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Syntaxe, créateur de quartiers
L’enjeu de la végétalisation de la ville
Les itinéraires de la culture brabançonne
espace
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Février 2020 Bimestriel
La revue qui décode les enjeux territoriaux du Brabant wallon
Une densification sans vision Comment les mesures d’accompagnements font défaut en Brabant wallon
sommaire
Vos nouvelles rubriques apprendre
en bref
On approfondit une
thématique nouvelle qui suscite le débat.
découvrir
On part à la découverte d’initiatives positives tournées vers l’avenir et vers un développement durable du territoire.
comprendre découvrir
apprendre
Densifier. Et après ?
respirer
Jumelle
répondre
Il s’agit de décrypter un enjeu, une prise de position, une politique. On prend le temps d’analyser la situation.
Les sens et essences d’une forêt urbaine
répondre
Occupation temporaire
rencontrer
respirer
Peut-on se passer de voitures ?
Espace-vie propose à ses lecteurs un éclaircissement sur une question que l’on peut se poser dans son quotidien en matière de cadre de vie.
Portrait d’une personnalité ou d’un citoyen actif dans le monde de l’aménagement du territoire en Brabant wallon.
explorer
L’idée est de partir à la découverte d’initiatives originales expérimentées en dehors du Brabant wallon et de voir comment elles pourraient servir d’exemple pour le Brabant wallon.
évoluer
apprendre
rencontrer
Les nouvelles ambitions de Syntaxe
évoluer
La métamorphose des Forges de Clabecq
Espace-vie est la revue bimestrielle de la Maison de l’urbanisme du Brabant wallon – Centre culturel du Brabant wallon ( janvier, mars, mai, juillet, septembre et novembre). Elle traite de sujets relatifs à l’aménagement du territoire, à l’urbanisme et aux enjeux culturels en Brabant wallon. Créée en 1989, Espace-vie est indépendante de tout parti politique et dispose d’une liberté éditoriale.
Des centres culturels bientôt cinquantenaires
agenda
La standardisation de nos paysages en question
On jette un regard sur un sujet traité par le passé et on le confronte aux réalités actuelles.
débattre
Espace-vie s’ouvre à ses lecteurs et propose un espace de confrontation des points de vue.
respirer
Une image marquante qui possède une histoire forte.
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Éditeur responsable : Nicolas Van der Maren - Rédaction : Xavier Attout (x.attout@ccbw.be), Caroline Dunski (c.dunski@ccbw.be), Karima Haoudy (k.haoudy@ccbw.be) - Équipe de la Maison de l’urbanisme : X. Attout, A. Chevalier, K. Haoudy, M. Schmetz - Président de la Maison de l'urbanisme : Mathieu Michel - Maquette : Louise Laurent (www.louiselaurent.be) - Mise en page : Louise Laurent - Dessins : Marco Paulo - Imprimeur : Artoos Group - IPM Printing - Tirage : 7 000 exemplaires - Adresse : 3, rue Belotte, 1490 Court-Saint-Étienne - Contact : 010 62 10 50 ou m.urbanisme@ccbw.be - www.mubw.be - www.ccbw.be Espace-vie est publié avec le soutien de la Wallonie et du Brabant wallon. La revue est envoyée sur demande et gratuitement aux habitants du Brabant wallon, abonnement de 12 euros/an hors Brabant wallon. Ne peut être vendu. Si vous préférez recevoir Espace-vie en version numérique, n’hésitez pas à nous le signaler. Toute reproduction partielle ou totale nécessite une autorisation préalable de l’éditeur responsable. La clôture de ce numéro s’est déroulée le 15 janvier 2020. Copyright de la photo de couverture : Les Jardins de la Balbrière © Reim Sàrl - Architecte Abr Scrl - Image Asymetrie Espace-vie est imprimé sur du papier recyclé dans une imprimerie climatiquement neutre. Les émissions de CO2 sont neutralisées à 100 % par le biais de plantations d’arbres. L’emballage qui entoure la revue lors de l’envoi est en maïs.
avant-propos
Une nouvelle offre multisupports Après six mois d’absence, Espace-vie est donc réapparu dans vos boites aux lettres. Une pause salutaire pour repenser le projet de votre revue. Il en ressort une seconde mutation importante après celle effectuée en 2009. Et quelques changements majeurs, tant sur le fond que sur la forme. Sur la forme tout d’abord. Le rythme de parution passe de 10 à 6 numéros par an (tous les deux mois), le nombre de pages grimpe de 16 à 24 pages, le format a été réduit. La maquette a été également rafraichie, pour être davantage dans l’air du temps. Plus aérée, laissant plus de place à l’image et aux infographies, cette maquette doit également favoriser les ponts entre le papier et le digital, autre volet de notre volonté de transformation. L’idée étant dorénavant de renforcer notre présence numérique via un contenu papier retravaillé tout en y ajoutant du contenu complémentaire, tel que des vidéos, des infographies, voire de nouvelles infos. Une offre que vous pouvez découvrir sur un site internet entièrement repensé (espacevie.be). Espace-vie se veut donc à l’avenir multisupports. Un processus dont il nous faudra a priori quelques mois pour apprivoiser totalement les contours.
Enfin, nous avons également souhaité atténuer la frontière qui existait avec les articles consacrés à l’actualité culturelle du Brabant wallon. Un lien entre urbanisme et culture qui s’explique, comme vous le savez, par l’intégration de la Maison de l’urbanisme au sein du Centre culturel du Brabant wallon. L’idée étant désormais d’aborder les questions et pratiques culturelles sous l’angle territorial. Une manière d'évoquer la fabrique de notre territoire sous ses multiples facettes. Xavier Attout
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L’autre évolution concerne le fond. Si la maquette précédente était basée sur une variation des rythmes de lecture, nous avons souhaité cette fois nous positionner en fonction de thématiques. Une dizaine ont été retenues. Cinq ou six seront choisies à chaque numéro. Vous pouvez découvrir leur description en page 2, ci-contre. Ces nouvelles rubriques doivent vous permettre d’avoir davantage de lisibilité par rapport à notre positionnement éditorial, qui reste toujours de vous informer et de vous sensibiliser le plus clairement possible aux enjeux de l’aménagement du territoire en Brabant wallon. Nous avons également souhaité renforcer notre interaction avec vous, lecteurs. Des pages vous sont dédiées. Comme celle où des questions de citoyens, simples ou compliquées, sont soumises à l’éclairage d’un expert. Rappelons également que nos pages sont également ouvertes à ceux qui désirent écrire une carte blanche sur un sujet d’actualité. N’hésitez donc pas à interagir avec nous.
en bref
La clinique Saint-Pierre, installée à Ottignies, va déménager à Wavre d’ici 2028. Elle va construire un nouvel hôpital de 75 000 m2 sur un terrain de 14 ha situé à la jonction de l’E411 et de la N25.
Un régime carabiniers à Wavre 4
Matexi a sérieusement revu à la baisse son projet comprenant logement, commerce et bureau (La promenade) prévu sur le parking des Carabiniers à Wavre (en plein centre). Si le volet commercial a été ajusté en un an (de 3 800 m2 à 2 000 m2), c’est surtout le volet résidentiel et de bureau qui a été divisé par trois, passant de 21 200 m2 à 7 500 m2.
Une navette autonome à Louvain-la-Neuve C’est une première en Wallonie. Du moins sur une voirie où circulent d’autres véhicules. Une navette autonome sera mise en place cette année à Louvain-la-Neuve. Elle permettra d’aller gratuitement de la gare au Parc scientifique via l’avenue Georges Lemaitre. Sa vitesse de croisière sera de 8 km/h. Un projet qui s’inscrit dans la démarche de territoire intelligent de la Ville d’Ottignies-LLN. Le budget total avoisine les 850 000 euros. Parmi les instigateurs, on retrouve également l’UCLouvain, le TEC, in BW, l’Axis Parc et la Wallonie.
Retrouvez tout le contenu d'Espace-vie, de nouvelles informations, des vidéos et autres infographies sur notre nouveau site internet espacevie.be.
Quartiers Nouveaux, clap de fin Le nouveau ministre de l’Aménagement du territoire, Willy Borsus, a enterré en novembre dernier les « Quartiers Nouveaux ». Quatorze projets avaient été sélectionnés. Et à l’heure du bilan, la plupart sont en rade (à l’exception de celui de Tubize) ou n’ont plus besoin d’un accompagnement régional. À la trappe aussi l’exonération du précompte immobilier prévue pendant cinq ans au profit des ménages acceptant d’investir dans ces quartiers. Un autre dispositif pourrait voir le jour à l’avenir.
Le nombre de logements qui seront construits à Nivelles ces dix prochaines années. Une vingtaine de projets sont actuellement à l’étude. De quoi faire grimper la population à 35 000 âmes d’ici 2035.
Le parc de Tubize II est une bouffée d'oxygène provinciale au vu des réserves de terrains dédicacés à l'activité économique. » © DDS+
Christophe Dister, président d’in BW, au sujet du nouveau parc d’affaires pour PME de 65 hectares dont la moitié est déjà réservée.
Des vélos électriques en semi free-floating
Densification en vue à La Hulpe Près de 220 logements en plein centre de La Hulpe, à 300 mètres de la gare. Les promoteurs immobiliers Atenor et l’Immobilière du Cerf (Groupe Ackermans & van Haaren) ont signé un accord de partenariat pour redévelopper le site des anciennes papeteries Intermills en un ensemble mixte comprenant appartements et maisons. Atenor a déjà déposé une demande de permis pour 219 logements. L’Immobilière du Cerf possède le terrain voisin de 6 ha et envisage d’y développer environ 125 logements. Les deux promoteurs vont toutefois devoir se partager le gâteau puisque la commune souhaite qu'ils s’entendent pour développer au maximum 220 logements – dont des unités pour les jeunes – et une maison de repos.
En matière de contournements, le Brabant wallon a connu quelques avancées ces derniers mois. Celui de Perwez (entre le zoning et la E411) est passé à la trappe. Le permis de celui de Wavre-Nord a été délivré par le ministre régional mais fait l’objet de plusieurs recours introduits devant le Conseil d’État. Enfin, à Tubize, la demande de permis a été déposée. Réponse attendue d’ici quelques semaines.
Une porte de sortie pour L'esplanade La Ville d’Ottignies-LLN a dévoilé mi-décembre l’avant-projet de schéma d’orientation local (SOL) qu’elle a imaginé, avec le bureau d’études Impact, pour le quartier de L’esplanade et ses environs. Les fonctions mixtes sont privilégiées, la fonction commerciale n’est plus prédominante. Le SOL devra être voté avant le 12 septembre pour ne pas tomber à l’eau. Le dossier reste toutefois extrêmement compliqué. D’après nos informations, Klépierre n’a plus l’intention de développer un nouveau projet (commercial ou autre) et souhaite se libérer de la promesse d’emphytéose dont il dispose sur la parcelle située au-dessus des voies de chemin de fer. Comment y parvenir ? Il doit d’abord régler son différend juridique avec Wilhelm & Co (le promoteur de L’esplanade qui a revendu sa promesse d’emphytéose à Klépierre) qui souhaite récupérer le dédit lié à la vente du terrain. Une procédure sera bientôt lancée à ce sujet. La porte de sortie pourrait par contre venir d’un montage plus complexe : le promoteur AG Real Estate, flanqué de l’architecte Christian Sauvage, paye la dette de Klépierre à Wilhelm & Co, de manière à récupérer le droit d’emphytéose. De quoi alors avoir les coudées franches pour y développer un projet mixte (résidentiel, commerce et bureau) de 35 000 à 40 000 m2.
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© MDW Architecture
Le Brabant wallon pourrait être doté d’un réseau de vélos électriques d’ici quatre ans. La première étape concerne cinq communes : La Hulpe, Lasne, Rixensart, Waterloo et Wavre. Le cahier des charges pour trouver un prestataire est en train d’être rédigé par in BW, qui pilote le dossier. L’objectif est de voir les premiers vélos circuler à l’automne. Le modèle retenu serait un mix entre free-floating et stations fixes. L’utilisateur devrait obligatoirement déposer son vélo dans certaines zones du territoire, sans quoi le compteur continuera à tourner. En théorie, il est prévu un vélo par 200 habitants. Soit, dans un premier temps, 500 vélos et, à terme, 2 000 vélos. Ils seront disponibles à proximité de lieux de transport, de lieux publics ou d’infrastructures sportives et culturelles.
Densifier. Le Brabant wallon se densifie de plus en plus. Une politique qui ne fait plus débat vu les enjeux à venir. Reste que les conséquences et les contraintes liées à cette densification semblent peu prises en compte. Tant par les communes que les promoteurs ou la Wallonie qui délaissent les mesures d’accompagnement devant permettre permettre de construire des villes agréables à vivre. De quoi aller droit dans le mur ? Texte : Xavier Attout - Photos : Asymétrie
apprendre
Seuls sur leur ile
La densification doit amener une valeur ajoutée au quartier existant. En théorie…
Plusieurs projets comprenant des centaines de logements ont émergé ces dernières années dans le paysage brabançon. Que ce soit Bella Vita à Waterloo, Les Papeteries à Genval, la Campagne du Petit Baulers à Nivelles, Court Village à CourtSaint-Étienne ou encore Les Jardins de l’Orne à Mont-Saint-Guibert. Sans parler des dizaines d’immeubles à appartements qui sont sortis de terre un peu partout. « Ce qui est frappant, c’est la relative indépendance de ces opérations immobilières par rapport aux tissus bâtis existants, poursuit Pierre Vanderstraeten. Il y a très peu de liaisons entre eux. C’est l’acteur régional (ndlr : le fonctionnaire délégué) qui doit déterminer cette cohérence et
Il est en tout cas difficile de faire croire que la situation s’est améliorée en matière de qualité de vie, de renforcement du lien social entre habitants ou de mobilité. Pierre Vanderstraeten, Vice-doyen de la Faculté d’architecture, d’ingénierie architecturale et d’urbanisme de l’UCLouvain
donner une vision de continuité. Cela fait clairement défaut. Il est pourtant nécessaire de penser d’une manière globale. » Un constat partagé par le sociologue et urbaniste Yves Hanin, qui relève également le manque de cohérence avec le bâti existant : « Ces projets de nouveaux quartiers ont souvent été conçus comme des poches au sein desquelles on discute de beaucoup de choses mais rarement de l’articulation de la poche avec ses alentours, ce qui peut créer des concurrences notamment en matière de commerces et une difficulté d’avoir un effet de contagion positif. » Pour chaque projet d’envergure, des études de mobilité et d’incidences sur l’environnement sont obligatoires. De quoi déterminer les impacts des aménagements futurs et les recommandations à suivre. Des éléments qui sont parfois largement sous-estimés. « Il faut savoir que les études d’incidences sont payées par le demandeur, ce qui biaise quelque peu les recommandations qui y sont inscrites, lance Serge Peeters, président de la Chambre des urbanistes de Belgique. Le promoteur cherche toujours le plus petit dénominateur commun entre les impacts à venir et les mesures à prendre. C’est pour cela que je plaide pour que l’on mette sur pied un fonds indépendant qui payerait les études d’incidences, de manière à objectiver un maximum ces études. » Sans parler du fait qu’elles ne sont que théoriques et que la réalité de terrain peut les contredire. « Il est évident que ces études se basent sur certaines hypothèses qui ne se réalisent pas nécessairement, fait remarquer l’échevin de l’Urbanisme de Rixensart, Christophe Hanin. Il faut donc rester prudent. Dans le cadre du projet des Papeteries de Genval, nous imaginions par exemple que le carrefour de Maubroux à Genval serait complètement embouteillé après la construction de la
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S
i les nouvelles tendances d’aménagement du territoire ont mis du temps à essaimer, elles sont aujourd’hui bien entrées dans les têtes. Tant dans celles des particuliers que des politiques. Densifier le logement aux alentours des gares et des lieux de service de manière à diminuer l’étalement urbain, les déplacements et répondre à la hausse démographique ne fait plus débat. Il s’agit d’une évidence aujourd’hui. Les projets intégrant ces nouvelles donnes se sont multipliés ces quinze dernières années. Surtout en Brabant wallon où les promoteurs ont trouvé un levier intéressant pour multiplier les appartements dans un environnement où la demande explosait. Avec bien évidemment quelques abus à la clé en matière de proportion. Et des conséquences périphériques telles qu’une indéniable hausse des prix de l’immobilier et une mobilité qui déraille. L’heure d’un premier bilan a sonné. Et ce malgré les nombreux projets qui sont encore dans les cartons. Avec un constat plutôt clair : la manière dont les communes, promoteurs immobiliers, bureaux d’études et habitants ont appréhendé cette densification et géré les conséquences qui en découlent peut interpeller. « Il est en tout cas difficile de faire croire que la situation s’est améliorée en matière de qualité de vie, de renforcement du lien social entre habitants ou de mobilité, tranche l’urbaniste de l’UCLouvain Pierre Vanderstraeten. Cette densification a rarement été accompagnée de mesures concrètes, que ce soit en termes d’amélioration des espaces publics, des espaces verts, de mobilité ou, plus simplement, de qualité de vie. Le défi en la matière est donc important. D’autant que cette tendance va encore se renforcer à l’avenir. »
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phase 2. Cela n’a pas été le cas. D’autres problèmes de mobilité sont toutefois apparus. » Le Brabant wallon traine en fait comme un boulet son étalement urbain. Outre le cout à la collectivité, il génère d’importants problèmes de mobilité puisque la voiture est un moyen de déplacement inévitable. Densifier les zones situées à proximité des centres urbains ne fait de plus que rajouter un élément à une somme déjà bien fournie. « Le réseau de voiries du Brabant wallon n’a pas été conçu pour accepter autant de voitures, fait remarquer Jean-Marc Jadot, directeur des routes du Brabant wallon. Les autorités ont beaucoup de difficultés à se projeter dans l’avenir. Certains projets ont peu de conséquences de manière individuelle mais sont néfastes quand ils sont pris dans leur ensemble. Sans parler que les adaptations du réseau routier vont bien moins vite que les projets immobiliers. Nous allons donc clairement vers de grands problèmes de mobilité à l’avenir. » Et Pierre Vanderstraeten d’ajouter : « L’aménagement du Brabant wallon s’est en fait réalisé à l’envers. On essaye d’ajouter des lignes de transport aujourd’hui car des promoteurs se montrent intéressés par des projets. Or, il aurait fallu ne pas être dans la réaction. » 0 5 10 km
Densité de population dans les communes du Brabant wallon en 2018
Densité (hab/km2) 120-199 200-399 400-799 0
5
10 km
Source : le Brabant wallon
800-1199 1200-1500
Légende de la photo en quelques lignes. Légende de la photo en quelques lignes ou plus.
La quête de valeur ajoutée Pour accompagner cette densification, des solutions existent pourtant. Elles sont d’ailleurs déjà déployées dans certaines villes étrangères. Le maintien voire l’amélioration de la qualité de vie y étant au centre de toutes les réflexions. Des éléments qui font actuellement le plus souvent défaut. « Pour l’heure, il est vrai que la densification entraine des nuisances, que ce soit en termes de qualité de vie ou de mobilité, reconnait Christophe Hanin. Il faut y remédier. Cela passe notamment par des plans de mobilité et des aménagements spécifiques. Car, aujourd’hui, les infrastructures ne suivent pas. » Pour y parvenir, la maitrise du foncier semble inéluctable, histoire de pouvoir résister aux pressions des investisseurs. « Il est bien plus facile d’améliorer la qualité de vie quand les pouvoirs publics ont la maitrise du foncier, 0reconnait 5 1Pierre 0 km Vanderstraeten. Les charges d’urbanisme ne sont pas
« WATERLOO A DÉJÀ FAIT SA PART DE TRAVAIL » Le niveau de densification à atteindre fait aujourd’hui encore débat. Si pour l’urbaniste Pierre Vanderstraeten, la densification du Brabant wallon est encore trop faible, le son de cloche est bien différent dans des communes comme La Hulpe, Rixensart ou Waterloo. Cette dernière freine d’ailleurs des quatre fers chaque fois qu’un promoteur pointe le
bout du nez. « Densifier le territoire wallon est une évidence, lance la bourgmestre de Waterloo, Florence Reuter. Mais il faut arrêter de densifier là où ce n’est pas nécessaire. Et, pour ma part, j’estime que Waterloo a déjà fait sa part du travail. Nous avons 1 400 habitants/km2 alors que la moyenne du Brabant wallon avoisine les 400 habitants/km2. Il est encore possible
de densifier dans le centre-ville, là où il est possible de combiner logement et modes doux. Pour le reste, chez nous, les problèmes de mobilité sont trop importants pour continuer en ce sens. Et ce, malgré les offres alternatives que nous mettons en place. Ma vraie crainte est que, à terme, les habitants fuient Waterloo, l’air y devenant irrespirable vu les problèmes de mobilité. »
interview
« Cerner les besoins réels du quartier » Serge Peeters, président de la Chambre des urbanistes Propos recueillis par X. A.
Comment peut-on mieux gérer la densification du territoire ?
Construire les projets avec les riverains est essentiel. Car les premières réactions sont toujours négatives quand ils voient de nouvelles constructions arriver dans leur environnement.
Clairement, non. Lors des négociations des demandes de projet, elles ne sont pas outillées pour pouvoir éviter les problèmes de cette densification, notamment en matière de retombées sur la circulation ou d’équipements. Il n’y a pas non plus suffisamment de suivi a posteriori, une fois que le projet est terminé.
Christophe Hanin, échevin de l’Urbanisme de Rixensart
suffisantes. » D’autant qu’aujourd’hui le contrôle ou la vérification sur le terrain de la bonne application des charges semble faire défaut. « C’est un autre problème, qui est le plus souvent dû à un manque d’effectifs dans les services urbanisme », regrette Yves Hanin. Ajoutons que les communes n’accompagnent pas toujours non plus ces nouveaux quartiers par des travaux ad hoc. Le problème semble donc relativement large. « Or, avoir à l’esprit que la densification doit créer de la valeur ajoutée pour les habitants – tant les nouveaux que les anciens – est capital, estime Pierre Vanderstraeten. Sans cela, cela n’ira pas. De la valeur ajoutée, cela se traduit par des espaces verts, des zones libres de toute construction, des commerces, des crèches, des écoles. Il est important que le quartier soit agréable à vivre et non uniquement centré sur les voitures. Il faut aussi penser à l’occupation des rez-de-chaussée et aux espaces publics. Les rendre agréables et vivables est essentiel. Tout comme le fait de créer des services et des équipements accessibles, de manière à faciliter le quotidien des citoyens. Les promoteurs ne peuvent pas ne penser qu’à l’argent que va procurer cette densification. »
Les conséquences de la densification sont-elles suffisamment prises en compte par les communes ?
La mobilité reste le point noir…
Les impacts sur la mobilité sont souvent sousestimés car, lors d’un projet, l’étude de mobilité s’intéresse uniquement au nouveau quartier. Les conséquences ne sont pas prises dans un contexte suffisamment large. Aménager des routes et l’un ou l’autre carrefour n’est pas suffisant.
Quelles pistes de solution peut-on alors dégager ?
Pour aller plus loin Un Midi de l’urbanisme est organisé sur le sujet le 20 mars de 12h à 14h à la Ferme du Biéreau, à Louvain-la-Neuve.
En Brabant wallon, vu l’étalement urbain et la densité encore trop faible, la moyenne des véhicules par ménage tournera toujours autour de deux unités. Il faut donc trouver des solutions à partir de ce constat. Ces problèmes de mobilité doivent être contournés en multipliant les fonctions dans les centres urbains. Cela passe par davantage de mixité. Le Brabant wallon est encore beaucoup trop résidentiel à certains endroits. Il faudra accepter que des entreprises ou des commerces s’implantent à proximité d’habitations.
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Mêler qualité de vie et densification semble être le véritable enjeu.
Quand un nouveau projet arrive, la première chose à se demander est de connaitre quels sont les besoins réels de ce quartier. Que puis-je apporter de neuf pour améliorer la qualité de vie de l’ensemble des habitants, les nouveaux et les anciens ? Compléter le tissu existant est la base. Pour y parvenir, il faut multiplier les mesures d’accompagnement, de vivre ensemble et de participation citoyenne. Les communes et les services du fonctionnaire délégué ont un rôle essentiel à jouer en ce sens.
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© Maxime Vermeulen
Jumelles Une parcelle, un volume, deux logements. Et deux sœurs réunies sous le même toit, chacune de leur côté, séparées par une architecture aérée favorisant la compacité des logements. Le Prix de l’urbanisme et de l’architecture en Brabant wallon a été décerné mi-décembre au bureau LRArchitectes et à ses deux maitres
d’ouvrage pour un projet construit à Walhain. Les architectes y ont développé une volumétrie dans la lignée des constructions rurales de la région, tout en réussissant à maintenir l’intimité des espaces de séjour et en créant des espaces partagés (jardin, verger, poulailler). La distribution des deux entités se fait d’ailleurs grâce à un passage central couvert extérieur. Une construction qui s’inscrit dans
le maillage de l’architecture rurale traditionnelle du Brabant wallon. Ajoutons que deux mentions ont également été décernées à Notre Maison et à la commune de Walhain pour l’ensemble de logements publics Bia Bouquet à Walhain (bureau Urbali) et pour la maison écologique auto construite Reuliaux-Damhuis à Tourinnes-la-Grosse (Collectif La Verte Voie).
répondre
Rien ne semble changer : aura-t-on toujours besoin de voitures pour se déplacer ? Une question de Loïc Âgé de 11 ans, il est élève en 6e primaire à l’École du Neufbois, à Court-Saint-Étienne.
Une réponse de Pierre Tacheron Directeur de Transitec, bureau d’études spécialisé dans les problématiques de mobilité
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Le Brabant wallon est le petit paradis de la voiture personnelle. Si bien qu’aucune autre province ne compte autant de véhicules. Accrochez votre ceinture, les chiffres sont impressionnants : en aout 2018, on y recensait 285 300 véhicules, dont 221 700 voitures personnelles et 22 000 motos. Des chiffres en hausse de 16 % par rapport à 2010. Le Brabant wallon est d’ailleurs la province qui compte le plus de voitures particulières pour 1 000 habitants (552,1). Un constat qui fait donc bien évidemment réagir Loïc, 11 ans, dont le quotidien semble rythmé par le balai incessant de véhicules. Une situation qui n’a fait qu’empirer depuis sa naissance. Peut-il être optimiste pour l’avenir et imaginer que le nombre de véhicules va diminuer ? Les experts en matière de mobilité semblent moins circonspects qu’on ne pourrait l’imaginer. « Il est tout à fait possible d’avoir une diminution du taux de motorisation, soit le nombre de véhicules achetés, relève Pierre Tacheron. Il est vrai que le pouvoir d’achat élevé du Brabant wallon facilite l’achat d’une voiture. A contrario, c’est là que l’on retrouve le plus d’universitaires. Et c’est dans cette classe que les gens sont les plus sensibles à un changement des modes de déplacement. D’autant plus que les jeunes sont moins attachés à la possession d’une voiture et plus ouverts au covoiturage. » Un élément démontre en tout cas qu’une mutation est en cours : il s’est vendu en 2018 autant de vélos (503 000) que de voitures. Et la moitié de ces vélos sont électriques. « Le transfert modal vers le vélo est très probable, lance Pierre Tacheron. Il y a une importante hausse du vélo électrique en Brabant wallon. Il est en tout cas démontré que si de vrais aménagements sécurisés sont mis en place, les vélos sont bien plus nombreux. » Parmi les freins, l’étalement urbain en reste un important. Car il « oblige » certaines personnes à utiliser un véhicule pour se déplacer. Le TEC ne pouvant par exemple ouvrir des lignes de bus dans tous les villages ou quartiers. « L’étalement urbain est surtout un frein pour la mobilité en transport en commun, estime Pierre Tacheron. Le TEC a opté pour des Rapido Bus en Brabant wallon. C’est très intelligent. Mettre en place des arrêts structurants que l’on peut rejoindre à vélo (tous les 2 ou 3 km) et pouvoir mettre son vélo à l’abri dans des box sécurisés, munis éventuellement de bornes de recharge, est une vraie solution d’avenir. » En attendant d'ici peu l’arrivée de la voiture autonome. « Elles circuleront probablement sur les autoroutes dans quatre ou cinq ans. Mais dans les villages, ce sera plus compliqué. Le risque, c’est de se retrouver à terme avec des gens qui abandonnent le train ou le bus, séduits par l’idée de pouvoir consulter leurs mails dans une navette ou d’y mettre leurs enfants qui partent faire du sport. » X. A.
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de Syntaxe
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Il est devenu en quinze ans le plus important bureau d’architectes du Brabant wallon. Syntaxe enchaine les projets d’envergure, dont une multitude de nouveaux quartiers. De quoi lui permettre d’avoir un réel impact sociétal. Il y défend en tout cas son architecture contextuelle et durable.
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Texte : Xavier Attout Photos : Syntaxe Architectes
rente ans qu’ils enchainent les fêtes. Vingt-cinq qu’ils sont sortis des bancs de l’ULB. Et quinze qu’ils ont lancé le bureau Syntaxe Architectes. Joël Meersseman, Rénald Pansaerts et Ronald Rifflart sont aujourd’hui à la tête du plus important bureau d’architecture du Brabant wallon, l’un des plus importants de Wallonie. Une trajectoire qui n’a pas toujours été rectiligne mais qui ne doit rien au hasard, tant ces joyeux drilles allient professionnalisme et esprit de famille. « L’aspect humain a toujours guidé nos activités, estime Rénald Pansaerts. Que ce soit en interne ou dans la construction de nos projets. Nous avons la faiblesse de penser que nous sommes appréciés pour cela. Très peu de collaborateurs nous ont d’ailleurs quittés. » Le trio, dont les bureaux sont installés à Haut-Ittre, est aujourd’hui à la tête d’un atelier d’une trentaine de personnes. Une structure qui va encore s’agrandir puisqu’ils viennent de reprendre les rênes de l’Atelier du Sart-Tilman – une référence en Cité ardente – qui comprend une dizaine de collaborateurs. De quoi prendre un nouveau virage à l’aube de leurs cinquante ans.
LE SALUT DES CONCOURS « Nous avions toujours eu cette idée de lancer un bureau à trois, se souvient Joël Meersseman. Cela date déjà de nos études à l’ULB. Après des aventures chez Art & Build, Foster + Partners, Sigma 3 ou Brussels Office of Architecture, nous nous sommes dit qu’il était temps de faire le grand saut. » Les maisons unifamiliales s’enchainent, les petites extensions également. Des débuts somme toute classiques. « Notre croissance a été mesurée et raisonnée, ajoute Ronald Rifflart. Chaque année, un ou deux collaborateurs nous rejoignait. » Reste qu’à l’aube des années 2010, les gros dossiers se multiplient. « Les concours ont été un formidable adjuvant, lance Rénald Pansaerts. Nous en avons remporté beaucoup. Que ce soit les commissariats de police de Jodoigne, d’Oupeye ou de Gembloux, l’immeuble de la RTBF à Liège (Média Rives). Pour un petit bureau, les concours sont un levier très intéressant. J’applaudis des deux mains le fait qu’il y en a davantage aujourd’hui. Cela permet de diversifier les bureaux d’architecture et de se remettre en question. » S’en est alors suivi une volonté de communiquer davantage vers l’extérieur. « Les jeunes collaborateurs nous disaient que nous avions de belles références mais que personne ne nous connaissait, se rappelle Joël Meersseman. Nous avons changé notre image et cela semble porter ses fruits. »
AMÉNAGEUR DE QUARTIER Esprit Courbevoie à Louvain-la-Neuve, Jardins de l’Orne à Mont-Saint-Guibert, Hiercheuses à Marcinelle, Neolegia à Liège ou encore Croisée des Champs à Gembloux : Syntaxe s’est spécialisé dans l’aménagement de quartiers. Dont trois (ex) Quartiers Nouveaux. « Créer de nouveaux espaces publics et de nouvelles manières de vivre est ce qui nous guide vraiment, lance Rénald Pansaerts. L’architecture n’est qu’un outil au service de l’urbanisme pour créer de nouveaux espaces. Ce qui est réellement passionnant, c’est d’avoir un impact sur la manière de vivre. Pour cela, il faut avoir la chance de travailler sur des projets d’une certaine taille. Ce qui est le cas ces dernières années. » Vu le temps que mettent certains projets à aboutir – parfois une décennie – le plus compliqué est de bien percevoir les besoins de demain. « C’est la qualité architecturale qui va faire un bon ou un mauvais projet, note Ronald Rifflart. Un des challenges du Brabant wallon est de convaincre ceux qui vivent dans une villa quatre façades qu’ils vivront tout aussi bien dans un appartement. Et seule l’architecture peut y répondre. Cela passe par une mixité des fonctions, par des appartements multi-orientés, par l’absence de vis-à-vis, par de larges espaces publics, etc. Et notre architecture, qui est très contextuelle, tente d'y répondre. »
Bureau d'études Lemaire - Liège
Esprit Courbevoie Louvain-la-Neuve
LE DEGRÉ D'ADAPTATION « Les projets les plus réussis sont ceux qui s’éloignent le moins de la première mouture, estime Joël Meersseman. Avec l’expérience, nous arrivons à concevoir rapidement des projets qui tiennent la route et qui sont dans la lignée des souhaits du maitre d’ouvrage. Notre force est d’avoir une forte capacité à nous adapter. Nous essayons de comprendre ce qui a de la valeur pour les gens. » Reste que faire aboutir un projet est toujours compliqué. « L’accélération des changements de politiques en matière de développement durable ne favorise pas un cadre de travail qui s’accommoderait parfois de davantage de stabilité », regrette Ronald Rifflart.
« Bruxelles est notre prochain objectif, annonce Joël Meersseman. Nous ne nous sommes jamais positionnés comme un bureau wallon mais nous avons pourtant été principalement actifs au sud du pays. Nos ambitions sont désormais plus grandes. Nous discutons déjà avec plusieurs développeurs. » L’autre ambition est également de développer le volet liégeois via la prise de participation des trois associés dans l’Atelier du Sart-Tilman. Toujours en gardant cette idée d’avoir une diversification dans les segments d’activité. En 2019, les 40 000 heures de travail de Syntaxe se sont réparties à 46 % dans des projets résidentiels, à 20 % dans du bureau et à 16% dans l’industriel. Le solde étant consacré à de l’équipement, des laboratoires pharmaceutiques et à des missions de master plan. « L’idée est de rester dans cette proportion, de manière à varier les plaisirs, lance Rénald Pansaerts. Si nous pouvions obtenir un projet de reconversion où il faut allier maintien du patrimoine et architecture, ce serait aussi un super défi. »
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CAP SUR BRUXELLES
évoluer
métamorphose Forges de Clabecq La reconversion du site des anciennes Forges de Clabecq a-t-elle évolué en quatre ans ? Retour sur les moments forts de cette mutation, la situation actuelle et les grands chantiers à venir. Texte : Karima Haoudy - Photo : Duferco Wallonie
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ingt ans après la fermeture des Forges de Clabecq, Espace-vie fait escale dans le site qui a été le creuset, dès le milieu du 18e siècle, d’une aventure industrielle et sociale, exceptionnelle. De la colossale friche qui s’étend sur près de 80 hectares, il ne reste qu’un chancre. Sous le titre « La lente mutation des Forges de Clabecq », nous appréhendions les rouages complexes de la fabrique de la reconversion avec l’intervention d’acteurs multiples : commune, Région wallonne, in BW et Duferco Wallonie, propriétaire du site. Deux chantiers préliminaires ont conditionné la mise en œuvre de la reconversion : les aménagements du contournement nord et de l’entrée de ville. Des infrastructures qui garantissent la pérennité de la réaffectation d’un site qui comprendra notamment, selon le Master Plan (2013), près de 2 500 logements. Autant dire l’importance de la hausse démographique, estimée à 10%, sur l’équilibre local et supra-local que ce projet représente. De ce dessein envisagé dès 2016, se dessinent des questions qui sont toujours d’actualité : comment assurer une connexion entre le centre de Tubize et la nouvelle entité, véritable « ville dans la ville » ? Série (5/6) L’impact des nouveaux quartiers d’envergure sur leur commune
La lente mutation des Forges de Clabecq Le renouveau tubizien passe par la réhabilitation des Forges de Clabecq. Près de 2 500 logements qui auront d’indéniables conséquences sur le devenir de la commune. La reconversion prend toutefois du retard. Mais c’est pour mieux anticiper les multiples impacts qui en découleront.
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es stigmates du lourd passé industriel plus partagées par le monde politique. des Forges de Clabecq (Tubize) ont Pour rappel, le master plan est le fruit d’une laissé place à un paysage de morne plaine. longue concertation citoyenne menée à traDémolition de hauts fourneaux et dépolvers des ateliers urbains. En est ressorti un lution sont passées par là ces dernières projet commun qui prévoit l’aménagement années. Mais la longue et importante red’un nouveau boulevard urbain, de 2 000 construction n’a, quant à elle, pas encore à 2 500 logements (dont 200 maisons indébuté. dividuelles), de bureaux (entre 30 000 et Tubize attend maintenant depuis près de 70 000m²), de 14 à 16 ha de zones dédiées à vingt ans la reconversion de l’énorme l’activité économique, de 1 à 2 ha d’équipechancre de 87 hectares qui a suivi la faillite ments communautaires (école, crèche…) des Forges prononcée en décembre 1996. ainsi que de commerces et services au rezDuferco Développement a racheté « Notre objectif n’est pas de déle site dans la forcer le centre de Tubize. Il doit foulée, imaginant rester attractif. Car il n’y aurait y aménager un rien de pire qu’une zone abannouveau quartier d’envergure. Rien donnée à proximité des Forges. » n’est encore toutefois sorti de terre. Un retard dicté par de lourdes procédures de-chaussée des immeubles. Des espaces administratives. verts sont aussi prévus. Le dossier a longtemps été tributaire du Le contournement Nord déblocage de deux éléments d’infrastrucsur la bonne voie tures : l’aménagement du contournement La situation s’est quelque peu éclaircie nord de Tubize et l’aménagement de l’ences derniers mois : un master plan, voté trée de ville. Le premier, dans les tiroirs en mai 2013, balise désormais le devenir de la Région wallonne depuis dix ans, doit de la zone alors qu’une première demande permettre de relier la sortie du ring à Hautde permis d’urbanisme pour aménager 200 Ittre, à l’autoroute A8 à Saintes. Il vient logements (40 maisons, 160 appartements) d’être débloqué puisqu’il figure dans le à l’ouest du site (avec ouverture de voiries) Plan Routes 2016-2019 du ministre Prévot. a été introduite fin 2015 par le promoteur. La Ce contournement bénéficiera d’un financommune ne s’est pas encore prononcée cement de 11 millions d’euros. « Une très sur le sujet, au grand dam de Duferco. Il bonne nouvelle car il est indispensable à la faut dire qu’on est aujourd’hui bien loin des reconversion du site des anciennes Forges projections initiales qui voyaient les prede Clabecq », précise Olivier Waleffe, dimiers résidents emménager cette année… recteur de Duferco Développement. Des Et le changement de majorité communale précisions doivent encore être apportées en 2012 a, il est vrai, quelque peu retardé sur le tracé choisi. L’objectif de départ étant le projet. Les grandes orientations n’étant de désengorger les centres de Tubize et espace-vie septembre 2016 n° 264 l
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de Braine-le-Château. Pour ce qui est des aménagements de l’entrée de ville – la suppression du passage à niveau de la rue de la Déportation –, un contrat de partenariat a été signé avec l’IBW pour la réalisation des travaux. « Nous sommes aujourd’hui dans une situation d’attente de délivrance de permis, lance Olivier Waleffe. Nous es-
pérons pouvoir lancer les premiers travaux à l’automne. Près de 17 millions d’euros ont déjà été investis par Duferco dans les infrastructures et la dépollution. Il est temps de passer à la vitesse supérieure. Heureusement que Duferco est un groupe d’une certaine taille bénéficiant d’une assise solide car nous arrivons au bout de nos fonds propres. » Les premières constructions pourraient être terminées d’ici deux ans, soit fin 2 018. On retrouvera d’ici quinze ans près de 2 000 à 2 500 logements. Le chiffre sera affiné en fonction du succès de la commercialisation des appartements. « La densité sera plus forte le long du canal. Cette zone pourra déjà être développée parallèlement à la première demande de permis. »
Maintenir un centre-ville fort et attractif Quid des conséquences d’un projet d’une telle envergure sur une entité de 25 000 habitants ? Elles seront multiples. Une hausse de 10% de la population tout d’abord, ce qui aura des impacts en termes de services et d’équipements à créer (crèches, écoles, équipements sportifs, etc.). Une population nouvelle au pouvoir d’achat plus élevé. Et un centre d’attractivité qui devrait se déplacer vers cette nouvelle
zone. « Mais notre objectif n’est vraiment pas de déforcer le centre de Tubize, précise Olivier Waleffe. Nous sommes d’avis que notre projet ne réussira qu’en maintenant un centre-ville fort. Il n’y a aucun intérêt à créer une concurrence et affaiblir le centre. Au contraire même. Car il n’y aurait rien de pire qu’une zone abandonnée à quelques centaines de mètres des Forges de Clabecq. L’objectif est de permettre une liaison entre les différents quartiers dans un esprit de mixité sociale et générationnelle. » Une reconversion de cette envergure est inédite en Brabant wallon et rare en Wallonie. Les têtes pensantes de Duferco ont donc beaucoup voyagé pour s’inspirer de reconversions d’anciens sites industriels à l’étranger. « Nous avons notamment été à Belval au Luxembourg, dans la Ruhr, en Flandre. Mais c’est vraiment de la presqu’île de Nantes que nous nous sommes le plus inspirés. Cette reconversion se rapproche davantage de celle qui nous concerne. Nous avons en fait pris le meilleur d’un peu partout pour réaliser un projet unique. »
interview
« 87 ha, c'est une ville nouvelle ! » Dees.
Ux Ca ! Michel Januth est > Christian Radelet, Fonctionnaire délégué
> Xavier Attout
Découvrez aussi le cycle de conférences dans le cadre de Tubize bouge (voir page 16)
Le paysage des Forges de Clabecq est en constante mutation. Vous pouvez découvrir (et comparer) la situation actuelle U U©© avec le projet futur en couverture. © Duferco
bourgmestre de Tubize depuis 2012.
> Cette reconversion va-t-elle bouleverser les équilibres à Tubize ? C’est évident. Aménager 87 ha, c’est comme se lancer dans la réalisation d’une ville nouvelle. Il y a donc le risque de déplacer certains équilibres. Un travail a déjà été réalisé pour définir des zones d’emploi, de services publics, d’équipements, etc. Il faut maintenant s’atteler à créer des liens entre le centre actuel de Tubize et les Forges de Clabecq. > Le grand défi n’est-il pas de répondre à la hausse démographique en termes d’équipements ? Oui. Nous avons bloqué le dossier tant que nous n’avions pas de solutions en termes de mobilité pour le contournement nord. C’est maintenant le cas. Aucun tracé n’avait jamais été défini. Nous disposons désormais d’un tracé à taille humaine qui permettra de relier les voiries existantes. Mais le grand défi est de créer crèches, écoles ou maisons de repos dans les prochaines années, pour répondre à l’afflux de nouveaux habitants. Ce qui n’a pas été fait ces quinze dernières années. Les précédents Collèges communaux ont donné la Ville aux promoteurs, qui n’aménageaient pas suffisamment l’espace public. C’est fini. .> Pourquoi la Ville ne s’est-elle toujours pas prononcée sur la demande de permis déposée par Duferco fin 2015 ? Car nous souhaitions avoir nos apaisements en matière d’infrastructures. Une réponse sera donnée sur ce permis dans le courant du mois de septembre. > Referiez-vous l’important travail citoyen et collaboratif qui a été réalisé dans le cadre du Master plan ? C’était une belle réussite. Cela a permis de développer une autre vision que celle des architectes et des ingénieurs. Ce travail a permis de jeter des ponts entre Tubize et Clabecq. > Vous êtes repris dans la liste des Quartiers nouveaux... Nous sommes emberlificotés dans une série d’imbroglios administratifs. Le dossier est très compliqué. Nous serons dorénavant prioritaires à la Région. Tout le monde aura un œil sur nous. C’est important.
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> Propos recueillis par X. A. espace-vie espace-vie septembre juillet 2010 2016 n° 203 264 l
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Une vision à long terme Depuis 2016, il y a eu un chantier décisif : celui de la mise en place d’une Société d’économie mixte (SEM) qui sera officielle dans le courant des semaines à venir. Cet organe rassemble des partenaires publics (Ville de Tubize, etc.) et privés (Duferco Wallonie, les investisseurs et promoteurs français Samfi-Invest et DCI, etc.) associés à la genèse du projet. Elle pourra s’ouvrir à d’autres acteurs du Brabant wallon et d’ailleurs. Ses objectifs ? Assurer un développement pérenne et équilibré des nouveaux quartiers avec le reste du maillage tubizien. Une création inédite dans le paysage wallon. En France, des structures analogues ont déjà été mises en place, notamment pour superviser le renouvellement d’anciennes enclaves industrielles (cf. l’Union à Roubaix). La SEM veillera à ce que des synergies pérennes puissent être développées entre Tubize, Clabecq et les communes environnantes, dans différents domaines (commercial, mobilité, etc.).
Le levier de la mobilité
Depuis 2016, les idées se mettent en forme. La première avancée majeure réside dans l’assainissement du site, qui est presque (soit à 98%) en voie de finalisation. Pour mesurer concrètement l’évolution, il faut parcourir le quartier Les Coteaux qui, situé dans la continuité du quartier de la Bruyère, propose essentiellement du résidentiel. Près de 200 logements sont déjà sortis de terre. Les premiers habitants sont attendus d’ici avril 2020. Avec une visée urbanistique plus affirmée, le Quartier des Confluents a obtenu son permis en septembre 2019. Sur près de 12 hectares, il est prévu de greffer aux logements d’autres fonctionnalités tels que des commerces de proximité, un outlet mall, des espaces réservés aux loisirs dont la possibilité de redécouvrir le canal, une résidence service, une maison médicale, une crèche, des espaces verts, un projet inédit d’agriculture urbaine. Une partie de l’emprise du quartier sera affectée au projet de reconfiguration de l’entrée de ville. « Nous voulons créer un véritable quartier de vie bâti sur le principe de la mixité, fonctionnelle, générationnelle et sociale » précise Michel Januth.
Un rempart à la gentrification
Nous voulons créer un véritable quartier de vie bâti sur le principe de la mixité, fonctionnelle, générationnelle et sociale. Michel Januth, bourgmestre de Tubize
Si le projet de reconversion se dessine progressivement, demeure la question de l’accessibilité économique des logements au sein de ces nouveaux quartiers, qui prennent racine sur des territoires autrefois façonnés – activité industrielle y contribuant – par une mixité sociale et culturelle. Question d’une acuité forte, dans cette partie de l’Ouest du Brabant wallon traversée par des disparités socioéconomiques profondes. Cette préoccupation est notamment prise en compte par la mise à disposition de 10 % de logements publics et, comme le souligne Michel Januth, bourgmestre de Tubize, « nous devons être attentifs à la composition du tissu sociologique de la population de Tubize pour assurer, notamment aux jeunes ménages tubiziens en quête d’un logement, un ancrage local ». Un ancrage nécessaire dans un territoire en pleine mutation.
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Des ateliers urbains à ciel ouvert
Bien qu’ils ne soient pas déterminés par le processus de reconversion, le contournement nord et l’aménagement d’un boulevard urbain sont depuis 2016 sur la bonne voie. « Ces infrastructures étaient essentielles au développement de Tubize », précise Olivier Waleffe, administrateurdélégué de Duferco Wallonie. Le contournement, géré par le SPW Mobilité, est sur le chemin de l’obtention du permis. Autre chantier : la suppression du passage à niveau, remplacé par un ouvrage de franchissement intégré au nouveau boulevard d’entrée de ville. Ces infrastructures permettront d’apaiser la circulation dans le centre de Tubize et répondront également aux besoins de mobilité générés par la densification et les nouvelles fonctionnalités. Aussi, un maillage viaire veillera à assurer une circulation fluide entre les nouveaux quartiers et le centre de Tubize tout en répondant aux enjeux de la transition écologique. « La création de quartiers aboutis et mixtes permet de réduire les déplacements, rappelle Olivier Waleffe. Certes, pas de les éviter. Mais, plus densifiés seront nos quartiers, plus le transport en commun pourra s’y développer. »
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rès de 300 trous creusés en deux heures. Et autant d’arbres et arbustes indigènes plantés dans la foulée. En cette froide matinée de décembre, une cinquantaine d’élèves de troisième maternelle de l’école de Maubroux à Genval avaient enfilé bottes et gants. Objectif : aménager dans le jardin qui borde l’entrée de leur école une véritable forêt urbaine. En suivant les préceptes de la start-up Urban Forests, ils pourront théoriquement apprécier le fruit de leur travail avant de quitter l’école primaire. « Nous sommes en effet spécialisés dans la création de forêt urbaine
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d’une forêt urbaine La nature se perd de plus en plus sous les coups de boutoir de l’urbanisation. Pour y répondre, la végétalisation de la ville devient un vrai enjeu. Parmi les pistes avancées, la création de forêts urbaines se développe de plus en plus. Comme à Genval, Grez-Doiceau ou Mont-Saint-Guibert. Texte : Xavier Attout - Photos : Urban Forests
100 % naturelle, explique l’architecte-paysagiste Dorian Malengreau, maitre d’ouvrage d’Urban Forests. On offre un service social et environnemental. L’idée est de créer des petits sanctuaires végétaux en milieu urbain. Partout où habituellement on ne retrouve plus ce genre d’espace. Et on y parvient en utilisant la méthode japonaise Miyawaki. Cela nous permet d’obtenir en dix ans ce qui pousse normalement en cent ans si on laissait ce terrain en friche. L’idée est de reproduire à grande vitesse ce que la nature n’arrive plus aujourd’hui à produire. Les arbres vont grandir d’un
mètre par an. L’avantage est vraiment d’embellir le cadre de vie. » Et le directeur du Collège Saint-Augustin, dont dépend l’école de Maubroux, Etienne Balthazar, d’ajouter : « Outre les bienfaits environnementaux, cette démarche est également intéressante pour les 300 élèves que nous accueillons sur notre site de 2 hectares. Cela les sensibilise fortement aux enjeux écologiques. Et puis, cette petite forêt de 100 m2 va pouvoir former une zone tampon avec la voirie toute proche, en diminuant notamment les nuisances sonores. »
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De plus en plus d’écoles du Brabant wallon sollicitent actuellement Urban Forests. Des particuliers et des entreprises également. Comme Alliance BW, le groupement d’entreprises de l’Axisparc (Mont-Saint-Guibert), dont 200 membres ont planté, fin novembre, 900 arbres et arbustes indigènes de quinze à trente espèces différentes, sur plus de 300 m2. Une seconde phase visant cette fois 900 m2 est prévue d’ici peu.
Des forêts de 100 m2 à 3 000 m2
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Si la superficie de chaque forêt peut sembler modeste – cela va de 100 m2 à 3 000 m2, il s’agit en fait d’un concentré de nature. Nicolas de Brabandère, biologiste et naturaliste installé à Erezée, qui a fondé Urban Forests en 2016, s’est en fait inspiré d’un botaniste japonais pour appréhender les contours de la méthode de culture Miyawaki avant de l’adapter ensuite au contexte européen. « Les premiers résultats sont saisissants, lance Dorian Malengreau. Cela pousse dix fois plus vite. On recrée un écosystème centenaire en quelques années. Le résultat est trente fois plus dense et comprend cent fois plus de biodiversité qu’une forêt classique. » La méthode est en fait relativement simple : s’inspirer de la nature avant de la laisser s’émanciper naturellement. Un travail préalable est nécessaire pour étudier la composition du sol et déterminer la végétation naturelle qui serait la plus à même de s’installer sur le site étudié. Différentes espèces – uniquement des indigènes – sont alors sélectionnées avant d’être plantées d’une manière relativement dense (trois arbres ou arbustes par mètre carré). Certains arbres pourront atteindre trente mètres de haut. D’autres seront plus petits. De quoi reconstituer une forêt à étages.
Une appropriation de l’espace À Genval, on y retrouve 25 espèces indigènes dont des hêtres, des chênes, des cornouillers, des sureaux, des sorbiers, des ormes champêtres, des aubépines, des charmes ou encore des noisetiers. « Nous nous sommes rendu compte qu'en étant plantées ensemble, ces espèces fonctionnent et se développent mieux », explique Nicolas de Brabandère. Le (léger) travail de préparation du terrain est effectué par Urban Forests, ce qui permet de faciliter la croissance du système racinaire. C’est également l’entreprise qui achète
Grâce à la méthode japonaise Miyawaki, il est possible d’obtenir en dix ans ce qui pousse normalement en cent ans si on laissait ce terrain en friche. Dorian Malengreau, maitre d'ouvrage chez Urban Forests
l’humus (composé de paille, de broyat de feuilles mortes ou de fumier) et fournit le petit matériel. Elle se chargera de l’entretien nécessaire pendant les deux premières années avant que la forêt grandisse de manière autonome. « Ce qui est surtout positif, c’est le fait que cette démarche implique les enfants, les entreprises ou la population locale, se réjouit Dorian Malengreau. Ils s’approprient le projet. Et ceux qui y ont participé reviendront sûrement voir comment cette forêt grandit. » La mise en place d’une forêt urbaine coûte en moyenne entre 3.000 et 4.000 euros. Avec la possibilité, comme c’est le cas pour cette école de Genval, de voir un mécène (un chocolatier bio dans ce cas-ci) financer l’opération.
LES AVANTAGES DE PLANTER UNE FORÊT URBAINE Quand on liste les différents avantages de mettre en place une forêt urbaine, ils sont plutôt nombreux. Que ce soit le fait de lutter contre le réchauffement climatique, de rafraichir l’air ambiant de 2 à 8°C, d’améliorer la qualité de l’air, de réduire la concentration en particules fines de 20 à 50 % ou encore d’avoir un impact positif sur la santé des citadins. Ces aspects positifs se propagent également sur d’autres éléments tels que la hausse du taux de défenses immunitaires, le renforcement de la biodiversité, la création de corridors biologiques et plantation dense d’essences variées ou encore la création de barrières végétales isolant du bruit et masquant des zones peu esthétiques.
cultures
d'un territoire
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© Hélène Many
Occupation temporaire L’obtention d’un permis d’aménager d’anciennes friches industrielles pour les transformer en de nouveaux quartiers prend du temps. À Ottignies, le groupe Matexi veut créer un éco-quartier comprenant quelque 700 logements et des espaces commerciaux sur les 8,4 hectares du site des anciens Bétons
Lemaire où l’activité industrielle a pris fin en 2012. En attendant, depuis septembre 2017, le promoteur immobilier a conclu des baux précaires avec l'ASBL Stoemp Academy, qui y a créé un skatepark, et BW-Events, qui y gère un laser game. « L’occupation temporaire est une pratique
que nous développons sur des sites qui connaitront un aménagement ou un développement à moyen ou long terme, explique Corine Buffoni, responsable de Matexi Brabant wallon. En mettant sur pied des lieux de rencontre culinaires, culturels et dynamiques, on évite qu’un site vide ne devienne un chancre urbain, même si sa vocation future est tout à fait différente. » C. Du.
apprendre
Des centres culturels
Au début des années 70, des initiatives lancées par divers passionnés émergent un peu partout en Wallonie. En près de 50 ans, l’action culturelle s’est progressivement professionnalisée, mais le lien avec les habitants reste un enjeu majeur. Texte : Caroline Dunski - Photos : H. Rase et A. Zaldua
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n Brabant wallon comme ailleurs, les premiers centres culturels sont souvent construits autour d’initiatives menées par des artistes désireux d’amener des disciplines artistiques au cœur des villages. Mais ce n’est pas le seul ressort d’une telle émergence. Des matières comme l’aménagement du territoire mobilisent aussi les habitants et les associations, comme c’est le cas à Braine-l’Alleud où le Foyer culturel est créé en 1972, de la rencontre volontaire d’une trentaine d’associations culturelles et des pouvoirs publics. Tout au long des années 70, des associations locales comme les maisons de jeunes
Un foyer culturel sans salle, c’était un peu un OVNI. Notre action était très axée sur l’animation festive et les relations avec les habitants. Il fallait travailler autrement. On était très connectés à la vie associative et citoyenne. Luc Schoukens, directeur retraité du Centre de loisirs et d’information
et des organismes d’éducation permanente vont fédérer les forces vives, qui s’institutionnaliseront progressivement sous la forme de centres culturels, en s’appuyant sur l’Arrêté royal du 5 août 1970 qui fixe les conditions de reconnaissance des maisons de la culture et des foyers culturels.
D’Est… En 1965, avec quelques amis, le céramiste Max van der Linden organise un premier concert dans l’église Saint-Martin de Tourinnes-la-Grosse. Il regrette alors l’absence des villageois et se demande comment les intéresser. Sur le site internet de l’association qui porte son nom, le céramiste raconte qu'il se met alors à courir après tous les Saint-Martin du Brabant wallon, « et les voilà cavalant vers Tourinnes au départ des vingt-cinq paroisses placées sous son patronage ». Cette première exposition consacrée à Saint-Martin connait un énorme succès et suscite l’ouverture de lieux voisins de l’église – granges, greniers et autres salons privés – à de nombreux plasticiens. Les Fêtes de la Saint-Martin constituent probablement le plus ancien et le plus célèbre parcours d’artistes de Wallonie. En 1971, Max van der Linden obtient une subvention pour former le Foyer culturel de la Vallée de la Nethen, tout premier foyer culturel en milieu rural, dont il devient animateur-directeur. En 1975, sous l’impulsion de Feuillen Simon, un spectacle réunissant fanfare, chorale et habitants de Tourinnes retrace la vie de Saint-Martin. Le succès est tel que chaque année en novembre un nouveau spectacle est monté dans l’église.
… en Ouest Dans les années 70, trente-trois villages brabançons (c’était avant la fusion des communes !) accueillent le chapiteau du Sang Neuf, compagnie théâtrale de Lucien Froidebise. Avec Opération étoile filante, les joyeux saltimbanques proposent des animations qui créent du lien entre les habitants de villages voisins. Francis Houtteman, animateur du Sang Neuf, se sent tellement bien à Ittre qu’il choisit d’y rester et propose, en 1973, de créer un foyer culturel, qui permettrait d'obtenir des subventions de la commune et du Ministère de la Culture française (ancêtre de la Fédération
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Scène de villages, une opération culturelle itinérante, intimiste et gratuite.
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Wallonie-Bruxelles), comme le prévoit le « Plan quinquennal de politique culturelle », publié au début de l’année 1968 sous la direction de Pierre Wigny, alors Ministre de la Culture française. Francis Houtteman sera le premier animateur-directeur du Centre de loisirs et d’information (CLI) qui préfigure la fusion administrative de trois villages, Ittre, Haut-Ittre et Virginal, au sein d’une même commune. L’AG du CLI est réunie en septembre 1974 et ses statuts sont publiés au Moniteur en janvier 1975. « Un foyer culturel sans salle, c’était un peu un OVNI, se souvient Luc Schoukens, directeur désormais retraité du CLI qu’il a rejoint en 1983. Notre action était très axée sur l’animation festive et les relations avec les habitants. Il fallait travailler autrement. On était très connectés à la vie associative et citoyenne. » À Tubize, c’est aussi du théâtre qui suscite l’émergence d’un foyer culturel. Entre 1974 et 1978, la Cie du Téléphone, groupe de théâtre-action, présente deux spectacles engagés un peu partout en Belgique. Dans la foulée de leur présentation à Tubize, entre 1978 et 1982, un lieu d’animation s’ouvre au 133 de la rue de Mons. « Le téléphone » devient le siège de plusieurs associations et l'on y organise débats, concerts, cinéma, théâtre, ateliers, expositions... Une convention est signée avec le Ministère de la Culture pour développer le projet, qui tisse de nombreuses relations avec les
foyers culturels d’Ittre et de Rebecq (1971), mais il faudra attendre 1982 et le changement de majorité communale pour que les nouveaux dirigeants décident de créer un foyer culturel et d’engager un animateur-directeur : Bruno Soudan est chargé de poser les bases de la nouvelle institution et d’organiser la coordination des associations grâce aux premières activités. En 2019, il devient « le premier retraité de l’asbl ».
PLAY, une exposition légère et mobile de PULSART.
interview
« L’ère du réseau s’est généralisée »
Olivier Van Hee, inspecteur Culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles Les contextes dans lesquels sont nés les différents centres culturels ont-ils un impact sur leur action et leurs publics ? Non, plus maintenant. Les modèles de gestion ont changé et les contextes aussi. Surtout en Brabant wallon, avec les mutations de population. Les centres culturels ont rebondi sur des enjeux d’aujourd’hui. C’est aussi ce que voulait induire le Décret de 2013.
Comment ont évolué les synergies avec les autres opérateurs socioculturels ? Les synergies ont toujours existé, avec des hauts et des bas parfois, mais sans qu’il
n’y ait jamais de rupture structurelle. En réalité, comme les autres opérateurs, les centres culturels sont souvent des petites structures, travailler seul est donc quasi mission impossible. L’ouverture à des partenaires est aujourd’hui admise comme une évidence. C’est une vraie progression de ces 10 dernières années où, de façon générale dans toute la société, l’ère du réseau s’est généralisée. Le décret 2013 a d’ailleurs reconnu cette dimension avec les dispositifs de coopération.
Quel est l’enjeu de l’analyse partagée du territoire imposée par ce décret ? La Fédération Wallonie-Bruxelles a fait le
constat qu’une série de centres culturels se sont spécialisés en fonction des passions de l’un ou l’autre animateur. Au début, tout le monde s’en est réjoui, parce que cela montrait une professionnalisation. Puis il a été demandé aux centres culturels de retourner vers les populations de leur territoire pour prendre connaissance de leurs attentes et de vérifier à quoi pourrait leur servir un centre culturel. Aucune méthodologie n’était imposée et la plupart des centres culturels ont réalisé leur analyse en faisant appel à la créativité. Ils ont eu le sentiment de retourner à leur premier métier et de redevenir animateurs. Propos recueillis par C. Du.
DES DYNAMIQUES SUPRA-COMMUNALES
L’Arrêté royal du 5 août 1970 affirme la volonté d’une gestion associative. Dans les années 80, le secteur négocie le virage de l’aide à la création et à la diffusion artistiques. « Aujourd’hui, plus de la moitié de la diffusion des arts de la scène passe par les centres culturels, souligne Olivier Van Hee, ancien directeur du Centre culturel du Brabant wallon devenu inspecteur Culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Ceux-ci n’ont toutefois pas perdu en route la part de contact avec le tissu associatif, contrairement à la Flandre et la France, où la culture est essentiellement devenue un produit de consommation. » En 1992, le premier décret des centres culturels va stabiliser le secteur en instaurant le contratprogramme, plan pluriannuel de financement, et en clarifiant le rôle des pouvoirs locaux. L’enjeu du Décret de 2013, qui réaffirme la question des droits culturels déjà présente dès les années 70, et donne mission aux centres culturels de porter la capacité de débat et de réflexion de la population, est d’ouvrir le secteur à de nouveaux publics. « Il importe que les centres culturels ne développent un certain entre-soi, en s’adressant toujours aux mêmes publics avec les mêmes partenaires, souligne Olivier Van Hee. L’enjeu, dans un contexte de pauvreté grandissante, est de ne pas décrocher d’une partie de la population. » Si la population du Brabant wallon, « poumon démographique de la Wallonie »1, reste globalement préservée par ce phénomène de paupérisation et affiche le taux d’instruction le plus élevé, il n’empêche que le soutien des initiatives locales qui favorisent la convivialité, le lien social et le sentiment d’appartenance demeure nécessaire. « L’enjeu de demain, note Olivier Van Hee, sera de convaincre les communes qui ont des moyens que d’autres n’ont pas, de les investir dans la culture. Parfois, au niveau local en Brabant wallon, on manque de réflexion sur l’enjeu qu’elle représente. L’offre structurée par des opérateurs pourrait être mieux soutenue. »
1. Thierry Eggerickx, démographe, indiquait lors de la rencontre-débat Brabant wallon, au-delà des clichés : mythes, réalités et défis culturels, organisée le 12 décembre 2019 au CCBW, que la « jeune province » assure la moitié de la croissance démographique de la Wallonie.
Pour bien comprendre La ligne éditoriale de la rubrique « Cultures d'un territoire » s’oriente vers le traitement de sujets de fond chers au Centre culturel du Brabant wallon. Pour trouver les multiples activités proposées par les opérateurs culturels de la province, rendez-vous sur l’agenda culturel en ligne du Brabant wallon : www.culturebw.be.
Le territoire du Brabant wallon est largement animé par des dynamiques supra-communales, sur une base territoriale ou thématique. À l’Ouest, on l’a lu, les centres culturels ont très tôt développé des synergies. Celles-ci se sont renforcées quand, avec les mouvements d’éducation permanente, ils ont pris part au « Volet citoyenneté de la Reconversion de l’Ouest du Brabant wallon », soutenu dès 1998 grâce à une aide spécifique du Ministère de la Communauté française. À l’Est, le GAL Culturalité en Hesbaye brabançonne, créé en 2002, a pour mission de gérer une dynamique de développement rural initiée par le programme européen Leader+. Sur le plan thématique, citons PULSART, plateforme de sensibilisation à l’art contemporain, ou le Réseau brabançon pour le droit au logement (RBDL), créé par la Coordination Éducation permanente, pour traiter de questions telles que le logement public ou l’habitat léger. Chacune de ces différentes plateformes mobilisant des partenaires nombreux et divers a vu ses projets s’adapter aux enjeux identifiés par l’analyse partagée du territoire. Les partenaires « culture » du GAL ont, par exemple, décidé de cesser les spectacles d’été, organisés dès 2005, en faveur de « Scène de villages ». « La dynamique du territoire est autre avec cette opération culturelle itinérante et plus intimiste, et surtout gratuite ! », lit-on dans le Dossier de demande de reconduction de reconnaissance 2021-2025, du Centre culturel de Jodoigne et Orp-Jauche. De son côté, PULSART souhaite favoriser le développement du sentiment d’appartenance, la conservation d’une mixité sociale et répondre à la question de la mobilité en organisant des expositions légères et mobiles qui peuvent facilement s’adapter à des lieux exigus et rencontrer des publics dits « éloignés de la culture » (même si cette dernière notion, elle-même, suscite des débats…). À l’échelle de la Province, la plateforme Hélix, créée en 2013 dans la foulée des Assises du développement culturel territorial du Brabant wallon, rassemble plusieurs secteurs culturels autour d’une charte de coopération désirée et durable, inter et intrasectorielle, « afin de contribuer à l'exercice du droit à la culture des populations, dans une perspective d’égalité et d'émancipation » (art. 2 du décret de 2013).
23 espacevie.be | février 2020
Les droits culturels
agenda MIDI DE L'URBANISME
La standardisation de nos paysages Le 7 février 2020 de 12h à 14h à la Ferme du Douaire
Avec Stéphanie Quériat Derek Bruggeman
Chercheurs à la Conférence Permanente du Développement territorial
Les villes du Brabant wallon se seraient-elles toutes développées ces dernières années selon un même modèle menant à une standardisation des paysages ? Tout le laisse à penser quand on observe certains territoires. Le regard que nous portons aujourd’hui sur nos paysages est en tout cas loin d’être neutre. Différent de celui que nous portions autrefois, il varie selon la situation de chacun et de ses intérêts. À travers le point de vue de quatre intervenants, aux profils différents, nous nous interrogerons sur l’impact des décisions et des usages qui transforment ou préservent le paysage.
Jérôme Snappe
Responsable du service du développement territorial de Perwez
Pierre Huart
Bourgmestre de Nivelles
24 Inscriptions obligatoires avant le 3 février via m.urbanisme@ccbw.be Prix : 5 euros 12h-12h15 : accueil et sandwichs 12h15 : début de la conférence 2, avenue des Combattants 1340 Ottignies-Louvain-la-Neuve
Densification : comment les communes assument ? MIDI DE L'URBANISME 20 mars de 12h à 14h Ferme du Biéreau Louvain-la-Neuve
Les occupations temporaires pour mieux réaffecter MIDI DE L'URBANISME 15 mai de 12h à 14h Foyer populaire Court-Saint-Étienne
L’urbanisme, je m’y frotte ! ANIMATIONS ÉCOLE 11/02, 17/2/, 5/3 et 23/3 Villers-la-Ville, Ottignies, Genappe et Tubize
Décoder le CoDT FORMATION CCATM 17 mars à 20h Foyer populaire Court-Saint-Étienne