Paperjam Plus - Private Banking

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Private banking AVRIL 2022

ENJEUX

Le grand défi : la next gen’ – INTERVIEW PIERRE ETIENNE

« Le pays fait face à un défi de capacité » – ÉTAT DES LIEUX

Un secteur en pleine croissance – TYPOLOGIE

Quelle banque privée pour quel entrepreneur ? – DIGITALISATION

Les challenges de la transformation numérique – ESG

Le durable, incontournable ! – LA LISTE

Retrouvez toutes les banques privées du pays !


ING Luxembourg S.A. - 26, Place de la Gare, L-1616 Luxembourg • R.C.S. Luxembourg B.6041 - TVA LU 11082217 - ing.lu

We want to understand what makes you tick ing.lu/privatebanking

The world only gets one of you. You’re unique. So you need a unique approach to wealth management. At ING Private Banking our job is to learn everything about you, your family and your business so that we can provide customised advice and solutions that work exclusively for you.


Édito #Impact

www.maisonmoderne.com Téléphone : 20 70 70 E-mail : publishing@maisonmoderne.com Courrier : BP 728, L-2017 Luxembourg Bureaux : 10, rue des Gaulois Luxembourg-Bonnevoie 10, avenue de la Liberté Luxembourg-Gare fondateur et ceo

Mike Koedinger directeur administratif et financier

Etienne Velasti

Rédaction Téléphone : (+352) 20 70 70 Fax : (+352) 29 66 19 E-mail : press@paperjam.lu Courrier : BP 728, L-2017 Luxembourg directrice de la publication

Bérengère Beffort

directrice des développements éditoriaux

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Nicolas Léonard

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Thierry Raizer

secrétaire de rédaction

Jennifer Graglia free-lances Alex Barras, Quentin Deuxant, Sébastien Lambotte, Michaël Peiffer photographes

Romain Gamba, Guy Wolff, Matic Zorman correction

Maison Moderne, Laura Fort, Nathalie Rachline Brand Studio Téléphone : (+352) 20 70 70-300 Fax : (+352) 29 66 20 E-mail : regie@maisonmoderne.com director brand studio

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Dominique Gouviaux assistante commerciale

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directeur de la création

Jeremy Leslie studio manager

Sandrine Papadopoulos directrice artistique

Marielle Voisin mise en page

Charlène Pouthier (coordination), Juliette Noblot

natureOffice.com | DE-261-JYACEBD

#NoWar #Peace L’idée d’une guerre en Europe paraissait archaïque il y a quelques semaines encore… pour la next gen’ comme pour les baby-boomers. Maintenant, la vision d’une évolution linéaire de nos sociétés vers le progrès et la prospérité se floute. Une consolation: l’élan de solidarité sans pareil symbolisé par le hashtag #standwithukraine. Une question domine : comment arrêter cette guerre menée en Ukraine par la Russie ? La riposte militaire n’étant pas une option, la défense européenne se limite à des sanctions économiques contre le régime de Poutine et son cercle d’oligarques. L’exposition de la Place face à la guerre est limitée. Tant mieux pour le secteur de la banque privée qui se porte bien. Les avoirs sous gestion continuent leur ascendance. Quant à l’impact sur les marchés financiers, les avis divergent. Si, à court terme, les cours des bourses vont baisser, à long terme l’impact sera sûrement absorbé. Après la crise sanitaire, face au retour de l’inflation et aux perspectives de normalisation des politiques monétaires, la volatilité avait refait son apparition. L’invasion russe rajoute une couche d’incertitude, fait flamber les prix de l’énergie et renvoie aux souvenirs des chocs pétroliers ou de la récession de 1998. Longtemps réclamée par les syndicats, une tripartite a finalement été organisée. Tout ceci à un moment unique de l’histoire où le plus grand transfert intergénérationnel est en train de se préparer. Les baby-boomers vont léguer leur richesse accumulée à une époque marquée par les challenges de l’urgence climatique. Cette guerre qui met en évidence notre dépendance au gaz russe donnera peut-être le coup de pouce nécessaire pour accélérer cette transition tant désirée par les jeunes des Fridays for Future, et déjà sur les rails avec le Pacte vert européen vers une énergie durable. Et pacifique.

Please recycle. Vous avez fini de lire ce magazine ? Archivez-le, transmettez-le ou bien faites-le recycler ! Tous droits réservés. Toute reproduction, ou traduction, intégrale ou partielle, est strictement interdite sans l’autorisation écrite délivrée au préalable par l’éditeur. © MM Publishing and Media SA. (Luxem­bourg) Maison Moderne ™ is used under licence by MM Publishing and Media SA. — ISSN 2354-4619

Auteur NATHALIE REUTER

AVRIL 2022 PRIVATE BANKING

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GREAT TEAMS FOR GREAT CHALLENGES!

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Private banking Avril 2022

50 FACE-À-FACE

08 LE JOUR OÙ

« La crypto est un enjeu stratégique pour les services financiers »

… J’ai investi la première fois dans les cryptos 10 INTERVIEW

PIERRE ETIENNE

54 CONCURRENCE

« Le pays fait face à un défi de capacité »

Un centre d’excel­lence à défendre 58 COMPLIANCE

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Vague réglementaire : à quoi s’attendre en 2022 ?

Dossier

Le grand défi : la next gen’ –

20 CONJONCTURE Un bond en avant, des défis à l’avenant

24 NOUVELLE GÉNÉRATION

p. 24 La next gen’ hésite moins à faire jouer la concurrence et est prête à changer de prestataire plus f­ acilement pour obtenir ce qu’elle désire réellement.

Les millennials, un défi majeur pour les banques

28 TYPOLOGIE

Quelle banque privée pour quel type d’entrepreneur ?

SERGE KRANCENBLUM ET PASCAL RAPALLINO

30 DIGITALISATION

« Renforcer l’éco­système dédié aux besoins des familles fortunées »

À l’ère du tout-numérique, quel avenir pour la banque privée ?

32 DISRUPTION

Au service d’une expérience améliorée

66 FORECAST

Illustration

Marielle Voisin

34 ESG

Matic Zorman

External asset management : la croissance se poursuit 64 INTERVIEW CROISÉE

Photo

62 GESTION

Le durable devient incontournable

À quoi le marché doit-il faire attention pour rester compétitif ?

38 TENDANCES

Le grand tournant de la banque privée

42 À EMPORTER PARTOUT

4 applications qui séduisent

44 LA LISTE

Les banques privées du Luxembourg

p. 64 Interview croisée entre l’ancien et le nouveau président de la LAFO, la Luxembourg Association of Family Offices, sur l’ambition de la Place et ses réponses aux besoins de leur clientèle.

AVRIL 2022 PRIVATE BANKING

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Sur le radar

Des portefeuilles pleins d’opportunités TOP 10

Les millennials les plus riches du monde Les millennials, ces personnes nées entre 1980 et la fin des années 1990, concentrent aujourd’hui une bonne partie des richesses mondiales. 1

Mark Zuckerberg – Facebook 111 milliards de dollars

2

Zhang Yiming – TikTok 59,4 milliards de dollars

3

Guillaume Pousaz – Checkout.com 23 milliards de dollars

4

Yang Huiyan et sa famille – Country Garden 22,4 milliards de dollars

5

PORTFOLIO

Les gros portefeuilles de plus en plus majoritaires

54 %

La dernière étude du Private Banking Group de l’ABBL, en collaboration avec KPMG, montre que la proportion des clients de la banque privée luxembourgeoise disposant d’actifs au-delà de 10-20 millions d’euros est en hausse, au détriment des plus petits portefeuilles.

8%

Dustin Moskovitz – Facebook, Asana 18,6 milliards de dollars

8%

6

Eduardo Saverin – Facebook 17,3 milliards de dollars

7

Pavel Durov – Telegram 17,2 milliards de dollars

8

Sam Bankman-Fried – FTX 17,1 milliards de dollars

9

Lukas Walton – Walmart 16,1 milliards de dollars

10 Brian Chesky – Airbnb 12,2 milliards de dollars

52 %

17 %

13 %

> 20 mios €

1-5 mios €

10-20 mios €

< 1 mio €

9%

9%

18 %

12 %

5-10 mios € Source Forbes Real Time Net Worth, 1er février 2022

6

Source

PRIVATE BANKING AVRIL 2022

ABBL Cluster

2016

2017


Avec une hausse active des gros portefeuilles au Luxembourg, la place financière a tout intérêt à garder cette clientèle et à lui proposer les meilleurs investissements et services possible. Nouvelle génération, nouveaux concurrents et placements de plus en plus diversifiés pour une clientèle toujours plus renseignée: tour d’horizon des défis de la banque privée.

56 %

58 %

3 QUESTIONS À

58 %

GUY HOFFMANN

Président ABBL

Quels sont les principaux défis auxquels est confrontée la banque privée au Luxembourg ? Les défis restent les mêmes : pression sur les marges, poids de la réglementation, pénurie de talents et concurrence accrue de nouveaux acteurs. Cela dit, les actifs sous gestion augmentent et le L ­ uxem­bourg reste un centre d’excellence de la banque privée internationale. Les banques implantées ici continuent à servir leurs clients malgré tous ces facteurs externes, y compris la pandémie, qu’elles ont surmontée grâce à une main-d’œuvre motivée, un superviseur flexible et l’aptitude à gérer les affaires à distance.

16 %

10 %

2018

9%

16 %

8%

2019

10 %

9%

16 %

7%

2020

Mike Zenari (archives)

9%

9%

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9%

Comment s’adapter aux besoins de la nouvelle génération ? La tâche du banquier privé est d’être à l’écoute de la nouvelle génération, dont les habitudes et les besoins sont différents. Elle exige un accès instantané à ses informations financières, attend des outils en ligne performants et une tarification transparente. Soucieuse d’une charge administrative allégée, cette génération revendique aussi un traitement individualisé et des conseils personnalisés. La relation privilégiée avec le banquier et l’accès à un écosystème de spécialistes restent donc au cœur de la proposition de la banque privée. L’arrivée des géants du numérique sur ce marché constitue-t-elle une réelle menace ? Il serait naïf d’écarter d’emblée ces nouveaux acteurs. Nous continuons à revendiquer une réglementation équitable et identique pour tous les acteurs exerçant une activité similaire, sans quoi nous resterons menacés. Le fait que les banques mettent l’accent sur la relation personnelle, sur la sécurité des données et la confidentialité permet de parer ce phénomène. À côté de la stabilité politique et des finances saines, cette expertise représente un avantage compétitif certain. Auteur Q. D.

AVRIL 2022 PRIVATE BANKING

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Le jour où…

… J’ai investi la première fois dans les cryptos Felix Hemmerling, le CEO de la proptech Kodehyve, gère l’ensemble de son patrimoine au départ de la blockchain, investissant dans des crypto-actifs de diverses natures. Il évoque avec nous l’origine de sa démarche.

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PRIVATE BANKING AVRIL 2022

Propos recueillis par S. L.

Felix Hemmerling a confiance dans l’avenir de la technologie blockchain.

Matic Zorman

que nous n’avons plus besoin de ces acteurs, si ce n’est pour un prêt immobilier. Et encore, je suis persuadé que la blockchain apportera des solutions à ces besoins d’ici quelques années. Je compare volontiers ce qu’est la technologie blockchain aujourd’hui à ce qu’était internet au début des années 2000. Investir au départ de cette technologie, dans un protocole particulier, est une démarche similaire à celle d’une personne qui aurait décidé d’investir dans Amazon à ses débuts. Nous allons au-­ devant de changements importants, avec de nouvelles opportunités que l’on peut accompagner. S’il existe de plus en plus de plateformes permettant à tout le monde d’aborder le monde de la crypto, la technologie elle-même est encore difficilement accessible pour les personnes qui ne sont pas douées pour les technologies. Les interfaces et les démarches restent difficiles à appréhender pour celui qui ne prend pas le temps de s’informer. Les cryptos, cependant, offrent désormais de nombreuses possibilités, permettant aux investisseurs d’envisager diverses stratégies. L’exposition au risque peut considérablement varier selon la nature du crypto-­actif. En investissant dans des stablecoins, dont les courbes n’évoluent pas en dents de scie comme d’autres crypto-actifs, on peut aujourd’hui espérer un return de 15 à 20% par an. D’autres actifs, suivant d’autres protocoles, peuvent générer des retours bien supérieurs, de l’ordre de 100% ou parfois beaucoup plus. Comme pour toute classe d’actifs, investir dans les cryptos implique de procéder à partir d’une stratégie, selon les classes d’actifs ­envisagées. Personnellement, je ne fais pas de trading. J’investis suivant des perspectives à moyen et long terme, avec divers horizons ­d’investissement, à six mois, un an, ou beaucoup plus éloignés. Il est aussi important ­d’adopter une démarche active et de suivre régulièrement ses investissements pour évaluer ses positions et son exposition au risque, sans quoi on peut aussi se brûler les ailes.

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C’est en juin 2017 que j’ai pour la première fois investi dans des cryptomonnaies. J’ai ouvert un compte sur la plateforme Kraken, dont l’interface était à l’époque très «rudimentaire», et j’ai acheté du bitcoin et de l’ethereum. C’est principalement la technologie et les possibilités qu’elle offre qui m’ont intéressé et m’ont amené à investir dans les cryptos. En 2016, j’ai commencé à suivre de près les développements autour de ce que l’on appelle le web3, avec l’émergence d’organisations autonomes décentralisées. Après avoir approfondi le sujet, j’ai souhaité prendre une part plus active à cette révolution, en travaillant avec cette technologie, notamment pour gérer mes actifs. Rapidement, j’ai commencé à investir directement dans la blockchain, en détenant mon propre portefeuille sans passer par les différentes plateformes centralisées qui permettent d’effectuer des transactions. Aujourd’hui, l’ensemble de mon patrimoine financier personnel (autrement dit tout ce qui ne se trouve pas dans Kodehyve) se trouve sur la blockchain, investi dans des actifs de diverses natures. Les cryptos, selon les protocoles proposés, permettent aujourd’hui d’adopter diverses stratégies d’investissement. On peut acheter des actifs dans une perspective à moyen et long terme, suivant une démarche spéculative, en espérant qu’ils prendront de la valeur avec le temps. On peut aussi acheter des actifs dont le protocole assure régulièrement un return automatique, comme dans une démarche de prêt de liquidité. Depuis mi-2020, j’investis aussi dans des NFT. Si, par le passé, je faisais du trading au sens traditionnel du terme, en travaillant avec une banque, j’ai arrêté dès 2018. Investir dans la crypto relève avant tout, pour moi, d’un état d’esprit. J’ai confiance dans l’avenir de la technologie blockchain ainsi que dans les principes qui la sous-tendent. Ma démarche d’investissement participe à soutenir son émergence. J’ai, aujourd’hui, davantage confiance dans la technologie, sa capacité à rassembler les acteurs, que dans une banque. J’invite d’ailleurs chacun à être moins sceptique vis-à-vis de la crypto et à s’interroger davantage sur le rôle des banques, leur utilité. Avec la technologie blockchain, je suis personnellement persuadé


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L’indépendance. Une des clés pour être à l’avant-garde de l’investissement.


Interview Pierre Etienne

« Le pays fait face à un défi de capacité » Dans un contexte géopolitique chamboulé en raison de l’invasion russe en Ukraine, Pierre Etienne, le président du Private Banking Group Luxembourg de l’ABBL, revient sur les défis posés par le Covid, la digitalisation et le besoin de mutualisation d’un secteur soumis – comme d’autres – aux enjeux structurels du pays. 10

PRIVATE BANKING AVRIL 2022


Guy Wolff Photo

Selon Pierre Etienne, les besoins de la nouvelle génération ne sont pas fondamentalement différents de ceux de la old gen' en termes de démarche patrimoniale de banque privée.


Interview Pierre Etienne

Nous vivons actuellement une situation très difficile avec la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine. Quel sera l’impact de cette guerre sur le secteur de la banque privée ? Luxembourg a pu développer un secteur, un métier, un business de banque privée. Ces atouts se renforceront dans le cadre de l’instabilité géopolitique que l’on connaît aujourd’hui, même si les événements sont extrêmement malheureux. Quels sont finalement les atouts de la Place de Luxembourg? Avant toute chose, son triple A – le seul triple A en Europe, avec l’Allemagne. Mais également sa connaissance internationale des choses. Le Luxembourg est capable de s’adresser à des clients de différentes nationalités, domiciles et cultures. Par nature et de par sa taille, le pays est tourné vers l’Europe. Dans un monde qui est davantage chaotique, cette proposition de valeur, de solidité, de stabilité et de connaissance internationale des clients n’en est que plus forte. Qu’est-ce qui vous préoccupe le plus ? La guerre en Ukraine ou le risque inflationniste ? Les deux sont liés. La guerre en Ukraine est un risque géopolitique énorme pour l’Europe, voire pour le monde. Elle amène une pression forte, sur tout ce qui est commodités et énergie, et elle va vraisemblablement induire une inflation. Les deux sont redoutables. Je ne dirais pas que je crains plus l’un que l’autre. Je crains l’un et l’autre, et que l’un alimente l’autre. En ce qui concerne les sanctions en réponse à la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine, les banques sont mises à contribution. La CSSF insiste auprès de l’industrie bancaire sur l’importance d’effectuer une surveillance poussée. Qu’est-ce que cela implique pour les banquiers privés ? Cette surveillance, nous la faisions déjà par le passé. Il y a certains clients avec lesquels nous ne pouvions pas faire des affaires, parce qu’ils se trouvaient soit sur des listes européennes, soit sur des listes américaines que l’on appelle les listes OFAC (pour Office of Foreign Assets Control, dépendant du département du Trésor des États-Unis, ndlr), soit sur d’autres listes. Ce que l’on peut constater aujourd’hui, c’est que la Place ne semble pas travailler, ou travailler extrêmement marginalement, avec des personnes sous sanctions. L’impact des sanctions sur le métier du private banking au Luxembourg devrait être très marginal. Et qu’est-ce que cela implique pour vos clients russes actuellement ? Nos clients russes, soit ils sont sous sanctions – et comme je vous l’ai dit, il n’y en a pratiquement pas –, soit ils ne sont pas sous sanctions et sont restés des clients avec lesquels on peut traiter. Les actifs de la banque privée sont estimés à 500 milliards d’euros. Le secteur se porte bien. Comment la clientèle a-t-elle évolué depuis un an, avec le Covid-19 ? Il y a une évolution, mais elle est relativement lente et dans la continuité de ce qu’on a pu connaître ces 10 dernières années. Les clients avec une surface financière relativement petite ont tendance à ne pas rester à Luxembourg et retournent dans leur pays d’origine. Par contre, le Luxembourg fait preuve d’une force d’attraction de plus en plus forte à l’égard des clients nettement plus fortunés, qui représentent une part de plus en plus importante de notre business. 12

PRIVATE BANKING AVRIL 2022

La crise du Covid a fait que nous ne pouvions plus vraiment rencontrer nos clients, mais ces clients étaient en bonne partie relativement éloignés. 85% des clients sont un peu partout en Europe. Comme nos banquiers ne pouvaient plus facilement prendre l’avion et aller voir leurs clients, d’autres moyens ont dû être mis en œuvre pour garder le contact. Or, nous pensons que le digital pur ne remplacera jamais le contact interpersonnel. C’est ce qui distingue la banque privée du métier de la banque plus retail. Si la Place souhaitait élargir ou attirer plus de capital hors Union européenne, comment devrait-elle s’y prendre ? La Place a déjà pour stratégie d’accompagner les missions économiques du gouvernement ou d’autres acteurs qui, malheureusement, ont été un petit peu mis en veilleuse durant la crise. Peut-on, à partir de Luxembourg, essayer d’attirer des clients du monde entier? Peut-être, mais les efforts à mettre en place sont peut-être démesurés pour les résultats à obtenir. Il faut nous concentrer sur notre core business et sa clientèle naturelle: les clients européens. Le Luxembourg a aussi des concurrents en Europe. Qui sont, d’après vous, les concurrents les plus sérieux ? Certainement la Suisse. Hors de l’Union européenne, la Suisse a une proposition de valeur qui est séculaire en termes de private banking. Au sein de l’Europe, nous avons un avantage compétitif qu’on ne retrouve pas dans d’autres pays, à savoir cette connaissance internationale multidomicile qui nous permet de servir une clientèle européenne dans sa globalité. Cette approche internationale est moins présente dans d’autres places financières continentales. Pourquoi vos prospects devraient-ils choisir le Luxembourg plutôt que la Suisse ? Nos clients, surtout les plus fortunés, n’optent pas nécessairement pour l’un ou l’autre domicile, mais souvent pour les deux. Certains clients relativement fortunés ne mettent pas – comme on le dit traditionnellement – tous leurs œufs dans le même panier. Ils ont envie d’avoir une partie de leurs actifs en Europe, dans la zone euro – et donc, là, on les trouvera souvent au Luxembourg –, une autre partie en Suisse, et peut-être une autre encore en Asie également. Parlons de la next gen’... Les banques privées de la Place sont-elles prêtes à servir les besoins de cette nouvelle génération ? Il y a une mue qui se fait pour s’adresser davantage à cette nouvelle clientèle grâce, notamment, à la digitalisation. Quant aux services que nous devons proposer, si cette nouvelle génération s’inscrit dans une démarche patrimoniale de banque privée, de gestion d’actifs, je ne suis pas persuadé que ses besoins soient fondamentalement différents de ceux de la old gen’. Est-ce que vous risquez de perdre du business face aux Gafa, qui sont en train de préparer de nouvelles plateformes ? Aujourd’hui, ce sont des plateformes qui s’assimilent plutôt à des plateformes de banque retail, et pas tellement des plateformes de gestion d’actifs, de gestion patrimoniale, et de connaissance des clients. La banque privée est peut-être un petit peu moins exposée aujourd’hui à la concurrence des Gafa que ne l’est la banque retail. Un Gafa aura plus de

BIO EXPRESS Président du PBGL Très investi dans le développement de la place financière, et tout particulièrement de l’activité de banque privée, Pierre Etienne est devenu en 2015 président du PBGL, et en 2020 vice-président du conseil de l’ABBL. Managing director Membre du comité de direction de Pictet & Cie (Europe) SA depuis 2002, il a rejoint également, sept ans plus tard, le comité de direction de l’activité Asset Services du groupe à Genève. Puis, en 2010, il a été nommé managing director de Pictet Luxembourg. Avant de rejoindre Pictet, il a occupé ­plusieurs postes de direction, dont celui de responsable des finances et des opérations à la banque Fortis au Luxembourg, et celui de directeur de l’e-banking à la Banque Générale du Luxembourg. Études De nationalité belge et luxembourgeoise, Pierre Etienne est titulaire d’un diplôme d’ingénieur civil et de mathématiques appliquées de l’Université catholique de Louvain et d’un MBA en finance de la Chicago Booth School of Business.


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Interview Pierre Etienne

difficultés à établir cette connaissance intime du client, cette relation basée sur la transparence, sur la confiance, et à offrir des plateformes de gestion d’actifs qui soient suffisamment performantes et tailor-made pour le client. Êtes-vous vraiment sûr de cela, au vu de tous les data points qu’ils ont sur les personnes qui utilisent internet ? Ce n’est pas cela qui va donner confiance aux clients. Pour moi, il y a une dimension de confiance, de connaissance de la vie du client qui ne sera pas suffisamment connue au travers de data points. Il y a un pan entier, qui est un pan peut-être plus soft, qui ne sera pas capturé par les data points et les Gafa. Je peux me tromper, mais on est dans un univers où les relations interpersonnelles sont tellement importantes que je doute que, pour le monde de la banque privée, les datas points et les Gafa puissent se substituer au banquier privé. Par rapport aux plateformes d’investissement numériques, vous n’avez pas peur qu’à un moment, les gens basculent et décident de passer plus par des plateformes que par le banquier privé ? Pas les personnes avec une surface financière relativement importante. Je ne le crois pas. J’ai l’intime conviction qu’une personne avec une surface financière importante, un patrimoine important, varié, souvent familial, ayant une vision transgénérationnelle, aura besoin de plus qu’une machine pour lui dire dans quoi investir. Ceci étant, ces plateformes peuvent être un outil qui aide le banquier privé dans sa gestion d’actifs. Je ne crois pas que ces plateformes constituent une concurrence dans le cadre du client typique de la banque privée. Cela pourrait être une aide, mais pas une ­concurrence. Selon le World Wealth Report de Capgemini de l’année dernière, 72 % des personnes fortunées (HNWI) qui ont répondu ont investi dans des cryptomonnaies, et 74 % dans d’autres activités numériques. Est-ce une tendance qui va continuer ? Je n’ai pas de boule de cristal. Nos clients investissent un peu, mais de façon très modérée, dans la cryptomonnaie. Donc, ces chiffres, je ne peux pas les constater sur la place financière. À partir du moment où on investit un demi pour cent de sa fortune dans les cryptomonnaies, pour moi, c’est tellement marginal que ce n’est rien. Il n’est pas impossible que, dans le cas du flight to quality, un certain nombre de clients se retirent de ce type d’actifs extrêmement volatils pour retourner dans les actifs un peu moins volatils, et réputés comme étant moins risqués. Je ne suis pas persuadé que, dans une démarche patrimoniale, les cryptomonnaies auront le vent en poupe suite aux problèmes géopolitiques. Par contre, le fait que les cryptomonnaies soient peut-être utilisées pour contourner certaines réglementations ou sanctions, c’est autre chose, qui n’est pas acceptable. Mais là, on n’est pas dans une démarche patrimoniale. La digitalisation a eu une énorme poussée depuis le Covid… Quelles sont les pistes que le secteur doit envisager en termes de partenariat avec des fintech pour proposer des solutions plus innovantes ? Il est très difficile de développer des nouvelles technologies, des technologies digitales, à l’intérieur des banques, dont les enjeux informatiques sont plutôt la plateforme bancaire. Je crois fortement que les banques devraient davantage s’appuyer sur des initiatives fintech, que ce soit au Luxembourg 14

PRIVATE BANKING AVRIL 2022

«Les clients avec une surface financière relativement petite ont tendance à ne pas rester à Luxembourg.» PIERRE ETIENNE Président Private Banking Group Luxembourg de l’ABBL

ou ailleurs, pour des enjeux qui sont davantage digitaux. Pour plusieurs raisons, dont la première est la coexistence parfois difficile des deux mondes tech à l’intérieur des banques. La deuxième raison est que nous avons tous les mêmes enjeux et les mêmes besoins. Les traiter tous en interne est extrêmement coûteux, et pas nécessairement très efficient. Il serait sans doute plus intéressant de recourir à des plateformes externes, qu’on mutualiserait finalement d’une façon ou d’une autre. Quant au futur de la Place, quel est l’enjeu qui vous préoccupe le plus ? Le pays a une proposition de valeur extraordinaire, mais nous avons un enjeu plus structurel, qui est un défi de capacité. La Place est finalement petite en termes de capacités et de ressources, par rapport à ces enjeux et son terrain de chasse, l’Europe. Il n’est pas nécessairement facile d’attirer des talents. Au-delà même de la connaissance de la place financière, on a un enjeu de nation branding, de faire savoir que le Luxembourg est un chouette pays, très international où il fait bon vivre. L’autre enjeu, c’est la mobilité. Avec la fin de la pandémie, on va retrouver les embouteillages qui existaient avant, et qui dégradent terriblement la qualité de vie de pas mal de collaborateurs. Plus de 60% des collaborateurs du secteur de la place financière sont des frontaliers. En outre, l’immobilier est devenu extrêmement cher. Une jeune personne, même compétente et relativement bien payée, qui s’installe au Luxembourg aura énormément de difficultés à habiter à Luxembourg-ville ou dans ses environs. Quels sont les talents spécifiques de la banque privée dont le pays manque ? Il nous faut de bons commerciaux. La construction d’une relation de confiance avec le client passe par un commercial avec de fortes valeurs humaines, une bonne connaissance générale de son métier, et culturellement proche de son client. Un peu caricaturalement dit, on ne peut pas demander à un commercial italien d’aller démarcher en Finlande. Il est important qu’il y ait un fit culturel, un fit linguistique, etc. Il nous faut importer ces compétences. Ce n’est pas facile, et pourtant, c’est un must absolu. Ces compétences, soit il faut les importer, soit il faut les fabriquer. Aujourd’hui, à l’Université du Luxembourg, la production de nouvelles compétences n’est pas suffisante par rapport à la croissance du pays. Ça peut dégénérer en une guerre des prix et des talents. On risque de se débaucher les talents avec une inflation des salaires qui sera mauvaise pour la profitabilité du business et de la place financière. Interview NATHALIE REUTER

LES AXES DE DÉVELOPPEMENT DU PBGL 1er axe les talents La Place est petite par rapport à son terrain de chasse. Un premier enjeu est de trouver les bonnes compétences pour faire face aux défis d’aujourd’hui et de demain. 2e axe nation branding Un deuxième enjeu fondamental est de faire connaître davantage en Europe la valeur ajoutée du Luxembourg et du métier de private banking à Luxembourg. 3e axe l’écosystème financier Le PBGL souhaite participer davantage à l’écosystème financier luxembourgeois, qui est composé de banques, d’assurances, de family offices, de fintech, etc. 4e axe la réglementation La réglementation est la même pour tous les acteurs du monde financier. Les sujets réglementaires sont donc une priorité à l’agenda du Private Banking Group Luxembourg.


WE PUT SUSTAINABILITY AT THE HEART OF YOUR STRATEGY Martin KIRSCH

Activmandate Green is a theme focused investment which aims for long-term portfolio appreciation while contributing to sustainable development goals. SPUERKEESS.LU/activmandate-green

Banque et Caisse d’Epargne de l’Etat, Luxembourg, établissement public autonome 1, Place de Metz, L-1930 Luxembourg, R.C.S. Luxembourg B30775


BRAND VOICE

Olivier Beghin, Head of Private Banking at Banque Havilland.

Business transfers

Entrepreneurial private banking Content sponsored by BANQUE HAVILLAND

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APRIL 2022

According to a study by Deloitte and EU statistics from 2017 to 2020, an estimated 60% of business owners in Europe have no concrete plans for how their business will be handled after they move on, with only one in ten having clear plans. Just a quarter have a management continuity plan. Given that around 85% of companies in Europe are familyowned, this represents a substantial challenge, all the more so, as a quarter of ownermanagers are over 60 years

of age. Each year in the EU, there are about 100,000 merger and acquisitions transactions concerning family-owned businesses. Few have succession plans Matters such as whether the business will be inherited by a family member or sold as a going concern need to be assessed and planned for well in advance. However, many entrepreneurs prefer to focus on their passion for growing their businesses, with considerations of

Eva Krins / Maison Moderne

It is important for private bankers to have deep understanding of each of their clients’ personal outlooks and life goals. Understanding this helps to embed agility into the relation­ ship, enabling appropriate action to be taken at the right time. This might be reacting to fast-paced market events, or building a long-term wealthmanagement strategy. In particular, planning for the retirement of the ownermanagers of small and mediumsized businesses is a live issue.

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Banque Havilland’s entrepreneurial thinking sets it apart. This translates into private banking services that appeal to business owner-managers.


how this relates to their private life often taking second place. To a large extent, this is because questions of succession planning are complex and may not appeal to entrepreneurs who specialise in other business areas. As well as such matters not being their core business, managing the different personal dimensions of cross-border family life can be a tough challenge. “We get to know our clients to understand their financial and personal situations, and offer them tailormade solutions that work best for them,” Olivier Beghin, Head of Private Banking at Banque Havilland explains. “Banque Havilland is privately owned, ensuring we have the entrepreneurial DNA of our ultimate shareholder, David Rowland,” he adds. “Through his own experience, Mr Rowland saw that banks could do more to meet their clients’ aspirations.” Since acquiring a banking operation in Luxembourg in 2009, Banque Havilland has grown beyond its headquarters, and now has offices in London, Monaco, Liechtenstein, Dubai, Geneva and Zürich. An entrepreneurial bank The result is an independent, agile, cross-border-focused, private boutique bank that understands the entrepreneurial mindset. “Our clients recognise us as their trusted advisors, and know that we will go further to help them meet their needs. This is thanks both to our internal expertise and

« We get to know our clients to understand their financial and personal situations » Olivier Beghin, Head of Private Banking at Banque Havilland

our relationships with best-inclass external providers,” said Mr Beghin. This is where Banque Havilland is uniquely placed to help entrepreneurs make plans for the future phases of their lives, either in terms of passing the business on or converting this professional wealth into private capital. Their businesses might have operations in several countries. Managing the financial affairs of family members at different stages of their lives is a further challenge, particularly when they are likely to be living inter­ national lives. Preparation is also required to ensure effective inheritance planning in line with the client’s wishes. “Our approach is to start with a full review of clients’ net worth, taking a 360-degree assessment,” explained Mr Beghin. “This gives us the foundation from which we can understand clients’ situations and their goals, which enables us to suggest ways for them to position themselves and then provide the solutions they need,” he added. “As well as bringing our expertise to bear, we coordinate with external experts, such as lawyers and notaries, whom the client may already know, or we have introduced to them.” Selling, reinvesting, living When it comes to selling the business, for example – be it an acquisition by a third party or a management buy-out – the different options and methodologies are set out. After the transaction is completed, Banque Havilland helps to implement plans regarding the newly realised capital. This can be reinvestment in portfolios with different strategies and time horizons, or it could be about enjoying this wealth in a tax-efficient fashion. The newly retired entrepreneur might want to enjoy the wealth they have spent their life creating, with the acquisition of new real estate property, investments in art works, purchasing a boat

or whatever appeals to the client’s personal interests. Many wealthy people also like to devote themselves to pro­moting good causes, and Banque Havilland helps clients to create philanthropic structures that maximise effectiveness. Inheritance also needs to be addressed. Securing the financial well-being of the family is a key retirement goal, made difficult by the often complex nature of modern ways of living. For example, children might live in different countries and be on a variety of career and relationship trajectories. The younger generation also tends to have concerns that investments should be made in a sustainable fashion. Banque Havilland has the know-how to integrate different levels of ESG consideration into portfolios. Tools available include the creation of foundations, life insurance and other inheri­ tance options, holding com­ panies, dedicated investment funds and more. Finding the right mix of these is a highly personal set of decisions that lead to a tailor-made solution that works for each family. Then digital tools are used to keep everyone aware of the situation in the estate over time and in the face of changing circumstances. “We like to speak of engin­ eering clients’ wealth and heri­ tage; providing the strategic advisory support and technical assistance to help them make the right decisions and then putting plans into action,” said Mr Beghin. “Banque Havilland being a boutique, entrepreneurial operation ourselves means we have short lines of communication to facilitate quick, smart decision-making to the full benefit of our clients,” he added.

60% of business owners in Europe have no concrete plans for how their business will be handled after retirement.

11% of owner-managers have clear succession plans, but only 24% have a management continuity plan.

85% of companies in Europe are family-owned, and a quarter of ownermanagers are aged over 60. Each year in the EU, there are about 100,000 merger and acquisitions transactions involving family-owned businesses.

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APRIL 2022

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Dossier

Le grand défi : la next gen’

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PRIVATE BANKING AVRIL 2022


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Marielle Voisin

Attention au « thank you, next »…

Super connectée, bien informée, exigeante, préoccupée par les questions environnementales et sociales, la next gen’, ces millennials nés entre 1980 et 2000, défie les banquiers privés qui doivent s’adapter à ses besoins et attentes au risque d’être remplacés. Tout comme les amants dans le tube d’Ariana Grande ‘Thank you, next’. Le numérique et la recherche de sens sont au cœur de tous les enjeux. En 2025, la majeure partie des actifs à investir sera détenue par cette nouvelle génération de HNWI. Les banques privées doivent donc s’équiper pour accompagner au mieux les différents types et profils de clients qui s’adressent à elles. Les investissements durables ne peuvent dorénavant plus être enlevés de l’équation. Bien au contraire, les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance font bon ménage avec ceux de recherche de rendement et de performance en jouant un rôle de plus en plus grand dans les stratégies d’investissement des clients des banques privées. Et peu importe l’âge de ces derniers, le canal préféré des investisseurs sera l’application mobile du fournisseur. Contrairement à une loyauté sans faille des baby-boomers, la next gen’ n’hésite pas à changer de conseiller. Tout le challenge du secteur de la banque privée est donc d’entendre des « thank you » tout court.


Dossier

Un bond en avant, des défis à l’avenant Le modèle luxembourgeois de banque privée séduit les clients fortunés à la recherche d’un environnement stable et de solutions de gestion patrimoniale adaptées à la complexité de leurs besoins. État des lieux d’un secteur en pleine croissance, mais qui ne peut certainement pas se reposer sur ses lauriers. ÉVOLUTION DES ACTIFS SOUS GESTION DE LA BANQUE PRIVÉE AU LUXEMBOURG De 2007 à 2020, en milliards d’euros Source Clarity on performance of Luxembourg private banks, KPMG-ABBL 2021

600 milliards €

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395

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Conjoncture

«La pérennité des banques qui n’ont pas une masse critique suffisante n’est pas assurée. Personnellement, j’estime ce seuil à un minimum de 10 milliards d’euros d’actifs sous gestion.»

Au Luxembourg, la banque privée ne connaît pas la crise. Les chiffres sont là pour le ­prouver. Avec 508 milliards d’actifs sous gestion en 2020, le secteur n’en finit pas de repousser les limites. « De ce point de vue, on peut effectivement dire que le secteur se porte très bien. Depuis le Brexit et le départ de Londres, le Luxembourg est devenu le premier centre de banque privée de l’Union européenne, constate Luc Rodesch, head of private banking de la Banque de Luxembourg. Cette croissance est le résultat du développement commercial de notre activité, mais il ne faut pas se voiler la face, une bonne partie de cette progression LUC RODESCH Head of private banking s’explique aussi par les excellentes perfor- Banque de Luxembourg mances des marchés boursiers au cours de ces dernières années. Cet effet positif a également permis de compenser l’érosion de la marge de rentabilité des banquiers p ­ rivés. » Avec la fin du secret bancaire, certains aux besoins actuels des clients, en tenant prédisaient un avenir morose pour le secteur compte de l’environnement toujours plus de la banque privée au Luxembourg. Force complexe dans lequel nous évoluons, la pérenest de constater que le secteur est parvenu à nité des banques qui n’ont pas une masse se réinventer en s’adressant à une nouvelle ­critique ­suffisante n’est pas assurée. Personclientèle, plus fortunée. « Tous les moyens ont nellement, j’estime ce seuil à un minimum été mis en place pour permettre à la banque de 10 milliards d’euros d’actifs sous gestion », privée de trouver un nouveau souffle, mais confie Luc ­Rodesch. aussi de s’émanciper, résume William Telkes, La pression sur les marges est donc head of private banking au sein de la Banque aujourd’hui au centre de toutes les attentions. et caisse d’épargne de l’État. Aujourd’hui, on Le phénomène est commun à toutes les constate que le marché est devenu très concur- banques privées, et pas seulement au Luxemrentiel. De nombreux acteurs se positionnent. bourg. Il s’explique notamment par l’érosion Il faut donc toujours rester innovant, suivre de la marge d’intérêt, que ce soit sur les dépôts les tendances actuelles pour mettre à la dispo­ ou les crédits. « Vient ensuite la transparence sition de nos clients les services et les solutions sur les tarifs, détaille Luc Rodesch. Depuis qu’ils attendent. » Mifid, les banques doivent communiquer de façon formelle sur tous les tarifs appliqués. Pression accrue sur les marges À la suite du Brexit, le Luxembourg est ­apparu comme une des destinations privilégiées des banques privées basées au Royaume-Uni. C’est ainsi que, depuis 2018, le pays a enregistré l’arrivée de J.P. Morgan Bank, Goldman DES ACTIFS SOUS GESTION Sachs ou encore Citibank Europe. Mais d’autres TOUJOURS EN HAUSSE institutions, comme l’italienne Fideuram ou la brésilienne Itaú, ont suivi la même route. Cette concentration des meilleurs acteurs au Luxembourg donne une réelle crédibilité à Depuis 2008, la croissance annuelle la place financière et contribue de manière moyenne des AUM a été de 7 % car, significative à la croissance des actifs sous après un plateau entre 2015 et 2017 gestion (AUM). (+ 1,7 % par an), le taux d’augmentation s’est accéléré pour atteindre 13,4 % Malgré ces arrivées importantes, le nombre par an entre 2018 et 2020. net de banques privées au Luxembourg – en tenant compte des fusions, liquidations et nouveaux entrants – a diminué de 18 % entre 2015 et 2020. Il est d’ailleurs fort probable Les grandes banques, que ce soit par que cette tendance à la baisse se poursuive croissance organique ou au travers à l’avenir. Cette diminution peut s’expliquer d’acquisitions, contribuent environ à 90 % de l’augmentation des AUM enregistrée par un certain nombre de facteurs, dont la en 2020. Les plus grandes banques nécessité pour les banques privées d’avoir privées, celles qui ont plus de 20 milliards une masse critique plus importante en termes d’euros d’actifs sous gestion, représentaient environ 47 % des actifs sous gestion, d’actifs sous gestion. « Vu les investissements tandis que les petites banques, avec nécessaires pour pouvoir se doter d’une offre moins de 5 milliards d’euros d’actifs sous de services, mais aussi d’outils, qui c­ orrespondent gestion, n’en représentaient que 9 %.

7%

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Mike Zenari (archives)

90 %

Enfin, et ce point est plus spécifique au Luxembourg, l’évolution de la structure de la clientèle a également un impact sur le rendement. » Selon les derniers chiffres de l’ABBL, les clients dont les actifs sont supérieurs à 30 millions d’euros représentent aujourd’hui 58 % de ce total de 508 milliards d’euros d’actifs sous gestion au Luxembourg. En 2011, ce même segment ne représentait que 41 % de la clientèle. « Inutile de préciser qu’un client de 30 ou 100 millions d’euros est un peu moins rentable que les clients à surface financière plus réduite», ajoute le head of private banking de la Banque de Luxembourg. Aujourd’hui, le marché luxembourgeois de la banque privée est confronté à une multi­ tude d’évolutions, dont le dénominateur ­commun est l’accroissement de la ­complexité. « Ce constat vaut pour les marchés financiers, mais aussi pour les contraintes réglementaires qui encadrent aujourd’hui le conseil en ­investissement, constate Luc Rodesch. On parle de Mifid, mais cette complexité s’étend à d’autres domaines comme l’encadrement des financements immobiliers transfrontaliers, ce que l’on appelle la Mortgage Credit Directive, l’investissement durable, la protection des données, la lutte contre le blanchiment d’argent, les risques de cybercriminalité… La liste est longue. Évidemment, ce phénomène constitue une menace, mais il s’apparente également à une opportunité. Le client fortuné, surtout celui qui évolue dans un contexte international, est de plus en plus perdu face à cette multitude de dimensions à prendre en compte. Et, aujourd’hui, il apprécie à sa juste valeur le conseil d’un ­banquier privé, qui le prend par la main et ­l’accompagne. » Dans ce contexte, les banquiers privés constatent un intérêt croissant de la part des clients pour la gestion discrétionnaire, aussi appelée gestion sous mandat. Une autre tendance très actuelle, déjà évoquée, tient à l’avènement de la finance durable. Les clients de banque privée souhaitent aujourd’hui combiner rendement financier AVRIL 2022 PRIVATE BANKING

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Dossier Conjoncture

pour leur patrimoine et impact social et environnemental. «Afin de solidifier notre position sur marché, nous veillons donc en permanence à renouveler et améliorer nos solutions, confie William Telkes. Plusieurs générations de clients se côtoient désormais. Bien identifier leurs besoins et leur apporter des réponses est essentiel. Pour donner un exemple, nous avons ­lancé, en novembre dernier, une nouvelle offre de ­gestion discrétionnaire en mode green. Pour une partie de la clientèle, l’investissement doit s’accompagner d’objectifs ESG. L’idée est donc d’aller à la rencontre de ces nouvelles tendances tout en se différenciant. » Le plus grand transfert de richesse de l’Histoire Au rayon des opportunités notables, ­l’ensemble du secteur se prépare à ce que l’on appelle « le plus grand transfert de richesse de ­l’Histoire». Au cours de ces prochaines années, une très grande partie de la richesse actuellement possédée par les baby-boomers, les personnes nées entre 1945 et 1964, passera entre les mains des générations suivantes. « Cette phase de transmission représente un enjeu colossal. Les familles fortunées, essentiellement en Occident, ont créé et accumulé un énorme patrimoine. Dans la presse, on a pu lire le chiffre de 30.000 milliards de d ­ ollars, rappelle Luc Rodesch. Le défi consiste à aider ces clients à organiser la transmission de leur patrimoine à la génération suivante. Au-­delà du patrimoine financier, cela touche à l’immobilier ou encore à l’entreprise familiale. Or, aujourd’hui, ce patrimoine est souvent réparti sur plusieurs pays. Les futurs héritiers habitent dans différents pays et la famille recomposée est plus souvent la règle que l’exception. Tenant compte de ces ­éléments divers, on constate que l’équation est devenue très complexe. » Aussi, ce changement de génération ­s’accompagne de nouvelles attentes digitales. « Les nouvelles générations sont habituées au fait d’évoluer dans un univers toujours plus connecté. Cela ne signifie pas que le volet humain doit être délaissé. Il reste le cœur de notre métier. Le succès d’une activité de banque privée résidera toujours dans la qualité de la relation entre le client et son conseiller, rappelle ­William Telkes. L’aspect digital est un complément. Il permet de faciliter certains flux d’informations, certains échanges. Il offre aussi plus de transparence vis-à-vis du client et vient donc solidifier le rapport de confiance. » Mieux informé que par le passé, le client attend un niveau de services toujours plus élevé, et le banquier privé est obligé de s’adapter. « Nos clients, jeunes ou moins jeunes, ont désormais l’habitude de passer commande sur Amazon, d’écouter de la musique sur Spotify, de planifier leurs vacances sur Booking.com ou Airbnb. Ils attendent, et c’est légitime, le même niveau 22

PRIVATE BANKING AVRIL 2022

RÉPARTITION DES ASSETS CLIENTS PAR PAYS Source

ABBL’s Private Banking Cluster

10 %

21 %

Luxembourg

Reste du monde

5%

Multiassets

17 %

Pays voisins

47 % Autres (EU)

son épingle du jeu sur le marché européen. Reste à maintenir le cap. « La qualité globale du service offert reste un critère prépondérant pour nos clients, explique Claude Hirtzig, head of retail & private banking department de la Banque et caisse d’épargne de l’État. Nous sommes toujours très proactifs pour implé­ menter de nouvelles réglementations, répondre aux nouvelles exigences. Nous disposons par ailleurs d’un large éventail de compétences, en interne comme en externe, ce qui permet d’apporter de véritables réponses aux nombreuses questions que se posent les clients. Tout cela fait que la Place reste très attractive. » Ces dernières années, l’image de la place financière luxembourgeoise à l’étranger a, elle aussi, progressé. «Le Luxembourg a clairement démontré qu’il était un partenaire fiable, pas seulement sur le plan européen, mais aussi au niveau international. Nous vivons et travaillons dans un pays ouvert et dynamique, qui Proactivité et transparence s’est engagé de manière constructive dans toutes Parmi les nombreux défis auxquels sont les discussions au sujet de la transparence confrontées les banques privées luxembour- ­fi scale, mais également de la lutte contre le geoises, la capacité à attirer, former et c­ onserver blanchiment d’argent », relate Luc Rodesch. des professionnels hautement qualifiés est Bien décidé à prendre à bras-le-corps les essentielle et se trouve au cœur même de la nombreux challenges qui se profilent, le ­secteur stratégie commerciale. Si la lutte pour les a encore de beaux jours devant lui. talents n’a rien de nouveau, le processus de transformation que connaissent actuellement les banques et l’évolution rapide des technologies compliquent la donne. Malgré les nombreux challenges à relever, le secteur de la banque privée reste optimiste. Au fil du temps, le Luxembourg, notamment grâce à sa stabilité exemplaire, a réussi à tirer Auteur M. P. de confort dans leurs interactions digitales avec leur banquier privé», précise Luc Rodesch. Le défi est de taille. Les effectifs du secteur de la banque privée luxembourgeoise ont diminué de manière significative depuis 2015, avec un recul de 7,7%. L’évolution de la clientèle, avec une part toujours plus importante de clients fortunés, voire très fortunés, dans le volume global des actifs, implique qu’il faut moins de gestionnaires de patrimoine. Par contre, ceux-ci doivent être toujours plus qualifiés. Par ­ailleurs, à la lumière de la pression réglementaire ­renforcée, le besoin de ressources dans les domaines de la conformité, de la gestion des risques et de l’audit interne n’a fait qu’augmenter. La demande étant supérieure à l’offre, les rémunérations offertes pour ces postes ont augmenté, mettant encore la pression sur la rentabilité des banques privées.



Dossier

Une génération plus digitale La next gen’ est une génération bien ancrée dans son époque. Une époque où tout va très vite et où les nouvelles préoccupations environnementales et sociales occupent une place prépondérante, particulièrement lorsqu’il est question d’investir de l’argent. Elle se démarque également par sa forte appétence pour les nouvelles technologies et le digital, avec lesquelles elle a grandi. «Le digital constitue d’ailleurs un moyen de créer une proximité avec la next gen’. Il faut aussi garder en mémoire le fait que les millennials ont souvent constitué leur patrimoine d’une manière et à une vitesse différentes de celles des générations précédentes», explique Georg Joucken. L’étude Wealth and 24

PRIVATE BANKING AVRIL 2022

Marielle Voisin

En 2025, 75 % des actifs à investir seront détenus par les millennials, ces personnes nées entre 1980 et 2000. Quelle légitimité la banque privée a-t-elle encore aujourd’hui face aux besoins de cette nouvelle clientèle exigeante et dans un cadre de marchés de plus en plus concurrentiel ?

C’est le transfert de fortune intergénérationnel le plus important de l’Histoire qui est en train de se jouer sous nos yeux. Les baby-­boomers, nés entre 1946 et 1964, s’apprêtent en effet à léguer à la génération future, celle des millennials, la richesse accumulée durant cette période dorée du capitalisme. Cette « nouvelle génération », qui concentre à elle seule plus de la moitié des actifs à investir, détiendra, d’ici 2025, 75% de cette richesse. Neuf millionnaires sur dix seront issus de cette génération Y, celle des millennials. D’ici moins de 25 ans, 36.000 milliards de dollars pourraient ainsi passer d’une génération à l’autre. Pour la banque privée, l’enjeu est donc de taille : il faut parvenir à attirer, mais aussi à fidéliser, cette nouvelle clientèle, toujours attentive à la rentabilité de ses investissements, mais aussi plus exigeante et exprimant de nouveaux besoins en termes de gestion financière. « Nous savons, par exemple, que 90 % des millennials consultent leur smartphone dans les 15 minutes qui suivent leur réveil. Ou que 88 % d’entre eux effectuent leurs opérations bancaires en ligne. Dans ce contexte, l’un des plus grands défis qui se posent à nous est de reconsidérer l’approche utilisée jusqu’à présent avec la génération de leurs parents, explique Georg Joucken, head of private banking au sein de Banque Raiffeisen. Tout l’enjeu est d’être capable d’entrer en interaction avec cette nouvelle génération qui a de nouvelles attentes et préoccupations, puis de l’intéresser. Il faut leur proposer de nouveaux canaux de communication et adapter l’offre de produits et services, tout en tenant compte du fait qu’ils ont une certaine défiance vis-à-vis de certaines institutions. Concernant les questions financières, ils sont sans doute la génération la moins expérimentée. Mais ils accordent néanmoins beaucoup de confiance à la technologie qui les accompagne tout au long de leur journée. Il est donc impératif de leur proposer non seulement des produits financiers adaptés à leurs attentes, mais aussi des conseils personnalisés ainsi que des outils et des canaux de communication qui leur correspondent. »

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Les millennials, un défi majeur pour les banques


Nouvelle génération

Asset Management 4.0, commanditée par Deloitte, illustre cette nouvelle réalité à laquelle est soumis le secteur de la banque privée. 40% des investisseurs qui ont répondu à cette enquête pointent ainsi l’accès au numérique comme une priorité plus importante. Interrogés sur leur canal de communication préféré à l’avenir, neuf millennials sur dix ont également affirmé que ce sera le smartphone. Dans ce contexte, il est essentiel pour les banques d’adapter leur offre afin de répondre à ces nouvelles attentes. « C’est la raison pour laquelle, au sein de Banque Raiffeisen, nous offrons des produits et services tels que P ­ ayconiq (application sécurisée permettant de transférer de l’argent, payer en ligne, s’acquitter du paiement de factures, payer dans les commerces et restaurants via son smartphone, ndlr), Luxtrust Mobile (solution gratuite et pra­tique permettant de réaliser des démarches online via son smartphone, ndlr), la gestion courante de son compte bancaire via R-Net, etc.», détaille Georg Joucken, qui précise que, malgré ces innovations technologiques et ces nouveaux services sécurisés, Banque Raiffeisen reste fidèle à sa philosophie de banque ­coopérative à caractère humain. Le rôle éducationnel de la banque Une autre tendance de la next gen’ est qu’elle est composée d’investisseurs peu expérimentés qui conservent en moyenne 52 % de leur épargne en espèces (contre 23 % pour les autres groupes d’âge). « Pour nous, il est donc important de fournir plus que des produits financiers, mais aussi de participer à l’éducation financière des jeunes clients concernant les stratégies d’investissement et de planification qui leur correspondent. Nous insistons dès lors sur l’accompagnement que nous pouvons leur offrir aux moments-clés de leur vie, ainsi que sur la transparence de nos produits et services. Ainsi, nous ne proposons que des services et produits qui permettent une bonne diversification des avoirs », explique le head of private banking de Banque Raiffeisen, qui

POURQUOI LES MILLENNIALS SE TOURNENT VERS UN CONSEILLER FINANCIER Une étude menée par LendEdu, un comparateur de produits financiers, a cherché à découvrir les raisons qui poussaient les millennials à se tourner vers un conseiller financier plutôt que vers un robot-conseiller.

la durabilité et l’investissement responsable, ce qui répond également aux attentes des millennials », explique Georg Joucken, qui souligne l’importance d’investir avant tout en fonction du profil de risque et selon les préférences durables de chaque investisseur, quel que soit son âge.

Plus d’appétit pour l’ESG, vraiment ? Si la recherche de rendement reste évidem3,86 % ment l’une des priorités pour la nouvelle Excellente génération, désormais, celle-ci ne se fait plus efficacité fiscale 9,01 % à n’importe quel prix. « Les investisseurs de la Contact humain / next gen’ sont également à la recherche d’intechnologie vestissements qui ont un impact», assure Georg Joucken. Toutefois, contrairement aux idées reçues, si l’on en croit l’enquête Wealth and 17,6 % Accessibilité Asset Management 4.0, investir pour le bien 24 h/24, 7 j/7 53,65 % social ou environnemental n’est pas l’apanage Facile de des millennials. En effet, 32% des baby-­boomers se lancer interrogés prévoient d’investir prochainement dans des fonds ESG (critères environnemen15,88 % taux, sociaux et de gouvernance) et 32% dans Moyen le plus des produits dits durables, contre respectiveéconomique ment 22 % et 10 % des millennials. « À travers de démarrer nos valeurs et les investissements que nous proposons à nos clients, nous mettons un accent sur une démarche citoyenne et responsable en faveur de la lutte contre les inégalités sociales et le changement climatique. Nous tenons à sensibiliser les clients à notre approche ESG multiplie les initiatives pour sensibiliser et via nos campagnes de communication, telles former les jeunes, le plus tôt possible, aux que ‘Investir de manière durable, c’est bien subtilités et à l’importance de l’investisse- investir’, ainsi qu’une série de mini-conférences ment. «Par exemple, nous participons à l­’­ABBL sur la finance responsable. Nous souhaitons Moneyweek, qui vise à sensibiliser les jeunes nous profiler comme un acteur de référence de à l’école. Nous prenons part à des 'job and la finance durable via nos conseillers également, ­study days' et nous organisons des stages et des qui abordent le sujet ESG avec les investisseurs», présentations dans les écoles. En complément, explique Georg Joucken. nous diversifions nos canaux de communication, notamment via les différents réseaux La concurrence des Gafa sociaux, afin de nous connecter à un public Face à l’émergence de nouvelles technoloplus jeune et plus large. Nous accordons une gies – telles que la blockchain, le traitement grande importance au conseil en placement automatique du langage naturel (NLP, en personnalisé. Actuellement, notre portefeuille anglais) ou le machine learning – et de noud’investissement évolue progressivement vers veaux services – comme les robo-advisors – ainsi que l’intérêt grandissant de la nouvelle génération envers ceux-ci, le secteur des services bancaires voit débarquer sur le marché de nouveaux concurrents, principalement issus du secteur des fintech. Forts de leurs ressources financières et technologiques sans égales, les Gafa (Google, Apple, Facebook et Amazon) se positionnent eux aussi de plus en plus sur le marché des services financiers. De quoi faire trembler les gestionnaires de fortune à travers le monde ? «Nous voyons que cette jeune génération cherche à gagner de l’argent rapidement, sans toujours être consciente des risques pris.» Vivant constamment avec les nouvelles technologies de communication, ils sont 73 % à faire davantage confiance à Google, Apple et Amazon parce qu’ils communiquent davantage avec leur Source

LendEdu

« Une recommandation d’investissement faite par un youtubeur peut difficilement remplacer l’expérience, la connaissance et les recommandations d’un banquier.» GEORG JOUCKEN Head of private banking Banque Raiffeisen

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Dossier Nouvelle génération

22 %

Alors que 32 % des baby-boomers envisagent d’investir dans des fonds ESG prochainement, seuls 22 % des millennials comptent faire de même.

89 %

Selon l’étude Wealth and Asset Management 4.0 menée par Deloitte, 89 % des investisseurs interrogés, toutes générations confondues, ont affirmé que le smartphone serait le canal de communication préféré à l’avenir.

36.000 mrds D’ici 2045, 36.000 milliards de dollars passeront de la génération des baby-boomers à celle des millennials.

assistant vocal plutôt qu’avec leur banque pour leurs questions d’ordre financier. «Mais c’est aventureux, voire dangereux, met en garde Georg Joucken. Faire aveuglément confiance aux résultats d’un moteur de recherche peut avoir des conséquences potentiellement néfastes. Une recommandation d’investissement faite par des youtubeurs / influenceurs ne connaissant pas le profil de risque de l’investisseur peut difficilement remplacer l’expérience, la connaissance et les recommandations d’un banquier. » Pour le chef du département Banque ­Privée chez Banque Raiffeisen, la véritable plus-­ value du secteur réside dans la personnalisation de l’expérience client aux moments-clés de la vie de celui-ci et dans l’approche holistique des conseils qui lui sont prodigués. « Cela reste la clé du succès en matière d’investissement », rappelle-t-il. Un retard impossible à combler ? La next gen’ est une génération qui va vite et qui veut obtenir des résultats tout aussi rapidement. Dans ce contexte, de nombreux observateurs estiment que le secteur connaît un certain retard technologique – partiellement comblé par la pandémie – et que de nombreux clients ne se retrouvent plus aujourd’hui dans les services proposés par leur banque privée. De plus en plus d’investisseurs de la génération Y, très soucieux de leur autonomie, se disent même prêts à se passer complètement des services d’une banque privée pour la gestion de leurs actifs. LendEdu, une plateforme américaine qui compare des produits financiers pour les consommateurs, a interrogé plus de 500 jeunes investisseurs âgés de 18 à 34 ans afin de connaître leurs attentes vis-à-vis de leur conseiller financier ou de leur robot-conseiller. Dans cette étude parue l’an passé, il ressort notamment que 26

PRIVATE BANKING AVRIL 2022

27,51% des millennials n’ont pas recours à un conseiller car ils estiment que « les avantages d’un conseiller financier ne valent pas le coût», et près de 25 % pensent « être capables de le faire eux-mêmes ». «Il est désormais clair, pour toutes les banques, que le défi consiste à évoluer avec les attentes et besoins de leurs clients, dont les millennials. Chez Raiffeisen, nous avons d’ailleurs déjà réagi en vue de renforcer la digitalisation de nos services, d’intégrer les nouvelles technologies et de renforcer l’utilisation de nouveaux canaux de communication. Certes, la next gen’ est fort importante pour nous, et nous tenons à lui offrir les conseils, les services et les produits qui correspondent à ses attentes, à ses préoccupations et à ses objectifs. Mais il est tout aussi important de préserver un bon mix de sa clientèle et de conserver une réelle proximité humaine avec l’ensemble de nos clients », souligne Georg Joucken. Connectés et plus frivoles Enfin, si les générations précédentes avaient davantage tendance à être fidèles à leur fournisseur de services, ce n’est plus forcément le cas. Les millennials hésitent moins à faire jouer la concurrence et sont prêts à changer de prestataire pour obtenir ce qu’ils désirent réellement. La digitalisation aide dans ce sens. Cette génération beaucoup plus connectée est au fait de nombreux outils et est beaucoup plus renseignée. Il est de plus en plus courant de faire ses démarches via les sites et applications des différents établissements, qui permettent en quelques clics de pouvoir changer de fournisseur. Ainsi, selon l’étude de Deloitte, au cours de l’année écoulée, un tiers des investisseurs ont transféré plus de 20 % de leurs avoirs vers de nouveaux prestataires de services (53% d’entre eux se disaient à la recherche de meilleurs rendements et 42% souhaitaient bénéficier d’une gamme de produits plus large). Au cours des deux prochaines années, 44 % prévoient de faire de même… De quoi offrir des opportunités aux acteurs qui peuvent répondre à ces exigences afin de conquérir des parts de marché.

ESG

INVESTISSEMENTS ESG : QU’EN PENSENT LES PRESTATAIRES ? Les prestataires de services financiers reconnaissent l’importance croissante de l’investissement à impact social pour leurs clients. Et le renforcement de la réglementation dans le monde entier ne fera qu’accentuer cet impact. Voici quelques déclarations sur l’investissement ESG, et le pourcentage de gestionnaires interrogés dans l’étude Wealth and Asset Management 4.0 étant d’accord avec celles-ci. 41 % Les clients attendent de nous que nous en sachions plus sur l’investissement à impact social et que nous proposions des produits ESG. 41 % Nos cadres supérieurs s’engagent en faveur de l’inclusion et de la diversité. 39 % Les clients s’intéressent à la position de notre entreprise sur les politiques environnementales et sociales. 36 % L’investissement ESG est là pour rester et il va se développer de manière significative dans les années à venir. 35 % Les clients sont prêts à accepter des rendements inférieurs en échange d’objectifs d’investissement durables. 27 % Les clients de tout âge et de tout niveau de richesse sont intéressés par l’investissement ESG. 24 % Les clients se soucient de savoir si les produits ESG répondent aux classifications de fonds standard de l’industrie. 24 % L’intérêt pour les investissements ESG diminuera si le marché en général commence à baisser.

Auteur A. B.

21 % La plupart des fonds ESG ne parviennent pas à sélectionner les entreprises qui répondent réellement aux objectifs ESG.


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Dossier

Quelle banque privée pour quel type d’entrepreneur ? Les entrepreneurs et FBO (family business owners) représentent une part importante de la clientèle des banques privées. Leurs spécificités et leurs besoins peuvent toutefois être très variables. Zoom sur quatre grandes catégories d’entrepreneurs et sur la façon dont la banque privée répond à leurs besoins.

OFFRE DE SERVICES D’INVESTISSEMENT En pourcentage des actifs sous gestion, 2015-2020 Source Clarity on performance of Luxembourg private banks, KPMG-ABBL 2021

100 %

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6

12

12

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20

80

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62

60

7 13

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Gestion de portefeuille par un tiers (à l’exclusion des fonds) Gestion discrétionnaire de portfolio Services de conseil rémunérés (sous mandat) Autre (exécution uniquement / courtage / espèces / accès à la salle des marchés)

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2018

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PRIVATE BANKING AVRIL 2022

1. Le créateur d’entreprise Parmi les clients de la banque privée, on compte un grand nombre d’entrepreneurs qui ont créé leur propre société, il y a 10 ou 20 ans. « Cette catégorie d’entrepreneurs recherchera plutôt des solutions pour diversifier un patrimoine privé, hors entreprise. Ils choisiront par exemple d’extraire 10 à 15 % du capital de leur société pour l’investir en produits ou services bancaires, explique Romain Wolff, head of Luxembourg market – private banking chez Degroof Petercam Luxembourg. Âgés de 40 à 50 ans, ces entrepreneurs sont toutefois toujours très actifs : ils travaillent encore quotidiennement au sein de la société et n’ont guère le temps de gérer leur patrimoine. C’est pourquoi ils nous font bien souvent confiance sur un mandat de gestion discrétionnaire pour gérer leurs actifs investis sur un horizon à moyen ou long terme. » Pour ces entrepreneurs, les capitaux gérés par la banque privée ne constituent pas une réserve qu’ils comptent utiliser pour financer le développement de leurs activités. Leur appétence au risque sera donc généralement assez élevée, même si les besoins spécifiques en matière d’investissement peuvent être différents d’un profil à l’autre. « Ces profils, comme la plupart de nos clients aujourd’hui, peuvent être intéressés par des placements financiers durables ou socialement responsables. Nous notons en effet beaucoup de questions à ce sujet. Mais, dans une logique de diversification, ils peuvent aussi se tourner vers des investissements immobiliers, par exemple à travers un crédit Lombard », ajoute Kris De Souter, head of private banking chez Degroof Petercam Luxembourg. Le choix de l’immobilier sera aussi, souvent, un « choix plaisir » en même temps qu’un vrai investissement : résidences secondaires en France, en Belgique, en Espagne… « On constate par ailleurs une forte demande en matière de private equity. Pour certains entrepreneurs qui ont ce type d’investissement dans le sang, cela peut même devenir une sorte de passion. Ils prennent en effet plaisir à voir qu’ils ont eu le nez fin en choisissant d’investir dans une société qui a connu une belle croissance. Évidemment, cela n’est pas réservé à tout un chacun… », relève Romain Wolff.


Typologie

2. L’entrepreneur qui a cédé sa société

Photo

Romain Gamba (archives) et Shutterstock

Lorsqu’un entrepreneur cède son entreprise, il touche un capital important qu’il va chercher à placer de la meilleure des manières. Les situations peuvent être très variables et impliquer parfois plusieurs actionnaires, ce qui rend très précieux le conseil d’un banquier privé. « Il est toutefois clair que ce type de profil a une très bonne compréhension du contexte dans lequel il évolue et qu’il a eu l’habitude, durant de nombreuses années, de prendre des décisions. Cet entrepreneur optera donc souvent pour de la gestion conseil, une formule à travers laquelle il a toujours le dernier mot sur les placements effectués. Certains, toutefois, choisiront plutôt une gestion discrétionnaire.», détaille Alessandro Palagiano, senior private banker au sein de Degroof Petercam Luxembourg. Dans l’optique de diversifier son patrimoine, le profil de l’entrepreneur qui vend sa société aura tendance à se diriger vers des investissements en private equity, voire dans l’art ou la mise en place de projets philanthropiques, investissements pour lesquels la banque privée dispose souvent de solutions clés en main. L’entrepreneur qui cède son entreprise aura également à cœur, dans la plupart des cas, de préparer sa succession. «Le rôle d’un service d’estate planning tel que nous le proposons peut alors s’avérer très important pour bien appréhender les aspects fiscaux notamment, poursuit Alessandro Palagiano. C’est d’autant plus vrai aujourd’hui, alors que les familles sont souvent dispersées, avec des enfants vivant à l’étranger et disposant d’un patrimoine à l’international.»

« On pourra également accompagner ces entrepreneurs dans leur installation dans un pays comme le Luxembourg, par exemple, à partir duquel ils pourront mieux gérer leur patrimoine.»

10 % Typiquement, un entrepreneur qui a créé sa société il y a 10 ans pourra extraire 10 à 15 % du capital de celle-ci pour l’investir à titre privé.

3. L’actionnaire passif À un moment de leur carrière, certains entrepreneurs décident, tout en restant à la tête de leur société, d’en déléguer la gestion à des dirigeants non actionnaires. Dans ce cas de figure, cet entrepreneur, devenu actionnaire passif, n’aura plus de revenu direct issu de la société, mais vivra de ses dividendes. «Le rôle d’une banque privée par rapport à ce type de profil est multiple. Il faut tout d’abord pouvoir équilibrer les revenus, les dépenses – en particulier les dépenses ‘plaisir’ liées au fait que la personne a plus de temps – et les retours sur les investissements consentis, explique Kris De Souter. Mais on pourra également accompagner ces entrepreneurs dans leur installation dans un pays comme le Luxembourg, par exemple, à partir duquel ils pourront mieux gérer leur patrimoine.» Ce profil d’entrepreneur aura également à cœur de diversifier son patrimoine, notamment grâce à l’immobilier. « Cela étant dit, considérant que la plus grande partie de son capital est toujours dans la société dont il a délégué la gestion, son appétence au risque sera souvent plus faible», estime Alessandro Palagiano. Enfin, s’il a dans l’idée de céder tout ou partie de son entreprise dans le futur, la banque privée sera également à ses côtés pour l’accompagner. « Nous le mettrons en relation avec nos équipes de banque d’affaires dans l’optique d’une future cession, afin de préparer au mieux l’entreprise à cette étape cruciale. C’est le genre d’opération qu’il est indispensable d’anticiper, même quelques années à l’avance», conclut Alessandro Palagiano.

4. Le family business owner Le Luxembourg compte un nombre important de sociétés familiales qui se transmettent de génération en génération. Cependant, la reprise de l’entreprise familiale par un ou plusieurs enfants, si elle est souvent synonyme de nouveau souffle et de croissance, n’est pas une généralité. Les besoins seront donc différents en fonction du cas de figure rencontré. « Dans le cas où les enfants reprennent les rênes, leur priorité sera souvent la croissance et la préservation du patrimoine familial. L’appétence au risque pour leurs investissements financiers sera donc généralement moins élevée », explique Romain Wolff. Toutefois, avant même la reprise de l’entreprise par la génération suivante, la banque privée aura un rôle crucial à jouer en accompagnant la transmission et, si nécessaire, en formant les enfants aux différents aspects qu’ils devront maîtriser. Elle organisera par exemple des réunions avec les parents, les enfants, le fiscaliste ou l’avocat de confiance de la famille afin de préparer au mieux ce changement majeur. « Nous offrons aussi un programme Next Gen Coaching pour les jeunes qui, éventuellement, n’auraient pas été éduqués aux subtilités de la gestion du patrimoine, indique Kris De Souter. En outre, certaines familles font appel à notre family office pour cet aspect lié à la formation et à l’accompagnement. Cela permet de le séparer de la gestion financière pure, assurée par la banque privée.» Le recours à un service d’estate planning, au sein de la banque privée, peut par ailleurs s’avérer utile pour aider la nouvelle génération à bien cerner les enjeux en matière de gouvernance ou pour structurer le patrimoine de façon optimale. Enfin, dans le cas où les enfants ne souhaitent pas reprendre la société – un cas de figure de plus en plus courant –, la banque privée peut également jouer un rôle. « À travers notre réseau, il arrive qu’une de nos relations se manifeste en tant qu’acheteur potentiel. Nous pouvons alors la mettre en relation avec les successeurs qui souhaitent céder l’entreprise familiale. J’ai plusieurs exemples de ventes d’envergure en tête qui se sont déroulées de la sorte », explique Romain Wolff.

KRIS DE SOUTER Head of private banking Degroof Petercam Luxembourg

AVRIL 2022 PRIVATE BANKING

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Dossier

À l’ère du toutnumérique, quel avenir pour la banque privée ? Comme d’autres avant lui, le métier de la banque privée connaît d’importants bouleversements induits par l’évolution technologique. Ses acteurs traditionnels doivent aujourd’hui composer avec l’émergence de nouveaux acteurs et appré­ hen­der la possibilité que des géants du numérique viennent empiéter sur leurs plates-bandes. Mais, surtout, il leur faut parvenir à répondre plus efficacement aux attentes et aspirations d’une nouvelle génération de clients, au risque d’être « disruptés ».

L’EXPLOITATION D’UNE BANQUE EXCLUSIVEMENT NUMÉRIQUE SE HEURTE À DE NOMBREUX OBSTACLES La question sur les challenges a été posée à des dirigeants qui ont répondu avec 5 ou plus sur une échelle de 1 à 7 (1 = pas un défi ; 7 = très difficile). Source

World Fintech Report 2021

Cannibalisation non stratégique

Manque de soutien de la société mère

Friction culturelle

Marché saturé

Proposition faible

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PRIVATE BANKING AVRIL 2022

43 %

47 %

48 %

52 %

55 %

La technologie transforme en profondeur nos vies et, avec elles, de nombreuses activités. La technologie relègue régulièrement à l’oubli (ou presque) des pratiques que l’on pensait pourtant indéfiniment acquises. On ne compte plus le nombre de géants, références dans leur domaine, désormais oubliés parce qu’ils ne sont pas parvenus à évoluer avec la technologie. Les métiers de la gestion de fortune, toutefois, semblent avoir jusqu’ici été épargnés par ce phénomène de «disruption» qui a affecté de nombreux autres secteurs. La menace n’est cependant pas inexistante et continue de couver. Les acteurs traditionnels auraient même de bonnes raisons de s’inquiéter. L’influence des big tech Au cœur du World Wealth Report 2020 de ­Capgemini, une donnée interpelle. La société a pris le temps d’interroger une clientèle très fortunée – HNWI – à travers le monde, notamment sur son intérêt à recourir à des offres portées par les big tech dans le domaine de la gestion de fortune. En janvier et février 2020, par exemple, 93% des personnes fortunées en Asie-Pacifique, hors Japon, ont déclaré qu’elles envisageraient de devenir clientes d’un service de gestion de fortune porté par Google, Apple, Facebook, Amazon ou Alibaba… Qu’en est-il en Europe ? La proportion de clients enclins à s’orienter vers ces acteurs technologiques pour leur confier tout ou une partie de leur patrimoine est moindre. Elle est toutefois de 78 %. «Au quotidien, les clients sont habitués aux expériences de consommation que proposent ces grands acteurs technologiques, avec, notamment, un haut niveau de personnalisation dans les recommandations d’achat formulées. Il n’est pas étonnant qu’ils aspirent aujourd’hui à un niveau de service similaire pour ce qui est de la gestion patrimoniale », commente Ananda Kautz, head of innovation, digital banking and payments au sein de l’ABBL. Les attentes de la clientèle des services de wealth management évoluent. À l’heure où s’opère la plus grande transmission patrimoniale de tous les temps, l’enjeu est de parvenir à satisfaire une nouvelle génération. Rien n’est moins évident. « Cette génération a grandi avec le numérique, est ouverte aux nouvelles technologies qui émergent et connaît très bien les acteurs des big tech, sans nourrir la même aversion que ses aînées à leur égard. L’enjeu est grand, dès lors, pour les acteurs existants, pour parvenir à répondre à ces nouvelles attentes. C’est un sujet qui, aujourd’hui, apparaît comme extrêmement sensible », analyse Jérôme Verony, research and strategy manager au sein de la ­Luxembourg House of Financial Technology (Lhoft). Cette fondation à l’initiative des secteurs public et privé a pour mission d’encourager l’innovation technologique et la numérisation du secteur des services financiers luxembourgeois,


Digitalisation

en connectant les communautés fintech nationale et internationale pour développer des solutions qui garantiront la compétitivité continue du secteur. Banquier augmenté / banquier remplacé Ces acteurs ayant pignon sur rue ont-ils, d’une part, pris la mesure du défi qui les attend? Et, d’autre part, sont-ils en capacité de lutter contre des géants technologiques qui, s’ils n’ont pas encore directement investi leur segment, disposent de moyens colossaux? «Les acteurs n’attendent pas d’être disruptés, commente Ananda Kautz. Ils investissent massivement dans la technologie pour transformer leurs activités et services. Récemment, par exemple, J.P. ­Morgan Chase a annoncé renforcer ses investissements dans la technologie, élevant son budget à 12 milliards de dollars. De nombreux autres acteurs s’inscrivent dans le sillage de cet acteur historique, avec la volonté de préserver leur compétitivité sur les marchés.» Et au Luxembourg, Place reconnue pour son expertise en gestion de fortune auprès d’une clientèle internationale, comment appréhendet-on ces enjeux? «Un des défis, pour les acteurs de la Place, est de pouvoir s’inscrire dans les nouveaux modèles qui émergent, en plaçant le numérique au cœur des enjeux», poursuit Ananda Kautz. La grande majorité des acteurs semblent s’être engagés dans cette transformation. «Selon une étude menée par le cabinet Deloitte, 92 % des acteurs de la banque privée, sur la Place, ont à ce jour défini et formalisé une stratégie numérique», détaille la responsable de l’innovation de l’ABBL. La volonté semble présente. Mais suffira-t-elle? «Quand on regarde les acteurs de la banque privée de la Place, on a encore l’impression qu’ils continuent à s’accrocher au modèle traditionnel, commente Jérôme Verony. Dans les discours, la technologie est encore trop souvent uniquement considérée comme un moyen de supporter le banquier dans l’exercice de son métier. On reste dans

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Matic Zorman

« Les bénéficiaires de services de gestion de fortune veulent avoir la possibilité d’agir eux-mêmes sur de nombreux aspects inhérents à la gestion patrimoniale.» ANANDA KAUTZ Head of innovation, digital banking and payments ABBL

la vision du banquier augmenté, sans évoquer l’éventualité que celui-ci puisse être remplacé.» Si l’expertise de la Place est singulière et reconnue, l’activité n’est pas pour autant préservée des transformations qui pourraient s’opérer par ailleurs, sous de nombreuses formes. «De manière générale, la finance luxembourgeoise a tendance à adopter une attitude conservatrice, qui renforce son exposition au risque de disruption, poursuit l’expert de la Lhoft. La nouvelle génération est souvent mieux informée sur les possibilités qui s’offrent à elle. Ces clients fortunés, au sein d’un marché plus ouvert, avec de nouveaux acteurs et services qui émergent, n’hésitent pas à tester ce qui peut leur être proposé par ailleurs.» Autrement dit, ils n’attendront pas que leur banquier réagisse aux évolutions du marché. Ils n’hésiteront pas à aller voir ailleurs, ne serait-ce que pour profiter d’un service particulier. L’émergence de modèles hybrides La question, au-delà de la volonté de recourir davantage au numérique pour améliorer l’efficience opérationnelle de l’activité de banque privée, réduire les coûts et améliorer l’expérience utilisateur, réside davantage dans la capacité des acteurs à repenser le business model. «Plus que de disruption de l’activité de banque privée, on devrait parler de ‘plateformisation’. À l’avenir, l’enjeu résidera dans la capacité des acteurs à répondre aux nouvelles attentes des clients à travers l’interconnexion d’une diversité de services particuliers au sein d’une même plateforme, énonce Ananda Kautz. Nous allons sans doute voir émerger des modèles hybrides répondant aux nouvelles aspirations de la clientèle. D’une part, les bénéficiaires de services de gestion de fortune veulent avoir la possibilité d’agir eux-mêmes sur de nombreux aspects inhérents à la gestion patrimoniale, en réalisant directement des placements ou des transactions, par exemple. D’autre part, ils souhaitent aussi pouvoir s’appuyer sur une relation de confiance avec leur banquier, pour évoquer des problématiques plus sensibles ou complexes.»

UNE ACTIVITÉ EN PLEINE MUTATION On ne peut plus nier l’importance de la transformation numérique qui s’opère au niveau de l’activité de la gestion patrimoniale. L’édition 2021 du World Wealth Report de Capgemini pointe plusieurs tendances confirmant ce changement. L’ADOPTION DES CRYPTOS L’étude indique que, sur les 2.900 personnes fortunées (HNWI) ayant répondu à l’étude (sur 26 marchés), 72 % ont investi dans des crypto­ monnaies, et 74 % dans d’autres actifs numériques tels que des noms de domaine de sites web. LE BOOM DES WEALTHTECH En 2020, les sociétés développant des technologies au service de la gestion patrimoniale (wealthtech) ont accédé à un niveau de financement record. 34 % des HNWI interrogés dans l’étude déclarent s’appuyer sur une entreprise wealthtech pour gérer leurs actifs, avec un fort intérêt des consommateurs pour les plateformes de robo-advising. ÉVOLUER AVEC LES WEALTHTECH Le rapport de Capgemini pointe le fait que les sociétés traditionnelles de gestion de patrimoine continuent de s’associer aux wealthtech pour atteindre de nouveaux segments de clientèle (32 %) et pour proposer de nouvelles offres à leurs clients (29 %).

Plus particulièrement, au niveau de la banque privée, il y a une réelle opportunité pour les acteurs de travailler avec ceux des fintech, en intégrant un ensemble de solutions innovantes pour mieux servir le client. «Le banquier privé, demain, aura sans doute davantage un rôle de coordination d’un ensemble de services et de solutions technologiques, tout en restant l’interlocuteur privilégié du client, qui profitera d’une offre plus large, personnalisable selon ses besoins, poursuit Jérôme Verony. Le conseil, au-delà, devra s’appuyer sur une meilleure valorisation de la donnée disponible, pour proposer des approches toujours plus personnalisées.» Cette transformation n’a rien d’anodin et devrait obliger chaque acteur à remettre en Mieux collaborer avec les fintech question sa proposition de valeur pour mieux L’activité de banque privée, dans une pers- la positionner au cœur d’un écosystème appelé pective de transformation, doit donc par- à évoluer en profondeur. «Travailler avec les venir à adopter une nouvelle dynamique. acteurs des fintech, dans une dynamique d’éco«Il faut mieux comprendre, et même anti- système évolutif, doit permettre à la banque ­privée ciper, les attentes du client. En matière de gagner en agilité, de s’adapter plus efficacement de gestion patrimoniale, les banques pour générer de la valeur auprès de ses clients, l’ont jusqu’ici bien fait, mais il faut poursuit Ananda Kautz, qui anime un forum aussi le faire vis-à-vis du numérique, dédié aux nouvelles opportunités de partenaou encore des enjeux de développe- riats avec les fintech au sein de l’ABBL. Nos ment durable, par exemple, précise membres sont très actifs sur ces sujets. Néanmoins, Jérôme Verony. Si on ne considère il est essentiel que cette dynamique, au niveau de que l’aspect numérique, le défi est de chaque banque, parte d’une vision claire qu’il faut pouvoir transformer la relation, en pouvoir définir et soutenir au niveau du top manadonnant la possibilité de faire plus de gement. Plus qu’un sujet technologique, c’est d’abord choses à distance, en proposant des un enjeu stratégique.» solutions en phase avec les attentes des Auteur S. L. utilisateurs. » AVRIL 2022 PRIVATE BANKING

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Dossier Disruption

Au service d’une expérience améliorée Les acteurs de la banque privée sont appelés à repenser leur métier, pour Chapo entre 150 et 200 signes garantir une expérience adaptée à leurs clients, à la hauteur de leurs exigences. Quelles sont les grandes tendances en la matière ? Auteur S. L. 1

UN CLIENT PLUS AUTONOME

Les clients de la banque privée sont, de manière générale, mieux informés. Ils souhaitent notamment pouvoir agir avec une autonomie accrue sur leur patrimoine, en faisant évoluer eux-mêmes leurs positions ou en effectuant certaines transactions au départ d’interfaces digitales modernes. 2

LE CONSEILLER, TOUJOURS UN INTERLOCUTEUR DE CONFIANCE

Si le client est mieux informé, la relation avec le conseiller en gestion patrimoniale reste cependant importante. Mais la position de ce dernier évolue. Le banquier privé doit se rapprocher du client, développer une approche proactive, pour apporter le conseil le plus adapté et répondre à des besoins particuliers ou impliquant une certaine complexité. Il est là pour le guider à tout moment, le conseiller dans une approche à long terme. 3

INVESTIR DANS LA PERSONNALISATION

Pour mieux conseiller sa clientèle, le banquier privé doit développer une compréhension plus fine de chacun de ses clients en s’appuyant sur les technologies lui permettant de mieux collecter et d’analyser plus efficacement les données disponibles. 4

ÉLARGIR LE CHAMP D’EXPERTISE

La gestion patrimoniale dépasse désormais les seules considérations financières. Répondre aux attentes des clients doit tenir compte de leurs valeurs et aspirations, en intégrant, par exemple, des enjeux sociaux et environnementaux. On n’investit en outre pas dans l’art comme dans les cryptos. Cela implique de pouvoir mobiliser une grande diversité d’expertises afin de pouvoir accompagner au mieux chaque besoin.

La nouvelle génération de clients est plus exigeante et attend du banquier qu’il donne accès aux derniers services et fonctionnalités. Dans un marché en ébullition, avec l’émergence de nombreux nouveaux services, le banquier privé doit se doter des capacités d’intégrer toujours plus rapidement les dernières évolutions, en développant, notamment, des partenariats avec l’écosystème fintech. Texte entre 1.700 et 1.800 signes

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PRIVATE BANKING AVRIL 2022

09_credit Shutterstock

POUVOIR S’ADAPTER TOUJOURS PLUS VITE

Photos

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Growing Together Investir durablement, c’est choisir une gestion discrétionnaire responsable

Léa jeune héritière, a deux priorités : son jeune fils et son métier d’architecte.

Après avoir reçu un héritage important, Léa souhaitait investir de manière durable et responsable tout en déléguant la gestion quotidienne de son patrimoine à des experts, en toute tranquillité. C’est pourquoi nous lui avons proposé notre mandat de gestion discrétionnaire, durable par défaut et conforme à la réglementation européenne SFDR*. La solution idéale pour concilier rentabilité et investissement responsable. Banque Degroof Petercam Luxembourg S.A., 12 rue Eugène Ruppert, L-2453 Luxembourg Tél: +352 45 35 45 2068 | www.degroofpetercam.lu | bienvenue@degroofpetercam.lu | RCS B25459 * SFDR = Sustainable Finance Disclosures Regulation (Article 8)

Jean-François opère la gestion discrétionnaire de son patrimoine.

Imagine Tomorrow since 1871


Dossier

Le durable devient incontournable Les possibilités d’investissement intégrant les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance sont de plus en plus nombreuses dans le monde de la banque privée, tout comme les investisseurs soucieux d’avoir un impact sur le monde qui les entoure.

LES JEUNES GÉNÉRATIONS SE PRÉOCCUPENT ÉGALEMENT DES QUESTIONS SOCIALES ET DE DURABILITÉ Les baby-boomers prévoient d’investir davantage que les millennials dans les obligations vertes et les fonds ESG au cours des deux prochaines années.

Millennials

Source

Baby-boomers

Wealth and Asset Management 4.0, 2021

40 36 35 32 29

30

25 22 20 15

15

10

10

5

0

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Investir dans des obligations vertes

Investir dans des fonds ESG

PRIVATE BANKING AVRIL 2022

Utiliser des conseils sur l’impact social

L’investissement durable s’invite à l’agenda de tous les banquiers privés. « De manière générale, on a vu au cours de ces dernières années un intérêt grandissant pour les stratégies d’investissement durable, constate Vitaline Copay, sustainable investing strategist au sein de Quintet Private Bank. Cela se reflète dans le secteur de la banque privée, qui a vu se multiplier les solutions pour répondre aux demandes des clients. Ce qui est intéressant, c’est que ces questions permettent aujourd’hui de réunir la famille autour d’un objectif commun. Le banquier privé se trouve au cœur d’une discussion qui va au-delà des rendements. Elle touche au monde réel, aux attentes profondes des membres de la famille. La relation gagne en profondeur et les liens se renforcent. » Aujourd’hui, il est devenu impossible pour une banque privée de faire l’impasse sur les investissements ESG. « Le sujet est stratégique, explique Vincent Villebesseix, directeur de BGL BNP Paribas Banque Privée. Nous devons répondre à une exigence forte de nos clients sur ce sujet. Ils attendent de nous un très haut niveau de professionnalisme, de pédagogie et, in fine, des propositions d’investissement appropriées. En tant que banque privée, il est de notre devoir de nourrir cet échange avec le client, de ­l’accompagner et de l’informer de la meilleure manière possible. » Un mouvement global de la société Le client de la banque privée intègre de plus en plus les problématiques environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) dans ses choix d’investissement. Il veut donner du sens à son action, et la crise sanitaire n’a fait qu’accélérer cette tendance. « Depuis plus d’une décennie, on observe une croissance à plus de deux chiffres sur les actifs considérés comme ESG, reprend Vincent Villebesseix. Je constate que les clients parlent spontanément de ces sujets. Ils sont en demande d’informations et le produit ne vient qu’en bout de course. Il est le résultat d’une discussion nourrie, de choix, de convictions. Les acteurs financiers contribuent à cette croissance mais, plus globalement, c’est l’ensemble de la société qui opère un mouvement positif. Cela est extrêmement puissant. » Autre constat, cette prise de conscience n’est pas seulement l’apanage des jeunes générations. «On voit évidemment que les millennials s’intéressent naturellement à ces sujets. Pour autant, on ne peut pas dire que les plus âgés ne se sentent pas concernés. Ils sont de plus en plus sensibilisés et impliqués », témoigne Vitaline Copay. Si les clients donnent le ton, l’Europe se positionne en parallèle comme la zone mondiale à la pointe sur ce sujet de l’investissement durable. « Cette dynamique se traduit concrètement par la construction d’un environnement législatif et réglementaire solide », constate Vincent Villebesseix. Le déploiement p ­ rogressif


ESG

LE LUXEMBOURG, CHAMPION EN LA MATIÈRE

44 %

Le Luxembourg reste la plus grande plateforme mondiale pour les fonds ESG et représentait 44 % du total des actifs sous gestion des fonds ESG européens (article 8 et article 9) au premier semestre 2021, selon les données de PwC Luxembourg.

1.234

La Bourse verte du Luxembourg occupe une place prépondérante sur le marché mondial des obligations durables cotées, avec 1.234 obligations durables cotées fin décembre 2021, soit une hausse de 47 % depuis le début de l’année. L’an dernier, elle a aussi servi de rampe de lancement pour le plan de relance NextGenerationEU de l’Union européenne. Un plan qui a donné lieu à l’émission d’une première obligation de 20 milliards d’euros en juin et d’une obligation verte de 12 milliards d’euros en octobre, soit la plus grande obligation verte jamais émise au niveau mondial.

de la Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR) et l’introduction de la taxonomie montrent que l’Europe souhaite établir les meilleurs standards mondiaux. « Plus récemment encore, le lancement du plan de relance européen, qui est très orienté vers les actifs durables, vient renforcer l’intérêt pour ces questions de durabilité. L’Union européenne joue donc un rôle moteur et l’on observe plutôt un effet d’entraînement sur d’autres continents», ajoute le directeur de BGL BNP Paribas Banque Privée. Pour l’heure, le challenge principal des banques privées est d’apprendre à maîtriser des sujets complexes pour les rendre totalement transparents aux yeux des investisseurs. « Beaucoup d’informations circulent et nous nous devons d’être le plus didactiques possible dans notre approche», explique Vitaline Copay. « Le premier défi est de former nos collaborateurs pour qu’ils maîtrisent leur matière, ajoute Vincent Villebesseix. C’est l’étape fondamentale qui permet ensuite de gagner en confort et en pédagogie auprès des clients. Ceux-ci ont besoin d’explications. L’investissement durable est une matière qui évolue énormément. Cette situation vient renforcer la valeur ajoutée d’une banque privée dans sa dimension de conseil, qui reste notre vocation première.» L’incontournable question du rendement Parmi les sujets très fréquemment discutés avec les clients, on trouve évidemment la question du rendement des investissements ESG. «La performance et l’aspect durable d’un investissement sont deux notions qui ne s’op-

posent plus aujourd’hui, confie Vincent ­Villebesseix. À ce titre, il est sans doute plus judicieux d’investir dans une entreprise qui respecte les critères ESG et qui aura une certaine valeur dans le futur. À l’inverse, une entreprise qui n’est pas mobilisée sur ces sujets risque de perdre de la valeur à l’avenir. Les chocs de marché qu’on a connus au printemps 2020 ont bien montré la meilleure tenue et la résistance des entreprises les plus engagées. Aujourd’hui, nos produits d’investissement font la part belle aux thématiques ESG. Nous croyons vraiment que ce seront les thèmes porteurs pour les investisseurs en 2022. Nous croyons à la pertinence de ces choix, qui lient totalement ESG et volonté de rendement. » Aujourd’hui, les critères ESG sont donc totalement intégrés dans les réflexions d’investissement des clients, sans que cela se fasse au détriment d’un rendement. «Notre objectif est de montrer qu’il est possible d’avoir du rendement et de le combiner avec un effet positif sur la planète et la société, constate Vitaline Copay. L’innovation est importante dans ce domaine. Notre offre par défaut se veut durable et nous avons lancé fin janvier le premier fonds d’investissement multiactif climatiquement neutre au monde, avec un impact direct pour le client. » L’investisseur a de plus en plus la volonté d’avoir une vision précise de ce qui est fait avec ses capitaux, une attente légitime à laquelle les banques doivent apporter des réponses concrètes. « Cela passe par des reportings de plus en plus détaillés qui, de manière pédagogique, illustrent l’impact des investissements. Pour aller plus loin, et BGL BNP Paribas Banque Privée a cette volonté, nous promouvons des investissements ESG qui sont directement couplés à un impact, si possible local. Pour donner un exemple, début 2020, des clients ont ­investi dans un fonds ESG qui était couplé à une plantation d’arbres au Luxembourg, dans le nord du pays, avec un résultat visible pour les clients», décrit Vincent Villebesseix. L’actionnariat actif est une autre manière pour les banques de veiller à l’impact positif des investissements réalisés par leurs clients. « L’actionnariat actif consiste à observer les entreprises dans lesquelles nous investissons, identifier les enjeux d’ordre environnemental, social ou de gouvernance (ESG) ou leurs carences stratégiques, dialoguer avec leurs équipes de direction et voter lors des assemblées générales annuelles afin de les inciter à améliorer leurs pratiques et leurs performances, ajoute V ­ italine Copay. En 2020, Quintet a voté sur plus de 10.000 propositions lors de plus de 710 assemblées générales à travers le monde. » Le mouvement en faveur des investissements durables et responsables est en marche et le Luxembourg est bien décidé à l’accompagner.

5 APPROCHES D’INVESTISSEMENT RESPONSABLE 1 Exclusion Les fonds éliminent de leur univers d’investissement certains secteurs ou entreprises au regard de la nature de leur activité. Les exclusions peuvent être normatives ou sectorielles. 2 Best in class La sélection des meilleurs émetteurs au sein de leur secteur d’activité, sans exclure ou privilégier aucun secteur d’activité. 3 Best in universe La sélection des meilleurs émetteurs indépendamment de leur secteur d’activité, ce qui peut conduire à écarter les secteurs où toutes les entreprises sont mal notées ou, au contraire, à privilégier ceux présentant en moyenne des entreprises aux bonnes pratiques ESG. 4 Approches thématiques Les approches thématiques répondent à une démarche positive. Elles consistent à investir dans des entreprises actives sur des thématiques ou des secteurs d’activité liés au développement durable. 5 Impact investing L’impact investing est une forme d’investissement au sein d’entreprises ou d’organisations qui a pour but de générer un impact environnemental ou social positif en même temps qu’une performance financière.

Auteur M. P.

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Foyer complète son offre avec des garanties state of the art.


Comment bien protéger son patrimoine, a fortiori lorsque l’on possède des objets d’arts, tableaux ou collections ? Ceci est une question que se posent tous les collectionneurs ou amateurs, qu’ils soient déjà les heureux propriétaires de biens précieux ou qu’ils viennent de céder à un coup de cœur dans une galerie. Leur désir commun est de protéger ces « objets passion » non seulement par des mesures de prévention appropriées, mais également par l’assurance d’être bien couverts en cas de dommage. Pour répondre aux besoins très spécifiques de cette clientèle, Foyer lance, en partenariat avec l’assureur Hiscox, une offre étendue à destination de ces collectionneurs et amateurs d’art. Interview croisée de Caroline Heraly, Product Manager, et Jean-Claude Stoos, Head of Business Development chez Foyer, qui présentent cette nouvelle offre. Comment est né le partenariat entre Foyer et Hiscox ? Jean-Claude Stoos : Foyer compte environ 200 000 clients particuliers au Grand-Duché, à qui il propose une offre d’assurance couvrant de nombreux besoins « classiques ». Avec une part de marché de 43 %, en progression sur les dernières années, nous visons naturellement une croissance ciblée sur des segments de niches, parmi lesquels les High Net Worth Individuals ou HNWI. Aujourd’hui, cette clientèle particulièrement exigeante est déjà servie avec succès par notre filiale active en gestion patrimoniale, CapitalatWork Foyer Group. Pour ces clients, nombreuses sont les voies de diversification de leur patrimoine : marchés financiers, acquisitions immobilières ou encore objets d’art ou de collection. Cependant, lorsque l’on parle d’art, on parle souvent de passion. Foyer se devait donc de proposer à cette clientèle une offre d’assurance pour les biens précieux qui va bien au-delà de celle de ses produits d’assurance traditionnels. Pour ce faire, qui de mieux pour nous accompagner que le spécialiste mondial en matière d’assurance de biens précieux, Hiscox ? Leur expertise et leur savoir-faire en matière d’assurance haut de gamme ne sont plus à démontrer. Hiscox, quant à elle installée au Luxembourg après le Brexit, a vu dans cette opportunité de belles synergies possibles avec Foyer sur ce marché. Le partenariat était né. À qui s’adresse la nouvelle offre développée par Foyer en collaboration avec Hiscox ? Jean-Claude Stoos : Celle-ci s’adresse à toute personne qui possède des objets d’art et de collection et qui souhaite les protéger et les assurer. Ainsi, à côté du module « Biens précieux » déjà intégré à notre produit mozaïk, la nouvelle offre spécialisée développée avec Hiscox s’adresse aux collectionneurs les plus passionnés, qui se voyaient avant contraints de se tourner vers l’étranger pour trouver des couvertures d’assurances à la hauteur de leurs exigences.

Caroline Heraly, Product Manager

Jean-Claude Stoos, Head of Business Development

Notre gamme protège donc aujourd’hui des plus petites collections aux biens d’exception les plus précieux, dans une offre adaptée et modulable, pour répondre au mieux aux besoins de chaque client.

« Ce qui nous intéresse avant tout, c’est qui nous assurons plutôt que ce que nous assurons. » ROBERT HISCOX

Les objets d’art et de collection sont des biens très spécifiques. Qu’attendent leurs propriétaires lorsqu’ils les assurent ? Caroline Heraly : Vu la nature des biens à assurer, leurs propriétaires souhaitent naturellement une offre d’assurance spécialisée, qui les couvre simplement et dont l’étendue sera adaptée en fonction de leurs besoins. D’autant plus que le terme « biens de valeur » correspond en fait à une très large description, car nous ne nous limitons pas à couvrir les objets d’art ou les bijoux, mais également les différentes passions de nos clients telles que leurs collections, leurs instruments de musique, leurs accessoires de mode ou leur cave à vin par exemple. La personnalisation de l’offre en est un élément clé.

Afin d’adapter au mieux notre offre, les questions en jeu sont aussi nombreuses que variées. Parle-t-on d’œuvres d’art ? Sont-elles exposées ou transportées ? Y a-t-il des bijoux ? Le client voyage-t-il souvent ? En fonction de ses besoins, nous voulons proposer à notre client la meilleure solution. Nous l’aidons ainsi, d’une part, à valoriser son patrimoine et à s’assurer que tous ses biens sont correctement évalués, et d’autre part, à comprendre et prévenir les risques auxquels il serait exposé. Concrètement, comment la nouvelle offre va-t-elle répondre à ces attentes ? Caroline Heraly : Comme déjà expliqué, chaque client présente des besoins spécifiques et des demandes particulières. Notre gamme, composée de trois différentes offres, a dès lors l’avantage de répondre à chaque besoin, en alliant le service offert par Foyer et l’expertise et le savoir-faire de notre partenaire Hiscox. Les points forts de nos offres sont leur modularité et leur flexibilité, l’accès à un réseau d’experts professionnels pour l’évaluation des biens de valeurs, la prévention avec des conseils de protection et surtout, un accompagnement personnalisé en cas de sinistre, notamment une intervention rapide, différents modes d’indemnisation, des mesures de protection adaptées, la mise à disposition d’une équipe pluridisciplinaire spécialisée en matière de restauration et de conservation. Notre garantie « Art et Passion », et notre produit « Fine Art » sont avant tout l’assurance d’un service haut de gamme et sur mesure, à la hauteur des exigences de nos clients.

FOYER ASSURANCES S.A. 12, rue Léon Laval www.foyer.lu L-3372 Leudelange t. +352 437437


Dossier

Auteur A. B.

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PRIVATE BANKING AVRIL 2022

Pour tenter d’identifier comment les interactions entre les investisseurs et les gestionnaires d’actifs ont évolué durant cette crise, Deloitte a commandité une étude menée auprès de 500 professionnels et 2.350 investisseurs répartis pour 30% en Europe, 39% en Amérique du Nord et 31% en région Asie-Pacifique. Parmi ces répondants, on compte 40% de baby-boomers (nés entre 1946 et 1965), 30% d’investisseurs de la génération X (nés entre 1965 et 1980), 26% de millennials (nés entre 1980 et 2000) et 4% de la génération Z (nés à partir de l’an 2000). La première tendance-clé est la transformation numérique. 40% des investisseurs qui ont participé à l’enquête affirment ainsi que l’accès au digital est devenu une priorité. Un avis partagé par les gestionnaires qui prévoient, pour 75 % d’entre eux, que leurs interactions avec les investisseurs seront digitales dans les deux prochaines années. «Cela fait quelques années maintenant que l’on s’aperçoit de l’importance de la transformation numérique, mais cette crise a accéléré cette prise de conscience. Aujourd’hui, le digital est devenu une nécessité absolue pour assurer une continuité des services et de la communication avec le client », explique Pascal ­Martino, partner et banking leader au sein du cabinet Deloitte. En outre, près de 9 investisseurs sur 10 estiment que les applications mobiles seront leur canal préféré dans le futur. Et, contrairement aux idées reçues, cet appétit pour le smartphone n’est pas réservé aux jeunes générations. En effet, 89 % des baby-boomers affirment que le mobile sera leur canal préféré dans deux ans. «Peut-être que les applications et les ­services utilisés seront différents, mais tous les clients voudront réaliser la plupart de leurs activités bancaires depuis le creux de leur main», assure le partner de Deloitte. Si l’intérêt porté pour le digital est grandissant, le relationnel revêt toujours toute son importance dans le secteur de la banque privée, et notamment dans le chef des millennials. L’étude montre en effet que 34% des 22-42 ans interagissent avec leurs prestataires de services patrimoniaux par le biais de réunions en face à face et que 46% préfèrent même ce mode de communication pour le futur. «Cela démontre que, si le digital est devenu une nécessité absolue, il n’est pas toujours suffisant. Lorsqu’on réalise des opérations bancaires simples, le digital fait très bien le job. Par contre, lorsqu’il s’agit de tâches plus complexes, comme une transition de société, des conseils d’investissement ou une préparation à la retraite – des opérations courantes en banque

Marielle Voisin

La crise du Covid-19 a accéléré les changements réglementaires, sociaux et digitaux auxquels les gestionnaires de fortune font face depuis plusieurs années. L’étude Wealth and Asset Mana­ gement 4.0, commanditée par Deloitte, met en lumière les tendances qui devraient profondément transformer le secteur dans les années à venir.

Le passage au numérique

Illustration

Le grand tournant de la banque privée

TENDANCE N°1


Tendances

privée –, on remarque que l’humain occupe une place prépondérante au sein de cette relation. Et particulièrement depuis la crise sanitaire, où on a noté un véritable basculement vers le conseil à forte valeur ajoutée, développe Pascal Martino. On se demandait, il y a quelques années, si on allait avoir des business models basés uniquement sur du digital. Aujourd’hui, dans le monde de la banque privée, la réponse est non: l’être humain reste au centre de la relation de confiance entre un client et son gestionnaire de patrimoine.»

TENDANCE N°2

Des normes plus strictes L’augmentation croissante des exigences du régulateur a un impact considérable sur les banques privées. La principale étant qu’elles voient leurs marges compressées. «L’augmentation de la réglementation représente un coût certain pour le secteur bancaire. Mais la marge vient aussi de ce que la banque peut facturer au client», précise Pascal Martino. Dans ce contexte, l’étude montre que près de 4 investisseurs sur 10 se disent satisfaits des frais facturés par leurs fournisseurs de gestion patrimoniale et de la manière dont ils les facturent. « Cela signifie donc que 6 investisseurs sur 10 ne sont pas satisfaits des frais qui leur sont facturés par leur gestionnaire. Soit ils ne comprennent pas comment sont facturés les services, soit ils trouvent les frais trop élevés et demandent une plus grande transparence de la part de leur conseiller. Ce sentiment d’insatisfaction ajoute une pression supplémentaire sur la marge des professionnels, qui font déjà face à une hausse des coûts. On assiste ­ainsi à un effet ‘ciseaux’ qui peut être dangereux pour le secteur de la banque privée et des gestionnaires de fortune. » Dans ce contexte où les clients ­n’hésitent plus à challenger leur gestionnaire en matière de tarification, tout l’enjeu pour les profes­sionnels du secteur est de réaffirmer leur proposition de valeur. «En rappelant au client leur valeur ajoutée, les banques pourront ainsi justifier leurs prix», explique Pascal Martino.

89 %

9 investisseurs sur 10 affirment que le mobile sera leur canal préféré d’ici deux ans.

TENDANCE N°3

La recherche de sens L’autre grosse tendance qui a été exacerbée par cette crise sanitaire, c’est le besoin, pour les investisseurs, de trouver du sens à leurs investissements. Selon l’étude de Deloitte, 34% des investisseurs chercheront des conseils en matière d’investissement ESG au cours des deux prochaines années. Les prestataires de services de gestion de patrimoine reconnaissent eux aussi l’importance croissante de l’investissement durable pour leurs clients. «Beaucoup de nos fondamentaux ont été remis en cause avec cette pandémie. Cela a engendré en chacun de nous une sérieuse remise en question en matière de quête de sens et de why. La crise a accentué ce besoin de trouver du sens à nos investissements, et on s’attend à une accélération encore plus forte de l’intérêt pour les investissements durables dans les prochaines années », assure Pascal Martino. Cet appétit grandissant pour l’investissement durable va évidemment engendrer toute une série de défis pour l’industrie des gestionnaires d’actifs. «Le premier challenge sera de savoir si les produits estampillés ESG sont réellement responsables. La taxonomie devrait permettre de répondre à cet enjeu. Le second défi sera d’éduquer les clients, mais aussi les banquiers, à la problématique de l’ESG. Enfin, il faudra aussi pouvoir mesurer l’impact réel qu’ont ces investissements dits ESG sur notre société. Bref, cela nécessite une transformation assez fondamentale de l’ensemble des fonctions d’une banque », explique le partner. 35% des professionnels du secteur pensent que leurs clients voudront bien accepter un rendement moindre pour un investissement ESG. « On se rend compte que, dans le chef des investisseurs, la quête d’un meilleur rendement reste leur priorité numéro un et qu’ils ne sont pas forcément prêts à sacrifier une partie de leur return pour un investissement durable. Il y a donc un décalage de ce côté-là », pointe Pascal Martino. L’étude de Deloitte démontre également que l’investissement ESG n’est pas l’apanage des jeunes générations. Au contraire, si l’on en croit les chiffres récoltés, 32 % des baby-­ boomers prévoient d’investir dans des fonds ESG, contre « seulement » 22 % des millennials. « C’est la preuve que ces considérations responsables sont intergénérationnelles et touchent tout le monde, contrairement aux idées reçues. Et on ne peut évidemment que s’en réjouir », conclut Pascal Martino.

LES RAISONS QUI ONT POUSSÉ LES INVESTISSEURS À CHANGER DE CONSEILLER AU COURS DE L’ANNÉE Source Étude Wealth and Asset Management 4.0

Meilleure performance des investissements 53 %

Une gamme de produits plus large 42 %

Accès à de meilleurs conseils en matière de patrimoine 38 %

Une meilleure expérience numérique 34 %

Conseils en matière d’investissement 34 %

Meilleurs conseils personnels 31 %

Accès à une planification financière globale 28 %

Contact personnel / conseiller en qui j’ai confiance 24 %

La structure tarifaire répond mieux à mes besoins 23 %

Des frais moins élevés

19 %

Désir de gérer directement mes actifs 19 %

Accès aux investissements à impact social 16 %

Une culture plus en phase avec mes valeurs 13 %

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Dossier Tendances

TENDANCE N°4

Des normes plus strictes

LE CANAL PRÉFÉRÉ DES INVESTISSEURS DANS DEUX ANS UHNWI et milliardaires Source

Baby-boomers

Millennials

Étude Wealth and Asset Management 4.0

89 %

89 %

89 % 74 %

Depuis la crise financière de 2008, le secteur 67 % 63 % 63 % 65 % bancaire est soumis à une réglementation de 62 % plus en plus dense et stricte. Aucune place 47 % 46 % financière mondiale n’échappe à cette vague 41 % réglementaire visant à protéger les investisseurs et à apporter davantage de transparence à l’industrie. « On s’attend par ailleurs à une accélération de ces réglementations à travers le monde », rappelle Pascal Martino. Selon l’étude de Deloitte, ce sont le Japon, le Canada, le Benelux, l’Australie, les ÉtatsApplication mobile Site web Conférence Réunions Unis et la France qui seront soumis au plus du fournisseur du fournisseur virtuelle en face à face grand nombre de nouvelles réglementations à court et moyen terme. 55 % des acteurs du secteur bancaire interrogés s’attendent à ce que la majorité des réglementations à venir concernent la protection des données, 50 % TENDANCE N°5 TENDANCE N°6 la cybersécurité et 40% des réformes qui ont trait au secteur des fintech. Viennent ensuite la protection des investisseurs (36 %), la lutte contre la corruption (33 %), la gestion des risques (33 %), et les réglementations liées à la lutte contre le blanchiment et l’identification des clients (32%). «Le défi, pour les banques, est de pouvoir s’adapter à ces différentes régle- Depuis quelques années, les investisseurs sont Dans un environnement de plus en plus concurmentations. On le répète souvent, mais il est à la recherche d’une plus grande diversification rentiel, les banques privées doivent prendre en important, pour le secteur, de voir ces diffé- en matière de produits bancaires et de services. compte une donnée supplémentaire: désormais, rentes réformes comme des opportunités et non Ainsi, à la question de savoir dans quel type de les clients n’hésitent plus à changer de prestades contraintes. C’est la clé pour se différencier produits ils allaient investir dans les deux années taire pour obtenir ce qu’ils souhaitent réellepar rapport à la concurrence », souligne le à venir, 67% des investisseurs ont répondu qu’ils ment. L’année dernière, un tiers des investisseurs partner de Deloitte. prévoyaient de placer une plus grande partie ont transféré plus de 20% de leurs fonds vers de leurs avoirs dans des actifs alternatifs tels un autre prestataire. Au cours des deux proque les fonds spéculatifs et les fonds de capital-­ chaines années, 44% prévoient de le faire. La investissement. Arrivent ensuite les introduc- principale raison invoquée à ce changement tions en bourse (49 %) et les investissements est la recherche d’un meilleur rendement (55%). exonérés d’impôt (47%). L’immobilier arrive en «On ne s’attendait pas à observer une telle vola7e position avec 34%, et les fonds ESG en 9e posi- tilité des clients. Mais cela signifie que les acteurs « Si le digital est devenu tion (27 %). « Les actifs alternatifs ont été très qui travailleront bien auront la capacité d’attirer une nécessité absolue, performants au cours des dernières années. Ce de nouveaux clients, ce qui est plutôt un point n’est donc pas vraiment une surprise de voir les positif», explique Pascal Martino. l’humain reste au clients investir ce marché en masse», explique Cette volatilité illustre aussi la mutation centre de la relation Pascal Martino. profonde à laquelle fait face le secteur depuis Le sujet à la mode, c’est évidemment celui quelques années. «Les mentalités ont évolué : de confiance entre des cryptoactifs. Mais, selon l’étude Wealth and les clients sont de plus en plus exigeants et, contraiun client et son Asset Management 4.0, peu d’investisseurs rement à la situation qu’on connaissait il y a envisagent de s’engager sur ce terrain dans quelques années, où ils faisaient preuve d’une gestionnaire.» les deux prochaines années. «Il y a encore ‘loyauté’ sans faille, aujourd’hui, ils n’hésitent une certaine méfiance vis-à-vis des cryp­to­ plus à transférer leurs avoirs auprès d’un meilPASCAL MARTINO Banking leader monnaies, de par la connaissance encore très leur partenaire bancaire. C’est un vrai signal Deloitte pauvre que l’on a du sujet. Il y a quelques d’alerte pour nos clients», souligne Pascal ­Martino, années, ce sentiment de méfiance était le qui pointe également le fait que plus de 6 invesmême pour les classes d’actifs alternatifs… tisseurs sur 10 sont enclins à suivre leur ­conseiller Je pense qu’on assiste à la même vague avec dans une autre société. « Au-delà d’attirer de ces cryptos», souligne Pascal Martino. nouveaux clients et de les conserver, l’enjeu pour les banques privées est donc aussi de parvenir à garder leurs collaborateurs…» 40

PRIVATE BANKING AVRIL 2022

Matic Zorman

Le changement de conseiller

Photo

La diversification


A

sustainable future demands real engagement

It’s easy to talk about sustainability. But, to make a real difference, we truly engage with companies to influence behaviour. From cutting coal financing to focusing on renewable opportunities, our active ownership is making a positive and meaningful difference to the planet, and to portfolios. The value of investments can go down as well as up so you may get back less than you invest.

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Dossier

4 applications qui séduisent CAPITANA

INVESTIFY

Renforcer l’investissement féminin

Pour des thématiques différentes

ORIGINE

ORIGINE

Décrite comme « la meilleure amie financière des femmes », la fintech Startalers a développé l’application Capitana. Comme son slogan l’indique, elle vise en priorité le public féminin, souvent moins représenté sur les marchés financiers.

Créée en 2015 et d’abord destinée aux sociétés technologiques et aux institutions financières, Investify s’est ouverte au grand public en 2018. La société, installée à Wasserbillig et en Allemagne, a considérablement grandi sur les deux dernières années, parvenant à lever 4 millions d’euros pour assurer son développement en janvier 2021.

OFFRE

Capitana propose trois thématiques d’investissement à orientation « responsable » (impact équilibré, environnemental ou social) et vise également à renforcer l’éducation financière de sa clientèle. Il est ainsi possible, gratuitement, de déterminer son profil d’investisseur, ses objectifs, et de simuler son projet d’investissement.

OFFRE

PREMIER PAS

Avec Capitana, vous pouvez facilement améliorer vos connaissances financières.

Pas de premier versement nécessaire. Une orientation responsable et féminine qui vient combler un manque sur le marché.

Une vingtaine d’investissements thématiques qui recouvrent des secteurs très variés.

1.000 1.000 milliards de dollars étaient gérés par des robo-advisors en 2020, selon Statista.

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PRIVATE BANKING AVRIL 2022

Si vous choisissez d’investir par thème, des frais supplémentaires, liés aux produits, sont appliqués (de 1,15 à 1,60 %). 09_credit

Seul l’abonnement de 200 € par an donne accès aux investissements à impact environnemental et social.

PREMIER PAS

Il est possible de rejoindre la plateforme et de commencer à investir à partir de 500 euros. Les frais de gestion s’élèvent quant à eux à 1 % jusqu’à 99.999 euros et à 0,8 % au-delà. Des frais liés aux produits choisis sont en outre facturés, à hauteur de 0,16 % en moyenne.

Photos

Le modèle d’affaires de Capitana repose sur un abonnement annuel (100 ou 200 euros, plus 0,30 % de frais de tenue de compte), indépendant des montants investis. Il n’est par ailleurs pas indispensable de verser un premier montant : le versement de mensualités de votre choix suffit pour investir via Capitana.

Son application de robo-advisoring donne aux investisseurs l’accès à une large gamme d’ETF. Mais la spécialité d’Investify est de proposer, par ailleurs, une vingtaine d’investissements thématiques (robotique, investissement éthique, big data, cybersécurité, technologies du futur, etc.). Une proposition unique sur le marché, qui contentera les investisseurs souhaitant participer au développement d’un secteur particulier.


À emporter partout

Si chaque banque privée au Luxembourg dispose aujourd’hui d’une application offrant à ses clients une gestion facilitée de leurs investissements, certaines solutions se distinguent par leur originalité. Cryptomonnaie, plateforme réservée aux femmes, tarifs abordables… Voici quatre applications qui sortent de l’ordinaire. Auteur Q.D.

SWISSQUOTE

Axée sur les cryptomonnaies ORIGINE

Swissquote est une banque suisse 100 % en ligne qui a installé sa filiale européenne à Luxembourg en 2018. Depuis lors, les choses se sont considérablement développées pour cette institution, qui vient de faire l’acquisition de Keytrade Bank Luxembourg et est en passe de devenir la première banque en ligne de trading et d’investissement au Luxembourg.

50 €

Pour investir via l’application Birdee, pas besoin d’être millionnaire : 50 euros suffisent

PREMIER PAS

PREMIER PAS

L’application Swissquote permet d’investir facilement dans un grand nombre de produits.

Intuitive, la plateforme Birdee va à l’essentiel. En 10 minutes, vous pourrez configurer un compte, choisir un profil d’investisseur (dynamique, protecteur, modéré, stable ou défensif), et commencer à investir. Des portefeuilles thématiques peuvent également être sélectionnés si vous souhaitez placer de l’argent dans certains secteurs (biotechnologies, etc.) ou dans certains types d’entreprises (petites et moyennes entreprises, par exemple). Un robo-advisor accessible à partir de 50 euros, sans versement initial. Une certaine simplicité, tant dans la navigation que dans le choix des actifs, relativement limité. Peu de détails fournis sur les ETF dans lesquels on investit.

Photos

09_credit

L’avantage est également un inconvénient : les non-initiés auront certainement quelques difficultés à s’y retrouver face au grand nombre de possibilités offertes.

ORIGINE

Acquise par BNP Paribas Asset Management en 2017, l’application Birdee a un avantage certain sur la concurrence : elle est accessible au commun des mortels à partir de 50 euros, ce qui en fait l’offre la moins chère du marché. Les frais de gestion sont, quant à eux, plafonnés à 1 % par an, plus 0,25 % de frais prélevés tous les trois mois. Birdee peut également être testée gratuitement. La plateforme donne accès à des ETF. Une grande partie de ces actifs respecte les critères ISR (investissement socialement responsable). Birdee est donc également une application qui se positionne sur le marché de la finance responsable, ce qui n’est pas pour déplaire à la nouvelle génération.

L’application développée par Swissquote offre une très large diversité d’investissements, notamment des ETF, des actions, des fonds, mais aussi 24 cryptomonnaies ! Les frais varient en fonction du type d’actif dans lequel on souhaite investir, mais il est notamment possible de commencer à investir dans les cryptomonnaies à partir de 25 euros.

Une large variété d’actifs dans lesquels investir, notamment 24 cryptomonnaies. Une possibilité d’investir dès 25 euros, pour les cryptomonnaies.

Avec un prix doux

OFFRE

OFFRE

Quatre profils d’investissement peuvent être sélectionnés pour que le robo-advisor gère vos placements au mieux, en fonction de vos attentes : portefeuille défensif, modéré, de croissance ou de durabilité.

BIRDEE

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Dossier La liste

Les banques privées du Luxembourg Le Grand-Duché et sa place financière bien établie regorgent Chapo entre 150 et 200 signes de banques privées en provenance du monde entier pour une clientèle mondiale.

ANNÉE D’ÉTABLISSEMENT

ADRESSE

SEUIL/TICKET D’ENTRÉE

Agricultural Bank of China, Luxembourg Branch

2015

65, boulevard Grande-Duchesse Charlotte L-1331 Luxembourg

N.C.

Alpha Bank, Luxembourg Branch

2021

24, boulevard Royal L-2449 Luxembourg

N.C.

Andbank Luxembourg

2009

4, rue Jean Monnet L-2180 Luxembourg

N.C.

Banca March, Luxembourg Branch

2012

21-25, allée Scheffer L-2520 Luxembourg

N.C.

Banco Bradesco Europa

1981

25, rue Edward Steichen L-2540 Luxembourg

N.C.

Banco Santander (Brasil) Luxembourg Branch

2018

35F, avenue J. F. Kennedy, 2nd floor L-1855 Luxembourg

N.C.

Bank GPB International

2013

15, rue Bender L-1229 Luxembourg

N.C.

Bank Julius Baer Europe

1989

25, rue Edward Steichen L-2540 Luxembourg

Supérieur ou égal à 1.000.000 €

Bank of China (Luxembourg) S.A. & Bank of China Limited, Luxembourg Branch

1979

55, boulevard Royal L-2449 Luxembourg

N.C.

Bank of Communications

1908

7, rue de la Chapelle L-1325 Luxembourg

N.C.

Bank of Communications Co., Limited Luxembourg Branch

2016

7, rue de la Chapelle L-1325 Luxembourg

N.C.

Bankinter Luxembourg

1965

37, avenue J. F. Kennedy L-1855 Luxembourg

N.C.

Banque de Commerce et de Placements - BCP

1982

140, boulevard de la Pétrusse L-2330 Luxembourg

N.C.

Banque de Luxembourg

1920

14, boulevard Royal L-2449 Luxembourg

Ne souhaite pas communiquer

Banque de Patrimoines Privés

2010

30, boulevard Royal L-2449 Luxembourg

N.C.

Banque Degroof Petercam Luxembourg

1987

12, rue Eugène Ruppert L-2453 Luxembourg

500.000 €

Banque et Caisse d’Épargne de l’État, Luxembourg

1856

1, place de Metz L-2954 Luxembourg

250.000 €

Banque Havilland

2009

35A, avenue J. F. Kennedy L-1855 Luxembourg

N.C.

Banque Internationale à Luxembourg

1856

69, route d’Esch L-2953 Luxembourg

N.C.

Banque J. Safra Sarasin (Luxembourg)

1985

17-21, boulevard Joseph II L-1840 Luxembourg

N.C.

Banque Puilaetco Dewaay Luxembourg

1988

163, rue du Kiem L-8030 Strassen

N.C.

Banque Raiffeisen

1926

4, rue Léon Laval L-3372 Leudelange

125.000 €

Banque Transatlantique Luxembourg

1989

17, côte d’Eich L-1450 Luxembourg

N.C.

Barclays Bank Ireland PLC, Luxembourg Branch

2019

9, allée Scheffer L-2520 Luxembourg

N.C.

Bemo Europe Banque Privée

1984

26, boulevard Royal L-2449 Luxembourg

N.C.

44

PRIVATE BANKING AVRIL 2022

MEMBRE DU PBGL*

Photos 09_credit * Membre du Private Banking Group Luxembourg de l’ABBL

NOM


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Dossier La liste

ANNÉE D’ÉTABLISSEMENT

ADRESSE

SEUIL/TICKET D’ENTRÉE

BGL BNP Paribas Banque Privée

1919

10A, boulevard Royal L-2093 Luxembourg

250.000 €

BHW Bausparkasse, succursale de Luxembourg

1977

16, rue Erasme L-1468 Luxembourg

N.C.

CA Indosuez Wealth (Europe)

1920

39, allée Scheffer L-2520 Luxembourg

N.C.

CaixaBank Wealth Management Luxembourg

2020

46B, avenue J. F. Kennedy L-1855 Luxembourg

N.C.

CBP Quilvest

2006

48, rue Charles Martel L-2134 Luxembourg

N.C.

China Everbright Bank Luxembourg Branch

2017

10, avenue Emile Reuter L-2420 Luxembourg

N.C.

China Everbright Bank (Europe)

2017

10, avenue Emile Reuter L-2420 Luxembourg

N.C.

China Merchants Bank

2021

20, boulevard Royal L-2449 Luxembourg

N.C.

China Merchants Bank (Europe)

2021

20, boulevard Royal L-2449 Luxembourg

N.C.

CIBC Capital Markets (Europe)

2020

2C, rue Albert Borschett L-1246 Luxembourg

N.C.

Citibank Europe PLC (Luxembourg Branch)

N.C.

31, zone d’activité Bourmich L-8070 Bertrange

N.C.

Credit Suisse (Luxembourg)

1974

5, rue Jean Monnet L-2180 Luxembourg

N.C.

Danske Bank International

1976

13, rue Edward Steichen L-2011 Luxembourg

N.C.

DekaBank Deutsche Girozentrale Luxembourg

1971

6, rue Lou Hemmer L-1748 Luxembourg

N.C.

Delen Private Bank

1987

287, route d’Arlon L-1150 Luxembourg

Aucun minimum requis

Deutsche Bank Luxembourg

1970

2, boulevard Konrad Adenauer L-1115 Luxembourg

Supérieur ou égal à 1.000.000 €

DNB Luxembourg

1985

13, rue Goethe L-1637 Luxembourg

N.C.

DZ Privatbank

1977

4, rue Thomas Edison L-1445 Luxembourg

Aucun minimum requis

East-West United Bank

1974

Villa Foch – 10, boulevard Joseph II L-1840 Luxembourg

500.000 €

Edmond de Rothschild (Europe)

1969

4, rue Robert Stumper L-2557 Luxembourg

N.C.

EFG Bank (Luxembourg)

2006

56, Grand-Rue L-1660 Luxembourg

N.C.

Elavon Financial Services DAC Luxembourg Branch

2020

4, rue Albert Borschette, K2 Ballade, Floor 3 L-1246 Luxembourg

N.C.

Eurobank Private Bank Luxembourg

1986

534, rue de Neudorf L-2220 Luxembourg

N.C.

Fideuram Bank (Luxembourg)

1998

9-11, rue Goethe L-1637 Luxembourg

N.C.

FIS Privatbank

2001

53, rue Gabriel Lippmann L-6947 Niederanven

N.C.

Goldman Sachs Bank Europe SE, Luxembourg Branch

2020

53, boulevard Royal L-2449 Luxembourg

N.C.

Hamburg Commercial Bank AG Luxembourg Branch

1988

7, rue Lou Hemmer L-1748 Luxembourg

N.C.

Hauck & Aufhäuser Banquiers Luxembourg

1973

1C, rue Gabriel Lippmann L-5365 Munsbach

N.C.

HSBC Private Bank (Luxembourg)

1985

16, boulevard d’Avranches L-1160 Luxembourg

Supérieur ou égal à 1.000.000 €

ICBC, Industrial and Commercial Bank of China (Europe)

2006

32, boulevard Royal L-2449 Luxembourg

N.C.

46

PRIVATE BANKING AVRIL 2022

MEMBRE DU PBGL*

Photos 09_credit * Membre du Private Banking Group Luxembourg de l’ABBL

NOM



Dossier La liste

ANNÉE D’ÉTABLISSEMENT

ADRESSE

SEUIL/TICKET D’ENTRÉE

IKB Deutsche Industriebank, filiale Luxembourg

1979

Parc d’activité Syrdall 3 – 21B, rue Gabriel Lippmann L-5365 Munsbach

N.C.

ING Luxembourg

1960

26, place de la Gare L-1616 Luxembourg

Supérieur ou égal à 1.000.000 €

Intesa Sanpaolo Bank Luxembourg

1976

19-21, boulevard Prince Henri L-1724 Luxembourg

N.C.

Itaú BBA Europe Luxembourg Branch

2021

33, boulevard Prince Henri L-1724 Luxembourg

N.C.

J.P. Morgan Bank Luxembourg

1973

6C, route de Trèves L-2633 Senningerberg

N.C.

Landesbank Saar Girozentrale, succursale de Luxembourg

1995

22, rue Schaffmill L-6778 Grevenmacher

N.C.

Lombard Odier (Europe)

2010

291, route d’Arlon L-1150 Luxembourg

Supérieur ou égal à 1.000.000 €

Mediobanca International (Luxembourg)

2005

4, boulevard Joseph II L-1840 Luxembourg

N.C.

Mirabaud & Cie (Europe)

2011

25, avenue de la Liberté L-1931 Luxembourg

Supérieur ou égal à 1.000.000 €

Natixis Wealth Management Luxembourg

1989

51, avenue J. F. Kennedy L-1855 Luxembourg

Supérieur ou égal à 1.000.000 €

Nord/LB Luxembourg

1972

7, rue Lou Hemmer L-1748 Luxembourg

N.C.

Novo Banco, succursale de Luxembourg

2014

1, rue Schiller L-2519 Luxembourg

N.C.

Pictet & Cie (Europe)

1989

15A, avenue J. F. Kennedy L-1855 Luxembourg

Supérieur ou égal à 1.000.000 €

Quintet Private Bank

1949

43, boulevard Royal L-2955 Luxembourg

100.000 €

RBS International Depositary Services

2019

40, avenue J. F. Kennedy L-1855 Luxembourg

N.C.

RCB BANK LTD, Luxembourg Branch

2014

3, rue Pierre d’Aspelt L-1142 Luxembourg

N.C.

SEB - Skandinaviska Enskilda Banken

1973

4, rue Peternelchen L-2370 Howald

N.C.

Société Générale Luxembourg

1893

11, avenue Emile Reuter L-2420 Luxembourg

Supérieur ou égal à 1.000.000 €

Svenska Handelsbanken AB (Publ), Stockholm (Suède), succursale de Luxembourg

1992

15, rue Bender L-1229 Luxembourg

N.C.

Swissquote Bank Europe

2000

2, rue Edward Steichen L-2958 Luxembourg

Aucun minimum requis

The Bank of New York Mellon (Luxembourg)

1997

2-4, rue Eugène Ruppert L-2453 Luxembourg

N.C.

The Royal Bank of Scotland International Limited, Luxembourg Branch

2017

40, avenue J. F. Kennedy L-1855 Luxembourg

N.C.

UBS Europe SE, Luxembourg Branch

1973

33A, avenue J. F. Kennedy L-1855 Luxembourg

Supérieur ou égal à 1.000.000 €

UniCredit Bank AG Luxembourg Branch

2018

8-10, rue Jean Monnet L-2180 Luxembourg

N.C.

UniCredit Luxembourg

1987

8-10, rue Jean Monnet L-2180 Luxembourg

N.C.

Union Bancaire Privée (Europe)

1971

287-289, route d’Arlon L-1150 Luxembourg

Supérieur ou égal à 1.000.000 €

VP Bank (Luxembourg)

1988

2, rue Edward Steichen L-2540 Luxembourg

Supérieur ou égal à 1.000.000 €

Wüstenrot Bausparkasse AG, Niederlassung Luxembourg

1978

33, parc d’activité Syrdall L-5365 Munsbach

N.C.

48

PRIVATE BANKING AVRIL 2022

MEMBRE DU PBGL*

* Membre du Private Banking Group Luxembourg de l’ABBL

NOM


APÉRO TALK THE KEY ISSUES FOR THE FUND INDUSTRY Programme • Welcome cocktail (18:30) • Conversation avec Corinne Lamesch and Nasir Zubairi (19:00) • Networking walking cocktail (20:00)

Nasir Zubairi CEO, LHoFT Nathalie Reuter Director of editorial developments, Maison Moderne

28.04

Thursday

Corinne Lamesch President, Alfi

The Car’Tell, Luxembourg-Hollerich

Registration and informations: www.paperjam.lu/club


Face-à-face

« La crypto est un enjeu stratégique pour les services financiers » Les acteurs traditionnels de la finance doivent faire face à une demande grandissante de leur clientèle pour les crypto-actifs. Fabrice Croiseaux, CEO d’InTech, et Thomas Campione, blockchain & crypto-assets leader chez PwC Luxembourg, évoquent les enjeux inhérents au développement de la crypto au départ de Luxembourg. Aujourd’hui, comment les acteurs de la gestion de fortune appréhendent-ils les crypto-actifs ? THOMAS CAMPIONE (T. C.)   Récemment, en collaboration avec la Lhoft et avec le soutien de l’Alfi, nous avons mené une étude auprès des acteurs du secteur financier luxembourgeois pour évaluer leur appétit à l’égard des crypto-­ actifs. Les résultats révèlent une réelle volonté de développer des offres intégrant les crypto-actifs. 43% des 123 institutions ayant répondu s’attendent à ce que les crypto-actifs deviennent une priorité stratégique dans les deux prochaines années. 20% font du développement de l’activité autour des cryptos une priorité à court terme. Un tiers s’attend à une large adoption dans le domaine de la gestion des actifs dans les cinq ans. 89% des répondants estiment que le Grand-Duché devrait prendre une position plus active dans le domaine des crypto-actifs. Il y a donc un réel appétit, même si dans les faits, beaucoup sont encore dans une position d’attente. Les uns et les autres s’observent, cherchent comment se positionner. FABRICE CROISEAUX (F. C.)   C’est stratégique, en effet. Dans le contexte actuel, les cryptos constituent désormais une classe d’actifs à part entière qui est de plus en plus considérée comme un

« Si l’industrie n’adopte pas la crypto, elle risque de se couper d’une clientèle qui sou­ haite y accéder.» THOMAS CAMPIONE Blockchain & crypto-assets leader, PwC

levier de diversification de ses avoirs. Les politiques monétaires, dans un contexte de gestion de crise, ont conduit à une forte utilisation de la planche à billets. Dans ce contexte, recourir aux cryptos, dont l’émission est par construction limitée et ne peut pas être manipulée au niveau d’une entité centralisée, permet de se prémunir d’une dévaluation de la monnaie. Pour cela, de plus en plus d’analystes recommandent d’investir une part de son patrimoine dans ces actifs numériques, autour de 5% par exemple. Avec l’inflation, on peut s’attendre à voir les investisseurs se ruer sur les cryptos ? T. C. C’est une possibilité. En tout cas, ce sera intéressant d’observer ce qui va se passer. C’est la première fois, depuis l’émergence du bitcoin, que l’on vit un épisode inflationniste conséquent. C’est donc un enjeu important pour 2022. Nous allons voir si cela donne lieu à un principe de vase communicant, avec un transfert d’actifs vers le bitcoin au fur et à mesure que l’inflation se fait ressentir. Les acteurs de la gestion patrimoniale ont longtemps regardé les cryptos avec méfiance et scepticisme. Qu’est-ce qui a guidé le changement de perception attestée par l’étude récemment menée ? T. C. Il y a avant tout une demande grandissante de la clientèle pour ces produits. Le profil de rendement de ces actifs les rend particulièrement attractifs. Les acteurs du wealth management doivent parvenir à répondre à cette demande. Si l’industrie traditionnelle ne s’inscrit pas dans cette dynamique, elle risque de perdre cette clientèle qui souhaite aujourd’hui accéder aux cryptos. La clientèle retail, en tout cas, n’a pas attendu pour s’y intéresser. La part des adultes américains qui déclarent posséder des cryptomonnaies (24%) est à peu près égale à celle des adultes qui déclarent souscrire à une solution de rémunération de l’épargne de type certificat de dépôt (23%). Si la perspective de rendements attractifs est importante, la volatilité associée aux cryptos ne devrait-elle pas inviter à une certaine méfiance ? F. C. La volatilité est l’un des inconvénients associés aux cryptomonnaies. Il y a un risque, c’est vrai. Cependant, on voit aujourd’hui des


Thomas Campione et Fabrice Croiseaux

Photos

Romain Gamba

acteurs mettre en œuvre des offres qui intègrent ce risque, qui permettent de gérer cette volatilité. Je pense notamment à des fonds dédiés, comme le fonds de LaGrange Digital Asset Management. Au-delà du bitcoin ou de l’ether, il y a aussi une multitude de possibilités d’investissement dans les cryptos, qui permettent aussi de diversifier et de limiter le risque. Avec la finance décentralisée, concept qui répond à l’acronyme DeFi, il existe par ailleurs un large panel de nouveaux produits s’appuyant sur la blockchain et les cryptos, chacun ayant ses propriétés et fonctionnalités. Ils répondent à diverses stratégies d’investissement et à des besoins particuliers des investisseurs. La gestion de fortune peut dès lors envisager une multitude de stratégies s’appuyant sur des produits crypto, procéder à des financements, à des prêts, construire des produits dérivés… Les acteurs du wealth management ont la possibilité d’accompagner les clients dans leurs divers besoins, de manière plus efficiente. T. C. La volatilité ne doit pas être considérée seule. Il faut toujours l’envisager selon le risque et la perspective de retour sur investissement. Si l’on considère le rendement par unité de risque, l’investissement soumis à une forte volatilité reste néanmoins très intéressant. On constate une rentabilité largement supérieure aux autres classes d’actifs présentant un niveau de risque comparable. La perspective du rendement n’est pas le seul élément qui permet d’expliquer l’attrait des cryptos. On peut évoquer aussi une dimension sociale associée à l’adoption de celles-ci. Certains citoyens cherchent à limiter leur dépendance au système financier traditionnel, à se prémunir, par exemple, contre une éventuelle menace de voir un jour leurs avoirs bloqués pour une raison ou pour une autre. On a notamment vu cela au Canada récemment, avec une menace de demander aux banques de geler les avoirs bancaires des manifestants prenant part au blocage de la capitale. Quels éléments freinent encore les acteurs de la gestion de fortune dans l’intégration des crypto-actifs au sein de leurs offres ? F. C. Ces solutions sont encore difficiles d’accès. Pouvoir les intégrer au cœur d’une offre implique de développer une compréhension poussée des différents produits. Il y a une dimension technique qu’il faut pouvoir appréhender, de nouvelles compétences au niveau des métiers de la gestion patrimoniale à développer. La sphère crypto, en effet, ne répond pas tout à faire aux mêmes règles que la finance traditionnelle. Pour sécuriser les avoirs de ses clients, il faut donc approfondir les connaissances. Aujourd’hui, les acteurs sont encore frileux. Toutefois, ils prennent conscience du risque de se voir court-­circuités s’ils ne permettent pas à leurs clients d’accéder à ces actifs. L’enjeu, plus qu’un accès aux

«Rester dans la zone de flou qui prévaut actuel­lement est contre-productif pour la place financière.» FABRICE CROISEAUX CEO, InTech

cryptos, est de pouvoir créer de la valeur ajoutée, en conseillant le client, en mettant en œuvre des stratégies d’investissement adaptées. T. C. La technologie est encore sujette à de nombreuses idées reçues. Pour beaucoup, de manière caricaturale, la crypto se limite au bitcoin et reste associée au financement du terrorisme. Or, il existe une grande diversité d’actifs numériques, chacun ayant un rôle ou une fonctionnalité différents. Le recours à la crypto pour soutenir des activités illégales, en outre, est loin de se vérifier. Au départ de la blockchain, toutes les transactions peuvent être tracées. On peut plus aisément retrouver l’auteur d’une activité illégale. La persistance de ces idées reçues révèle qu’il y a encore beaucoup d’éducation à faire à ce sujet. S’ils veulent développer une offre autour de cette activité, les professionnels du wealth management doivent gratter au-delà de la surface, s’immerger dans le sujet. Parce que le champ des possibilités offertes par la crypto semble particulièrement étendu… T. C. On dénombre environ 16.000 cryptos existantes. 90% d’entre elles n’ont pas d’intérêt. Cependant, c’est un secteur qui bouge extrêmement vite. De nouveaux actifs apparaissent tous les jours. S’il y a de tout, et beaucoup de n’importe quoi, il y a aussi des pépites. C’est un grand enjeu de parvenir à les identifier. Au-­delà des «usual suspects» que sont le bitcoin et l’ether, dénicher le prochain Cardano ou Solana (deux protocoles crypto qui se sont imposés ces derniers mois) n’a rien d’évident. F. C. Oui, le champ des possibles est très vaste. Un autre avantage réside dans la tokénisation des actifs que permet la technologie. Cette possibilité permet de fractionner plus facilement des biens, comme des œuvres d’art ou un immeuble. Cela présente plusieurs avantages. D’abord, cela permet d’abaisser le montant du


Face-à-face Fabrice Croiseaux et Thomas Campione

ticket d’entrée à ces catégories d’actifs particuliers, jusqu’alors très élevé. Au-delà, la technologie permet de faciliter la gestion de l’investissement associé à de tels biens, réputés jusqu’alors faiblement liquides. Une fraction d’une œuvre, sous la forme d’un jeton numérique, peut être plus facilement échangée. Pour les family offices, notamment, cela ouvre de nouvelles possibilités très intéressantes.

décennies. Par ailleurs, ces craintes exprimées pourraient également traduire celles d’une perte de contrôle de certains participants de marché dans la mesure où elles émanent en effet de personnes qui n’ont pas particulièrement intérêt à voir se développer un système alternatif. F. C. Ce n’est pas un hasard si le bitcoin est apparu juste après la crise financière de 2008. Les cryptos se veulent justement une réponse pour gérer la dépendance vis-à-vis des marchés financiers, qui ont prouvé pouvoir être instables, voire incontrôlables.

Le fait que ces actifs ne soient pas directement associés à l’économie réelle peut aussi soulever des craintes… F. C. C’est une vue de l’esprit. La valeur des N’y a-t-il pas des raisons de craindre actions n’est pas non plus forcément attachée une interdiction pure et simple du recours à l’économie réelle, aux performances de l’en- aux cryptomonnaies ? treprise. On compare souvent les crypto­monnaies F. C. Il existe, en effet, un scénario de cette à l’or. On peut aussi se demander ce qui fait la nature. Si un euro numérique opéré par la valeur du métal doré. Car, à la fin, cela reste Banque centrale voit le jour, l’ensemble des un caillou. Ce qui détermine la valeur réside échanges financiers pourra alors être contrôlé. dans la confiance que l’on peut avoir dans le À la limite, nous ne devrions plus rien déclarer système qui détermine la valeur. Dans la mon- car tout pourrait être «déclaré à la source». La naie, on fait confiance à l’État ou à un ensemble seule façon d’échapper à ce contrôle serait le de nations, qui gèrent ce système monétaire. À recours aux cryptos, qui pourraient alors être travers les cryptos, c’est à la technologie déter- interdites. C’est le scénario mis en place en minant la manière dont se gère l’émission et Chine, mais je ne pense pas qu’une telle interles transactions que l’on va faire confiance. diction soit possible ni souhaitable en Europe, notamment car cela relève de pratiques totaQuel est le rôle du régulateur pour litaires. Encadrées, les cryptos sont des actifs soutenir le développement d’offres comme les autres, soumis de la même manière s’appuyant sur la crypto ? à la fiscalité des investisseurs. Soutenir le déveT. C. L’absence de positionnement des régu- loppement du marché, c’est aussi permettre à lateurs crée actuellement un inconfort des la technologie d’émerger, avec de grandes opporacteurs vis-à-vis de la crypto. Les régulateurs tunités pour transformer les services financiers doivent apporter de la clarté en publiant des dans leur ensemble. La blockchain peut nous guidelines, comme l’a par exemple fait la CSSF, permettre d’aller vers davantage de transpaen offrant des perspectives aux acteurs tradi- rence, de réduire les coûts opérationnels. tionnels du marché et des garanties de confiance T. C. Les régulateurs devraient davantage aux utilisateurs. accompagner le développement de ces techF. C. Le régulateur a un rôle important à jouer nologies, soutenir l’innovation. On a vu que en faveur de l’adoption des cryptos par les l’interdiction ne permettait pas d’interdire le investisseurs, dans l’émergence d’une activité développement des usages. On ne compte plus de services associée à l’usage de ces actifs. Au le nombre de fois où la Chine a déclaré bannir regard de l’évolution du marché des cryptos, les cryptos. Ces démarches semblent confirles régulateurs vont devoir se positionner. Res- mer que l’on ne peut pas arrêter l’adoption des ter dans la zone de flou qui prévaut actuelle- cryptos. Dès lors, autant l’accompagner. Par ment est contre-productif pour la place exemple, la technologie est souvent décriée financière. L’enjeu est de faire de ces actifs des pour l’énergie dont elle a besoin pour foncproduits régulés, pour faciliter le développe- tionner. En deux ans, cependant, l’empreinte ment d’un nouveau marché. environnementale liée à l’usage de la blockchain s’est améliorée. Quand la Chine interdit de Beaucoup évoquent une menace miner, au départ de ressources énergétiques des cryptos vis-à-vis de la stabilité issues du charbon, on voit l’activité se déplacer des marchés financiers… dans d’autres coins du monde, pour utiliser T. C. Les crypto-actifs, comme tout dévelop- une énergie principalement issue du renouvepement qui prend de l’ampleur, pourra à un lable, notamment hydraulique, en Islande ou moment impacter la stabilité des marchés encore au Canada. Le minage peut s’envisager financiers, il n’y a rien de spécifique ici et c’est aussi au départ d’une énergie qui, en dehors d’ailleurs la raison pour laquelle les dévelop- de cette activité, aurait été perdue. pements réglementaires sont accueillis positivement. Il n’a d’ailleurs pas fallu attendre les crypto-actifs pour assister à des crises financières majeures, l’ingénierie financière traditionnelle n’a pas été en reste ces dernières Interview S. L. 52

PRIVATE BANKING AVRIL 2022

LA CRYPTO, UNE MULTITUDE D’ACTIFS Cryptomonnaies, tokénisation, NFT… Les opportunités offertes par l’univers crypto sont nombreuses pour les investisseurs. Encore faut-il savoir de quoi on parle. 1 Les cryptomonnaies Quand on parle de cryptos, le plus souvent, ce sont les cryptomonnaies qui sont évoquées, et plus particulièrement le bitcoin et l’ether. L’avantage d’investir dans ces actifs ? On considère que l’évolution de leur valeur n’est pas directement corrélée à celle des marchés traditionnels. À ce titre, ces monnaies s’apparentent à un levier intéressant de diversification. 2 La tokénisation Le processus de tokénisation d’un actif financier consiste donc à transformer tout ou partie de la valeur d’un actif en jeton(s) échangeable(s) sur un marché décentralisé s’appuyant sur une plateforme blockchain. En détenant un token, un investisseur possède une partie de l’actif sous-jacent. Une action, une obligation, un immeuble, une œuvre d’art ou tout type d’actif financier peut faire l’objet d’une tokénisation. La pratique présente l’avantage de faciliter les échanges, de réduire les délais de transaction, de fluidifier les transactions, de démocratiser les échanges… Un immeuble, par exemple, est considéré comme un investissement peu liquide. Si l’immeuble est fractionné en tokens, ses parts peuvent plus facilement être échangées entre investisseurs. 3 NFT Les jetons non fongibles (nonfungible tokens – NFT) sont des certificats de propriété stockés sur une blockchain et soutenus par la technologie blockchain qui sont généralement associés à un actif numérique : œuvres d’art visuel, vidéos, musiques ou objets de collection. Aujourd’hui, on peut investir dans ces actifs comme on achèterait une œuvre d’art ou une bouteille de vin millésimé.


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Le rendez-vous de la communauté de la place financière. À partir de janvier 2022, elle sera publiée la 2e et la 4e semaine de chaque mois.

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Concurrence

Le secteur de la banque privée luxembour­ geoise occupe une place de choix sur le marché européen de la gestion patrimoniale. Une position qui aiguise les appétits de la concurrence venue d’Europe, mais aussi du monde entier. 54

PRIVATE BANKING AVRIL 2022

Illustration

Un centre d’excellence à défendre

Une stabilité reconnue et appréciée Ces dernières années, les autorités et les acteurs de la place financière ont multiplié les efforts de promotion à travers le monde, avec un focus important sur le Moyen-Orient ou encore l’Amérique du Sud. Plusieurs banques chinoises ont établi leur quartier européen au Luxembourg. Le pays est aussi désormais l’unique tête de pont des banques suisses en Europe. « Dans ce contexte concurrentiel, le Luxembourg a traditionnellement su mettre en avant sa présence au cœur de l’Union européenne. Sa stabilité constitue par ailleurs un actif précieux, cultivé année après année, décennie après décennie. Il faut encore ajouter un environnement réglementaire réputé, tout à la fois rigoureux et agile, et une histoire presque centenaire en structuration de patrimoines privés», résume François-Louis Thoreau, desk head au sein de HSBC Private Bank Luxembourg. La stabi­ lité politique, sociale et économique du Grand-Duché, confirmée par son triple A, attire aussi bien les institutions bancaires internationales que les clients. De plus, la « boîte à outils luxembourgeoise », et notamment les véhicules d’investissement, régulés ou non, représente un élément de structuration patrimoniale essentiel pour la clientèle visée. Or, le repositionnement des banques

Marielle Voisin

Le Luxembourg est aujourd’hui un centre reconnu et apprécié à l’international pour ses services de banque privée à destination d’une clientèle fortunée. L’expertise développée par les institutions financières au fil des années porte ses fruits. Le pays attire un nombre croissant de banques privées et, dans un même temps, la somme des actifs sous gestion atteint des sommets : plus de 500 milliards d’euros fin 2020. « Avant même de parler de concurrence, il est important de rappeler ce qui fait notre spécificité et, partant de là, notre succès, lance Nicolas Mackel, CEO de Luxembourg for Finance (LFF). La banque privée au Luxembourg, c’est une offre de services et de produits destinés à répondre aux besoins d’une clientèle relativement spécifique. Elle est fortunée, c’est une première chose. Mais, surtout, elle évolue dans un univers multijuridictionnel, tant du point de vue de sa vie quotidienne que de son patrimoine. Le profil type du client de la banque privée luxembourgeoise, tel qu’on a pris l’habi­ tude de le décrire aujourd’hui, c’est un industriel ou un entrepreneur, qui vit dans un pays, et qui a des intérêts économiques, des usines ou des entreprises dans d’autres pays. Ses enfants ont construit leur vie dans des pays différents, parfois lointains. Son épouse est originaire d’une autre région du monde… Se pose alors la question de savoir comment organiser la gestion de son patrimoine et sa transmission dans un tel environnement. » Le Luxembourg dispose aujourd’hui de toute l’expertise requise pour y répondre.


« Il faut surtout se défaire de l’idée que nous pouvons enclencher le pilote automatique.» NICOLAS MACKEL CEO Luxembourg for Finance

privées luxembourgeoises est très clair. Entre 2011 et 2020, la part des familles très fortunées, ces ultra high net worth individuals qui possèdent plus de 20 millions d’euros d’actifs, est passée de 41 à 58 %. Il en résulte qu’en Europe, dans le segment du client multijuridictionnel que nous avons décrit précédemment, le Luxembourg n’a pas réellement de concurrent. « C’est notre niche, l’élément qui permet de distinguer le Luxembourg dans le domaine de l’industrie européenne de la gestion patrimoniale, reprend Nicolas Mackel. Aujourd’hui, une grande fortune belge, française ou allemande, qui évolue dans un écosystème purement national, n’a normalement pas d’intérêt à venir au Luxembourg, si ce n’est pour des raisons de stabilité et de sécurité. Il ne faut surtout pas dénigrer ce dernier aspect qui est devenu un grand argument de vente pour les banquiers ­luxembourgeois.»

Si l’on se compare aux autres Places de banque privée à vocation internationale, une certaine humilité reste toutefois de mise. « La Place est cinq fois plus petite que celle de la Suisse et quatre fois plus petite que celle du RoyaumeUni, si l’on ne regarde que les actifs internationaux, rappelle François-Louis Thoreau. Connaître sa juste place n’empêche toutefois pas d’avoir de l’ambition ! À ce titre, l’arrivée de nouveaux acteurs d’envergure, la croissance des actifs sur ces dernières années et le franchissement du cap symbolique des 500 milliards d’euros sous gestion sont des motifs légitimes de fierté. » La Suisse, numéro 1 mondial Aujourd’hui, la Suisse reste le numéro 1 mondial de la gestion de fortune, devant Singapour. En 2020, les actifs sous gestion des banques privées suisses ont encore bondi de

2,8% pour se fixer à 2.900 milliards de francs, selon l’étude Private Banking Switzerland: Market Update 2021 de PwC. « Pour cette clientèle très fortunée, nous restons clairement le petit concurrent de la Suisse. Notre avantage principal est de faire partie de l’Union européenne et cela joue en notre faveur pour certains clients, constate Nicolas Mackel. Aussi, ces grandes fortunes ne laissent pas simplement leur argent sur un compte bancaire. Elles sont à la recherche de solutions d’investissement, elles veulent profiter de diverses opportunités et s’intéressent à l’immobilier, au private equity, des domaines dans lesquels le Luxembourg dispose d’une expérience intéressante. » Pour la partie fondamentale de la gestion patrimoniale, les bonnes raisons de venir au Luxembourg sont donc nombreuses. Mais quels sont les avantages compétitifs du Luxembourg face à la Suisse, à Londres, aux Pays-Bas ou à l’Irlande ? « Bien que bénéficiant d’un environnement économique très dynamique et international, l’Irlande et les Pays-Bas semblent aujourd’hui encore briller davantage par leur attractivité pour les corporates, y compris financières, que pour les ­patrimoines privés internationaux. Vu du Luxembourg, commenter les forces et performances des autres grandes places financières est toujours un exercice délicat, précise François-­ Louis Thoreau. Si l’on en croit la dernière publication The Deloitte International Wealth Management Centre Ranking 2021, la Place suisse maintient aujourd’hui encore sa position de leader en matière de compétitivité, ceci en dépit d’une plus faible profitabilité de ses acteurs

3.500

3.000

+6,7 %

VOLUME DU MARCHÉ INTERNATIONAL DES PRINCIPAUX CENTRES DE PATRIMOINE (en milliards de dollars)

2.500

+3,7 %

+8,6 %

2.000

2017 2019

+2,2 % 1.500

Source The Deloitte International Wealth Management Centre Ranking 2021

Photo

Matic Zorman (archives)

+3,2 % 1.000

2018 2020

+5,7 % +8,1%

500

-9,8 % -4,7 %

0

Suisse

RoyaumeUni

États-Unis

Autres

Hong Kong (RAS)

Singapour

Luxembourg

Panama et Caraïbes

AVRIL 2022 PRIVATE BANKING

Bahreïn

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Concurrence

Si le Luxembourg occupe une position de choix, il n’en demeure pas moins que la concurrence a de l’appétit. « Depuis le Brexit, on a remarqué un regain d’activité sur les marchés étrangers. Nos principaux concurrents ont la volonté de faire mieux et surtout de ne rien nous laisser, constate Nicolas Mackel, qui appelle à la vigilance. Nous devons tout d’abord veiller à la bonne santé de nos finances publiques. Le triple A, au-delà des incantations de nos dirigeants, a une réelle valeur et une réelle importance pour le futur économique du pays. Ensuite, nous devons regarder constamment ce que nous pouvons améliorer dans notre boîte à outils afin de toujours offrir les meilleures solutions à une clientèle toujours plus exigeante De nombreux marchés à explorer et avertie. » Dans une moindre mesure, la France et la Enfin, il faut massivement investir dans la Belgique conservent des avoirs sous gestion formation et rendre le Luxembourg plus attracimportants dans le secteur de la banque p ­ rivée. tif pour les talents venant de l’étranger. «Si nous « Nous avons d’ailleurs tout intérêt à mieux voulons jouer dans la cour des grands, dans le expliquer la valeur ajoutée du Luxembourg domaine de la gestion patrimoniale, nous devons auprès de nos voisins directs. Nous sommes pouvoir compter sur des personnes qui sont dans l’Union européenne. L’un vend du choco- vraiment à la pointe dans le conseil, la gestion lat, le deuxième des produits de luxe, le troi- des clients et des portefeuilles, mais aussi sur sième des voitures… Nous, nous vendons des l’aspect digital, poursuit Nicolas Mackel. services bancaires. Tout cela est parfaitement De grandes banques ont mis en place, au Luxemlégitime. Des règles ont été mises en place. La bourg, des plateformes sur lesquelles elles ont première est que chacun doit payer ses impôts connecté leurs différentes succursales eurolà où ils sont dus. Pour le reste, l’expertise, qui péennes. Pour maîtriser les développements à est le service, peut être proposée n’importe où. venir, il faut réellement s’appuyer sur des talents Il n’y a donc aucune honte et aucune gêne à performants. Si les relationship managers sont aller promouvoir ce que nous faisons de mieux», souvent au plus près du client, dans son pays glisse le directeur de Luxembourg for Finance. de résidence, il faut des experts qui comprennent Aujourd’hui, la concurrence au niveau et connaissent les marchés financiers, maîmondial reste très active, et l’origine des clients trisent les aspects réglementaires toujours plus des banques privées luxembourgeoises s’est complexes. Le statu quo n’est pas une option. beaucoup diversifiée, même si 85% des avoirs Il faut sans cesse s’améliorer. » sous gestion proviennent encore du Vieux Continent. «Le marché de base reste en Europe, L’attractivité vaut aussi pour les talents mais on voit quand même de plus en plus de Si de grands groupes bancaires ont choisi le clients internationaux. Parmi les concurrents, Luxembourg comme hub européen, ce n’est j’ai mentionné Singapour, mais il y a aussi pas un hasard. Le multilinguisme est la règle, Hong Kong, plus orienté vers la Chine, reprend et cette diversité culturelle a même un intérêt Nicolas Mackel. Au Moyen-Orient, on retrouve qui dépasse la seule pratique de la langue. Les Dubaï, et Miami aux États-Unis pour toute professionnels de la banque privée que l’on une clientèle venue d’Amérique latine. On le trouve au Luxembourg ont en effet une connaisvoit, le Luxembourg attire aussi des clients sance intime de la plupart des pays d’origine latino-américains, en particulier pour l’aspect de leurs clients, et c’est une vraie plus-value. stabilité et sécurité. Mais quand vous regardez «Le succès futur de la Place nécessite des talents les volumes, la disproportion est encore plus et de l’innovation. Rien n’est facile, mais il faut grande qu’avec la Suisse. » Miami reste le hub surtout se défaire de l’idée que nous avons du continent américain pour la gestion de atteint notre vitesse de croisière et que nous fortune latino-américaine. pouvons enclencher le pilote automatique… », explique encore Nicolas Mackel. La concurLe statu quo n’est pas une option rence ne fait plus aucun cadeau. Et certaines L’expertise internationale de la banque ­privée attaques récurrentes, venues de l’étranger, luxembourgeoise permet aux banquiers de font partie de cette composante concurrengérer des questions complexes et des tielle. « Le Luxembourg ne peut se contenter ­porte­feuilles contenant des biens présents d’entretenir et de promouvoir ses forces, que je sur p ­ lusieurs juridictions européennes. Ces résumerais en trois points : la stabilité et la conseillers bancaires peuvent aussi offrir à réputation, la régulation à la fois exigeante et chaque client un ensemble de services pour pragmatique, ainsi que la rapidité et l’agilité le moins pléthorique. Mais le constat est clair. dans l’identification des nouvelles o ­ pportunités

CLASSEMENT DES CENTRES DE PATRIMOINE

et d’un marché domestique modeste. Le parallèle avec le Luxembourg est, sur ce dernier point, à souligner. En ce qui concerne le Royaume-Uni, la croissance des actifs internationaux (3,7 % sur la période 2017-2020) apparaît décevante en comparaison avec la Suisse, les États-Unis, Singapour et le Luxembourg. Au sein de l’Union européenne, un concurrent sérieux pour le Luxembourg demeure la Place de Francfort. Dans la recomposition du paysage de la banque privée européenne, elle a su faire valoir de sérieux atouts et attirer à elle quelques acteurs de référence qui, à la différence de HSBC et d’autres, n’ont pas fait du Luxembourg un siège de leur activité au sein de l’Union européenne.»

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PRIVATE BANKING AVRIL 2022

Selon The Deloitte International Wealth Management Centre Ranking 2021, la Suisse occupe la tête des principaux centres de patrimoine avec 2,6 milliards de dollars réservés en 2020, ce qui ­correspond à une part de marché de 23,7 %. Les deuxième et troisième pays sont le Royaume-Uni et les États-Unis. Au cours des quatre dernières années, le volume du marché interna­ tional a augmenté dans tous les centres de gestion de patrimoine, à l’exception de Bahreïn, du Panama et des Caraïbes. Les grands gagnants sont les États-Unis et le Luxembourg, qui affichent un taux de croissance annuel moyen supérieur à 8 %. Alors que le Royaume-Uni a connu une forte augmentation en 2020, il avait plus ou moins stagné entre 2017 et 2019. Cette stagnation était due à de fortes sorties d’actifs du Royaume-Uni vers le Luxembourg et d’autres zones de l’UE, à la suite du référendum sur le Brexit. En effet, au cours des dernières années, les banques internationales ont mis en place un hub de banque privée principa­ lement au Luxembourg, également pour atténuer les risques d’un Brexit dur.

sur les marchés, détaille François-Louis Thoreau. De plus en plus, l’attractivité de la Place dans le domaine des ressources humaines dépasse largement la question de la rémunération. La recherche de sens, l’ouverture aux new ways of working et la qualité de vie en général importent aux profils de haut vol, et la Grande Région ne peut suffire à les leur fournir. Dans ce domaine aussi, la concurrence internationale est implacable. » Parmi les nombreux défis auxquels sont confrontées les banques privées luxembourgeoises, la capacité d’attirer, de former et de développer des professionnels hautement qualifiés est essentielle. Si la lutte pour les talents n’est pas un sujet nouveau, elle prend toutefois une dimension toujours plus internationale. Et dans un contexte de transformation digitale du métier, il est encore plus difficile de prédire aujourd’hui avec précision quelles compétences seront nécessaires demain.

Auteur M.P.


BREAKFAST TALK PSF DE SUPPORT : NOUVELLES RÈGLES D’OUTSOURCING Programme • Welcome breakfast (8h30) • Set the tone (9h00) • Table ronde (9h10) • Express pitch (9h50) • Conclusions (10h05) • Networking coffee break (10h10)

Jean-François Terminaux Président, Finance Technology Luxembourg Cécile Gellenoncourt Service Line Head Supervision of Information Systems and Support PFS, CSSF

05.05 GOLD SPONSOR

Jeudi

Namur, Luxembourg-Hamm

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Compliance

Vague réglementaire : à quoi s’attendre en 2022 ? Depuis une dizaine d’années, le secteur financier fait face à une véritable vague réglementaire. Pour rester à flot, les départements compliance des banques se doivent d’être attentifs aux réformes à venir. Alors, qu’est-ce qui attend les acteurs de la banque privée en matière de réglementation en 2022? Réponse avec Marc Mouton et Glenn Meyer, partners au sein du cabinet Arendt & Medernach.

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PRIVATE BANKING AVRIL 2022


#Outsourcing

Collage

Marielle Voisin

Photo

Simon Verjus (archives)

L’une des tendances réglementaires fortes de 2022 devrait concerner l’externalisation, ou l’outsourcing, des fonctions de la banque. Cette pratique, de plus en plus courante dans le secteur – et qui s’accentuera sans nul doute dans le futur –, devrait en effet faire l’objet de nouvelles exigences plus strictes cette année. «De nombreux nouveaux textes européens, émanant notamment de l’Autorité bancaire européenne (ABE), sont parus, et on s’attend prochainement à une transposition de ces exigences au Luxembourg, avec une circulaire de consolidation en la matière de la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF), l’organe assurant la surveillance des professionnels et des produits du secteur financier luxembourgeois», explique Marc Mouton, partner au sein du cabinet Arendt & Medernach. L’adaptation à ces nouvelles exigences sera un véritable challenge pour le secteur de la banque privée. «Si ce sujet n’est pas propre au secteur de la banque privée, il y trouve tout de même un écho assez important. En effet, en matière de gestion de fortune ou de conseil en investissement, il est fréquent que les entités luxembourgeoises bénéficient de l’expertise de leur groupe, par exemple, et cela soulève de nombreuses questions d’un point de vue légal : comment organise-t-on cette collaboration? Quelles sont les exigences contractuelles, organisationnelles ou encore de surveillance? La transposition dans le droit national de ces textes européens permettra d’apporter des réponses à ces interrogations», poursuit Marc Mouton.

« L’appétit grandissant pour les cryptos a engendré une réponse réglementaire constructive, ce qui génère une réelle opportunité pour la Place.» MARC MOUTON Partner Arendt & Medernach

13,9 % Dans la dernière étude sur les coûts réglementaires menée par l’ABBL et EY, on apprend que 13,9 % de la force de travail des banques a une fonction liée aux aspects réglementaires. Ce chiffre a progressé de 73 % en 3 ans.

#Traitement des comptes inactifs Longtemps au point mort, le projet de loi visant à encadrer le traitement des comptes, des coffres-forts inactifs mais aussi des contrats d’assurance en déshérence au Grand-Duché intègre de nouvelles obligations en la matière. «Dans le passé, lorsqu’un client ne donnait plus signe de vie, on considérait, au bout d’un certain temps, que le compte était inactif. Bien que la CSSF avait fait part de lignes directrices précises en matière de durée, il existait un certain flou sur les mesures concrètes à prendre pour prévenir ce phénomène et puis, lorsqu’il se produit, sur l’encadrement des comptes inactifs. Grâce à ce projet d’envergure, le législateur souhaite, pour prévenir tant bien que mal l’émergence de ces comptes et coffres-forts, obliger les banques à être plus proches de leurs clients, mais aussi créer un nouveau cadre juridique pour le traitement de ces comptes et le régime de consignation qui les accompagnera. Puisque la proximité est dans l’ADN de la banque privée, ce sujet devrait parti­ culièrement intéresser le secteur», explique Glenn Meyer, partner chez Arendt & Medernach. Le législateur souhaite également agir sur la manière dont ces comptes dormants peuvent être traités, en facilitant notamment le processus de remboursement. «Le recours au régime de consignation via la Caisse de consignation – le service public qui est en charge de la mise en œuvre de la législation sur les comptes inactifs, les coffresforts inactifs et les contrats d’assurance en déshérence – pose parfois des problèmes opérationnels. Avec ce projet de loi, le législateur a l’ambition de résoudre cette problématique. Je pense que cette loi va beaucoup faire parler d’elle cette année car elle est très volumineuse et a trait à de nombreux régimes», poursuit Glenn Meyer.

#Mifid III Transposée en droit luxembourgeois le 20 mai 2018, la seconde directive européenne concernant les marchés d’instruments financiers devrait très prochainement laisser place à une troisième version : Mifid III. « Si des changements mineurs ont été apportés à Mifid II ces dernières années, principalement pour s’adapter à l’environnement Covid, en passant par exemple des communications papier aux communications électroniques, le grand chantier attendu est le passage à Mifid ­troisième du nom. Une directive phare, au cœur des métiers de la banque privée, qui vise principalement à protéger les ­investisseurs », explique Marc Mouton. Un autre phénomène déjà amorcé, et qui ira croissant dans le futur, est l’intégration plus prégnante des composantes ESG (­critères environnementaux, sociaux et de gouvernance) dans les textes du régulateur. « C’est dans l’air du temps, on voit l’ESG rentrer par de multiples portes. Si l’on con­ naissait déjà des produits estampillés ESG dans le secteur des fonds d’investissement, désormais, nous franchissons un cap supplémentaire en matière d’investissement durable avec Mifid, par exemple dans le cadre de la définition des objectifs d’investissement », poursuit Marc Mouton. L’intégration des préférences des clients en matière de durabilité dans leur profil est une tendance forte. L’inclusion de ces ­préférences ESG passe par la saisie d’informations, la détermination du niveau de préférence, puis l’adaptation du service et des produits à ces nouvelles exigences ESG. « Les banques devront s’assurer que les objectifs d’investissement ESG du client conver­gent avec la manière dont elles gèrent leur portefeuille », poursuit Marc Mouton. Elles devront également démontrer, via des ­rapports, que ces exigences durables sont respectées. « La Place montre depuis longtemps son intérêt pour l’ESG, et les modifications qui y sont relatives au sein de Mifid permettent d’apporter davantage d’éléments concrets pour la banque privée et ses clients», ajoute Glenn Meyer.

AVRIL 2022 PRIVATE BANKING

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Compliance

« On devrait franchir un cap supplémentaire en matière d’investissement ESG, notamment avec les adaptations de Mifid.» GLENN MEYER Partner Arendt & Medernach

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PRIVATE BANKING AVRIL 2022

Depuis la crise financière de 2008, le secteur financier a été confronté à une vague de réglementations massive. Celles-ci poursuivent deux buts majeurs : protéger les investisseurs et garantir plus de transparence vis-à-vis des autorités financières. Pour le secteur de la banque privée, cette multiplication des contraintes entraîne une réduction des marges. Mais cette baisse de rentabilité est-elle inévitable ? Pour réduire leurs frais et prendre en charge l’accroissement de ces réglemen­ tations, les banques sont de plus en plus nombreuses à se concentrer sur le cœur de leur métier, à savoir le conseil, et à externaliser certaines tâches. À côté de l’outsourcing, les banques privées font davantage appel aux solutions digitales pour faire face à la vague réglementaire et réduire les coûts. Si ce cadre légal toujours plus strict exige que les banques se réinventent, ces contraintes législatives peuvent aussi faire naître des opportunités réelles pour la Place.

#Crédits Comme le soulignent les experts du cabinet Arendt & Medernach, on note également, depuis quelques mois, de nombreux mouvements sur les réglementations liées aux crédits. « Si l’Association bancaire européenne avait déjà clarifié l’orga­nisation et la structuration de l’activité de fourniture de crédit dans le courant de l’année passée, on observe deux nouvelles réformes, l’une concernant le crédit à la consommation et l’autre qui intéressera particulièrement la banque privée : le crédit hypothécaire », explique Marc Mouton. La teneur de la réforme du régime applicable au crédit hypothécaire n’est pas encore arrêtée, mais elle visera a priori à améliorer l’information aux clients, à adapter le régime aux évolutions digitales, à favoriser le crédit sur une base transfron­ talière, à protéger les consommateurs en cas d’événements exceptionnels comme le Covid-19, et à favoriser les investissements dans les biens immobiliers à ­efficience énergétique élevée. Autre directive dans les tiroirs de la ­Com­mission européenne qui devrait inté­res­ ser le secteur bancaire plus généralement: celle concernant les gestionnaires de ­crédits, les acheteurs de crédits et le recouvrement de garantie. «L’initiative vise à faciliter le rachat de créances bancaires car le régime qui prévaut actuel­ lement est souvent perçu comme lourd et complexe, poursuit Glenn Meyer. Je pense qu’une initiative est lancée pour voir comment il serait possible de transposer habilement cette directive en droit luxembourgeois, afin de la transformer en une réelle opportunité pour la Place.»

#Crypto-actif Bitcoin, NFT (non-fungible token), tokenisation… Qui, en 2022, n’a pas encore entendu au moins une fois l’un de ces termes? Face à l’intérêt vertigineusement croissant des investisseurs, mais aussi des acteurs financiers, pour ces crypto-actifs, et les défis soulevés par l’innovation financière, l’adoption du futur règlement européen sur les marchés de crypto-actifs (Mica) paraît importante. Celui-ci réglementera certains actifs virtuels qui étaient jusqu’à présent en dehors du champ d’application de la législation existante, du moins partiellement. Et ce, même si certains types de crypto-­ actifs importants (notamment ceux qualifiés d’instruments financiers) ne seront pas couverts par ce règlement. «Le secteur de la banque privée est évidemment concerné par cette réglementation européenne puisque de nombreux clients fortunés placent aujour­ d’hui une partie de leurs investissements dans ces crypto-actifs, explique Marc Mouton. Dans ce contexte, la CSSF a fait une publication pour décrire quels services la banque pouvait fournir en matière de crypto-actifs. Elle a ainsi confirmé que la banque pouvait agir comme dépositaire pour ces cryptos, mais a ­ ussi faire appel à un tiers, et a défini un cadre, notamment en matière de responsabi­lités, qui accompagne ces services. Par ailleurs, même si ces actifs ne rentrent pas dans le champ de Mifid, la CSSF préconise de prendre des mesures équivalentes, notamment en matière de protection des investisseurs.» Ce cadre répondra à une réelle demande de la part des acteurs financiers. « Je crois qu’on assiste à l’émergence d’une toute nouvelle frange d’investisseurs extrêmement portés vers ces produits. Contrairement aux investisseurs plus fortunés, déjà séduits par ces actifs d’une société 2.0 plus portée sur la technologie, cette catégorie de personnes n’a pas les poches les plus remplies, mais elle a un fort appétit à l’investissement qui dépasse souvent de très loin l’investisseur bon père de famille, poursuit Glenn Meyer. Il est toutefois capital de rappeler que si le marché peut être porteur, il est aussi extrêmement volatil. Cela va générer énormément d’appétit, mais aussi beaucoup de réponses réglementaires pour protéger les investisseurs. Toutefois, s’il est important de sensibiliser ces derniers aux dangers potentiels de ce marché, il est essentiel de ne pas les décourager en posant un cadre légal trop contraignant. Après tout, il faut œuvrer à exploiter tout le potentiel d’opportunités que représente ce secteur pour le Luxembourg. »

Julian Pierrot (archives)

Bien connue des acteurs financiers, la directive AML (Anti-Money Laundering) a souvent été pointée du doigt pour son application très diverse dans les différents pays européens. Certains sont en effet connus pour avoir une réglementation plus souple que d’autres. « Cette disparité entre les différents régimes nationaux peut s’avérer parfois contreproductive au niveau de la capacité de l’UE à réduire les risques de blanchiment d’argent », explique Glenn Meyer. Dans le paquet législatif qui concourt à lutter contre le blanchiment, il faut aussi pointer la création d’une entité, l’Anti-Money Laundering Authority (AMLA), qui sera une véritable autorité centrale en la matière au niveau de l’UE, mais qui coordonnera aussi les actions des différents régulateurs nationaux. Il est donc également question d’harmoniser les règles européennes et d’établir des standards communs. « Je pense aux obligations de vigilance et notamment à ce qui a trait à la vérification et l’identification des clients (KYC). De très nombreuses choses sont attendues au sujet de cette harmonisation européenne, et je pense qu’un grand nombre d’acteurs financiers de la Place suivront de très près l’évolution de ce règlement, poursuit Glenn Meyer. C’est en particulier le cas des acteurs de la banque privée, puisque l’activité du secteur est souvent considérée comme étant ‘à risque élevé’, notamment parce qu’elle donne lieu à une volumétrie de flux financiers très importante.»

UNE BAISSE DE RENTABILITÉ INÉVITABLE ?

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#AML


LUNCH TALK LA DÉCROISSANCE, UN TABOU ? Programme • Welcome drink (11:30) • Table ronde (12:00) • Seated lunch (13:00)

Jean-Paul Olinger Président, Union des entreprises luxembourgeoises

Pascale Junker Représentante de Luxembourg Stratégie, cellule prospective du ministère de l’Économie

Blanche Weber Présidente, Mouvement Écologique

12.05

Jeudi

Namur, Luxembourg-Hamm

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Gestion

External asset management : la croissance se poursuit Depuis 20 ans, l’activité bancaire dédiée aux gestionnaires de fortune indépendants se développe au Luxembourg comme sur d’autres places financières. Après une année 2021 marquée par une nouvelle croissance des actifs gérés par ces structures (19 %), rien ne semble arrêter cet essor.

UNE ÉVOLUTION EXPONENTIELLE En milliards d’euros. Les résultats de la cinquième étude ABBL/CSSF sur les external asset managers montrent bien comment la gestion indépendante d’actifs se développe au Luxembourg. Source

ABBL/CSSF

+ +

12 %

19 % 53

44,7 39,8

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62

2020

PRIVATE BANKING AVRIL 2022

2021

Confier la gestion de ses actifs à une société de gestion et ouvrir un compte dans une banque luxembourgeoise ? Voilà une démarche de plus en plus courante, et le nombre d’acteurs bancaires pour servir ces external asset ­managers, au sein même de grandes banques privées, confirme la vigueur de l’activité. Les chiffres de la dernière étude de l’ABBL (Association des banques et banquiers, Luxembourg) et de la CSSF (Commission de surveillance du secteur financier) – la cinquième du genre – portant sur le sujet sont en tous cas limpides. Au 30 juin 2021, le volume d’actifs déposés au Luxembourg dont la gestion a été confiée à un acteur tiers atteignait en effet les 53 milliards d’euros, soit une hausse de 19 % par rapport à 2020, et de 35 % par rapport à 2017. Aujourd’hui, les actifs gérés par des gérants indépendants représentent 10 % de tous les actifs détenus par des banques privées au Luxembourg. Et 188 personnes sont employées dans ce secteur. « S’il faut sans doute relier cette hausse à la bonne performance globale des marchés, la croissance de ce secteur d’activité au cours des dernières années n’en est pas moins remarquable», commente Frédéric Driant, head of the external asset managers working group de l’ABBL et head of IFA (Independent Financial Advisors), le département de la BIL dédié aux gérants indépendants. L’attrait de l’assurance-vie Un autre enseignement de cette nouvelle étude menée conjointement par l’ABBL et la CSSF est le caractère fortement international de cette activité. La clientèle faisant appel aux services des gestionnaires indépendants est en effet issue à 37% d’Europe, à 13% du Luxembourg et à 11 % du reste du monde. Quant aux external asset managers eux-mêmes, ils sont à 39 % basés au Luxembourg (on en dénombre 100 dans le pays), 16 % en France, 15% au Royaume-Uni, 10% en Suisse et 20% ailleurs dans le monde. Si les clients étrangers comme locaux font appel à des gestionnaires indépendants et des banques privées luxembourgeoises, c’est pour plusieurs raisons. « Tout d’abord, ils sont souvent séduits par les produits proposés au Luxembourg, dont l’assurance-vie: elle représente 38% de nos dépôts. Nous avons vu, à partir de la crise de 2008, combien ce produit pouvait rassurer les investisseurs grâce à son fameux triangle de sécurité, d’une part, et associer une large gamme de sous-jacents d’autre part, explique Frédéric Driant. Toutefois, le choix d’un gestionnaire d’actifs se fait aussi, et peut-être en premier lieu, au regard du niveau de performance et de proximité offert. Là où les sociétés de gestion se démarquent aux yeux des clients, c’est par leur indépendance dans les choix de gestion, le sentiment d’avoir une gestion sur mesure, et la proximité. Pour une clientèle souvent internationale, ce contact de long terme


avec un interlocuteur de confiance qui s’allie les compétences de banques privées luxembourgeoises est un aspect qui séduit beaucoup.» Par ailleurs, un vrai changement de modèle s’est opéré au cours des dernières années et, à une relation classique client / banque, s’est substituée une plus forte intermédiation : un (multi) family office, lui aussi indépendant, s’intègre ainsi souvent dans le processus, et il aura parfois naturellement tendance à recommander un (ou plusieurs) gestionnaire(s) indépendant(s), et une banque dépositaire qui répond aux besoins de son client.

au sein de l’ABBL. Ces structures plus légères offrent plus d’agilité à ces grands acteurs, tout en limitant les frais.»

Un futur sans nuages Pour les responsables de l’ABBL, l’augmentation des parts de marché des gestionnaires d’actifs indépendants ne devrait pas être freinée au cours des prochaines années. « On pouvait s’interroger après l’entrée en vigueur de Mifid II. Mais on voit que les différents acteurs se sont très bien adaptés. Cela n’a pas impacté la vigueur de ce secteur, indique Frédéric Driant. Nous sommes confiants quant Une porte d’entrée en Europe à la croissance, car le modèle intermédié s’amOn peut donc comprendre pourquoi des plifie et la Place luxembourgeoise a de nomclients, souvent étrangers, recourent à des breux atouts pour séduire les parties prenantes. gestionnaires indépendants et des banques Nous restons attentifs au cadre réglementaire privées luxembourgeoises. Mais quel est l’in- et à la concurrence étrangère, mais l’avenir térêt pour des gestionnaires indépendants s’annonce plutôt serein. » d’effectuer ce travail depuis l’étranger? « C’est Alors qu’un phénomène de consolidation l’offre luxembourgeoise en matière de gestion touche, depuis plusieurs années, les banques de fortune qui attire l’attention d’acteurs situés privées luxembourgeoises, il semble que les en Europe ou en Suisse et au Royaume-Uni. sociétés de gestion y échappent. « Des invesLes gérants originaires de ces deux pays peuvent tissements importants ont été réalisés en matière ainsi avoir un pied en Europe, ce qui est deve- de compliance et de gestion des risques au cours nu particulièrement urgent pour les structures des dernières années, et les coûts liés à ce poste britanniques depuis le Brexit, précise Frédéric ne devraient donc plus beaucoup évoluer. Une Driant. Au-delà de ces marchés, qui restent consolidation est toujours possible, mais n’afparmi les plus porteurs, on voit aussi des acteurs fecte pas fondamentalement nos offres de serdu sud de l’Europe s’intéresser de plus en plus vices bancaires », ajoute Frédéric Driant. aux solutions luxembourgeoises.» Un autre phénomène constaté dernière- Parler d’une seule voix ment, notamment suite au Brexit, est l’arrivée De son côté, l’ABBL continuera à représenter au Luxembourg de grands acteurs bancaires pleinement le secteur des gestionnaires d’acétrangers, mais qui choisissent de n’établir tifs indépendants, ce qui était plus difficile dans le pays qu’une société de gestion. «C’est avant la création d’un groupe de travail dédié. le cas de Bank of Singapore, qui a installé un «Il était nécessaire d’institutionnaliser ce business, PSF de support dans le pays, illustre Fabio de faire en sorte que nous puissions parler d’une Mandorino, senior adviser – Member Relations seule voix par rapport aux problématiques qui touchent le secteur. C’est particulièrement nécessaire quand il s’agit de discuter avec la CSSF, affirme Fabio Mandorino. Nos membres apprécient réellement les efforts que nous avons « C’est l’approche faits dans ce sens au cours des dernières années.» Le responsable de l’ABBL rappelle en outre globale luxembourqu’un nouveau groupe de travail a été créé au geoise en matière sein de la structure à la fin de l’année 2021. Il sera consacré aux sociétés d’investissement, de gestion de fortune qui n’étaient pas encore représentées en tant qui attire l’attention que telles au sein de l’ABBL. C’est désormais chose faite.

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ABBL

des acteurs indépendants et de leurs clients.» FRÉDÉRIC DRIANT Head of the external asset managers working group de l’ABBL et head of IFA de la BIL

L’IMPACT DE MIFID II SUR L’EAM Entrée en vigueur en janvier 2018, la réglementation Mifid II évoquée ci-contre par Frédéric Driant, qui vise à protéger les investisseurs et à renforcer la transparence des marchés et des transactions, a eu un impact, à trois niveaux principaux, sur l’external asset management (EAM). 1 La rémunération Selon une étude menée par Deloitte Luxembourg en 2018, les revenus des external asset managers auraient connu une érosion allant jusqu’à 40 ou 50 % suite à Mifid II. En cause, la diminution des trailer fees (rétrocessions de commissions) qui n’a pas été contrebalancée par une hausse des frais de gestion. La renégociation des tarifs avec les banques dépositaires a toutefois souvent permis de mitiger cette baisse de revenus. 2 Le modèle opérationnel Mifid II a entraîné une augmentation du reporting. Ces efforts fournis en matière de compliance ont eu tendance à freiner le développement du business des EAM. Mais ils ont aussi conduit à une rationalisation du réseau des banques dépositaires et de courtage avec lesquelles travaillent les EAM. Selon la même étude de Deloitte, la « taille » des clients a aussi augmenté, passant d’un volume de 0,5 million d’euros à 1 million d’euros. 3 Les services et produits d’investissement La hausse des exigences réglementaires induite par Mifid II a, par ailleurs, impacté les types de services et de produits proposés par les EAM. Petit à petit, la gestion discrétionnaire s’est généralisée. Par ailleurs, les produits packagés ont aussi connu plus de succès, avec une utilisation toujours très populaire des produits d’assurance-vie et le développement de fonds d’investissement.

Auteur Q. D.

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Interview

« Renforcer l’écosystème dédié aux besoins des familles fortunées »

Serge Krancenblum (à gauche) a laissé la place de président de la Luxembourg Association of Family Offices (LAFO) à Pascal Rapallino (à droite).

Un nombre croissant de familles fortunées font le choix d’installer leur family office au Luxembourg. Serge Krancenblum et Pascal Rapallino, respectivement ancien et nouveau président de la Luxembourg Association of Family Offices, évoquent les ambitions de la Place autour du développement de cette activité. 64

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Serge Krancenblum et Pascal Rapallino

BIOS EXPRESS Serge Krancenblum Cofondateur d’IQ-EQ, il préside aujourd’hui le conseil de surveillance du groupe. Entrepreneur international, il a créé et géré un certain nombre de sociétés au cours de sa carrière. Il siège également en tant qu’administrateur indépendant aux conseils d’administration de plusieurs fonds immobiliers et de capital-investissement ainsi que d’associations professionnelles. Pascal Rapallino Devenu récemment président de la Luxembourg Association of Family Offices (LAFO), il est également responsable de la structuration des investissements du groupe IQ-EQ. Pascal Rapallino a plus de 20 ans d’expérience dans le secteur, allant des entreprises aux family offices en passant par la banque privée.

Pouvez-vous nous rappeler ce que recouvre l’activité de family office ? SERGE KRANCENBLUM (S. K.)   Dans le milieu, il y a une expression souvent évoquée: «quand on a vu un family office… on a vu un family office». Le concept recouvre une activité qui peut prendre bien des formes, en fonction des attentes de la famille ou des familles qu’elle sert. De manière générale, on parle d’une entité créée par une famille fortunée dont la mission est d’administrer ses intérêts au sens large. Cela recouvre évidemment les aspects financiers et patrimoniaux de la famille, la gestion des investissements, ainsi que de très nombreux services visant à assurer la qualité de vie de ses membres. À ce niveau, le family office va, par exemple, prendre soin des biens immobiliers, des véhicules, offrir un service de conciergerie. Le spectre des possibilités est infini. PASCAL RAPALLINO (P. R.)   On peut distinguer le single family office, mis en place par une famille, au service exclusif de celle-ci, du multi-family office. Ces structures servent plusieurs familles, qui n’avaient pas forcément d’intérêt à mettre en place une structure dédiée, avec un ensemble de services d’administration des biens et des investissements. Dans tous les cas, il s’agit de structures polymorphes. Les services dépendent des besoins et des attentes, qui évoluent sans cesse. Le family office agit en chef d’orchestre, organisant les services et gérant les problématiques rencontrées par le client. Sans cesse, il faut donc faire évoluer les compétences et parvenir à s’entourer des bonnes expertises.

Photo

Matic Zorman

Comment se développe l’activité de family office au Luxembourg ? S. K. Notre association, qui regroupait jusqu’alors les ­multi-family offices au Luxembourg, est à l’initiative de la loi de 2012, qui est venue reconnaître et protéger l’activité en l’encadrant au niveau réglementaire. L’adoption de cette loi a permis de bien positionner la Place luxembourgeoise auprès des familles fortunées. L’activité a gagné en crédibilité tout en offrant des garanties de sécurité et de visibilité tant aux clients qu’aux acteurs de la Place. On a alors vu de nombreux family offices s’installer pour structurer et administrer le patrimoine de familles internationales au départ du Luxembourg. Un vaste écosystème s’est développé autour de ces acteurs, avec des avocats, des experts fiscaux, des gestionnaires d’actifs, des assureurs, des notaires. P. R. Chaque catégorie d’acteurs est en effet représentée au niveau de son secteur. Il n’existait cependant pas encore de plateforme qui fédérait et pouvait parler au nom de l’ensemble des acteurs et prestataires de services dédiés à une clientèle privée fortunée. Aujourd’hui, c’est le rôle qu’entend endosser notre association. Nous souhaitons pouvoir défendre les intérêts de l’écosystème wealth management au Luxembourg. Notre volonté est de fédérer l’ensemble des acteurs du wealth management, pour engager un travail commun, qui puisse profiter à la Place dans son ensemble. Qu’est-ce qui fait l’attrait du Luxembourg pour ces familles fortunées ? S. K. Sans aucun doute son environnement réglementaire et juridique. Il est aujourd’hui rare qu’une famille fortunée, avec une empreinte internationale, n’ait pas recours à un véhicule luxembourgeois pour structurer son patrimoine. La Place, au départ d’un ensemble d’outils adaptés aux besoins en structuration et en planification patrimoniale de ces familles, est parvenue à développer une expertise poussée, permettant de les accompagner dans la durée.

P. R. On dispose désormais d’un vaste écosystème de prestataires de services, capables de gérer l’intégralité des problématiques rencontrées par cette clientèle exigeante au départ d’un seul pays. C’est assez exceptionnel. À cela s’ajoutent d’autres atouts du Luxembourg, comme son caractère polyglotte, un cadre fiscal international attractif, une grande flexibilité juridique avec un ensemble de ­véhicules régulés, semi-régulés et non régulés.

Quels sont les enjeux relatifs au développement de l’activité de family office, ou de wealth management en général, au Luxembourg ? S. K. Au-delà de la nécessité de continuer à offrir un cadre réglementaire stable et flexible, nous devons pouvoir nous adapter au départ d’une bonne compréhension des tendances de fond, celles qui influent sur les attentes des clients. C’est pour cette raison qu’il nous paraît important de pouvoir nous fédérer et d’être en mesure de parler d’une seule voix, pour défendre les intérêts de l’activité. Ensemble, nous pourrons plus efficacement envisager de nouvelles solutions contribuant à la pérennité de l’activité de la Place. Quelles sont les grandes tendances de fond qui exigent une attention particulière actuellement ? P. R. Nous devons nous inscrire dans une dynamique internationale. Il nous faut avoir la capacité de servir une clientèle issue de toutes les zones géographiques et désireuse de profiter de services globaux. Pour répondre à cette diversité de besoins, nous devons donc renforcer notre écosystème, pour qu’il soit le plus large et le plus compétitif possible. Certaines tendances doivent retenir notre attention, notamment celles liées aux évolutions réglementaires, avec un attrait grandissant pour le private equity et l’investissement durable, ou à la technologie, avec une progression de la tokénisation des actifs. Quelle que soit la nature des biens, leur localisation, nous devons nous demander comment il est possible de les structurer au départ de Luxembourg. Aujourd’hui, que manque-t-il à la Place luxembourgeoise pour qu’elle demeure compétitive à l’échelle internationale ? S. K. Par rapport aux besoins de cette clientèle privée, il nous manque encore certains véhicules essentiels que sont le trust et la fondation patrimoniale. Beaucoup d’autres pays européens proposent ce type de solutions. Des travaux ont été menés au niveau du législateur sur le sujet mais n’ont malheureusement pas abouti, sans doute par peur de se voir pointé du doigt en lien avec des pratiques facilitant l’optimisation fiscale. Or, ce n’est pas la fonction de ces instruments. P. R. Ces craintes ne sont en effet pas justifiées. Toutefois, on peut regretter que, depuis quelques années, le Luxembourg se montre un peu trop frileux vis-à-vis de l’adoption de tels outils. Le risque, en la matière, est de se faire doubler par d’autres Places. Si nous souhaitons rester compétitifs, il nous faut faire preuve de proactivité, continuer à adapter et à étoffer la boîte à outils luxembourgeoise au service de la structuration patrimoniale d’une clientèle internationale. La fondation patrimoniale fait aujourd’hui partie de ces outils dont nos clients ont besoin pour, réaffirmons-le, des raisons patrimoniales et non fiscales. Interview S. L.

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Forecast

À quoi le marché doit-il faire attention pour rester compétitif ? Comment la banque privée peut-elle rester compétitive en 2022 face aux nouveaux concurrents et aux clients toujours plus éduqués en matière financière ? Propos recueillis par M. P.

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LUCA DERLIN Head of international private banking in Luxembourg Deutsche Bank

À mon avis, il y a deux facteurs-clés de succès: la focalisation sur le client et le modèle de service sous-jacent. Le segment principal sur lequel nous nous concentrons est celui des personnes très fortunées, qui ont des besoins complexes en matière de services bancaires. En plaçant nos clients au centre de tout ce que nous faisons, nous comprenons parfaitement leurs besoins, leurs préoccupations et leurs objectifs afin d’y associer des solutions personnalisées. Nous développons une relation de confiance à long terme et nous sommes là pour nos clients aux différentes étapes de leur cycle de vie. L’autre composante est un modèle de service flexible, efficace et performant. Il faut pour cela disposer d’un groupe de professionnels très talentueux en contact avec la clientèle, qui possèdent les compétences et l’expérience nécessaires pour répondre aux besoins complexes de nos clients, en les servant à un niveau personnel et professionnel, dans plusieurs pays et sur plusieurs générations. En outre, le modèle de service doit reposer sur des capacités numériques en constante évolution. Si la théorie peut paraître simple, c’est dans l’exécution que les gagnants se distinguent et font la différence. 66

PRIVATE BANKING AVRIL 2022

« La banque privée doit être en adéquation avec son époque et les nouvelles générations. »

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« Pour Luxembourg, le risque d’image et la réputation sont essentiels. » OLIVIER CHATAIN Senior country officer et administrateur délégué Groupe Crédit Agricole et CA Indosuez Wealth (Europe)

Notre banque privée a célébré, en 2020, ses 100 ans de présence au sein de la place financière de Luxembourg. Son histoire illustre la capacité d’adaptation et d’innovation de la Place et de ses acteurs dans un contexte de changements profonds et de concurrence accrue. Cependant, les défis qu’ils ont à relever sont multiples pour rester dans la compétition internationale. Ils sont confrontés à la gestion de différents risques et contraintes: sécurité informatique, notamment cybersécurité, et contraintes réglementaires importantes souvent associées à un enjeu d’efficacité opérationnelle auquel la digitalisation peut répondre. Pour Luxembourg, le risque d’image et la réputation sont essentiels. Les opportunités liées aux savoir-faire qui y sont développés sont nombreuses, dont celle d’inscrire la proposition de valeur de ses acteurs dans un monde plus durable. C’est une attente forte des investisseurs et de nos clients. Enfin, nous devons poursuivre le développement de l’attracti­ vité de la Place pour convaincre les experts et les talents qui constitueront nos équipes de demain.

Deutsche Bank, Lombard Odier et Nader Ghavami (archives)

«Le modèle de service doit reposer sur des capacités numériques en constante évolution.»

En tant que gérants de fortune et d’actifs, notre devoir est de comprendre et d’analyser les changements de paradigme et d’identifier des opportunités d’investissement pour nos clients. La capacité à générer des performances et à gérer les portefeuilles sur le long terme, en particulier en période difficile, est un facteur-clé de différenciation. L’investissement durable s’inscrit dans cette logique. Nous sommes absolument convaincus qu’il va générer des rendements supplémentaires. Pour répondre à l’intérêt grandissant de nos clients, nous déployons leur capital dans les entreprises qui sortiront vainqueurs de cette transformation économique. Un autre défi concerne l’évolution de la société. Afin de s’adresser aujourd’hui à ses clients de demain, la banque privée doit être en adéquation avec son époque et les nouvelles générations. Cette clientèle plus jeune, certes encore minoritaire aujourd’hui, recherche avant tout un banquier qui comprend ses préoccupations et devient membre à part entière de son écosystème. La formule pour attirer cette clientèle passe par une grande transparence, et encore davantage de temps consacré à l’écoute et à l’éducation financière afin que la confiance s’installe.

Photos

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JEAN-BENOÎT MESNIL Directeur des activités de clientèle privée Banque Lombard Odier au Luxembourg


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