b. L’éloge du carburateur Dans son plaidoyer, Crawford critique l’impact de la taylorisation de la société et cherche à rappeler au monde que l’univers immatériel dans lequel nous évoluons aujourd’hui engendre une estimation erronée de ce qu’est l’univers de l’artisanat. Pourtant son objectif n’est pas de faire ressortir une sorte de nostalgie d’un travail plus simple. La production de masse étant devenue l’un des piliers de notre société, il en résulte une standardisation globale du travail dû au besoin de produire vite et beaucoup. Cette dernière a pour conséquence d’engendrer un manque d’individualité et d’expression personnelle. Un passage de son œuvre résume à mon sens très clairement les questions qui guident sa réflexion. « Quelles sont donc les origines, et donc la validité, des présupposés qui nous amènent à considérer comme inévitable, voire désirable, notre croissant éloignement de toute activité manuelle ?34 Via de multiples exemples, il nous explique l’origine de la faille entre les hommes et les objets qui l’entourent. L’industrialisation et le travail à la chaine, qui ne nécessite quasiment plus d’investissement personnel de la part des employés, tendent à diminuer le niveau de connaissance technique et d’expertise générale ou à les déplacer vers des opérateurs ponctuels hyper qualifiés. Cette position intermédiaire dans le processus de fabrication détache le fabricant de ce qu’il produit et peut aboutir à une absence de satisfaction du travail fini et de la fierté qui devraient s’y rapporter. Tout cela est dû au procédé tayloriste qui séquence la production et de sépare les tâches de planification et d’exécution, tant et si bien que finalement personne n’est capable d’exécuter un processus au complet. Le développement des usines a aussi signifié la faillite de beaucoup de petits artisans, incapables de soutenir la concurrence. Une des premières conséquences de cela, souligne Crawford, est la disparition des cours de technologie à l’école. Sous prétexte qu’ils étaient chers et dangereux, ces outils se sont par conséquent progressivement fait remplacer par des ordinateurs. Cette transition s’est aussi faite remarquée au niveau des programmes d’enseignement, où sont aujourd’hui mis en avant tous les cours à destination universitaire. Il s’installe dès lors ce sentiment que le succès se trouve dans les études, conduisant la société vers un dénigrement général du travail manuel. Ce monde de l’usine a donc induit la standardisation des fonctions ; les libertés d’action ont été limitées, devant l’obligation de respecter un cahier des charges précis défini par d’autres. Cela crée une nouvelle distance entre les hommes et leur travail, une déresponsabilisation qui engendre une dépendance au système. 38