Dossier
« L’enjeu est de garantir le droit au logement abordable » Nathalie Oberweis, élue à la Chambre des députés (déi Lénk), et Jean-Paul Scheuren, président de la Chambre immobilière du Grand-Duché de Luxembourg, s’accordent sur la nécessité de proposer davantage de logements abordables.
« L’enjeu, pour nous, est que le foncier ne soit pas un objet de spéculation.» NATHALIE OBERWEIS Députée Déi Lénk
Pourquoi le sujet n’est-il pas pris au sérieux ? N. O. Nous étions les premiers, il y a quelques années, à parler de crise de l’accès au logement. Aujourd’hui, ce thème semble repris par le gouvernement, suite à une prise de conscience tardive. Si le sujet n’a pas été considéré jusqu’alors, c’est que la problématique de l’accès au logement concerne des locataires et que la plupart de ceux-ci ne sont pas Luxembourgeois. Il ne s’agit pas des électeurs. D’autre part, élus à la Chambre et membres du gouver nement ne sont pas directement concernés par le problème. Nous ne sommes pas directement confrontés aux drames humains liés
Romain Gamba
Comment pourrions-nous définir le logement abordable ? J.-P. S. Le chiffre avancé par Caritas correspond au nombre de ménages se situant dans le d ernier
quintile de revenus. Cela ne veut pas dire que ces personnes sont à la rue. Une grande p artie, d’ailleurs, est propriétaire. En 2017, nous avions estimé le besoin en logements a bordables autour de 17.000. Depuis lors, il a certainement évolué à la hausse pour aujourd’hui atteindre 30.000. Je pense qu’un logement abordable, c’est celui qui ne coûte pas plus de 33 % des revenus du ménage. Or, quand on regarde la situation de ce dernier quintile, le coût du logement correspond à 49 % des revenus en location. Ces ménages, s’ils ne sont pas propriétaires, ne peuvent plus envisager d’acheter leur logement. N. O. Il faut se rendre compte de ce que signifie ce taux d’effort pour se loger, à savoir 50 % des revenus. Les personnes concernées sont totalement étouffées. Concrètement, elles n’ont pas de marge financière pour faire face à un éventuel imprévu, un accident ou une panne. Au-delà des chiffres et des statistiques, on parle de situation existentielle précaire. Il y a des drames humains derrière cela. Un couple qui ne s’entend pas, dans une telle situation, n’aurait pas la possibilité de se séparer, par exemple. J.-P. S. L’absence de reconnaissance de cette thématique, par le pouvoir politique en place, par les gouvernements successifs, me rend triste. D’autant plus qu’ils ne peuvent pas dire qu’ils ne savaient pas. Il y a 15 ans, nous avons déjà fait une étude dont la conclusion les invitait à arrêter de parler de logement social, précisant que la problématique du logement était plus large et concernait de plus en plus les classes moyennes.
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Au regard de l’évolution des prix des biens résidentiels au Luxembourg, peut-on aujourd’hui parler d’une crise du logement ? JEAN-PAUL SCHEUREN (J.-P. S.) Il y a lieu, à ce propos, de bien définir de quoi on parle et de quel point de vue on en parle. Si l’on se met à la place de celui qui investit, toute progression des prix du logement est bonne à prendre. Une chute des prix du logement affecterait toute la population. Par contre, si l’on parle de l’accès au logement, c’est un tout autre sujet. En la matière, il y a un véritable enjeu. Et la politique du logement, avant toute chose, doit s’attacher à garantir à chacun un logement décent, adapté à sa situation familiale. NATHALIE OBERWEIS (N. O.) Au Luxembourg, le droit au logement existe en théorie. Si l’on regarde la réalité du marché, toutefois, on constate qu’il exclut de plus en plus de personnes. À l’heure actuelle, Caritas estime le besoin immédiat en logements à 30.000 unités. En la matière, on peut parler d’un échec de la politique du logement à l’échelle nationale, dans la mesure où l’on n’arrive pas à garantir ce droit au logement.