Habiter 2022|Hors-série Or Norme

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2022
LE MAGAZINE D’UN AUTRE REGARD SUR STRASBOURG
Habiter
LE HORS-SÉRIE DE L’HABITAT À STRASBOURG
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HABITER

n’est pas le cœur palpitant du bâtir. Les hommes donnent à leurs constructions d’autres finalités que celle

Toujours en mouvement, la ville est un lieu pluriel où cohabitent des histoires, des comportements et usages divers, un espace que chacun s’ap proprie selon ses besoins et ses envies… La ville est aussi un lieu où se croisent des flux humains, logistiques, sur la terre et parfois sur l’eau. Le cœur palpitant de la ville est dans le déplacement.

Ce 4e numéro du magazine Or Norme hors-série Habiter, se penche sur la ques tion de la trame bleue à Strasbourg, ou com ment l’Ill concentre des enjeux à la fois sociaux, économiques et écologiques.

De Urban Logistic Solutions à Marin d’Eau Douce, de nouveaux modèles d’ex ploitation du fleuve proposent des ser vices efficaces, mais aussi des expériences ludiques, sous le regard avisé de Voies Navigables de France. L’Eurométropole de Strasbourg veille, elle aussi, à préser ver la qualité des cours d’eau, et l’École

Nationale du Génie de l’Eau et de l’Environ nement de Strasbourg forme les ingénieurs de demain à la protection de la nature et ses ressources.

Sur la terre ferme se déploie le dis positif La Ville à Vivre et son projet le Ring, contournement de l’hypercentre pour les cyclistes. Dans le quartier de la Neustadt, on s’apprête à dévoiler de nou veaux lieux d’attractivité : Planétarium, Musée zoologique et Brasserie de l’Hôtel des Postes, des chantiers d’enver gure attendus avec impatience.

Dans le secteur de l’immobilier, enfin, on cherche à faire face à l’inflation et au coût de l’énergie, là encore, à travers des solutions innovantes.

Strasbourg, ville nouvelle, est en phase avec son époque, entre développement, valorisation du patrimoine et prise de conscience des défis à venir : une ville qui bouge !

« L’habiter
d’en faire des maisons. »
a OR NORME – HABITER 4 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter
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KS groupe

BÂTISSEUR DE SOLUTIONS DURABLES

CONTRACTANT GÉNÉRAL MULTIDISCIPLINAIRE, nous fournissons des solutions adaptées pour les projets liés à la construction et au bâtiment, de la conception à l’exploitation. Créée en 1958, KS groupe est une entreprise familiale indépendante dont le siège est basé à Strasbourg. Grâce à l’expertise de nos 420 collaborateurs, nous offrons un savoir-faire intégré et global. Cette richesse des métiers garantit une maitrise complète du processus d’exécution pour tout projet, même le plus atypique. Nous offrons à chacun de nos client un accompagnement sur mesure, dans un écosystème efficace et solidaire. ksgroupe.fr

de Strasbourg 36 Une panoplie d’actions pour redonner vie aux cours d’eau Le Ring 40 Le vélo en son royaume… Voies navigables de France 44 De politique et d’eau fraîche Écluse Le Corbusier 48 La forme de l’eau ENGEES Un futur bleu 50 Urban Logistic Solutions 52

roi Marin d’Eau Douce 56 Marins pour rire, marins quand même !

Poivre La Brasserie de

des Postes se dévoile

a Portfolio 116 Michael Bouton Photographe 8-33 58-101 34-57 102-115 a Immobilier a Architecture a Urbanisme a Design SOMMAIRE HABITER 2022 10 Table
L’innovation, pour
18 Immoval Les
20 Armindo
22 Creatio
va
24 Wienerberger Le
26 Nexity
28 Nouvel
30 SELTZ
32 AMC
60 ENSAS
64 MEA
68
Construire
74
Solide
78 Architecture
Plastique
84
pluridisciplinaire
86
90
94
98
104 Henry-Soredi / Klafs Le sauna rayonne 106 Déléone
global 108
Duo
110
Du
112
114
La
6 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter
ronde
répondre aux enjeux d’aujourd’hui…
feux restent au vert
L’urgence de la réhabilitation
Strasbourg
encore profiter de belles opérations
savoir-faire au service de l’environnement
L’approche servicielle
R Une presta clé en main
Un chantier hors du commun
Habitat L’économie à l’œuvre
Pouvoir du lieu
Le Rhin bâtisseur
Archi-Wiki
ensemble
Trophée Béton
réputation
brutaliste
brutale
Rey-De Crécy Agence
et pragmatique
Oslo L’architecture est un jeu !
AMO Construire collectif
Ducks Scéno Espèces d’espaces
Diabolo
l’Hôtel
Eurométropole
L’algorithme
Design
Archipiquant
archi-solaire !
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décoration qui raconte une histoire

votre prochain art de vivre 11 logements de standing Rue Himmerich l’élégance est naturelle quand l’intérieur sublime l’extérieur !

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IMMOBILIER a OR NORME – HABITER 9

TABLE RONDE L’INNOVATION, POUR RÉPONDRE AUX ENJEUX

D’AUJOURD’HUI…

De l’avis général, le secteur de l’habitat encaisse les coups, vacille, mais ne s’écroule pas. Au final, il aura plutôt bien traversé la crise de 2020/2021 générée par la pandémie, mais il est néanmoins percuté de plein fouet par les conséquences de l’inflation renaissante (et notamment la hausse du coût du crédit) et le coût de l’énergie qui explose. Dans ces conditions, les acteurs de l’habitat multiplient les initiatives et cherchent à innover à tour de bras, bien conscients qu’ils doivent avant tout s’en remettre à eux-mêmes pour passer le cap difficile qui est devant eux…

a IMMOBILIER – INNOVATION Jean-Luc Fournier Nicolas Rosès 10 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a IMMOBILIER

Il y a un an tout juste, quand nous avions réuni pour le numéro de l’automne 2021 de notre hors-série Or Norme Habiter une table ronde presque entièrement consacrée à la politique de la nouvelle municipalité strasbourgeoise en matière de logement et d’habitat, l’adjointe à la maire de Strasbourg en charge de ces questions avait annoncé attendre le début de cette année 2022 pour s’engager sur un chiffre annuel du nombre de logements à construire durant le mandat. En savons-nous plus aujourd’hui ?

Arnaud Ferrière : Pas vraiment. On reste aujourd’hui dans un contexte où ce n’est pas simple de proposer des projets de construction de logements. Il y a un manque cruel de logements à Strasbourg, tout le monde le reconnait et les élus en premier lieu. L’attente de logements à prix abordables ou de logements sociaux reste très forte, mais on a très peu de proposi tions à faire et l’offre va être très réduite au niveau de l’Eurométropole, que ce soit au niveau des bailleurs sociaux ou via le privé par le biais des VEFA (ventes en état futur d’achèvement - ndlr). On n’avance pas

Les participants de la table ronde réunie le 12 octobre dernier à l’Hôtel BOMA à Strasbourg de gauche à droite : Cédric Simonin, présidentdirecteur général de Groupe Trianon, Arnaud Ferrière, directeur général de Nexity, Frédéric Didier, directeur général de Wienerberger. Table-ronde animée par Jean-Luc Fournier, directeur de la rédaction de Or Norme

beaucoup avec un délai d’obtention des permis dont je persiste à trouver la logique difficile à appréhender. Pour résumer, sur le premier semestre de cette année, on était à 40 % de baisse de la mise en vente par rapport au chiffre de l’an passé, qui lui-même était en baisse de moitié par rapport au dernier chiffre semestriel de l’avant-Covid. Concrètement, en ce qui concerne Nexity, on était autour de 2 400 réalisations vendues semestrielle ment avant le Covid. Ce chiffre est tombé à 1 200 l’an passé et cette année, nous en serons à moins de 700… Le secteur du

« L’ATTENTE
DE LOGEMENTS À PRIX ABORDABLES OU DE LOGEMENTS SOCIAUX RESTE TRÈS FORTE, MAIS ON A TRÈS PEU DE PROPOSITIONS À FAIRE. »
Arnaud Ferrière
11 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a IMMOBILIER

« ON SE DOUTAIT BIEN QU’EN MATIÈRE DE TAUX D’INTÉRÊT, ON N’ALLAIT PAS RESTER AD VITAM AETERNAM DANS LA SITUATION DE TAUX D’INTÉRÊT NÉGATIFS. »

logement est traditionnellement influencé par la confiance : or, aujourd’hui, les titres des journaux et magazines n’incitent pas à cette confiance, c’est le moins que l’on puisse dire…

Dans cet éventail peu réjouissant, la hausse de nos prix de revient est signifi cative, au moins 15 à 20 % et ce sera peutêtre plus quand on fera le bilan global d’ici la fin de l’année… L’activité est clairement impactée, il y a un manque de visibilité évident, et les taux d’intérêt à la hausse : ça finit par faire beaucoup…

Cédric Simonin : Je partage glo balement ce que dit Arnaud sur le fait que personne n’avait senti venir l’essen tiel des difficultés qui nous assaillent, même si on se doutait bien qu’en matière de taux d’intérêt, on n’allait pas rester ad vitam aeternam dans la situation de taux d’intérêt négatifs qu’on avait fini par atteindre. En revanche, la brutalité de leur remontée surprend, c’est cer tain. J’ai fait réaliser au début de cette année une simulation en interne dans notre groupe. Son résultat est très clair,  1 % de plus sur les taux nous fait perdre 50 % de nos acheteurs, 2 % de plus et nous en perdons 70 %… C’est vous dire

l’importance du sujet des taux sur les décisions d’achat de nos clients.

Cependant, dans la situation qui a été parfaitement décrite précédemment, je trouve que le monde du logement social et celui des élus se sont rendus compte que s’il n’y avait pas le privé, il y aurait beaucoup moins de social. Depuis long temps, quand on construit du logement privé, on a l’obligation de réaliser conco mitamment entre 30 et 50 % de logement social. La situation a donc au moins une vertu : privé ou public, nous sommes dans le même bateau ! Elle a donc fini par nous rapprocher, les bailleurs sociaux et nous, et on travaille plus et mieux en partena riat. Au final, les élus se remettent à dis cuter avec nous autour d’une même table. On sent un assouplissement, au niveau des discours, c’est très net par rapport aux propos tenus lors de la dernière table ronde organisée par Or Norme il y a un an.

Frédéric Didier, vous qui dirigez Wienerberger France, un fabricant de matériaux qui depuis deux siècles, je crois, s’est spécialisé dans ce que l’on appelle la terre cuite, quelle vision avezvous de l’activité globale du secteur de l’habitat ? Je suppose que vos dizaines

12 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a IMMOBILIER
Cédric Simonin (ci-dessus)

de milliers de clients, les artisans du bâtiment, sont aux avant-postes en ce domaine et qu’ils vous font remonter de précieuses données tendancielles…

Frédéric Didier : Au niveau natio nal, au jour où on se parle, on est encore aujourd’hui dans un marché dont l’activité reste très soutenue. C’est très concret en ce qui nous concerne : depuis mai 2020, on n’arrive pas à répondre à la demande. Ce qui fait qu’on doit limiter les livraisons par rapport à la demande de nos clients. Et ce n’est pas spécifique à Wienerberger, c’est toute la profession qui est dans ce cas. Le marché qui reste porteur c’est celui de la maison individuelle, qui reste le rêve majoritaire de tous les accédants à la propriété et qui, c’est évident, s’op pose aux réalités contemporaines : on ne peut plus artificialiser les sols, le foncier devient terriblement difficile à trouver, la stratégie gouvernementale est axée sur la densification des villes… On observe donc depuis le début de cette année une chute très forte des permis de construire de mai sons individuelles, due pour l’essentiel aux raisons que nous venons d’évoquer, mais également, aux effets de la régle mentation environnementale, la RE 2020 dans notre jargon qui génère un surcoût

de prix de production de l’ordre de 5 à 10 %. Au moins… Mais viennent se cumu ler à cela les hausses actuelles des coûts de matériaux, ce qui nous amène à une inflation globale de l’ordre de 20 %, ce phénomène d’inflation ayant débuté bien avant la guerre en l’Ukraine. Il était déjà perceptible pour nous il y a un an, à la rentrée 2021. Pour parler des seules four nitures énergétiques, nous consommons en effet beaucoup de gaz et d’électricité, le renchérissement du coût de nos pro duits finis sera d’environ 20 %…

Vous nous fournissez là la transition idéale pour aborder la problématique de l’innovation que nous avons choisie pour cette table ronde Habiter 2022. Je crois que Wienerberger est assez à la pointe de la réflexion sur la transformation de ses approvisionnements énergétiques…

Frédéric Didier : En tant qu’indus triels, nous nous devons en effet de trans former notre industrie avec un apport de plus en plus d’énergies renouve lables en substitution des énergies d’ori gine fossiles que nous utilisons encore aujourd’hui. Nous l’avons déjà fait sur la partie électrique : 100 % de l’électri cité que nous utilisons est sous garan

« NOUS ÉVOLUONS TOUS AUJOURD’HUI AU SEIN D’UN SEUL ET MÊME ÉCOSYSTÈME ET NOUS NOUS DEVONS AINSI TOUS D’INTERAGIR DANS CE SENS-LÀ. »
13 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a IMMOBILIER
Arnaud Ferrière (ci-dessus)

« À PLUS LONG TERME, ON COMPTE SUR DES SOLUTIONS VENUES DE LA

GÉOTHERMIE, AU NORD DE L’ALSACE, MAIS AUSSI DE L’HYDROGÈNE. »

tie d’origine verte, nous avons en effet contracté avec des parcs éoliens du sud de la France et de Picardie, également, avec un petit complément d’électricité d’origine hydraulique via un contrat venu de Suisse. Pour le gaz, on travaille sur le bio-gaz, obtenu grâce à la méthanisation d’origine agricole, la biomasse et, à plus long terme, on compte sur des solutions venues de la géothermie, au nord de l’Al sace, mais aussi de l’hydrogène, du moins sa part qui sera d’origine verte. Pour clore sur le sujet de nos économies d’énergie, on récupère tous nos gaz chauds pour les réinjecter dans le séchage de nos produits finis… J’ajoute qu’on tend vers la neutra lité carbone d’ici 2050. Dans les quatre ans qui viennent, on va injecter l’équiva lent de 65 millions d’euros sur ces théma tiques-là et au niveau du groupe, ce seront des centaines de millions d’euros d’inves tissement dans les années à venir…

Du côté des promoteurs, la thé matique de l’innovation ne s’exprime bien sûr pas dans les mêmes termes. Cédric Simonin, le Groupe Trianon que vous présidez a toujours affiché ce que l’on pourrait appeler un cer tain tropisme concernant l’innovation, je pense notamment à certaines réali sations quasi emblématiques que vous avez initiées…

Cédric Simonin : Je me suis en effet toujours soucié de cette thématique, mais en l’orientant délibérément au service de l’usager de nos constructions. On a com mencé il y a vingt voire même trente ans avec la domotique, un terme devenu quasi désuet depuis, mais qui représente une technologie à implémenter désormais obligatoirement dans nos logements. Notre grand souci des dernières années

a été la problématique de la santé dans le logement. Je me suis rapproché du CHU de Strasbourg, du professeur de Blay, qui est un allergologue de grande notoriété et qui a accepté de passer au crible tous les matériaux que nous sommes susceptibles d’utiliser dans son propre laboratoire. C’est ainsi, grâce à ses diagnostics sur les matériaux, qu’est née la philosophie de notre action dans le domaine de l’inno vation. Avec ces résultats, nous sommes allés voir les industriels pour savoir s’ils avaient ces matériaux plus vertueux que nous avions repérés. Et il s’est avéré qu’ils les avaient, en effet, mais ils ne les ven daient pas parce que la majorité de la profession les trouvait trop chers. On a réussi à trouver des accords pour pou voir implémenter ces matériaux innovants dans notre offre et c’est ainsi que nous avons été des précurseurs, je crois, dans la thématique de la qualité de l’air d’in térieur. Nous en avons naturellement fait un porte-drapeau et tous les logements que nous avons construits ensuite l’ont été sous ce petit label « Logement sain » que nous avons initié.

Cette philosophie-là peut elle s’avé rer pérenne, surtout si l’on songe aux difficultés rencontrées par le secteur que nous avons évoquées ?

Cédric Simonin : Pour moi, c’est stric tement inconcevable de raisonner diffé remment. Cette philosophie est devenue un des piliers de l’entreprise. D’autant que les surcoûts ne sont au final pas si conséquents qu’on pourrait le penser. Mais au-delà de ces problématiques basiques, le fait d’être innovant dans ces domaines profite à l’ensemble de la pro fession qui cesse d’être entièrement résu mée à l’image du promoteur qui « vomit du

béton ». Et les élus nous perçoivent aussi comme des gens capables de réaliser des projets un peu différents de ce qui se fait traditionnellement dans un milieu du bâti ment encore perçu comme très conser vateur. L’enjeu actuel et surtout à venir, c’est la construction de bâtiments zéro carbone. L’horizon est pour 2050, avec un palier intermédiaire en 2035. Il sera atteint par la mise en place d’une chaîne très vertueuse, avec les fabricants.

Arnaud Ferrière : Je vais rebondir sur tout ce qui a été dit. Nous évoluons tous aujourd’hui au sein d’un seul et même écosystème et nous nous devons ainsi tous d’interagir dans ce sens-là. La santé, le confort des usagers, la qualité de l’air peut-être avec un petit peu de retard par rapport aux équipes de Cédric, tous ces foyers d’innovation sont aussi travaillés chez Nexity. A l’échelle de notre groupe, nous observons ces phénomènes au niveau de la production bien sûr, mais aussi au niveau de l’exploitation puisque Nexity gère logements et bureaux au quo tidien pour répondre aux nécessités glo bales instaurées par le RE 2020 dont nous parlions. Notre approche générale a donc changé : nous n’avons bien sûr pas la pré tention de former, mais nous avons celle d’accompagner les usagers sur plusieurs plans, notamment celui de leur consom mation énergétique qui est une probléma tique dont je n’ai bien sûr nul besoin de souligner l’énorme actualité. L’innovation se matérialise aussi plus globalement dans le mode constructif : aujourd’hui, dans la région Grand Est, un tiers de notre production est représenté par la construc tion bois. En matière de bilan carbone, on s’est donné une ambition de réduire de 42 % nos émissions de

J
14 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a IMMOBILIER

CONSTRUIRE DEMAIN DES BÂTIMENTS CAPABLES DE RÉPONDRE AUX ENJEUX ÉNERGÉTIQUES ET CLIMATIQUES. »

Frédéric Didier (ci-dessus)

JCO2 d’ici 2030… Tout cela se fait à force de volonté d’expérimenta tion, comme tout le monde, nous avons essuyé quelques revers depuis 2014, date à laquelle nous nous sommes lancés dans ces innovations, mais les résultats sont là aujourd’hui et ils vont dans le bon sens. Notre approche est beaucoup mieux maî trisée et tout aussi ambitieuse…

Cédric Simonin : Ce qui est impor tant, je le répète, c’est l’usager final qui, il faut bien le dire, n’est pas forcément au fait de l’innovation. Ce qui est aussi le cas des élus, entre parenthèses. C’est à nous de parler, sans cesse et sans cesse de cette innovation qui est partout : dans la brique, le bois et même dans le béton, comme l’industriel Vicat, par exemple qui, en 2025, proposera du ciment décar boné ! Une innovation qui n’était même pas envisageable il y a à peine quelques années… On voit bien que toute la filière de la construction va dans le bon sens, alors qu’on nous laisse nous organiser au cas par cas pour aller dans le meilleur sens vertueux possible !

Frédéric Didier : L’innovation, c’est au final un démonstrateur qui nous fait com prendre aujourd’hui qu’on pourra, demain,

ensemble et en synergie, construire des bâtiments qui, en terme énergétique, ne nécessiteront quasiment pas d’apport extérieur. Nous travaillons actuellement à Lyon sur un projet très innovant qu’on appelle 22/26…

Arnaud Ferrière : Je vous coupe pour préciser qu’il s’agit d’une réalisa tion Nexity…

Frédéric Didier : Ah bon ? Je ne savais pas, le hasard fait donc bien les choses. Il est à base d’une brique auto-isolante, notamment produite chez nous en Alsace. 22/26, c’est entre 22 degrés à 26 degrés, sans apport extérieur de chauffage ou de climatisation et quelle que soit la saison… Le projet comporte huit étages. Certes, il est très cher, car l’innovation est par nature très chère. Mais le projet 22/26 prouvera qu’on pourra construire demain des bâtiments capables de répondre aux enjeux énergétiques et climatiques…

Cédric Simonin : L’idée serait de dire aux élus : OK, écrivez-les règles et nous les respecterons. Ce qui fait que l’on pour rait éviter ainsi le cas très fréquent où, au moment de la dépose du permis, vous nous supprimez un étage dans la plupart des

« ON
POURRA
Frédéric Didier
16 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a IMMOBILIER

productions que nous présentons à votre validation. C’est devenu très fréquent, trop fréquent… Quand vous imaginez une nou velle règle, commentez-la nous en amont : on a l’expertise technique pour vous dire immédiatement si c’est jouable ou non et dans quelles conditions…

Je ne souhaiterais pas qu’on se quitte sans que nous ayons ensemble parlé de la rénovation thermique. C’est un énorme enjeu, car il est incontournable. Pour résumer, le bâtiment c’est plus de 40 % de la consommation énergétique globale et, en France, il y a environ 25 millions de logements anciens qui doivent impérativement être l’objet de travaux de rénovation thermique. Parmi eux, il y a plus de cinq millions de ce que l’on appelle les « passoires thermiques », c’est à dire les logements dont le bilan énergétique est catastrophique. Si les propriétaires n’assurent pas les indispensables travaux de rénovation ther mique, ils ne pourront plus les louer, la mesure s’appliquant progressive ment dès le 1er janvier prochain. D’ores et déjà, depuis août dernier, leur loyer est bloqué… Pour répondre à cet enjeu énorme, on sait que sans aides publiques conséquentes et pérennisées dans le temps, les propriétaires ne se lanceront jamais dans ces travaux. Pardon d’avoir été si long dans l’énoncé de cette ques tion, mais comment les constructeurs et industriels comptent-ils procéder pour faire en sorte que les aides publiques soient à la hauteur des enjeux ?

Frédéric Didier : Ces aides existent bien sûr, mais il y a eu manifestement trop de stop and go en la matière, et ce, depuis longtemps. Depuis vingt ans, on a incité les particuliers à changer les fenêtres, puis tout à coup on a annoncé qu’il fallait se préoccuper de l’isolation globale. Plus récemment, on a bifurqué vers la pompe à chaleur, ce qui fait qu’aujourd’hui, on est en train d’installer des pompes à cha leur à profusion dans… les trop fameuses passoires thermiques que vous évoquiez. On va tout droit, on y est même, vers un scandale qui ne va pas tarder à faire la une de la presse… Oui, il faut tout axer sur la rénovation thermique. Un simple chiffre : rénover dans les normes un mil lion de ces cinq millions de passoires thermiques, c’est réaliser une économie annuelle de sept térawattheures soit la production d’un réacteur nucléaire. Cinq millions de rénovations, c’est l’économie de la production de cinq réacteurs, pro duction qui pourrait donc être utilisée ail

leurs, dans maints secteurs pour réduire d’autant la production de gaz carbonés. Elle est là l’exacte mesure des enjeux liés à la rénovation thermique et énergétique…

Cédric Simonin : Ce n’est évidem ment pas le matériel qui est en cause, les constructeurs savent fournir des pompes à chaleur de très bonne qualité aujourd’hui. Mais je trouve que Frédéric est un peu dur dans son jugement. Certes, ce qu’il décrit a existé, mais les aides commencent à s’organiser : c’est le cas pour France Renov, mais aussi pour Maprimrenov qui est de mieux en mieux fléchée, la plate forme Oktave mise en place par la Région Grand Est est très bien organisée elle aussi, du diagnostic au suivi éventuel de chantier, et nombre de municipalités ont des aides d’accompagnement…

Arnaud Ferrière : C’est absolument certain que l’approche uniquement mer cantile et commerciale de la rénovation énergétique a conduit à des abus inad missibles. On est en train d’en sortir, à mon sens : le sujet est aujourd’hui pris à bras-le-corps, des sommes considérables sont fléchées par l’État et les régions. Les différents acteurs sont en train de se chercher et ils ont sur le point de trouver les bonnes approches. Reste que jusqu’à présent, les réflexions des propriétaires se résumaient en une seule question, bien souvent. Au bout de combien de temps pourrai-je observer un début de rentabilité sur les investissements que je dois réaliser ? Il y a encore quelques mois, c’était flou, en tout cas au-delà de dix ans. Ca l’est évidemment beaucoup moins aujourd’hui avec l’augmentation considérable du coût de l’énergie que nous constatons bien malheureusement. 2022 sera une année de rupture sur ces sujets, j’en suis convaincu. Pour autant, il ne faudra pas oublier que parallèlement, les coûts de cette rénovation énergétique vont eux aussi augmenter. La question de savoir comment tout ça va être financé reste ouverte, à l’évidence. En tout cas, il va falloir une lisibilité et une clarté abso lue sur l’ensemble des aides publiques et je pense pour ma part qu’il faut très vite simplifier tous les dispositifs existants : le plus c’est simple, le mieux ça marche. Ce vieil adage reste plus que jamais per tinent. Halte aux usines à gaz, sans jeu de mots. En tous cas, je pense que la hausse vertigineuse du coût de l’éner gie va être un vrai accélérateur pour ces questions de rénovation thermique et énergétique… » a

17 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a IMMOBILIER

NOLWENN PREUSS LES FEUX RESTENT AU VERT

Transaction, gestion, location, syndics, commerces, et désormais logements neufs ou en viager… Immoval, qui vient de fêter ses 50 ans, se place sur tous les fronts de l’immobilier et poursuit son développement, comme nous le détaille sa directrice des ventes, Nolwenn Preuss.

Historiquement installée rue de l’Église et spécialiste de l’hy percentre depuis un demi-siècle, Immoval, dirigée par Lionel Burstin, s’étend depuis plusieurs années aux quartiers strasbourgeois, à la première couronne, et dans la région de Molsheim avec le rachat de l’agence Scheuer. « Nous allons conti nuer le rachat de filiales et le développe ment de nos points de vente, précise Nolwenn Preuss, directrice des ventes Immoval et de ses filiales. Pour nous, les feux restent au vert, malgré un marché qui se tend. Nous ne sommes pas inquiets, après avoir surmonté 2008 et 2012 sans gros craquage. »

UNE BRANCHE SPÉCIALISÉE DANS LE NEUF

Après 2021, année d’euphorie enregis trant énormément de transactions, « on a connu un coup de frein entre la guerre en Ukraine et la remontée des taux, pré cise la directrice. On ne connaît pas une baisse de l’immobilier, mais une diminu

tion du nombre d’acquéreurs, donc une augmentation des biens à la vente et plus de concurrence… » À cela s’ajoutent des investisseurs plus frileux : « Les biens avec travaux sont les plus impactés, car s’il faut gagner des lettres DPE, le coût des matériaux a augmenté… » Un marché immobilier qui se tend, mais pas de quoi inquiéter l’experte : « Il y aura tou jours des projets immobiliers liés à des naissances, des déménagements, des divorces, des décès… », rappelle-t-elle. Loin de rester attentiste, Immoval conti nue son développement, notamment avec la récente création d’une branche spécialisée dans le neuf, « avec un négociateur qui travaille en partenariat avec des promoteurs partenaires. Nous avons un vivier important, avec plus de 10 000 clients dans nos fichiers. » Autre levier de développement : la formation d’une partie de ses équipes au viager. Si Nolwenn Preuss ne voit pas le marché se « détendre » dans les mois à venir, le pessimisme n’est pas de mise dans cette agence indépendante, comptant quelque 120 salariés. a

a IMMOBILIER – IMMOVAL
18 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a IMMOBILIER

Nolwenn Preuss, directrice des ventes Immoval et de ses filiales.

« NOUS NE SOMMES PAS INQUIETS, APRÈS AVOIR SURMONTÉ 2008 ET 2012 SANS GROS CRAQUAGE. »
19 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a IMMOBILIER

JOAQUIM ET LUDOVIC ARMINDO L’URGENCE DE LA RÉHABILITATION

L’entreprise générale du bâtiment Joaquim Armindo SAS jouit d’une solide expérience de bientôt 35 ans dans son domaine. Si son cœur de métier reste le gros œuvre, une large part de son activité est consacrée à la rénovation énergétique des immeubles d’Habitation à loyer modéré (HLM) des années 1960-70. Un sujet plus que jamais d’actualité.

Si les entreprises nationales sont leaders en termes de réhabili tation des logements à loyer maîtrisé, l’entreprise régionale et familiale Joaquim Armindo SAS se démarque dans le paysage alsacien : « Nous sommes en quelque sorte le local de l’étape depuis une dizaine d’années », sourit son président, avant de préciser : « L’objectif est de participer à la lutte contre le changement climatique en dimi nuant significativement les consomma tions d’énergie. Après travaux, les bâtiments sont moins énergivores et par ticipent ainsi à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à la réduction de la consommation des énergies fossiles. Les locataires voient aussi leur consom mation et leurs factures d’énergie être réduites au moins de moitié, ce qui est essentiel dans le contexte actuel. »

a IMMOBILIER – ARMINDO
20 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a IMMOBILIER
Barbara Romero Marc Swierskowski

La fibre environnementale n’est pas nou velle pour Joaquim Armindo et son frère Ludovic, directeur général, qui emploient 75 personnes. « L’une de nos autres activités est la promotion immobilière avec un credo qui nous anime depuis toujours : construire naturellement et durablement, souligne Joaquim Armindo. Nous construisons des bâtiments qui s’insèrent dans leur environ nement, sans densifier à outrance. Des bâti ments hautement économes en énergie. »

CONSTRUIRE NATURELLEMENT ET DURABLEMENT

La question actuelle : comment répondre aux demandes d’accès à la propriété qui s’intensifie ? « Avec la loi Climat et rési lience promulguée en 2021, le foncier est de plus en plus rare, ce qui va poser

des problèmes d’offres, avec en prime la hausse des taux d’intérêt bancaires », estime le président. Pour autant, les affaires marchent « excellemment bien ». « Les projets se vendent rapidement, malgré la hausse des prix liés aux inci dences conjoncturelles, les acquéreurs potentiels craignent de ne pas être servis. Prenons l’exemple de ces terrains dans le quartier Sud à Colmar vendus à 60 000 € l’are, du jamais vu. Tout est parti en qua siment de moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. » Autre sujet d’incertitude : l’inflation. « Le marché est tout de même chaotique entre la spéculation et l’infla tion. Pour notre part, nous restons posi tifs et tirons notre épingle du jeu face à cette situation parce que nous sommes une entreprise solide qui a déjà traversé des moments difficiles. » Le poids de l’ex périence en résumé. a

« NOUS RESTONS POSITIFS ET TIRONS NOTRE ÉPINGLE

DU JEU. »

21 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a IMMOBILIER
Joaquim Armindo, président et Ludovic Armindo, directeur général.

SÉBASTIEN SICOT STRASBOURG VA ENCORE PROFITER DE BELLES OPÉRATIONS

Filiale de KS Groupe, Creatio gère depuis 2010 ses chantiers, « du parpaing au bouton de porte ». Ultra connue à Strasbourg pour ses réalisations pointues dans l’hôtellerierestauration, la société œuvre aussi pour le pôle médical ou les bureaux. Son dirigeant, Sébastien Sicot, démarre en parallèle une nouvelle aventure avec KS Solutions, une entreprise adaptée, spécialisée dans les métiers d’entretien et de petit aménagement.

Àla sortie du premier confinement, Sébastien Sicot faisait partie des dirigeants sereins pour les mois à venir. « Avec du recul, cela s’est confirmé, nous avons réalisé de beaux projets à Strasbourg », confie-t-il. Le Drunky Stork Social Club, bien sûr, mais aussi Le Mozzo, nouvelle trattoria sur les docks, L’Alsace à boire, le PNY, la recon version de Calmos en East Canteen Grand’Rue ou encore le S’Wacke Hiesel au Wacken. « Nous bénéficions d’un bon réseau, du bouche-à-oreille, et notre présence à Strasbourg-centre nous confère une belle communication », constate-t-il. A la fois concepteur, réno vateur et décorateur, Creatio sait antici per les éventuels retards de livraison de matériaux auxquels font face toutes les entreprises du bâtiment depuis deux ans. « En cas de mauvaises surprises, nous proposons des alternatives », pré cise le dirigeant.

L’IDÉE EST DE DEVENIR UN ACTEUR DANS LE RECYCLAGE DES MATÉRIAUX

Comment voit-il les années à venir ? « Depuis deux ans, on constate une sai sonnalité importante, avec des périodes très creuses, forcément anxiogènes, qui alternent avec des pics d’activité. Pourquoi ? Je me pose la question ! Peutêtre est-ce lié aux phénomènes météo, politiques ou économiques ? Avec l’aug mentation des taux d’emprunt, la guerre en Ukraine, le problème de main-d’œuvre,

a IMMOBILIER – CREATIO
22 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a IMMOBILIER
Barbara Romero Nicolas Rosès

les investisseurs peuvent différer leurs projets. Nous prenons l’activité comme elle vient, avec cette chance de ne pas faire que du CHR, mais aussi du parti culier, du médical ou des bureaux. Cela nous permet de déplacer le centre de gravité. » Dans l’hôtellerie-restauration, Sébastien Sicot confie que de beaux pro jets sont en cours d’étude, sans pouvoir plus en dévoiler. « Strasbourg va encore profiter de belles opérations », lâchet-il avec malice. Mais un autre projet en parallèle concentre aussi son atten tion : la création de KS Solutions, une société adaptée qui emploiera cinq per

sonnes, dont deux en situation de han dicap, « dans l’entretien de bâtiment et le petit aménagement, précise-t-il. L’idée est de travailler sur la déconstruction des bâtiments et de devenir un acteur dans le retraitement des matériaux et dans le recyclage des équipements lumi naires ou sanitaires pour leur donner une nouvelle vie, grâce à un partenariat avec Emmaüs, notamment. » Filiale du Groupe KS, Creatio a pour objectif de devenir une entreprise à mission, ce qui sous-entend une responsabilité environnementale et sociétale du groupe et de l’entreprise, « à laquelle j’adhère à 100 % », conclut-il. a

« NOUS BÉNÉFICIONS D’UN BON RÉSEAU, DU BOUCHEÀ-OREILLE. »

Sébastien Sicot, gérant de Creatio.

23 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a IMMOBILIER

FRÉDÉRIC DIDIER LE SAVOIR-FAIRE AU SERVICE DE L’ENVIRONNEMENT

Leader mondial des solutions terre cuite pour les murs, façades et toitures, le groupe autrichien Wienerberger a installé son siège français en Alsace dès 1995. Fondé en 1819, le Groupe s’attache depuis plus de 200 ans à développer des solutions innovantes pour un habitat toujours plus sain dans le respect de l’environnement.

Frédéric Didier, directeur général de Wienerberger France.

Plus que jamais avec l’urgence cli matique que l’on connaît, Wienerberger veut apporter sa pierre à l’édifice. Son mantra : « La terre demande toute notre attention ». Le groupe, qui a enregistré un chiffre d’af faires de quatre milliards d’euros en 2021, présent dans 28 pays dans le monde et fort de 215 sites de production et quelque 17 624 collaborateurs, veut mettre à profit son savoir-faire au service de l’environ nement. « Notre engagement pour la terre fait partie intégrante de notre feuille de route, à travers trois enjeux : la décarbo nation, l’économie circulaire et la biodi versité », précise Frédéric Didier, directeur général de Wienerberger France. Le point clé de cette stratégie : l’ancrage local en ne proposant que des produits français – briques, tuiles et briques apparentes en terre cuite –vendus à des clients locaux. En ce qui concerne l’enjeu de décarbonation, le Groupe vise la neutralité carbone à hori zon 2050 : « Ces 30 dernières années, nous avons déjà diminué nos émissions de CO2 de 30 %, aujourd’hui notre tra

a IMMOBILIER – WIENERBERGER Barbara Romero DR 24 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a IMMOBILIER

jectoire s’accélère en voulant diminuer de 15 % nos émissions depuis 2020 jusqu’à 2023 », poursuit Frédéric Didier.

L’ADN DE NOTRE ENTREPRISE, C’EST L’INNOVATION

L’upcycling fait aussi partie de ses prio rités : « Actuellement, le taux de recy clage est de 94 %, souligne le directeur général. L’ADN de notre entreprise, c’est l’innovation, 100 % de nos nouveaux pro duits seront recyclables ou réutilisables d’ici à 2030. » Une stratégie conforme à la nouvelle réglementation RE 2020, mise en place en début d’année : « Nous voulons offrir les produits les plus abor dables, responsables, offrant un très bon confort pour l’habitat, en phase avec la réglementation environnementale pour progressivement réduire le nombre de CO 2/m 2 de bâti d’ici à 2031 », rappelle Frédéric Didier. Son engagement passe aussi par un travail sur la matière pre mière, un process de production plus vertueux, l’utilisation d’une énergie

« LA TERRE DEMANDE TOUTE NOTRE ATTENTION. »

verte. Le tout dans un marché en pleine expansion : « Nous faisons face à une forte demande, nos huit sites de pro duction en France produisent en continu avec une augmentation de la capacité de production entre 5 et 15 % », souligne le directeur général qui doit aussi faire avec l’envol des prix de l’énergie et des matières premières, accentué depuis la guerre en Ukraine. « Nous devons réper cuter ce coût sur le prix de vente, ce qui va forcément toucher les primo-accé dants qui se tournent désormais davan tage vers les logements collectifs ou la location. » Le marché de la rénovation restera néanmoins stable en 2023. En exemple, Frédéric Didier évoque le projet majeur du moment, à savoir la rénova tion de 50 façades pour le Grand Paris.

Tout récemment nommé Président de la Fédération française des tuiles et briques, Frédéric Didier prend enfin un autre engagement : « Défendre la terre cuite, notre territoire, l’Alsace, et nos industries. » Sans oublier de s’engager pour la préservation de la biodiversité sur sites. a

25 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a IMMOBILIER

ARNAUD FERRIÈRE L’APPROCHE SERVICIELLE

Groupe immobilier présent dans le logement neuf, mais également dans l’ancien et dans l’immobilier tertiaire, Nexity se développe en tant que plateforme de services pour mieux comprendre un environnement très mouvant en cette rentrée. Pénurie du foncier, défis environnementaux, réflexion pour des logements plus inclusifs… Arnaud Ferrière, directeur général de Nexity Promotion Est, décrypte les nouveaux enjeux de la promotion immobilière.

Si les voyants ne sont pas au vert pour la promotion immobilière en cette rentrée, Nexity garde le cap. « Entre la pénurie du foncier, l’in terrogation sur la zéro artificialisation, la compétition pas très saine et exacer bée dans l’Eurométropole de Strasbourg où la production a baissé, nous gardons l’ambition d’avoir une implantation forte dans chaque territoire et d’être un par tenaire pour les collectivités », confie Arnaud Ferrière, directeur général de Nexity Promotion Est. En ce sens, Nexity a développé une raison d’être : « La Vie ensemble » à destination de ses clients, ses collaborateurs et les collectivités, « qui permet de mieux comprendre un environnement très mouvant et de faire en sorte que la question de la mixité soit davantage mise en avant. » Première réponse concrète au mal-logement : la signature de 90 baux solidaires sur les six derniers mois, « grâce à notre travail

a IMMOBILIER – NEXITY
26 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a IMMOBILIER
Barbara
Romero Nicolas Rosès

commun avec des associations carita tives locales », se réjouit-il.

Sur la partie environnementale, le groupe veut aussi se démarquer et s’en gage à réduire de 42 % ses émissions de gaz à effet de serre entre 2019 et 2030, « ce qui se traduit notamment par une écono mie de 10 % de plus que ce qu’impose la Réglementation Environnementale 2020. »

IL Y A UN TEMPS

POLITIQUE ET UN TEMPS ÉCONOMIQUE

Le métier même de la promotion est aussi réinterrogé. « Nous devons regar der les usages des clients de la façon la plus fine possible. La conception aujourd’hui est différente, on essaie d’innover en mode constructif, même si nous nous heurtons à l’inflation des matières biosourcées, rappelle Arnaud Ferrière. Nous travaillons avec nos par

tenaires, fournisseurs et constructeurs, pour avoir une vision mutuelle de l’aug mentation du coût des matériaux, de l’énergie, qui touche autant les promo teurs que ceux qui vont occuper les loge ments. » Les nouvelles constructions se doivent d’avoir une isolation thermique performante, une notion de confort et des matériaux pérennes. « Nous regar dons davantage les usages, avec un endroit dédié au partage dans la copro priété, une végétalisation importante. » Une vision à 360 degrés en résumé. En tant que spécialiste du logement, Arnaud Ferrière souhaite sortir « de l’image du promoteur, pour devenir un vrai par tenaire. Il est important de recréer du dialogue. Le Pacte d’urbanisme en transition de l’Eurométropole offre des réflexions de bon niveau. Cela étant, il y a un temps politique et un temps éco nomique, et les temps de décisions sont parfois trop longs. » a

« NOUS DEVONS REGARDER LES USAGES DES CLIENTS DE LA FAÇON LA PLUS FINE POSSIBLE. »

Arnaud Ferrière, directeur général de Nexity Promotion Est.

27 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a IMMOBILIER

HERVÉ STARK UNE PRESTA CLÉ EN MAIN

Si les confinements successifs ont convaincu les Français d’effectuer des travaux de rénovation de leur intérieur, les difficultés d’accès aux crédits et les délais allongés des travaux ont mis un frein à cet engouement. Pour autant, le carnet de commandes de l’entreprise tout corps d’état Nouvel R reste plein, comme le confie son dirigeant Hervé Stark, aussi optimiste que réaliste.

Entre réhabilitation de cabinets d’avocats ou d’orthodontistes, de logements de particuliers ou d’un nouvel espace de réalité virtuelle en centre-ville, Hervé Stark et son équipe n’ont pas le temps de chômer. « Les car nets de commandes sont pleins jusqu’en février, nous sommes contents de l’acti vité, même si quelques signaux nous inter rogent », confie Hervé Stark, dirigeant de Nouvel R. « Pour les crédits immobiliers, la période n’est pas très bonne, et les par ticuliers se lancent moins dans des pro jets globaux. On s’inquiète aussi pour cet hiver, avec la hausse de l’énergie et la menace de pénurie. »

ON DÉCOUVRE

QUE L’UKRAINE EST LE GRENIER DE L’EUROPE

Hervé Stark, qui emploie six sala riés, relève aussi la pénurie des maté riaux, comme ses confrères. « On manque de bois depuis longtemps, mais ce qui est assez impressionnant, c’est que l’on découvre que l’Ukraine est le grenier de l’Europe. Pour ma part, je l’ignorais ! ». Particulièrement réputé pour la réno vation des salles de bain, Nouvel R fait ainsi également face à la pénurie de car relage. « Les délais d’approvisionnement sont beaucoup plus longs, et cela n’a rien à voir avec l’Ukraine ! De fait, le choix pour le client est restreint, mais nous arrivons

à toujours les satisfaire, grâce à nos rela tions avec mes fournisseurs depuis quinze ans. » Son show-room ouvert il y a un an à Reichstett, conçu comme un vrai loft, a aussi trouvé sa clientèle. « On fait du tout corps d’état. Il fallait trouver un produit d’appel, à savoir le parquet stratifié, mais aussi habiller le loft avec une cuisine, une salle de bain, une verrière, de la déco… Tout y est à vendre. » De quoi satisfaire ses clients en quête d’un lieu de vie ou de travail où ils se sentent bien, qui n’hésitent pas à scroller des heures sur Pinterest à la recherche de l’idée de leurs rêves. a

« ON S’INQUIÈTE AUSSI POUR CET HIVER, AVEC LA HAUSSE DE L’ÉNERGIE ET LA MENACE DE PÉNURIE. »
a IMMOBILIER – NOUVEL R
Romero
Barbara
Nicolas Rosès
28 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a IMMOBILIER
Hervé Stark, dirigeant de Nouvel R.

SELTZ UN CHANTIER HORS DU COMMUN

Entreprise familiale fondée en 1965, le Groupe SELTZ Constructions a racheté en début d’année l’entreprise Dicker devenant ainsi un acteur majeur du BTP dans le Grand Est. Un Groupe comptant aujourd’hui 150 salariés et pesant 35 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Àla tête du Groupe SELTZ Constructions fondé par son père en 1965, Jean-Daniel Seltz a depuis 1996 consolidé et fait grandir l’en treprise générale du bâtiment d’Andlau au point d’en faire un acteur majeur de la grande région. Après avoir racheté l’en treprise strasbourgeoise Kieffel il y a trois ans, Jean-Daniel Seltz a repris l’ancien fleuron du BTP alsacien Dicker, fondé en 1924, en début d’année. « Ces deux entre prises ont une histoire, de grosses réfé rences, rappelle le président. Par ce rachat, je souhaitais créer une synergie entre nos sociétés, développer des parts de marché grâce à la réunion d’acteurs majeurs du Grand Est. » Avec Dicker, le Groupe SELTZ compte 150 salariés, avec un chiffre d’affaires cumulé de 35 mil lions d’euros. Ses défis aujourd’hui ? « Consolider et optimiser les perfor mances du Groupe, avec une crois sance modérée. Je ne souhaite pas tripler les volumes, je veux continuer à faire de la qualité. »

LE CHANTIER DU MK2 SUR LES RAILS

Après avoir réalisé dernièrement de beaux chantiers, dont le siège des Compagnons du Devoir qui lui tenait particulièrement à cœur, lui-même ayant fait son Tour de France, Jean-Daniel Seltz annonce de belles perspectives pour les mois à venir. Parmi les gros chan tiers en cours, l’extension de l’entrée du Parlement européen gérée par Dicker, le centre administratif de Strasbourg pour SELTZ Constructions, mais aussi le chantier du MK2 à Schiltigheim, la livraison de la nouvelle boutique Hermès à Strasbourg, ou encore la construction d’un collège à la Meinau. « Le marché reste favorable, observe le président. Malgré la hausse des prix ou la pénurie des matières premières, nous restons positifs. Cela fait 25 ans que je dirige cette entreprise, nous connaissons les rouages, nous nous organisons diffé remment, nous anticipons. » Avec un autre vaste chantier en cours dans le viseur : toujours être plus vertueux pour l’environnement. a

JEAN-DANIEL
a IMMOBILIER – SELTZ CONSTRUCTIONS
30 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a IMMOBILIER
Barbara Romero Nicolas Rosès
« JE SOUHAITAIS CRÉER UNE SYNERGIE ENTRE NOS SOCIÉTÉS. » 31 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a IMMOBILIER
Jean-Daniel Seltz, président du Groupe SELTZ Constructions.

AURÉLIEN MOUSSAN L’ÉCONOMIE À L’ŒUVRE

Économiste et maître d’œuvre, AMC Habitat chiffre et réalise des projets immobiliers d’une grande diversité depuis 2012. Habitat individuel et collectif, industrie, tertiaire, santé, retail, bancaire : rien ne fait peur à l’équipe jeune et dynamique de son gérant Aurélien Moussan.

«

AMC, c’est le couteau-suisse dans l’économie d’un projet et sa réa lisation aux petits oignons », confie son gérant, Aurélien Moussan. Économiste et maître d’œuvre d’exécu tion, l’entreprise chiffre et réalise pour le compte du maître d’ouvrage des pro jets variés grâce à une capacité d’adap tation et une expertise qui ont fait leurs preuves depuis 2012. « Nous touchons toute typologie de projets, de la maison individuelle aux logements collectifs, de la rénovation d’un corps de ferme à l’extension d’une brasserie. Le mode opératoire est le même. Notre valeur ajoutée, c’est l’adaptation de mes col laborateurs qui arrivent à se mettre au niveau de leurs interlocuteurs », sou ligne le gérant qui sait depuis dix ans surfer sur un marché en constante muta tion. « Il ne faut pas se cantonner à une activité, estime-t-il. Quand j’ai créé ma première société en 2004, on construi sait une vingtaine de maisons indivi duelles par an. Depuis deux ans, ça se réduit considérablement, et nous nous sommes adaptés. L’écart se creuse entre les populations, les prix évoluent forte ment, les gens sortent des zones urbaines car le foncier y est hors de prix. On est davantage à l’ère de la rénova tion que de la construction à tout-va. Le marché est en perpétuelle évolution, il faut s’adapter à la demande. »

LA RÉNOVATION, UNE NOUVELLE MUTATION DU MARCHÉ

Une demande toujours forte. En cours, entre études et réalisations, AMC gère actuellement la construction de 700 appartements sur la région Alsace. Mais aussi la rénovation et la construc tion des agences Crédit Mutuel, des commerces, des bureaux, l’extension et la rénovation de la Brasserie La Licorne

a IMMOBILIER – AMC HABITAT Barbara Romero Nicolas Rosès
32 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a IMMOBILIER

à Saverne, la construction de super marchés, entre autres projets. « Mon équipe est constituée de 25 personnes jeunes et dynamiques pour qui le client n’est pas un numéro, mais à qui ils souhaitent tailler un costume sur mesure », insiste Aurélien Moussan, qui voit déjà les demandes de rénova tion pour se conformer à la loi EnergieClimat exploser : « La rénovation est une nouvelle dimension du marché, il faut être attentif à la qualité du produit que l’on va louer, avec des bâtiments moins énergivores, plus pérennes, plus accessibles. C’est très bienvenu. Très contraignant aussi pour les travaux, avec un maximum d’interactions pour mettre le parc immobilier français à niveau. » Une mutation vertueuse, que l’économiste et maître d’œuvre est déjà engagé à accompagner. a

« ON EST DAVANTAGE À L’ÈRE DE LA RÉNOVATION QUE DE LA CONSTRUCTION À TOUT-VA. »

33 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a IMMOBILIER
Aurélien Moussan, gérant de AMC Habitat.

URBANISME

a OR NORME – HABITER 35

EUROMÉTROPOLE DE STRASBOURG UNE PANOPLIE D’ACTIONS POUR REDONNER VIE AUX COURS D’EAU

Thierry Schaal, outre ses fonctions de maire de Fegersheim depuis 2014, est vice-président de l’Eurométropole de Strasbourg en charge de l’eau, de l’assainissement et de la Gestion des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations (GEMAPI). Sa mission principale est la renaturation des cours d’eau et il ne faut pas le pousser beaucoup pour qu’il devienne très disert sur un sujet qui, manifestement, le passionne…

La fonction qu’occupe Thierry Schaal transcende à l’évidence les courants politiques et il est patent que cette gestion des cours d’eau de l’Eu rométropole a toujours été une source d’attention pour les élus, au fil du passé.

« Il y a bien sûr une nécessité constante » souligne Thierry Schaal. « Elle se matérialise dans le cadre d’un aspect réglementaire qui prévoit que le cours d’eau, à un certain moment, doit être retravaillé pour des raisons techniques et administratives, le reméandrage ou le travail sur les berges, mais aussi, et c’est important, pour être remis à la disposition des publics, à certains endroits pour pra tiquer des sports, je pense au canoë ou, à d’autres endroits, pour plus simplement pouvoir y nager ou y pêcher. Concernant l’état général de nos cours d’eau sur le territoire eurométropolitain, je dirais que nous sommes en devenir sur le retour au bon état écologique global. Notre priorité est de mettre en œuvre un maximum de bassins de rétention capables de recueillir un maximum de pluies d’orage, ces pre mières pluies qui lessivent les voiries, je dirais… Par ce biais, les eaux vont se purifier en s’infiltrant peu à peu, et nous

Jean-Luc Fournier Nicolas Rosès – Jérôme Dorkel a URBANISME – COURS D’EAU EMS 36 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a URBANISME

pourrons les laisser ensuite retourner aux cours d’eau.

Tout cela s’est construit dans un schéma directeur d’assainissement doté d’une centaine de millions d’euros qui a été décidé lors du mandat précédent et qui se terminera aux alentours de 2027/2028 où nous pourrons alors éva luer, dans le cadre de la directive-cadre de loi sur l’eau, les paramètres de retour au bon état écologique global dont je par lais à l’instant, c’est-à-dire la réduction de l’impact humain sur le milieu naturel… »

REMÉANDRAGE ET INNOVATION

En matière de projet devant permettre d’optimiser considérablement les para mètres eurométropolitains, il y a la mise en œuvre d’une nouvelle station d’épura tion. « Les travaux débuteront en 2025 » précise l’élu, « la station se situera au sud du ban communal d’Illkirch-Graffensta den, elle devrait être opérationnelle en 2027 ou 2028. Elle permettra d’amélio rer notre réseau d’assainissement et de diminuer les rejets naturels que nous constatons au niveau de nos cours d’eau

« CONCERNANT L’ÉTAT GÉNÉRAL DE NOS COURS D’EAU SUR LE TERRITOIRE EUROMÉTROPOLITAIN, JE DIRAIS QUE NOUS SOMMES EN DEVENIR SUR LE RETOUR AU BON ÉTAT ÉCOLOGIQUE GLOBAL. »
37 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a URBANISME

quand les réseaux sont saturés et que l’eau s’échappe par les bassins d’orages. Il nous faut strictement réduire ces rejets, c’est une obligation réglementaire qui nous échoit pour l’horizon 2027… »

Par ailleurs, l’Eurométropole s’est engagée dans un immense travail concer nant la renaturation de ses cours d’eau. « C’est en effet tout le retravail que nous faisons sur leur linéaire, on agit énormé ment sur ce que nous appelons le reméan drage, c’est-à-dire la mise en œuvre de “virages” qui permettent de réduire la vitesse d’écoulement pour éviter que le lit du cours d’eau ou les berges soient

ravinés. On fait en sorte que la nature reprenne un peu le dessus sur toutes les actions que l’homme a pu exercer depuis, disons, les années quatre-vingt… »

Tout cela nécessite bien sûr de faire appel à la mémoire grâce à des cartes qui existent dans chaque commune voire dans des ouvrages que les diffé rentes collectivités ont conservés. « On voit ainsi très bientôt ce qu’il faut retra vailler, notamment dans le cadre de la prévention des inondations… »

Tout cela mobilise bien sûr d’impor tantes sommes d’argent, à grands coups

d’études à réaliser et de la création de zones d’expansion de crues capables d’anticiper les effets des phénomènes naturels qui entrainent notamment l’ac quisition de parcelles privées. « On est dans de la véritable dentelle » souligne Thierry Schaal, c’est un domaine où on ne peut pas avoir une vue macro. Il faut vrai ment aller avec précision sur le terrain à la rencontre des habitants qui vivent dans ces endroits-là… »

Dans ce domaine, les règles « s’empilent de plus en plus, les dossiers sont de plus en plus difficiles à préparer », tout cela pour que les projets entrent bien dans les grandes lignes directrices du Plan EauClimat, permettant aux collectivités de déclencher les financements.

Sans oublier l’innovation, comme cette « voirie infiltrante », un macadam poreux permettant à l’eau de pluie de s’in filtrer naturellement. « Ce n’est pas beau coup plus cher qu’un enrobé classique » précise Thierry Schaal en remettant sa casquette de maire de Fegersheim, sa commune ayant été une des premières à tester cette nouvelle solution.. a

« IL FAUT VRAIMENT ALLER AVEC PRÉCISION SUR LE TERRAIN À LA RENCONTRE DES HABITANTS QUI VIVENT DANS CES ENDROITS-LÀ… »
Thierry Schaal
38 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a URBANISME

LE RING LE VÉLO EN SON ROYAUME…

Dès qu’on parle vélo, elle est dans son élément, elle qu’on a, à vrai dire, toujours connue se déplaçant à grands coups de pédales, et ce bien avant son élection au sein de l’équipe municipale qui préside actuellement au devenir de Strasbourg. Rencontre avec Sophie Dupressoir, Conseillère municipale de la Ville de Strasbourg déléguée à la ville marchable et cyclable, qui évoque avec enthousiasme ce grand projet du Ring qui devrait redonner un nouvel élan décisif à la petite reine dans la capitale européenne…

Dans quelle philosophie générale s’inscrit le projet « La Ville à Vivre » que vous évoquez dans toutes les réunions publiques auxquelles vous participez ?

Il est assurément à considérer dans la problématique générale des mobili tés. L’équipe municipale s’est engagée à répondre aux enjeux de l’urgence cli matique et sociale dans laquelle nous sommes, c’est à dire, notamment, de rendre accessible la ville pour tous. Nous sommes aujourd’hui à un tournant, il nous faut affronter les problèmes liés à la pol lution, aux difficultés de se déplacer et au partage de l’espace public. Strasbourg a été une ville façonnée pendant plus de trente ans par la voiture, comme toutes les grandes villes de France, puis le tram est arrivé au début des années 90 et a permis une reconquête d’une grande partie de l’espace public au bénéfice des piétons et des cyclistes, mais il est évident que la part modale du vélo stagne depuis des années surtout en première et deuxième couronne où il y a encore énormément de déplacements en voiture. Cette voi ture occupe encore sur l’espace public une part supérieure à l’usage qu’en font les gens : on a encore des grands boule vards, on a toujours la voiture qui pénètre

40 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a URBANISME

dans une partie de la Grande Ile. On s’ap prête donc à franchir un nouveau cap en matière de partage de l’espace public : on va élargir les trottoirs et les végétaliser, tracer des pistes cyclables nouvelles…

Vous évoquez principalement là le projet du Ring cycliste…

Oui, bien sûr. Le Ring s’est bâti sur le constat que le plateau piétonnier de la Grande Ile, qui est un des plus grands de France, a certes fait de la place aux cyclistes, mais au détriment des piétons. C’est assez flagrant : on a quelquefois mis les pistes cyclables sur les trottoirs, on a créé à la fin du dernier mandat les zones de rencontre avec l’objectif de donner une place confortable à chacun, mais on se rend bien compte que ça ne marche pas. La réalité concrète est simple et évidente : les conflits entre piétons et cyclistes se multiplient. On a donc commencé par ce que l’on appelle des aménagements tac tiques temporaires, par exemple sur le quai de Paris où un trottoir a été réservé aux cyclistes, ou encore quelques vélosrues qui ont été tracées.

Dès l’été prochain, la première phase des travaux du Ring va débuter avec le déplacement des parcours de bus de la

« ON S’APPRÊTE DONC À FRANCHIR UN NOUVEAU CAP EN MATIÈRE DE PARTAGE DE L’ESPACE PUBLIC. »

a URBANISME – VÉLO
Jean-Luc Fournier Nicolas Roses – Jean-François Badias – Ville de Strasbourg
41 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a URBANISME
Sophie Dupressoir, conseillère municipale.

À gauche : Quai Turckheim, existant À droite : Quai Turckheim, projet

À gauche : Rue des Glacières, existant À droite : Rue des Glacières, projet

CTS vers les quais extérieurs. L’espace libéré sur les quais intérieurs va ainsi accueillir cette piste cyclable bidirec tionnelle de 4 m de largeur qui consti tuera le Ring cyclable. Les flux piétons et cyclistes y seront donc totalement sépa rés. Partout là où on le pourra, il y aura de la végétalisation. Ce serait trop long à détailler ici, mais à certains endroits, je pense par exemple au quai Turckheim, on va améliorer considérablement l’uni vers des cyclistes et des piétons, on va même embellir la ville, je crois…

À terme, hormis les riverains bien sûr ainsi que les indispensables livreurs, la place de la voiture aura considérable ment diminué dans l’ellipse insulaire. Concernant plus particulièrement les cyclistes, la philosophie du Ring est très simple : il s’agit d’éviter au maximum la traversée en tout ou partie du plateau piétonnier. Une fois le Ring construit, le cycliste l’empruntera pour ne le quit ter ensuite qu’au plus près de l’endroit dans lequel il compte se rendre dans l’hy percentre. Évidemment, nous jalonnerons le Ring par la création des arceaux à vélos nécessaires.

Enfin, je voudrais aussi souligner les aménagements considérables au béné fice des piétons qui bénéficieront de ce que l’on appelle la Magistrale piétonne qui serpentera le long du Ring, sur les espaces qui seront libérés par rapport à l’existant. On ne le souligne pas assez, mais je le répète ici : la priorité de mon mandat c’est la marche, la grande oubliée des mandats précédents. » a

« À

TERME, HORMIS

LES RIVERAINS

BIEN SÛR AINSI QUE LES

INDISPENSABLES LIVREURS, LA PLACE DE LA VOITURE AURA CONSIDÉRABLEMENT DIMINUÉ DANS L’ELLIPSE INSULAIRE. »

À terme, ce projet de Ring décrit ici par Sophie Dupressoir porte l’espoir de voir enfin pacifiées les relations plus que conflictuelles (ça ne date pas d’hier…) entre les piétons et les cyclistes dans l’hypercentre de Strasbourg. On ne compte plus les incidents et les accidents dans ce domaine. À vrai dire, on ne comprend même pas pourquoi la Grand-Rue, hyperfréquentée par les piétons en permanence, mais encore plus les jours d’affluence, ne bénéficie pas encore de la réglementation obligeant les cyclistes à marcher vélo à la main comme on le voit rue d’Austerlitz, par exemple. Cela suppose bien sûr des contrôles réguliers par la Police municipale et bien sûr, des amendes à la clé.

Pour l’heure, Sophie Dupressoir insiste sur la partie information et communication, mais elle n’élude pas le versant sanction : « On

a déjà intensifié les contrôles et la verbalisation » dit-elle, « grâce à de grands contrôles ponctuels très médiatisés pour faire connaître la volonté de sanction, mais on est freiné par le montant des amendes qui, officiellement, ne fait pas la distinction entre un piéton et un conducteur de poids lourd, par exemple. On a connu entre 2012 et 2016 un système d’amende minorée pour les cyclistes, autour de 40 €. Malheureusement, à la demande du Procureur, cette expérimentation a cessé. Nous demandons à ce qu’elle soit remise en place, ça permettrait de verbaliser beaucoup plus et ce serait pour le coup très pédagogique que de pénaliser de 135 € aujourd’hui un étudiant en vélo. On doit en être au troisième ou quatrième courrier envoyé dans ce sens par la maire de Strasbourg et on n’a pas eu la moindre réponse à ce jour… » conclut la conseillère municipale.

42 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a URBANISME
CYCLISTES / PIÉTONS : ENFIN UNE COHABITATION PACIFIÉE ?
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YANN

QUIQUANDON

DE POLITIQUE ET D’EAUFRAÎCHE

« Tel est le monde ici-bas. Forêt inerte, surface immobile de l’eau, et la main de l’orchidée qui se tend à travers le carreau. » Tomas Tranströmer

Établissement public administratif, Voies navigables de France gère le parc fluvial de l’Hexagone. Répondant à des missions à la fois patrimoniales, économiques et écologiques, les actions de VNF couvrent toutes les dimensions de la ressource eau, un trésor à préserver et à valoriser pour un avenir tout en bleu. Yann Quiquandon, directeur territorial de VNF Strasbourg, nous explique comment s’articulent ces différents chantiers, les pieds sur terre et la tête dans l’eau.

a URBANISME – VOIES NAVIGABLES DE FRANCE Aurélien Montinari © VNF
44 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a URBANISME

Qu’est-ce que Voies navigables de France ?

C’est un Établissement Public Administratif rattaché à la DGITM (Direction Générale des Infrastructures, des Transports et des Mobilités, ndlr) qui supervise et gère l’ensemble des voies navigables en France. Cela représente 6700 km de réseau, qui se séparent en deux grandes parties : le grand gaba rit, comme la Seine, le Rhône, le Rhin, qui permettent à des gros convois (280 mètres, 5000 tonnes) de naviguer, et les petits gabarits qui sont plus à voca tion touristique et également de fret, et qui correspondent à ce que l’on appelle le réseau Freycinet, un réseau pensé à l’époque napoléonienne et qui permet tait de relier Est/Ouest – Nord/Sud. Les Voies navigables de France regroupent 4000 collaboratrices et collaborateurs répartis à travers 7 directions territo riales qui sont héritées des anciens ser vices de la navigation et qui permettent de balayer l’ensemble des bassins navigables de France. Les 7 directions

territoriales se partagent ainsi : Lille pour le Nord–Pas-de-Calais, qui pilote la construction du nouveau canal SeineNord-Europe qui va relier le Nord de l’Eu rope à Paris. Paris pour toute la partie Seine et Loire. Nancy pour tout ce qui est bassin Est. Lyon pour l’axe RhôneSaône. Toulouse pour le Sud-Ouest. Dijon pour la partie Centre-Bourgogne. Strasbourg, enfin, gère ce qui reste du 67-68, mais pilote également l’activité de transport et de navigation sur la bande française rhénane. La particularité de la Direction territoriale de Strasbourg, c’est qu’elle assure le trafic international avec un siège à la CCNR (Commission Centrale de la Navigation Rhénane –ndlr ) qui est au Palais du Rhin et qui est un organisme multi-étatique, avec cinq pays représentés dont la France. La navigation rhénane étant la plus impor tante d’Europe – c’est l’équivalent de

« NOUS DEVENONS UN ACTEUR TRÈS IMPORTANT DE LA RÉSILIENCE CLIMATIQUE ET C’EST UN RÔLE QUI VA ENCORE SE RENFORCER DANS LES ANNÉES À VENIR. »
Plan Incliné Saint-Louis-Arzviller.
45 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a URBANISME

l’autoroute fluviale européenne – la Direction territoriale de Strasbourg est là pour définir et traduire un certain nombre de réglementations en navigation rhé nane. Nous travaillons actuellement au projet du canal Seine-Nord-Europe, un canal grand gabarit permettant de relier la partie Nord de l’Europe qui est très bien maillée, avec le Grand Paris pour optimiser l’approvisionnement en mar chandises, comme un trait d’union !

Comment s’organise le réseau de VNF ?

Le réseau couvre 6700 km de voies et 40 000 hectares de domaine public com prenant 4000 ouvrages. Ces ouvrages sont essentiellement des écluses qui permettent, via un sas, de changer le niveau d’eau et donc de récupérer la topographie du territoire par des sys tèmes non énergivores de vases com municants. Il faut savoir que VNF est également un important propriétaire ter rien, c’est-à-dire que dans le découpage géographique de propriétés, nous avons des propriétés qui nous sont confiées par l’État et dont nous assurons la gestion. Nous avons évidemment la voie d’eau, mais aussi ses abords, ce qui correspond généralement aux chemins de halage, la piste qui permettait aux chevaux, à l’époque, de tirer les bateaux puisque ces derniers n’étaient pas motorisés. Nous gérons également les maisons éclusières. Avant, chaque écluse était manuelle – ce n’est plus le cas mainte nant – il y avait donc un éclusier qui habi tait sur place et qui venait à chaque fois pour tourner la manivelle, afin d’ouvrir la porte d’écluse, faire les manœuvres de vannes et permettre ainsi aux bateaux de passer. Ce patrimoine, nous essayons de le valoriser avec des projets touris tiques ou sous forme d’habitations. Nous gérons également d’autres ouvrages, plus impressionnants, comme le plan incliné de Saint-Louis-Arzviller, un ascenseur à bateaux construit à l’époque Pompidou ou le barrage de Champagney, avec un réservoir qui permet de stocker de la capacité hydraulique.

Quelles sont les missions de VNF ?

Il y en a trois. La première c’est de développer le fret fluvial, de booster le report modal, tout cela dans des objec tifs d’écoresponsabilité et de transition écologique, pour arriver à limiter les dif fusions d’effet de serre. L’impact environ

nemental du transport, c’est une mission fondamentale. C’est très complexe, car le transport fluvial ce sont des équilibres ténus. Nous sommes toujours comparés à des modes de transport moins chers et plus faciles, comme le transport routier, mais qui sont, eux, plus générateurs de pollution… Chez VNF, nous réunissons les conditions favorables pour permettre à des opérateurs fluviaux de s’implan ter et de développer du transport de marchandises. Notre rôle est de réunir les acteurs politiques et les acteurs privés, de jouer les facilitateurs. Notre seconde mission, c’est d’arriver, aux côtés des EPCI (Établissements Publics de Coopération Intercommunale  – ndlr), des Départements et des Régions, à favoriser l’ancrage territorial du fluvial en vue de développer notamment la sphère touristique. On parle là de slow tourism,

de tourisme fluvestre (c’est-à-dire englo bant toutes activités touristiques et de loisirs se pratiquant sur et le long des fleuves et canaux – ndlr) : le véloroute, des nouveaux sports comme le paddle, le kayak, etc. La troisième et dernière mis sion est fondamentale et extrêmement structurante. Avant de transporter des bateaux, on transporte de l’eau, c’est une ressource de plus en plus rare, en ten sion, et notre rôle est de gérer au mieux cette ressource. Je pense notamment au stress hydrique qui a des répercussions sur l’agriculture, sur l’alimentation en eau des populations, mais il y a également la problématique des crues. Et puis il y a le volet biodiversité, je pense là aux continuités piscicoles, la construction ou la reconstruction de passes à pois sons ou la renaturation de berges. Nous devenons un acteur très important de la résilience climatique et c’est un rôle qui va encore se renforcer dans les années à venir.

À Strasbourg, quelles sont les actions de VNF ?

Nous sortons d’une première période où VNF a formé un contrat de partena riat avec la Ville de Strasbourg. L’enjeu était d’arriver à recréer un lien entre les habitants et l’eau et à valoriser la prise de conscience du fait que c’est un territoire mouillé et donc de redonner sa place au fluvial à l’intérieur des grands projets d’aménagements. C’est une démarche assez riche puisque cela a donné un cer tain nombre de fruits qui sont visibles : différents appontements, notamment Finkwiller pour l’accueil des plaisan ciers, la plateforme de déambulation au niveau du Palais des Rohan, la mise en place des fameux pontons flottants quai des Bateliers… C’est également l’utilisa tion de la plateforme Fischerstaden par la société Urban Logistic Solution (lire l’article page 52), la reconstruction de la passe à poissons qui est au niveau de la Petite France, ou les terrasses flottantes l’été… Ce lien entre l’habitant et l’eau, c’est fondamental. Plus les habitants vont prendre conscience de l’importance de l’eau, plus ils vont avoir de l’appétence pour cet environnement et y développer une dynamique de projets avec de jeunes acteurs proposant de nouveaux services comme Marin d’Eau Douce, par exemple (lire l’article page 56). Toutes ces actions entrent dans une culture innovante de l’activité fluviale. a

« CE LIEN ENTRE L’HABITANT ET L’EAU, C’EST FONDAMENTAL. »
a URBANISME – VOIES NAVIGABLES DE FRANCE
46 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a URBANISME
Yann Quiquandon, directeur territorial VNF Strasbourg.

ÉCLUSE LE CORBUSIER LA FORME DE L’EAU

Artiste complet, Charles-Édouard Jeanneret-Gris, dit Le Corbusier, est connu pour ses multiples talents d’urbaniste, de designer, de peintre, mais aussi et surtout d’architecte. Le créateur né en Suisse puis naturalisé français a ainsi construit, tout au long de sa carrière, dans pas moins de 12 pays. Si on le connaît en France pour La villa Savoye (Poissy), La Cité radieuse (Marseille), ou encore La chapelle Notre-Dame du Haut (Ronchamp), on oublie que Le Corbusier a également dessiné un ouvrage, ici, en Alsace, sur la commune de Kembs (Haut-Rhin).

C’est entre Bâle et Mulhouse, à la jonction du canal du Rhône au Rhin et du Grand Canal d’Alsace que l’on trouve l’honorable écluse de Le Corbusier, un ensemble comprenant une tour de commande et un bâtiment admi nistratif. C’est au printemps 1960 que René Bouchet, Ingénieur des Ponts et Chaussées et René Descombes, Ingénieur des Travaux Publics de l’État entrent en contact avec l’architecte pour lui soumettre le projet. Le Corbusier, d’abord surpris par la demande (les com mandes officielles qu’on lui adressait étaient quasiment nulles sur le sol fran çais) accepte de dessiner les plans, porté par l’enthousiasme des deux ingénieurs. S’ensuivent trois années de travaux venant alors s’inscrire dans le cadre du 3 e plan de modernisation et d’équipe ment des voies navigables. La construc tion des deux édifices est conduite par les collaborateurs de Le Corbusier, l’ar chitecte Alain Tavès et l’ingénieur Yannis Xenackis. On retrouve dans l’ensemble

a URBANISME – ÉCLUSE DE KEMBS-NIFFER
« Je veux peindre l’air dans lequel se trouve le pont, la maison, le bateau. La beauté de l’air où ils sont, et ce n’est rien d’autre que l’impossible. »
Aurélien Montinari VNF – DR
Claude Monet
48 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a URBANISME
Buste de Le Corbusier

Écluse de Kembs-Niffer par Le Corbusier.

les éléments caractéristiques de l’œuvre architecturale de Le Corbusier : béton brut, verre ondulatoire et toiture parabo loïde hyperbolique.

ABSCISSE ET ORDONNÉE

Premier élément de cet ensemble (le plus visible), la tour de commande. Positionnée à la première porte de l’écluse, la tour abritait le poste de l’éclusier. Son escalier extérieur des sert quatre niveaux. On y trouve une des centrales hydrauliques de l’écluse, des locaux techniques et des vestiaires ainsi qu’une grande baie vitrée, au dernier étage, avec une vue à 180° sur l’écluse pour une parfaite surveillance. À la ver ticalité de la tour de commande s’op pose l’horizontalité du second bâtiment, dédié à l’administratif. Conçu à partir d’un système d’ossature en béton, cet élément comprend deux espaces au rez-

de-chaussée, d’un côté l’ancien bureau du Service de la Navigation, de l’autre celui des douanes. Un escalier permet d’accéder à un sous-sol renfermant ate lier, cuisine, vestiaire, sanitaire et local technique. Toujours en service, l’écluse et ses bâtiments voient encore circu ler près de 650 bateaux de plaisance chaque année, l’écluse à grand gabarit de Niffer (800 mètres en amont) accueil lant les navires plus longs.

Joyau méconnu de l’architecture des années 60, l’écluse de Kembs par Le Corbusier cristallise le savoir-faire et les techniques de l’architecte le plus influent du XXe siècle. L’ensemble fait désormais l’objet d’un programme de restauration initié par les Voies navigables de France en partenariat avec sa Mission Mécénat et la Fondation du Patrimoine pour que perdure cet héritage architectural fluvial d’exception et que ce dernier soit acces sible au public. Quand le patrimoine survit aux usages. a

RETROUVE DANS L’ENSEMBLE LES ÉLÉMENTS CARACTÉRISTIQUES
ARCHITECTURALE DE LE CORBUSIER. »
« ON
DE L’ŒUVRE
49 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a URBANISME

JEAN-MARC WILLER UN FUTUR BLEU

L’École Nationale du Génie de l’Eau et de l’Environnement de Strasbourg (ENGEES) est l’une des 204 écoles d’ingénieurs de France. Pour son directeur, Jean-Marc Willer, son objectif est de former des étudiants à « trouver des solutions fondées sur la nature. » Aménagement durable du territoire, distribution, gestion et traitement de l’eau, gestion des déchets, préservation de la biodiversité et de l’environnement sont autant de défis à relever en pleine prise de conscience du stress hydrique à venir.

Fondée en 1952, l’ENGEES fête cette année ses 70 ans, plus d’un demi-siècle de formation d’ingé nieurs et de cadres dans les domaines de la gestion de l’eau, dans toutes ses dimensions, de l’acheminement à la pro tection en passant par le traitement. « L’École forme de 110 à 120 ingénieurs par an, nous envisageons d’ailleurs d’aug menter les effectifs de nos promotions et passer à 150-160 élèves ingénieurs. Elle propose des formations spécialisées, licences et masters, ainsi que des forma tions continues tout au long de la vie pro fessionnelle, pour les femmes et les hommes ayant déjà une activité et sou haitant se spécialiser dans le domaine de l’eau, des déchets ou de l’environne ment », précise Jean-Marc Willer.

À la formation s’ajoute un volet de recherche pure, en lien notamment avec l’Université de Strasbourg et le CNRS. « Nous avons 4 laboratoires de recherche, ce sont des enseignants-chercheurs de l’établissement qui y travaillent ; ils y abordent des questions d’environne ment, d’organisation et de protection des milieux aquatiques, mais aussi de technique hydraulique ainsi que des questions en matière de gouvernance et d’évolutions sociétales… C’est une part importante de notre travail, une école d’ingénieurs, pour être efficace, doit pouvoir s’appuyer sur une activité de recherche », souligne son directeur.

Ancrée dans le tissu universitaire strasbourgeois, l’ENGEES s’organise autour de plusieurs partenariats, aca démiques, institutionnels, ou encore socio-économiques, organisés à échelle nationale et même internationale. « Nous sommes sous la tutelle du ministère de l’Agriculture et en lien avec le ministère de la Transition écologique, car nous formons environ 15 fonctionnaires tous les ans

a URBANISME – ÉCOLE NATIONALE DU GÉNIE DE L’EAU ET DE L’ENVIRONNEMENT
Montinari Alban Hefti
Aurélien
50 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a URBANISME
« L’appel de l’eau réclame en quelque sorte un don total, un don intime. » Gaston Bachelard

pour ces ministères. Nous fonctionnons en réseau, au niveau national et interna tional, avec des entreprises, de grands groupes ou des PME en lien avec l’eau, l’environnement ou les déchets. Même chose avec les collectivités locales et les établissements de recherche. Au niveau international, nous avons beaucoup de partenariats avec d’autres écoles, au Canada, au Brésil, en Afrique centrale, en Afrique du Nord, au Vietnam… »

L’AVENIR DE L’EAU

La récente actualité a montré, s’il le fal lait encore, l’urgence à interroger notre rapport à la nature et notamment à l’ex ploitation de l’eau. Le stress hydrique, autrefois circonscrit aux pays en voie de développement, fait désormais son appa rition en Europe. Se pose alors la question de comment former de futurs ingénieurs et chercheurs de l’eau qui auront affaire à des défis inédits. L’ENGEES, forte de ce constat, développe une approche où se mêlent innovation et résilience, à la portée locale et mondiale. « Nous avons aussi beaucoup d’intervenants issus du monde universitaire, de l’entreprise, des collectivités, qui viennent faire des forma tions ici, c’est une façon pour nous d’ou vrir l’École vers l’extérieur. Faire venir des spécialistes internationaux du monde de l’environnement, des déchets et de l’eau, permet d’être dans la réalité des progrès et problématiques qui se posent. Les ques tions liées à l’action contre le changement climatique, mais aussi à l’adaptation aux phénomènes du changement climatique sont pressantes aujourd’hui. Ces sujets-là nécessitent de réactualiser, de faire évo luer nos formations en continu, les étu diantes et les étudiants sont eux-mêmes très investis dans cette dynamique. » Le futur sera bleu ou ne sera pas. a Jean-Marc Willer, directeur de l’ENGEES.

« LES
QUESTIONS LIÉES À L’ACTION CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE, MAIS AUSSI À L’ADAPTATION AUX PHÉNOMÈNES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE SONT PRESSANTES AUJOURD’HUI. »
51 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a URBANISME

THOMAS CASTAN L’ALGORITHME ROI

Quel est le cœur de métier de l’entreprise Urban Logistic Solutions ?

À partir de sa plateforme basée au Port de Strasbourg, l’entreprise Urban Logistic Solutions achemine par bateau des marchandises à destination du centreville avec en dernier relais un essaim de vélos cargos. Un concept innovant qui fait de ULS un acteur majeur de la transition écologique et du bien-vivre en ville. En selle avec Thomas Castan, président, pour qui c’est le dernier kilomètre qui compte.

Le métier d’Urban Logistic Solutions, c’est la livraison du dernier kilomètre en centre-ville. Nous sommes le dernier mail lon de la supply chain. Aujourd’hui, ce que l’on nomme chaîne d’approvisionnement, c’est une organisation très bien rodée et qui permet par exemple à des grandes compagnies mondiales d’affréter des bateaux de conteneurs de l’autre bout du monde jusqu’au port de Rotterdam, d’af fréter des trains de Rotterdam jusqu’aux terminaux ferroviaires de Bâle, ou encore d’affréter des avions jusqu’à un aéroport comme Charles-de-Gaulle et après de faire un maillage routier entre toutes leurs plate formes logistiques, des grands hubs aux moyens hubs jusqu’aux petits hubs en périphérie des villes. Tout ceci fonctionne magnifiquement, sauf que cette précision d’organisation s’arrête quand on sort du dernier petit hub pour aller chez le client, destinataire final, commerçant, vous et moi. Là, la machine se grippe, ça fonc tionne moins bien, c’est le fameux last mile. Ce dernier kilomètre est un véritable cassetête parce qu’il coûte très cher aux grands groupes qui font de la distribution. Cette dernière prestation de la chaîne est le plus souvent out-sourcée, c’est-à-dire qu’elle est sous-traitée : ce n’est que très rarement les grands groupes qui la gèrent en direct. Le sous-traitant, lui, gagne très peu, ce qui génère une forme de détresse sociale. Ça génère également de la pollution, de la congestion routière, et une occupation de l’espace public dans tous les centres-villes, et tout cela pour une qualité de service dégradée… Nous avons résolu ce cassetête logistique avec la création de la société ULS en 2019. Nous avons commencé à tra vailler les séquences de livraison et l’al gorithme de livraison en 2017. Entre 2017 et 2019, secrètement, nous avons élaboré notre solution. Il nous a fallu 3 ans pour organiser les séquences, les algorithmes, trouver les équipements les plus adaptés, et une fois que nous avions la solution en place, nous avons candidaté à l’appel à projets du quai des Pêcheurs au centreville de Strasbourg que nous avons rem porté en octobre 2019.

L’algorithme ?

Oui, l’algorithme, c’est-à-dire l’organi sation de la séquence et le cadencement de la séquence, c’est vraiment le cœur du réacteur de la solution ULS.

a URBANISME – URBAN LOGISTIC SOLUTIONS
DR
Aurélien Montinari
« La mathématique universelle est une logique de l’imagination. »
52 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a URBANISME

Il faut d’abord partir d’un simple constat. La livraison du centre-ville est le prolonge ment de la chaîne de transport en amont qui est organisée en silo avec des véhi cules qui peuvent rentrer dans la ville à moitié-pleins ou à moitié-vides. Un four nisseur de boissons va entrer en ville avec un camion de 12 ou 15 tonnes et il ne va transporter que de la boisson. Un camion de farine va entrer au centre-ville et ne va transporter que de la farine. Les camion nettes des transporteurs de colis, vont toutes entrer au centre-ville et ne vont transporter que leur propre fret. Cela signi fie que si vous êtes un commerçant, vous allez potentiellement être touché par 6 à 9 véhicules de livraison différents par jour. C’est un non-sens ! Ça génère pollution, congestion routière et occupation de l’es pace public. Du coup, quand vous organi sez une nouvelle séquence de livraison et donc un nouvel algorithme de livraison, la première data à intégrer, c’est une data de massification et de mutualisation. On va raisonner en termes de contenant arrivant au point de livraison et se demander quelles sont les marchandises de différentes pro venances que l’on va pouvoir mettre dans ce contenant. Schématiquement, avec une camionnette classique, le livreur va charger la marchandise chez son unique client en organisant sa tournée de façon à parcourir par exemple place Kléber, place Broglie, place de la République puis finir Grand’Rue et sortir de la zone de livraison.

« IL FAUT ARRÊTER D’IMAGINER QUE L’ÉCOLOGIE COÛTE PLUS CHER, QUE ÇA DOIT MARCHER UNIQUEMENT AVEC DES SUBVENTIONS… »

Quelle est l’efficacité en chiffres d’ULS ?

Nous pouvons acheminer du Port de Strasbourg au centre-ville 122 tonnes par trajet et ce en 27 minutes grâce à une barge de 31 mètres de long. Ces 122 tonnes sont réparties sur 680 palettes de 180 kilos, toutes vélo-compatibles.

Cette solution s’adresse aussi bien aux particuliers

qu’aux commerçants ?

Oui, nous livrons les particuliers et les professionnels. C’est pour nous cru cial parce que si vous voulez appor ter une réponse concrète aux enjeux du dernier kilomètre, il faut que vous puis siez ramener de très grandes quantités de marchandises en ville et les livrer aux destinataires, quels qu’ils soient. C’est pourquoi nous insistons sur la dimen sion globale de notre solution. Ce qui implique une solution de livraison qui peut transporter 35 tonnes de bois sons, 20 000 colis, 11 tonnes de farine ou encore 25 000 m3 de déchets, c’est cela une solution globale, une approche multi-silos.

Quels sont les enjeux de ce nouveau type de livraison ? Quelles probléma tiques vient solutionner ULS ?

Nos trois enjeux sont ceux des collectivités en termes de logistique urbaine : il s’agit de la pollution, de la

La caisse qui est derrière le vélo ULS ne va pas du tout fonctionner comme cela. On va séquencer un contenant et l’on va charger plusieurs centaines de contenants sur un bateau, et le bateau va arriver au centreville. Là, quai des Pêcheurs, les contenants sont déposés sur les vélos. À ce moment-là, nos livreuses et livreurs deviennent comme des abeilles qui partent de la ruche pour des séquences très courtes de livraison. Ensuite elles reviennent en intégrant une séquence de collecte pour aller chercher du déchet, de la consigne, du colis… C’est plus de la moitié des voyages qui fonc tionnent avec une reverse-logistic

En haut à gauche : Déchargement par ULS au quai des Pêcheurs. Ci-dessus : Préparation des livraisons à vélos.
53 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a URBANISME

« QUAND VOUS ENTREZ EN VOITURE SUR L’A35 AVEC UNE RIBAMBELLE DE CAMIONS À L’ENTRÉE DE LA PLACE DES HALLES, ÉLECTRIQUES OU PAS, VOUS ÊTES COINCÉ DERRIÈRE ! »

congestion routière, et de l’encombre ment de l’espace public par les véhi cules de livraison. C’est intéressant de préciser ces enjeux, car il y a beaucoup de grands groupes maintenant qui font énormément de communication pour dire qu’ils changent leurs véhicules pour passer sur du véhicule électrique… Mais attention, quand vous passez sur du véhicule électrique, vous ne répon dez qu’à la première problématique : la problématique de pollution. La problé matique de congestion vous n’y répon dez pas du tout. Et même pire, souvent le véhicule électrique a moins de capa cité d’emport donc vous êtes obligé de multiplier les unités entrantes, et vous ne réglez pas du tout la problématique d’occupation de l’espace public parce que quand vous êtes rue des Juifs coin cés par une camionnette avec ses deux portes grandes ouvertes, vous n’en avez que faire qu’elle soit électrique…. Et quand vous entrez en voiture sur l’A35 avec une ribambelle de camions à l’en trée de la place des Halles, électriques ou pas, vous êtes coincés derrière !

Avec le bateau et les vélos, ULS répond simultanément à ces trois enjeux des collectivités. La solution de logis tique urbaine d’ULS vise à la décarbona tion du last-mile, mais aussi à supprimer une bonne part des véhicules de livrai son. Au-delà de ces trois enjeux, il y a quatre piliers sur lesquels nous avons construit le modèle ULS. Le premier, c’est évidemment l’écologie car vous ne pouvez pas lancer une activité sans avoir une réflexion profonde sur cette théma tique. Il faut que ce soit une solution écologique, qui s’inscrit dans un schéma

de développement durable réel. Notre solution permet de réduire plus de 90% des émissions carbone dans toutes les livraisons que l’on fait dans les centresvilles. Elle permet de sortir 150 camion nettes du centre-ville à chaque fois que l’on remplit un bateau de 122 tonnes ! Le deuxième pilier, c’est l’économie. Il faut arrêter d’imaginer que l’écologie coûte plus cher, que ça doit marcher unique ment avec des subventions. Nous, nous avons un business qui est rentable éco nomiquement parlant. Faire appel à nous, c’est le même prix pour le client. Cela veut dire que quand cela coûte X pour une livraison classique en camionnette, il faut qu’avec nos équipes nous puis sions réaliser la même prestation pour ce même X. Mais dans mon bateau je mets une addition de X. Si j’y mets 20 clients, je vais avoir 20 X dans mon bateau, et c’est cette addition des X qui permet à ma solution d’être très rentable. Là on arrive à aligner écologie et économie ! Le troisième pilier c’est le social ; l’objectif est d’offrir une alternative à la précarité de certains livreurs. Les livreurs ULS que vous croisez, vous pouvez les arrêter et leur demander : ils sont tous salariés, en CDI. Ils ont des salaires de 1400€ net/ mois avec des formules aménagées, soit du plein-temps, soit du temps partiel. Par exemple, quand un étudiant vient avec son emploi du temps, on donne la priorité à ses études et on regarde où il a des dis ponibilités. On lui propose de venir faire du vélo par exemple 17h/semaine et à la fin il a 700€ net par mois. Je peux vous dire que cela change vraiment la vie de l’étudiant ! Nous lui fournissons un équi pement de qualité avec ce qui se fait de

mieux en vélo à assistance électrique ! Le quatrième et dernier pilier, c’est le sociétal, cela veut dire que l’on doit toujours réfléchir aux solutions et aux équipements pour qu’ils répondent aux besoins de l’entreprise, mais aussi à vos attentes en tant qu’habitants et citoyens. Je vais vous donner un exemple : le jour où quelqu’un vient vous dire qu’il va rem placer 150 camionnettes par 150 vélos, c’est peut-être très écologique, mais ce n’est pas du tout sociétal. Remplacer 150 camionnettes par 15 vélos, c’est ça la solution globale ULS. Le sociétal est une dimension prise en compte dans toutes nos démarches, il faut qu’il y ait systé matiquement un partage apaisé de l’es pace public.

Quels sont les axes de développement de ULS ?

Le 29 juin dernier, nous avons inau guré ULS Lyon avec Grégory Doucet, le maire de Lyon et Bruno Bernard, le pré sident de la Métropole de Lyon. Nos axes de développement, c’est de s’implanter dans d’autres villes. Il y a 19 villes iden tifiées et nous avons des contacts très avancés avec ces municipalités.

Est-ce que l’on a un crédo chez ULS ?

Figurez-vous que oui ! Pour nous, une solution globale, cela se résume ainsi : T + M3 = ULS ! T désigne la tonne de mar chandises pondéreuses – la boisson, la farine, etc. – M 3 c’est le mètre cube – du colis ou du déchet. Pour que la solution soit globale, il faut vraiment que l’on puisse transporter sur notre bateau tout ce qui est de la tonne, tout ce qui est du mètre cube. T + M 3 = ULS ! a

54 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a URBANISME
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NICOLAS COUDERC MARINS POUR RIRE, MARINS QUAND MÊME !

Qui n’a pas rêvé de se prendre pour un capitaine de navire, casquette au vent et barre à la main ? Pour se mettre à l’eau, nul besoin d’être un grand navigateur, avec l’entreprise Marin d’Eau Douce, vous naviguez dans les canaux des villes en toute sécurité et sans déranger ni flore ni faune.

Créée en 2014 par Nicolas Couderc et Olivier Doin, l’entreprise Marin d’Eau Douce propose des croi sières pour le grand public, particuliers ou professionnels, à bord de petits bateaux à propulsion électrique sans permis, une façon de découvrir ou redé couvrir certaines villes à travers une expérience unique et inoubliable, 100 % écologique.

EXPLOITER LE POTENTIEL FLUVIAL

Ce concept fédérateur de croisière urbaine est le résultat d’un constat simple, mais pertinent. Les fondateurs, à la base évo luant dans des domaines éloignés de la voile, mais passionnés de bateaux et navi gation, vivent à Paris et regrettent de ne pouvoir profiter de l’eau. « Paris bénéfi cie d’un potentiel de navigation extraor dinaire, mais les Parisiens et les touristes n’en profitent presque pas », souligne Nicolas Couderc. « Leur choix est limité au tourisme de masse sur des bateaux trans portant des centaines de passagers. » Les deux marins d’eau douce partent naviguer dans d’autres villes à l’urbanisme simi

a URBANISME – MARIN D’EAU DOUCE
Aurélien Montinari Nicolas Rosès
56 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a URBANISME
« C’est bien connu que c’est dans les ports qu’on trouve le plus grand nombre de secrets. » Marguerite Duras

laire et reviennent avec l’idée d’un ser vice de location de bâteaux accessible au plus grand nombre. Tout le monde à bord !

« Convivial, authentique, écologique et accessible », ce nouveau loisir urbain a déjà conquis plusieurs villes de France, dont Paris (bien sûr), Meaux, Lilles et aussi Strasbourg, depuis 2017.

EN PARTANCE DE LA GRANDE ÎLE

À Strasbourg donc, c’est au 5 Quai du Woerthel, en plein cœur de la Petite France, sur la Grande île, que l’on lève l’ancre. De là, ce ne sont pas moins de 30 kilomètres de voies navigables qui s’offrent à vous. Des Ponts Couverts, au centre-ville, et jusqu’au Parlement

européen, tout Strasbourg se dévoile sous un autre jour, avec ses canaux, ses berges, sa faune et sa flore. Et pour les plus aventureux, il est pos sible de prendre vers le sud, en direc tion d’Ostwald. Balade en amoureux ou en famille, entre amis ou collègues, pour un événement ou pour flâner, Marin d’Eau Douce propose une quinzaine de bateaux et des itinéraires allant d’une durée de 1 à 6 heures, de quoi répondre à toutes les envies. Même chose du côté des presta tions, car naviguer creuse l’estomac, l’on vous propose boissons fraîches et encas.

Alors que l’on interroge l’impact du tourisme de masse à l’autre bout du monde, l’initiative Marin d’Eau Douce, raisonnée, locale et écologique, inspire et libère l’imaginaire. À l’abordage ! a

« CONVIVIAL,
AUTHENTIQUE, ÉCOLOGIQUE ET ACCESSIBLE. »
La base de Marin d’Eau Douce, 5 Quai du Woerthel.
57 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a URBANISME

ARCHITECTURE

a OR NORME – HABITER 59

PHILIPPE CIEREN POUVOIR DU LIEU

Architecte de formation, Philippe Cieren dirige désormais l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg (ENSAS). De la préservation du patrimoine aux enjeux du bâti de demain en passant par le génie du lieu, il nous livre sa définition du métier d’architecte, entre pédagogie et poésie.

Directeur de l’ENSAS depuis février 2021, vous avez été auparavant inspecteur général de l’architecture et des espaces protégés, mais aussi architecte des Bâtiments de France de Paris. Comment se fondre désormais dans un projet d’ordre pédagogique ?

Avant tout, je suis architecte, le fil conducteur est là. C’est retour à la case départ quelque part : j’ai commencé ma carrière dans une école, je finirai ma car rière dans une école (rires). Finalement je trouvais ça assez joli, même si ce n’était pas prévu. Une carrière est faite de choix et de hasards, il y a des occasions qui se présentent, peut-être qu’il y a un fil rouge derrière plus ou moins inconscient qui fait que l’on va là, je pense qu’il y a les deux. Je suis assez joueur et plusieurs fois j’ai aimé les choix qui m’ont fait aller là où je n’avais pas prévu d’aller. On verra bien ! Cela fait maintenant un an et demi ; je suis arrivé en pleine fin de Covid, dans une ville, une région que je ne connaissais pas, où je n’avais aucune attache, c’était vraiment le plongeon complet dans une partie de la France que je n’avais jamais fréquentée. Je viens de Paris, l’Alsace m’a bien accueilli, la qualité de la vie ici est sans comparaison… Comme je le disais,

le fil conducteur c’est d’être architecte. Si, après 15 ans de pratique, j’ai opté pour le ministère de la Culture, c’est aussi en rapport avec la notion de conduite de politique publique liée à l’architecture. À quoi former les architectes ? C’est un énorme enjeu que j’ai vu abordé pendant mes 20 ans de fonctionnaire sur les poli tiques publiques. Il y a un besoin, une nécessité absolue d’architecture dans tous les territoires, dans les villes et pour la société. Cette connaissance que j’ai pu avoir, à travers des dialogues avec des élus, des particuliers, des proprié taires, m’a amené à ce constat : l’archi tecte est plus que jamais indispensable à la marche du monde.

Comment former les architectes de demain aux défis sociétaux, économiques et écologiques auxquels ils devront faire face ?

Nous avons récemment fait un sémi naire sur l’approche par les compétences et la façon d’organiser l’enseignement, ça a été l’occasion d’évoquer la ques tion : « quels architectes pour demain ? ». C’est un sujet que l’on aborde aussi entre directeurs, nous sommes d’ailleurs en train de rédiger un manifeste à ce propos,

pour les ministres. Une fois que l’on aura établi comment et pourquoi former des architectes, pour autant que l’on puisse le faire, il faudra décliner des moyens. Quand on voit les défis de demain sur la transition, aussi bien les défis techniques que sociétaux, on se dit qu’il est évident de former dès maintenant les jeunes étu diants en architecture, au management, à l’ingénierie, à la transition, au déve loppement durable, aux évolutions de la société… Quand on parle avec les étu diants, on voit bien que sur ces probléma tiques, ils sont très curieux, très cultivés, mais aussi très inquiets… Il faut se dire aussi que ces problématiques-là peuvent changer, évoluer avec le temps. Donc, les former et leur donner des bases oui, des connaissances oui, mais j’ai envie de dire que former les architectes c’est surtout former les jeunes à mobiliser des connaissances pour en faire un outil de création de projets. C’est le sens des études en architecture : la formation au projet. Pour être capable de concevoir un projet, il faut au moins avoir deux blocs de bagages que sont la connaissance et la méthode. Les futurs architectes doivent être capables de comprendre et d’absorber toutes les contraintes d’un

a ARCHITECTURE – ENSAS Aurélien Montinari Alban Hefti
« La réalité physique de ce qui nous entoure, l’architecture, est la mémoire construite de l’action humaine. »
Aldo Rossi
60 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a ARCHITECTURE

projet et développer leur sens critique, leur capacité de discours, leur capacité à problématiser, et surtout à bâtir un dis cours critique au sens philosophique. C’est de cela qu’ils ont besoin, je crois, pour pouvoir argumenter leur projet, le défendre et même le développer.

Vous parlez de philosophie, la formation de l’architecte de demain passera peut-être par la transversalité ?

Oui, c’est d’ailleurs toujours le cas ! Être architecte m’a servi à faire de l’archi tecture au sens premier de mon métier,

mais cela m’a servi aussi à comprendre et à conduire des politiques publiques, y compris de modernisation. C’est une façon de raisonner en synthèse, en allant puiser de façon très transversale, dans tout, et j’en arrive à la conclusion que par rapport à un ingénieur qui, bien entendu, a un esprit de synthèse, l’architecte doit, lui, probablement faire face à un niveau de complexité supplémentaire car il doit synthétiser à partir de choses qui ne sont pas a priori synthétisables. Il doit fabriquer un projet qui, finalement, est la somme de toutes les contraintes. Les

« L’ARCHITECTE
EST PLUS QUE JAMAIS INDISPENSABLE À LA MARCHE DU MONDE. »
Philippe Cieren, directeur de l’ENSAS.
61 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a ARCHITECTURE

« LA NOTION DE GRAND EST, C’EST POUR MOI LA PUISSANCE DU BASSIN RHÉNAN COMME TERRAIN DE JEU. »

contraintes sont qu’il y a un programme, un coût, une structure, un contexte géo graphique, des règles, des normes, il y a un usager, donc un contexte social… Il faut arriver à trouver quelque part le point moyen de synthétiser tout cela, d’imagi ner l’objet qui va fonctionner pour tous ces problèmes-là et y rajouter un peu de génie, un peu de poésie. C’est ça le métier d’architecte. Je crois que ce qui est important aussi dans l’architecture, c’est le croisement entre des données palpables et des données beaucoup plus immatérielles, je pense ici à l’usage, à l’es prit du lieu, la capacité à faire une poli tesse d’un environnement urbain. Toute cette magie-là est très complexe. Dans Apprendre à voir l’architecture de Bruno Zevi, l’auteur différencie l’architecture de la sculpture, et dit qu’il y a une qua trième dimension à prendre en compte en architecture : le mouvement. En réa lité, il s’agit du déplacement d’usagers autour et dedans. Je trouve cela intéres sant d’introduire cette notion de dépla cement en premier lieu. L’architecture n’est pas comme un tableau. Après il y a la question de l’usage ; qu’est-ce qui fait que dans tel hôpital les choses vont bien

fonctionner, les chemins vont être faciles à trouver, on va se sentir bien, alors que dans l’autre on va se perdre, se sentir moins bien… Pourquoi ? Certains archi tectes ou maîtres d’ouvrage vont penser que les gens se sentent bien parce que c’est fonctionnel, mais cela ne suffit pas. Inversement, un architecte qui va se dire « si je crée des espaces très poétiques, les gens s’y sentiront bien » ne va pas réussir à produire un lieu fonctionnel. La poésie a ses limites quand on doit trou ver son chemin dans un hôpital ! Il faut trouver le bon équilibre.

Votre prise de poste a coïncidé avec le centenaire de l’ENSAS. Quels sen timents cela vous inspire de vous ins crire dans un tel héritage ? Comment maintenir le dynamisme d’une telle institution ?

Un peu d’humilité d’abord car je suis arrivé après la bataille (rires). La majeure partie de la communication était faite à travers l’exposition et le très beau livre-catalogue qui décrit la façon dont cette sixième école régionale s’est implantée en 1921. Ce n’était pas pour rien à cette époque-là, quelque part il

s’agissait de remettre le pied chez soi… Il y avait ce fameux article du décret de création qui fixe l’un des objectifs de l’école comme « rétablir le goût fran çais », c’est assez osé. C’était faire aussi la pige à l’INSA (Institut National des Sciences Appliquées de Strasbourg –ndlr), qui était alors une école allemande, à l’époque de Guillaume II. Je trouve que l’ENSAS a bien prospéré. Ce qui prouve sa vigueur et son intérêt c’est qu’elle a quand même coexisté avec l’ancienne ENSAIS (INSA), dans des conditions très difficiles, avec l’ancien Palais du Rhin à moitié ruiné… Comme je le disais lors de l’inauguration : « rendez-vous dans 100 ans pour constater que l’École a toujours la même vigueur dans le terri toire ». C’est ce que développe le cata logue : montrer l’École par ce qu’elle a produit sur le territoire. La relation entre l’École et l’Alsace est extrêmement puis sante. Il faut garder à l’esprit que l’on tra vaille sur le bassin rhénan, en Alsace, en Allemagne, en Suisse… La notion de Grand Est, c’est pour moi la puis sance du bassin rhénan comme terrain de jeu. Je souhaite faire aussi bien que mes prédécesseurs ; contribuer à ce que

62 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a ARCHITECTURE

l’École rayonne tout autant dans le ter rain local. Je n’ai pas d’autre prétention, c’est déjà pas mal (rires). Le directeur d’une école aujourd’hui est loin d’être un démiurge, depuis 2018, il y a eu des réformes importantes, aujourd’hui mon patron c’est le Conseil d’Administration, je suis là pour proposer une stratégie, que le C.A. l’approuve ou l’amende, et la mettre en œuvre. Il faut construire ensemble et, surtout, avec les étudiants ! Je dis souvent que les étudiants sont notre clientèle, s’il n’y a pas d’étudiants, nous n’avons pas de raison d’être. Ce sont eux qui sont importants.

Le poète mexicain Octavio Paz voyait en l’architecture, « le témoin incorruptible de l’histoire ». Êtes-vous d’accord avec cette définition ?

Je trouve cette phrase passionnante. Au départ je suis architecte, mais aussi architecte du patrimoine, c’est plutôt cela la liaison. On voit bien ici la force du poète, être capable d’assembler trois mots en dégageant quelque chose d’une puissance phénoménale, dans laquelle

on peut lire une quantité de choses. Ce qui est facile, c’est d’enlever « incorrup tible » car alors il reste « témoin de l’his toire » ; on l’a compris, c’est l’aspect préservation, monuments historiques… toutes les notions de patrimoine, que l’on développe et que parfois même on galvaude. Mais ajouter « incorruptible », c’est génial ! Suis-je d’accord ou non avec cette définition ? Si on commence en étant un peu pessimiste, on peut réflé chir au mot « incorruptible ». L’auteur est Mexicain et dans des pays qui n’ont pas toujours connu des processus démocra tiques aboutis, on pourrait se dire « non, je ne suis pas d’accord avec cette défini tion ». En effet, on voit bien qu’un certain nombre de conquérants ont voulu éradi quer des problématiques de mémoire en supprimant l’architecture, c’est notam ment le cas pour une partie des civilisa tions précolombiennes au Mexique. Donc concernant la partie « incorruptible », je vais finalement dire non, parce que même si on arrive à détruire, à raser, à gommer des civilisations et son architecture, l’ar chéologie et l’iconographie permettent

toujours de retrouver des traces. C’est une forme de pirouette, mais cela permet de conclure qu’il faut aller jusqu’à gommer l’architecture pour arriver à gommer une civilisation, ce qui prouve bien que l’ar chitecture est un témoin…

Donc oui, « incorruptible » c’est dire qu’il y a quelque part une authen ticité telle que l’on ne peut pas mentir. Mais, quand on fait de l’archéologie, on peut interpréter, on peut alors réin venter une histoire nationale à partir de l’urbain et de l’architecture. On revient toujours au fait que l’architecture est quelque chose de difficile à contour ner, il faut la détruire pour créer un autre discours ou créer un autre discours à partir d’elle… Si on valide la définition, on part du principe que par « incorrup tible » on entend qu’il y a un esprit du lieu intrinsèque, quelque chose qui ne ment pas. C’est cette âme, ce génie du lieu, qui dicte la transformation du bâti ment, indépendamment de tout ce que l’on veut y faire. Pour moi, la notion d’in corruptibilité se situe là, dans une forme éthérée de permanence. a

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64 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a ARCHITECTURE
Amélie Fleury, responsable et coordinatrice des Journées de l'architecture.

AMÉLIE FLEURY LE RHIN BÂTISSEUR

Le festival des Journées de l’architecture impulsé par la Maison européenne de l’architecture s’est tenu dans notre région et pour la sixième année consécutive. Amélie Fleury, responsable et coordinatrice du festival, nous explique les raisons du succès de cette rencontre entre spécialistes et usagers, et comment la programmation aborde les enjeux sociétaux et écologiques contemporains.

Cette année, le festival des Journées de l’architecture fête ses 22 ans, quel bilan ?

C’est une impressionnante histoire puisqu’elle part d’architectes qui se sont mis ensemble à la base pour faire de la médiation et rendre visible leurs projets et leurs travaux d’architecture. Il n’y avait que quelques personnes au début pour la première manifestation qui était alors une simple visite. Ensuite cela a pris de l’am pleur, on a commencé à faire des parcours à vélo, des conférences, puis d’autres types d’événements. Il faut préciser que c’est vraiment un travail de bénévoles, tout émerge de la force de ces personnes, archi tectes et artistes, des deux côtés du Rhin puisque c’est une initiative franco-alle mande. Aujourd’hui nous sommes sur un festival avec 200 manifestations chaque année, ce n’est pas rien !

En 2010, l’association éponyme devient la Maison européenne de l’architecture et fédère l’ensemble du territoire : l’Al sace (France), le Bade-Wurtemberg (Allemagne) et les deux cantons de Bâle (Suisse). Pourquoi ce rayonnement tri national ? Comment organiser la synergie de ces trois régions ?

Vous imaginez que c’est difficile, parce que l’on est centralisé à Strasbourg et que l’on doit animer un territoire très grand. C’est organisé à travers des réu

nions de programmation. Les bénévoles se retrouvent dans chaque ville à partir de janvier. Dès que le thème est connu, nous planifions des réunions avec les béné voles et les personnes de notre réseau dans chaque ville. De là émergent des projets, des idées, même des amitiés, des rencontres et c’est comme ça que l’on crée le programme depuis 20 ans. Cela fonctionne très bien, c’est très dynamique. Institutions, associations, architectes, c’est un panel très varié

d’acteurs qui se retrouvent lors de ces réunions. Chaque région a son vice-pré sident, c’est la figure motrice du groupe sur place. Pour ma part, je suis présente aux réunions avec le vice-président ou la vice-présidente de la région et l’on guide les personnes, on leur donne des conseils, on les aide de manière logis tique, financière, à monter le projet qu’ils ont prévu pour le festival. Nous, ensuite, nous gérons la communication, la mise en place, tout le reste !

a ARCHITECTURE – MAISON EUROPÉENNE DE L’ARCHITECTURE
Montinari Alban Hefti 65 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a ARCHITECTURE
« Épigones, touristes et visiteurs, nous nous promenons à présent dans ces symétries ordonnées, entre ces limites et ces mesures que nous aimons, semblables aux figurants d’une mise en scène. » Claudio Magris
Aurélien

La MEA aspire à l’émergence d’un espace rhénan commun de l’architecture. À quel niveau se situe cette homogénéité ? Est-ce que l’on peut parler de pensée architecturale rhénane ?

Ce qui est bien dans notre festival, c’est que l’on organise des manifesta tions où l’on peut échanger justement sur cette thématique. Les rencontres, visites conférences ou expositions permettent aux architectes et au grand public de dis cuter des différences d’architecture ou de comment construire, des démarches administratives ou même de questions portant sur les assurances… Le panel de sujet est très large ! Nous avons notam ment organisé une année une exposition sur l’architecture du Rhin supérieur, c’est la MEA qui sélectionnait les projets, cela nous a permis de montrer des projets vrai ment uniques.

L’objectif de la MEA est de promouvoir la culture architecturale auprès du grand public. Au vu du succès grandissant de l’événement des Journées de l’archi tecture, il est évident qu’elle y parvient. Comment expliquer un tel engouement du public non spécialisé pour un domaine pourtant trop souvent vu comme réservé aux seuls initiés ?

Je pense que les personnes sont concernées directement dans leur quo tidien. L’architecture c’est vraiment quelque chose qui vous entoure tous les jours. Je pense également que nous avons trouvé une approche ludique pour parler de ce sujet avec des formats qui permettent de toucher tout le monde. Parfois cela va être un parcours à vélo, une installation dans l’espace public, ou une performance artistique couplée à une visite d’un bâtiment… Nous faisons toujours visiter des projets récents qui concernent directement les habitants du quartier, c’est ça qui fait la force du dis positif. Les bénévoles font aussi le relais du festival auprès de leurs communautés et des personnes qu’ils connaissent ce qui capte du monde. Ce sont les temps forts du festival, où il y a le plus de monde. On invite des architectes internationale ment connus, des grands noms tels que Wang Shu, Eduardo Souto de Moura, qui sont des prix Pritzker, et là il y a jusqu’à 2000 personnes qui viennent. Il s’agit des conférences les plus importantes sur l’ar chitecture en Europe ! L’année dernière nous avions invité Anne Lacaton qui est la première femme française à obtenir le Pritzker Architecture Prize. Cette année

MEILLEUR MOYEN DE NE

Les actions de la MEA mettent particulière ment en avant la promotion de l’architecture contemporaine. Pourquoi ce choix ?

nous avons eu la chance d’avoir Diébédo Francis Kéré, premier Africain à obtenir ce prix. C’est magnifique et cela s’ins crit totalement dans notre thématique des ressources, ou comment construire avec la communauté, dans une approche de bottom-up qui inclut les habitants à la base.

Pouvez-vous nous parler des temps forts de l’édition 2022 qui s’est tenue en octobre dernier ?

Nous avons eu de nombreuses mani festations sur le thème des ressources avec des parcours à vélo pour aller visi ter des projets construits en bois. Nous avons organisé des ateliers autour du matériau terre. En partenariat avec l’Uni versité de Strasbourg, il y a eu un mini week-end avec de nombreuses person nalités invitées sur le rapport ville-nature, avec notamment des philosophes. Cette année le programme était ouvert sur l’in terdisciplinarité. Le grand temps fort fût la clôture avec Diébédo Francis Kéré au Zénith de Strasbourg.

Pourquoi cette thématique « Architecture et ressources » cette année ?

Cela fait longtemps que nous avons ce thème en tête, c’était une évidence pour nous de parler de transition écolo gique. L’année dernière notre thème était « Alternative ? Architecture ! » Cette année nous voulions plus approfondir le sujet, ouvrir la réflexion surtout au vu de ce qu’il se passe dans le monde avec la guerre en Europe… Les architectes ont des problèmes pour construire actuellement, ce ne sont pas les mêmes essences, le bois qu’ils uti lisaient avant venait de Russie, de Sibérie ou d’Ukraine. Les prix flambent, construire en ce moment c’est compliqué, donc il faut trouver des solutions. J’ajouterai que 40% des déchets sont liés à la construction, ce n’est pas négligeable ! Les architectes ont un rôle à jouer dans cette transition, ils en ont conscience et s’engagent dans ce sens.

On a déjà beaucoup abordé bien sûr les monuments historiques dans les éditions précédentes et à présent on se dirige vers l’architecture contemporaine. C’est quand même le point fort, car les gens veulent voir ce qui se fait aujourd’hui et comment on avance sur les nouvelles façons de bâtir. Bien sûr le patrimoine reste toujours impor tant et on aime aussi aborder les sujets de comment réhabiliter l’existant, parce que le meilleur moyen de ne pas polluer c’est encore de ne pas construire !

Justement, dans la région, est-ce que nous sommes riches en projets de ce type ?

Oui, il y en a beaucoup. L’actuelle muni cipalité à Strasbourg aimerait vraiment ne plus construire et essayer de nouvelles choses comme l’habitat intercalaire, uti liser un bâtiment vacant pour loger des personnes en précarité pendant un cer tain moment. Il y a une grande réflexion sur comment le paysage se forme pour et par un usage temporaire. Il y a plein de nouveaux modes d’habitats et d’usages qui sont en train de se développer et que l’on aborde dans notre programmation.

Selon l’anthropologue italien Franco La Cecla, « pour les architectes, être réel lement contemporain, c’est prendre en compte l’imminence du désastre. » Comment l’architecture peut-elle être un élément de réponse aux problématiques sociétales et environnementales présentes et à venir ? À quoi ressemblera la ville de demain ?

Comme on le disait tout à l’heure, le désastre est là puisque 40% des émissions de déchets sont liées à la construction. L’architecte a son rôle à jouer et il sou haite être acteur de cette transition. Il y a un mouvement mondial en ce moment qui s’appelle « Frugalité heureuse et créative » et que nous mettons en avant, car ce sont des architectes allemand et français qui en sont à l’origine, Dominique Gauzin-Müller et Philippe Madec. Il s’agit de construire avec les ressources locales de manière à reve nir à des techniques ancestrales, mais revi sitées et en respectant le moderne. C’est construire par exemple en terre coulée, ou avec de la paille, de la pierre… Cette année nous avons organisé à Mulhouse un cycle de conférences entièrement consacré à ces matériaux-là, ainsi qu’une exposition sur ce thème à Freiburg. C’est un potentiel qui est encore largement mésestimé. a

66 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a ARCHITECTURE
« LE
PAS POLLUER C’EST ENCORE DE NE PAS CONSTRUIRE ! »

FABIEN ROMARY CONSTRUIRE ENSEMBLE

Site collaboratif dédié à l’architecture, Archi-Wiki s’inscrit dans une démarche héritée du Siècle des Lumières : l’universalisme des connaissances. Discussion avec son fondateur, Fabien Romary, pour qui passion rime avec partage.

Portée par l’association ArchiStrasbourg, comment est venue l’idée du site Archi-Wiki ? Depuis quand existe-t-il ? Quelle est sa fonction ?

Au départ, le nom était ArchiStrasbourg puisque le site s’est déve loppé en 2004 à Strasbourg. À l’époque cela avait plus la forme d’un blog. Très rapidement, en 2008, le site est devenu collaboratif. Il est pensé sur le modèle d’un Wiki, qui renvoie à l’idée de modifi cation rapide, le nom exact c’est « Wikiwiki », qui veut dire « rapide » en hawaïen. La source d’inspiration du nom, bien sûr, c’est Wikipédia. Nous avons opté pour le nom Archi-Wiki en 2016. Actuellement, Archi-Strasbourg est une toute petite association donc nous n’avons pas énor mément de moyens pour nous dévelop per, mais nous sommes quand même

présents sur deux villes : Strasbourg et Colmar. Nous avons 15 000 bâtiments recensés sur notre site dont 10 % sont à Colmar. Les autres ne sont d’ailleurs pas tous à Strasbourg. Certains archi tectes ont bâti dans le monde entier, par exemple Christian Biecher, l’architecte du Printemps qui a également construit au Japon. Le constat initial c’est que les bâtiments de monsieur et madame tout le monde ne sont pas étudiés, ou très peu. On ne connaît pas finalement l’année de construction individuelle et le nom de l’architecte d’un bâtiment lambda. Il y a à peu près 20 000 bâtiments à Strasbourg, sur Archi-Wiki nous en avons recensé un peu plus de la moitié. Notre première source, ce sont les Archives de Strasbourg. Une fiche type consiste en l’année de construction, le nom de

Fabien Romary, fondateur d’ArchiWiki, devant l’ancien Institut d’Hygiène et de Bactériologie, situé rue Koeberlé et construit entre 1913 et 1919. Architectes : Jacques Stambach, Jules Gilgenmann, Georges Frankhauser.

a ARCHITECTURE – ARCHI-WIKI
Aurélien Montinari Alban Hefti et Roland Burckel
« L’étranger se trahit tout de suite par l’intérêt qu’il porte aux ruines. »
68 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a ARCHITECTURE
Stig Dagerman

l’architecte, le style du bâtiment, l’his torique et un descriptif architectural, ce sont les informations de base et cela pour tous les bâtiments. Nous partons du prin cipe que la notion de beau ou d’intéres sant est quelque chose de subjectif, nous ne sommes pas là pour juger de la qua lité esthétique d’un bâtiment.

À qui s’adresse ce site, quels sont les types de visiteurs ?

Au départ, pas mal d’étudiants en architecture ou histoire de l’art, mais aussi des journalistes – nous sommes d’ailleurs régulièrement cités dans les DNA – des agents immobiliers, des notaires et des architectes bien sûr !

Notre but c’est de rendre à César ce qui lui appartient. Vous avez des bâtiments des années 2000, dont on ne sait pas qui

est l’architecte, car ce n’est pas souvent écrit à l’extérieur. Idéalement, il faut aller aux Archives pour consulter les dossiers de la Police du Bâtiment, mais les dos siers ne sont consultables qu’au bout de 4 à 5 ans. Parfois des architectes nous contactent pour dire « c’est de moi ! » Les autres visiteurs peuvent être des tou ristes ou de simples curieux.

Qui sont les contributeurs ?

Pour les contributeurs, il y a deux aspects différents. Il y a des contribu teurs réguliers, une petite dizaine de personnes qui sont très fidèles et qui par ticipent pour certains depuis une dizaine d’années. Ensuite, il y a les contributeurs irréguliers, qui sont très importants pour nous aussi. Les contributeurs réguliers apportent environ 80 % du contenu, soit

« CE N’EST PAS JUSTE DE L’ARCHITECTURE, C’EST AUSSI DE L’HISTOIRE DE L’ART, DE L’ARCHÉOLOGIE, DE LA SOCIOLOGIE… »
69 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a ARCHITECTURE

La rue de la Première Armée prise en photo à la hauteur de la rue Spielmann, en 2013.

DE FAIRE LES CHOSES DE FAÇON COMPRÉHENSIBLE, RÉUTILISABLE PAR

TOUS. »

un bâtiment toutes les semaines voire plus, mais les contributeurs irréguliers sont très intéressants, car ils corrigent ou complètent, avec une photo ou un bâtiment isolé. Comme il faut citer ses sources, c’est un système où le contenu s’améliore en continu ! Le profil des per sonnes qui contribuent est très varié, il y a quelques retraités, mais aussi des archi tectes, d’anciens professeurs des écoles, des passionnés… Moi-même je suis infor maticien de formation, mais j’ai toujours eu un grand intérêt pour l’architecture. Et une des motivations pour les plus impor tants contributeurs – je le dis, car c’est un peu un appel à contribution justement – c’est qu’en fait on s’enrichit énormé ment soi-même ! Ce n’est pas juste de l’architecture, c’est aussi de l’histoire de l’art, de l’archéologie, de la sociologie… Edgar Morin, dans son ouvrage La voie pour l’avenir de l’humanité, disait en subs tance « il faut relier les connaissances », c’est un peu notre ambition !

Quels sont les processus de vérification et de validation des articles ?

Wikimedia, le moteur que l’on utilise, est très bien fait. Quand il y a une modi fication sur un bâtiment, tous les contri buteurs qui ont contribué sur une fiche reçoivent une alerte. C’est de l’auto-mo dération, ce qui fait qu’il y a très peu d’er reurs. Il n’y a pas de rédacteur en chef, il

n’y a personne tout au-dessus qui va avoir le dernier mot. Plus de 2000 personnes sont abonnées à notre alerte-mail, donc elle est très consultée, et certains contri buteurs consultent toutes les adresses qui ont été modifiées. C’est aussi une manière de vérifier.

Quel est le modèle économique d’Archi-Wiki ?

C’est un modèle non-lucratif. C’est une association d’intérêt général. On se finance par deux biais principaux. La première source ce sont nos membres, nous avons 70 membres associatifs. La deuxième source, qui est la source prin cipale au niveau financier, ce sont les institutions publiques. Il y a une recon naissance des institutions publiques, en premier lieu la Ville de Strasbourg, mais nous avons déjà eu des subven tions de la DRAC et du Conseil Général également. Nous avons aussi bénéficié de quelques dons, du mécénat, d’entre prises privées. Évidemment, avec plus de budget nous pourrions nous développer et embaucher quelqu’un, ce que j’aime rais dans l’absolu.

Quelle est votre activité au jour le jour ?

Je suis bénévole, comme les autres. Je participe quand j’ai le temps. Je modère, mais surtout mon grand plaisir

« J’ESSAIE
70 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a ARCHITECTURE

c’est d’ajouter de nouveaux bâtiments, c’est-à-dire faire des recherches aux Archives, j’y vais en moyenne tous les 15 jours. J’ajoute de nouveaux bâtiments et surtout je les documente. J’essaie de faire les choses de façon compréhen sible, réutilisable par tous. Récemment je me suis intéressé aux 2e et 3e tranches de la Grande-Percée, moins étudiée, cette dernière correspond à la rue de la Première Armée. J’ai complété une dizaine de bâtiments construits principalement à partir de la fin des années 1950. De fil en aiguille, vous commencez au départ par des recherches aux archives, vous décri vez les bâtiments qui existent et vous vous retrouvez finalement au Musée de l’Œuvre Notre-Dame pour admirer des boiseries conservées suite à des démolitions. C’est extraordinaire !

Comment voyez-vous l’évolution d’Archi-Wiki ?

Mon souhait c’est que le contenu d’Archi-Wiki soit réutilisé. Que ce soit dans des travaux d’étudiants, des

articles, ouvrages ou même d’autres sites web. Je lance un appel aux contributeurs bénévoles : si des personnes ont des inté rêts ou des connaissances de telle ou telle ville, parce qu’elles sont originaires par exemple de Mulhouse, elles peuvent bien sûr ajouter des bâtiments sur cette ville. Il n’y a pas de limite !

Y a-t-il un bâtiment à Strasbourg, ou une période, un quartier, qui vous est particulièrement cher, et si oui, pourquoi ?

Il y a le mouvement moderne, en l’oc currence le quartier Bourse. Pourquoi ? Parce que dans ce quartier vous avez beaucoup de bâtiments des années 1930 et certains édifices sont tellement modernes que l’on a l’impression qu’ils datent des années 1960 ! Au fur et à mesure, en lisant des sources, en allant aux archives, je me suis rendu compte que dès l’origine c’était des bâtiments très avant-gardistes, certains construits par l’architecte Eugène Brast, peu connu. C’est une période que j’aime beaucoup et qui a été peu étudiée. a

13, 15, 17 rue de la Brigade d’Alsace Lorraine, 1957.
71 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a ARCHITECTURE
Architectes : Georges Maechel, Pierre Félix, Jean-Paul Berst.

Musée de Porto-Novo, vue de l’ensemble du projet.

CLAIRE BARBOU SOLIDE RÉPUTATION

Architecte de formation, Claire Barbou, organisatrice du Trophée Béton, nous explique la nécessité de réhabiliter l’utilisation de ce matériau aux multiples avantages, aussi bien écologiques que créatifs.

a ARCHITECTURE – TROPHÉE BÉTON
Montinari
Tsadok – DR
Aurélien
Majoie
« L’architecture
n’est pas de nature biologique, elle est création. »
Claude Parent

Pourquoi un trophée spécifique au béton ? Quelles sont les propriétés de ce matériau ?

Les trois associations qui organisent ce concours sont des associations qui valorisent l’architecture en béton. Bétocib, présidée par Étienne Tricaud, est une association qui promeut l’architecture en béton depuis 50 ans et qui est présidée par des architectes. La deuxième association est CIMbéton, une association qui a pour vocation de publier et de donner des infor mations techniques sur l’application du béton, avec un pôle architecture. La troi sième c’est la Fondation École Française du Béton, une fondation dont la vocation est de donner des supports d’enseigne ment dans les écoles d’ingénieurs. Ces trois associations déjà liées au béton ont créé le Trophée Béton, sous le patronage du ministère de la Culture, afin d’accom pagner les jeunes diplômés des écoles d’architecture françaises, à l’orée de leur entrée dans la vie professionnelle. Il y a toujours eu un concours béton proposé dans les 20 écoles d’architecture fran çaises, mais sous d’autres formes. Les étudiants qui en sortent, qui sont jeunes diplômés, vont dans leur vie participer à des concours, des appels d’offres publics, etc. Notre idée était de leur permettre de travailler sur leur projet de fin d’études

(PFE), et de pouvoir approfondir le côté technique de leur PFE s’ils l’ont fait en béton, et de le soumettre à notre concours. Pourquoi le béton ? Car c’est un matériau qui est très ancien, et qui a toujours été un matériau d’innovation. L’idée est de continuer d’utiliser ce matériau, de conti nuer d’en parler puisque c’est un maté riau qui a des valeurs intrinsèques et dont on ne peut pas se passer pour construire. De plus, il est encore en plein change ment, en pleine innovation, en se réin ventant aujourd’hui avec des nouveaux bétons, répondant aux évolutions liées aux nouvelles réglementations… L’idée est de rester présents auprès des jeunes pour leur montrer les innovations, les travaux de recherches, les nouveaux composants.

Trophée Écoles et Trophée Pro, qui sont les typologies de candidats ?

Le Trophée Écoles existe depuis plus de 10 ans et est annuel. Il s’adresse à tous les jeunes diplômés des écoles d’archi tecture. Le Trophée Pro est biennal lui. Ce n’est pas un concours, c’est une distinc tion. L’idée est de sélectionner 25 projets construits sur le sol français les 5 der nières années et dont l’usage du béton, la mise en œuvre, l’impact environnemen tal, l’innovation, permettent de montrer la juste place du béton. On distingue 25 pro

LES ATOUTS DU BÉTON EN PARLANT AUTANT DES INNOVATIONS QUE

jets et on distingue une équipe, pas seu lement un architecte : le maître d’ouvrage, les entreprises, les Compagnons, les four nisseurs de matériaux. L’idée est de mon trer que ce travail d’équipe peut donner lieu à des architectures emblématiques et respectueuses de l’environnement, de montrer la réflexion continue autour de ce matériau et le renouvellement, année après année de l’usage du béton. Les deux concours sont sous le patronage du minis tère de la Culture, qui est le ministère de tutelle des architectes.

« MONTRER
DE LA TRANSFORMATION ET DE LA PROTECTION. »

Il me semble que cette année, le gagnant du Trophée Écoles est un élève de l’ENSAS…

Oui, pour la 10e édition, le gagnant du 1er Prix Trophée Béton de projet de fin d’études est Majoie Tsadok Kpoviessi, sous la direction de Georges Heintz. Il s’agit d’un projet de musée pour Porto-Novo, la capitale administrative du Bénin, un bâtiment qui reflète l’identité et les traditions construc tives locales (voir encadré ci-contre). Depuis 10 ans, nous avons systématiquement des projets de l’école de l’ENSA Strasbourg qui sont dans les 10 premiers. C’est une école très dynamique sur ce sujet-là avec des pro fesseurs qui sont très engagés. Un diplôme se fait toujours avec un professeur référent. À Strasbourg, il y a beaucoup de profes seurs qui sont très favorables à l’utilisation du béton et qui enseignent dans ce sens. Cette année le premier prix est en effet un étudiant de Strasbourg.

L’utilisation massive du béton est la marque de fabrique du courant bruta liste. Quelles sont les caractéristiques d’un bâtiment dit brutaliste ?

Ce style architectural est issu du mouve ment moderne, il a connu son apogée entre 1950 et 1980. Il se caractérisait par l’utilisa tion de matériaux dits « bruts » notamment le béton. Ce courant a longtemps été décrié, car trop souvent synonyme de construc tion peu qualitative, mais aujourd’hui cela change, le béton se réinvente et offre de nombreuses possibilités, aussi bien esthé tiques, que plastiques et techniques.

Les bâtiments brutalistes connaissent ces dernières années un regain d’intérêt et font l’objet de campagnes de sauvegarde partout dans le monde. Comment expliquer la soudaine prise de conscience de la valeur de ce patri moine architectural ?

L’idée, et de notre concours, et de notre distinction, c’est de montrer les atouts du béton en parlant autant des innovations que de la transformation et de la protection. Un des avantages de ce matériau, c’est qu’il peut servir aussi de support pour de nou veaux projets, il peut être très bien rénové, il peut être transformé, et c’est vrai qu’au jourd’hui, dans cet esprit d’empreinte envi ronnementale, le béton a son rôle à jouer puisque c’est un matériau qui peut durer très longtemps. Donc tous ces bâtiments-là sont à regarder de près car ils peuvent être très bien rénovés et continuer à servir, quitte à avoir de nouvelles fonctionnalités.

Enjeux économiques, sociétaux et écologiques, l’architecture doit désormais prendre en compte de nouvelles pro blématiques. En quoi l’utilisation du matériau béton peut-elle apporter des solutions ?

Aujourd’hui le béton est recyclé, il est décarboné, il existe en version bas carbone, il est isolant… Ce matériau a énormément de qualités qui entrent en jeu dans le calcul des nouvelles régle mentations qui sont en vigueur depuis le 1er janvier 2022. Le béton a sa juste place dans le calcul global de l’analyse du cycle de vie d’un bâtiment. Aujourd’hui nous sommes dans un nouveau tournant, l’in dustrie cimentière est en plein boom car elle doit répondre aux enjeux de 2050 avec l’objectif zéro carbone. Le problème c’est que c’est long à mettre en place, cela va donc se faire par étapes. a

1er Prix Trophée Béton de projet de fin d’étude par Majoie Tsadok Kpoviessi

Porto-Novo, capitale administrative du Bénin souffre d’une mise en concurrence avec sa cousine Cotonou, capitale économique. C’est pour pallier cela que le gouvernement a mis au point le programme « Le Bénin révélé », action touristique et culturelle qui doit prendre forme notamment à travers la construction d’un musée ethnographique d’art et d’histoire.

La proposition du jeune architecte Majoie Tsadok Kpoviessi répond non seulement à l’impératif de valorisation identitaire des ethnies présentes à Porto-Novo, mais doit servir également à favoriser l’économie locale par le tourisme, ainsi qu’à sensibiliser le public aux modes de construction locaux. Ainsi, dans une démarche de réinterprétation des techniques traditionnelles, le projet intègre un béton à base de latérite, roche rouge locale peu coûteuse, et en termes de réalisation, et en termes d’entretien ; une construction low-tech, identitaire et innovante !

76 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a ARCHITECTURE
Claire Barbou, organisatrice du Trophée Béton.
ULTIMA 3, 4 ET 8 PETITE RUE DE L'EGLISE 67000 STRASBOURG TÉL : 03 88 32 87 69 ULTIMA HOMME 16 RUE DE LA MÉSANGE 67000 STRASBOURG TÉL : 03 88 64 88 67 ULTIMA BIS 34 RUE THOMANN 67000 STRASBOURG TÉL : 03 90 22 19 23 P R Ê T À P O R T E R / C H A U S S U R E S / S A C S F E M M E / H O M M E U L T I M A M O D E C O M G U C C I • P R A D A • V A L E N T I N O • D I O R • G I V E N C H Y • C E L I N E • C H L O É • B A L E N C I A G A • F E N D I • S A I N T L A U R E N T • S T E L L A M C C A R T N E Y • D O L C E G A B B A N A • I S A B E L M A R A N T • B A R B A R A B U I • I R O • P A T O U • K A R L L A G E R F E L D • M O N C L E R • D S Q U A R E D 2 • S T O N E I S L A N D • M A I S O N K I T S U N É • B L U E S K Y I N N O F F I C I N E G É N É R A L B U R B E R R Y Z I M M E R M A N N S E R G I O R O S S I T H E A T T I C O J I M M Y C H O O T O D ’ S • H O G A N • S T U A R T W E I T Z M A N • C A S A D E I • G I U S E P P E Z A N O T T I • A S H • C L E R G E R I E • U G G

ARCHITECTURE BRUTALISTE PLASTIQUE BRUTALE

« L’architecture est inassimilable à l’objet, elle est non-objet. » Claude Parent

Hotel Marcel, face extérieure nord, New Haven, USA, par Marcel Breuer, 1967 © Seamus Payne

Huée par certains, adorée par d’autres, l’architecture brutaliste provoque des réactions à l’image de son esthétique : entière. Style architectural né après la Seconde Guerre mondiale et qui connaîtra son apogée entre 1950 et 1980, le style brutaliste (en référence à une utilisation brute des matériaux) est à la fois froid et minimaliste, mais aussi audacieux et avant-gardiste. Une architecture plus plastique qu’on ne le croit…

a ARCHITECTURE – BRUTALISME Aurélien
Montinari
78 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a ARCHITECTURE

Au sortir de la Seconde Guerre mon diale il fallait reconstruire l’Europe et vite. Exit l’ornement, les bâti ments doivent être peu coûteux, facilement réalisables, résistants et fonctionnels. Le béton de par ses caractéristiques tech niques répond donc parfaitement au cahier des charges. Le style brutaliste était né. C’est ainsi que l’on vit se dresser, un peu partout en Europe, des structures massives aux lignes franches et aux formes géomé triques répétées. En France on retiendra comme exemple la fameuse Cité radieuse à Marseille par Le Corbusier, construite entre 1947 et 1952 et qui met en œuvre ces nouveaux préceptes pratiques et finalement esthétiques. À l’étranger, on citera comme emblèmes du brutalisme des bâtiments comme le Royal National Theater à Londres (Sir Denys Lasdun), le musée Guggenheim à New York (Frank Lloyd Wright), la Holy Cross Church à

80 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a ARCHITECTURE

Page de gauche, de haut en bas : Royal National Theatre de Londres, par Sir Denys Lasdun, 1976

© Simone Hutsch,

Aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, par Paul Andreu, 1974

© David Mark

« LES BÂTIMENTS DOIVENT ÊTRE PEU COÛTEUX, FACILEMENT RÉALISABLES, RÉSISTANTS ET FONCTIONNELS. »

Page de droite, de haut en bas : Nakagin Capsule Tower à Tokyo, par Kisho Kurokawa, 1972.

© Susann Schuster

Guggenheim Museum de New-York, par Frank Lloyd Wright, 1969.

© Magnus Andersson

Holy Cross Church à Chur, Suisse par Walter M Förderer, 1969

© Ricardo Gomez Angel

81 HORS-SÉRIE — 2022
a ARCHITECTURE
— Habiter

Chur, en Suisse (Walter Förderer) ou encore la Nakagin Capsule Tower à Tokyo (Kisho Kurokawa). Si ce mouve ment disparaît au tournant des années 80 au profit de l’architecture high-tech et notamment du courant déconstructiviste (porté par Zaha Hadid), certains architectes contempo rains continuent de travailler le béton dans toute sa brutalité comme c’est le cas de Tadao Ando qui dit concevoir « des choses qui restent gravées dans l’âme des hommes pour l’éternité ».

RETOUR EN GRÂCE

Longtemps critiqué pour son austé rité (voire sa laideur) le courant bruta liste connaît un regain d’intérêt depuis quelques années notamment dans le cadre d’enjeux économiques, écolo giques (et même patrimoniaux par

fois), le béton étant un matériau qui a pour avantage de pouvoir être rénové, donnant ainsi une seconde vie à d’an ciens bâtiments, comme ce fut le cas pour l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle (Paul Andreu), qui a connu depuis son ouverture en 1974, de nombreux aména gements et extensions. Autre exemple, dans la banlieue de New York cette fois ; l’Hotel Marcel New Haven (dessiné par Marcel Breuer, un des pères du mouve ment Bauhaus) conçu en 1967 et qui vient de rouvrir ses portes après 3 années de restauration, « un modèle d’hospitalité durable », selon le cabinet d’architectes Becker + Becker.

Extrême dans son esthétique, mais en faveur du social, de l’humain et de la fonctionnalité, le brutalisme recentre le principe architectural sur son but pre mier : habiter. a

« DES CHOSES QUI RESTENT GRAVÉES DANS L’ÂME DES HOMMES POUR L’ÉTERNITÉ. »
82 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a ARCHITECTURE
Cité radieuse à Marseille, par Le Corbusier, 1952. © Yana Marudova

THIERRY REY ET OLIVIER DE CRÉCY AGENCE PLURIDISCIPLINAIRE ET PRAGMATIQUE

L’atelier d’architecture Rey-De Crécy, n’est autre que le partenaire local du cabinet londonien Populous en charge de la réhabilitation du stade de la Meinau. Fondée en 1999, l’agence se distingue par sa pluridisciplinarité avec une culture de l’équipement public, mais aussi un savoir-faire développé dans les logements, et une vraie considération des enjeux climatiques.

On lui doit le Palais de la musique et des congrès nouvelle généra tion. L’hôpital du CMCO aussi. Ou encore le Pôle d’excellence hôtelier d’Illkirch. Avec la réhabilitation du stade de la Meinau, associé au géant londo nien Populous spécialisé dans les équi pements sportifs à travers le monde, l’atelier d’architecture Rey-De Crécy s’at taque à son plus important projet. « Nous travaillons avec eux en association, main dans la main, confient Thierry Rey et Olivier de Crécy, architectes associés. L’opération est dirigée par François Clément qui a notamment travaillé sur le Viva Stadium. Il a su développer un par tenariat d’équipe, grâce à des échanges simples, amicaux. » Un stade de la Meinau repensé, sur site, dont ils détaillent la philosophie : « Nous avons souhaité garder l’histoire et l’identité du lieu, les gens seront toujours à la Meinau, mais avec une qualité d’accueil renou velée. Ce n’est pas un simple coup de peinture, mais une réinvention dans la continuité, à taille adaptée. »

a ARCHITECTURE – REY-DE CRÉCY
Barbara Romero Nicolas Rosès
84 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a ARCHITECTURE
Le futur stade la Meinau, vue sudouest. © Populous et Rey-De Crecy.

Un projet qui correspond à l’ADN de leur cabinet : « Sur beaucoup de nos projets, nous travaillons en tirant le meilleur parti du bâtiment existant et en détruisant le moins possible, dans une démarche de développement durable », soulignent-ils. De même qu’ils réemploient les maté riaux autant que possible, comme en réutilisant des fuselages d’avion sur la façade sud du stade pour en faire des brise-soleils.

NOUS TRAVAILLONS EN TIRANT LE MEILLEUR PARTI DU BÂTIMENT

« La démarche environnementale, c’est l’une de nos marques de fabrique, une attitude, confirme Olivier de Crécy. Nous sommes très attentifs au “green washing”. La bonne conception d’un bâtiment, c’est l’essentiel. » Pourquoi installer des équipements chers en ins tallation et en entretien quand la venti lation naturelle, équipée d’un affichage de la pollution de l’air suffit ? « Nous

« NOUS

SOMMES DANS UNE DÉMARCHE LOW-TECH. »

sommes dans une démarche low-tech, très pragmatique, cela fonctionne très bien », confirme Olivier de Crécy. S’ils étaient lauréats sous l’ancienne manda ture, avec un projet « à grande ambition environnementale en termes de perfor mance énergétique et de décarbonation, nous l’avons affiné avec la nouvelle muni cipalité et l’Eurométropole qui nous ont demandé d’être vigilants sur les trames vertes et bleues aux abords du stade », précise Thierry Rey. La problématique du chantier : assurer les travaux sur site occupé. « Nous avons cette expertise pour l’avoir déjà fait dans des établisse ments scolaires ou au PMC par exemple, c’est un savoir-faire que nous avons pu développer », confient-ils. Assurer des travaux tout en maintenant l’activité sur site, avoir un vrai souci des impacts envi ronnementaux, travailler autant sur des établissements publics que des loge ments sociaux ou privés : l’atelier d’ar chitecture, qui compte 22 collaborateurs, mise depuis vingt ans sur la transversa lité. Et ça lui réussit plutôt bien. a

85 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a ARCHITECTURE
Thierry Rey et Olivier De Crécy

NICOLAS PARENT L’ARCHITECTURE EST UN JEU !

Créé en 2011, le cabinet d’architecture Oslo mise depuis ses débuts sur la diversité de ses activités pour sans cesse se renouveler. Parmi ses chantiers emblématiques, on trouve Osmose, le fameux bâtiment en proue du Parlement européen et du quartier d’affaires Archipel, dessiné à quatre mains avec l’agence belge Art & Build.

Il n’y a pas de « style Oslo », mais des projets uniques, « qui racontent une histoire et sus citent l’émotion ». « Nous nous atta chons à faire des choses très différentes, sinon on s’ennuie, on se répète », confirme Nicolas Parent, architecte associé de l’agence avec Laurent Fleury et Josselin Lutz. Parmi les projets en cours, la réalisation d’un hôtel quatre étoiles avec Spa, restaurant et acadé mie du golf au Kempferhof à Plobsheim, « probablement l’événement hôtelier de la fin 2024 », estime Nicolas Parent. Oslo réalise en parallèle un autre hôtel au Québec, toujours pour Pierre-Etienne Bindschedler, dirigeant de la Soprema. Dans un autre registre, l’agence réalise le collège François Viron à Mulhouse, tra vaille sur un programme mixte plaine des Bouchers. L’agence réalise aussi son pre mier écoquartier en Ile – de-France, les Prairies de la Juinière, à Saint Chéron, « qui nous amène à ouvrir un bureau à Paris pour y être plus réactif », précise Carine Bastian, responsable communi cation de l’agence de 46 salariés, « à parité », souligne-t-elle. Avec le cabinet KCAP de Rotterdam, Oslo a aussi déposé le permis de construire d’Émergence, une tour de 80 logements dans le quartier de la Citadelle, « qui permettra à Strasbourg de renouer avec son identité rhénane. » Une expertise pluridisciplinaire, un savoir-faire reconnu, qui ne suscitent toutefois aucune arrogance. Au moment de se lancer avec Art & Build dans la création d’Osmose, tour emblématique du quartier européen, « on a eu quelques sueurs froides en traçant le premier trait, car si ce n’était pas une réussite, on le voyait tout le temps ! sourit Nicolas Parent. Il y avait un vrai enjeu de conce voir un bâtiment assez sobre, intempo rel, un bâtiment élégant qui s’intègre avec les “petits frères” du Parlement. »

OSMOSE, LE COUP DE POKER

Un concours atypique qu’ils ont rem porté avec le promoteur ICAD. « Le lot E d’Archipel était réservé pour l’exten sion du Parlement européen, rappelle Nicolas Parent. Un coup de poker de l’an cienne municipalité plutôt intelligent. À Bruxelles, les promoteurs ont des jauges tous les deux ans et lancent la réalisation

a ARCHITECTURE – OSLO
86 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a ARCHITECTURE
Nicolas Parent et Carine Bastian, cabinet d’architecture Oslo. Barbara Romero Nicolas Rosès et Yam Studio

Rendu 3D vue aérienne Osmose.

de bureaux en blanc, car ils savent qu’ils seront remplis par le Parlement euro péen. Cela n’existe nulle part ailleurs ! Et Strasbourg a fait le même pari de créer un bâtiment qui donne envie à l’institu tion européenne de s’étendre. » Dans le concours de ce lot, l’une des conditions était de pouvoir porter ce bâtiment vide six mois après la livraison, dans l’attente de la décision de l’Union européenne de s’y installer ou non. Un an plus tard, les locaux sont toujours vides. « Les négo ciations sont très complexes », constate Nicolas Parent. Concernant l’architec ture du bâtiment, les contraintes étaient tout aussi complexes. « Il fallait dessiner un couteau suisse, capable de convenir à une institution avec des contraintes de sécurité importantes comme des façades anti-explosion, un poste de sécurité, un parking très sécurisé, des grilles de ven tilation en biais pour empêcher tout jet

« IL Y AVAIT UN VRAI ENJEU
CONCEVOIR UN BÂTIMENT
SOBRE, INTEMPOREL, UN BÂTIMENT
QUI S’INTÈGRE AVEC LES “PETITS FRÈRES” DU PARLEMENT. »
DE
ASSEZ
ÉLÉGANT
87 a ARCHITECTURE

d’objet à l’intérieur… Nous avions un bureau d’études dédié à la sécurité du bâtiment. » Si Osmose ne trouvait pas grâce aux yeux du Parlement, les archi tectes devaient imaginer un bâtiment modulable, « avec deux-trois scéna rii de découpage et une flexibilité des espaces. C’était très instructif de tra vailler avec les Belges qui ont déjà réa lisé la Pharmacopée par exemple, et connaissent toutes les contraintes d’un bâtiment institutionnel. » Les deux cabi nets se sont aussi attachés à travailler un dialogue avec le bâtiment LouiseWeiss : « Il fallait trouver une harmonie entre les deux, avec un bâtiment sobre, aux lignes fluides, en écho au cylindre, précise Nicolas Parent. Osmose ne devait pas faire de l’ombre, mais allégeance à Louise-Weiss. » Niveau environnemen tal, le bâtiment est le plus exemplaire de Strasbourg avec les labels Breeam et HQE niveau « excellent ». Une tour de 28 mètres de hauteur, bas carbone, rat tachée au chauffage urbain et équipée de matériaux recyclés, qui n’attend que les institutions européennes pour trouver vie. La phase 2 d’Osmose devait démarrer à la rentrée, « avec un deuxième bâtiment qui viendra fermer cet îlot dont le cœur est végétalisé », conclut Nicolas Parent. To be continued… a

NE DEVAIT PAS FAIRE DE

Rendu 3D vue bassin Osmose.
88 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a ARCHITECTURE
« OSMOSE
L’OMBRE, MAIS ALLÉGEANCE À LOUISE-WEISS. »

KS promotion

UN SAVOIR-FAIRE UNIQUE, DU FONCIER À L’AMÉNAGEMENT

Depuis plus de 15 ans, KS promotion intervient dans le montage d’opérations immobilières, leur promotion et leur aménagement. Ces projets se développent notamment dans la région du Grand-Est et plus particulièrement dans le département du Bas-Rhin. De la recherche foncière à la commercialisation des projets, nous avons développé un savoir-faire unique dans quatre secteurs clés pour les investisseurs privés comme institutionnels : les parcs d’activités tertiaires, les bâtiments de bureaux, les ensembles de logements et les immeubles de services (l’hôtellerie, l’immobilier de santé et les résidences senior). kspromotion.fr

Illustration : ©Studio
Lumen

MAXIME KHALILI CONSTRUIRE COLLECTIF

a ARCHITECTURE – ARCHITECTURE ET MAÎTRE D’OUVRAGE
Aurélien Montinari Portrait par Alban Hefti
« Cette période commence en tant qu’ère de l’information et se transforme en ère de l’écologie. »
James Wines
Maxime Khalili, président de l’AMO et Laurène Lecoq, chargée de mission.

L’association Architecture et Maître d’Ouvrage (AMO) fêtera l’année prochaine ses 30 ans. Cette structure, qui promeut à échelle nationale la qualité architecturale et un dialogue constructif entre ces deux corps de métier, est présidée actuellement par Maxime Khalili, par ailleurs associé et gérant principal de l’agence d’architecture globale K&+. Échange avec lui et Laurène Lecoq, chargée de mission, sur l’actualité de l’association et de l’agence, et sur les défis de l’architecture contemporaine entre impératifs sociétaux, économiques et écologiques.

Une des particularités de l’AMO consiste en l’organisation de voyages d’étude. Quelles sont les prochaines destinations ?

Fin octobre, nous étions à Glasgow puis à Édimbourg. Généralement nous évitons les lieux touristiques historiques et nous nous concentrons sur les bâti ments récents, innovants. L’objectif est de voir comment travaillent nos confrères à l’étranger. Il y a une vraie problématique de logement social là-bas, la reconversion, la transforma tion des villes avec le logement social des années d’après-guerre… Et il y a tout de même Charles Rennie Mackintosh qui est une des figures de l’architecture moderne, on ne pouvait pas ne pas aller voir ça ! C’est un architecte assez parti culier parmi les profils d’architectes du début du XX e  siècle qui ont vraiment révolutionné l’architecture, par leur création, leur pensée, leur technique, mais aussi leur approche globale. C’est quelqu’un qui dessinait aussi bien le bâtiment, que la chaise, la table, ou encore la fourchette que l’on allait trou ver à l’intérieur : c’est une architecture totale ! Ces types d’architectes avaient cette capacité de tout faire tout seuls. Aujourd’hui on fonctionne par spécia lisations. Pour remplacer un architecte de l’époque, il faut 5-6 personnes. Ils avaient aussi à l’époque cette proximité avec les artisans, par exemple, pour une fenêtre, le dessin était réalisé avec le menuisier. Aujourd’hui c’est impossible, tout est industrialisé, la fenêtre vous

ne la dessinez pas, c’est l’usine qui va vous dire comment elle est, sans même parler des normes… Tout est plus com plexe et interconnecté.

À propos de dessin, vous êtes justement en train de construire vos nouveaux locaux. Qu’est-ce que cela fait de concevoir son propre lieu de travail ? À quoi va ressembler cette nou velle agence ?

C’est très compliqué (rire) . Le but était de traduire nos réels besoins. Le gros travail de départ c’était avant tout se demander qui on est, comment on travaille, et ensuite où l’on voudrait tra vailler. Nous voulions faire l’inverse de ce que l’on a vécu avec les papas archi tectes… Cela fait deux ans que nous tra vaillons sur ce projet. La première chose que l’on a cherchée, c’est un bâtiment à réhabiliter, cela s’inscrit dans notre pensée : réutiliser l’existant, régénérer la ville. Nous avons trouvé un bâtiment en zone industrielle à Strasbourg, sur la plaine des Bouchers. C’est un bâti ment qui n’était plus utilisé depuis quelques années déjà, les anciennes usines Spirtz qui fabriquaient des impri meries. La pensée qui nous a guidés était : qu’est-ce que l’on fait dedans ? Comment on y travaille ? Il fallait que l’on se sente comme chez soi, à la maison. Nous voulions concevoir à la fois un open space pour travailler ensemble, mais aussi des endroits pour s’isoler, étudier, se cultiver, se reposer. Nous avons également intégré des lieux de

« REFAIRE EN SORTE QUE LE LOGEMENT EN VILLE SOIT ATTRAYANT, CELA PASSE PAR LE COLLECTIF. »
91 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a ARCHITECTURE

rencontre et de contact, car c’est le lien qui crée l’intelligence. Viendront égale ment un coworking et une salle de sport avec un bistrot gastronomique et aussi un jardin potager à l’extérieur.

Après cet été et les nombreux épisodes caniculaires, on peut se deman der quel avenir pour la qualité de vie en ville ?

Il faut avoir un regard global sur l’urbain et ne pas regarder ça d’un œil trop restreint ou trop dogmatique. L’étalement urbain notamment, est une problématique mal identifiée par les éco logistes qui ont tendance à vouloir plan ter des arbres plutôt que de construire. Sauf que ce que l’on ne construit pas en ville, on va le construire à la cam pagne ! Et c’est cela qui fait l’étalement urbain. Le foncier sur Strasbourg est rare, sur toute l’Eurométropole, il est freiné par beaucoup d’élus, ce qui fait que les promoteurs se rabattent sur les campagnes où ils sont accueillis à bras ouverts. Personnellement, faire du loge ment à la campagne cela m’embête, car on construit des fois sur des terrains agricoles et cela, c’est un vrai souci… En même temps le besoin est là ! Les gens ont envie d’avoir leur maison, un bout de terrain, respirer, vivre au vert. Redonner cela à la ville c’est toute une idée que nous aimerions promouvoir avec l’AMO. Nous souhaiterions organiser une jour née où l’on mettrait promoteurs, archi tectes, maîtres d’ouvrages et politiques autour d’une table et où l’on se pose rait la question : c’est quoi le logement du futur ? Il faut bien se dire que 90 % des Français quand on leur demande quel est leur rêve, ils répondent : une maison ! Comment faire de la maison individuelle ou plutôt, comment créer la qualité de vie que l’on retrouve dans la maison individuelle, au centre-ville ? Refaire en sorte que le logement en ville soit attrayant cela passe par le collec tif. Je pense qu’il faut accepter de l’idée de plutôt vivre en commun, mais dans ce commun, il faut trouver les qualités de ce que l’on trouve dans une maison, c’est-à-dire avoir un bout de jardin, pouvoir être plus autonome, avoir des espaces plus généreux, ce qui n’est pas le cas de ces dernières années où les promoteurs ont commencé à faire des modèles qui deviennent de plus en plus petits, parce qu’adaptés à l’éco nomie du marché… On ne retrouve pas l’idée du bonheur de vivre dans ce type d’appartement.

Revenons aux projets de l’agence K &+. Starlette, Candide, l’Ilôt de fraî cheur – Archipel 2… Ces programmes font la part belle à la végétalisation.

L’idée de Archipel 2 c’était de faire de la densité heureuse, c’est-à-dire monter. La tour est un outil incroyable, car il permet de libérer le sol et donc de faire un parc… Les tours sont fines, jamais mono orientées, toujours avec deux angles ouverts et ne projetant pas d’ombre les unes par rapport aux autres. Quand on parle de comment faire un appartement qui soit attrayant pour une famille ou un couple, c’est de pou voir avoir une grande terrasse, avec des vues, d’avoir un rez-de-chaussée avec un équipement, des services, des com merces et une accessibilité au centreville, mais aussi à l’autoroute. S’est posé aussi la question de comment rafraî chir l’ensemble. Nous avons travaillé les façades sud avec des grandes terrasses et ces appartements-là ont une végé tation qui va grimper sur les façades. Cela va permettre de descendre de 3-4 degrés. Sur le programme Candide, avec Trianon, nous avons travaillé avec une brique qui dépollue. C’est vers ces types de solutions que l’on doit tendre.

Justement, l’architecte de 2022, que doit-il prendre en compte pour créer un bâtiment qui va tenir dans le temps ?

D’une part, il faut commencer à réfléchir à plus long terme qu’à 5 ans, 10 ou même 15 ans, cela ne suffit pas ! Par exemple, le béton, on le décrie énor mément aujourd’hui. C’est sûr que faire du béton c’est utiliser du sable, on vole le patrimoine des côtes, on fait du mal à la planète… Mais en même temps si on le prend dans la durée, si on fait du béton et que l’on construit pour 100 ans, c’est là où le rapport s’inverse. C’est un matériau qui devient alors intéressant, d’autant plus que l’on peut le réhabili ter facilement. C’est dans la durée qu’il faut penser un bâtiment. Lorsque l’on construit, il faut mettre des matériaux qui peuvent durer un siècle et tendre vers une basse consommation d’éner gie. Nous, nous faisons beaucoup de maisons passives. Pour nous, la meil leure énergie, c’est celle que l’on n’uti lise pas. Il faut désormais le faire sur des immeubles. Nous l’avons d’ailleurs expérimenté ces dernières années, avec SAS 3 B. Actuellement nous travaillons à la construction d’un immeuble passif avec Néolia à Besançon. Nous sommes en train de pousser le dispositif pour

« POUR NOUS, LA MEILLEURE ÉNERGIE, C’EST CELLE QUE L’ON N’UTILISE PAS. »
Perspective intérieure des futurs bureaux de l’agence K&+. ©  K&+ architecture globale.
92 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a ARCHITECTURE
Projet Candide par K&+ Architecture globale. © Pierre Pommereau

voir si l’on peut le rendre positif, en pro duisant de l’énergie avec des panneaux solaires. L’utilisation du bois ou de la bio-brique sont aussi des solutions. Le bâtiment de demain il est là ! Il faut être intelligent dans notre capacité à offrir des logements de qualité, dans la conception, dans la mise en œuvre des matériaux, mais aussi dans l’idée de ce que c’est qu’un jeune couple de demain. Sociologiquement, on ne se pose pas assez ces questions. Nous avons fait intervenir Catherine Furet et Valérie Leblois pour une conférence sur les espaces partagés. C’était pas sionnant. Comment les vivre, comment les faire fonctionner ? Comment, dans une copropriété, créer un bien-vivre, un bien-vivre commun ? Il faut se poser ces questions. a

Îlot Archipel. Îlot Sud. © Nouvelle Mesure et K&+ architecture globale.
93 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a ARCHITECTURE
Vue 3D du projet Starlette. © K&+ architecture globale.

PIERRE JAUBERT DE BEAUJEU ESPÈCES D’ESPACES

Architectes, ingénieurs, techniciens, l’entreprise Ducks Scéno rassemble les savoir-faire, cultivant une approche résolument pluridisciplinaire au service de la muséographie et de la scénographie, pratiques qui déterminent, au-delà de l’espace scénique, l’expérience même que vivent les usagers dans un lieu. Rencontre avec Pierre Jaubert de Beaujeu, architecte, pour qui il s’agit avant tout de travailler à la déconstruction des formes classiques.

Architecture, design, ingénierie, éclairage, l’approche de Ducks Scéno est fondamentalement interdisciplinaire. Quelle est votre définition du métier de scénographe ?

En France, le mot scénographe regroupe trois métiers qui sont en réa lité différents. Par exemple, le terme de décorateur de théâtre est devenu scé nographe. Il y a ensuite le concepteur de salle de spectacle, la partie scénique des salles, ce qui concerne les assises, la visibilité, la machinerie, etc., on appelle cela la scénographie d’équipement. Enfin, il y a le scénographe d’exposition, c’est-à-dire la personne qui conçoit des espaces d’exposition. Tous ces métiers répondent désormais au terme de scé nographe. Les besoins en scénographie sont très vastes, il peut s’agir d’équiper un musée pour le rendre capable d’ac cueillir une exposition ou de réfléchir à la mise en forme des espaces d’une bibliothèque… La scénographie est par

tout, elle est à la conjonction de tous les métiers : architecture, design, ingénie rie, éclairage, audiovisuel, graphisme… Le métier de scénographe c’est être à l’écoute et à l’exact croisement de tous ces domaines.

Émirats arabes unis, Chine, Taïwan, Corée du Sud, USA, Europe, vous intervenez dans le monde entier. Y a-t-il une dimension culturelle, voire anthropologique à prendre en compte lors des projets ?

La dimension culturelle est obliga toire et totale je dirais, car nous travail lons pour des objets qui sont le lieu de la rencontre culturelle, artistique, entre des gens et des œuvres. Il faut se deman der comment les gens vont appréhender la culture ; c’est la base de notre travail. Pour ce faire, il faut réfléchir à comment amener les gens à la salle, penser à la direction du public, comment il arrive, déambule, s’installe ou suit le parcours

Ci-dessus  : Vue 3D du Cyclorama au Musée zoologique de Strasbourg, © FREAKS et Ducks Scéno

a ARCHITECTURE – DUCKS SCÉNO Aurélien Montinari DR
94 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a ARCHITECTURE
« Naissance d’ombres autour desquelles s’agrège le vrai spectacle de la vie. » Antonin Artaud

pour voir des œuvres. De l’autre côté, il y a le parcours de l’œuvre ou ce que l’on nomme le parcours technique ; comment l’œuvre est mise à disposition, le che minement pour qu’elle soit installée sur la scène, éclairée, projetée, expliquée… Ce sont ces deux formes de question nements qui font la scénographie et elles comportent une dimension cultu relle puissante.

À cela s’ajoute une dimension anthro pologique, liée, elle, aux pays ou aux habitudes culturelles ou régionales ; ce n’est pas la même chose de faire un projet à Paris ou en province, c’est dom mage, mais c’est comme ça... En France, le théâtre ou le musée peuvent aussi avoir des côtés assez conservateurs, dans leurs formes et leurs pratiques. Ducks essaie de travailler à la déconstruction de ces formes classiques. Parfois c’est l’in verse, notamment à l’étranger, en Chine, où l’on nous demande de répliquer les codes occidentaux…

Comment abordez-vous un nouveau chantier ? Quelle est votre méthode et pour quels résultats ?

On est un peu des enquiquineurs pour l’architecte (rires) parce qu’il faut que l’on travaille très tôt sur le projet, dès le premier coup de crayon ! Nous consi dérons que la scénographie se loge un peu partout, nous sommes concernés par toute l’ingénierie du bâtiment : le souf flage d’air, l’acoustique, la structure… On va être demandeurs par exemple d’es paces où il n’y a pas de poteaux, avec de très grandes portées, où l’on va pou voir accrocher des objets lourds. Nous sommes très attentifs aussi à la fluidité des circulations, que ce soit du public ou des éléments techniques, logistiques. On ne sait pas ce que va produire un créa teur, ce que va exposer un musée, ce qui va se produire dans un lieu… L’architecte imagine le bâtiment, et nous, nous imagi nons comment rendre tout possible dans ces espaces, j’entends par-là capable de

« LA SCÉNO–GRAPHIE EST PARTOUT, ELLE EST À LA CONJONCTION DE TOUS LES MÉTIERS. »

95 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a ARCHITECTURE

fonctionner, mais aussi capable d’évoluer en fonction des besoins.

Vous travaillez actuellement à Strasbourg sur la rénovation du Musée zoologique ainsi que sur la création du nouveau Planétarium et avez contribué, à Meisenthal, à la refonte du Centre International des Arts Verriers. Quelles sont les particularités de ces projets ?

Le Planétarium c’est très spécial, c’est l’une des plus petites missions que l’on a faite, nous étions là pour aider les architectes Frenak + Jullien, qui sont des amies. Nous avons juste travaillé sur l’im plantation des fauteuils. La mission de fauteuils est très technique, il faut trou ver le moyen de mettre dans la salle le bon nombre de places souhaité par le client, dans les meilleures conditions.

Ce qui est un peu spécial dans un pla nétarium, c’est qu’il s’agit d’une demisphère dans laquelle on regarde en l’air !

Le projet du Musée zoologique est un projet de rénovation avec les architectes FREAKS. Le musée n’avait pas bougé depuis le XIXe siècle ! C’est une réno vation « modeste », dans le sens le plus noble du mot. Le travail consiste aussi à rendre le musée conforme aux nou velles réglementations. C’est un travail

très fin à l’intérieur des bâtiments, on opère dans les espaces existants, il faut même conserver si possible des choses de l’ancien musée. Mais il faut en même temps tout changer, l’organisation du fonctionnement, l’exposition, le travail a été muséographique et scientifique, avec les gens du musée et de l’université, et toute l’intervention au niveau architec tural s’est faite avec patience. Il n’y aura pas de choses tape-à-l’œil dans l’archi tecture ni dans l’exposition. Il y a eu l’idée partagée entre les architectes, les scéno graphes, et les scientifiques, de présenter la biodiversité et de profiter de toutes les collections de taxidermie du musée, pour présenter les animaux et les espèces dans un étonnant espace d’entrée.

Pour le CIAV de Meisenthal – toujours avec les architectes FREAKS – le projet était évident, il fallait relier les quatre bâtiments, car ce sont eux qui consti tuent le lieu. Au niveau de la scénogra phie, nous sommes intervenus un petit peu partout. Sur un lieu comme celui-ci, il faut pouvoir dire « je monte une scène au milieu du site » donc cela veut dire qu’il faut du courant qui passe, du réseau, que tout soit connecté, de l’espace d’accueil de la billetterie jusqu’au dernier étage du musée, que l’on puisse être en relation

96 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a ARCHITECTURE
Vue du ciel du CIAV de Meisenthal par SO-IL FREAKS. © Iwan Baan

et envoyer une image depuis les diffé rents points du lieu. C’est un travail d’in frastructure, de logistique, on essaie de travailler à ce que rien ne bloque. Pour le musée, nous avons fait en sorte de rendre l’espace capable d’accueillir une exposition, de prévoir que l’on puisse faire entrer et accrocher des choses. En scénographie nous avons travaillé sur la petite salle et la rénovation de la grande halle. Nous avons pris le risque de mettre la salle moitié dehors, moitié dedans, du côté où personne ne l’attendait : le parking ! C’était la bonne idée ; cela per mettait de mutualiser toute la logistique, celle de la halle et celle de la petite salle, les bureaux, les loges, les passages tech niques, l’espace de stockage… De l’autre côté, du côté du public, il y a un bar, et là encore, tout est partagé.

Après 14 ans d’études et de chantier, le Taipei Performing Arts a enfin ouvert ses portes au public le 7 août dernier. Ce bâtiment a été conçu comme « un lieu de nouvelles possibilités dans les arts de la scène. » Qu’entend-on par là ? Quel rôle a joué ici la scénographie ?

OMA (l’agence du célèbre architecte Rem Koolhaas basée à Rotterdam – ndlr) et Ducks, c’est une longue histoire, je

pense que l’on peut même parler d’ami tié, en tout cas de respect et vraiment de travail collaboratif avec les archi tectes. On est complètement impliqués dans les projets avec OMA, du moins ceux concernant les théâtres... C’est un travail d’architecture, mais c’est aussi et surtout une réflexion de fond. Rem Koolhaas est très fort pour cela, c’est aussi un théoricien ; pour lui, faire un théâtre, ce n’est pas seulement faire un lieu, c’est se poser la question même du théâtre. Comment cela fonctionne, qu’est-ce que cela fait, comment cela se produit, pourquoi, pour qui ? Tous les projets que nous faisons avec OMA sont spéciaux, il y a toujours un élément nou veau, une recherche inédite, une idée innovante. Sur Taipei, au niveau du pro gramme c’était un projet très tradition nel, avec trois théâtres : un grand, un petit, un moyen. Sur cette idée de trois salles, il n’y a pas eu d’hésitation, il fal lait regrouper toutes les scènes, chacune devait pouvoir conserver son indépen dance, mais elle serait liée aux autres, facilitant ainsi la fluidité de toutes les circulations aussi bien techniques, artis tiques que humaines. C’est, entre autres, ce qui en fait un « lieu de nouvelles pos sibilités dans les arts de la scène ». a

« IL FAUT SE DEMANDER COMMENT LES GENS VONT APPRÉHENDER LA CULTURE ; C’EST LA BASE DE NOTRE TRAVAIL. »
Vue de l’intérieur du Taipei Performing Arts Center.
97 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a ARCHITECTURE
© Shephotoerd Co.

JÉRÔME FRICKER LA BRASSERIE DE L’HÔTEL DES POSTES SE DÉVOILE

Avec une ouverture programmée au premier semestre 2023, la Brasserie de l’Hôtel des Postes, nouveau projet d’envergure du groupe strasbourgeois Diabolo Poivre, est un chantier colossal chiffré à 4 millions d’euros, géré par Creatio et imaginé par le designer Pascal Claude Drach. Visite guidée.

Ils pensaient avoir réalisé leur projet le plus fou en transformant la Strassburger Bank de la rue du Vieux-Marché-aux-Vins en un Drunky Stork Social Club à l’esprit londonien. Avec le bâtiment historique de l’Hôtel des Postes, le groupe Diabolo Poivre s’attaque une nouvelle fois à du lourd. Côté avenue de la Marseillaise, une brasserie « élé gante » se révèlera au premier semestre 2023 dans un volume impres sionnant, après neuf à dix mois de tra vaux. « Dans le cadre de la rénovation de l’Hôtel des Postes démarré en 2019, la direction de Bouygues cherchait un pro priétaire exploitant pour 900 m2, capable de mener de grands travaux et de propo ser des prestations de qualité, précise Jérôme Fricker, co-gérant du groupe Diabolo Poivre avec Gilles Egloff et Christophe Lemennais. Nous avons acheté les murs. Le chantier se révèle complexe notamment pour la ventilation, l’extraction, la climatisation, le chauffage, l’assainissement… Nous sommes soumis à plusieurs autorisations puisque notre chantier est en interaction avec des lots

a ARCHITECTURE – DIABOLO POIVRE
Barbara Romero Nicolas Rosès L’Hôtel des Postes
98 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a ARCHITECTURE
L’équipe de Diabolo Poivre.

de bureaux, d’habitation, une maison de retraite. » Pour enterrer les différents réseaux, sanitaires, d’électricité, d’assai nissement, l’agence Creatio a dû créer un bâtiment neuf, sous le bâtiment existant, avec les contraintes d’exploitation et sanitaires d’un restaurant. « Ils sont rodés, car ils travaillent avec nous depuis notre premier resto, rappelle Jérôme Fricker. Mais pour le Stork, par exemple, il y avait un sous-sol existant, nous n’avions pas de terrassement à créer. Ici, c’est une aventure technique, car le tuyau doit sortir pile au bon endroit ! » Un chan

tier colossal, donc, chiffré à 4 millions d’euros contre les trois prévus initialement.

NOUS NOUS SOMMES ATTACHÉS À CONSERVER CE QUE L’ON AVAIT.

La brasserie devrait une nouvelle fois faire son petit effet waouh ! à l’ins tar du Stork, ne serait-ce que par ses volumes impressionnants. Et ce dès l’entrée, avec sa double arche en grès avec une belle hauteur sous plafond

99 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a ARCHITECTURE
« ICI, ON EST DANS UNE CATHÉDRALE, ON NE VA PAS INSTALLER DU CARRELAGE PREMIER PRIX. »

« et une installation lumineuse avec l’idée d’un porche ouvert sur la rue », précise Pascal Claude Drach, une nou velle fois designer du projet. Deuxième effet waouh ! avec la salle de restaura tion principale de 300 m2 et cinq mètres de hauteur sous plafond, surplombée d’une triple verrière d’origine restaurée à 6,50 mètres de hauteur. 210 couverts y seront servis, répartis entre cette salle principale et un espace plus intimiste en bord de cour intérieure. L’espace cen tral sera articulé autour d’un imposant bar de 13 mètres de long et 5 mètres de large, « dans le même souci qu’au Stork de meubler l’espace, de le cloisonner visuellement et d’apporter une dyna mique acoustique à l’ensemble », pré cise Pascal Claude Drach. On y trouvera tout au long de la journée un bar à des serts et un bar aux produits de la mer, qui devraient allécher les amateurs. En parallèle, la cuisine ouverte fera face aux banquettes installées de manière concentrique, « pour une cuisine très active, très vibrante, à l’aplomb de la 3 e verrière et protégée par une mezza nine où seront logés les locaux tech niques et sociaux », ajoute le designer. Un espace séminaire de 30 à 65 places sera également privatisable à l’avant de la brasserie. Résolument attaché à conserver un maximum d’éléments his toriques, Diabolo Poivre et son designer ont dû se résigner à faire avec finalement assez peu de matière, comme nous l’ex plique Pascal Claude Drach : « Ce bâti ment néo-gothique date de 1899 et a été démoli pendant la Deuxième Guerre mondiale. Le système central, bom bardé, a été refait en grès rose à l’inverse du reste du bâtiment gris, pour marquer la défaite allemande. Là où nous serons, se trouvait le centre de tri postal, qui a été refait finalement avec peu de souci du design. Nous n’avons récupéré que peu de choses du passé historique, mais nous nous sommes attachés à conserver ce que l’on avait. » Comme les arches en grès, voûtes et colonnes en fonte d’ori gine dans la salle arrière. Côté déco, l’ambiance sera plus sobre que dans les autres établissements à la décora tion très affirmée, avec des touches poé tiques, quelques clins d’œil à l’univers postal, et un soin particulier accordé aux matériaux. « Ici, on est dans une cathé drale, on ne va pas installer du carrelage premier prix », sourit Jérôme Fricker. Une brasserie élégante en résumé, à décou vrir au premier semestre 2023, selon l’avancée des travaux. a

« NOUS N’AVONS RÉCUPÉRÉ QUE PEU DE CHOSES DU PASSÉ HISTORIQUE, MAIS NOUS NOUS SOMMES ATTACHÉS À CONSERVER CE QUE L’ON AVAIT. »
100 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a ARCHITECTURE
L’Hôtel des Postes en chantier.

DESIGN

a OR NORME – HABITER 103

VANESSA LEFAKIS LE SAUNA RAYONNE

Spécialiste du sauna sur mesure, la société Henry-Soredi distribue la marque allemande Klafs, référence en la matière. Vanessa Lefakis, gérante de la société, nous dévoile les projets en cours et à venir ; le bien-être a le vent en poupe !

Si en 2021 le Covid avait poussé les gens à se recentrer sur le confort de leur logement, la tendance se maintient, comme le confirme Vanessa Lefakis : « nous avons terminé de nom breux chantiers chez des particuliers, de beaux projets qui comprennent sauna, hammam et parfois même une salle de massage, de vraies extensions consacrées au bien-être. » Le secteur professionnel est lui aussi en demande, avec la récente livraison d’un ensemble hammam, Sanarium et sauna dans un style épuré, pour le tout nouvel Hôtel Loisium à Mutigny, près de Reims, « un très bel hôtel pensé par Jouin-Manku, cabinet de desi gners parisiens mondialement connu et qui prend place au cœur des vignes de la région Champagne. ». Toujours dans l’hô tellerie, Henry-Soredi vient également de terminer un projet pour l’hôtel Le Régal à Saint-Dié dans le massif des Vosges, et travaille sur plusieurs chantiers en Alsace et aussi à Courchevel. Au tourisme et à la détente se joint depuis peu l’univers du sport avec l’installation de saunas Klafs dans les clubs de sport John Reed, en France, « c’est un nouveau type de demande, les clubs de sports deviennent plus luxueux pour une clientèle plus exi geante », explique Vanessa Lefakis.

UN SHOWROOM D’EXCELLENCE

Dernière grande nouveauté, Vanessa Lefakis nous dévoile l’ouverture prochaine (fin 2022 ou début 2023), d’un showroom de 200 m2 en plein cœur de Mulhouse, rue de la Somme. « C’est un concept nova teur et très intéressant, un regroupement de huit entrepreneurs renommés qui sont tous nourris par un travail d’excellence et plutôt spécialisés dans l’aménagement haut de gamme, de la cuisine aux moulures de plafond en passant par le carrelage et l’éclairage. Une ambassadrice présentera les produits et orientera ensuite les clients vers chaque entreprise. Nous avons ins tallé un très beau sauna habillé par l’en treprise Werey dans le showroom. Ce sera pour nous l’occasion de capter une clien tèle relativement nouvelle, à Mulhouse même, mais aussi à la frontière suisse, qu’il s’agisse de particuliers ou d’architectes. »

Chez les particuliers comme dans le sec teur professionnel, en Alsace et dans toute la France, l’excellence des saunas Klafs rayonne, pour notre plus grand bien-être. a

a DESIGN – HENRY-SOREDI – KLAFS
Vanessa Lefakis
LOISIUM et DR
Aurélien Montinari
104 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a DESIGN
Au-dessus : Le sauna de l’Hôtel Loisium.
Sauna sur mesure chez un particulier. « NOUS AVONS TERMINÉ DE NOMBREUX CHANTIERS CHEZ DES PARTICULIERS, DE BEAUX PROJETS QUI COMPRENNENT SAUNA, HAMMAM ET PARFOIS MÊME UNE SALLE DE MASSAGE. » 105 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a DESIGN
Ci-contre :

SOPHIA HIMMLER DESIGN GLOBAL

Ayant évolué pendant plusieurs années dans le milieu de l’immobilier et des chantiers de restauration de biens, Sophia Himmler s’est forgée une solide connaissance de la maîtrise d’ouvrage, alliée à une vraie sensibilité pour l’aménagement et la décoration.

Il y a 4 ans, elle décide de tout plaquer pour créer sa propre société de design d’intérieur : Déléone Intérieur.

Pour Sophia Himmler, le design d’intérieur incorpore un spectre très large de compétences et d’ac tivités : « pour moi il s’agit d’une concep tion pensée de A à Z. Il y a d’abord le projet en lui-même, la phase créative, puis la mise en plan des modifications d’aména gement et toute la partie technique, la sélection des entreprises et le suivi des travaux sans oublier évidemment la ges tion du budget ! » Une approche holistique que l’entrepreneuse aime à qualifier de « design global » et qui se traduit dans le moindre détail : « si l’on prend l’exemple de la refonte d’un magasin, je vais égale

ment travailler la partie graphique afin que le logo soit en accord avec le design qui est prévu à l’intérieur. Il faut qu’il y ait une parfaite harmonie, une parfaite cohé rence. L’aménagement ou la décoration c’est une véritable signature. »

À CHAQUE PROJET SA MÉTHODE

Chez Déléone Intérieur c’est le projet ou le lieu au sens large qui dicte les pistes créatives, avec toujours dans l’idée que la forme doit suivre la fonction. « Chaque projet dépend de la personnalité du client

a DESIGN – ARCHITECTURE INTÉRIEURE
« L’AMÉNAGE MENT OU
DÉCORATION C’EST UNE VÉRITABLE SIGNATURE. »
LA
Sophia Himmler, fondatrice de Déléone Intérieur.
Alban Hefti 106 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a DESIGN
Aurélien Montinari

et chaque lieu a son histoire et son but propre. Je peux avoir une approche qui va être liée soit au lieu en lui-même, comme l’architecture du bâtiment, ou prendre comme base d’inspiration le concept ou le produit qui va alors guider ma créa tivité. Par exemple, sur de la lunette, le point de départ va être le présentoir du produit, c’est cet élément qui va donner un petit peu le “la” de la suite de la com position. » Cette faculté d’adaptation pousse Sophia à travailler sur des typo logies de chantiers très variées allant aussi bien de l’opticien, au restaurant, en passant par la pharmacie, le cabinet

médical, l’étude de notaire ou encore les intérieurs de particuliers.

TRAVAILLER EN ENTONNOIR

Très éclectique, Sophia puise l’inspiration de ses futurs projets dans des sources diverses, toujours à la recherche de l’iné dit au cœur d’un océan de tendances. « Réseaux sociaux, magazines spéciali sés, vidéos, je suis constamment en veille pour trouver des choses que l’on ne voit nulle part. Selon une idée, une envie, je vais à la pêche… Mes recherches peuvent

durer des dizaines d’heures. Cette phase de réflexion, c’est quelque chose que j’as simile à un moment de retrait, j’ai l’impres sion de passer dans ma grotte, là où je suis toute seule face à mes informations. Je fais le tri, je dégrossis, pour arriver à trouver de la cohérence entre mon envie, le lieu et le projet final. Il n’y a pas de règles mais des phases. D’abord une phase artistique un peu folle et après une phase où je ratio nalise, où je fais l’entonnoir ! » Personnelle mais entièrement vouée au projet, la tech nique créative de Déléone Intérieur fait la part belle à la sérendipité pour un design global différenciant. a

107 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a DESIGN

AGATHE ERB ET JULIE CHABASSIER DUO ARCHI-SOLAIRE !

Créatrices de l’agence d’architecture d’intérieur Archipiquant, Agathe Erb et Julie Chabassier forment un joli duo soucieux d’embellir le quotidien de ses clients professionnels ou particuliers, toujours dans la bonne humeur.

Agathe Erb et Julie Chabassier, agence Archipiquant.

a DESIGN – ARCHIPIQUANT
Barbara Romero Nicolas Rosès – Thomas Kuchel

«

Notre credo : avec le sourire, tout passe ! », lâche Agathe dans un éclat de rire. Dans leur coquette agence nichée au fond d’une cour en plein centre-ville, le joyeux duo d’Archi piquant séduit tant par son souci du tra vail soigné que par sa bonne humeur. « Ce qui me plaît le plus dans notre métier, c’est de passer du papier à la réa lité, de rendre les gens heureux dans leur lieu de travail ou de vie, confie Agathe. J’adore aussi le chantier, c’est toujours compliqué, un vrai défi humain qui nécessite beaucoup de diplomatie. » Julie, elle, aime particulièrement la phase de conception : « On doit sortir ses tripes pour un nouveau projet, se triturer l’es prit. Ce sont des heures de réflexion. »

LEUR DÉFI AUJOURD’HUI : TRAVAILLER SUR DES PROJETS PLUS MUSCLÉS

En 2020, elles s’illustrent en décrochant le trophée Commerce du design de la CCI pour la réalisation du restaurant Mavrommatis à Strasbourg. « Cela nous a offert une petite notoriété et surtout une forme de reconnaissance pour ceux qui ne nous connaissent pas », remarquent-

elles. Depuis, elles ont réalisé les locaux de Pokaa, « un espace vivant, en per pétuel mouvement », ou encore le doux écrin de Flore & Zéphyr, joaillerie éco-responsable, entre autres projets privés ou professionnels. « Ce qui est chouette dans notre métier, c’est de ren contrer des gens différents, de s’appro prier ce qu’ils font, de rentrer dans leur tête et comprendre leurs besoins », sou ligne Agathe. En octobre, on découvrira aussi leur œuvre pour le resto de foc cacia « Abbiocco », et aussi le salon de coiffure Naturel concept relooké. Leur rêve aujourd’hui ? « Travailler davantage dans l’hôtellerie, sur des projets plus musclés, lancent-elles déterminées. Nous avons connaissance de la législa tion, c’est un défi que l’on aimerait rele ver. » Avec ces atouts non-négligeables : Agathe a fait cinq ans d’études hôte lières avant de se lancer dans l’architec ture d’intérieur et connaît parfaitement les codes de l’hôtellerie-restauration. Julie quant à elle est incollable sur la législation, en tant que représentante du Grand Est pour le Conseil français de l’architecture d’intérieur (CFAI). Un joli duo définitivement « archi » promet teur en résumé. a

« PASSER DU PAPIER À LA RÉALITÉ. »

Le salon de coiffure Naturel Concept.
109 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a DESIGN

DANIEL GASSER ET MAGID MESSOUS DU BÂTIMENT À L’OBJET

Filiale de l’agence K&+ architecture globale depuis 2019, Kub propose une offre sur mesure, notamment aux particuliers. Qu’il s’agisse de lieux de vie, d’espaces de travail ou de loisirs, l’agence bénéficie, en plus de son savoir-faire, de l’expertise des forces vives de K&+ pour proposer des projets globaux, du bâtiment à la petite ampoule.

Sur le site de K&+ architecture glo bale, défilent des projets d’enver gure. On y trouve autant un nouvel immeuble de 90 logements, assortis de commerces et d’un parking de 500 places dans le quartier Starlette, qu’un foyer d’ac cueil médicalisé à Coulommiers. « Nous n’avions pas envie de proposer un service aux particuliers perdu au milieu de grosses opérations, précise Daniel Gasser, archi tecte co-gérant des deux entités. C’est pourquoi nous avons créé Kub en 2019. » Avec Magid Messous, co-gérant, Emma Brissy, designeuse et depuis septembre Jonas Geisler, architecte spécialiste des maisons individuelles haut-de-gamme, Kub propose un service sur mesure, « du bâtiment à la poignée de porte, souligne Magid Messous. K&+ est aussi économiste de construction, et compte 13 conduc teurs de travaux : nous pouvons mutuali ser les compétences. » Comme pour ce futur pôle médical à Mutzig dont K&+ est mandataire, et Kub en charge de toute la

a DESIGN – AGENCE KUB
Daniel Gasser et Magid Messous, agence Kub. Barbara Romero Nicolas Rosès
110 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a DESIGN

déco, du design des meubles à la lampe de bureau.

LEURS BUREAUX, LE NOUVEAU HOT SPOT DE LA MEINAU !

Parmi leurs récents projets, l’aménage ment du bar à vin L’Alsace à boire avec ADN décorateur et Creatio, celui de Ramen Shop à Vendenheim, toujours avec Creatio et V8 designer, ou encore la trans formation et l’aménagement du Groove Box Karaoké avec Creatio et le designer Quentin Leroij. Kub a aussi offert une seconde vie à des maisons individuelles ou des appartements de la région, et s’ap prête à livrer à la rentrée une polyclinique vétérinaire proche du Marché gare avec K&+ architecture globale. Mais l’une des réalisations qui deviendra sans doute la plus emblématique de leurs compétences communes : leurs nouveaux locaux ins tallés au cœur de la Plaine des Bouchers.

Ci-dessus, une réalisation de Kub Architecture & design. Construction d’une cafétéria dans l’extension du Centre de Jeunesse de Baerenthal.

« NOUS N’AVIONS PAS ENVIE DE PROPOSER UN SERVICE AUX PARTICULIERS PERDU AU MILIEU DE GROSSES OPÉRATIONS. »

C’est dans un bâtiment d’une centaine d’années laissés à l’abandon depuis dix ans, qu’ils ont élu domicile en cette rentrée dans un esprit assez waouh ! Tout revêtu de briques de Wienerberger, l’immeuble qui abritait le siège de l’usine Spiertz, allie à la perfection modernité et traces de son histoire pour offrir un cachet indéniable aux 2 200 m2 de locaux qui abritent K&+, Kub, deux bureaux d’études, et d’ici à la fin de l’année un nouveau restaurant Iberica. Terrasses, jardin, rooftop avec vue impre nable sur la cathédrale et la Forêt noire, larges baies vitrées, espaces de réunion ou de visio, le 79a de la rue de la Plaine des Bouchers a retrouvé une nouvelle vie entre émulation créative et instants de détente bienvenue. « C’est un lieu que l’on souhaite ouvert… Nous sommes connus pour nos grosses fêtes aussi ! », sourit Daniel Gasser. Un lieu modulable où l’on sent l’esprit du bâtiment ancien, pile dans l’air du temps, qui pourrait bien devenir la nouvelle cathé drale de la Meinau ! a

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SALOMÉ PALY-LIGNIER ET RAPHAËL SALIMI L’INTÉRIEUR À DISTANCE

Créée par deux amis d’enfance étudiants à l’EM Strasbourg, Insidy met en relation une centaine de décorateurs et architectes d’intérieur sans passer par la case visite. Un modèle qui permet aux entrepreneurs de proposer un prix d’appel défiant toute concurrence, et aux professionnels de l’aménagement et de la décoration de gagner en visibilité.

112 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a DESIGN
La boutique Fleuron Paris par Insidy.

L’idée d’Insidy (ex Les décorateurs) est née durant le premier confine ment qui a fait prendre conscience aux Français à quel point la qualité de leur intérieur joue sur le moral. Confinée à Nancy, Salomé Paly-Lignier, 25 ans, en fait partie. Avec son ami de toujours Raphaël Salimi, étudiant comme elle à l’École de management de Strasbourg, ils décident de monter leur startup pour mettre en relation les particuliers avec des décorateurs et architectes d’intérieur. « Nous avons développé une solution simple, en ligne, sans avoir à débourser une grosse somme d’argent, précise Salomé. La décoration d’intérieur est vue comme quelque chose d’élitiste, on ne sait comment trouver la bonne personne. Nous avons voulu digitaliser l’expérience, à partir de 129€ par pièce, avec un projet co-construit, des échanges humains, et un projet final en 15 jours. » Une offre allé chante, qu’ils peuvent se permettre, « car finalement, c’est le déplacement physique qui revient cher », rapporte-t-elle.

UNE MARKETPLACE À LA RENTRÉE

Insidy propose trois offres : une à 129€ donc, avec à la clé une liste shopping et un mood board. Pour 289€, le profession nel fournit un plan 3D pour permettre au client de s’immerger dans la pièce. Avec Insidy at home (à partir de 990€), le déco rateur ou architecte d’intérieur se déplace, suit l’intégralité du projet jusqu’à la livrai son des travaux. Un concept qui séduit, à en croire les quelque 130 000 followers d’Insidy sur Instagram. « La force des réseaux est incroyable et nous permet d’atteindre des clients partout dans le monde », se réjouit Salomé. Ils ont déjà pu réaliser des projets en Europe, et même au Canada. A la rentrée, Insidy se dévelop pera encore avec une marketplace pour offrir à leurs clients une plateforme sur laquelle ils peuvent réaliser leur projet de A à Z. a

« NOUS AVONS VOULU DIGITALISER L’EXPÉRIENCE. »

a DESIGN – INSIDY
Barbara Romero
DR
113 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a DESIGN
Salomé Paly-Lignier et Raphaël Salimi, Insidy.

PASCALE LAROCHE ET NILDA HERNANDEZ LA DÉCORATION QUI RACONTE UNE HISTOIRE

Duo de choc créatif, Pascale Laroche et Nilda Hernandez ont imaginé Maison les Muses, un atelier spécialisé dans la décoration murale, la vitrophanie et la signalétique sur mesure. Un métier de niche qui donne une identité propre à chaque espace qu’elles subliment.

Pascale Laroche et Nilda Hernandez, créatrices de la Maison les Muses.

a DESIGN – MAISON LES MUSES
Barbara Romero Nicolas Rosès – DR
114 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a DESIGN

L’activité de Maison Les Muses est pour le moins singulière. Ses créa trices, Pascale Laroche et Nilda Hernandez, imaginent des fresques murales, tissus adhésifs sur vitre ou signa létiques, offrant un supplément d’âme à des bureaux ou lieux publics souvent monochromes et ennuyants. Leur parti cularité aussi : s’attacher à raconter une histoire. « Nous aimons que nos clients se reconnaissent dans les créations, confient-elles. Une grande partie de notre travail est d’écouter des gens qui ne parlent pas forcément déco, mais en les interrogeant sur leurs valeurs, leur histoire parfois hors du commun. La première phase du métier est de retranscrire gra phiquement ces échanges. »

ON FAVORISE LA CRÉATION D’UNE IDENTITÉ UNIQUE

À l’encre, à l’aquarelle ou la linogravure, Pascale et Nilda dessinent tous leurs projets à la main avant de les soumettre aux clients. « Ensuite nous numérisons ces différentes techniques pour réaliser de grands formats tip top, sans pixels, et sans limites de taille. » Fresques murales, signalétiques originales, vitrophanies qui offrent des bulles lumineuses à des open space souvent anxiogènes… Les Muses travaillent à la demande ou per sonnalisent une collection permanente selon les envies du client. « On favorise la création d’une identité unique pour les professionnels ou les collectivités. Nos compétences ne sont pas clairement identifiées alors que les clients déplorent les murs tout blancs, de se perdre dans les couloirs, d’avoir des bureaux qui res semblent à la boîte d’à côté. Et au fur et à mesure, les gens demandent des espaces pas seulement fonctionnels, mais qui soient une expérience. Ils ont besoin de se sentir bien. »

À leur actif, les nouveaux locaux des cafés Sati, la médiathèque d’Agde, parmi d’autres beaux projets à travers la France et bientôt les bureaux de Semia à la Manufacture des tabacs. « Sati vou lait évoquer l’univers de la torréfaction, la médiathèque parler de son terroir… On a toujours de belles histoires à raconter. » Si elles travaillent essentiellement pour les professionnels ou collectivités, elles peuvent également gérer des commandes de particuliers à travers des décorateurs ou architectes d’intérieur. a

La médiathèque d’Agde.

« ON FAVORISE LA CRÉATION D’UNE IDENTITÉ

UNIQUE. »

Les nouveaux locaux des cafés Sati.

115 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter a DESIGN

LE REGARD DES SENS

« L’architecture est un mode d’expression invisible pour la masse, qui transmet pourtant des émotions et laisse rarement indifférent, quand on s’attarde à la regarder.

C’est pour cela que je me suis spécialisé dans la photographie d’architecture : pour mettre en exergue le travail des architectes, des artisans et entreprises du bâtiment, pour révéler les constructions et les détails qui nous entourent. »

a PORTFOLIO – MICHAEL BOUTON
Instagram : @edificephoto Linkedin : @mbouton Site web  : edifice-photo.com J Institut de Science et d’Ingénierie Supramoléculaires
Michael Bouton Photographe
Place des Halles

Cité de la Musique et de la Danse

Médiathèque André Malraux
Le Printemps
Clinique Rhéna
128 HORS-SÉRIE — 2022 — Habiter Publicité Régis Piétronave 23 publicité@ornorme.fr Directrice Projet Lisa Haller 24 Or Norme Strasbourg est une publication éditée par Ornormedias 2 rue du maire Kuss 67000 Strasbourg Contact : contact@ornorme.fr Ce numéro de Or Norme a été tiré à 15 000 exemplaires Dépôt légal : à parution N°ISSN : 2272-9461 Site web : www.ornorme.fr Suivez-nous sur les réseaux sociaux ! Facebook, Instagram, Twitter & Linkedin 5 1 2 3 4 6 9 7 10 11 8 12 13 14 23 20 24 22 15 16 17 18 19 21 OURS Couverture  Illustration par Cercle Studio Portraits de l'équipe Illustrations par Paul Lannes www.paul-lannes.com HORS-SÉRIE 2022 Habiter Directeur de la publication  Patrick Adler 1 patrick@adler.fr Directeur de la rédaction Jean-Luc Fournier 2 jlf@ornorme.fr Rédacteur en chef Aurélien Montinari 11 Rédaction Alain Ancian 3 Eleina Angelowski 4 Isabelle Baladine Howald 5 Erika Chelly 6 Marine Dumeny 7 Jaja 8 Thierry Jobard 9 Véronique Leblanc 10 Jessica Ouellet 12 Barbara Romero 13 Benjamin Thomas 14 redaction@ornorme.fr Photographie Franck Disegni 15 Sophie Dupressoir 16 Alban Hefti 17 Yann Levy Abdesslam Mirdass 18 Vincent Muller 19 Caroline Paulus 20 Nicolas Rosès 21 Marc Swierkowski 22 Direction artistique et mise en page Cercle Studio Typographie GT America par Grilli Type Freight Pro par Joshua Darden Impression Imprimé en CE

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