se porter, la crise a mis en évidence des enjeux nouveaux, des défis importants auxquels les acteurs doivent s’atteler. « Dans le métier, le relationnel est central. Il faut être au plus proche des clients, tisser des liens de confiance. Pour bien les accompagner, nous devons bien les connaître, pouvoir explorer les divers aspects de leur vie, indique Émilie Serrurier-Hoël. Au-delà du besoin urgent lié à une chute des marchés, la 14

PRIVATE BANKING AVRIL 2021

ABC DE LA BANQUE PRIVÉE Découvrez l’univers de la gestion de fortune luxembourgeoise à travers cinq concepts-clés.

CONSEIL EN INVESTISSEMENT La banque privée regroupe aujourd’hui toute l’activité inhérente à la gestion de fortune. Mais c’est avant tout pour profiter d’un conseil en investissement personnalisé que les clients fortunés font appel à ses services.

PLANIFICATION Le banquier privé, en étant à l’écoute de son client, l’accompagne dans la durée et l’aide à placer son patrimoine au service de ses attentes et objectifs. Le conseiller en banque privée peut suivre une famille sur plusieurs générations, en cherchant à préserver le patrimoine familial et à mettre en place des solutions de transmission autour d’une gouvernance adaptée.

RELATION Plus que l’expertise, c’est la qualité de la relation entre le banquier et son client qui prime. Pour bien comprendre chaque client et sa situation, le conseiller en banque privée doit obtenir sa confiance. Il n’est pas rare que le banquier privé devienne un intime de ses clients.

STRUCTURATION INTERNATIONALE Les clients de la banque privée ont le plus souvent un patrimoine se répartissant sur plusieurs pays. Il peut être constitué de titres, d’entreprises, de biens immobiliers, d’œuvres d’art ou encore de bateaux… Un des enjeux est de parvenir à structurer cet ensemble, parfois hétéroclite, pour en garantir la gestion et la préservation dans la durée.

UHNWI Aujourd’hui, la banque privée luxembourgeoise cible une clientèle fortunée, et même extrêmement fortunée. Elle appartient à la catégorie des ultra high net worth individuals, soit des personnes détenant des actifs pour une valeur minimale de 30 millions d’euros.

relation s’appuie sur des discussions informelles, permettant de prendre le temps de regarder ce qu’il se passe dans leur vie, dans leurs affaires, de comprendre leurs objectifs et leurs préoccu­ pations pour mieux envisager l’avenir avec eux. Or, avec la distance, le défi est de parvenir à préserver ce lien, à maintenir un relationnel aussi riche qu’avant la pandémie. » Les outils de visioconférence permettent de maintenir le lien. Et, bien évidemment, le téléphone reste un outil de communication particulièrement efficace. Mais l’un et l’autre n’offrent pas la même profondeur de relation qu’un déjeuner ou un dîner partagé au restaurant. À travers eux, il est aussi plus difficile de prendre en considération les aspects liés à la communication non verbale. Poursuivant sa transformation, et pour continuer à grandir, l’ensemble de la banque doit placer le client au centre de toutes les attentions. « Il est essentiel de renforcer en permanence l’expérience client proposée. Si l’on parle beaucoup d’automatisation et de robo-­advising, au niveau de la banque privée, ces éléments doivent se mettre au service du conseiller, bien en chair. L’idée est de mettre le numérique au service d’un banquier privé ‘augmenté’, qui reste garant de la qualité de la relation, explique Jean-Pascal Nepper. Si le client demande de plus en plus de pouvoir effectuer des opérations directement, au départ d’interfaces numériques, il voudra pouvoir parler directement à son banquier quand, par exemple, le marché s’effondre de 8 % en une seule journée. Seule une vraie personne pourra le rassurer, lui offrir de nouvelles perspectives. C’est aussi dans ces moments que le banquier privé fait toute la différence. » La distance pose aussi un vrai défi, par rapport à l’aspect commercial, pour convertir de nouveaux clients. Sans événements physiques, comme cela a été le cas depuis le début de la crise du Covid-19, la commercialisation active des services est beaucoup plus complexe. « Par écrans interposés, c’est un véritable défi de créer du lien avec le client, de dévelop­ per une relation authentique, assure JeanPascal Nepper. Dans ce domaine, il faut parvenir à se réinventer. Mais ce n’est pas simple. » Allier expérience client et réglementation Dans l’ensemble, et considérant les impacts de la crise, les acteurs de la banque privée ont pris conscience de l’importance d’améliorer l’ensemble de leurs canaux de communication pour mieux suivre le client. Pourquoi un conseiller ne pourrait-il pas prendre des nouvelles de son client via WhatsApp ou tout autre service de messagerie instantanée couramment utilisé ? « Avec la crise, pas mal de projets de numérisation enfouis dans les tiroirs ont été remis sur la table de travail, autour notamment de l’expérience client et de la relation, poursuit


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Dossier Conjoncture

« Le principal enjeu, pour soutenir la croissance, réside dans le développement et l’attraction des talents. Chaque banque doit s’appuyer sur des compétences spécifiques. » 16

PRIVATE BANKING AVRIL 2021

Alors que l’effectif total du secteur bancaire reste stable, avec 26.337 employés en 2019, le secteur bancaire privé a enregistré une légère diminution du nombre de personnes employées. Le nombre total d’employés à temps plein était de 6.224 à la fin de l’année 2019 (-6,8 % par rapport à 2018), dont 1.365 (-6,6 % par rapport à 2018) sont des employés en contact direct avec la clientèle. Cette diminution est largement attribuée à la réaffectation du personnel, comme les transferts vers différentes fonctions au sein d’une même institution, les nouvelles opportunités d’emploi au sein d’autres institutions, associées à la gestion de fortune mais ne rentrant plus dans le périmètre de la banque privée, ou encore les départs à la retraite.

les solutions en Europe ne sont pas encore suf­ fisamment harmonisées. Si Luxtrust fonc­ tionne bien au Luxembourg, de telles solutions restent fastidieuses à déployer pour nos clients à l’étranger. » Le défi des compétences Le métier de banquier privé au Luxembourg aurait donc encore de beaux jours devant lui. Toutefois, pour continuer à grandir au-delà de cette crise, il faut sans cesse parvenir à consolider les acquis et à élever plus haut encore le niveau de services. « Le principal enjeu, pour soutenir la croissance, réside dans le développement et l’attraction des talents. Chaque banque doit s’appuyer sur des compé­ tences spécifiques. Le banquier ne peut désor­ mais plus travailler seul, il doit pouvoir mobiliser des expertises diverses pour mettre en œuvre des crédits dédiés, planifier une transmission, envisager des investissements dans des domaines très précis », assure Émilie Serrurier-Hoël. La boîte à outils luxembourgeoise est déjà riche. Toutefois, il faut sans cesse veiller à l’enrichir, à la renforcer pour parvenir à répondre au haut niveau de sophistication qu’attendent les clients. « Pour cela, il faut que les relationship managers puissent avoir une hauteur de vue suffisante sur l’ensemble des possibilités que la Place offre et être en capacité de travail­ ler avec un family office, un avocat, un fisca­ liste ou encore un tiers gérant, afin de garantir la satisfaction de tous, assure Jean-Pascal Nepper. Plus que jamais, il faut apprendre à travailler en réseau, développer des connexions avec toutes les expertises présentes au Luxem­ bourg dans le domaine de la gestion de fortune, mais aussi avec l’industrie des fonds, pour avancer tous ensemble. » La place financière conservant une taille humaine, les acteurs

les mieux connectés peuvent mettre rapidement en place les solutions ad hoc en mobilisant du jour au lendemain les bonnes personnes. Cette agilité se traduit aussi au niveau des autorités, qui peuvent rapidement faire évoluer le cadre légal pour saisir les opportunités liées à cette activité. Au-delà, il faut aussi parvenir à attirer les bons talents. « Si l’Université, à travers son programme de mentoring, contribue à former les banquiers privés de demain, cela ne suffira pas à combler la demande en compétences du métier, commente Émilie Serrurier-Hoël. Il est donc important de bien faire valoir la richesse du métier, l’expertise du Luxembourg à l’in­ ternational et, plus largement, de communi­ quer une image positive du pays, cela afin d’attirer des talents de l’étranger. » Consolidation et rationalisation des coûts Si le métier doit investir pour mieux servir le client, il doit aussi faire face à une augmentation des coûts liés aux enjeux réglementaires. Tout cela pèse sur les marges des acteurs. « Dans ce contexte, les plus petites banques peinent à rester profitables. On assiste à un mouvement de consolidation du marché, avec une intensification des fusions et acquisitions ces dernières années, analyse Fabio Mandorino. Entre 2017 et 2020, nous avons perdu une dizaine de banques privées au Luxembourg. Certains acteurs ont rejoint d’autres groupes pour garantir la profitabilité de l’activité. D’autres ont renoncé à la licence bancaire, et aux obli­ gations qui y sont associées, pour proposer une activité indépendante de gestion des investis­ sements et de conseil en structuration. » Ce mouvement de consolidation devrait se poursuivre dans les années à venir. Le numérique, au-delà de la relation client, constitue un des leviers à mobiliser pour parvenir à une rationalisation des coûts. « Le numérique ne remplacera pas l’humain au niveau de la relation client. Mais de nom­ breuses tâches à faible valeur ajoutée peuvent très certainement être automatisées, afin de réduire les coûts. Certains processus opération­ nels peuvent être simplifiés », commente JeanPascal Nepper. Si les défis ne manquent pas, l’activité de banque privée au Luxembourg peut tirer profit de ses forces pour continuer à avancer. À n’en pas douter, le métier sortira comme l’un des grands gagnants de cette crise.

BIL

ÉMILIE SERRURIER-HOËL Head of wealth management Europe Banque internationale à Luxembourg (BIL)

L’EMPLOI DANS LA BANQUE PRIVÉE

Auteur S. L.

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Jean-Pascal Nepper. De nombreux outils de communication sont aujourd’hui disponibles. Le vrai défi, si l’on commence à les multiplier, réside dans la manière de monitorer l’ensemble des échanges, afin de pouvoir répondre aux enjeux réglementaires. » Si le banquier privé peut prendre des nouvelles, via WhatsApp, de son client, de la réussite scolaire de ses enfants, de la manière dont ses affaires sont impactées par la crise, pour tout conseil en investissement, c’est en effet autre chose. La réglementation Mifid impose notamment que tout échange relevant du conseil en investissement soit enregistré et puisse être rendu accessible, à la demande, au régulateur. « En multipliant les canaux, il faut pouvoir faire la part des choses. C’est au banquier privé d’inviter son client qui l’inter­ pelle à propos d’un conseil en investissement via un outil de messagerie non sécurisée à pour­ suivre la discussion sur un canal officiel per­ mettant de garder des traces de l’échange, par téléphone ou messagerie sécurisée, par exemple, indique Jean-Pascal Nepper. En permanence, il faut trouver le juste milieu entre expérience client optimale et conformité réglementaire. » Le numérique, à de nombreux niveaux, peut aussi contribuer à l’amélioration de l’expérience client et pourrait se mettre au service d’une commercialisation plus active à distance. « Il importe encore d’avancer sur l’intégration de la signature électronique au cœur de nos processus, pour faciliter à la fois la vie du client et celle du banquier, commente Émilie Serrurier-Hoël. Or, à l’heure actuelle,


« ET SI ON ARRÊTAIT D’AVOIR UNE PENSÉE TOUTE DROITE ? » (probablement dit par) Victor Horta, 1892

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Voyez plus loin dans vos investissements. Risque de perte en capital. La valeur des investissements et le revenu en découlant peuvent évoluer à la baisse comme à la hausse et ne sont pas garantis. L’investisseur n’est pas assuré de récupérer son investissement initial. Jusqu’au 31 décembre 2020, publié par BlackRock Investment Management (UK) Limited, société agréée et réglementée par la Financial Conduct Authority (FCA), dont le siège social est situé au 12 Throgmorton Avenue, London, EC2N 2DL, Angleterre, Tél. +44 (0)20 7743 3000. Enregistré en Angleterre et au Pays de Galles sous le numéro 00796793. Pour votre protection, les conversations téléphoniques sont généralement enregistrées. BlackRock est un nom commercial de BlackRock Investment Management (UK) Limited. Veuillez-vous reporter au site Internet de la Financial Conduct Authority pour consulter la liste des activités autorisées menées par BlackRock. A partir du 1er janvier 2021, dans l’éventualité où le Royaume-Uni quitterait l’Union européenne sans conclure d’accord avec cette dernière autorisant les entreprises britanniques à proposer des services financiers au sein de l’UE (Brexit sans accord), l’émetteur du présent document serait : -BlackRock Investment Management (UK) Limited pour tous les pays hors de l’Espace économique européen ; et -BlackRock (Netherlands) BV dans l’Espace économique européen. BlackRock (Netherlands) B.V. est autorisée et réglementée par l’Autorité néerlandaise des marchés financiers. Siège social Amstelplein 1, 1096 HA, Amsterdam, Tél : 020 - 549 5200, Tél : 31-20-549-5200. Numéro de registre du commerce 17068311 Pour votre protection, les appels téléphoniques sont généralement enregistrés. © 2021 BlackRock, Inc. Tous droits réservés. 1553878


Interview Pierre Etienne

« Tout en étant concurrents, nous sommes partenaires d’un destin commun » Pierre Etienne, président du Private Banking Group Luxembourg de l’ABBL, évoque les enjeux de compétitivité du métier. Au programme : évolution des compétences, transformation numérique, pression réglementaire et réputation…

Comment la clientèle a-t-elle évolué ? La clientèle cible reste européenne, à 85 %. C’est la taille moyenne des clients qui a principalement évolué, avec des profils plus fortunés à la recherche de services de gestion d’actifs, mais aussi de solutions de structuration patrimoniale globales, plus avancées. Nous nous sommes adaptés pour répondre à leurs attentes, en développant notamment un écosystème d’acteurs riche et diversifié. 18

PRIVATE BANKING AVRIL 2021

Les clients davantage dits mass affluent ont rapatrié leurs avoirs dans leur pays ou les ont régularisés, volontairement ou à la demande des banques luxembourgeoises, qui se sont inscrites dans une démarche de transparence totale, et nous sommes partis à la rencontre de nouveaux besoins exprimés par des clients internationaux. Selon vous, quels ont été les principaux facteurs de succès ? Je pense que c’est la combinaison de nombreux éléments. Le triple A du pays, encore récemment confirmé par les agences de notation avec une perspective stable, y est pour beaucoup. Aujourd’hui, le Luxembourg est l’un des derniers pays de l’Union européenne, avec l’Allemagne, à pouvoir afficher un tel niveau de confiance. Les clients viennent au Luxembourg pour sa stabilité économique, politique et sociale qui leur garantit une grande prévisibilité. Alors que le monde est incertain, ils cherchent une zone de refuge. À ces facteurs s’ajoute encore un grand pragmatisme des autorités, qui restent très accessibles. Nous disposons aussi d’un excellent régulateur, d’un excellent superviseur, qui agit pour protéger le client et l’investisseur final. Autrement dit, le Luxembourg apparaît toujours comme un refuge, mais plus pour les mêmes raisons que par le passé… La finance luxembourgeoise n’a plus à rougir de son s­ tatut. La transparence est là. L’activité se développe en parfaite conformité avec les directives européennes et de l’OCDE. Avec une proposition de valeur réelle et d’importants atouts, Luxembourg parvient à attirer de nouveaux clients. La place financière se distingue par une forte expertise multijuridictionnelle, nous permettant d’accompagner chaque client en considérant sa situation fiscale et la réglementation de son pays de résidence. Cette connaissance transfrontalière, associée au multilinguisme et à la multiculturalité qui prévalent au Luxembourg, est quelque chose d’unique. Comme vous le savez, l’activité de banque privée, c’est avant tout du relationnel. Ici, on peut a ­ ccueillir le client dans sa langue et dans sa culture. Tout cela p ­ ermet d’expliquer la croissance commerciale soutenue des ­dernières années.

Matic Zorman

Comment l’activité s’est-elle adaptée ? Au départ d’une politique volontariste, les acteurs de la banque privée, en collaboration avec les autorités, sont parvenus à faire évoluer le positionnement de la Place et l’offre de services de la banque privée. Nous avons ­défini une nouvelle proposition de valeur. Nous sommes passés d’une offre d’asset management, répondant aux attentes de la clientèle de l’époque, à une palette de services plus complète en matière de gestion et de structuration patrimoniale. Cela ne s’est pas fait du jour au lendemain, et s’est construit sur des atouts dont nous disposions déjà par le passé, mais qui étaient occultés jusque-là par d’autres avantages. Avec la disparition de ces derniers, les acteurs se sont donc mobilisés pour aller à la rencontre d’une nouvelle clientèle, désireuse de profiter d’un plus haut niveau d’expertise.

BIO EXPRESS Au service de la banque Pictet & Cie (Europe) SA, à Luxembourg depuis 2002, Pierre Etienne a accédé à la fonction d’administrateur délégué en 2010. Membre du comité de direction de Pictet Luxembourg depuis 2002, il a d’abord géré le volet administratif et opérationnel des activités liées aux fonds de placement. Puis, en 2009, il a intégré le comité de direction chargé, à Genève, des activités de banque dépositaire du groupe. Très investi dans le développement de la place financière, et plus particulièrement de l’activité de banque privée et de gestion patrimoniale luxembourgeoise, il préside actuellement le Private Banking Group Luxembourg. Il est aussi vice-président de l’Association des banques et banquiers, Luxembourg (ABBL).

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Quel regard portez-vous sur l’évolution de l’activité de banque privée au Luxembourg ces dernières années ? Il est en effet intéressant de regarder d’où l’on vient pour mieux envisager vers quoi l’on doit tendre. Si l’on remonte à la précédente grande crise, celle de 2008, qui a fait évoluer vers l’ère d’une plus grande transparence, on constate dans quelle mesure notre activité a changé. À l’époque, beaucoup ont associé la levée du secret bancaire à la fin de l’activité de banque privée et de gestion de fortune au Luxembourg. Aujourd’hui, on peut constater avec fierté que ce n’est pas ce qui s’est produit, bien au contraire. En 2008, les actifs sous gestion confiés à des acteurs de la banque privée avoisinaient 250 milliards d’euros. Aujourd’hui, on flirte avec 500 milliards d’euros. Pour un pays dont le produit intérieur brut est d’environ 60 milliards d’euros, c’est remarquable.


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Pierre Etienne, président du Private Banking Group Luxembourg de l’ABBL.


Interview Pierre Etienne

« La finance luxembour­geoise n’a plus à rougir de son statut. La transparence est là. »

Regardez-vous l’avenir avec optimisme ? La position unique de la place financière luxembourgeoise en Europe, avec des fondations saines, nous permet en effet d’être optimistes pour l’avenir. De la crise sanitaire découle un environnement chaotique, avec une crise économique, financière, budgétaire et sociale partout en Europe. Notre pays, toutefois, semble moins affecté que les pays voisins. Ce qui, pour le client et l’investisseur, est rassurant. Préserver ce statut implique cependant des efforts quotidiens de la part de l’ensemble des acteurs de l’écosystème, que ce soit pour maintenir le triple A ou pour satisfaire aux attentes toujours plus élevées des clients. Justement, comment évoluent les attentes des clients, et comment les acteurs de la Place s’adaptent-ils pour y répondre ? Pour préserver et renforcer la compétitivité de la Place, nous devons appréhender divers enjeux. L’un d’eux réside dans la nécessaire évolution des compétences dans le domaine de la gestion patrimoniale. En la matière, nous avons besoin de mener une transition importante. Elle doit nous permettre de faire évoluer notre métier, d’une part, et de transformer nos plateformes opérationnelles, d’autre part, pour mieux servir le client et gagner en efficacité. Si l’on s’attarde sur le métier, les compétences recherchées ont fondamentalement changé. Alors qu’hier, nous engagions beaucoup de farmers (fermiers, ndlr) – des banquiers privés qui accueillaient les clients sur place –, désormais, il nous faut des profils plus mobiles, des hunters (chasseurs, ndlr), qui peuvent aller à la rencontre du client, avec la culture adéquate. Si l’on voulait pénétrer le marché de la Suède, on ne pourrait le faire qu’avec un profil qui connaît la culture locale et la langue. Pour cette raison, il est aujourd’hui important de renforcer le statut de Place internationale du Luxembourg, en attirant de jeunes talents de divers horizons, pour les ­former et essayer de les garder. L’Université du Luxembourg, dans cette perspective, constitue un formidable outil, qu’il nous faut mieux valoriser. Au-delà de la culture, les compétences techniques évoluent-elles ? Oui, évidemment. Aujourd’hui, il est nécessaire de ­comprendre et de pouvoir proposer une large diversité d’actifs et de solutions d’investissement. Les clients, de plus en plus, souhaitent positionner leurs avoirs dans des structures alternatives, dans le private equity et le real estate. Cela implique, pour chaque acteur, de se doter ou de s’entourer de nouvelles compétences. S’il faut intégrer des compétences spécialisées, il est aussi nécessaire de disposer de bons généralistes. 20

PRIVATE BANKING AVRIL 2021

Le conseiller en banque privée n’est plus un asset mana­ ger, mais un wealth manager. On passe d’une approche « produits » à une autre, plutôt orientée « solutions ». Pour accompagner le client dans la gestion de l’ensemble de son patrimoine, son conseiller doit disposer de connaissances suffisantes dans le domaine de la gestion d’actifs variés, mais aussi d’autres, relatives à des aspects légaux, fiscaux ou des thématiques particulières, comme la philanthropie. Il ne doit pas tout savoir, mais bien être en mesure de comprendre la situation du client et savoir quelles solutions mobiliser pour répondre à sa problématique. Pour servir le client, plus que jamais, il faut être en mesure d’assembler un large panel de compétences, internes et externes, et apprendre à mieux travailler en équipe. Comment la technologie peut-elle être mise au service de la compétitivité des banques ? C’est un autre enjeu important, auquel sont confrontés les acteurs de la gestion patrimoniale. La technologie doit mieux s’intégrer au niveau de la banque, et ce, à deux niveaux. D’abord, elle doit permettre d’optimiser nos chaînes opérationnelles, nous aider à gagner en e ­ fficacité, renforcer notre productivité. Ensuite, elle constitue un levier essentiel d’amélioration de l’expérience client, en nous offrant la possibilité de maintenir le contact avec celui-ci, malgré la distance. Comment la banque privée appréhende-t-elle sa transformation numérique ? Si l’automatisation est un vecteur de transformation, elle n’est pas la réponse à tout. L’enjeu n’est pas simplement d’offrir la même interface web banking à l’ensemble des clients. Il faut pouvoir proposer des solutions numériques à travers lesquelles s’exprimera la private banking touch. En utilisant l’interface, il faut que le client se sente unique, écouté, compris, qu’il accède à des contenus et des conseils personnalisés.

FAIRE VALOIR LES INTÉRÊTS DU MÉTIER Fondé en 2007, le Private Banking Group Luxembourg (PBGL) regroupe les membres de l’ABBL actifs dans le domaine de la banque privée, afin de mieux faire valoir les intérêts spécifiques du métier. Pour cela, il contribue notamment au renforcement des qualifications et du professionnalisme des membres actifs, à travers la promotion de normes, de pratiques et de règles éthiques et déontologiques. Ensemble, ses membres envisagent aussi des solutions communes pouvant soutenir l’activité globalement.

Comment parvenir à ce niveau de personnalisation, en considérant que cela implique des investissements conséquents ? C’est un objectif qui n’est pas facile à atteindre. D’autant plus que la plupart des acteurs luxembourgeois ne disposent pas de la taille critique pour supporter de tels investissements. La personnalisation des contenus et des recommandations est l’apanage des géants du web et se fonde sur une expertise poussée dans l’analyse de quantités importantes de données. Force est de reconnaître que nous ne disposons pas des mêmes capacités d’investissement que ces acteurs. Cependant, c’est un objectif vers lequel on doit tendre, en cherchant des solutions nouvelles, à travers, par exemple, la mutualisation. De cette manière, on doit veiller à préserver un avantage compétitif à travers l’utilisation de la technologie. Dans cette perspective, il faut surtout éviter que chacun ne cherche à réinventer la roue de son côté. Quels autres grands enjeux en lien avec la compétitivité de la banque privée luxembourgeoise avez-vous identifiés ? Comme précisé, l’activité de gestion patrimoniale luxembourgeoise croît désormais dans le respect des règles de transparence, en conformité avec les directives et bonnes pratiques légales et fiscales. Seulement, il semble que


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Interview Pierre Etienne

cela n’est pas encore suffisamment perçu et connu. Le ­Luxembourg traîne encore derrière lui une image du passé, parfois entretenue par des tiers, qui mène à de nombreux amalgames. C’est un enjeu de réputation qu’il nous faut relever. Cette image du passé, mise une nouvelle fois en avant à travers la récente enquête du journal Le Monde, est-elle de nature à nuire aux démarches commerciales des acteurs ou à semer le doute auprès des clients ? Les clients sont aujourd’hui convaincus du niveau d’excellence des acteurs de la Place et sont au courant que les règles internationales sont bien respectées. Les révélations que vous évoquez, parmi celles qui reviennent à intervalles réguliers, n’ont que peu d’impact sur la commer­ cialisation des services de la Place. Luxembourg se positionne comme une Place internationale, avec des services conçus pour, notamment, répondre aux besoins d’une clientèle d’envergure transfrontalière. Il n’en demeure pas moins qu’il faut multiplier les efforts pour changer la réputation de la Place, ne fût-ce que pour répondre à l’enjeu des compétences que nous évoquions et plus facilement attirer des talents. Le nation branding est, à ce niveau, essentiel. Il faut mieux faire valoir Luxembourg pour ce que la place financière est réellement, mais ­aussi valoriser un pays où il fait bon vivre. Comment les banques peuvent-elles contribuer à améliorer cette image ? C’est un travail commun, qui doit être mené, et même renforcé, par les autorités, autour de la démarche de nation branding, et par Luxembourg for Finance. Mais les directions des banques locales, qui dépendent d’une maison mère, ont aussi un rôle actif à jouer. Il leur appartient de porter le message au sein du groupe, de démontrer l’expertise et la compétence que l’on trouve ici. Plus que la transparence, qui est désormais acquise, il faut faire valoir notre niveau d’excellence. Malgré tous ces efforts, toutefois, je pense que le succès de Luxembourg continuera de déranger certains, et que nous devrons toujours faire face à des tentatives de déstabilisation. À côté des investissements nécessaires pour soutenir le développement des compétences et poursuivre la transformation numérique, les banques font aussi face à des coûts réglementaires en hausse. Comment appréhendez-vous ce dilemme ? La banque privée est moins impactée par un environnement de taux d’intérêt négatifs que les autres branches de l’activité bancaire. Nos revenus dépendent davantage des commissions de gestion et des commissions sur transactions. Toutefois, nos marges et notre rentabilité sont tout de même sous pression. À côté de la nécessité de développer les compétences et d’investir dans la technologie, les coûts associés à la mise en conformité réglementaire ne sont pas négligeables. Les évolutions législatives exigent la mise en place d’équipes dédiées, mais aussi l’adaptation des systèmes informatiques. Aujourd’hui, les grands acteurs parviennent mieux à y faire face que les plus petits, qui ne disposent pas de la masse critique suffisante. Parmi les pistes à explorer, dans la recherche de solutions pour l’ensemble de la Place, on peut évoquer le développement de 22

PRIVATE BANKING AVRIL 2021

LES GRANDS SUJETS ABORDÉS AU PBGL Parmi les grands sujets discutés au niveau du PBGL, on peut notamment citer l’évolution des compétences, la promotion de la place financière, la numérisation du métier, le défi de la rentabilité et des coûts réglementaires croissants, le développement de l’écosystème et l’importance de disposer d’une Place bien ordonnée, avec un régulateur de qualité, qui contribue à protéger les clients, les investisseurs ainsi que la réputation du Luxembourg.

partenariats avec des fintech, pour nous permettre de mieux gérer ces enjeux réglementaires, ou encore le développement d’initiatives de la Place, à l’instar des solutions KYC utilities, que l’on voit émerger. Cet esprit de Place, qui conduit à la recherche de solutions mutualisées, est-il propre au Luxembourg ? Oui, certainement, et c’est un de ses grands atouts. Je dis régulièrement que, ici au Luxembourg, nous sommes tous concurrents, mais partenaires d’un destin commun. Les acteurs se parlent, échangent sur des problématiques partagées pour trouver, ensemble, des solutions. On ne voit pas cela ailleurs, en tout cas pas de manière aussi prononcée. Cet aspect renforce considérablement l­ ’agilité de la Place, ainsi que l’esprit entrepreneurial fort ­partagé par tous, jusque dans le chef des autorités. Ensemble, on parvient à s’inscrire dans des démarches d’expéri­ mentation, avec des succès et des échecs. Mais les succès engrangés nous permettent d’aller beaucoup plus loin. Le Luxembourg et ses acteurs disposent encore des moyens d’investir. Mais il faut le faire maintenant, sans attendre, en cherchant à préparer demain et après-demain. Qui sont aujourd’hui les principales Places concurrentes de la banque privée luxembourgeoise ? Pour parler de compétition, il faut d’abord considérer ce que nous avons à offrir. La proposition de valeur luxembourgeoise, transfrontalière, multijuridictionnelle, avec une large palette d’outils, nous confère un avantage compétitif unique. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de concurrence. Je pense toutefois qu’elle ne s’incarne plus aujourd’hui dans une Place ou une autre. Elle est beaucoup plus diffuse. Elle provient principalement de l’offre de services en gestion patrimoniale qui s’est développée dans chaque pays, susceptible d’inviter des clients qui ont placé leur patrimoine au Luxembourg à le rapatrier. Nous devons donc rester vigilants, ne pas relâcher les efforts, pour maintenir et faire valoir nos atouts. À l’heure actuelle, dans une Europe secouée par la crise sanitaire et économique, l’offre luxembourgeoise continue ­d’attirer des clients. La meilleure preuve réside dans les décisions de grands acteurs internationaux de faire du Luxembourg leur hub européen pour l’activité de banque privée. Après le Brexit, beaucoup d’acteurs é ­ tablis à Londres ont ­choisi Luxembourg pour continuer à ­servir le marché européen. 85 % de la clientèle est européenne. Le Luxembourg est-il en capacité d’aller chercher des clients au-delà des frontières de l’Union ? Sans doute, mais, pour cela, il est important de bien considérer le rapport coût / bénéfice. Le coût d’acquisition d’un client à l’autre bout du monde, en Amérique du Sud, par exemple, est très important. Ce n’est pas évident pour un acteur qui n’a pas d’ancrage là-bas de pénétrer le marché. Par contre, si l’on veut développer la place financière, il y a une opportunité à continuer d’attirer des acteurs d’origine étrangère, qui peuvent s’implanter ici pour profiter de l’écosystème et mieux servir leurs clients d’envergure internationale.

Auteur S. L.


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Dossier

Le Luxembourg, hub européen de la banque privée

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PRIVATE BANKING AVRIL 2021

Un écosystème riche C’est finalement tout un écosystème qui s’est développé autour de la finance au sens large. L’industrie des fonds est évidemment l’une des plus belles réussites du pays, devenu le ­deuxième centre mondial pour les fonds d’investissement, derrière les États-Unis. Le développement de cette industrie, qui s’est lentement spécialisée dans la distribution transfrontalière de fonds, a entraîné dans son sillage une série d’autres activités. Parmi celles-ci, la banque privée occupe une place de choix, surtout pour les clients dont les affaires professionnelles et privées ont une dimension internationale. Au fil des années, de nombreuses banques ont en effet choisi d’installer au Luxembourg le siège de leur activité de gestion de fortune en Europe, dans le but de mieux servir leur clientèle internationale. Si certaines ont rejoint le pays dernièrement, en raison d’événements spécifiques comme le Brexit, d’autres disposent de racines profondes au Luxembourg. C’est le cas de la branche Wealth Management

du groupe français Crédit Agricole Indosuez. « Notre origine, c’est la compagnie bancaire et d’assurances La Luxembourgeoise, créée en 1920, rappelle Olivier Chatain, chief executive officer d’Indosuez au Luxembourg et de ses filiales et succursales en Belgique, en Espagne et en Italie, et senior country officer du groupe Crédit Agricole au Grand-Duché. Le groupe a évolué petit à petit, développant notamment, dans les années 80, à la fois l’activité de banque privée et les activités liées aux fonds d’inves­ tissement, à travers sa filiale Caceis. Aujourd’hui, avec près de 1.600 personnes au Luxembourg, nous offrons tout un ensemble de services finan­ ciers à nos clients, parmi lesquels figurent la ­gestion de fortune représentée par Indosuez, mais également l’asset servicing, l’assurance, l’asset management et l’innovation avec le Village by CA Luxembourg. » Expertise et passeport européen Si l’installation de CA Indosuez au Luxembourg n’est donc pas neuve, le groupe est resté – et s’est développé – au Grand-Duché pour une

Illustration

L’agilité, voilà une compétence que l’on porte régulièrement aux nues, qu’il s’agisse de développement personnel ou de transformation des organisations. Il est toutefois plus rare que cette qualité s’apprécie à l’échelle d’un pays, comme moteur d’une industrie qui connaît un succès durable. La façon dont le Luxembourg s’est sorti de la crise économique importante causée par la fin de son activité sidérurgique, dans les années 70-80, pour devenir une place financière de référence en Europe, est pourtant bien un exemple d’agilité. En s’adaptant rapidement à un environnement changeant, en prenant en compte les qualités intrinsèques du pays et les occasions qui se présentent à lui, en faisant en sorte que toutes les forces vives avancent dans la même direction, le pays fait mieux que limiter la casse : il pose, à travers le développement de la place financière, les jalons d’une croissance à long terme. La manière avec laquelle la place financière a évolué à la suite de la crise de 2008 est venue confirmer cette incroyable capacité à rebondir.

Ana Gaman

L’expertise multijuridictionnelle du Luxembourg attire un nombre croissant de banques privées européennes sur la Place. Et l’avance prise par le pays est telle qu’il sera sans doute difficile, pour ses concurrents directs, de parvenir à la rattraper.


The place to be

raison principale : l’expertise multijuridiction­ nelle que l’on y trouve. « Nous travaillons en majorité pour des clients résidant en Europe ou de nationalité européenne, poursuit Olivier Chatain. Ces profils font face à des probléma­ tiques transnationales, tant au niveau profes­ sionnel – avec des activités dans plusieurs pays – qu’à titre privé – avec des familles par­ fois disséminées à travers le monde. Le schéma familial traditionnel évolue avec la mobilité géographique et l’internationalisation des patri­ moines. La gouvernance familiale est donc devenue une nécessité pour de nombreuses familles. Ces personnes trouvent plus facile­ ment la réponse adéquate à leur problématique au Luxembourg que dans un autre pays euro­ péen, où les services et conseils sont souvent dispensés selon un angle domestique. Il existe par ailleurs, au Luxembourg, des solutions mieux maîtrisées qu’ailleurs, voire uniques, telles que le pacte d’actionnaires.  » Grâce aux ­différentes compétences présentes au Luxembourg, les banques privées peuvent en effet rapidement comprendre le besoin du client et y répondre de la meilleure des façons. Pour une banque suisse, qui ne fait donc pas partie de l’Union européenne, la problématique est différente. Installer son hub européen au Luxembourg permet d’accéder au marché de l’Union et à ses 450 millions de consommateurs. « Julius Baer, même s’il est le premier groupe suisse de banque privée, n’a pas automatiquement accès au marché européen, explique ainsi Falk Fischer, CEO de Bank Julius Baer Europe S.A. Or, étant donné que nous avons une clientèle internationale, nous devons pouvoir proposer des solutions flexibles et européennes à ces clients. C’est la raison pour laquelle nous avons créé la Bank Julius Baer Europe S.A., une filiale à 100 % du groupe, avec une licence bancaire européenne complète. Cette structure est la plateforme européenne de ­l’ensemble du groupe depuis 2016. »

Photo

Jan Hanrion (archives)

COMMENT SE RÉMUNÈRE LA BANQUE PRIVÉE ? Si les banquiers privés brassent des sommes considérables, comment se rémunèrent-ils ? Il faut savoir que de très nombreux frais sont liés à la gestion des actifs en banque privée : commissions de conseil forfaitaires qui se chiffrent à plusieurs milliers d’euros par trimestre, frais sur les transactions sur titres, frais pour les services fiscaux et juridiques, frais de tenue de compte… Les frais qui sont facturés sont variés et dépendent des services choisis (gestion patrimoniale, discrétionnaire, accompagnement fiscal, etc.). De manière générale, plus le montant des actifs confiés à la banque est élevé, plus le pourcentage de frais facturés est bas. Les sommes étant plus élevées, la banque s’y retrouve évidemment…

gestionnaires de fortune européens. « Au Luxembourg, le cadre légal est favorable à la banque privée. Les réglementations qui enca­ drent le secteur sont écrites dans un sens qui favorise ce type d’activité », estime par exemple OLIVIER CHATAIN Chief executive officer Gregor Bollen. Pour d’autres responsables de CA Indosuez Wealth banques privées européennes installées au Luxembourg, c’est la stabilité générale du pays, tant au niveau politique que fiscal ou légal, qui lui confère un tel attrait. « Le triple A du Luxembourg est souvent évoqué comme un privilège, que partagent moins d’une quin­ zaine de pays dans le monde. Mais la stabilité du Luxembourg se traduit aussi à d’autres niveaux. Par exemple, il n’y a pas de lois de finances qui viendraient rebattre les cartes tous les ans. Tant le rating que cette prévisibilité sont rassurants pour les clients des banques privées », détaille Olivier Chatain. Du côté de Julius Baer, on abonde dans le même sens. « La continuité du système poli­ tique et économique luxembourgeois induit une prévisibilité qui s’avère très positive non seulement pour les structures comme la nôtre, L’effet Brexit mais surtout pour les personnes, les familles, La problématique inhérente à l’accès au mar- les entreprises qui veulent mettre en œuvre une ché européen s’est présentée, avec un certain stratégie d’investissement. Certains de nos degré d’urgence, pour les banquiers privés clients ne trouvent pas cette prévisibilité chez dont le siège européen était établi au Royaume- eux », relève Falk Fischer. Mais pour le CEO Uni. Plusieurs institutions importantes ont de la banque privée suisse, il faut aussi souen effet rejoint le Luxembourg au cours ligner le rôle important joué par la CSSF. « Au des ­derniers mois afin de pouvoir continuer Luxembourg, le régulateur du secteur financier à servir leurs clients en Europe en réponse est certes strict, mais il donne des conseils clairs, au Brexit. J.P. Morgan, Goldman Sachs, mais car il connaît très bien le business de la banque aussi Citi ont ainsi rallié Luxembourg durant privée, poursuit Falk Fischer. Le personnel des ces dernières années. « Nous servions notre instances de régulation est hautement qualifié, clientèle européenne depuis une filiale située et c’est quelque chose d’appréciable. » au Royaume-Uni. Quand il est devenu évident que le Brexit allait se concrétiser, nous avons Des équipes multiculturelles dû trouver une solution. C’est l’une des raisons Si les compétences techniques sont présentes pour lesquelles nous avons créé une nouvelle au Luxembourg pour répondre aux demandes filiale au Luxembourg », raconte Gregor Bollen, d’une clientèle fortunée et internationale, les managing director, region head Northern Europe équipes que l’on retrouve au sein des banques au sein de Citi Private Bank. privées installées au Grand-Duché ont égaSi d’autres places financières ont profité lement d’autres atouts. « Au Luxembourg, un du Brexit pour accueillir un certain nombre client italien, par exemple, pourra trouver au d’institutions – Dublin particulièrement –, sein de sa banque privée un conseiller qui parle Luxembourg a su tirer son épingle du jeu aux parfaitement sa langue, illustre Olivier Chatain. yeux des acteurs anciennement installés au Le multilinguisme est la règle ici et cette diver­ Royaume-Uni. « Nous avons étudié plusieurs sité culturelle a même un intérêt qui dépasse options, notamment Madrid, Francfort, Paris la seule pratique de la langue. Les profession­ ou Amsterdam, énumère Gregor Bollen. Le choix nels de la banque privée que l’on trouve au de Luxembourg a été fait en raison d’une com­ Luxembourg ont en effet une connaissance binaison de plusieurs facteurs. Le principal intime de la plupart des pays d’origine de leurs réside dans un écosystème local très attractif. clients, et c’est une vraie plus-value. » D’autre part, beaucoup de familles souhaitent Cette compréhension intégrale des besoins structurer leur fortune à partir du Luxembourg. des clients étrangers porte en effet également En ce sens, le pays a totalement gagné son pari sur les aspects réglementaires ou même la de devenir, aux yeux de tous, un hub pour culture des pays d’origine des clients. « Je ne la banque privée en Europe. » vois pas où, ailleurs en Europe, on pourrait trouver un responsable de compliance portu­ L’importance de la prévisibilité gais qui connaisse aussi bien la réglementation, Mais le Luxembourg a bien d’autres cordes à la langue et la mentalité portugaises que luxem­ son arc pour toucher le cœur (et la raison) des bourgeoises, estime Falk Fischer. À Luxembourg,

« Il existe, au Luxembourg, des solutions mieux maîtrisées qu’ailleurs, voire uniques, telles que le pacte d’actionnaires. »

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Dossier The place to be

LES CONCURRENTS DU LUXEMBOURG

notre équipe est composée de professionnels de 25 nationalités différentes, qui représentent la plupart des pays européens. » Quels clients, quels services ? On l’a dit, l’ensemble de ces atouts sont mis au service de clients dont les affaires professionnelles et privées se répartissent dans plusieurs pays. Mais, au-delà de cette description, les clients servis par les banques privées au Luxembourg sont surtout des personnes très fortunées, qualifiées de HNWI (high net worth individuals, qui possèdent au moins 1 million de dollars d’actifs) ou UHNWI (ultra high net worth individuals, 30 millions de dollars ­d’actifs). « Nos clients font en effet partie de ces catégories. Ils ont, pour la plupart, un passé international et une relation étroite avec l’Union européenne. Il peut par exemple s’agir d’un entrepreneur qui dirige une structure présente dans différents pays, tout en ayant des racines profondes dans un des États de l’Union européenne », explique Falk Fischer. Ces profils particulièrement exigeants sont à la recherche d’un service personnalisé. Étonnamment, là où la relation personnelle, physique, prévalait avant la crise, les clients de la banque privée se sont toutefois rapidement adaptés aux outils numériques. « Un bon nombre de nos clients se sont montrés intéressés par les moyens de communication numériques et sont disposés à nous contacter par différents moyens qu’ils n’auraient pas envisagés ou acceptés avant la pandémie, ajoute Falk Fischer. Grâce à divers nouveaux outils, nous avons même pu augmenter de 25 % le temps de contact avec nos clients. » Pour le reste, les services offerts depuis Luxembourg sont très larges. « Nous ­proposons une vaste palette de solutions d’investissement – fonds, private equity, assurance-vie, etc. – complétée par des services associés comme

L’Union européenne compte de nombreuses places financières, qui seraient donc en mesure de proposer le même type de services que le Luxembourg. Si des Places comme Francfort ou Dublin sont, depuis de nombreuses années, des références en Europe, d’autres capitales ont considérablement développé leur activité au cours des dernières années, notamment à la suite du Brexit. Ainsi, des villes comme Paris ou encore Amsterdam ont, elles aussi, profité de la sortie du Royaume-Uni de l’Europe. Mais sont-elles en mesure de concurrencer Luxembourg comme hub de la banque privée ? Selon nos intervenants, si certaines Places peuvent répondre à d’autres besoins des clients, Luxembourg a tous les atouts pour rester une référence pour la banque privée en Europe.

la gestion discrétionnaire, l’advisory, l’accès direct à notre salle des marchés et la structuration patrimoniale, détaille Olivier Chatain. Notre plus-value réside, au départ, dans la bonne compréhension de la problématique exprimée par le client, puis dans le conseil que nous pouvons apporter, quel que soit son pays d’origine, et enfin dans notre capacité à mobiliser les expertises les plus adaptées pour y répondre. » On ne trouve pas pour autant ­forcément de services « spécifiquement luxembourgeois » au sein des banques privées européennes qui ont choisi le Grand-Duché. « Nous nous sommes pour l’instant contentés de dupliquer les services que nous proposions à Londres au Grand-Duché, et il ne s’agissait pas d’une mince affaire, confie Gregor Bollen. Nous cherchons à présent à voir comment nous

LES SEUILS D’ENTRÉE Les sommes mentionnées sont des minima pour des services de base. Les tickets d’entrée peuvent monter jusqu’à 20 millions d’euros pour les services les plus pointus.

Edmond de Rothschild HSBC Banque de Luxembourg Degroof Petercam Société Générale

pourrions mieux bénéficier de l’environnement luxembourgeois, notamment en proposant des sicav. » Comment faire mieux ? Luxembourg semble jouir de si beaux atouts que l’on peut se demander ce qui pourrait bien encore être fait pour renforcer sa position de hub européen de la banque privée. « Le Luxem­ bourg est clairement en avance sur la concurrence et devrait le rester, affirme Olivier Chatain. Un travail important a été mené, par anticipation, en matière de transparence et de mise en conformité au cours des dernières années. Cela a rendu la réglementation peut-être plus exigeante qu’ailleurs. Il n’y a pas de retard particulier à signaler au Luxembourg qui pourrait empêcher le pays de rester une référence en matière de banque p ­ rivée en Europe. » S’il fallait pointer une faiblesse du Luxembourg, il faudrait sans doute la situer au niveau des ressources humaines. Les compétences sont en effet difficiles à trouver, ce qui n’est pas forcément le cas ailleurs. Londres, par exemple, est sans doute plus « sexy » pour un candidat que Luxembourg. « Il est difficile de comparer les deux villes, d’autant que j’ai déménagé juste avant le premier confinement, explique Gregor Bollen. Deux éléments doivent toutefois être soulignés. D’une part, aller au bureau ne me prend que 10 à 15 minutes chaque matin, contre 1 h 30 à Londres. Cela fait environ trois heures de gagnées sur la journée. D’autre part, la vie à Luxembourg et dans certains quartiers de Londres n’est pas si différente. J’en discutais dernièrement avec un collègue vivant à Wimbledon, qui me disait qu’il pouvait compter sur les doigts de ses deux mains les fois où il sortait en ville, alors que la scène culturelle luxembourgeoise est bien plus large qu’à Wimbledon. Par contre, il est clair que le bassin de compétences disponibles est plus important à Londres. » Pour Falk Fischer, le Luxembourg pourrait toutefois faire mieux pour attirer les meilleurs professionnels. « Pour renforcer l’attractivité du pays vis-à-vis des spécialistes de la banque privée, il faut leur proposer de bonnes conditions de travail. Or, à Luxembourg, leurs droits sont encore protégés par une convention collective qui remonte à l’ère industrielle. Celle-ci n’offre pas une flexibilité suffisante pour attirer une main-d’œuvre internationale au sein de notre société. De réelles avancées pourraient être réalisées à ce niveau. » Voilà de quoi donner des pistes de réflexion aux décideurs soucieux de permettre à la Place luxembourgeoise de conserver son statut de hub de référence pour la banque privée en Europe.

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Dossier Toolbox

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Family office

Philanthropie

Au Luxembourg, les familles fortunées peuvent trouver, auprès de leur banquier ou de structures spécialisées, des services de family office. Cette activité vise à simplifier, notamment au niveau du reporting fiscal, la vie de ces familles fortunées, dont les membres sont souvent domiciliés à différents endroits du monde. Elle veille également à la gestion plus large des affaires familiales, au quotidien. Au Luxembourg, une loi encadre cette activité depuis 2012 (uniquement pour les multi-family offices, qui s’occupent de plusieurs familles). Il faut dire que le pays compte de très nombreuses compétences en matière de fiscalité transnationale. De quoi séduire un nombre grandissant de fortunes mondiales.

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Auteur Q. D.

Art

Le Freeport de Luxembourg, ou « port franc », a pour objectif de simplifier le transit de marchandises passant par le pays, en évitant les procédures et taxes douanières. Lancé en 2014, il s’agit d’un bâtiment hautement sécurisé dans lequel sont stockés, notamment, des objets d’art, de grands vins, des voitures de luxe, des métaux précieux appartenant à de grandes fortunes ou à des institutions. Cet ensemble peut être utilisé par les banquiers privés comme un outil de gestion de fortune ou d’optimisation fiscale. En effet, une série de taxes peuvent être évitées en stockant ses biens dans le Freeport (TVA, taxes d’importation, etc.). Les biens qui passent par le Freeport sont toutefois ­contrôlés par les douanes, et les réglementations anti-blanchiment sont évidemment respectées. Si la structure semble aujourd’hui confrontée à ­certains problèmes de rentabilité, elle reste un instrument supplémentaire dans la boîte à outils du banquier privé luxembourgeois.

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Au Luxembourg, on peut aussi obtenir des conseils avisés quant à la façon de contribuer à des projets philanthropiques. La Banque de Luxembourg dispose, par exemple, d’un service dédié. Ainsi, de nombreuses personnes fortunées n’hésitent pas à financer une action, une œuvre ou encore une fondation. Les sommes consacrées à des projets philanthropiques sont loin d’être négligeables : en 10 ans, la Fondation de Luxembourg, qui regroupe 80 fondations, a recueilli pas moins de 200 millions ­d’euros. Les dons proviennent pour 50 % de résidents luxembourgeois et, pour le reste, de donateurs européens. Cette structure dédiée à la philanthropie fait office de référence dans le pays, pour son sérieux et son professionnalisme.

Les petits plus du Luxembourg

Freeport

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Valeur refuge, l’art fait le plus souvent l’objet des convoitises des investisseurs lorsque la situation économique est bonne. En effet, il s’agit autant d’un investissement financier que d’un achat plaisir. Pour se lancer sur ce marché sans risquer de grosses déconvenues, il convient toutefois d’être très bien accompagné. Plusieurs banques privées de la Place offrent leurs conseils pour ce type d’investissement, en développement, notamment depuis la création du Freeport.



Dossier

Le choc des générations ? Cinq grandes générations d’investisseurs sont désormais représentées au sein de la clientèle des banques privées. Chacune avec des attentes et des besoins différents, tant en ce qui concerne leurs investissements que l’accompagnement qu’elles espèrent de la part de leur banquier privé. Auteur J. R.

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DE 7 À 77 ANS

Des besoins qui varient selon l’âge Aujourd’hui, cinq générations d’investisseurs se côtoient parmi les clients de la banque privée. La génération silencieuse rassemble les personnes nées entre 1930 et 1945. Celle des baby-boomers regroupe les personnes nées entre 1946 et 1964. La génération suivante, appelée X, désigne les personnes nées entre 1965 et 1980. Vient ensuite la Y, qui comprend les individus nés entre 1981 et 1993, aussi appelés millennials. Enfin, la génération la plus jeune, la Z, fait référence aux personnes nées entre 1994 et 2010. « Si les besoins varient entre ces différentes générations, c’est simple­ ment parce qu’ils sont liés à l’âge de chacune d’entre elles et au cycle naturel de la vie. Chaque personne, quelle que soit la génération dont elle est issue, a des attentes similaires selon son âge », explique Ilario Attasi, head of client solutions au sein de Quintet Private Bank. Les plus jeunes générations souhaitent ainsi investir pour se constituer une épargne. Les personnes âgées de 30 à 50 ans se situent généralement dans une phase de consommation accrue. Elles ont donc moins de capitaux à placer proportionnellement à leurs revenus disponibles. Passé la cinquantaine, elles souhaitent faire fructifier leur capital, optimiser leurs avoirs. Enfin, pour les généra­ tions anciennes, le grand enjeu consiste à transmettre leur patrimoine à leurs enfants ou petits-enfants.

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PILIERS

Les mêmes fondamentaux

Si les nouvelles générations sont réputées pour avoir une vision de la vie, du travail, ou encore de l’argent, différente de celle des générations précédentes, les fondamentaux semblent en réalité rester les mêmes. « On entend par exemple régulièrement dire que les millennials et la génération Z sont moins enclins à devenir parents. Dans les faits, ce n’est pas ce que l’on constate, confie Ilario Attasi. Les plus jeunes font simplement, de manière générale, des études plus longues que les personnes issues des géné­ rations précédentes. Ils cons­truisent donc une vie de famille, mais plus tard, et c’est plutôt rassurant pour nos activités. »

« Anticiper le transfert de nos clients les plus anciens vers les nouvelles généra­ tions est crucial pour une banque privée. Dans ce contexte, tout l’enjeu est de parvenir à tisser des liens forts et de comprendre les attentes des plus jeunes. » ILARIO ATTASI Head of client solutions Quintet Private Bank

Pour la banque privée, ces jeunes générations, qui sont les clients de demain, sont en effet essentielles. « L’un des grands défis pour nous est de réussir à créer, assez rapidement, un contact avec cette nouvelle génération, de l’éduquer, de la sensibiliser et de tisser des liens. Mais aussi de la comprendre du mieux possible afin de lui proposer, ensuite, un accompagnement optimal. »


Attentes des investisseurs

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CRITÈRES ESG

L’attrait des investissements durables

S’il y a bien un élément qui distingue les générations Y et Z de leurs parents et grands-parents, c’est la façon dont elles envisagent et considèrent leurs investissements. « Nous le remarquons au quotidien : les jeunes générations sont beaucoup plus attirées par les investissements dits ‘durables’ et ‘responsables’, comme les green bonds ou les fonds qui considèrent des critères ESG, par exemple. Il s’agit de produits dans lesquels elles voient un véritable intérêt. » Générations X et Y comprennent et veulent en effet connaître l’impact qu’elles peuvent avoir sur la société à travers leurs placements. Et cet impact, elles souhaitent qu’il soit le plus positif possible.

« Les jeunes générations veulent davantage donner du sens à leurs placements et contribuer à un monde meilleur à travers eux. Elles se tournent donc beaucoup plus vers des produits financiers durables et responsables. » ILARIO ATTASI Head of client solutions Quintet Private Bank

Pour les nouvelles générations, il ne s’agit pas d’investir dans telle ou telle société, sans regarder ce qu’il y a derrière, pour autant que le rendement attendu soit bon. Non, leurs placements doivent correspondre à leurs valeurs. Elles s’attarderont donc à la répu­ tation de l’entreprise, aux projets qu’elle mène, à sa stratégie de développement, à sa vision, avant de lui confier leur argent.

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CONNAISSANCES

Une perception rendement-risque différente

En raison de l’environnement spé­ci­ fique dans lequel elle a évolué, chaque génération perçoit différemment le risque et présente des attentes divergentes en matière de rendement. « Les fondamentaux financiers, les opportunités d’investissement et de marché ont changé au fil des décennies, souligne Ilario Attasi. Proposer un rendement obligataire de 5 % ou 6 % dans les années 2000, par exemple, semblait très peu probable. Aujourd’hui, ce serait l’eldorado, et ce parce que le contexte dans lequel nous vivons a beaucoup changé. »

« Les générations intermé­ diaires ont encore une vision trimestrielle ou semestrielle de leurs placements et de leur rendement, alors que les plus jeunes ont un horizon d’investissement beaucoup plus long. La crise financière est passée par là. » ILARIO ATTASI Head of client solutions Quintet Private Bank

Les plus jeunes générations sont donc bien conscientes que, pour espérer un rendement élevé, elles doivent prendre des risques. Dans ce contexte de taux très bas, elles abandonnent le marché obligataire, regardent le potentiel structurel de certains segments économiques et allongent leur horizon d’investis­ sement. Les plus anciennes générations sont également plus enclines à le comprendre, car elles ont une bonne connaissance du marché et l’ont vu évoluer au fil des ans. Par contre, les générations intermédiaires acceptent plus difficilement de prendre du risque additionnel. « Leurs attentes en matière de rendement sont généralement déconnectées de ce que l’on peut espérer du marché actuel. Le banquier privé a donc un vrai travail de sensibilisation et d’information à réaliser. »

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LOGISTIQUE

L’exclusivité comme point commun

Ce qui diverge surtout d’une génération à l’autre, c’est la façon dont elles veulent et ont besoin d’interagir avec leur banquier privé, ce qui n’est pas sans enjeu pour les établissements. « De manière assez compréhensible, les anciennes générations, bien qu’elles ne soient aujourd’hui plus totalement fermées au numérique, continuent à privilégier les rendez-vous physiques, tandis que les plus jeunes apprécient davantage les solutions digitales », indique Ilario Attasi. Pour répondre au mieux aux attentes de tous, la banque privée se doit de développer une approche multicanale qui laisse le choix à chacun de se diriger vers les outils de contact qu’il préfère en fonction de ses besoins du moment. Aujourd’hui, la banque privée cherche aussi à optimiser la façon dont elle suit chaque génération et échange avec ces dernières. « Les plus anciens ont besoin d’un accompagnement proactif, alors que les plus jeunes sont davantage dans la réactivité. » La banque, qui, traditionnellement, implique des procédures lentes et lourdes, doit donc désormais réussir à répondre aux attentes des jeunes générations et à leurs comportements de consommation habituels, en développant des plateformes numériques à la pointe pour communiquer facilement et rapidement avec eux, à distance, et ainsi leur simplifier la vie. Mais la banque privée reste un métier humain, de service, de personnes. « Offrir uniquement des interfaces en ligne, passer au tout-digital, ce n’est pas l’unique solution. Et ce n’est d’ailleurs pas non plus ce que recherchent les plus jeunes. » Car toutes les générations se rejoignent sur un point : celui de vouloir entretenir un lien exclusif et privilégié avec leur banquier privé, être importantes à ses yeux, et se sentir choyées.

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Dossier Services « sur mesure »

Un accompagnement dans les moindres détails Bien plus qu’une gestion de leurs actifs financiers personnels, la banque privée peut apporter aux dirigeants d’entreprise un réel accompagnement à chaque étape de leur vie et de celle de leur société.

Parce qu’ils ont des besoins spécifiques, les chefs financement ainsi que des garanties bancaires. d’entreprise constituent une clientèle parti- La banque prend aussi en charge la gestion des culière aux yeux d’une banque. D’une part, opérations journalières de l’entreprise », ­souligne un dirigeant de société se doit d’être soutenu Charles Sunnen. Mais le banquier privé va dans le développement et la gestion de son encore plus loin, en conseillant l’entrepreneur entreprise. D’autre part, il rencontre, comme en matière de placement et de stratégie tout particulier, des besoins financiers ­d’investissement, en s’occupant de la gestion et ­b ancaires privés. «  S elon qu’il endosse de ses avoirs personnels et de la diversificasa ­c asquette professionnelle ou privée, un tion de son portefeuille, ou encore en cherentrepreneur peut donc avoir des attentes dif­ chant à faire fructifier ses excédents de férentes, et c’est en ce sens qu’il constitue un trésorerie au sein de l’entreprise. profil de client s­ ingulier pour une banque Dernière étape, mais qui n’en reste pas ­privée », explique Charles Sunnen, conseiller moins essentielle : celle au cours de laquelle Entreprises au sein de la Banque de Luxembourg le chef d’entreprise va sortir de la société, (BDL), banque privée luxembourgeoise active lâcher les rênes et, bien souvent, la léguer à depuis plus de 100 ans. ses propres enfants. Le banquier privé sera « Bien souvent, le chef d’entreprise est dans alors présent pour l’épauler dans cette démarche l’opérationnel, il s’attache au fonctionnement loin d’être anodine. et à la croissance de son entreprise. Mais paral­ lèlement à ce patrimoine professionnel qu’il Transmettre, un défi de taille cherche à faire grandir, il se construit généra­ L’un des grands enjeux pour les chefs lement, au fil des ans, un patrimoine à titre ­d’entreprise concerne en effet la transmission personnel. Et c’est là où intervient le banquier de leur patrimoine, tant privé que ­professionnel. privé », ajoute Paulo Flora Rei, conseiller Private Un patrimoine qu’ils ont constitué tout au Banking au sein de la Banque de Luxembourg. long de leur vie, et parfois depuis plusieurs générations. « À ce moment, chaque partie pre­ Trois moments cruciaux nante se pose beaucoup de questions, ce qui L’accompagnement d’un dirigeant d’entreprise par un banquier privé dépasse bien souvent les aspects purement bancaires ou financiers. En véritable conseiller, le banquier privé sera présent à chaque étape de sa vie. QUEL ACCOMPAGNEMENT « Le premier moment important concerne la POUR QUEL TYPE création ou la reprise de l’entreprise familiale. D’ENTREPRENEUR ? À ce moment, le dirigeant rencontre des besoins L’approche du banquier privé est très spécifiques : il doit acquérir des parts de l’en­ personnalisable, chaque chef d’entreprise ayant des besoins distincts, treprise (et parfois les racheter à ses frères et selon l’activité et la taille de sa sœurs), payer des frais, etc. Du côté privé, c’est ­société, son histoire, ses objectifs, aussi le moment où il cherche à devenir pro­ ses valeurs. « Même au sein d’une entreprise familiale, les différents priétaire de son habitation », détaille Paulo membres – madame, monsieur, Flora Rei. les enfants, etc. – peuvent avoir Par la suite, la banque soutiendra le dirides souhaits qui divergent, indique Paulo Flora Rei, le conseiller Private geant dans le développement de son entreBanking au sein de la Banque de prise. « Elle aide ainsi les chefs d’entreprise à Luxembourg (BDL). C’est pourquoi financer des projets pour leur société, en met­ le banquier privé s’adapte vraiment au cas par cas. » tant à leur disposition des solutions de 32

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peut affecter les relations au sein de la famille. C’est l’un des plus grands défis dans la vie d’un entrepreneur, témoigne Paulo Flora Rei. Il arrive en fin de carrière, il a vu grandir sa société, et il doit alors faire confiance à la génération sui­ vante. Il doit aussi retrouver un sens à sa vie qu’il a, bien souvent, consacrée jusqu’alors à son entreprise. Ce n’est pas toujours facile pour le dirigeant. » Pour celui qui reprend le flambeau non plus. « Il doit trouver sa place, déve­ lopper ses propres compétences, gagner en légitimité auprès des collaborateurs, des action­ naires, souligne Charles Sunnen. C’est pour­ quoi nous conseillons aussi les futurs et les jeunes dirigeants dans leur intégration au sein de l’entreprise familiale. » Un banquier, mais pas seulement Bien qu’ils soient différents, besoins privés et professionnels de l’entrepreneur, gestion de son patrimoine privé et professionnel peuvent ainsi s’entremêler. La banque est donc loin de ne faire que du financement ou du placement. Au-delà d’un taux et d’une garantie, elle cherche à trouver les meilleures solutions pour structurer et pérenniser la ­société du dirigeant, et ce dans l’intérêt de son patrimoine personnel et de celui de son entreprise. « Nous avons également un rôle de facilita­ teur, explique Paulo Flora Rei. Quand nous suivons les entrepreneurs familiaux dans leurs projets, nous portons en effet une attention particulière à l’entreprise, mais également à leur famille, en développant une approche de co-construction avec chaque membre ­impliqué. » « Nous ne voulons pas nous s­ ubstituer à d’autres partenaires, tels qu’une fiduciaire, un avocat ou un cabinet de conseil. Ce n’est pas notre rôle ni notre but, poursuit Charles Sunnen. En revanche, il nous semble essentiel de t­ ravailler main dans la main avec des experts, tant internes qu’externes, pour bien accompagner une entre­ prise et un dirigeant. » Auteur J. R.


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Banking from a different angle Sustainable Finance: seize the opportunity to grow your business

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Dossier

La combinaison gagnante du mentorat Quand une étudiante du master en wealth management de l’Université du Luxembourg rencontre un professionnel expérimenté… Présentation du programme de mentorat organisé en collaboration avec l’ABBL, avec Turan Namazova et Jordi Catala Contreras.

JORDI CATALA CONTRERAS Executive director Julius Baer

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Quel est l’intérêt de ce programme de mentorat ? T. N. Personnellement, j’avais quelques incertitudes sur le choix de la bonne porte d’entrée dans l’industrie… Nous avons eu plusieurs échanges sur ce sujet. J’ai expliqué ma situation, mes antécédents, dans quel domaine je voulais travailler… Le mentor a une connaissance approfondie du marché luxembourgeois et d’autres connaissances générales sur le métier. Il peut vous guider, vous dire par où il vaut mieux commencer, mais aussi quel est l’employeur qui offrira le plus de perspectives et sera en phase avec vos attentes. J. C. C. Avec le temps, je suis devenu intransigeant sur un point : il faut une adéquation forte entre le poste recherché et l’entreprise qui vous accueille. Il ne faut jamais se satisfaire d’une première offre, un premier salaire ou un stage. En tant que mentor, je les pousse à être sélectifs, à viser ce qu’ils veulent vraiment, sans faire de compromis. Dans le cas de Turan, je suis vraiment satisfait du travail accompli. En s’engageant dans la finance durable, elle plonge maintenant dans un domaine qui va être LE grand sujet des années à venir. Mon autre conseil a été de dire que, pour véritablement s’épanouir dans le domaine de la finance durable, à l’heure actuelle, il fallait regarder ailleurs que dans le secteur bancaire, pas encore assez mature sur ces questions. Je voyais davantage d’opportunités auprès des décideurs politiques, des grands décideurs publics que sont les institutions

Romain Gamba

«  Une envie d’apporter ma contribution aux jeunes générations. »

Pour ma part, je suis banquier privé. Je travaille dans le secteur de la gestion de fortune depuis environ 20 ans. J’ai commencé ma carrière en tant qu’avocat dans le conseil fiscal, avant de me consacrer entièrement à la gestion de fortune, au conseil financier à destination des family offices et des particuliers fortunés. Pour ma part, c’est la cinquième année que je participe à ce programme de mentorat.

J. C. C.

Photos

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? Quel est votre parcours ? T. N. Je poursuis actuellement mon quatrième et dernier semestre du master en wealth mana­ gement de l’Université du Luxembourg. Je suis originaire d’Azerbaïdjan, et après avoir terminé mon baccalauréat là-bas, j’ai rejoint la London School of Economics pour développer l’aspect gestion. J’y ai étudié pendant un an, et j’y ai fait un stage dans le domaine des investissements socialement responsables. Je suis ensuite retournée en Azerbaïdjan, où j’ai travaillé pour les Nations unies et le programme pour le climat. J’ai déménagé au Luxembourg pour des raisons familiales. J’ai vite compris que le marché luxembourgeois était très spécifique et que, si je voulais travailler dans les domaines du climat et du développement durable, il était important pour moi de développer de nouvelles compétences en matière de finance et d’investissement. C’est pourquoi j’ai décidé de m’inscrire à ce master. J’en suis très heureuse. J’ai désormais commencé mon stage dans le domaine de la finance durable.


Face à face

locales ou internationales, les régulateurs, ou encore les grands acteurs privés comme les Big Four. Et c’est là que l’opportunité est apparue. Maintenant, Turan va pouvoir donner le meilleur d’elle-même, car elle est très bien informée et habile sur le terrain. Elle sera en mesure de contribuer à l’évolution du domaine de l’investissement durable et pourra participer à l’élaboration des politiques, plutôt que de calculer le score ESG d’un fonds. T. N. Ces conseils m’ont beaucoup aidée. Plutôt que de me disperser en m’adressant à de très nombreuses entreprises, sans savoir laquelle correspondrait à mes attentes, j’ai pu me concentrer sur un nombre restreint de cibles. Je me suis dit « Arrête de postuler dans les fonds d’investissement ou les banques », et je me suis dirigée vers le monde de la consultance. À partir de là, j’ai trouvé très rapidement.

nouis­sante. Si je peux essayer de les guider vers cet espace, alors, c’est une vraie satisfaction, car je sais que les gens vont exceller dans leur domaine, dans leur vie. T. N. Pour moi, trouver un job épanouissant est effectivement un point crucial. Avant de venir au Luxembourg, j’avais déjà quatre ans d’expérience et un master de la London School of Economics en poche, l’une des meilleures universités du monde. Mais j’ai décidé de commencer ce master au Luxembourg parce que je sentais que, pour me réveiller le matin et pour aller travailler le pas léger, me sentir satisfaite de ce que je faisais, je devais d’abord compléter mes connaissances, combler mes lacunes. Parce qu’avant d’avoir la chance de travailler dans le domaine de la finance durable au Luxembourg, je voulais vraiment mettre toutes les chances de mon côté. Je dirais que je me soucie probablement moins du salaire actuellement, mais plus de ce que je fais. Parce que je veux vraiment Quels bénéfices tirez-vous faire quelque chose pour l’humanité, le bien de cette expérience ? des gens. Dans la sphère de l’investissement J. C. C. Pour moi, cela répond à une envie durable, j’ai l’impression d’être à ma place. d’apporter ma contribution aux nouvelles J. C. C. Je voudrais encore souligner le fait générations. Personnellement, à la fin de mes que c’est un bon signe de santé académique, études, j’étais complètement perdu. Je man- si je puis dire, que l’Université mène activequais de conseils. Je vois que ce type de men- ment ce genre de programme de mentorat. torat est de plus en plus souvent proposé au Il y a un chemin à tracer entre l’université et sein de l’Université du Luxembourg, et c’est l’industrie, et ce genre d’initiative nous pervraiment une bonne chose. Tout le monde n’a met d’aborder cette transition ensemble. C’est pas cette chance. Quand on sort d’un master, un signal positif que nous donnons en accomil arrive souvent qu’on se retrouve à la porte pagnant les étudiants jusqu’à ce qu’ils aient du monde professionnel sans avoir la moindre déjà les deux pieds dans l’industrie, dans la idée de qui est qui, de qui fait quoi… vraie vie. Par ailleurs, ce programme me Comment savoir si votre parcours est utile donne la possibilité de rencontrer des gens pour l’entreprise que vous visez, si le secteur plus jeunes que moi, de voir quels sont les choisi est le bon pour vous ? Et même lorsque objectifs des prochaines générations. vous entrez dans le bon secteur – dans le Des étudiants comme Turan, venant de secteur financier, dans le cas présent –, vous juridictions assez éloignées, arrivent ici avec pouvez facilement découvrir que les gens ne une vision différente. Ils visent une position, sont pas toujours très ouverts. Je dirais que une contribution à la vie et au monde. Nous tout ce que j’ai appris au cours de ma carrière, devrions soutenir encore davantage ce type je l’ai appris parce que j’ai échoué dans quelque de talents venant de l’étranger au Luxembourg. chose, « à la dure ». Je n’ai pas de regrets. C’est vraiment une voie à suivre pour assurer Quand le chemin est difficile, il nous la croissance et la pérennité des talents dans apprend aussi beaucoup de choses que l’on les entreprises au Grand-Duché. n’oublie pas. Mais parfois, il est très utile d’obtenir des conseils, d’avoir un regard extérieur. Donc, c’est devenu un objectif personnel d’aider la prochaine génération, parce que j’ai accumulé des années d’expérience et que j’ai quelque chose à donner. L’autre point est que les conseils que je donne doivent avoir un impact. Ils sont sans compromis. Trop de personnes choisissent un emploi qui ne correspond pas à leurs besoins, à leurs objectifs de vie. Elles arrivent le lundi au travail et pensent déjà aux prochaines vacances. C’est vraiment dommage de commencer sa carrière de la sorte. La majeure partie de notre vie est consacrée à notre travail ; elle doit donc être épa­ Auteur M. P.

« Trouver un job épanouissant est un point crucial. » TURAN NAMAZOVA Étudiante

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Dossier

Le durable n’est plus une option L’investissement responsable ne connaît pas la crise. L’an dernier, ce type de placement a offert des rendements supérieurs à la moyenne, alors que l’Europe contribue à sa pérennisation en lui offrant un cadre réglementaire plus clair.

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sements n’auront d’intérêt que lorsqu’ils deviendront rentables ne tient plus la route. « On a souvent entendu ce discours de la part de ges­ tionnaires d’actifs. Mais le monde entier s’est L’effet accélérateur de la crise rendu compte qu’au plus fort de la crise, les Cette prise de conscience s’est d’autant plus produits durables intégrant des critères ESG accélérée ces derniers mois que la crise sani- ont bien mieux tenu le choc, précise Annetaire a mis en lumière l’importance de repen- Sophie Minaldo. Peut-être affichent-ils un ser les priorités et de donner davantage de niveau de performance moins rapide. Peut-être sens aux investissements pour reconstruire ne permettent-ils pas des entrées et des sorties un monde plus durable, plus résilient, plus sur une période courte, mais si l’on se place inclusif. « Auparavant, nos clients cherchaient dans un cycle d’investissement plus noble de la performance et ne s’intéressaient pas aux cinq à sept ans, la performance est très souvent produits dits ‘sustainable’, mais on assiste à au rendez-vous. » un changement de paradigme. La tendance se dessinait progressivement, mais la crise actuelle L’Union européenne donne le ton a clairement mis en exergue l’urgence clima­ Les chiffres sont là pour attester de cette pertique et l’impact sociétal, mais aussi écono­ formance. « Selon Morningstar, au mois de mique, de nos comportements et de nos choix mars 2020, lors de la chute brutale des marchés passés », relève Laurent Simeoni, head of port­ en lien avec la situation sanitaire du Covid-19,­ folio management au sein d’ING Luxembourg. 62 % des fonds respectant les critères ESG ont Surtout, l’excuse selon laquelle ces investis­- enregistré de meilleures performances que

Ana Gaman

satisfaction, qui correspondent à leurs valeurs et qui permettent d’avoir un impact sur l’éco­ nomie réelle. »

Illustration

La tendance est indéniable. Aujourd’hui, pour être dans l’air du temps, il faut s’intéresser aux investissements responsables. Plusieurs facteurs contribuent à cet élan vers une finance plus durable, où les seuls critères financiers ne suffisent plus à satisfaire l’appétit des investisseurs. « On assiste à une réelle prise de conscience de l’importance d’intégrer des critères plus durables dans la sélection des investissements, et la banque privée a un rôle important à jouer dans ce domaine, constate Anne-Sophie Minaldo, partner au sein du département Consulting & Regulatory Services et head of corporate citizenship de KPMG Luxembourg. La nouvelle génération, compo­ sée de ces high net worth millennials dont la fortune est le résultat de leurs 20 premières années de travail, a une conscience accrue des enjeux écologiques et sociaux. Ces personnes, qui sont souvent des entrepreneurs, des cadres dirigeants, ont un fort appétit pour des pro­ duits financiers qui leur donnent une certaine


Investissement vert

l’indice boursier MSCI World, qui agglomère les plus grandes sociétés mondiales, détaille Vincent Villebesseix, directeur BGL BNP Paribas Banque Privée. Au sein de notre éta­ blissement, les gestions discrétionnaires inté­ grant le plus fortement les critères ESG ont généré une surperformance par rapport aux gestions traditionnelles depuis leur mise en place. Sur ces trois dernières années, l’écart de performance s’est accentué, en partie sous l’ef­ fet de la crise du Covid-19. En moyenne annuelle, ces mandats dans les profils conservateurs, équilibrés et dynamiques ont surperformé par rapport à leurs équivalents traditionnels, de respectivement 0,5  % , 1,7  % et 2  % depuis trois ans. » Au-delà de la performance, l’analyse ESG amène un éclairage différent et complémentaire dans l’analyse du risque des solutions d’investissement, en identifiant les risques de non-conformité avec des normes sanitaires et les risques environnementaux ayant potentiellement un impact sur les opérations et la réputation des entreprises. Promou­voir une gouvernance d’entreprise solide, protéger l’environnement et encourager la mise en place de normes sociales élevées sont donc des questions qui occupent l’esprit de nombreux investisseurs à travers le monde entier. Ce mouvement est fortement soutenu par l’Union européenne. Dans le prolongement du Green Deal, la Commission a posé l’an dernier les premiers jalons de son plan d’action en faveur d’une finance plus durable. Environ 180 milliards d’euros d’investissement supplémentaires par an seront nécessaires pour que l’UE puisse atteindre les objectifs 2030 fixés lors du sommet de Paris, comprenant une réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre. Le Green Deal va encore plus loin, puisqu’il veut faire de l’Europe le premier continent climatiquement neutre à l’horizon 2050. C’est pourquoi, sur la base des recommandations formulées par le groupe d’experts à haut niveau sur la finance durable, la Commission a présenté une feuille

ESG VS ISR : QUELLE DIFFÉRENCE ? L’ESG définit des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance qui sont utilisés pour définir la responsabilité d’un placement en dehors des qualificatifs financiers. Ces critères définissent la manière dont l’entreprise prend en compte le développement durable dans l’exercice de son activité, ainsi que dans sa stratégie de développement. L’ISR, ou investissement socialement responsable, quant à lui, est une stratégie d’investissement prenant en compte les critères ESG. Les placements ou les stratégies ISR ont pour but d’œuvrer pour une économie au service du dévelop­ pement durable.

90 %

Cette réglementation est une bonne chose, mais elle vient changer la donne et oblige les banques privées à revoir complètement les produits qu’elles proposent sur le marché. Les critères Selon l’enquête Sustainable Investing ESG ne peuvent pas être un argument marke­ Review 2020, publiée par la banque privée britannique Standard Chartered, ting, mais une réalité dans les processus d’in­ l’intérêt pour l’investissement durable vestissement des gérants d’actifs. » est très élevé : 90 % des investisseurs L’une des premières mesures réglemeninterrogés sont intéressés, et 42 % envisagent d’investir 5 à 15 % de leurs taires est de décrire et d’expliquer dans les fonds dans des investissements documents précontractuels la stratégie d’indurables au cours des trois provestissement durable et la façon dont les chaines années. gérants d’actifs intègrent les risques de durabilité dans leurs décisions d’investissement. « Ces informations en matière de durabilité demandées par le règlement SFDR doivent être prises en compte, tout d’abord au niveau des sociétés de gestion, par une publication sur leur Plus de 40 % des investisseurs considèrent l’eau potable et l’assainissesite internet d’informations portant notam­ ment, la bonne santé et le bien-être, ment sur la politique relative au risque de ainsi que l’action pour le climat durabilité, de rémunération et de déclaration comme les objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies de performance extrafinancière, en distinguant de la plus haute importance. celles qui emploient plus de 500 salariés et les autres, précise Laurent Simeoni. Ensuite, au niveau des produits financiers, les prospectus doivent décrire le risque de durabilité, les inci­ dences négatives des décisions d’investissement de route destinée à dynamiser le rôle de la en matière de durabilité, et donner des expli­ finance dans la mise en place d’une écono- cations sur le respect de l’objectif de durabilité. mie qui, tout en étant performante, servirait Toutes les sociétés de gestion et les banques pri­ vées qui commercialisent les produits sont les objectifs environnementaux et sociaux. concernées par le règlement SFDR, même celles qui n’ont pas de stratégie durable. Elles devront L’impact du règlement SFDR Pour être considérée comme durable et ali- expliquer leur position et la préciser dans la gnée avec la taxonomie européenne, une acti- publication des informations. » vité doit désormais contribuer substantiellement à au moins un des six objectifs environne- Pour une meilleure information du client mentaux fixés et ne nuire à aucun d’eux. On Aujourd’hui, la Commission européenne est le voit, pour l’heure, l’investissement durable clairement en train de donner une définition est essentiellement axé sur l’aspect climatique, précise de ce que l’on peut appeler ISR. « Cette au détriment de la gouvernance et du social. réglementation vient ‘normer’ et, par consé­ « Les priorités diffèrent selon les continents. En quent, accroître la professionnalisation de l’in­ Europe, les questions liées au changement cli­ dustrie, avec un strict cahier des charges. Elle matique sont au cœur de l’actualité. Aux États- impose également un certain nombre de règles Unis, les discussions vont tourner autour de de transparence, d’informations concernant l’accès à une énergie plus propre à des coûts notamment la façon dont les risques ESG sont acceptables. En Asie, c’est la promotion d’une intégrés dans les offres, ainsi que la mise en croissance inclusive, au profit de tous, qui est place de nouvelles politiques internes et des sur la table. On touche ici à des valeurs fon­ reportings spécifiques, ajoute Vincent Villebesseix. damentales, qui varient en fonction de nos Nous travaillons actuellement sur le sujet, en cultures et de l’éducation reçue  », constate lien avec le groupe BNP Paribas, qui a vocation à être à la pointe sur cette thématique afin d’in­ Anne-Sophie Minaldo. Aujourd’hui, l’intégration des critères envi- tégrer les différents éléments réglementaires. » Chez ING aussi, le domaine de la finance ronnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) au sein de toutes les formes de gestion, durable n’est pas subitement apparu sur les que l’on parle de gestion conseillée ou de radars. « Jusqu’ici, chaque banque développait gestion sous mandat, ne peut pas être consi- sa propre approche de l’investissement ISR et dérée comme une option pour une banque des critères ESG à prendre en compte, analyse privée, mais bien comme un élément central Laurent Simeoni. Nous avons développé une de l’offre financière proposée. Et là encore, expertise importante. Nous avons notamment l’Union européenne trace le cadre. « Certaines travaillé au niveau macroéconomique pour dispositions du règlement européen (UE) dégager de grandes tendances du développe­ 2019/2088 dit ‘Sustainable Finance Disclosure ment durable et sélectionner des univers d’in­ Regulation’ (SFDR) sont entrées en applica­ vestissement qui excluent certains secteurs ou tion ce 10 mars 2021, note Laurent Simeoni. sous-secteurs économiques. Par ailleurs, à

40 %

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Dossier Investissement vert

Fin septembre 2020, le label Luxflag réunissait 303 produits d’investissement, avec des actifs sous gestion de plus de 128 milliards d’euros. Cela représente une croissance des produits labellisés de 92 % au cours des 12 derniers mois. Avec les nouveaux labels, Luxflag étend sa portée à trois nouvelles juridictions, à savoir le Danemark, la Finlande et l’Espagne, en plus de la Belgique, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Irlande, du Luxembourg et des Pays-Bas. « Des initiatives comme Luxflag ont un rôle de plus en plus important à jouer dans cette transition, en renforçant la transparence et la crédibilité auprès des investisseurs », a déclaré Denise Voss, présidente de Luxflag.

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« La réglementation SFDR oblige les banques privées à revoir complètement les produits proposés sur le marché. » Place à la transparence Depuis plusieurs années, le changement est en marche, et il s’accélère à un rythme soutenu. « Nous notons un poids croissant de ce type d’investissement dans le monde de la banque privée, ajoute Vincent Villebesseix. Les offres proposées et, parallèlement à cela, l’appétence et les souhaits des clients se sont fortement amplifiés sur cette thématique et rencontrent un franc succès. De plus en plus, les clients sou­ haitent avoir une transparence dans les inves­ tissements réalisés, une compréhension du contenu et un choix dans les thématiques d’investisse­ ment qui, a minima, excluent certains secteurs. Globalement, c’est toute l’industrie financière, des asset managers aux distributeurs – dont les banques privées –, qui a travaillé profondé­ ment ces dernières années pour se profession­ naliser et enrichir l’offre. » Chaque banque privée doit désormais construire sa propre stratégie en proposant des produits composés d’ingrédients plus ou moins durables. Au bout de cette chaîne de l’investissement responsable, on retrouve la notion d’impact investing, degré le plus élevé en matière de durabilité, qui s’accompagne d’une volonté explicite d’avoir un impact positif sur l’environnement et la société. « Cela reste un secteur de niche, explique Anne-Sophie Minaldo. Ce type d’investissement nécessite en effet d’aller au plus près du projet que l’on sou­ haite financer, de l’accompagner pour en éva­ luer l’impact réel. On se situe davantage dans l’univers du private equity, qui nécessite un engagement fort de la part de l’investisseur ou du gestionnaire du fonds. » Un geste fort, un impact avéré À l’avenir, la notion d’impact pourrait toutefois prendre une dimension accrue dans les politiques d’investissement. «  Pour notre

ING

LUXFLAG : UN LABEL DE RÉFÉRENCE

LAURENT SIMEONI Head of portfolio management ING Luxembourg

activité de banque privée, nous avons développé une méthodologie éprouvée et robuste permet­ tant de mesurer le degré de durabilité des inves­ tissements recommandés. Les critères utilisés sont propres à chaque classe d’actifs et ils per­ mettent de positionner les produits sur une échelle unique de 0 à 10, que nous représentons par des trèfles, ajoute Vincent Villebesseix. Un investissement présente un niveau d’inté­ gration de la durabilité satisfaisant lorsque les critères d’exigence obtiennent au moins 5 trèfles, et il est considéré comme produisant un impact réel et mesurable dans les domaines environ­ nementaux ou sociaux lorsqu’il se classifie dans la zone la plus élevée de cette échelle. Selon notre méthodologie, une solution d’impact investing se verra attribuer les notes les plus élevées, à condition de réunir certains critères. L’intention d’impact doit porter sur des enjeux identifiés comme durables et répondant aux objectifs de développement durable de l’Onu. Ensuite, l’impact doit être mesurable, mesuré et faire l’objet d’un rapport. Cette méthodologie a pour avantage de pou­ voir comparer tous les instruments financiers entre eux (fonds, actions, obligations, etc.), de déterminer un score global et de proposer des alternatives pour, in fine, aligner le portefeuille avec les objectifs de durabilité de nos clients. » L’investissement socialement responsable (ISR), intégrant le respect des valeurs éthiques, de protection de l’environnement, d’amélioration des conditions sociales et de bonne gouvernance, attire de plus en plus l’intérêt des investisseurs. Jusqu’ici, l’une des idées fortement ancrées dans les esprits était que l’investissement durable se faisait au détriment du rendement financier. Ce premier frein psychologique n’a plus lieu d’être aujourd’hui. Plusieurs études ont été menées sur le sujet, et la crise sanitaire est venue le confirmer, il n’existe pas de lien significatif entre ISR et performance réduite. Bien au contraire. Ainsi, le choix de l’éthique ne générerait ni coût ni bénéfice pour l’investisseur d’un point de vue global. Aussi, en réaction à la crise sanitaire et économique du Covid-19, l’intérêt des investisseurs pour les stratégies ESG et d’investissement d’impact s’est accéléré. Et ce n’est qu’en investissant davantage de capitaux dans des investis­sements responsables que les clients de la banque privée pourront contribuer positivement au financement de solutions aux problèmes du monde. Et les défis à relever sont innombrables…

Auteur M. P.

Photo

travers notre système de scoring interne (système de notation, ndlr), plus de 8.000 sociétés ont par exemple reçu une cote en matière de durabilité. Pour nos mandats sustainable, nous constituons nos portefeuilles en privilégiant les sociétés les mieux notées dans leurs secteurs respectifs. L’ensemble de notre gamme actuelle va intégrer, à terme, des critères de durabilité. À horizon de cinq ans, il va devenir quasi impos­ sible d’avoir du non-durable en portefeuille. » Au-delà de cet aspect réglementaire, qui pousse à « verdir » les placements existants et à créer de nouvelles solutions, les banques privées doivent aujourd’hui s’adapter aux attentes de leurs clients, trouver les bonnes recettes et accompagner au mieux l’investisseur dans ses recherches. Le premier défi est ainsi d’aller chercher les bonnes informations auprès de prestataires externes qui réalisent des screenings réguliers et s’assurent que les sociétés émettrices répondent aux critères ESG. « Au-delà des aspects réglementaires, le défi pour les banques privées est d’être plus que jamais à l’écoute des investisseurs et de se don­ ner les capacités de trouver les solutions d’in­ vestissement adéquates. Les sociétés de gestion vont elles-mêmes être attentives aux évolutions afin de répondre aux besoins exprimés. La banque privée a un rôle de garant à jouer dans cette aventure. En tant que banquier privé, il est désormais de son devoir d’éduquer et d’ac­ compagner ses clients, de s’assurer que les pro­ duits proposés sont en cohérence avec les attentes du marché, précise Anne-Sophie Minaldo. La banque doit être capable de prendre du recul par rapport à ces différents enjeux, remettre les trois lettres d’ESG en perspective. Bien entendu, une société qui fait beaucoup de bien à l’environnement doit être soutenue, mais une entreprise moins verte ne doit pas être laissée de côté. Il faut, là aussi, l’accompagner dans sa transformation, en prenant conscience qu’à un horizon de moins de sept ans, il est difficile de s’inscrire dans une démarche durable. »


Notre place financière, c’est nous tous.

Notre place financière emploie plus de 50 000 personnes, allant des banquiers, gestionnaires d’actifs, assureurs, juristes, comptables, auditeurs, économistes, aux informaticiens, graphistes, cuisiniers, Déi chauffeurs, Lëtzebuergerpersonnel Finanzplaz,de FinTemoluptati nimo que ea sécurité et temperis bien d‘autres encore. commolor mi, susae vit omnis doluptio. Itaturde autnotre etur?place Ibus, ulles qui Découvrez qui contribue à la diversité financière derisur cum voluptatet et ullabor atur, qui ra dolores ciumquas ium que www.eisfinanzplaz.lu laut velenis cillab ius dolorro por pratestet, op www.eisfinanzplaz.lu


Dossier En quatre points

Encore timide, 2 l’impact investing sort de l’ombre Composante minime de l’investis­ sement durable, l’impact investing connaît une croissance rapide. Il répond surtout, de manière ultime, aux attentes de ceux qui souhaitent contribuer à un monde meilleur.

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Auteur M. P.

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Des origines à aujourd’hui Le concept d’impact investing est véritablement né en 2007 à la suite de l’éclatement de la crise financière, durant laquelle un groupe d’investisseurs pionniers, réunis par la fondation Rockefeller, a décidé de construire une nouvelle économie visant à générer des impacts sociaux et environnementaux positifs au-delà du return financier pour leurs investissements. Pour ce faire, l’impact investing cible les entreprises, les organisations ou les fonds qui apportent des solutions durables aux défis environnementaux et sociaux, tout en étant pérennes du fait de leur rentabilité dans des domaines comme la transition énergétique, la santé, l’agriculture, l’éducation et l’organisation du travail. La taille de ce marché est estimée à 114 milliards de dollars par le Global Impact Investing Network et représente 0,15 % des investissements mondiaux. La croissance de l’impact investing est toutefois très rapide, il a en effet crû de 17 % par an ces trois dernières années. Applicable, en théorie, à toutes les classes d’actifs, l’impact investing privilégie, dans les faits, les marchés non cotés, comme le private equity, la dette privée et les actifs réels. Certains parlent de « capital patient », exprimant ainsi la notion du temps nécessaire pour pouvoir mettre en œuvre ce type de solution.

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La notion d’intention Parmi les caractéristiques principales de l’impact investing figure l’intention explicite des investisseurs de générer un impact social et environnemental positif accompagné d’un rendement financier. Les investisseurs d’impact estiment que le capital doit être investi à dessein pour résoudre les problèmes les plus difficiles et insolubles du monde, tels que mettre fin à la discrimination fondée sur le sexe, lutter contre le changement climatique, éliminer la pauvreté, arrêter le racisme systémique et contrecarrer la montée des inégalités. Par conséquent, le fait de filtrer les entreprises sur base de pratiques qui pourraient être potentiellement nuisibles ne suffit pas. L’investisseur doit affirmer clairement que son objectif n’est pas uniquement financier. La notion de mesurabilité Le monde de l’impact investing ne peut pas se contenter de bonnes intentions et d’aspirations à apporter du bien. Il faut fixer des objectifs réalistes et fondés sur des preuves pour évaluer ce que les investissements vont permettre de réaliser. Ensuite, il faut suivre et évaluer les réalisations réelles, en utilisant des données et des preuves pour mesurer si les investissements entraînent des changements positifs importants et évitent des dommages en cours de route. Par exemple, les partenariats mondiaux exigent non seulement que leurs entreprises investies établissent des rapports sur un ensemble d’indicateurs d’impact communs, mais aussi qu’elles mènent des études d’impact approfondies périodiques, des visites sur le terrain ou des partenariats sur des évaluations et des évaluations externes pour mieux comprendre et rendre compte de l’impact de leurs investissements sur les populations desservies. Une croissance attendue La croissance des investissements d’impact ne peut que se poursuivre, car de plus en plus de personnes réalisent qu’il est possible d’obtenir un rendement financier tout en contribuant positivement à la société et à l’environnement. Le Global Impact Investing Network estime la taille du marché de l’impact à 715 milliards de dollars d’actifs sous gestion, contre 114 milliards de dollars en 2017. L’une des explications à cette croissance serait que les stratégies d’impact sont considérées comme plus tangibles et plus faciles à comprendre que les investissements environnementaux, sociaux et de gouvernance. De tels fonds s’adressent aux investisseurs qui souhaitent atteindre l’essence même de la durabilité.


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Gestion de fortune

Une envie d’indépendance Dans le domaine de la gestion de fortune, de plus en plus d’actifs sont confiés à des gestionnaires indépendants, comme le révèle la toute récente étude ABBL/CSSF External Asset Managers Survey 2020.

Ces dernières années, à côté des banquiers privés, Luxembourg a vu aussi se développer une activité de gérants de fortune indépendants. Depuis 2017, cette dernière fait même l’objet d’une étude conjointe menée chaque année par l’ABBL et la CSSF. « Aujourd’hui, une vingtaine de banques luxembourgeoises ont mis en œuvre un service orienté vers les gestionnaires d’actifs externes. On voit un nombre croissant de clients fortunés ouvrir un compte dans une banque et confier le mandat de gestion de leurs actifs à un tiers. Dans cette relation triangulaire, chacun joue un rôle spé­ cifique », explique Jeff Mouton, head of the external asset manager working group de l’ABBL.

les clients se rendaient chez un banquier privé pour accéder directement à un ensemble de ser­ vices, dans un marché plus transparent, cer­ tains cherchent désormais à s’entourer des acteurs qui, ensemble, pourront répondre le mieux à leurs besoins, poursuit Jeff Mouton. Plus le client est important, plus il va vouloir se diversifier, en s’entourant d’une banque, d’un tiers gérant, d’un fiscaliste indépendant, ou encore de spécialistes de diverses classes de pro­ duits. » En multipliant les acteurs indépendants, chacun pouvant exercer une surveillance sur l’autre, le client dispose de plus grandes garanties de transparence et d’un levier de négociation plus important. « Un tiers gérant, avec un ou plusieurs mandat(s) de plusieurs Changement de perception centaines de millions d’euros, a un pouvoir de Il y a quelques années, les gestionnaires tiers négociation conséquent vis-à-vis des banques, étaient encore considérés comme les concur- dont il peut faire profiter ses clients. » rents des acteurs de la banque. Désormais, beaucoup ont compris l’opportunité qu’il y Sortir du cadre avait à travailler avec ces structures indépen- Cette tendance est aussi soutenue par la volonté dantes. Sur les 54 banques actives dans le des banquiers de gagner leur indépendance. secteur de la banque privée, 20 d’entre elles Après plusieurs années de carrière, certains disposent d’un département dédié à la ges- ressentent le besoin de sortir du cadre de leur tion de fortune indépendante. institution, pour mieux accompagner leurs En 2020, le volume d’actifs déposés au clients ou aller en chercher de nouveaux. « En Luxembourg liés à un mandat de gestion confié à un acteur tiers s’élevait à 44,7 milliards d’euros, un montant en progression de 12,5 % par rapport à l’année précédente. Cela correspond LES ACTIFS SOUS GESTION à 10 % des actifs gérés par l’ensemble des acteurs PAR LES « TIERS GÉRANTS » de la banque privée. Il est aussi intéressant En milliards d’euros de considérer le volume géré par des gestionnaires extérieurs disposant d’une licence octroyée par la CSSF (ils sont environ une centaine). On l’estime à 30 milliards d’euros, +   % dont 15 déposés au sein des banques luxembourgeoises, les 15 autres étant confiés à des 44,7 institutions établies à l’étranger. 39,8

12,5

S’appuyer sur les meilleurs Plusieurs facteurs permettent d’expliquer la croissance du nombre de gestionnaires d’actifs indépendants dans le domaine du wealth management au Luxembourg. « Les attentes de la clientèle ont évolué. Quand, par le passé, 42

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2019

2020

Source ABBL/CSSF External Asset Managers Survey 2020

tant que gestionnaires indépendants, avec moins de contraintes, plus de liberté d’action, ils peuvent continuer à accompagner des clients fortunés dans un environnement régulé », assure Jeff Mouton. Ces dernières années, on a ainsi vu plusieurs structures être fondées par d’anciens cadres dirigeants d’institutions bancaires bien établies. « On voit aussi des structures investir dans des segments très particuliers, comme les services dédiés aux sportifs de haut niveau, ou sur un territoire géographique donné », commente Jeff Mouton. En tissant des relations, en trouvant les moyens de mieux servir une clientèle très ciblée, ces structures explorent de nouvelles niches. « Au Luxembourg, la proximité avec l’industrie des fonds permet de développer des solutions sur mesure pour répondre à un segment de clientèle ou un autre », poursuit l’analyste. Attirer des acteurs étrangers Le statut de gestionnaire indépendant séduit aussi des structures étrangères, désireuses d’accompagner des clients en Europe. On l’a vu dans le cadre du Brexit, avec des institutions londoniennes qui se sont positionnées en gérants indépendants au Luxembourg pour continuer à servir leurs clients sur le continent. Des acteurs suisses, pays où les gestionnaires d’actifs externes sont beaucoup plus répandus, s’inscrivent dans une démarche similaire. Deux tiers des actifs suivis par un service de gestion de fortune indépendant le sont par des sociétés non luxembourgeoises. Ce qui traduit le caractère international du secteur. « Le développement des gestionnaires tiers crée une concurrence saine entre les acteurs de la Place, qui profite au client, ainsi qu’à l’en­ semble du secteur luxembourgeois, à la conquête du marché européen », conclut Jeff Mouton. Alors que le marché de la banque privée se consolide, certaines institutions bancaires peinant à faire face aux coûts réglementaires se disent aussi enclines à poursuivre leur activité de conseil sous ce statut. Auteur S. L.


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Dossier À travers le pays

La liste des banques privées Le Luxembourg, reconnu pour sa place financière, a également un large panel de banques privées venant du monde entier installées dans tout le pays.

ANNÉE D’ÉTA­ BLIS­SEMENT

ADRESSE

NUMÉRO DE TÉLÉPHONE

Andbank Luxembourg

2009

4, rue Jean Monnet, L-2180 Luxembourg

+352 27 49 76 1

Banca March, Luxembourg Branch

2012

21-25, allée Scheffer, L-2520 Luxembourg

+352 35 226 203 332

Banco Bradesco Europa

1981

29, avenue de la Porte-Neuve, L-2227 Luxembourg

+352 25 41 31 1

Bank GPB International

2013

15, rue Bender, L-1229 Luxembourg

+352 26 29 75 1

Bank Julius Baer Europe

1989

25, rue Edward Steichen, L-2540 Luxembourg

+352 47 60 1

Bank of China (Luxembourg) SA & Bank of China Limited, Luxembourg Branch

1979

37-39, boulevard Prince Henri L-1724 Luxembourg

+352 26 86 88 300

Bank of Communications

1908

7, rue de la Chapelle, L-1325 Luxembourg

+352 28 688 1

Bankinter Luxembourg

1989

37, avenue John F. Kennedy, L-1855 Luxembourg

+352 20 21 01 00

Banque de Commerce et de Placements – BCP

1982

140, boulevard de la Pétrusse L-2330 Luxembourg

+352 40 40 22 1

Banque de Luxembourg

1920

14, boulevard Royal, L-2449 Luxembourg

+352 49 92 41

Banque de Patrimoines Privés

2010

30, boulevard Royal, L-2449 Luxembourg

+352 27 207 1

Banque Degroof Petercam Luxembourg

1987

12, rue Eugène Ruppert, L-2453 Luxembourg

+352 45 35 45 1

Banque Hapoalim (Luxembourg)

1991

7, rue de la Chapelle, L-1325 Luxembourg

+352 47 52 56 1

Banque Havilland

2009

35A, avenue John F. Kennedy, L-1855 Luxembourg

+352 46 31 31

Banque Internationale à Luxembourg

1856

69, route d’Esch, L-2953 Luxembourg

+352 45 90 5000

Banque J. Safra Sarasin (Luxembourg)

1985

17-21, boulevard Joseph II, L-1840 Luxembourg

+352 45 47 81 1

Banque Öhman

2005

16, avenue Pasteur, L-2310 Luxembourg

+352 26 73 73 1

Banque Puilaetco Dewaay Luxembourg

1988

163, rue du Kiem, L-8030 Strassen

+352 47 30 25 1

Banque Raiffeisen

1926

4, rue Léon Laval, L-3372 Leudelange

+352 24 50 1

Banque Transatlantique Luxembourg

1989

17, côte d’Eich, L-1450 Luxembourg

+352 46 99 89 1

Bemo Europe Banque Privée

1984

26, boulevard Royal, L-2449 Luxembourg

+352 22 63 21 1

BGL BNP Paribas Banque Privée

1919

10A boulevard Royal, L-2093 Luxembourg

+352 42 42 76 48

BHW Bausparkasse, succursale de Luxembourg

1977

16, rue Erasme, L-1468 Luxembourg

+352 44 88 44 1

BPER Bank Luxembourg

1996

30, boulevard Royal, L-2449 Luxembourg

+352 22 24 30 1

CA Indosuez Wealth (Europe)

1920

39, allée Scheffer, L-2520 Luxembourg

+352 24 67 1

Catella Bank

1989

Parc d’activités – 38, rue Pafebruch, L-8308 Capellen

+352 27 75 11 01

CBP Quilvest

2006

48, rue Charles Martel, L-2134 Luxembourg

+352 27 02 71

China Construction Bank Corporation Luxembourg Branch

2013

1, boulevard Royal, L-2449 Luxembourg

+352 28 66 88

China Everbright Bank – Luxembourg Branch

2017

10, avenue Emile Reuter, L-2420 Luxembourg

+352 26 66 88 8

China Merchants Bank

2015

20, boulevard Royal, L-2449 Luxembourg

+352 286 666 1

Credit Suisse (Luxembourg)

1974

5, rue Jean Monnet, L-2180 Luxembourg

+352 46 00 11 1

44

PRIVATE BANKING AVRIL 2021

MEMBRE DU PBGL*

* Membre de l’ABBL Private Banking Group Luxembourg

NOM



Dossier À travers le pays

ANNÉE D’ÉTA­ BLIS­SEMENT

ADRESSE

NUMÉRO DE TÉLÉPHONE

Danske Bank International

1976

13, rue Edward Steichen, L-2011 Luxembourg

+352 46 12 75 1

DekaBank Deutsche Girozentrale Luxembourg

1971

6, rue Lou Hemmer, L-1748 Luxembourg

+352 34 09 35 00

Delen Private Bank

1987

287, route d’Arlon, L-1150 Luxembourg

+352 44 50 60 1

Deutsche Bank Luxembourg

1970

2, bd Konrad Adenauer, L-1115 Luxembourg

+352 42 12 21

Deutsche Postbank International

1993

18-20, parc d’activité Syrdall, L-5365 Munsbach

+352 34 95 31 1

DnB NOR Luxembourg

1985

13, rue Goethe, L-1637 Luxembourg

+352 45 49 45 1

DZ Privatbank

1977

4, rue Thomas Edison, L-1445 Luxembourg

+352 44 90 31

East-West United Bank

1974

10, boulevard Joseph II, L-1840 Luxembourg

+352 253 153

Edmond de Rothschild (Europe)

1969

4, rue Robert Stumper, L-2557 Luxembourg

+352 24 88 1

EFG Bank (Luxembourg)

2006

56, Grand-Rue, L-1660 Luxembourg

+352 26 45 41

Eurobank Private Bank Luxembourg

1986

534, rue de Neudorf, L-2220 Luxembourg

+352 42 07 24 1

Fideuram Bank (Luxembourg)

1998

9-11, rue Goethe, L-1637 Luxembourg

+352 46 90 90 1

Hauck & Aufhäuser Banquiers Luxembourg

1973

1C, rue Gabriel Lippmann, L-5365 Munsbach

+352 45 13 14 1

HSBC Private Bank (Luxembourg)

1985

16, boulevard d’Avranches, L-1160 Luxembourg

+352 47 93 31 1

ICBC, Industrial and Commercial Bank of China (Europe)

2006

32, boulevard Royal, L-2449 Luxembourg

+352 26 86 66 1

IKB Deutsche Industriebank, filiale Luxembourg

1979

Parc d’activité Syrdall 3 – 21B, rue Gabriel Lippmann L-5365 Munsbach

+352 42 37 87 30 1

ING Luxembourg

1960

26, place de la Gare, L-1616 Luxembourg

+352 44 99 1

Intesa Sanpaolo Bank Luxembourg

1976

19-21, boulevard du Prince Henri, L-1724 Luxembourg

+352 46 14 11 1

Joh. Berenberg, Gossler & Co – Beren­­berg Bank, Luxembourg Branch

1988

46, place Guillaume II, L-1648 Luxembourg

+352 46 63 80 1

J.P. Morgan Bank Luxembourg

1973

6C, route de Trèves, L-2633 Senningerberg

+352 46 26 85 1

Keytrade Bank Luxembourg

1999

62, rue Charles Martel L-2134 Luxembourg

+352 45 04 39

La Française Bank

1976

2, boulevard de la Foire, L-1528 Luxembourg

+352 45 45 22 1

Landesbank Saar Girozentrale, succursale de Luxembourg

1995

22, rue Schaffmill, L-6778 Grevenmacher

+352 42 63 14 1

Lombard Odier (Europe)

2010

291, route d’Arlon, L-1150 Luxembourg

+352 27 78 5000

Mediobanca International (Luxembourg)

2005

4, boulevard Joseph II, L-1840 Luxembourg

+352 26 73 03 1

Mirabaud & Cie (Europe)

2013

25, avenue de la Liberté, L-1931 Luxembourg

+352 27 12 83 00

Natixis Wealth Management Luxembourg

1989

51, avenue John F. Kennedy, L-1855 Luxembourg

+352 46 38 16-1

Nord/LB Luxembourg

1972

7, rue Lou Hemmer, L-1748 Luxembourg

+352 45 22 11 1

Pictet & Cie (Europe)

1989

15A, avenue John F. Kennedy, L-1855 Luxembourg

+352 46 71 71 1

Quintet Luxembourg Private Bank

1949

43, boulevard Royal, L-2955 Luxembourg

+352 47 97 1

SEB – Skandinaviska Enskilda Banken

1973

4, rue Peternelchen, L-2370 Howald

+352 26 23 10 00

Société Générale Luxembourg

1893

11, avenue Emile Reuter, L-2420 Luxembourg

+352 47 93 11 1

Spuerkeess

1856

1, place de Metz, L-2954 Luxembourg

+352 40 15 1

Svenska Handelsbanken AB (Publ), Luxembourg Branch

1992

15, rue Bender, L-1229 Luxembourg

+352 27 486 1

Swissquote Bank Europe

2000

2, rue Edward Steichen, L-2958 Luxembourg

+352 26 03 20 03

The Bank of New York Mellon (Luxembourg)

1997

2-4, rue Eugène Ruppert, L-2453 Luxembourg

+352 24 52 41

UBS Europe SE, Luxembourg Branch

1973

33A, avenue John F. Kennedy, L-1855 Luxembourg

+352 45 12 11

UniCredit Luxembourg

1987

8-10, rue Jean Monnet, L-2180 Luxembourg

+352 22 08 42-1

Union Bancaire Privée (Europe)

1971

287-289, route d’Arlon, L-1150 Luxembourg

+352 22 80 07 1

VP Bank (Luxembourg)

1988

2, rue Edward Steichen, L-2540 Luxembourg

+352 40 47 70 1

Wüstenrot Bausparkasse AG, Niederlassung Luxemburg

1998

33, parc d’activité Syrdall, L-5365 Munsbach

+352 44 34 44 1

46

PRIVATE BANKING AVRIL 2021

MEMBRE DU PBGL*

* Membre de l’ABBL Private Banking Group Luxembourg

NOM


Architecture : les nouvelles façons d’habiter l’espace TRANSLATION INTO ENGLISH PROVIDED

M E RC R E D I

21 AV R I L

18H30 Là où la pression immobilière est forte, les formes expérimentales d’habitats se généralisent et deviennent peu à peu la norme. Au-delà du logement, les manières d’habiter et d’occuper l’espace évoluent, entre maîtrise du développement urbain et réappropriation de l’espace public.

Avec la participation, entre autres, de : Claude Ballini, Ballinipitt architectes urbanistes Türkan Dagli, Dagli + Atelier d’Architecture Mathias Fritsch, Beiler François Fritsch Philippe Nathan, 2001 Norry Schneider, Cell

Ce 10�6 mettra en lumière 10 tendances et projets qui contribuent à dessiner la ville de demain.

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Technologies

Les défis de la digitalisation Si la crise du coronavirus a considérablement accéléré la transformation numérique des banques privées, le secteur reste confronté à de nombreux défis en matière de digitalisation.

Le monde de la banque privée connaît, de manière générale, un certain retard en matière de digitalisation. Ce n’est pas nouveau. Et la crise du Covid-19, qui s’est déclarée en Europe au début de l’année 2020, a remis en lumière cette problématique. « La banque privée n’était pas préparée à faire face à cette situation. Pour des raisons historiques, notamment le secret professionnel et la cyber­ sécurité, le travail à distance n’était pas dans la culture du secteur. Des raisons propres au Luxembourg, avec des questions complexes liées à la fiscalité transfrontalière, rendaient diffi­ cile sa mise en place », explique Xavier Turquin, senior manager Business Transformation chez Deloitte Luxembourg. Du jour au lendemain, le secteur, peu – voire pas du tout – habitué à la pratique du télétravail, a été contraint de faire travailler ses collaborateurs à domicile, impactant complètement le mode de fonctionnement de la banque privée. « Si certaines banques avaient déjà mis en place des banquiers mobiles disposant d’outils leur permettant de travailler depuis chez eux ou chez un client, la majorité d’entre elles ont été prises au dépourvu au moment de la générali­ sation du télétravail. La première urgence a donc été d’identifier et d’équiper en outils infor­ matiques les personnes-clés au sein des banques, afin de leur permettre de travailler à distance. Cette opération a duré entre 15 jours et un mois », explique Xavier Turquin. Si l’impact de cette crise du point de vue organisationnel a été énorme, en matière de business, les conséquences pour le secteur de la banque privée ont été limitées. « Au Luxembourg, particu­ lièrement, la banque privée opère depuis long­ temps à distance puisqu’elle possède des clients aux quatre coins du monde. La différence, pen­ dant la crise, c’est que les déplacements n’ont pas pu avoir lieu », explique le spécialiste. Une digitalisation importante et urgente Conscientes de leur retard en matière de digitalisation, de nombreuses banques privées avaient déjà amorcé une phase de trans­formation 48

PRIVATE BANKING AVRIL 2021

plus ou moins rapide vers le numérique. Cette crise n’a fait qu’accélérer cette tendance. « Quelque chose d’important mais pas urgent est devenu important et urgent. Le CEO d’une grande banque privée de la Place expliquait ainsi que cette crise avait permis de faire en trois mois des choses qu’on n’imaginait pas pouvoir faire en plusieurs années. À un moment, il ne faut plus tergiverser, il faut se jeter dans le bain. C’est ce que les banques ont fait, et cela a plutôt bien fonctionné ! », rappelle Xavier Turquin. Alors que l’on craignait une fracture numérique entre la banque privée digitalisée et ses clients – généralement plus âgés –, force est de constater que ces derniers ont plutôt bien digéré cette transformation. « Il suffit de voir autour de nous comment les grands-parents ont rapidement maîtrisé les nouveaux outils de communication comme Zoom ou Skype. Il y a vraiment eu un changement de mentalité, l’âge n’est plus une excuse », poursuit-il.

CANAUX DE COMMUNICATION NUMÉRIQUE PROPOSÉS OU QU’IL ÉTAIT PRÉVU DE PROPOSER AUX CLIENTS (2019) En 2019, bien avant la crise sanitaire, l’échange d’e-mails était le principal canal d’échange « digital ». Des données qui sont maintenant complètement bousculées avec le confinement et le télétravail.

E-mails sécurisés

81 %

Messagerie instantanée sécurisée 33 % Possibilité d’échanger en vidéo

14 %

WhatsApp / iMessage

10 %

Source

Beyond the buzzword 2019, KPMG

Les freins à la digitalisation Si la digitalisation de la banque privée a connu une accélération fulgurante en l’espace de quelques mois, il reste encore de nombreux freins à l’implémentation de ce nouveau mode de fonctionnement. « Ils sont principalement organisationnels », assure Xavier Turquin. Comment intégrer le paramètre digital dans un monde où la relation et la proximité avec le client sont les fondements du métier  ? « La banque privée est un service interpersonnel. Cependant, il faut désormais intégrer le digital dans l’équation. Contrairement à la banque de détail où la digitalisation sert principalement à transférer des tâches de la banque vers le client pour faire des économies, dans la banque p ­ rivée, la digitalisation offre davantage d’outils à l’em­ ployé. Celui-ci pourra alors fournir une meil­ leure qualité de service auprès de son client. En outre, la digitalisation permet au client d’avoir directement accès à une multitude ­d’informations sur son portefeuille, sans devoir passer par son banquier privé. Le client devient ainsi aussi sachant que le banquier. Dans ce contexte, quelle est désormais la force de ce d ­ ernier par rapport à son client ? », souligne-t-il. La digitalisation change donc profondément le cœur de métier de la banque privée. « Avant, le banquier gérait le patrimoine d’un client pour le faire croître. Désormais, le ban­ quier aide le client à réaliser ses projets grâce à l’argent dont il dispose. Le portefeuille n’est donc plus l’objectif, mais le moyen. On en arrive donc à une approche holistique patrimoniale pour le client. Et c’est là tout l’enjeu de la trans­ formation numérique : passer d’un modèle ­centré sur le produit à un modèle centré sur le client », explique Xavier Turquin. La survie a-t-elle un coût ? Le coût plus ou moins élevé de la digitalisation en fonction de l’état du parc informatique d’une banque privée peut être un frein majeur à un processus de transformation numérique. « On a souvent entendu dire, durant cette crise du Covid, ‘la santé a-t-elle un coût ?’. Pour la digitalisation,


Xavier Turquin, que la digitalisation doit être imaginée par le top management comme un élément stratégique et non purement technologique. « Un risque d’échec, c’est de ne pas considérer l’impact du digital sur l’organisa­ XAVIER TURQUIN tion. Il est capital que la structure soit capable Senior manager Business Transformation Deloitte Luxembourg d’identifier un partenaire, d’en valider la tech­ nologie et d’en faire l’intégration business, légale et technique. Le deuxième facteur-clé de la digitalisation, comme je le disais précédemment, c’est l’intégration des changements au niveau de l’organisation. » Certains pièges sont également à éviter lorsqu’on souhaite digitaliser sa banque. « Ce n’est pas parce qu’on fait du digital que l’on doit embaucher des gens qui font du ­digital. Cela ne fonctionne que pour la phase d’expé­ rimentation, mais pas au-delà. Et le gros risque est de passer directement de la phase d’expérimentation à la réelle industrialisation. Il est donc important d’investir dans la for­ mation des équipes et dans l’adaptation des mentalités. L’erreur est de former une équipe digitale et de la laisser travailler dans son coin. c’est pareil : la survie a-t-elle réellement un En travaillant ensemble de manière transver­ coût ?, questionne Xavier Turquin. Évidemment, sale, les équipes du front et du middle-office certaines banques partent de très loin et tournent ainsi que les équipes techniques et de support sur des systèmes antédiluviens… Et de manière vont pouvoir mettre leurs compétences en com­ générale, les banques actuelles s’appuient sur mun pour servir au mieux le client », assure des systèmes qui datent des années 90 ou 2000, Xavier Turquin. ce qui reste relativement ancien. » Les technologies actuelles permettent toute­ L’importance de capter le client fois aux banques de ne pas devoir procéder à Cette transformation digitale peut également une refonte totale de leur installation infor- induire une certaine baisse de rentabilité matique. « Pour autant que le hardware tourne, passagère. Le management et les actionnaires il suffit de mettre en place ce qu’on appelle des doivent donc, eux aussi, accepter cette réacouches de découplage. Ces dernières vont lité. « On va commencer à fournir des services ­permettre de faire communiquer un système digitaux qui ne vont pas avoir de rentabilité bancaire vieux de 30 ans avec les dernières immédiate. Mais ces services vont engager applications sur le marché. On pourrait com­ le client, qui lui-même consommera davantage parer cela à des Lego, en imaginant qu’une le produit – une satisfaction qui se traduira couche de découplage est la plaque sur laquelle par une fidélisation sur le long terme. Grâce je vais pouvoir imbriquer n’importe quel Lego. » à la digitalisation, le banquier doit devenir un C’est grâce à ces couches de découplage qu’une point de référence pour son client », explique banque pourra, par exemple, connecter un Xavier Turquin. Enfin, il convient de posséder un écosysrobo advisor qu’elle n’a pas développé. Mais concrètement, combien cela coûte- tème digital robuste et modulaire. « Ses parte­ t-il de digitaliser sa banque ? « C’est difficile naires digitaux, il faut les choisir vite… mais d’être précis, naturellement, mais disons que il faut être capable aussi de s’en séparer rapi­ cela va d’un à plusieurs dizaines de millions dement. Est-ce que ce partenaire, cette fintech, d’euros », explique-t-il. L’impact de ce coût sur a été racheté par un concurrent ? Cette fintech l’organisation dépend également de la taille fait-elle un choix stratégique qui ne va plus de la banque privée. « Une petite structure dans la même direction que la mienne ? Il convient luxembourgeoise va devoir investir de manière donc de s’appuyer sur un environnement agile significative par rapport à son nombre de clients. qui permet à la fois de choisir rapidement ses Si, en revanche, la filiale d’un grand groupe partenaires, d’intégrer leur technologie et leur réutilise des programmes développés au niveau service, mais aussi de les remplacer par un autre global, son coût marginal, par client, sera moindre. rapidement. Et c’est ce que le digital permet de La question du coût est donc très vaste. » faire aujourd’hui », rappelle le senior manager Business Transformation de Deloitte. Les clés de la réussite Pour que sa transformation digitale soit un succès, une banque devra respecter quelques règles. La première étant, comme le rappelle Auteur A. B.

Photo

Maison Moderne (archives)

«L’enjeu de la transformation numérique est de passer d’un modèle centré sur le produit à un modèle centré sur le client. »

LES 5 TENDANCES DE LA BANQUE DIGITALE De la digitalisation de la banque naît une foule de technologies permettant d’améliorer l’expérience client, de réduire les coûts ou de renforcer la sécurité. Voici les 5 tendances actuelles et futures de la banque digitale. LA BLOCKCHAIN Si elle a commencé à se faire connaître grâce aux cryptomonnaies, la techno­ logie de la blockchain connaît aujourd’hui de nombreuses utilisations, dans plusieurs secteurs d’activité. Permettant d’accroître la transparence et la sécurité des échanges digitaux, la technologie de la blockchain devrait sans aucun doute continuer à se développer sur les marchés des banques et des fintech dans les années à venir. SERVICES BANCAIRES PAR MOBILE De plus en plus de clients privilégient aujourd’hui leur smartphone, accessible et facile d’utilisation, pour effectuer leurs opérations bancaires. Face à cette demande croissante, de nombreuses banques et fintech aspirent à créer leur propre plateforme bancaire mobile et à proposer davantage de services. Ces plateformes mobiles devraient constituer l’un des axes d’évolution du secteur dans les années à venir. LE CHATBOT L’intelligence artificielle est de plus en plus utilisée par les banques, notamment au travers des services de chatbots. Cette technologie permet, grâce à des algorithmes, de répondre automatiquement aux questions des clients, 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Et si l’IA ne peut pas répondre à la question, une personne physique prend le relais pour venir en aide au client. Cette technologie permettant d’automatiser les tâches simples et répétitives devrait être de plus en plus utilisée par les banques dans les années à venir. LA BANQUE À COMMANDE VOCALE Lancé en 2014 par ING, le système de voice banking intéresse de plus en plus les banques et les fintech. Grâce à la reconnaissance vocale, il est possible de gérer de nombreuses activités bancaires, comme les transactions ou l’interaction avec le chatbot. Ce système, idéal pour les personnes âgées et les moins férus de technologie, devrait se développer dans les prochaines années. L’IDENTIFICATION BIOMÉTRIQUE Pour garantir un niveau élevé de sécurité lors de l’authentification, de nombreuses banques ont recours à la technologie biométrique (reconnaissance faciale, vocale, d’empreinte, etc.). Ce système d’identification rend impossible l’exploi­ tation des informations volées provenant d’une violation malveillante des données. En outre, cela permet au client de ne plus avoir à mémoriser une multitude de codes et de mots de passe pour accéder à son compte.

AVRIL 2021 PRIVATE BANKING

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Tech émergentes

Les robo-advisors au Luxembourg

Birdee

Fondée en 2015, la start-up Investify, qui s’adresse principalement à des institutions financières et des sociétés technologiques, propose un robo-advisor à destination du grand public luxembourgeois depuis 2018. « Chez Investify, chaque client a la possibilité de créer un porte­ feuille individuel en fonction de son goût du risque, de ses idées et de ses convictions, explique Harald Brock, CEO de la société basée à Wasserbillig. Nous avons développé un modèle ‘core-satellite’ pour offrir à nos clients le plus large choix possible. Investify propose ainsi à sa clientèle de nombreux ETF et 22 investissements thématiques dif­ férents. Cette sélection est unique sur le marché. » À l’instar de SpeedInvest, Investify s’ouvre aux clients qui disposent d’un minimum de 500 euros à investir. « Tous ceux qui possèdent un smartphone peuvent utiliser notre produit. Chez Investify, l’un de nos objectifs est de démocra­ tiser la gestion des actifs », assure Marco Schon, head of relationship management & customer service. En 20 minutes seulement, les utilisateurs peuvent implémenter le système sur leur appareil. « Nous nous occu­ pons de l’ouverture du compte, et le client peut ensuite direc­ tement commencer à investir. « Chez Investify, Grâce à notre approche satellitaire, le client dis­ l’un de nos objectifs pose de plus de 500 mil­ est de démocratiser lions d’options pour créer la gestion des actifs. » un vérita­ble portefeuille Harald Brock unique. » Pour les frais de CEO, Investify gestion, il faut compter 1 % jusqu’à 99.999 euros et 0,8 % pour les investissements au-delà.

La fintech Gambit Financial « Il était capital, Solutions a débarqué sur pour Birdee, de le marché B2C luxembourgeois en mars 2017 proposer des pro­duits avec son robo-advisor qui se veulent Birdee, développé par à la fois rentables sa filiale du même nom et durables. » basée à Mamer. Face à la Gaël Minon crise du Covid et au nom­ Directeur, Birdee bre accru de demandes en matière de conseils d’investissement digitaux, Birdee a décidé, en juin dernier, de diminuer son seuil d’entrée, en passant de 1.000 à 50 euros. « Le nombre d’utilisateurs de Birdee a ainsi triplé sur l’année 2020 », se félicite Gaël Minon, directeur de Birdee, qui milite pour une démocratisation de l’investissement digital. D’abord utilisé par des early adop­ ters possédant déjà une certaine expérience en matière d’investissement digital, Birdee a réussi à attirer d’autres utilisateurs qui, en plus d’avoir une certaine maturité en matière d’investissement et de finance, sont sensibles aux considérations sociales et environnementales. « Contrairement à nos concurrents qui proposent uniquement de la finance, chez Birdee, nous avons décidé d’aller plus loin en mettant en avant des produits qui ont ces vocations. Il était capital, pour nous, de proposer des produits qui se veulent rentables, mais aussi durables », assure Gaël Minon. Chez Birdee, l’investisseur optera pour l’un des cinq profils de risque disponibles et pourra choisir, s’il le désire, une thématique parmi les trois différentes proposées : développement local, immobilier, ou biotech et santé. Quant aux frais de gestion, ils s’élèvent à 1 %.

ANNÉE DE CRÉATION 2018 LOCALISATION Wasserbillig FRAIS DE GESTION 1 % jusqu’à 99.999 € et 0,8 % au-delà DIRIGEANTS Dr Harald Brock, Ansgar Wigger, Christian Kratz, Norman Volmer

50

VOLUME D’INVESTIS­S EMENT MINIMUM 500 € CHIFFRE D’AFFAIRES N.C. EMPLOYÉS 28 STRATÉGIE D’INVESTISSEMENT 22 thématiques d’investissement

PRIVATE BANKING AVRIL 2021

ANNÉE DE CRÉATION 2017

CHIFFRE D’AFFAIRES N.C.

LOCALISATION Mamer

EMPLOYÉS 10

FRAIS DE GESTION 1 %

STRATÉGIE D’INVESTISSEMENT 5 profils de risque, 3 thématiques

DIRIGEANT Geoffroy de Schrevel VOLUME D’INVESTIS­S EMENT MINIMUM 50 €

Photos

Investify

Investify et Birdee

De plus en plus de prestataires de services financiers proposent désormais à leur clientèle une gestion robotisée de leurs actifs. Focus sur quatre robo-advisors disponibles au Luxembourg.


New Deal 2021—2023

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Tech émergentes

KeyPrivate

SpeedInvest

Véritable précurseur en matière de solutions digitales, Keytrade Bank a été, en 2016, la première banque au Luxembourg à proposer une gestion d’investissement robotisée avec KeyPrivate. « KeyPrivate est une très bonne diversification pour notre clientèle indépendante et auto­ nome qui souhaite placer une partie de son patrimoine dans un système automatisé mais contrôlé par un comité d’investissement », souligne Fabien Vrignon, CEO de Keytrade Bank Luxembourg. Pour bénéficier du robo-­ advisor KeyPrivate, l’investissement minimum est de 15.000 euros. Un montant plutôt élevé qui ferme la porte aux jeunes épargnants. « Pour profiter de notre gestion robotisée, il suffit d’ouvrir un compte en ligne, de choisir l’un des 10 portefeuilles d’investissement que nous propo­ sons en fonction des risques que l’on est prêt à prendre, de son horizon de placement et de la somme que l’on veut investir. Une simulation peut être faite en quelques clics, c’est vraiment très simple », assure Fabien Vrignon. Plus l’investisseur souhaite prendre des risques, plus la part d’actions dans le portefeuille est importante. « Et à l’inverse, lorsqu’on veut prendre moins de risques, la part d’obligations ou de métaux précieux est plus importante. » Keytrade Bank s’engage tout de même à vérifier que le profil de risque choisi correspond réellement avec les besoins du client. « Un questionnaire leur est soumis afin de s’assurer qu’ils ont choisi un portefeuille en adéquation avec leur profil. Il est important, évidemment, que le client soit au fait du risque qu’il va prendre en investissant avec « Il est important un robo-advisor », explique que le client le CEO de Keytrade Bank soit au fait du risque Luxem­bourg. Pour bénéficier de KeyPrivate, il qu’il va prendre faut compter des frais en investissant. » de gestion qui s’élèvent Fabien Vrignon à 0,75 %. CEO, Keytrade Bank

SpeedInvest a été développé par la Spuerkeess en 2017. Ce « Rendre robo-advisor est le ­deuxième ce produit simple à avoir fait son apparition sur le marché des banques d’utilisation généralistes, après celui était notre première de Keytrade Bank. « Cer­ préoccupation. » tains clients avaient une Claude Hirtzig approche complètement Senior vice-president digitale ou presque, et nous et head of department Retail & Private Banking, nous devions de leur per­ Spuerkeess mettre d’avoir une solution d’investissement adaptée à ce besoin », explique Claude Hirtzig, senior vice-president et head of department Retail & Private Banking à la Spuerkeess. SpeedInvest permet à tout un chacun d’investir facilement, puisque le seuil d’accès est fixé à seulement 500 euros. « Ce produit est donc très accessible et très simple à utiliser pour quelqu’un qui épargne régulièrement. Ce n’est pas un produit exclusivement destiné à une clientèle jeune comme on pourrait l’imaginer. Nous avons des petits investisseurs qui, par exemple, investissent 50 euros tous les mois, mais aussi des investisseurs en banque privée qui placent des sommes assez importantes en gestion robotisée. SpeedInvest est vraiment destiné à tous les profils. » Outre son accessibilité, la plateforme de SpeedInvest se distingue par sa facilité d’utilisation et son vocabulaire adapté à une clientèle large. « Rendre ce produit simple était notre première préoccupation, assure Claude Hirtzig. Concrètement, après avoir répondu à quelques questions, l’investisseur se voit définir automatiquement un profil par le robo-advisor (SpeedInvest en propose neuf différents : de 10 % d’actions et 90 % d’obligations jusqu’à 90 % d’actions et 10 % d’obligations, ndlr), il choi­ sit ensuite la somme qu’il souhaite investir, la fréquence d’investissement, et le robot se charge de faire le reste. » En termes de frais de gestion, il faut compter 0,25 % par an pour le produit de la Spuerkeess.

CHIFFRE D’AFFAIRES N.C.

ANNÉE DE CRÉATION 2017

LOCALISATION Luxembourg

EMPLOYÉS 17

LOCALISATION Luxembourg

FRAIS DE GESTION 0,75 % par an

STRATÉGIE D’INVESTISSEMENT 10 portefeuilles d’investissement

FRAIS DE GESTION 0,25 % par an

DIRIGEANT Fabien Vrignon VOLUME D’INVESTIS­S EMENT MINIMUM 15.000 €

52

PRIVATE BANKING AVRIL 2021

DIRIGEANTE Françoise Thoma VOLUME D’INVESTIS­S EMENT MINIMUM 500 €

CHIFFRE D’AFFAIRES 609 millions d’euros (produits bancaires) EMPLOYÉS 1.800 STRATÉGIE D’INVESTISSEMENT 9 portefeuilles d’investissement

Keytrade Bank et Spuerkeess

ANNÉE DE CRÉATION 2016

Photos

Luxembourg


ESG: all you need to know about the new regulation Julie Becker (Bourse de Luxembourg)

Olivier Carré (PwC Luxembourg)

Kelly Hebert (M&G Investments)

Claude Marx (CSSF)

T U E S DAY

ESG-related issues encompass some of the greatest threats to the existence of humans in the future and yet many discussions remain. When President Biden rejoined the Paris agreement many in Europe breathed a sigh of relief, but this is just the beginning. Whose responsibility is it to drive the ESG agenda forward: consumers, investors, regulators, corporates or the government? These issues are not new news in the Luxembourg financial sector. Whatever your role, whether in the financial sector or not, this affects you. So join us.

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Compliance

Sous un feu nourri de réglementations

Un règlement qui s’impose à tous La cinquième version de cette directive (AMLD 5) a été transposée en droit luxembourgeois au mois de mars 2020, et une sixième version est déjà en cours de transposition. « On pressent que, très rapidement, l’Union européenne va sortir une proposition de règle­ ment AML, confie Catherine Bourin, membre du comité de direction de l’ABBL. Jusqu’ici, les textes européens laissaient énormément de latitude aux États membres lors de l’étape de transposition. Ce ne sera plus le cas à l’avenir. » 54

PRIVATE BANKING AVRIL 2021

Cette volonté d’imposer des règles ­communes « Un tel règlement, dont le texte est attendu dans les prochaines semaines, pourrait, après à tous les établissements européens est claire­ discussion devant le Parlement et le Conseil ment dans l’air du temps. « La création d’une européens, être adopté dans un délai d’un an autorité de surveillance européenne est d’ail­ et directement applicable, sans nuances d’un leurs à l’agenda. Tous les détails ne sont pas pays à l’autre. Le Luxembourg a toujours été connus. Les premières informations devraient un bon élève dans la transposition de telles encore être dévoilées au premier trimestre 2021, directives, ne touchant que très peu au texte explique Tim Geyens, responsable Advisory initial. La même rigueur n’était pas toujours au sein du département Compliance chez de mise dans d’autres pays voisins. Or, au Pictet & Cie (Europe) SA. On va aussi vers Luxembourg, l’application très stricte des direc­ davantage de coordination entre les cellules de tives était parfois vue comme un désavantage renseignements financiers nationaux. À terme, concurrentiel par les banques de la Place. Un tel le législateur européen veut interconnecter règlement va apporter une plus grande unifor­ les registres des comptes bancaires nationaux. » mité dans les pratiques, et on peut s’en réjouir », Un appétit aux risques à définir précise-t-on à l’ABBL. Aujourd’hui, pour être en règle avec la directive AML, les banques privées ont plus que jamais l’obligation de connaître leurs clients, ce qui inclut leur identification précise, mais aussi celle de leurs éventuels mandataires et des bénéficiaires économiques, à savoir la personne physique qui se cache derrière une structure. « En outre, le règlement CSSF 20-05 du mois d’août 2020 vient mettre à jour le ­règlement 12-02. Il stipule notamment que le professionnel doit définir son appétit aux risques AML, position qui doit être approuvée CATHERINE BOURIN par le conseil d’administration et transposée Membre du comité de direction, ABBL par la direction autorisée. Ensuite, la stratégie, les politiques, les procédures et les contrôles mis en place doivent être en cohérence avec l’appétit pour ce risque préalablement défini », partage Catherine Bourin. Sur le volet répressif, la transposition de la sixième directive AML amène également des nouveautés en venant modifier le code pénal. « Jusqu’ici, l’infraction de blanchiment doit être liée à certains crimes et délits bien spécifiques énumérés dans le texte de loi. À l’avenir, par contre, cette liste n’existera plus. En conséquence, tout crime, tout délit pourrait être constitutif d’une infraction AML », détaille Julien Leroy, en charge des questions Legal  & Compliance au sein de l’ABBL. Ce qui élargit grandement le champ des possibles.

« Jusqu’ici, les textes européens laissaient énormément de lati­tude aux États mem­bres lors de l’étape de transpo­si­tion. Ce ne sera plus le cas à l’avenir. »

Photo

AML, Mifid II, SFDR, Dac 6… Les dossiers s’empilent sur les bureaux des départements Compliance des banques privées à un rythme soutenu. Dans ce fatras de documents, ­parfois complémentaires, parfois divergents, les professionnels du secteur identifient deux grands thèmes principaux pour cette année 2021 : d’une part, la lutte renforcée contre le blanchiment et le financement du terrorisme ; d’autre part, la protection accrue des investisseurs dans un monde de la finance de plus en plus durable. Au rang des sujets importants figure le volet AML / CFT, pour anti-money ­laundering and combating the financing of ­terrorism. « Le ­dossier n’est pas nouveau. Les régulateurs européens, y compris la CSSF, en ont fait une priorité, analyse Bertrand Parfait, partner au sein du département Risk Advisory de Deloitte Luxembourg. Selon la dernière évaluation nationale des risques (National Risk Assessment of Money Laundering and Terrorist Financing), l’activité de banque privée est particulièrement exposée aux risques de blanchiment d’argent. Le régulateur reste très attentif à la qualité des dispositifs de lutte contre le blanchiment d’argent et de finan­cement du terrorisme en place au sein des ­établissements. Il ne faut pas sous-­ estimer l­’aspect réputationnel fort de cette ­thématique sur le pays. En cas de problèmes de blanchiment ou de dispositifs de lutte défail­ lants a ­ vérés, c’est toute l’image de la place finan­ cière qui peut être atteinte. »

ABBL

La lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ainsi que les exigences en matière de protection et d’information des investisseurs figurent en première ligne de l’agenda 2021 de la banque privée en matière de conformité réglementaire.


Une étude récente de l’association a m ­ ontré que l’AML était le sujet qui occupait le plus de personnel dans les métiers de la compliance au Luxembourg… « Le gouvernement grand-­ ducal comme la CSSF font preuve d’une tolé­ rance zéro dans ces matières qui peuvent avoir des répercussions très graves sur la réputation du secteur, précise Jean-Philippe Peters, partner et risk advisory leader au sein de Deloitte Luxembourg. Le régulateur attend donc des banques privées qu’elles s’autoévaluent, qu’elles identifient en permanence les risques potentiels, en veillant à faire remonter la responsabilité du suivi des risques AML jusqu’au sommet de chaque entité. » Un investisseur averti en vaut deux L’autre grand thème de cette année concerne le vaste sujet de l’information et de la protection des investisseurs, avec deux composantes distinctes : la directive Mifid II et le règlement SFDR. « À ce propos, il est bon de noter que le Parlement européen a voté, le 15 février dernier, un quick fix de Mifid. Dans le contexte de la crise que nous traversons, le législateur s’est rendu compte que certaines règles trop strictes empêchaient le bon fonctionnement du marché, relate Tim Geyens. On assiste donc à un cer­ tain relâchement en matière d’obligations qui incombent aux professionnels. Certaines bar­ rières sont tombées afin de simplifier le finan­ cement de l’économie européenne. » Il n’en reste pas moins que l’information des investisseurs a fortement occupé les banques depuis 2018, le défi étant d’apporter la bonne communication au client, dans le respect des obligations. « Le constat presque immédiat a été que la simple information telle que prévue par la directive n’était pas suffisante. Les banques ont consacré beaucoup d’efforts afin de contextua­ liser cette information, de la rendre plus digeste, tout en s’assurant que le client la comprenne,

QUE REPRÉSENTE LE NOUVEAU PAYSAGE RÉGLEMENTAIRE ? Le panel interrogé est composé à 56 % de ManCo et à 44 % de banques. Opportunité d’affaires (%) 48

28

16

8

Charge opérationnelle (%) 16

64

12

44

Rétablir la confiance du public (%) 16

20

44

8

8 4

Pas nécessaire (%) 4

12

28

36

16

Tout à fait d’accord

D’accord

Neutre

Pas d’accord

Pas du tout d’accord

Ne se prononce pas

Source

KPMG Compliance survey 2019

4

GRANDES ÉCHÉANCES 2021 30 JANVIER Première échéance déclarative sous Dac 6 10 MARS Entrée en vigueur du règlement relatif aux obligations de transparence en matière de produits d’investissement durables (SFDR) AVRIL Proposition de règlement européen AML 30 JUIN Prochaine échéance déclarative sous CRS et Fatca OCTOBRENOVEMBRE Publication d’une proposition de revue Mifid II / Mifir

explique Gilles Walers, en charge des aspects liés à la réglementation des marchés financiers à l’ABBL. Le grand défi a été de trouver le bon équilibre entre les obligations légales des banques et les attentes du client. Cette période ­d’ajustement arrive à son terme. On a désormais trouvé le juste équilibre entre l’information, sa mise à disposition et les besoins réels des clients. » Vu le changement d’approche des investisseurs en faveur d’investissements durables, domaine dans lequel l’information est d’une importance de premier ordre, la banque ­privée est devenue l’intermédiaire central de ce partage de données. Elle peut dégager une réelle valeur ajoutée dans la production et la diffusion des bonnes données, de manière efficace et flexible. « J’ai l’habitude de dire qu’il faut un processus standard tailor-made pour répondre aux exigences du régulateur et rencontrer les attentes des investisseurs. Il s’agit d’un grand challenge pour la banque privée, qui s’adresse à une clientèle particulière, avec un certain degré de sophistication. Sans être des investisseurs professionnels, ces clients ont des attentes diffé­ rentes d’un simple investisseur retail », précise Gilles Walers.

et sur leur site internet en lien avec le caractère durable des produits et leur intégration dans les stratégies d’investissement qu’elles proposent à leurs clients. » L’initiative est peut-être saluée. Jusqu’ici, une grande cacophonie existait dans le monde de l’investissement durable, chacun y allant de sa recette et prenant en compte ses propres critères de sélection. « La philosophie qui se cache derrière la législation européenne est louable. Il est devenu important d’utiliser les moyens financiers disponibles pour financer le développement durable. Tout l’intérêt est de définir des règles du jeu communes à tous les établissements européens afin de permettre à l’investisseur de comparer les produits dits durables, qui s’appuient sur les critères environnemen­ taux, sociaux et de gouvernance (ESG), témoigne Tim Geyens. Un problème vient notamment du fait que nous n’avons pas encore de défini­ tion claire et unique d’un investissement ESG, alors que nous devons déjà publier certaines déclarations et adapter nos processus internes. » Le challenge est de taille pour l’ensemble des banques privées. « Le règlement SFDR est un texte spécial dans le sens où il ne vient pas combler un vide juridique, mais il se rattache à toute une série d’autres textes, notamment à Mifid. La grande difficulté, dans les premiers temps, a été de bien identifier les points de contact. Ensuite, au niveau de SFDR, il a fallu détecter quels étaient les produits concrètement touchés, relate Gilles Walers pour l’ABBL. Sur base de ce premier exercice d’identification, les banques ont dû revoir leurs procédures liées à ces obligations d’information. Cela représente un travail colossal. Ce règlement implique une analyse de chaque produit pour vérifier s’il tombe dans le champ d’application de la nou­ velle réglementation et, si c’est le cas, entraîne la production de l’information attendue. » Afin d’aider ses membres, l’ABBL a édité un guide SFDR qui donne une piste de réflexion, une aide par rapport au classement des produits et aux obligations qui découlent de ce classement des investissements durables. Au-delà des coûts de mise en place de ces nouvelles procédures, SFDR va demander de nombreux efforts au cours de ces prochaines années, entraînant des charges récurrentes, ne fût-ce que pour trouver et agréger les bonnes informations à fournir à l’investisseur final, toujours plus friand de ce type d’investissement.

Des règles communes pour la finance durable En lien avec ce vaste sujet de la transparence en matière d’informations relatives aux aspects Toujours plus d’échanges d’informations durables vers les investisseurs, c’est le règle- D’un point de vue réglementation fiscale, la ment SFDR qui donne désormais du fil à directive Dac 6, qui vise à combattre l’évasion retordre aux banques privées. « SFDR, pour fiscale en améliorant la circulation de l’inforSustainable Finance Disclosure Regulation, mation entre États membres, est un sujet pleiporte sur la publication de diverses informa­ nement d’actualité. Les premières échéances tions en matière de durabilité dans le secteur sont tombées fin janvier. « Nous avons beau­ des services financiers, partage Jean-Philippe coup travaillé sur ce sujet, et ce depuis un c­ ertain Peters. Les banques privées, depuis ce 10 mars nombre d’années déjà, notamment sur base d’un 2021, doivent mettre à jour une série d’infor­ dialogue régulier avec l’Administration des contri­ mations dans leurs documents précontractuels butions directes et le ministère des Finances, AVRIL 2021 PRIVATE BANKING

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Compliance

Le panel interrogé est composé à 56 % de ManCo et à 44 % de banques.

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28 %

68 % Plusieurs fois par an

Une fois par an

Moins d’une fois par an Source

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KPMG Compliance survey 2019

PRIVATE BANKING AVRIL 2021

« En cas de problèmes de blanchiment ou de dispositifs de lutte défaillants avérés, c’est toute l’image de la place financière qui peut être atteinte. »

garantir une concurrence plus équitable entre tous les opérateurs financiers, entre toutes les classes d’actifs. Il est très important que le cadre de la transparence reste à la page des évolutions financières et technologiques. Ce texte est donc très attendu, même si nous n’en sommes qu’au stade des réflexions préliminaires. » Des lignes de défense à consolider En 2020, la CSSF a beaucoup travaillé sur la gestion de la crise actuelle. Des extensions de délai ont été accordées aux opérateurs financiers au niveau des reportings ou des audits. « Les banques ont pu bénéficier d’une certaine flexibilité au niveau des obligations prudentielles… Au cours de ces derniers mois, le fil rouge a été le maintien des capacités opé­ rationnelles afin de permettre à chacun de se focaliser sur les tâches essentielles et, pour les banques, d’assurer le financement de l’écono­ mie, constate Camille Seillès. Nous attendons par ailleurs une circulaire sur le télétravail dans le secteur financier visant à donner un cadre à plus long terme alors que ce mode de fonctionnement est certainement amené à se pérenniser. » Au-delà de la crise, un gros sujet a également été la mise à jour de la circulaire 12 / 552 sur la gouvernance interne et la gestion des risques. Suite aux nombreux échanges avec la CSSF, des FAQ ont été récemment publiées afin de préciser le champ d’application. « Une fois de plus, le régulateur souligne l’importance des mécanismes de défense. En première ligne, le business doit contrôler ses risques. La compliance se situe en deuxième ligne afin de vérifier que tous les contrôles néces­ saires sont en place. Cette circulaire permet de remettre à plat l’organisation interne des orga­ nisations et de s’assurer que les niveaux de ­responsabilité sont bien là où ils devraient être », précise Tim Geyens.

De la proportionnalité des exigences prudentielles Plus l’établissement est petit, plus le coût de la réglementation est grand. En conséquence, un mouvement de concentration, dans le but de dégager des synergies, a commencé à ­s’opérer et pourrait s’accentuer dans les années à venir. « Au sein de l’ABBL, nous pensons que, au même titre que d’autres pays européens, certains allè­ gements pourraient être envisagés au niveau de la réglementation prudentielle, plus parti­ culièrement les obligations déclaratives y affé­ rentes, suivant la taille de l’établissement et la complexité de son modèle d’affaires, explique Camille Seillès, le secrétaire général de l’asso­ ciation. L’objectif est de maintenir une certaine diversité au niveau du paysage bancaire euro­ péen pour ne pas se retrouver, in fine, avec un nombre très restreint d’acteurs, ce qui pourrait soulever des questions en matière de concur­ rence par exemple. »

Auteur M. P.

Deloitte Luxembourg

FRÉQUENCE DE RÉVISION DE L’ÉVALUATION DES RISQUES DE CONFORMITÉ

BERTRAND PARFAIT Partner au sein du département Risk Advisory Deloitte Luxembourg

Si le flux des réglementations ne tarit pas depuis une dizaine d’années, les objectifs tendent à évoluer. Les textes récents dénotent un focus croissant sur l’information des investisseurs, la typologie des produits d’investissement, leur conformité par rapport à certains objectifs comportementaux, éthiques, de transition énergétique ou climatique. « Au sortir de la crise précédente, on a essentiellement parlé de réglementation prudentielle, qui visait à s’assurer que les banques avaient une politique de risque qui soit satisfaisante, une meilleure capacité d’absorption. 12 ans plus tard, les banques sont plus solides, mieux capitalisées. L’enjeu, à mon sens, ne se situe plus au niveau de la régle­ mentation prudentielle, où il est possible que nous ayons atteint un pic, mais davantage dans l’intégration des critères ESG dans les modèles d’affaires, avec en parallèle une information accrue des investisseurs. Certains parlent de ‘verdir’ la finance. C’est ça, le sujet du moment », glisse Camille Seillès. « Pour compléter ce p ­ ropos, on assiste à un basculement de la compliance, qui était au départ de l’ordre de la contrainte et qui s’invite aujourd’hui à l’agenda stratégique des banques privées, constate Jean-Philippe Peters. Les différentes directives AML peuvent avoir un impact important sur la réputation d’un établissement, et ces éléments influencent les décisions stratégiques des banques privées. De la même manière, l’investissement durable et les critères ESG impliquent une adaptation de l’offre commerciale, alignée avec cette ­stratégie. En résumé, le grand challenge des organisations est aujourd’hui de voir comment se prémunir des risques inhérents à l’activité, tout en répon­ dant de la meilleure manière qui soit aux attentes des clients et en veillant à assurer une profita­ bilité à long terme. »

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relève Laétitia Carroz, spécialiste du volet fiscalité au sein de l’ABBL. Récemment encore, nous avons eu des échanges sur le sujet du Brexit et de ses impacts potentiels, puisque le RoyaumeUni a annoncé revoir le champ d’application du reporting sous Dac 6. » Dans cette matière, les banques privées sont essentiellement concernées par ce qu’on appelle le marqueur D, qui concerne les dispositifs ayant pour effet de faire obstacle à l’échange automatique de renseignements (common reporting standard ou CRS) ou à l’identification des bénéficiaires effectifs. « Malgré le fait que les banques, en tant qu’inter­ médiaires financiers et non fiscaux, sont essen­ tiellement visées par ce point, elles ont mené de grands chantiers afin d’opérer des due diligences (vérifications nécessaires, ndlr) sur l’ensemble des autres marqueurs, poursuit Laétitia Carroz. Au final, on se retrouve avec un déséquilibre entre l’étendue de ces travaux et le reporting qui en ressort. » Ces textes vont continuer leur évolution dans les années à venir, puisque l’on parle déjà en coulisses des versions numéro 7 et 8. La directive Dac 7 concerne les plateformes numériques, relate Camille Seillès, secrétaire général de l’ABBL. La date d’échéance de transposition en droit national est fixée au 31 décembre 2022. Dac 8 s’intéresse aux crypto­ actifs et à la monnaie électronique. « Ces élé­ ments reflètent l’évolution de la finance et mon­trent très bien que le cadre européen de l’échan­ge de renseignements doit évoluer en parallèle, ­analyse Camille Seillès. Aujourd’hui, les fournisseurs de services d’actifs virtuels opèrent largement en dehors du champ de l’échange automati­que de renseignements. Dans un sens, Dac 8 va


RH : les nouvelles façons de travailler

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Capital-investissement

Le private equity s’invite à table Longtemps destinée une clientèle institutionnelle, l’industrie du capital-investissement s’ouvre de plus en plus aux particuliers. Une démocratisation pour des investisseurs avec un horizon de placement à long terme, comme le confirme Johnny El Hachem, CEO de Edmond de Rothschild Private Equity.

« Dans le domaine du private equity, l’amateurisme n’a pas sa place. »

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l’utilité sociale et à la responsabi­lité environ­ en 2020, après une dizaine d’années de nementale, assure Johnny El Hachem. L’étroite ­croissance. « Si l’on regarde les trois indica­ proximité des équipes d’investissement avec les teurs que sont la levée de fonds, les investisse­ entreprises dans lesquelles elles investissent ments et les sorties, force est de constater que ainsi que leur implication dans la ­gestion et les mois de mars et avril 2020 ont connu une dans les décisions stratégiques permettent de importante baisse d’activité, avoue le CEO créer une valeur durable. Le côté très humain de Edmond de Rothschild Private Equity. et très tangible de ce produit d’investissement Toutefois, dès les troisième et quatrième tri­ est de plus en plus apprécié. » mestres, les activités ont repris. Les chiffres dans leur globalité, sur l’année 2020, montrent Une classe d’actifs résiliente que si le nombre de transactions en investisse­ Cette classe d’actifs alternatifs possède la ment a été plus faible (-24 % selon le cabinet-­ particularité d’être décorrélée des marchés conseil américain Bain & Co, ndlr), le volume financiers cotés. Ce qui lui confère l’avantage d’investissement, lui, a été plus important (+8 % d’être, théoriquement, moins impactée par par rapport à l’année précédente, ndlr). Par L’illiquidité, plus un problème des facteurs extérieurs, comme des catas- contre, on a vu une chute importante du nombre Dans le contexte actuel de taux bas, de nom- trophes naturelles, des conflits géopolitiques de nouveaux fonds (first-timer) qui ont été breux investisseurs ont décidé de s’intéresser ou… des pandémies. Toutefois, l’industrie du levés et de leur montant. » de plus près à cette classe d’actifs performante. private equity n’a pas échappé à la crise saniSur les deux derniers trimestres de l’année, Pour espérer des rendements intéressants sur taire et a connu une période de r­ alentissement l’industrie du capital-investissement présente ce marché, il faut toutefois faire preuve de tout de même des chiffres supérieurs à ­l’année patience puisque l’investisseur doit immobiprécédente. « Ce qui témoigne donc d’une cer­ liser son épargne sur une période relativement taine résilience du private equity dans ce contexte longue (entre 5 et 7 ans au minimum). « Dans très incertain. » Ce sont surtout les secteurs un environnement de taux faibles, l’illiquidité du commerce de détail, de la consommation, inhérente à cette classe d’actifs n’est plus un des médias et du divertissement qui ont été problème. Les investisseurs, en recherche de les plus durement touchés, alors que ceux de rendement, acceptent de bloquer leur argent la technologie ou des télécoms n’ont pas connu sur un horizon de temps plus long », explique de baisse. Johnny El Hachem. Pour le CEO de Edmond de Rothschild Un ticket d’entrée relativement élevé Private Equity, si le capital-investissement Pour espérer obtenir des rendements intéresrencontre aujourd’hui un tel succès auprès sants, en plus d’immobiliser leur capital durant des investisseurs, c’est notamment en raison une longue période, les investisseurs doivent JOHNNY EL HACHEM de la prise de conscience collective de l’impor­ disposer d’une surface financière assez imporCEO, Edmond de Rothschild Private Equity tance de donner du sens à son investissement. tante. Afin de pouvoir s’offrir une petite part « Les investisseurs, les ménages, les épargnants... de private equity dans son portefeuille Tout le monde a pris conscience que le seul ­d’investissement, il faut en effet pouvoir invesmoyen d’avoir un impact réel sur le monde tir au minimum 125.000 euros. De nombreux aujourd’hui est de donner du sens à son place­ épargnants préfèrent donc ne pas s’aventurer ment. Et c’est ce que le capital-investissement sur ce terrain compte tenu des montants devant permet justement de faire au travers de ­stratégies être immobilisés, au contraire de la clientèle qui associent la performance financière à institutionnelle disposant de davantage de

Edmond de Rothschild Private Equity

Depuis une dizaine d’années maintenant, ­l’industrie du private equity se taille une place de plus en plus importante sur les marchés financiers. Et notamment au Luxembourg, qui s’est érigé, ces dernières années, en véritable place forte pour cette classe d’actifs en constante progression. Les raisons de cet engouement sont nombreuses. Et pour s’en rendre compte, il suffit de regarder les chiffres. « Cette classe d’actifs a démontré des rende­ ments supérieurs aux autres sur le marché ces 10 dernières années  », rappelle Johnny El Hachem, CEO de Edmond de Rothschild Private Equity.


fonds et d’une appétence au risque plus élevée. « Investir dans le private equity, ce n’est en effet pas destiné à tout le monde, rappelle Johnny El Hachem. L’investisseur qui n’a pas compris qu’il faut du temps pour créer de la valeur n’est pas fait pour le private equity. D’un autre côté, je suis convaincu que n’importe quel investis­ seur, quels que soient sa taille, sa nature ou ses objectifs, devrait aujourd’hui allouer une p ­ artie de son investissement à cette classe d’actifs. Ce pourcentage dans l’allocation doit être défini, évidemment, en fonction du profil de risque de l’investisseur. Par ailleurs, il faut se garder d’être opportuniste, mais veiller au contraire à réinvestir dans les ‘fonds successeurs’ en main­ tenant l’enveloppe allouée à cette classe d’actifs. Cela crée un effet boule de neige car les inves­ tissements d’hier financent les investissements de demain », poursuit-il. Le private equity doit être considéré comme une piste de diversification dans le portefeuille d’investissement, aux côtés d’autres produits comme les actions, les obligations, l’immobilier ou encore les métaux précieux. « La diversification est en effet extrêmement importante pour réduire les risques. L’ouverture du private equity à un plus grand nombre d’in­ vestisseurs doit être accompagnée d’une capa­ cité de diversification suffisante. En permettant notamment de se diriger vers des fonds de fonds ou des fonds par nature très diversifiés. » Pour espérer profiter des rendements offerts par le private equity, certains investisseurs décident de se regrouper. Longtemps réservé à une poignée d’investisseurs institutionnels, l’investissement en club deal se démocratise et s’ouvre aux épargnants particuliers. S’ils permettent à des investisseurs plus petits de pouvoir acquérir des actifs qui leur seraient individuellement inaccessibles, les club deals ont parfois mauvaise réputation auprès des gérants. « Pour des investissements de ce type, il faut s’assurer d’avoir un accompagnement par des professionnels du monde de la gestion de fonds », rappelle Johnny El Hachem.

LES 4 CHIFFRES À RETENIR

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En matière de volume, le nombre d’investissements des fonds de private equity a chuté de 24 % l’année dernière, passant d’environ 4.100 à 3.100 financements.

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Capital Association (LPEA), dirigée aujourd’hui par Stéphane Pesch. «  D’où l’importance de faire confiance aux gestionnaires expéri­ mentés, qui dédient leur carrière à cette indus­ trie et surtout qui alignent leurs intérêts avec ceux de l’investisseur. » Cet alignement des intérêts entre le gestionnaire de fonds, l’investisseur et la société doit dépasser les aspects strictement financiers. « Il faut considérer ce que cet investisse­ ment génère en matière d’impact environnemental, social et de gouvernance. Il ne faut jamais o ­ pposer durabilité et rentabilité. Dans ce métier, ce qui n’est pas durable n’est pas rentable et ce qui n’est pas rentable n’est pas durable », assure le CEO de Edmond de Rothschild Private Equity.

En matière de valeur, les sociétés de private equity ont effectué 592 milliards de dollars d’investissements en 2020. C’est 8 % de plus qu’en 2019, et 7 % de plus par rapport à la moyenne des cinq années précédentes (555 milliards).

Les défis de l’industrie du private equity S’il rencontre un succès grandissant, le ­private equity reste confronté à certains défis aujourd’hui. Ils résultent justement de cet intérêt croissant pour cette classe d’actifs. En effet, de plus en plus de gérants peu disci­ plinés viennent s’aventurer sur ce segment. « Et ce manque de compétences peut coûter cher au gérant et à l’investisseur. Il est donc impor­ tant, je le rappelle, de se tourner vers des pro­ Sur les 592 milliards de dollars fessionnels qualifiés, explique Johnny El Hachem. investis en 2020, 410 l’ont été Ensuite, cet engouement pour le private equity au deuxième semestre. Le dernier génère davantage de dry p ­ owder (« poudre sèche » trimestre a d’ailleurs atteint un niveau record d’après-crise financière. faisant référence aux capitaux en réserve, ndlr), soit le montant dont disposent les gestionnaires et qui n’a pas encore été investi, faisant monter ainsi le prix des actifs. Et je pense que cette situation va durer », explique le CEO. Pour réaliser de bonnes affaires dans ce Le prix moyen des opérations climat, les gérants devront donc sortir des a sensiblement augmenté en 2020, sentiers battus. « Pour ce faire, les ­gestionnaires passant à 776 millions. avertis devront se concentrer sur des transac­ C’est 148 millions de plus qu’en 2019 (+24 %). tions sujettes à moins de compétition. Non pas parce que celles-ci sont de mauvaise qualité, mais parce que les concurrents ne disposent pas du savoir-faire requis pour la bonne ­e xécution. Ceux qui vont pouvoir en tirer ­profit sont ceux qui sont dotés de moyens et de capital humain au sein de leur société de Un marché en ouverture bonne discipline de la gestion des fonds d’in­ gestion. Par exemple, les stratégies de dépol­ Depuis quelque temps, on constate que cette vestissement et de bonnes pratiques du marché. lution des sols permettent d’avoir accès à des industrie plutôt fermée tend à s’ouvrir à une Aujourd’hui, les investisseurs font de plus en actifs immobiliers intéressants, mais seuls les plus large clientèle. « De nombreux acteurs plus confiance aux gérants bien établis. Et ce gérants bien établis, qui disposent de compé­ œuvrent aujourd’hui pour rendre ce produit sont ces derniers qui doivent rendre ­l’accès plus tences solides, pourront se positionner sur ce plus accessible, que ce soit d’un point de vue facile à cette classe d’actifs en diminuant la type de stratégies. Chez Edmond de Rothschild, réglementaire ou au niveau des gérants de for­ taille des tickets d’entrée. Cela commence à se c’est notre philosophie, nous allons où les tune et des banques privées, qui affichent faire savoir sur la Place luxembourgeoise. La autres ne vont pas. » aujourd’hui leur volonté d’offrir à leur clientèle discipline et le savoir-faire spécifique des hommes un accès plus facile à cette classe d’actifs », et des femmes qui possèdent une réelle expertise explique le CEO de Edmond de Rothschild dans le domaine du capital-­investissement Private Equity, qui rappelle toutefois que restent la clé pour une création de valeur le marché possède des caractéristiques propres à long terme », rappelle Johnny El Hachem. et qu’il n’est pas accessible au premier venu. En fonction du fonds ou de l’équipe choisi(e), « Dans ce domaine, la discipline est de rigueur. le profit peut en effet varier du simple au Pour cette classe d’actifs, il est en effet capital triple, comme le soulignait encore récemde confier ses avoirs à de véritables profession­ ment Rajaa Mekouar, l’ancienne CEO de la nels qui ont une bonne méthodologie, une Luxembourg Private Equity and Venture Auteur A. B.

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Métier spécifique

Le profil du parfait banquier privé Gestionnaire de fortune, le banquier privé est à la fois conseiller et confident. Il doit faire preuve de discrétion, de disponibilité, d’adaptabilité et se mettre constamment à jour par rapport aux lois et réglementations. Un rôle complexe et exigeant, encore plus au Luxembourg, où il doit apporter à ses clients internationaux des solutions transfrontalières.

Où trouve-t-on ces perles rares ? Aujourd’hui, comme toutes entreprises, les banques tentent de se différencier les unes des autres en développant un type de clientèle bien particulier, des produits spécifiques et des valeurs qui leur sont propres. En matière de banque privée, le client met toute sa confiance en une personne, le private banker, la structure apportant une valeur ajoutée par rapport à ses services. L’ensemble forme un tout cohérent. C’est pourquoi certaines banques n’hésitent pas à investir directement dans la formation de jeunes talents, comme l’explique Olivier Lecler, directeur de Société Générale Private Banking Europe (entités de Luxembourg, Suisse et Monaco) : « Nous intégrons beaucoup de jeunes directement à la sortie de leurs études. Nous les formons à toutes les facettes du métier, leur expliquons l’organisa­ tion de la banque et ses enjeux. » D’autres banques, dans une même optique, mettent en place des programmes de mentoring. « Les nouvelles recrues, en travaillant avec une personne expé­ rimentée au sein de la banque, peuvent rapi­ dement évoluer, indique Annie Burton, spécialiste du recrutement pour le secteur des banques et de la finance chez Badenoch & Clark. Les attentes des banques sont assez éle­ vées concernant les sommes que doit apporter le banquier privé. Les plus basses sont à 20 ou 30 millions d’euros, d’autres sont à 60 millions sur six mois, un an. Et donc, si vous vous lan­ cez comme banquier privé, vous devez vous assurer que vos clients seront à même de vous amener ces sommes d’argent. » Certains banquiers privés proviennent directement du secteur bancaire. Étant donné qu’il s’agit d’un profil assez généraliste, le fait de passer par d’autres postes et de pratiquer divers métiers permet de développer une connaissance globale de l’activité bancaire, ainsi que, dans certains cas, des connaissances approfondies dans un domaine 60

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proposer des solutions adéquates, le conseiller doit pouvoir comprendre les problématiques de son client, souvent spécifiques, car liées à sa situation personnelle. Ce lien très proche lui demande d’être constamment proactif et disponible sur la durée. « Il y a des indi­ vidus qui gèrent des fortunes depuis 20-30 ans. Certains deviennent de véritables amis de la famille, à qui le client pose ses questions et confie ses doutes », affirme Annie Burton. « Nous sommes des conseillers privilégiés de nos clients. Ce qu’ils viennent chercher chez nous, c’est le conseil et l’expertise. L’émotionnel influence parfois leurs décisions. Notre rôle est de leur apporter un regard objectif et de proposer des solutions qu’ils n’avaient pas envisagées, qui correspondent au mieux à leurs attentes. C’est ça aussi qui crée une bonne relation », précise Claire Vallet. Comme le banquier privé suit ses clients pendant des années, voire des décennies, il assiste en même temps à l’évolution de leur La relation client au cœur du métier famille. Il voit les enfants naître, grandir, Dans le monde de la banque privée, la rela- puis être invités à prendre part à la gestion tion client occupe une place centrale. Pour du patrimoine familial. Tout au long de ce parcours, le banquier est présent pour apporter un conseil en structuration, visant la préservation et la transmission des actifs à la génération suivante. « Lorsqu’il y a des pré­ PARLONS SOFT SKILLS occupations liées à la transmission, dans un premier temps, il faut identifier les besoins du Pour établir une relation de confiance avec ses clients, le private banker doit client, l’écouter, parler avec lui. Une fois que faire preuve d’une grande capacité ces points sont clairs, on intègre les enfants d’écoute et d’un excellent sens du dans la discussion pour que le choix des parents relationnel. C’est en discutant avec eux, en les écoutant, qu’il peut percevoir leurs soit coopté par tout le monde. Cela évite les problématiques, identifier leurs besoins conflits et permet aux enfants de se sentir et trouver les solutions adéquates. considérés. C’est très apprécié par les familles. Le sens commercial est également important, car il peut être amené Mon rôle est de les aider à construire leurs à démarcher, se présenter et proposer projets de vie. C’est très enrichissant », confie ses services. En outre, comme il côtoie, Claire Vallet. dans l’exercice de ses fonctions, de nombreuses spécia­lités, il doit être Il arrive d’ailleurs que des banquiers privif d’esprit et s’adapter constamment. vés prennent leur indépendance, afin de s’afLiée au secret professionnel, la discrétion franchir de certaines contraintes liées à une est, bien sûr, une caractéristique essentielle et indissociable de son métier. banque en particulier et de continuer à gérer

spécifique. « C’est un métier devenu très tech­ nique. Un bon banquier privé dispose d’une culture suffisamment large pour comprendre tous les sujets et aborder chaque problématique. Il doit être capable de s’appuyer sur des experts et d’entrer dans les détails de matières deve­ nues très complexes, que ce soit l’organisation patrimoniale, les investissements financiers, les interactions digitales, la responsabilité socié­ tale des entreprises… », explique Olivier Lecler. Le champ de compétences auquel un banquier privé peut être confronté dans l’exercice de ses fonctions est extrêmement large. Claire Vallet, private banker chez ING Luxembourg, parle de son expérience : « Il faut se former en permanence parce que le marché évolue. Rester informé et formé demande beaucoup de temps, mais c’est indispensable pour accompagner ses clients comme il se doit. On exige du conseiller en banque privée à la fois l’excellence et le sur-­ mesure. C’est la seule façon de se différencier. »


la fortune de leurs clients devenus fidèles. apporter des solutions et aider les clients à s’adap­ Depuis 2008, on a ainsi vu le nombre de ter. On en sort avec des relations clients, dans sociétés de gestion de famille, les family offices, l’ensemble, consolidées », déclare Olivier Lecler. augmenter. Ces gestionnaires traitent directement avec la banque privée de leur choix Le Luxembourg et son expertise et profitent d’une plus grande flexibilité. en private banking Au Luxembourg plus qu’ailleurs, les clients 2008 et 2020 : deux crises sont internationaux. Leurs affaires sont menées aux conséquences opposées dans différents pays, et leur nationalité, tout 2008 et sa crise financière ont marqué un comme leur lieu de résidence, varie au cours tournant dans le secteur du private banking, de leur vie. Olivier Lecler, qui couvre trois notamment au Luxembourg. « Certains ban­ entités de banque privée du groupe Société quiers privés n’étaient pas préparés. Beaucoup Générale – Luxembourg, Suisse et Monaco – de choses ont été remises en question, comme sait de quoi il parle : « Majoritairement, nous la proposition de valeur et la qualité des inter­ nous adressons à une clientèle très haut de venants. La levée du secret bancaire s’est accom­ gamme, qui a généralement des besoins trans­ pagnée d’une évolution de la clientèle et de ses frontaliers. Lorsque vos activités se développent attentes », relate Annie Burton. La crise liée à l’international, que l’un de vos enfants s’ins­ au Covid-19 est, quant à elle, d’une tout autre talle dans un autre pays et que vous achetez nature. Contrairement à 2008, elle a renfor- une résidence secondaire à l’étranger, votre cé la confiance des clients envers leur ban- banquier doit pouvoir vous apporter des solu­ quier privé. Au niveau de l’activité de private tions internationales. » Claire Vallet fait le banking d’ING, le Net Promoter Score – un même constat au sein d’ING Luxembourg : indicateur mesurant la propension des clients « De plus en plus, les clients sont mobiles et ont à recommander le service –, déjà très élevé des problématiques internationales. Il est de en 2019, a encore évolué positivement en 2020. moins en moins courant d’être face à des per­ « Personnellement, j’ai constaté une sorte de sonnes dont toute la famille réside dans le même retour aux sources de la part de nos clients. pays. » Cette exposition internationale amène Nous avons été à la fois proactifs et réactifs les banques à faire appel à des profils cultupour court-circuiter un éventuel stress face à la rels variés. C’est le cas de Société Générale situation et l’absence d’informations. Nous qui emploie, sur les trois entités citées plus avons beaucoup communiqué », révèle Claire haut, des collaborateurs de 29 nationalités Vallet. Un ressenti aussi partagé par le groupe différentes. Les banquiers doivent faire preuve Société Générale. « 2020 a été une année durant d’une certaine adaptabilité culturelle en fonclaquelle le lien avec nos clients s’est énormé­ tion des clients qu’ils ont en face d’eux. Les ment renforcé. Ils sont encore plus demandeurs structures, de leur côté, doivent mener un de conseils et d’orientation. Les banques n’ont travail d’intégration conséquent en interne. pas été perçues négativement. Au contraire, elles « Par exemple, si un banquier privé a un réseau ont été vues comme des acteurs qui pouvaient en Arabie saoudite, il doit pouvoir compter sur une banque qui connaît cette culture, qui parle la langue. Certaines banques disposent de desks nationaux, d’autres possèdent une expertise orientée métier et sont plus étalées géographi­ quement », explique Annie Burton. Ce multiculturalisme luxembourgeois a influencé l’évolution du métier. « Tous les marchés sont couverts en une seule Place. C’est assez extraordinaire, s’enthousiasme Claire Vallet. Le Luxembourg est au cœur de l’Europe, et l’expertise en matière de private banking s’y est considérablement développée au cours des OLIVIER LECLER dernières décennies. Ce pays a montré sa capa­ Directeur cité à se réinventer et à s’adapter à un environ­ Société Générale Private Banking Europe (entités de Luxembourg, Suisse et Monaco) nement changeant. Les règles sont assez constantes, et c’est confortable pour nos clients. » En plus des connaissances de base propres à tout bon banquier privé, celui installé au Luxembourg doit maîtriser des compétences bien particulières. « Le Luxembourg s’est fait l’un des grands spécialistes de la gestion patri­ moniale à l’international. À cette fin, la place financière s’est dotée d’un certain nombre d’ou­ tils – notamment autour de l’industrie des fonds – très adaptés à ce type de besoins, explique

«Le Luxembourg s’est fait l’un des grands spécialistes de la gestion patrimoniale à l’international. »

SES MISSIONS AU QUOTIDIEN La mission première du private banker est de gérer le patrimoine et la fortune de ses clients. Des années durant, il les accompagne dans leurs projets de vie et suit l’évolution de leurs activités. Son quotidien ressemble un peu à celui d’un entrepreneur : il analyse et suit de très près les mouvements du secteur, entreprend, crée et développe. Toujours disponible pour ses clients, il est capable de les conseiller, de déterminer leurs besoins et de les aiguiller dans les décisions à prendre pour faire fructifier leurs avoirs. Marchés financiers, solutions d’inves­tissement, crédits, gestion de patrimoine… sont autant de domaines qu’il doit maîtriser. Une grande partie de son temps consiste à se former et s’informer, afin de rester au courant de tout changement de loi ou de réglementation.

Olivier Lecler. Le panel de solutions qu’offre la Place luxembourgeoise est un réel atout, que le banquier privé doit maîtriser en plus des autres compétences traditionnelles propres au métier. » Quel avenir pour le private banker ? Déjà très complexe, le métier de private ban­ ker est amené à devenir encore plus exigeant. La clientèle se montre plus pointilleuse, plus internationale et plus riche. « On est face à une sorte de concentration et d’augmentation de la taille des clients, commente Claire Vallet. Ici, le seuil de l’apport des clients en private banking a doublé depuis mon arrivée, il y a 12 ans. Une clientèle plus riche attend aussi des services plus poussés. Cette dynamique va, selon moi, se poursuivre. Je m’attends aussi à un environ­ nement régulatoire encore plus contraignant. » Selon Olivier Lecler, la dimension digitale du métier va également prendre une place importante. « Aujourd’hui, il est nécessaire que le banquier privé soit capable de s’appuyer sur toute une série d’outils digitaux, qui permettent, d’une part, de gérer la banque du quotidien (appui dans l’établissement de diagnostics, com­ préhension des situations, etc.) et, d’autre part, de mieux interagir avec le client, explique-t-il. Par exemple, les outils d’analyse statistique et d’intelligence artificielle doivent nous permettre d’identifier, et même d’anticiper, les besoins futurs du client pour les mois et les années à venir. On en est encore au début, mais cela va devenir un élément important au fil du temps. » Enfin, l’investissement responsable a de plus en plus de succès. Selon Olivier Lecler, « c’est devenu un critère. En tant que banque respon­ sable, nous souhaitons ainsi offrir un large choix de solutions d’investissement responsable à nos clients. » Une corde de l’arc des private bankers qui tendra à se renforcer dans les années à venir. Auteur M. F.

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Fort de plus de 25 ans d’expérience interna­ tionale, Kris De Souter a œuvré au sein d’un family office au Moyen-Orient et acquis de solides compétences en private banking au Luxembourg et en Belgique.

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Interview


Kris De Souter

Banquier privé et family officer, différents mais complémentaires

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Romain Gamba

Offrant des services distincts mais complémentaires à ceux de la banque privée, les family offices se développent au Luxembourg avec pour ambition de répondre au mieux aux besoins rencontrés par les individus et les familles les plus fortunés. Kris De Souter, head of private banking de Degroof Petercam Luxembourg, anciennement en charge du family office du groupe de fin 2018 à mai 2020, nous livre son regard sur ces deux métiers.

Reconnue de longue date pour ses activités de private banking, la Place luxembourgeoise attire également de plus en plus de family offices. En quoi ces deux acteurs financiers se distinguent-ils ? Family office et banque privée se distinguent par les services qu’ils offrent à leurs clients. Chacun joue un rôle différent, mais ceux-ci se complètent. D’une part, le banquier privé a pour mission principale d’accompagner des personnes ou familles détenant un certain patrimoine dans leur gestion financière et bancaire. Dans ce cadre, le banquier privé se charge d’ouvrir des comptes, de gérer et structurer des actifs, d’investir pour faire fructifier le capital que le client lui a confié. Il peut également l’accompagner dans la structuration et la transmission de son patrimoine. Pour réaliser ces missions, il s’appuie sur une structure solide et réglementée – la banque privée –, des outils et des ressources importants qui offrent au client un suivi minutieux en toutes circonstances. D’autre part, le family officer se présente comme un conseiller indépendant. De manière littérale, il s’occupe de « gérer les affaires familiales ». Variant d’une structure à l’autre, les services offerts par le family officer peuvent donc être très larges. Certains s’apparentent à un secrétaire privé de la famille, qui la soutient dans ses tâches administratives et quotidiennes – tâches qui revêtent très souvent un caractère et des intérêts internationaux. À cet égard, le family officer peut par exemple l’aider dans ses déclarations d’impôts et les reportings à réaliser, mais également prendre en charge des services de conciergerie ou encore organiser ses déplacements à l’étranger. D’autres family officers sont davantage spécialisés dans la structuration patrimoniale ou la planification successorale, tandis que la plupart veillent à protéger et développer la fortune – tant les actifs liquides que financiers – de la famille. Apportant un support personnalisé, en fonction des besoins et du niveau de fortune de son client, le family offi­ cer peut donc être considéré comme un sparring partner

TOP 3 DES SERVICES LES PLUS DEMANDÉS AUX FAMILY OFFICES La supervision de la gestion financière Les familles aisées veulent s’assurer de la pertinence et de la performance de leur stratégie d’inves­tissement et de l’allocation de leurs actifs. Elles chargent les family offices de vérifier que les partenaires sur lesquels elles s’appuient pour gérer leur patrimoine sont les bons. Le private equity Dans un contexte de taux d’intérêt négatifs, le private equity intéresse de plus en plus les clients fortunés. Ils veulent savoir comment mettre en place cette forme d’investissement et en faire le reporting. Les questions de générations Les family offices gèrent l’intégration des atten­ tes de la nouvelle génération, notamment en matière d’investis­ sements plus responsables, ainsi que les questions de gouvernance familiale ou encore de transmission patrimoniale.

(challenger, ndlr) qui a pour vocation d’assister et de conseiller au mieux ses clients, en simplifiant la gestion administrative de leur patrimoine, en supervisant leur allocation d’actifs et leur stratégie d’investissement et en coordonnant les différents prestataires de services auxquels ils font appel. Family officers et banquiers privés se considèrent-ils dès lors comme des concurrents ? Le family officer n’a pas pour vocation de remplacer le banquier privé. Mais il y a une convergence possible et souhaitée entre ces deux acteurs. Chacun peut apprendre et s’inspirer de l’autre. Toutefois, un banquier privé va toujours trouver un family officer contraignant car il va le challenger, surveiller ses activités, suivre ses performances, parfois remettre en cause son travail. Le family officer possède une vue d’ensemble sur la situation patrimoniale et la fortune de son client, sur les différents prestataires avec lesquels il collabore. Il se positionne de manière objective et indépendante. Son rôle est de veiller à ce que chacun fasse son travail dans son intérêt, mais également de vérifier si ces différentes interventions, mises côte à côte, font sens. Il peut donc, par exemple, conseiller à la famille de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier et lui proposer de confier ses actifs financiers à trois gestionnaires. Si, bien sûr, le banquier privé réalise aussi son travail en respectant les objectifs et contraintes de son client, il veillera également, et assez logiquement, à préserver ou faire croître ses parts de marché ! Aujourd’hui, un banquier privé doit accepter le fait qu’il évolue dans un monde concurrentiel et que, lorsque l’on gère une fortune, il est normal d’être questionné, challengé. Banque privée et family office se différencient également en matière de réglementation… En effet. Contrairement à la banque privée, qui est régulée – et même hyper régulée aujourd’hui –, le family office ne l’est pas nécessairement. Ainsi, il peut évoluer et proAVRIL 2021 PRIVATE BANKING

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Interview Kris De Souter

«  Le family officer peut être assimilé à un sparring partner qui cherche à accompagner et conseiller le mieux possible ses clients fortunés. » poser un grand nombre de services, sous plusieurs statuts : société de gestion, planificateur financier ou encore courtier en assurance, par exemple. Le family office peut être géré par plusieurs profils de personnes : d’anciens gestionnaires de fortune, avocats, banquiers, experts-comptables, etc. Actuellement, à l’échelle européenne ou mondiale, il n’existe pas de cadre officiel pour définir le family office, ce qu’il peut ou ne peut pas faire. Le Luxembourg a toutefois fait le choix de donner aux family offices un statut légal, en les soumettant à la supervision de la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF). La loi du 21 décembre 2012 relative aux family offices définit ainsi leur activité comme la prestation « à titre professionnel, de conseils ou de services de nature patrimoniale à des personnes physiques, à des familles ou à des entités patrimoniales appartenant à des personnes physiques ou à des familles ». Dans ce contexte, la prestation de services de family office est également réservée à certains professionnels réglementés : les établissements de crédit, les conseillers en investissement, les gestionnaires de fortune, les professionnels du secteur financier (PSF) spécialisés comme family office, ainsi que les notaires et les avocats à la Cour. À noter que les structures appelées single-family offices, qui ne s’occupent que des intérêts d’une seule famille – généralement extrêmement fortunée –, ne sont pas visées par cette loi. Cette dernière ne concerne que les multiple-­ family offices qui, comme leur nom l’indique, accompagnent plusieurs clients dans la gestion de leur fortune. Il s’agit de la forme la plus courante de family offices présente aujourd’hui au Luxembourg. Quels sont les atouts d’une telle régulation des family offices pour la clientèle ? Le Luxembourg a agi comme précurseur à ce niveau. Si Dubaï et les États-Unis placent les family offices sous le contrôle des autorités de régulation, le Grand-Duché, lui, encadre la profession tout entière. Ce cadre de référence agit comme un vecteur de confiance et un label de qualité aux yeux des clients. Il contribue également à renforcer le professionnalisme des family offices qui opèrent au Luxembourg, à faire un certain élagage. Car il ne faut pas oublier que cette profession requiert des compétences fiscales et juridiques non négligeables. Par ailleurs, cette législation et cette institutionnalisation de la profession renforcent l’image du pays en tant que place financière attractive et sûre. 64

PRIVATE BANKING AVRIL 2021

UN RÔLE DE PLUS EN PLUS IMPORTANT Le family officer agit comme un interlocuteur unique à même d’accompagner les familles fortunées. Au cours de ces 10 dernières années, ces structures se sont de plus en plus développées au Luxembourg pour répondre aux attentes et problématiques d’une clientèle internationale aisée qui apprécie tout particulièrement la stabilité du pays et ses com­pétences en matière de fiscalité transnationale.

Les clients aisés sont-ils aujourd’hui de plus en plus demandeurs d’un accompagnement par un family office ? À quel moment cela devient-il pertinent pour eux de faire appel à une telle structure ? On constate un intérêt accru pour le type de service proposé par les family offices. Outre la gestion de leurs actifs, les clients fortunés rencontrent en effet d’autres besoins. Pour eux, il est notamment important de pouvoir être conseillés sur d’autres classes d’actifs (des biens immobiliers, des œuvres d’art, par exemple), ainsi que sur des questions de gouvernance, de monitoring des participations familiales, de gestion du risque, de structuration patrimoniale ou encore de transmission. Et le family office peut répondre à ces problématiques variées, que ce soit grâce à des compétences internes ou externes. On constate d’ailleurs une importante professionnalisation des profils au sein des family offices. Cet accompagnement sur mesure, adapté à l’histoire de la famille et à ses contraintes, a bien sûr un coût. Le ticket d’entrée pour bénéficier de tels services est donc généralement élevé. Être accompagné par un family office ne fait d’ailleurs sens que lorsque l’on dispose d’un patrimoine certain. Généralement, ces services s’adressent ainsi aux ultra high net worth individuals (UHNWI). Dans ce cas, les conseils et l’accompagnement d’un family office, s’il fait bien son travail, présentent une réelle valeur ajoutée. Certaines banques privées font le choix d’adjoindre à leurs activités un family office. C’est notamment le cas de Degroof Petercam. Quels enjeux cela soulève-t-il ? Il existe en effet des family offices indépendants, alors que d’autres sont adossés à une banque. Ces derniers peuvent être accusés de manquer d’objectivité, car ils sont dépendants d’un groupe bancaire. C’est pourquoi, au sein de Degroof Petercam, nous avons fait le choix de scinder ces deux activités. Notre banque privée est spécialisée dans la gestion des actifs et les assurances depuis des décennies, tandis que notre family office, présent depuis 2018 au Luxembourg, n’intervient en aucun cas dans la gestion financière du patrimoine de nos clients. Nous laissons cette démarche à la banque privée, dont c’est le cœur de métier, faute de quoi nous manquerions effectivement d’indépendance. Il est toutefois important de souligner que les family offices adossés aux banques présentent l’avantage de pouvoir s’appuyer sur une structure de taille importante. Le family officer lié à un groupe bancaire peut donc ainsi disposer d’outils IT, de systèmes, de ressources, de bases de données beaucoup plus importants qu’un family offi­ cer isolé. Une famille prend potentiellement aussi un risque en travaillant avec un family officer isolé, notamment s’il lui arrive quelque chose, alors qu’une banque assurera une continuité dans la prestation de ses services. Tenant compte de ces éléments, il revient à chaque famille de décider si elle préfère ou non établir une distinction nette entre la structure qui la conseille sur sa fortune et celle qui gère concrètement son patrimoine pour éviter tout conflit d’intérêts.

Auteur J. R.


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Forecast

Où en sera la finance durable en 2021 ? La finance durable connaît un succès de plus en plus grand, et la crise sanitaire que nous traversons ne fait que renforcer cette tendance. Au point d’atteindre de nouveaux records à la fin de l’année ? Deux experts nous livrent leur avis.

VIRGINIE BOURGEOIS Global head of sustainable development and social project Indosuez Wealth Management

FRANK HOHEISEL Head of business, board member Bank Julius Baer Europe SA

« L’attrait du grand public pour la finance durable est croissant, notamment de la part de la jeune génération. »

Photos

Le Luxembourg est un défenseur de la finance durable, et Julius Baer s’engage à soutenir ses clients dans ce domaine en pleine expansion. Nous jouons un rôle de plus en plus actif dans le domaine de la durabilité des entreprises et de l’investissement responsable. Nous comprenons qu’en tant que banque, nous avons une responsabilité à long terme non seulement envers nos clients, mais aussi envers notre société, l’environ­ nement et nos employés. Pour 2021, nous travaillons à l’élargissement de notre offre et de notre univers d’investissement ouvert, avec pour objectif de faire de la durabilité notre future norme. Nous intégrons des services d’investissement durables et efficaces dans nos processus de conseil et de gestion des inves­­ tissements, notre cadre de gestion des risques, nos politiques internes et notre gouvernance. En ce qui concerne les investissements, les performances ont été bonnes pour la plupart des thèmes ESG (environnementaux, sociaux et gouvernance), et astro­nomiques pour certains segments. Cependant, les données montrent que l’ESG, en tant que sujet, n’en est qu’à sa phase initiale et a des atouts pour se déve­ lopper dans un avenir prévisible. Nous nous attendons à ce que les thèmes « 3C » aient une forte traction dans les prochaines années : climate, care, conduct.

Bank Julius Baer Europe, Indosuez Wealth Management

« L’ESG n’en est qu’à sa phase initiale et a des atouts pour se développer dans un avenir prévisible. »

Les facteurs de soutien à la finance durable sont nombreux et trouvent leur origine dans des constats préoccupants : urgence climatique, crise économique, enjeux de santé et d’éducation grandissants… La crise sani­taire que nous traversons n’a fait qu’accélérer ces tendances. L’attrait du grand public pour la finance durable est croissant, notamment de la part de la jeune génération. Ainsi, en une année, les encours du marché des fonds verts européens ont plus que doublé, pour atteindre 130 milliards d’euros à la fin 2020. L’investissement ESR, misant sur les pratiques responsables des entreprises, a contribué à mettre en avant des thématiques importantes, comme les véhicules électriques, l’hydrogène, l’efficacité énergétique, l’éducation, le logement abordable, etc. Enfin, les acteurs économiques et politiques ont collectivement pris conscience des défis environne­ mentaux, sociaux et de gouvernance avec des initiatives publiques, qui se sont récemment accélérées. En parallèle, le marché se structure et s’organise, et la réglementation se renforce pour définir des normes européennes et limiter le greenwashing. La transition est en route, et il n’y aura vraisemblablement pas de marche arrière.

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Banque de Luxembourg, société anonyme – 14, boulevard Royal – L-2449 Luxembourg – R.C.S. B5310

“L’avenir économique est incertain. Notre expertise ne l’est pas.” L’environnement économique et financier actuel est particulièrement complexe. Prendre les bonnes décisions pour la gestion de votre patrimoine ne s’improvise pas. Depuis 100 ans au Luxembourg, nos experts vous accompagnent dans la préservation, la valorisation et la transmission de votre patrimoine. Faites le point sur vos investissements. Tél. : 48 14 14

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