LE MAGAZINE DIGITAL DU TRANSPORT ROUTIER
N°9
Juin 2022
Quid
des nouvelles énergies ?
Prise en main de l’eActros Le VO se met au gaz avec Iveco
Les compétences évoluent, les métiers aussi
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Transition énergétique : ce qui a été modifié sur un camion
SOLUTIONS CONNECTÉES Des données hackées, le scénario catastrophe
CONSTRUCTEURS Le camion du futur vu il y a 30 ans
Quid des nouvelles énergies ?
U Hervé Rébillon, fondateur eMAG TRANSPORT/ TRM24
ne explication de texte était nécessaire pour comprendre les nouvelles énergies qui changent notre monde au quotidien. D’autant plus pour les professionnels qui, sans elles, ne peuvent pas faire rouler leur outil de travail : leurs camions. Comme le gasoil, les énergies sont le sang indispensable pour faire vivre le transport routier de marchandises, et par là même l’économie du pays. Sur ces 50 pages, la rédaction s’est mobilisée pour analyser non seulement ces nouvelles énergies mais aussi mieux appréhender leur fonctionnement, leur impact sur la conception, la production des véhicules (coûts, emplois, etc.) et la gestion du parc poids lourd. L’idée étant que chacun puisse avoir les bases de ce que les constructeurs appellent le mix énergétique. Car renouveler son parc poids lourd en véhicules propres est désormais une obligation. Les objectifs CO2 fixées par Bruxelles imposent aux acteurs du TRM, constructeurs, transporteurs, chargeurs, de détenir ou de faire appel à une flotte « vertueuse ». Les accès aux ZFE n’autorisent plus les véhicules lourds d’hier. C’est inéluctable, malheureusement. Les transporteurs n’ont plus le choix. La transition énergétique fait partie aujourd’hui du vocabulaire des entreprises de transport.
Sommaire 5 Actualité • Nouvelles énergies, un monde qui change
6 Interview • Jean-Yves Kerbrat, directeur général de MAN Truck & Bus France
8 Focus • Électrique, gaz, hydrogène : ce qui est modifié sur un camion 10 Focus • L’abécédaire des énergies 12 Dossier • Nouvelles énergies : les compétences et les métiers évoluent 17 Focus • Le camion est déjà propre ! 18 Prise en main • Thermique ou électrique, l’Actros dans tous ses états 25 Dossier • Votre camion à hydrogène, avec moteur thermique ou pile à combustible ?
30 Actualité • Comment les ZFE valorisent les camions GNV d’occasion
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ÉDITO
N°9 • Juin 2022
Ont collaboré à ce numéro Directeur de publication Hervé Rébillon • rebillon@trm24.fr Journalistes Antoine Carmet • carmet@trm24.fr Laure Manginot • manginot@trm24.fr Jean-Philippe Pastre • pastre@trm24.fr Publicité La Station Productions Conception et maquette • Luna Aguilar Webmaster TRM24 • Éric Martin Photos • Tous droits réservés
32 Interview • Interview d’Olivier Poncelet, délégué général de l’Union TLF 35 Dossier • À quoi ressemblera la route de demain ? 39 Dossier • Si votre camion devenait incontrôlable 43 Solutions connectées • Brèves : le DashTour de Dashdoc,
Transports Landry et Astrata, Timeko, B2PWeb et C2A, TransFollow et Sinari, Teleroute
46 Interview • François Denis, directeur général France de Geotab 48 Focus • Les camions de demain vu d’hier
e-MAG TRANSPORT est proposé par la rédaction de TRM24 et édité par La Station Productions.
Actualité
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NOUVELLES ÉNERGIES
Un monde qui change La multiplication des nouvelles énergies, autrement dit du mix énergétique (électrique, gaz, hydrogène), impose à tous au quotidien de revoir sa manière de vivre et de bouger. La filière du véhicule industriel est contrainte aussi de redéfinir ses process de conception, de production et de vente. Le changement est non seulement industriel mais économique et humain.
T
out le monde est d’accord : avec la transition énergétique, nous avons au final tous à y gagner. Mais pour y parvenir, des étapes doivent être franchies. Comme nous le verrons dans ce numéro, les industriels ont redoublé d’efforts et de financements pour mettre au point des utilitaires et des camions dits vertueux. Ce sont des années de recherche dans les bureaux de création des constructeurs de véhicules industriels, habitués depuis toujours à concevoir des camions à moteurs thermiques. La transition est rude et franche.
Qui y gagne, qui y perd ? Les perdants de cette transition énergétique, au bout du compte : les motoristes (à moins que l’on ne maintienne in extremis les moteurs thermiques fonctionnant hors pétrole), les fabricants de réservoirs traditionnels et de plaquettes de frein (bien moins sollicitées avec les véhicules électriques), de ralentisseurs (hydrauliques ou électromagnétiques à courant de Foucault) et de boîtes de vitesses automatiques.
Les gagnants : l’Asie, qui a fait main basse sur les cellules pour le stockage de l’électricité, les terres rares nécessaires pour les moteurs et l’électronique de commande, et qui contrôle également l’essentiel des composants électroniques ; les équipementiers spécialistes de la gestion et de la régulation thermique ; les électriciens-motoristes comme Siemens ou TM4. De nouveaux noms vont faire leur apparition grâce aux piles à combustibles (Ballard, Symbio, Faurecia). Les fabricants de pneus devront faire face à de nouveaux défis, mais leur activité n’est pas remise en cause. Les transporteurs, les véritables utilisateurs, doivent quant à eux financer, pour une grande partie seuls, ces nouveaux véhicules propres. Les aides arrivent progressivement. La transition énergétique ne se fait pas d’un simple coup de baguette magique. Hervé Rébillon et Jean-Philippe Pastre
rebillon@trm24.fr pastre@trm24.fr N°9 • 06/2022
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Interview
Jean-Yves Kerbrat Directeur général de MAN Truck & Bus France
« Les délais de livraison ne retardent pas les objectifs » eMAG TRANSPORT : La transition énergétique demande encore beaucoup de pédagogie, les transporteurs la comprennent-ils et l’adoptent-ils plus facilement ? Jean-Yves Kerbrat : Ça a complètement explosé depuis près d’un an. Tout d’abord, il y a l’acceptation et la compréhension de l’intérêt de l’électromobilité chez les transporteurs, dès lors qu’ils ont compris que le TCO serait à l’identique d’un thermique à l’horizon 2025. Il ne s’agit plus de surpayer des véhicules avec des TCO prohibitifs pour faire plaisir à tel chargeur qui veut mettre cela en œuvre dans sa politique RSE. Nous sommes dans un changement total de modèle. Les camions électriques prennent une place dans le paysage du transport. Et les transporteurs l’ont bien intégré. eMT : On parle toujours de mix énergétique ou certaines énergies l’emportent-elles plus que d’autres ? J.-Y. K. : Nous parlons toujours de mix énergétique, mais il y a des tendances qui se dessinent. Les constructeurs comme MAN veulent proposer des véhicules zéro émission. Ces véhicules seront d’abord liés à l’électromobilité batteries. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de place pour l’hydrogène dans des cas d’usage particulier. Mais aujourd’hui, si on veut proposer des véhicules avec un TCO compétitif par rapport aux énergies thermiques, le camion avec les batteries est la solution pour les prochaines années. Le CO2 des véhicules électriques est réduit à zéro émission sur un marché comme la France. Ils contribuent aux objectifs au niveau de la planète et par rapport à ceux fixés par l’Union européenne aux constructeurs. eMT : En clair, les objectifs CO2 poids lourds vont pouvoir être atteints ? J.-Y. K. : Oui. MAN investit énormément d’argent pour développer une gamme de véhicules électriques. Nous souhaitons le faire dès le départ avec un TCO qui permettra de proposer des solutions alternatives aux clients dans une échelle N°9 • 06/2022
économique qui permet de quitter le thermique. Nous voulons être prêts avant la date à laquelle le TCO va basculer, c’est-à-dire en 2024. eMT : Il y a un débat sur l’efficacité des TCO, tous les paramètres sont-ils bien pris en compte ? J.-Y. K. : Beaucoup de constructeurs s’entendent sur une parité des TCO des véhicules électriques avec ceux des véhicules diesel à partir de 2025. Concernant les véhicules hydrogène, l’équation économique est plus complexe, compte tenu du coût de production de l’hydrogène vert et de la déperdition que nous pouvons avoir entre la chaîne énergétique sur un véhicule électrique et un hydrogène. Les transporteurs et les chargeurs intègrent désormais le fait que les véhicules électriques sont les solutions du futur sur le marché à court et moyen terme. En complément, l’hydrogène serait une solution pour certaines niches de marché spécifiques, lorsque des solutions d’extension d’autonomie seraient nécessaires : dans ce cas, une pile à combustible viendrait recharger les véhicules à batterie dès lors qu’ils auraient épuisé leur autonomie complète. Pour la majorité des applications, l’électromobilité reste la meilleure solution. Elle gagne du terrain tous les ans par l’autonomie. Même la longue distance en électrique va avoir du sens, dès lors que des solutions de recharge rapide seront organisées afin d’utiliser les pauses des conducteurs comme période pour recharger les véhicules. eMT : Les biocarburants ne doivent pas être oubliés dans la transition énergétique ? J.-Y. K. : Même si les solutions d’avenir faisaient qu’en 2030, 50 % des ventes seraient électriques, un des scénarios possibles, 90 % du parc serait encore thermique. Pour MAN, s’il existe des solutions de biocarburants qui pourraient réduire de 65 % à 90 % des émissions de CO2, alors il faut les mettre en œuvre plutôt que les solutions de
Interview diesel et de gaz naturel. Nous sommes persuadés que les biocarburants durables doivent jouer un rôle majeur sous forme de transition d’ici l’arrivée d’un parc complètement électrique. Nous devons promouvoir ces biocarburants plutôt que les énergies fossiles d’une manière pédagogique. Nous devons proposer une offre de véhicules adaptés. Aujourd’hui, tous nos véhicules sont compatibles avec le biocarburant synthétique HVO. Et 80 % de notre gamme sera compatible au B100. Nous avons décidé de ne pas faire de biogaz sur nos véhicules de transport de marchandises. Toutes ces solutions apportent une réduction des émissions entre 65 et 90 %. eMT : Comment se porte le marché du poids lourd en France ? J.-Y. K. : Nous avons réalisé un très bon premier trimestre. C’est même un trimestre record, puisque nous avions une part de marché sur les plus de 6 t supérieure à 12 %. Cela montre que notre véhicule plaît, au conducteur pour l’agrément de conduite ou au patron en termes de performance et de fiabilité du véhicule. MAN s’est bien comporté dans un marché qui est à 20 000 unités fin mai, rigoureusement identique à l’année dernière. Le marché est donc stable (+0,3 %) du fait d’une demande de transport toujours importante malgré les contraintes de production des différents constructeurs. eMT : Qu’en est-il de la pénurie de conducteurs et de l’envolée du prix des matières premières ? J.-Y. K. : Selon la CSIAM [Chambre syndicale des importateurs d’automobiles et de motocycles représentant notamment les constructeurs VI, N.D.L.R.], tous les constructeurs ont été affectés par des problématiques de limitation de production liées à une pénurie de semi-conducteurs, mais pas seulement. En ce qui concerne MAN, le groupe a été durement touché par les conséquences de la
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guerre en Ukraine. Notre production du second trimestre a été perturbée, même si actuellement les usines ont repris. Petit à petit, nous arrivons à gérer les contraintes de nos clients dans les meilleures conditions possibles. La raison première de nos difficultés à produire et livrer des véhicules était liée à la guerre en Ukraine et non au manque de semi-conducteurs. Pour autant, comme chez les autres constructeurs, des stratégies d’approvisionnement ont été mises en place d’une manière générale. Le principe étant de chercher à réduire la dépendance des constructeurs vis-à-vis des fournisseurs. eMT : Les délais de livraison sont-ils moins longs ? J.-Y. K. : Nous avons toujours des délais qui peuvent être assez longs. Mais l’enjeu de la production est majeur pour réduire les délais. Il faut être capable de produire davantage de véhicules. Or, si le marché est stable, les constructeurs n’ont pas réussi à rattraper suffisamment le retard. Rappelons que nous produisons autant de véhicules que l’an dernier et que la demande est supérieure. Les commandes pour MAN sont complètes pour 2022. Nous recherchons des solutions pour pouvoir raccourcir les délais, au moins sur certains produits. eMT : Ces retards de livraison ont-ils des répercussions sur les objectifs CO2 fixés par Bruxelles ? J.-Y. K. : Non, elles ne vont pas retarder nos objectifs. Ils ne sont pas remis en cause. En tout cas, s’ils l’étaient, ce serait pour être encore plus sélectifs qu’ils ne le sont déjà aujourd’hui. La crise liée à la production n’a pas d’impact sur le mix énergétique. La réduction d’émissions de C02 par les constructeurs est plus que jamais un enjeu majeur. Propos recueillis par Hervé Rébillon
rebillon@trm24.fr
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Focus
Électrique, ga ce qui est modifi s Carrosserie Les carrossiers vont devoir faire avec la place et la charge utile résiduelle. Pas facile avec le gaz, et pas davantage avec l’électrique. Certains métiers (et les carrosseries qui y sont associées) sont confrontés à de vrais défis réglementaires et techniques (véhicules de lutte contre les incendies, transport sous règlement ADR).
s Châssis Les véhicules gaz exigent déjà des longerons bien dégagés. Ce besoin sera encore accru avec les véhicules à batteries : où les loger ? À terme, peut-être verra-t-on des châssis-caissons à la place de nos bons vieux longerons façon rails de chemin de fer. Ce serait une véritable révolution structurelle et conceptuelle.
s Réservoirs
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s
La haute densité énergétique du gazole ne sera pas remplacée facilement. Les réservoirs seront donc forcément plus encombrants avec le méthane ou l’hydrogène. De nouveaux équipementiers font leur apparition. Le plus encombrant demeurant sans aucun doute l’électricité qui exige de gros accumulateurs, malgré les progrès récents en ce domaine.
Boîte de vitesses Rien à signaler avec le moteur thermique, même si les moteurs gaz font de bons candidats pour l’accouplement avec la vraie boîte automatique à convertisseur. L’électrification entraîne les transformations les plus radicales, avec a minima la suppression de l’embrayage à friction, voire la suppression pure et simple de la boîte de vitesses.
Focus
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az, hydrogène : fié sur un camion s Cabine Les évolutions seront avant tout dictées par les changements réglementaires. Les nouveaux gabarits du Code européen en sont la preuve. Mais les besoins de refroidissement seront toujours là, quelle que soit l’énergie pour refroidir batteries de traction, pile à combustible, moteurs ou électronique de puissance.
s Moteur Peu de changements pour le passage du diesel au moteur à allumage commandé (méthane ou hydrogène). La culasse concentre les évolutions (présence d’un circuit d’allumage haute tension avec bobines et bougies). Transformation bien plus radicale avec le moteur électrique, plus compact. Mais, même avec une énergie électrique, le circuit de refroidissement demeure indispensable.
s Pneumatiques Les véhicules à batteries posent de grands défis aux fabricants de pneus pour gérer les exigences de moindre résistance au roulement avec les contraintes d’arrivée massive du couple (tant en accélération qu’en retenue) ou de poids supplémentaire (en particulier sur les essieux avant). Vecto change déjà sensiblement les stratégies d’achat des constructeurs.
Avec l’accroissement des tares, et peut-être des masses non suspendues avec les moteurs-roues électriques, les jantes vont devoir s’alléger pour réduire les contraintes s’exerçant sur les chaussées et les véhicules.
s
s Jantes
Arbre de transmission Aucun changement pour les moteurs thermiques, quels qu’ils soient. Le développement des moteurs électriques permettra d’envisager de nouvelles implantations à terme (par exemple dans les moyeux de roues ou à leur proximité immédiate, comme avec le pont-portique ZF AVE130) lorsque les camions seront pensés autour de cette énergie. N°9 • 06/2022
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Focus
L’abécédaire A AC • Courant alternatif. C’est le courant délivré sur le réseau électrique public, il est alternatif car circule alternativement dans un sens puis dans l’autre. Cela est dû à sa génération par des alternateurs lors de sa production. ACV • Analyse de cycle de vie. La méthodologie de l’ACV est standardisée à l’échelle internationale et vise à mesurer les impacts potentiels sur l’environnement d’un produit tout au long de sa vie. Ce cycle se mesure du berceau au tombeau (fin de vie ultime). Elle inclut l’ensemble des autres mesures (du puits au réservoir, du réservoir à la roue, la durée de vie du véhicule, le cycle de vie de l’éventuelle batterie de traction avec la production et l’utilisation de l’électricité). Allumage commandé • Syn. moteur à essence. L’allumage du mélange combustible/comburant se fait par l’apport d’une source d’énergie extérieure, en l’espèce une étincelle délivrée par une bougie d’allumage. Ce sont ces moteurs qui, en norme Euro VI, bénéficient de la vignette française Crit’Air 1. Allumage spontané • Syn. moteur par compression ou moteur Diesel. L’inflammation du mélange se fait par compression, l’air échauffé lors de la remontée du piston vers son point mort haut sert à l’inflammation du combustible lorsqu’il est injecté.
B Biogaz • Matière première issue de la méthanisation. Le biogaz comprend, suivant les intrants et les procédés utilisés, du méthane, du gaz carbonique, de l’azote et du dioxyde de soufre. Il faut donc le filtrer pour en faire du biométhane dit « de qualité réseau », compatible avec le gaz naturel distribué par GRDF. Boil-off • Trad. évaporation. Phénomène de dégazage des réservoirs de GNL lorsqu’ils atteignent une certaine pression. Les bouteilles cryogéniques de GNL n’étant pas prévues pour résister à de très fortes pressions (par opposition aux bouteilles de GNC), il faut libérer dans l’atmosphère la pression de gaz excédentaire lorsque le véhicule n’est pas utilisé pendant plusieurs jours. Ce phénomène est lié au réchauffement progressif du GNL liquéfié. BTL • Sigle de biomass-to-liquid (voir également xTL). La matière première servant d’intrant au processus de transformation est la biomasse (toute matière organique).
C Catalyseur • En chimie, le catalyseur sert à déclencher une réaction chimique. Dans l’industrie du véhiN°9 • 06/2022
cule industriel, on compte principalement le catalyseur d’oxydation (en abrégé on le trouve parfois désigné sous l’acronyme OxyCat) pour les moteurs Diesel Euro III, Euro IV, Euro V et Euro VI. Ils visent à réduire par oxydoréduction les émissions d’hydrocarbures imbrûlés et le monoxyde de carbone. Pour les moteurs à allumage commandé, on a des catalyseurs dits à 3 voies réduisant simultanément les hydrocarbures imbrûlés, les oxydes d’azote et le monoxyde de carbone. CO • Symbole chimique du monoxyde de carbone. Gaz mortel, inodore et incolore. Réglementé depuis les années 1970 par les différents règlements antipollution. CO2 • Symbole chimique du dioxyde de carbone, familièrement appelé gaz carbonique. Dans le transport, c’est un marqueur de la combustion des énergies fossiles. Ce n’est pas un gaz toxique, mais il est réputé contribuer au renforcement de l’effet de serre de la planète Terre. Cryogénie • Le stockage du GNL est dit cryogénique puisqu’à -163 °C. CTL • Sigle de coal-to-liquid (voir également xTL). Procédé à base de charbon. C’est le premier à avoir été développé dans la famille des xTL. Il fut appliqué industriellement pendant la seconde guerre mondiale par l’Allemagne.
D DC • Courant continu. C’est un courant qui circule dans un seul sens entre les deux pôles. C’est typiquement le courant tel qu’il est restitué dans les batteries de traction. Pour cette raison, il faut une étape de transformation du courant alternatif au courant continu lors de la recharge de véhicules à batteries de traction. Elle est réalisée par le chargeur qui peut être embarqué ou externe au véhicule. Diesel • Syn. moteur à huile lourde. Originellement, désigne le nom de famille de Rudolf Diesel, inventeur de ce moteur à allumage par compression. Par extension, désigne tout moteur fonctionnant selon ce principe. L’usage récent désigne par métonymie le carburant gazole pour moteur Diesel. DoD • Sigle de depth of discharge. Trad. profondeur de décharge. Cela mesure le pourcentage exploitable de la batterie. Si le SoC descend en deçà de la valeur critique du DoD, la durée de vie de la batterie de traction peut s’en trouver altérée.
E EMAG • Ester méthylique d’acides gras. En anglais : FAME. Il est pour l’essentiel issu d’huiles végétales. On le trouve incorporé au gazole du commerce à hauteur
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des énergies de 7 à 8 % maximum. Mais il existe pur, comme dans le cas du B100. EN 590 • Désigne le corpus de normes techniques définissant le carburant pour moteurs Diesel. EN 15940 • Corpus de normes techniques définissant les caractéristiques physico-chimiques des carburants paraffiniques de synthèse comme le HVO.
NOx • Symbole chimique désignant les différents oxydes d’azote. Gaz irritant pour le système respiratoire humain. Il est réglementé par les normes antipollution.
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Gazole • Carburant d’origine fossile pour moteurs Diesel à allumage par compression. Depuis les directives européennes Auto-Oil II et RED, le gazole distribué à la pompe en France a une teneur en soufre limitée à 50 ppm (très basse teneur en soufre) et peut contenir jusqu’à 7 % de biocarburants. GNC • Sigle de gaz naturel comprimé. Il est stocké dans des réservoirs sous 200 bar de pression nominale. GNL • Sigle de gaz naturel liquéfié. Pour les moteurs GNV, le méthane est conservé sous forme liquide à très basse température. GNV • Sigle de gaz naturel pour véhicules. Regroupe toutes les applications de véhicules automobiles et industriels fonctionnant au méthane (que celui-ci soit fossile ou issu de biomasse), et cela, quel que soit le mode de stockage du combustible (gazeux ou liquéfié). GTL • Sigle de gas-to-liquid (voir également xTL). Procédé à base de méthane. Si le méthane est issu de matière organique recyclée, il sera alors classé dans les BTL.
PM • Dans le contexte de l’industrie du transport, il désigne un symbole chimique regroupant différentes familles de particules fines. Un chiffre derrière ce symbole désigne la taille en microns des particules considérées. Ces émissions de particules fines font également l’objet des normes Euro VI.
H HC • Symbole chimique de la famille des hydrocarbures imbrûlés. Ces produits, toxiques, sont aussi des précurseurs d’autres polluants réglementés (suies, aromatiques polycycliques, etc.). HVO • Huiles végétales hydrogénées servant de base aux carburants paraffiniques de synthèse. Ce produit diffère des EMAG puisqu’il s’agit d’un gazole de synthèse. Le procédé de transformation est différent, car lors du raffinage et de la transformation des huiles de base, on recrée un hydrocarbure (contrairement au EMAG qui reste une huile végétale). Différentes matières organiques peuvent servir d’intrants, comme les huiles usagées, les résidus d’équarrissage.
L Lambda (sonde lambda) • Le Lambda 1 désigne le rapport air/essence lorsqu’il est stoechiométrique. La sonde lambda située en fin de boucle d’air sur le circuit des gaz d’échappement mesure la teneur en oxygène et envoie un signal au calculateur moteur afin de corriger soit
l’avance à l’allumage, soit la richesse du mélange combustible/comburant.
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S SoC • Sigle de state of charge. Trad. état de la charge. Définit le pourcentage de la charge d’un accumulateur électrique. Stœchiométrique • Définit un rapport entre combustible et comburant. Le mélange est dit stœchiométrique lorsque tous les réactifs sont consommés à l’état final. Cela caractérise les moteurs à allumage commandés, par opposition aux moteurs Diesel qui, par principe, fonctionnent théoriquement en excès d’air.
T Tank to wheel (du réservoir à la roue) • Critère de mesure des émissions de gaz à effet de serre prenant en compte les émissions des équivalents CO2 du réservoir à la roue. C’est le critère retenu par l’Union européenne pour définir les véhicules dits « propres » ou « zéro émission » dans le cadre du programme Fit for 55.
W Well to wheel (du puits à la roue) • Critère de mesure des émissions de gaz à effet de serre prenant en compte l’origine de l’énergie alimentant le véhicule et la façon dont celle-ci est produite (toujours en équivalent CO2). Mesure plus complète que celle se reposant sur le réservoir à la roue, elle ne prend pas en compte les étapes de production des composants entrant dans la fabrication d’un véhicule, ni son recyclage en fin de vie.
X xTL • Sigle de x-to-liquid. Regroupe tous les procédés de conversion de matières organiques ou hydrocarbonées en carburants de synthèse. Le plus connu d’entre eux est le procédé Fischer-Tropsch. N°9 • 06/2022
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Les métiers de l’assemblage de composants électriques et électroniques, ainsi que celui de bobinier ou monteur-câbleur, ont rejoint les lignes de production des moteurs à batteries.
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NOUVELLES ÉNERGIES
Les compétences et les métiers évoluent Avec l’arrivée des nouvelles énergies, les métiers liés à la production et à la vente des véhicules industriels connaissent une révolution, certains évoluent, d’autres disparaissent. Les constructeurs ont dû revoir leur organisation de travail pour s’adapter à l’arrivée de l’électromobilité, principalement.
«C
’est un changement. Nous allons vivre avec ce mix énergétique encore beaucoup de temps. Il va falloir avoir de multiples compétences dans nos métiers pour produire et vendre des véhicules fonctionnant au gaz naturel, avec des biocarburants, de l’électricité, et demain de l’hydrogène », analyse Jérôme Flassayer, directeur électromobilité et éner-
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gies alternatives de Volvo Trucks France. Toute la chaîne, de la création à la commercialisation en passant par la production, est ainsi impactée par la transition énergétique et l’arrivée des véhicules zéro émission. « Les équipes commerciales sont en première ligne sur ces nouvelles énergies. Cette montée en compétences est identique dans les ateliers », souligne-t-il. « Nous devons faire monter en compé-
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tences nos commerciaux d’un point de vue technique pour qu’ils maîtrisent la discussion avec leurs clients, et d’un point de vue outil pour qu’ils puissent les accompagner avec la meilleure énergie pour eux. »
tronique, une maîtrise de l’anglais professionnel et mécatronique pour les ingénieurs en conception mécanique. En ce qui concerne le développement informatique et l’électronique des systèmes embarqués, une connaissance des normes électromagnétiques et des technologies de radar et de raNouveaux métiers dans le secteur diotransmission, des normes et des protocoles des L’Observatoire des métiers de la métallurgie a télécommunications, ainsi que de la plastronique conduit une étude qui avait pour objectif d’analyser pour les ingénieurs en conception électronique, les effets des mutations que traverse la construcest indispensable. La formation va permettre à certion automobile et de véhicules industriels concertains salariés d’évoluer professionnellement. Par nant l’électromobilité. Elle a montré que son déveexemple, un électricien en maintenance industriel, loppement faisait désormais appel à des métiers son métier d’origine, peut suivre une formation aussi qualifiés qu’ingénieur en électrochimie pour pour devenir bobinier, l’un des nouveaux métiers la conception de batteries ou encore ingénieur dans l’industrie du véhicule industriel. Pour José électronique embarquée pour la commande de Manuel Tavares, responsable des compétences gestion des batteries. Des métiers qui n’existaient techniques chez Volvo Trucks, pas hier dans l’industrie du poids « l’idée est d’être pragmatique et lourd. Dans les ateliers, les compéd’emmener les techniciens vers tences évoluent aussi. L’électromoun vrai parcours de formation. bilité stimule principalement les Sur l’entretien et la réparation, métiers de l’assemblage de compoest intégrée immédiatement l’hasants électriques et électroniques, bilitation électrique. C’est aussi ainsi que ceux de bobinier ou monun renfort des fondamentaux de teur-câbleur pour la production des l’électricité. Initialement, nous moteurs électriques. avions dans les ateliers un mécaEn revanche, avec la baisse du thernicien, un technicien et un élecmique, certains métiers sont protricien. Aujourd’hui, ces métiers grammés à disparaître comme les sont en train de se fondre les uns postes de fabrication mécanique dans les autres et tout le monde (buses d’injection, pompes) ou de doit avoir une connaissance de systèmes post-traitement (SCR, cal’électricité et l’électronique. Ratalyseurs). Cependant, ce changepidement, nous formons et nous ment s’effectue progressivement. recrutons différemment avec de « Nous avons encore des mécaniciens Jérôme Flassayer, nouveaux talents, comme en élecmanuels, mais nous avons une évoludirecteur électromobilité tro-maintenance ». tion certaine vers tout ce qui concerne et énergies alternatives de Volvo Trucks France. l’électricité ou encore l’informatique La tâche n’est pas facile, les nouembarquée. Il faut cumuler le côté velles énergies étant complexes manuel tout en évoluant vers de nouvelles compéet nombreuses. La formation aussi doit évoluer. tences », confirme Sandrine Monnier, directrice des « Jusqu’à aujourd’hui, il y avait une seule technoloressources humaines chez Scania France. « Nous gie du moteur thermique à maîtriser. Désormais, c’est recrutons énormément sur des postes comme élecun ensemble de technologies avec l’hybride, l’électriciens. Et les nouvelles énergies nécessitent une trique, le gaz et les biocarburants », note Tony Roy, connaissance différente des moteurs. Il faut une ouresponsable du développement des compétences verture et une appétence pour toutes ces nouvelles et des organisations chez Scania France, qui proénergies et technologies. Cela reste cependant un vrai pose une formation interne pour tout ce qui a trait défi d’attirer les jeunes vers ces nouveaux métiers. » aux produits. « Il y a aussi une notion de capacités. En particulier sur l’électrique qui est une technologie Former à ces nouvelles compétences complexe contrairement au gaz ou aux biocarburants, Une étude réalisée par le pôle de compétitivité où nous sommes toujours sur un moteur et une boîte de vitesses. Ce n’est pas une bascule qui va se faire Cara (European cluster for mobility solutions) en du jour au lendemain. » Les nouveaux utilitaires et Auvergne-Rhône-Alpes avec le soutien de la PFA poids lourds zéro émission demandent un appren(plateforme filière automobile et mobilités) détissage certain et une maîtrise des nouvelles énermontre une carence en formation pour de nougies. Cela prendra du temps. velles compétences avec l’arrivée de l’électromobilité. Pour la maintenance des véhicules, sont Hervé Rébillon désormais demandées des connaissances en élecrebillon@trm24.fr N°9 • 06/2022
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L’info TRM
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Le camion est
déjà propre ! En 30 ans, les émissions de particules fines des poids lourds (diesel) ont baissé de 95 % et celles de NOx de 86 %.
80 %
60 %
40 %
20 %
Euro 0 1988
Euro I 1991
Euro II 1996
Euro III Euro IV 2000 2005
Euro V 2008
Euro VI 2013
% émissions de NOx % émissions de particules fines (PM)
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Prise en main
Thermique o l’Actros dans t À l’occasion d’une présentation à l’usine de Wörth (Allemagne), site de production des camions de la gamme Mercedes-Benz Actros, nous avons pu conduire les dernières évolutions de la gamme et comparer la version diesel et celle électrique, avec un Actros 1848 LS tracteur 4X2 cabine ClassicSpace M, moteur OM471 nouvelle génération Euro VI-e, et un eActros 300 porteur 4x2. Disons-le tout net, la maturité des motorisations diesel n’est pas encore battue par la fougue des électriques. Pour combien de temps encore ?
E
n termes d’innovation, c’est évidemment le Mercedes-Benz eActros 300 qui rafle la vedette à son binôme diesel. Sa chaîne cinématique est entièrement inédite, et cela se voit sur l’implantation des organes à bord du véhicule. Il suffit de voir le positionnement des batteries ou la conception du pont moteur pour comprendre l’ampleur du travail effectué lors de cette conversion. Pour cette découverte dans les environs de Wörth (Rhénanie-Palatinat), le porteur était habillé d’une
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carrosserie fourgon Spier avec un hayon rétractable d’origine Dautel. Le tout, une fois lesté (partiellement), représentait lors de notre roulage une tare inférieure à 15 t (pour un PTAC autorisé de 19 t en France). Face à lui, le tracteur Actros 1848 est d’un conservatisme achevé. Et c’est pourtant l’un des tracteurs routiers parmi les plus innovants du marché, notamment par ses interfaces homme-machine. Les évolutions apportées au moteur OM471 de 12,8 litres sont discrètes mais visent à apporter un gain d’environ 4 % sur les consommations de
Prise en main
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ou électrique, tous ses états gazole. Un progrès qui arrive un peu à contretemps par rapport à l’entrée en vigueur des normes Euro VI-e. Mais le calendrier du groupe Daimler Trucks a été ici davantage dicté par Vecto que par les mises à jour des normes Euro d’émissions polluantes. Les deux camions partagent cependant les mêmes chaînes d’assemblage, la même cabine, et par voie de conséquence la même planche de bord. À quelques détails près toutefois. Pour cette prise en main, l’ensemble était quasiment au maximum du PTRA autorisé de 40 t. Le tracteur était associé à une semi-remorque à rideaux coulissants et à essieu tridem sans dispositif autosuiveur ou directionnel. Que du classique à ce chapitre. Une transmission pas encore mature Honneur à la nouveauté, évoquons le cas de l’eActros 300 porteur 4x2. C’est aussi le véhicule qui amène les commentaires les plus contrastés. Son agrément de conduite est réel, et il le doit à son confort, exceptionnel, mais aussi à sa très grande nervosité. Un agrément moteur qui ne s’atténue pas lors du passage en mode Economy, ce qui mérite d’être souligné. Attention toutefois, nous circulions à moins de 15 t de tare, ce qui est nettement
inférieur au PTAC maximal autorisé en France pour ce modèle. On regrette surtout une transmission encore loin d’avoir atteint un stade de maturité complète. En cause : le passage des rapports trop perceptible, voire carrément piégeux lors des rétrogradages. En effet, lorsque la récupération d’énergie était activée, nous avons eu la très désagréable surprise de nous retrouver en roue libre en arrivant à un feu de circulation le temps que la transmission passe du second au premier rapport. D’où l’action urgente sur les freins au détriment du confort et de la sécurité. En outre, le manque de personnalisations en ce qui concerne l’implantation des prises de recharge est un handicap potentiel en termes d’exploitation. Les équipements de l’eActros ne rivalisent pas encore avec ceux de son homologue diesel. À ce chapitre, l’Actros 1848 à cabine ClassicSpace M de 2,3 m de large conserve l’avantage de son Predictive Powertrain Control (PPC) optionnel, toujours aussi astucieux et rapide dans ses anticipations. Si les progrès annoncés sur le moteur et la boîte ne nous ont pas paru flagrants faute de mesures chronométrées, l’agrément ressenti à bord a été manifeste. Le moteur, testé en mode A ou Normal de paramé- ••• N°9 • 06/2022
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Prise en main Comme nombre de concurrents, le Mercedes-Benz eActros n’a pas de chargeur embarqué. Il faut donc un chargeur externe pour le recharger. Actuellement, seule une prise côté gauche, derrière la cabine à peu près à la cote d’entrée de carrosserie, est prévue.
Cette vue fantôme du Mercedes-Benz eActros 300 (ici en silhouette 3 essieux) révèle l’implantation de ses packs de batteries sous le châssis.
trage, fait preuve d’une allégresse et d’une vivacité qui feront ravaler aux grincheux leurs discours sur ces moteurs Euro VI amorphes. Mais pour en profiter, il ne faut pas que le programme Fleet (option code G0Z) ait été retenu, puisque celui-ci agit comme « castrateur électronique » supprimant le kick-down et limitant la vitesse maximale à 85 km/h. À ce titre, l’option code G0U, Programme Economy, est plus pertinente parce que moins restrictive au quotidien car facultative et autorisant, à l’appui sur l’accélérateur, la circulation ponctuelle jusqu’à 90 km/h, même sous programmateur de vitesse Temponat. La petite cabine de 2,3 m de large ClassicSpace n’offre évidemment pas l’habitabilité des grandes sœurs de 2,5 m StreamSpace, BigSpace et GigaSpace, mais le conducteur bénéficie de toute l’amplitude de réglage nécessaire pour trouver une bonne position de conduite. Le tout dans une ambiance plutôt chaleureuse pour un véhicule dédié à la distribution régionale. La cabine bénéficie également d’une très belle finition et de plastiques qui sauront flatter aussi bien les yeux que le toucher. Notez que ce modèle est disponible en version Actros F, et que cette présentation plus traditionnelle, sans MirrorCam et autre afficheur à instruments entièrement numérique, peut également être livrée avec les nouvelles évolutions mécaniques intervenues sur les moteurs OM471. Certainement un choix très rationnel pour les missions en régional comme ce fut le cas lors de cette prise en main. Le thermique séduit encore Votre Actros, vous le préférez à moteur thermique ou électrique ? Côté agrément, les équipes de Daimler Trucks se sont surpassées dans les deux cas : vivacité, nervosité, disponibilité, couple et puissance, tout est là. Ajoutez-y un exceptionnel silence pour l’électrique et un son délicieux pour N°9 • 06/2022
le 6 cylindres OM471 de troisième génération qui ravira tous les mélomanes. L’architecture technique de l’eActros retient l’attention, puisqu’il s’agit de deux moteurs intégrés dans le pont arrière, à l’image de ce que fait Allison Transmission pour ses ponts ePower. Mais l’entraînement des engrenages se fait ici différemment. Pour le reste, on ne saura pas grand-chose du moteur de l’eActros 300, hormis qu’il développe 330 kW de puissance en continu et 400 kW de puissance en crête (visualisée au tableau de bord par l’affichage du mode Boost). L’Actros 1848 à motorisation diesel 6 cylindres de 12,8 litres est plus connue mais évolue dans de nombreux détails. La fonction d’accroissement du couple disponible sur le moteur OM471 de troisième génération est étendue aux rapports de boîte 7 à 12. Elle n’est disponible que pour les silhouettes 4x2 et 6x2 à vocation routière. Le couple moteur passe alors de 2 300 Nm à 2 500 Nm, avec un bénéfice dès 900 tr/mn. La plage de force maximale est ainsi comprise de 900 tr/mn à presque 1 300 tr/mn. Le modèle de la prise en main développait 476 ch à 1 600 tr/mn. Notez que la fonction d’accroissement de couple impacte également la courbe de puissance, qui monte beaucoup plus tôt et atteint presque le maximum dès 1 500 tr/mn. Au niveau des différences entre les OM471 de deuxième et troisième générations, elles sont nombreuses mais subtiles : les têtes des pistons sont inédites et créent un « effet swirl » de turbulence, le nez des injecteurs est inédit, tandis que le taux de compression a été rehaussé de 18,3:1 à 20,3:1. La pression dans les chambres au début du cycle de combustion est portée à 250 bars. Cela a pour effet d’améliorer la combustion et d’augmenter l’efficience thermodynamique, ce qui est bon pour les consommations mais accroît la charge de travail de la catalyse DeNOx.
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Le Mercedes-Benz eActros est évidemment prévu pour les missions urbaines ou périurbaines. Les groupes froid, comme cette unité Frigoblock, sont prêts pour ces véhicules entièrement électrifiés.
FICHE TECHNIQUE Mercedes-Benz eActros 300 porteur 4x2
Mercedes-Benz Actros 1848 LS
tracteur 4X2, cabine ClassicSpace M, moteur OM471 nouvelle génération Euro VI-e Moteur eActros ★★★★ Moteur Actros 1848 LS 4X2 ★★★★ Le 6 cylindres OM471 de troisième génération séduit. Les deux moteurs sont intégrés dans le pont arrière, mais l’entraînement des engrenages se fait ici différemment. Pour le reste, L’eActros 300 développe 330 kW de puissance en continu et 400 kW de puissance en crête. L’Actros 1848 à motorisation diesel 6 cylindres de 12,8 litres est plus connu mais évolue dans de nombreux détails.
Transmission eActros ★ Transmission Actros 1848 LS 4X2 ★★★★ L’eActros 300 nous a franchement déçus. La présence des deux rapports se fait beaucoup trop sentir, à la montée mais surtout au rétrogradage. On perçoit distinctement l’interruption du couple lors du changement de rapport, et lors des rétrogradages, on peut se retrouver en roue libre au plus mauvais moment sans autre recours que l’action sur les freins.
Maintenance eActros ★★★ Maintenance Actros 1848 LS 4X2 ★★★ Pour la version électrique, les contrôles se résument aux niveaux des vases d’expansion des circuits de refroidissement des batteries et des moteurs de traction. Pour l’Actros 1848LS 4x2, si on peut contrôler de visu le circuit de refroidissement, il faudra basculer la cabine pour l’accès à la jauge à huile moteur (ou alors faire confiance à l’électronique de bord).
Daimler annonce également avoir travaillé sur le circuit de dépollution, que ce soit pour réduire les contre-pressions à l’échappement ou pour améliorer l’homogénéité de la diffusion et de la vaporisation de l’AdBlue. Un dispositif EGR reste présent. Comme d’habitude, afin d’optimiser la « boucle d’air », la suralimentation est revue en profondeur. Toujours à simple turbocompresseur à géométrie fixe, mais dotées d’un système d’admission d’air variable, et toujours fabriquées par le groupe Daimler, les turbines sont désormais de deux types. Le modèle Actros de la prise en main de 476 ch était doté de la version optimisée pour les consommations. L’électrique pour l’urbain L’eActros 300 était classiquement en silhouette 4x2, typique des missions de distribution urbaine, disponible uniquement en 5 500 mm d’empattement. Une version de 4 600 mm est disponible en silhouette 6x2/4. On relève que l’essieu avant est ici en standard de 8 t de capacité, en raison du poids des batteries situées immédiatement derrière le passage de roues. Le pont arrière, appelé eAxle chez Daimler, a une capacité de 11,5 t. La direction est assistée via une pompe électrohydraulique qui a la bonne idée de ne pas se désactiver lors des arrêts. Bizarrement, le rayon de braquage nous est apparu excessivement grand. Un handicap potentiel en ville. À ce chapitre, le tracteur Actros 1848 s’en sort avec les honneurs, aidé en cela par son empattement de 3 700 mm. Rien à signaler, il se fait purement et simplement oublier avec le très classique pont arrière à suspension pneumatique. Une option suspension pneumatique intégrale est évidemment proposée. Subtilité : la suspension de cabine, même mécanique, existe en deux variantes, standard et confort. Il semblerait que nous ayons eu ici la configuration standard. Rappelons ••• N°9 • 06/2022
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La crosse supportant les MirrorCam a vu son bras sensiblement réduit en longueur. Cela devrait réduire le nombre de casses.
que nous étions sur le réseau routier des Länder de Rhénanie-Palatinat et Baden-Württemberg, plutôt en meilleur état que certains tronçons de notre habituel parcours de prise en main du Nord-Dauphiné. Le pont avant avait une capacité de 7,5 t sur l’Actros 1848, mais il existe des variantes à 8 t ou 9 t pour l’essieu avant. Si le pont de l’eActros est très spécifique, celui de l’Actros 1848 était classiquement doté du pont Mercedes-Benz RO440 à denture hypoïde de 13 t de capacité technique. Les jantes étaient en acier 9.00x22.5. Sans bruit Le compromis obtenu est très satisfaisant. Signalons toutefois que nous avons circulé sur des routes allemandes dans les environs de Wörth. De fait, nous n’avons pu les confronter aux charmantes déformations, ralentisseurs et autres irrégularités de chaussées de notre parcours habituel en NordIsère. Le bilan est très légèrement supérieur à bord du tracteur routier, ce qui est inhabituel. En effet, si la suspension du porteur 2 essieux ne mérite que des éloges (grâce à sa suspension pneumatique intégrale en série), la direction électrohydraulique de l’eActros 300 nous est apparue inutilement démultipliée, une caractéristique qui, curieusement, n’affectait pas le tracteur. En termes de confort, on peut voir le verre à moitié vide ou le verre à moitié plein à propos de l’insonorisation du moteur du tracteur Actros 1848 : les mélomanes se réjouiront de la sonorité et des harmoniques du 6 cylindres en ligne OM471. On perçoit même, mais c’est subtil, le son du turbocompresseur sous charge moteur. Mais ceux qui auront goûté à la quiétude de l’électrique trouveront l’AcN°9 • 06/2022
tros thermique bruyant. Notez qu’il existe une option (code M0U) pour un renfort d’insonorisation, elle entraîne toutefois un accroissement de tare de 24 kg. Celle-ci n’était pas montée à bord de l’Actros 1848. Le frein moteur High Performance Engine Brake génère forcément un bruit, mais cela reste à des niveaux raisonnables. Évidemment, au chapitre
La cabine 2,3 m ClassicSpace M des Mercedes-Benz Actros et eActros n’est autre que celle de feu l’Antos. L’amplitude des réglages pour le conducteur est pleinement satisfaisante, tout comme le volume habitable de cette cabine, la plus petite de la gamme Actros.
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Comment distinguer un Actros d’un eActros sur cette vue ? Tout simplement en découvrant l’imposant bouton d’arrêt d’urgence de la chaîne de traction situé au pied de la console centrale. Le bouton stop/start avec la télécommande sans contact relève du gadget à la mode.
insonorisation, l’eActros domine les débats comme souvent avec les véhicules électriques. Pour la tenue de route, rien à signaler, dans les deux cas, cela ne bouge pas. Mais l’Actros 1848 LS 4x2 a peut-être profité de son option Trailer Stability Control Assist. On ne le saura jamais, mais vu les vitesses pratiquées et l’état des routes, il y avait peu de chances qu’il se réveille.
Jean-Philippe Pastre
pastre@trm24.fr
La prise en main dans son intégralité à découvrir sur :
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Un confort à bord apprécié L’accès à bord est facile, l’emmarchement très large et bien conçu. Le champ de vision profite à plein de la suppression des coques de rétroviseur, ce qui facilite le contrôle à l’abord des ronds-points. En revanche, le détecteur de piétons et d’angle mort nous a généré, sur les deux véhicules, de fausses alertes, ce qui est inutilement stressant, voire agaçant à la longue. De même, les lignes de collimatage des MirrorCam qui étaient si appréciées se sont inutilement complexifiées sur cette nouvelle génération, énième illustration de « l’excès d’information tue l’information ». On apprécie la commande du frein de parc électrique, malgré un dessin qui rappellera immanquablement un fer à repasser. On demeure cependant plus sceptique sur le bouton stop/start tant à la mode. Ces équipements sont de gros consommateurs de piles de télécommande pour un bénéfice qui reste à prouver à l’usage, car cela ne fait rien gagner en nombre de manipulations avant de démarrer. Les versions à afficheur tout numérique Multimedia Cockpit ont un volant multifonction avec pavé tactile. Pas toujours évident à utiliser, d’autant que les touches sont toutes petites. Un écueil que le volant du classique afficheur analogique (tou-
jours disponible sur l’Actros F ou en option) évite. L’afficheur du Multimedia Cockpit ne valorisant pas toujours les informations les plus utiles (comme le compte-tours sur le moteur Diesel, trop petit). À l’inverse, ce moniteur tout numérique prend tout son sens sur l’eActros. Mais on apprécie le raccourci clavier pour le réglage du chauffage/climatisation ou certaines fonctionnalités du véhicule. Pour l’espace habitable et les rangements, Mercedes-Benz a fait au mieux, sachant que nous avions ici la cabine étroite de 2,3 m dite M ClassicSpace dans une version à toit normal. Mais le confort procuré et l’habitabilité sont très convenables. Pour les métiers de la distribution, cette cabine se révèle amplement suffisante, d’autant qu’elle offre nombre d’espaces de rangement, et surtout de très larges amplitudes de réglages au poste de conduite.
TRM24.fr
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Votre camion à hydrogène, avec moteur thermique ou pile à combustible ? Jusqu’à récemment, la définition du camion à hydrogène était univoque : cela signifiait qu’il était doté d’une pile à combustible et de batteries de traction. Mais depuis quelques mois, cette définition s’enrichit sensiblement avec la révélation de travaux autour du moteur à hydrogène.
L
e premier constructeur à avoir annoncé qu’il travaillait sur un moteur fonctionnant à l’hydrogène pur fut, dès 2021, Daf. Mais il n’est pas le seul. Dans le secret des laboratoires de l’IFP Énergies nouvelles (Ifpen), un moteur Renault Trucks DTI8 se trouve ainsi transformé pour fonctionner avec ce gaz. Une surprenante initiative quand on connaît l’engagement du groupe Volvo autour de la mobilité électrique et de la pile à combustible. En effet, Volvo AB s’est engagé en 2021 aux côtés de Daimler Trucks dans une coentreprise chargée de développer et d’industrialiser à grande échelle des piles à combustible. Mais ce n’est pas le seul industriel à tenir deux fers au feu. Le motoriste Cummins,
qui a engagé sa mue électrique, a également annoncé en juin 2022 le développement de moteurs fonctionnant directement avec ce combustible. Et il ne faut pas oublier des bureaux d’études indépendants, comme Keyou en Bavière (Allemagne), qui transforment depuis 2019 des moteurs Diesel en moteurs à allumage commandé fonctionnant à l’hydrogène. Un étrange paradoxe, à l’heure où le Parlement européen se pare de vert en votant au mois de juin 2022 une résolution bannissant les moteurs thermiques dès 2035. Mais la complexité juridique européenne pourrait laisser une échappatoire, via la directive RED II, aux véhicules émettant au plus 1 gr de CO2/km et par kW. Till Oberwörder, ••• N°9 • 06/2022
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Dans une des cellules de banc d’essai moteurs de l’IFP Énergies nouvelles de Solaize (Rhône), est testé un moteur à allumage commandé fonctionnant à l’hydrogène Renault Trucks DTI8. Ce moteur, sans ses équipements de dépollution répondrait déjà aux normes Euro VI-e.
directeur général de Daimler Buses, lors d’une conférence de presse tenue en mai 2022, n’imaginait pas une maturité technique du moteur à hydrogène avant 10 ans. S’il reconnaît que le bilan de cette option serait d’obtenir un véhicule zéro émission en termes de CO2 à l’échappement, il souligne que l’on ne sera pas zéro émission au sens entendu par l’Union européenne. Martin Daum, président du conseil d’administration du groupe Daimler Trucks, pose également la question de savoir si les politiques, que ce soit au niveau européen ou local, voudront encore d’un moteur thermique, fûtil avec ce type de carburant. Pourquoi, dans un tel contexte d’hostilité à l’égard du moteur thermique, des constructeurs et motoristes parmi les plus importants du secteur s’engagent-ils dans la double option pile à combustible et moteur thermique à hydrogène ? L’hydrogène pour le besoin de puissance La réponse, il faut la chercher auprès des scientifiques de l’IFP Énergies nouvelles qui a (exceptionnellement) ouvert les portes de ses laboratoires aux journalistes en avril dernier. François Kalaydjian, directeur Économie et veille et coordinateur hydrogène, considère que « l’hydrogène est un très bon levier pour décarboner le système énergétique des transports », en particulier lorsque l’on a de gros besoins d’énergie (donc de puissance), d’autonomie, ou des temps de recharge contraints. Mais cela induit une multiplication par 7 de la demande en hydrogène décarboné (dit « vert » lorsqu’il est issu d’énergies non fossiles ou « bleu » lorsque la production de dihydrogène est associée à du captage et du stockage de CO2). Partant de ce postulat, deux options sont envisageables : un véhicule électrique doté d’une pile à combustible ou bien la combustion de l’hydrogène dans un moteur à combustion interne. L’Ifpen relève N°9 • 06/2022
en particulier que les écarts en émissions de gaz à effet de serre (dans le cadre d’une analyse de cycle de vie complète, pas seulement sur une vision du réservoir à la roue) entre les deux options sont faibles. Dans les deux cas, l’impact des réservoirs de stockage, tant en bilan carbone qu’en coût, devra être considérablement réduit si l’on veut rendre la filière compétitive. Stéphane Henriot, responsable pile à combustible au centre de résultats transports de l’IFP Énergies nouvelles, confie que « pour 1 kg d’hydrogène stocké à 700 bar, il faut compter 20 kg de réservoir ». Par ailleurs, selon l’institut, le surcoût des moteurs à combustion dihydrogène est lié au choix qui sera fait en termes d’injection : l’injection directe offre un meilleur rendement et une plus grande sécurité d’utilisation (moindre risque de retours de flamme), mais elle est plus coûteuse industriellement que la technologie à injection indirecte (laquelle est moins complexe à implanter sur le haut moteur).
Si les spécialistes des réservoirs cryogéniques et hydrogène sont aujourd’hui américains, les français Faurecia et Plastic Omnium développent leurs solutions de stockage de dihydrogène. Un enjeu technique et financier pour les constructeurs et la filière hydrogène.
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Rendement du système PàC (%)
Mais son rendement est Stéphane Henriot est luMesures expérimentales Ifpen meilleur à charge partielle. cide quant aux défis qui 70 C’est exactement l’inverse attendent la pile à comsur un moteur à combustible appliquée dans 65 bustion interne : à pleine les transports lourds. Il y 60 charge, le rendement du a le prix de la pile elle55 moteur à combustion inmême, mais aussi celui du 50 terne est globalement sudihydrogène ! Aujourd’hui, périeur à celui de la pile ». il est estimé autour de 45 Intégration optimisée Sous forte sollicitation, la 12 €/kg. Un prix orienté 40 Système non intégré pile va générer des caloà la hausse du fait de son 35 ries qu’il faut impérativereformage à partir du mément dissiper sous peine thane fossile dont le prix 30 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 de voir son rendement se a littéralement explosé Puissance délivrée par le système PàC (en relatif) dégrader davantage. Des depuis 2021, et plus enéchangeurs devront avoir core depuis la guerre en Ce diagramme montre la chute de rendement de d’importantes surfaces Ukraine fin février 2022. la pile à combustible lorsque l’on s’approche de sa d’échange, ce qui a un efUn prix qui s’explique puissance nominale (soit 1). Mais l’IFP Énergies fet négatif sur la traînée également par la pureté nouvelles estime qu’en optimisant le fonctionnement et le pilotage de la pile ainsi que son intégration à aérodynamique du véhiexigée dite de grade 5 bord, des gains significatifs peuvent être obtenus cule. En outre, pour être (soit plus de 99,97 % de à relativement court terme (courbe du haut). à son optimum, la pile pureté) pour alimenter exige des températures une pile à combustible. Le de l’ordre de +75 °C à +80 °C. Pour cette raison, les responsable reconnaît aussi les pertes de rendement travaux portent autant sur l’optimisation de la pile dues à la gestion du refroidissement et des enjeux elle-même, de son électronique de puissance, que de durabilité. En outre, si un véhicule à batteries obsur son intégration à bord. Pierre Leduc, chef de tient en bout de chaîne un rendement global oscilprojet véhicules électrifiés et piles à combustible à lant de 0,6 à 0,76 kWh (pour 1 kWh pris en entrée) l’Ifpen, confirme que les gains à en retirer peuvent pour la pile, on ne peut espérer que 0,23 à 0,4 kWh. aller de 15 à 20 %. « Une valeur comparable à celle d’un moteur Diesel », conclut Stéphane Henriot. Ce qui nous ramène aux L’IFP Énergies nouvelles travaille également sur contraintes évoquées plus haut : la pile ne se justifie la durabilité de la pile et sur la compréhension du que dans certains cas. Autre surprise, le comportevieillissement de ses stacks. Pour ces recherches, ment de la pile face au moteur à combustion interne. l’institut a monté sur son centre de Solaize (Rhône) un banc d’essai accueillant des piles jusqu’à La revanche du moteur à combustion interne 210 kW de puissance unitaire. L’encombrement des Stéphane Henriot note un paradoxe : « plus la pile à échangeurs comparé à la taille de la pile à comcombustible est forte en kWh, plus elle est coûteuse. bustible elle-même illustre parfaitement le •••
Le banc de mesure de performances de pile à combustible est, selon l’IFP Énergies nouvelles, le plus puissant actuellement opérationnel en France. Les travaux sur le moteur à combustion interne à hydrogène ont été repris en 2019. L’institut cherche autant à accroître les performances des systèmes qu’à identifier les domaines de pertinence des deux filières (moteur ou pile à combustible).
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Les carburants gazeux (méthane ou dihydrogène) présentent des avantages et des risques très spécifiques dans un moteur à allumage commandé. Parmi les avantages, une combustion potentiellement très complète. Parmi les inconvénients, le danger des retours de flamme, très destructeurs.
propos des ingénieurs. Cette cellule représentant un investissement de 700 000 à 800 000 € (sur fonds propres de l’Ifpen) était nécessaire pour le déroulement du programme Coram ECH2, piloté par l’équipementier français Vitesco Technologies et dédié au développement d’une électronique de contrôle pour les systèmes pile à combustible hydrogène. Dans la cellule voisine trône un moteur, banal en apparence. Les spécialistes reconnaîtront un moteur Renault DTi8 de 7,7 litres de cylindrée. Il est un support du programme Coram MH8 coordonné par Renault Trucks. Ce banc d’essai destiné aux moteurs à combustion hydrogène représente, selon Richard Tilagone, directeur de la Direction recherche systèmes moteurs et véhicules de l’IFP Énergies nouvelles, un montant de 1,5 M€ d’investissement. Dans les faits, ce moteur originellement Diesel Euro VI fonctionne suivant un cycle à allumage commandé en injection indirecte de dihydrogène ! L’injection indirecte retenue ici rend plus facile l’implantation de la bougie d’allumage dans la culasse. Les partenaires du programme MH8 refusent de dire s’ils privilégieront l’injection directe ou indirecte, mais toutes les options semblent ouvertes. Florence Duffour, chef de projet Motorisation thermique hydrogène à l’Ifpen, confie que ce moteur répond, sans post-traitement, N°9 • 06/2022
Stéphane Henriot, responsable pile à combustible au centre de résultats transports de l’Ifpen.
Richard Tilagone, directeur de la Direction recherche systèmes moteurs et véhicules de l’Ifpen.
aux normes d’émissions Euro VI-e, mais qu’il faudra recourir à un tel équipement avec la future norme Euro VII (dont on attend le cahier des charges définitif). Quoi qu’il en soit, selon la responsable, les besoins de capacités en post-traitement des gaz d’échappement seront considérablement réduits. Fait particulièrement intéressant, ce moteur est également bien connu chez Volvo sous l’appellation Volvo D8K. De là à imaginer que la « religion » tout électrique affichée par Volvo AB puisse être à terme nuancée par l’apparition de véhicules à motorisation hydrogène, il y a un pas… que nous franchissons. Cette hypothèse n’est pas si fantaisiste quand on garde à l’esprit l’avantage du moteur thermique en termes de coût et de longévité face à la pile à combustible. En outre, il préserverait l’outil de production des industriels tout en étant moins dépendant des métaux précieux ou rares. Ultime argument rappelé par Bertrand Gatellier, responsable moteurs à hydrogène au centre de résultats transports de l’IFP Énergies nouvelles : « le moteur à combustion peut se contenter d’un hydrogène de grade 2 », nettement moins pur que celui exigé par les piles à combustibles. Jean-Philippe Pastre pastre@trm24.fr
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Comment les ZFE valorisent les camions GNV d’occasion Avec la certification Iveco OK Trucks Premium associée aux camions GNV d’occasion de la marque, le réseau français propose un moyen de rentrer en Crit’Air 1 dans les ZFE à moindre coût. L’occasion zéro émission n’a plus rien à envier au neuf.
U
n des freins à la fameuse transition énergétique est le coût d’investissement pour l’acquisition des camions GNV ou électriques. Avec la commercialisation, intervenue en 2017, des premiers camions Stralis équipés du moteur Iveco Cursor 9 de 400 ch, la firme italienne faisait sortir des motorisations GNV de leur ghetto urbain. Un pouvoir d’attraction renforcé depuis l’arrivée du moteur Cursor 13 en 460 ch, modèles qui vont commencer à apparaître sur le marché de l’occasion. Anticiper les réglementations Face aux échéances des ZFE-m qui se profilent à court et moyen terme, ce recours aux VO (véhicules d’occasion) peut être une option rationnelle pour les entreprises qui effectuent de la distribution régionale et désirent s’affranchir du bannissement des moteurs Diesel (fussent-ils Euro VI). Iveco compte profiter de la classification Crit’Air 1 de ses modèles GNV pour leur offrir une belle seconde
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vie. Avec la labellisation OK Trucks, Miguel Gonzalez, directeur de l’activité VO chez Iveco France précise : « on continue dans la valorisation du VO par le service, ils ont les mêmes offres qu’un VN [véhicule neuf, N.D.L.R.] ». Ainsi, des contrats de location avec buy-back (Iveco Capital), ou des contrats de maintenance et d’extension de garantie (Iveco Elements, pouvant aller jusqu’à l’intégralité du véhicule) sont-ils proposés sur la base d’une période type de 36 mois. Les Iveco Stralis XP peuvent aussi bénéficier des offres télématiques Top Care. « On a travaillé également sur la garantie, un facteur de coût important d’un VO », poursuit-il. Si les véhicules trop anciens, trop kilométrés ou en dehors du marché (boîte manuelle, motorisations de 330 ch) partent à l’export, Miguel Gonzalez n’hésite pas à reprendre des véhicules de 500 000, voire 600 000 kilomètres. Quitte à changer préventivement certains composants comme les turbocompresseurs au moindre doute. Pour rassurer les clients, la firme a prévu dans le label OK Trucks Premium un
Actualité ensemble de contrôles et de mises à niveau systématique : outre un bilan des compressions, passage à la valise diagnostic, contrôle des injecteurs, tests routiers (y compris en charge), contrôle des trains roulants, des faisceaux électriques et du bon fonctionnement de l’ensemble de l’électricité (batteries incluses), des circuits de gaz et un examen des éléments de confort, suit une révision complète. Elle inclut pour les moteurs GNV le réglage du jeu aux soupapes, le changement des bougies d’allumage, des prolongateurs de bobines, le remplacement de la sonde lambda et de la valve pop-off et le montage de pneus neufs. Un kit pièces de rechange a été défini par Iveco France pour changer d’office certains composants des véhicules devant bénéficier de ce label OK Trucks Premium. Les démonstrateurs des concessionnaires peuvent faire la mise en main des VO aux nouveaux clients de la même façon que s’il s’agissait de véhicules neufs. En gaz comme en diesel, la ressource est limitée Un des problèmes de Miguel Gonzalez est, comme pour ses confrères et concurrents, l’accès au « gisement » de véhicules. « Nous avons un parc circulant de 150 Stralis NP au GNV qui devrait théoriquement rentrer en 2022 (…) Nous espérons en rentrer 70 en 2022. Pour 2023, il y aurait une centaine de 400 ch et 80 unités de 460 ch annoncés ; mais malheureusement pas de porteurs », confie-t-il. S’agissant des buy-back, un nouveau phénomène apparaît : les clients exercent leur option d’achat et achètent leurs véhicules au terme du contrat, ou renégocient pour en prolonger la durée, ce qui vient perturber le bel ordonnancement initial. Miguel Gonzalez ne s’en cache pas : avec la SDVI et son
Les contrôles des véhicules GNV pour le label OK Trucks Premium sont plus poussés que pour les équivalents Diesel. Ceci tient aussi bien au kilométrage des camions entrants, plus élevé, qu’aux spécificités des moteurs GNV.
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Les contrôles qualité au retour des contrats de location sont définis dès la souscription. Trous apparents, brûlures et déchirures de plus de 5 mm constituent autant de points de démérite lors de la restitution. L’objectif est un véhicule aussi valorisant que possible pour les nouveaux acquéreurs.
département Ateliers équipements spéciaux basé à Rezé (Loire-Atlantique), la transformation de tracteurs en porteurs, sur un protocole standardisé, avec changement de longerons et procédures d’homologations administratives simplifiées, est très sérieusement étudié. La valorisation du véhicule d’occasion n’en est qu’à ses débuts chez Iveco France. Cela pourrait-il aller jusqu’à l’apparition de séries spéciales, à l’image des Renault T 01 Racing de Renault Trucks ? L’Iveco S-Way Magirus pourrait donner des idées. Pour les acheteurs, se pose une autre question, d’ordre technique. Quel stockage de gaz choisir entre GNC et GNL ? Le site Iveco CRP de Piacenza (Italie) a converti des Iveco GNL en GNC. Ce changement de réservoirs est coûteux, mais peut se révéler indispensable pour conquérir de nouveaux marchés loin des stations distribuant du GNL. Le GNC profitant d’un meilleur maillage de points de ravitaillement et présentant l’avantage de ne pas avoir de phénomène de déperdition par évaporation (le boil-off caractéristique du GNL lorsque le véhicule reste inactif trop longtemps). En régional, l’autonomie n’est pas aussi critique, ce qui rend les véhicules GNC compétitifs. Si 70 % des Iveco GNV sont vendus en neuf sous stockage liquéfié, la demande est exactement inverse sur le marché du VO où ce sont les réservoirs de gaz sous 200 bar qui génèrent le plus de demandes. Faudra-t-il standardiser ces conversions ? Quoi qu’il en soit, la vignette Crit’Air 1 est, avec la labellisation et les services associés OK Trucks Premium, un facteur qui joue paradoxalement plutôt en faveur de la seconde vie des GNV d’Iveco. Surtout s’ils conservent leur avantage financier face aux VN. Jean-Philippe Pastre
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Interview
Olivier Poncelet Délégué général de l’Union TLF
« La transition énergétique se fera de manière systémique et sur l’ensemble de la chaîne » eMAG TRANSPORT : Comment se portent les entreprises de transport routier et de logistique dans ce contexte encore tendu (hausse du carburant, pénurie de conducteurs) ? Olivier Poncelet : La période reste complexe et incertaine. Nous avons à la fois des facteurs conjoncturels économiques et géopolitiques et des problèmes plus structurels, comme les difficultés de recrutement et les investissements massifs dus à la transition énergétique. Nous savons que tous les secteurs sont touchés par l’inflation, et cela pose des questions sur la façon de préserver la compétitivité du secteur dans la durée. L’enjeu est que l’ensemble de la chaîne transport et logistique puisse absorber tous ces facteurs. Aujourd’hui, la demande est là, mais nous devons être vigilants et anticiper en regardant les indicateurs à la rentrée pour voir comment se profile l’année 2023. eMT : L’envolée du prix du gasoil inquiète-t-elle les transporteurs ? O. P. : 98 % des poids lourds roulent aujourd’hui au gasoil en France. De fait, nos entreprises de transport et logistique suivent de très près l’évolution du prix du diesel. L’Union TLF et les autres organisations se sont mobilisées auprès du Gouvernement pour une aide dédiée de 400 M€ pour accompagner les entreprises à passer le choc de manière conjoncturelle. Il y a aussi un effort fait par la profession pour vulgariser, informer et sensibiliser sur le processus d’indexation du carburant, qui date de la loi de janvier 2006. Nous incitons les entreprises à faire appliquer ce dispositif auprès de leurs clients et à valoriser leurs prestations de transport. De son côté, l’administration joue aussi le jeu en renforçant les contrôles. C’est une chose qui peut aller dans le bon sens. eMT : On évoque aussi une pénurie de camions. Qu’en est-il ? N°9 • 06/2022
O. P. : Nous constatons que les délais pour commander un véhicule peuvent aller jusqu’à 18 mois. Si vous commandez du matériel aujourd’hui, il risque de vous être livré fin 2023. Parallèlement, le marché de l’occasion est aussi en tension et nous rencontrons des difficultés sur les pièces détachées, ce qui peut entraîner l’immobilisation de certains véhicules. Nous avions déjà sensibilisé le ministère de l’Industrie il y a quelques mois. Ce sont des problématiques directement liées à la désorganisation du commerce international que nous vivons depuis plus de deux ans. Cela interroge sur les enjeux de souveraineté et de réindustrialisation. Notre transport, qui est impacté aujourd’hui par ce problème, peut être un des leviers pour faciliter cette réindustrialisation. Si vous n’avez pas un pays attractif en termes de performances sur les enjeux logistiques, vous n’attirez pas les investissements dans l’industrie. eMT : Les entreprises du secteur doivent désormais renouveler leur parc avec des véhicules « vertueux », ces investissements importants ne sont-ils pas la goutte d’eau qui fait déborder le vase ? O. P. : Nous avons tous conscience qu’il faut aller dans la transition écologique et énergétique, et le secteur y est engagé depuis de nombreuses années. Maintenant, pour passer un nouveau cap, il va falloir que nous soyons davantage accompagnés. Cela suppose un cadre national qui soit lisible et harmonisé entre les niveaux européens, français et locaux. D’autre part, il va falloir que nous ayons des éléments de réassurance en termes de disponibilité de l’énergie, en matière de production comme de distribution. Cela suppose également des mesures pour accompagner le verdissement des flottes. C’est un investissement fort pour les entreprises du secteur. Beaucoup ne seront pas en capacité de
Interview basculer leur parc si elles n’ont pas l’effet de levier d’une aide publique. D’ailleurs, dernièrement, il y a eu un appel à projets qui soutenait l’acquisition de véhicules lourds électrique et qui a bien fonctionné. Il montre clairement que les entreprises du secteur sont prêtes. eMT : La transition énergétique est-elle acceptée et comprise par les entreprises et ses dirigeants ? O. P. : Les entreprises ont conscience de la nécessité d’agir. Elles voient assez bien quel usage est possible selon quel type d’énergie. Mais elles s’interrogent surtout sur de quoi demain sera fait en termes d’approvisionnement et de réseau de ravitaillement. Face à ces enjeux stratégiques, l’État a lancé une task force en 2021 à la demande des organisations professionnelles, dont l’Union TLF. Cette initiative est très importante. Elle a permis de mettre autour de la table des constructeurs, des transporteurs, des énergéticiens et le ministère des Transports. C’est ensemble, avec toute la chaîne, que nous allons pouvoir évoluer. S’il manque l’un des acteurs, nous ne pourrons pas avancer. La prochaine étape est l’élaboration d’une feuille de route de décarbonation du secteur, avec des réponses concrètes à horizon début 2023. Les travaux ont été lancés le 1er juin dernier. Cette déclinaison opérationnelle de la task force doit définir des leviers communs et répondre aux questions : Combien ça coûte ? Qui paie ? Quels sont les calendriers ? Tout le monde doit être au rendez-vous. eMT : Cette transition énergétique se fait-elle en partenariat entre les transporteurs et les entreprises de logistique ? Y a-t-il un travail commun sur le sujet ? O. P. : Les entrepôts logistiques sont un levier d’optimisation énergétique du fait de leur taille. Il existe des initiatives pour améliorer l’efficacité environnementale des bâtiments qui sont aussi mobilisables par les transporteurs et les soustraitants. Si vous réussissez à mettre des panneaux solaires sur un entrepôt, vous pouvez en même temps alimenter certains équipements, véhicules, et à terme approvisionner certains sous-traitants. La transition énergétique se fera de manière systémique et sur l’ensemble de la chaîne. eMT : Le transport se retrouve sans ministère, sans ministre, est-ce un handicap pour la profession ? O. P. : Ce qui est important est que le sujet du fret soit bien identifié comme un enjeu national. La porte-parole du Gouvernement, Olivia Grégoire, avait annoncé la nomination d’un secrétaire d’État
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ou d’un ministre délégué aux Transports après les législatives. Nous sommes en attente, mais plus globalement, nous devons avoir des interlocuteurs politiques qui maîtrisent nos sujets, qui soient à l’écoute des réalités du terrain des entreprises du transport et de logistique, avec qui nous puissions travailler face aux défis de la profession. eMT : Votre carrière vous a permis d’aborder la formation professionnelle, pensez-vous que le secteur a besoin de faire évoluer son offre de formations pour attirer plus de jeunes vers ses métiers ? O. P. : L’offre de formation doit par essence être évolutive sur les contenus et sur les modalités pédagogiques. La formation doit s’adapter aux transformations du secteur et des métiers. Beaucoup de choses se sont développées, comme les simulateurs et plus récemment la réalité virtuelle. Vous pouvez ainsi réduire les risques en matière de sécurité, et limiter les coûts de mobilisation des véhicules par exemple. Vous pouvez également augmenter le nombre de formations. Au-delà de la formation, c’est l’orientation qui est importante pour renforcer l’image et l’attractivité de la profession. J’ai constaté que les entreprises de transport et de logistique permettent d’évoluer et d’apprendre en permanence, ce qui n’est pas toujours le cas dans d’autres secteurs. Ce sont autant de choses que nous devons valoriser pour attirer de nouveaux talents. Cela suppose que tous les acteurs évoluent aussi. Par exemple, les entreprises réfléchissent de plus en plus à l’organisation du travail. Nous devons nous aussi développer des partenariats. L’Union TLF a signé fin 2021 un partenariat avec les écoles de la deuxième chance, et nous allons poursuivre dans cette voie. eMT : Vous venez d’arriver à TLF, qu’est-ce qui vous a marqué en premier lieu en découvrant le secteur ? O. P. : Humainement, c’est l’attachement au secteur. J’ai passé un mois dans les entreprises adhérentes, j’y ai croisé une centaine de personnalités, toutes très liées au transport et à la logistique. Beaucoup d’entre elles ont passé une partie importante de leur carrière dans le secteur. Elles y ont trouvé des sources d’évolution, d’épanouissement, et une satisfaction d’avoir contribué à l’économie et à la société. Car si vous n’avez pas de camions ni d’entrepôts, vous n’avez pas d’hôpitaux, ni d’écoles ou de supermarchés. Propos recueillis par Hervé Rébillon
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À quoi ressemblera la route de demain ? L’infrastructure routière demeurera incontournable, que ce soit pour faire circuler des camions… ou des vélos. Mais quelles sont les évolutions qui peuvent se dessiner ? Les acteurs de la voirie et les institutions politiques ont réfléchi à la question.
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n a tous vu les photos spectaculaires de camions dotés de pantographes reliés à des lignes aériennes de contact, sortes de trolleybus à marchandises. À l’évocation de la route à faible émission de CO2, on pense en premier lieu à la route électrique. Plusieurs options techniques existent pour les véhicules industriels : l’installation de lignes aériennes de contact avec des camions dotés de pantographes ou de perches (comme des trolleybus urbains), la recharge en roulant via rail latéral ou enterré, ou encore l’alimentation par induction. Les trois options auraient des avantages considérables en réduisant le besoin de batteries embarquées à bord, au bénéfice de l’environnement (moins de batteries de traction à produire) et de la charge utile. Elles ont aussi des forces et des faiblesses qui leur sont propres. Trois solutions en question Les lignes aériennes de contact posent des contraintes d’usure, comme le rappelle Stéphane Levesque, directeur de l’Union routière de France (URF), qui rassemble et représente tous les acteurs
et métiers de la route. « Sur le réseau ferré, on a sur les lignes nationales les plus utilisées un maximum de 130 à 150 trains par jour. Avec des camions, il faut une infrastructure capable de résister à 7 000 à 10 000 poids lourds par jour sur les principaux axes. » La ligne aérienne de contact, connue, fiable et maîtrisée devra aussi s’adapter aux sollicitations verticales générées par les camions qui ne sont pas tous de même gabarit, ni avec les mêmes fréquences d’amortissement, ce qui va solliciter considérablement les caténaires mais aussi le système de captage de courant des véhicules. Le rail latéral, un temps promu par le Japonais Honda, n’est plus envisagé. Reste le rail central, intégré dans le revêtement, un peu à l’image de ce qui se fait pour un métropolitain. Se pose alors la question de la sécurité du système. Les difficultés rencontrées par Alstom Transport avec son APS (alimentation par le sol) pour les réseaux de tramway incitent à la plus grande prudence. Surtout compte tenu de la longueur à installer. Un souci, rappelé par Stéphane Levesque : « il faudrait, à l’échelle de la France, couvrir au moins 8 000 km de voies ». ••• N°9 • 06/2022
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Dossier Les pantographes ont l’avantage d’être éprouvés techniquement et de supporter de fortes puissances. Mais la présence de poteaux à proximité des voies suscite des interrogations en termes de sécurité.
Il y a également l’idée de l’induction, en test en Allemagne via un partenariat entre Vinci et Electreon. Mais alors se pose la question des rayonnements électromagnétiques et de limitation de la puissance électrique transférée du sol vers le véhicule. Tous ces systèmes posent aussi des questions par rapport à la viabilité hivernale, la sécurité des interventions de tiers sur la voirie, etc. Stéphane Levesque tempère : « quelle que soit la technologie, ce sont des milliards d’euros à engager pour les investissements. Qui va payer ? La consommation électrique des kWh serait-elle imputée sur les péages ? ». Un bilan carbone qui ne se limite pas aux véhicules La transition énergétique des routes peut prendre diverses formes. Ainsi, les industriels de la voirie, par leur association Routes de France, promeuvent l’investissement dans la modernisation des infrastructures. Il y a l’aménagement de voirie en faveur des piétons et cyclistes, mais aussi la restauration des milieux naturels, le fauchage moins intensif, les enrobés perméables. L’adaptation aux évolutions climatiques est un autre sujet majeur. Cela passe par le renforcement des infrastructures existantes, la création d’ouvrages de protection (l’exemple des chaussées emportées par les tempêtes et les orages cévenols survenus dans les Alpes du Sud en 2020 et 2021 en est une illustration), ou le développement de nouveaux enrobés. L’amplification des écarts de températures entre le gel et les fortes chaleurs, parfois dans des cycles temporels très courts, soumet les chaussées à rude épreuve. Stéphane Levesque, de l’URF, rappelle que le renouvellement avant dégradation de la couche de N°9 • 06/2022
roulement permet de substantielles économies. Routes de France estime que cette approche patrimoniale permettrait de gagner 6 % sur le bilan carbone de la route. Comment ? Tout simplement par une moindre mobilisation de moyens. Lorsqu’il faut ôter toute la couche de surface, il faut procéder à des chantiers lourds, mobilisant un important parc de machines, parfois sur plusieurs jours. Et cela représente une dépense énergétique, donc des émissions de CO2. Les nouveaux liants et enrobés ont aussi un rôle à jouer. Biophalt est un liant végétal d’enrobage pour revêtements de chaussées développé et appliqué par Eiffage Infrastructures. Outre son origine végétale, à base de résine de pin des Landes, il présente une autre caractéristique intéressante : il s’agit d’un enrobé tiède. La baisse de température de fabrication des enrobés a un impact direct en termes énergétique. Le retraite-
Le rail d’alimentation, bien connu sur les métropolitains, pose des questions de sécurité, en particulier pour l’isolement électrique. Les sujets de viabilité hivernale et de déneigement sont aussi problématiques.
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ment sur place des matériaux et des agrégats est un autre moyen d’action, et Routes de France et ses adhérents visent 20 % de réemploi. Plus surprenant encore est l’idée d’utiliser la route comme capteur d’énergie thermique solaire l’été. Eurovia, filiale de Vinci, a conçu la route à énergie positive sur ce principe. Des tubes remplis de fluides caloporteurs enfouis à moins de 10 cm de profondeur dans la chaussée captent l’énergie du rayonnement solaire. Ces calories seraient ensuite stockées dans des puits de géothermie pour être restituées en période froide. Cela pourrait servir à chauffer des bâtiments riverains (bureaux, piscines publiques). En ville, l’application de revêtements clairs pourrait réduire la génération de chaleur par captation du rayonnement solaire.
moyens consacrés seraient insuffisants (seulement 40 M€ budgétés pour des besoins estimés à… 2,2, voire 2,8 Md€). En outre, le Cerema se trouve luimême sous-doté (150 agents et des dizaines de bureaux d’études sont mobilisés sur le programme national ponts), ce qui fait que le programme ne couvre que 33 % des communes concernées par ces problèmes de vieillissement d’infrastructures. Le réseau routier connaîtrait donc une évolution similaire à celui du réseau ferré national géré par SNCF Réseau. Plus surprenant encore, sur le réseau concédé (donc à péage), 2,1 % des ponts (soit 253 ouvrages d’art) sont en état critique. De quoi se poser des questions sur les vertus supposées de la concession au privé. Là où le Sénat, la Cour des comptes, l’Observatoire national de la route Du rêve… à la réalité et l’Union des routes de Tout ceci nécessitera de France se retrouvent, l’argent, beaucoup d’arc’est sur la pertinence gent. Pourtant, le bilan d’une approche patrimocomptable de la route est niale des ouvrages. Cela largement bénéficiaire. peut prendre diverses La fiscalité routière a rapformes, comme la créaporté 42,34 Md€ en 2020. tion d’un système géoDans le même temps, segraphique national unifié Avant de parler de « route à énergie positive », lon l’URF, il n’y aurait eu permettant de référencer la priorité très pragmatique (et peu vendeuse en 2020 que 13,6 Md€ tous les ouvrages d’art politiquement) porte sur la préservation et l’entretien de l’existant. Selon Routes de France, de dépenses pour les inen France, et d’orienter un bon entretien de la voirie serait, paradoxalement, frastructures routières de par guidage GPS le traun moyen d’éviter des rejets inutiles de CO2. la part des administrafic des poids lourds vers tions (État et collectivités les ouvrages non crilocales). Le principe, très français, de non-affectation tiques. D’autres actions relèvent des techniques des recettes a bon dos. La commission de l’aménacomptables, comme le transfert des dépenses de gement du territoire et du développement durable maintenance des ouvrages d’art en section indu Sénat a tiré le signal d’alarme dès 2019 dans vestissement des collectivités locales La refonte un rapport inquiétant sur la sécurité des ponts. Un de la comptabilité publique pourrait aller jusqu’à droit de suite publié le 15 juin 2022 relève que la prendre en compte l’amortissement des ponts. Le dégradation de l’état des ponts se poursuit malgré Sénat relève également dans son droit de suite que les mises en garde du rapport de 2019. On serait la création d’un schéma départemental permettrait passé de 25 000 ouvrages d’art en état structurel d’identifier les ponts situés sur des itinéraires poucritique à plus de 30 000 en seulement 3 ans (le Sévant faire l’objet d’un financement entre plusieurs nat mentionne une fourchette de 30 000 à 35 000 collectivités territoriales. ouvrages en défaut structurel). Plus surprenant, et Avant de rêver à la route électrifiée, il y a des urconfirmé par Stéphane Levesque, il est difficile de gences que l’État et les élus devront traiter. Il y va connaître exactement le nombre exact d’ouvrages de la mobilité de tous. Car si les partis verts sont d’art ouverts à la circulation. prompts à dénoncer les investissements routiers, Le rattrapage a été engagé, le budget dédié à l’enils oublient que la route est partagée par tous, austretien et à la réparation des ouvrages d’art du rési bien camions que vélos ! Et les nids-de-poule qui seau routier national non concédé est passé d’une peuvent se multiplier sur les chaussées dégradées moyenne de 45 M€ à 120 M€ en 2022. Mais le Séauront forcément un impact désastreux sur la sénat note que ce niveau d’investissement a été atcurité routière, en particulier des deux-roues, moteint progressivement, créant un retard accumulé tards comme cyclistes. Jean-Philippe Pastre de 89 M€. Plus inquiétant, si un programme natiopastre@trm24.fr nal ponts géré par le Cerema a été mis en place, les N°9 • 06/2022
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L’info TRM
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Si votre camion devenait incontrôlable Les règlements UN R155 et UN R156, relatifs à la cybersécurité dans le monde automobile, deviennent obligatoires à compter de juillet 2022 pour tout processus d’homologation d’un nouveau type de véhicule, qu’il soit moteur ou remorqué. Ils concernent donc aussi les utilitaires et les poids lourds.
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e ne sont pas que des légendes de geeks : des attaques à distance de véhicules ont bien eu lieu. En fait, dès qu’il existe une connexion entre le véhicule et des sources externes, il y a un risque de piratage. La mode des systèmes keyless (sans clé de contact), des connexions Apple CarPlay ou Android, ou une simple liaison Bluetooth avec un smartphone constituent autant d’opportunités pour les attaques. Parmi les exemples notoires, on peut citer le cas de ce SUV américain, en 2015, qui s’est retrouvé dépourvu de freins et de contrôle de direction. Le système multimédia Uconnect de la Jeep a permis aux pirates d’échanger directement avec le réseau CAN de bord, exploitant malicieusement le manque de cloisonnement entre ces réseaux. En 2016, deux chercheurs britanniques ont révélé une
vulnérabilité dans l’API hébergée sur le serveur de backend d’un constructeur automobile Nissan. Elle permettait, entre autres, de connaître les trajets effectués et de contrôler le chauffage à distance sans authentification, en se basant uniquement sur le numéro de série du véhicule et le pays. Lors d’une autre expérience, des spécialistes de la sécurité informatique sont parvenus à tromper le logiciel de conduite Autopilot d’une Tesla et à la faire dévier sur la voie venant en sens inverse. « D’autres incidents, dont certains ne sont pas le fait de pirates à chapeau blanc, devront aussi être analysés avec diligence et avec la plus grande attention », affirme Gido Scharfenberger-Fabian, chef de projet au sein du groupe de travail de l’ISO WG 11, en charge de la cybersécurité des équipements électriques et électroniques des véhicules routiers. ••• N°9 • 06/2022
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Dossier L’étendue du périmètre de piratage De source AFP, en 2019, Upstream a recensé plus de 150 incidents connus de cybersécurité automobile, deux fois plus qu’en 2018. Selon la société, la plupart des piratages concernaient le verrouillage à distance des voitures, mais de plus en plus d’actions visent les connexions aux serveurs ou aux applications mobiles. En 2020, des chercheurs britanniques révèlent des faiblesses sur des modèles Ford et Volkswagen permettant l’accès aux fonctions sensibles, telles que le contrôle de traction, depuis l’équipement multimédia. À cela s’ajoute profusion d’informations que le véhicule collectait sur son usager et qu’ils ont pu récupérer (trajets, position, alarmes, etc.). Ces mêmes chercheurs ont pu extraire et analyser des parties du code source embarqué, et identifier un mot de passe wifi (celui d’une usine). D’où la prise en compte par le groupe de travail de la construction des véhicules de la Commission économique pour l’Europe des Nations UNECE WP.29 de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. À juste titre : en 2018, une erreur de configuration et un défaut de contrôle d’accès sur un serveur d’un fournisseur ont rendu possible l’accès en lecture et en écriture aux données. Lesquelles, remontées par les véhicules (localisation, etc.), étaient accessibles par simple modification d’un paramètre (ID) dans l’URL d’accès. Les règlements UN R155 et UN R156 entrant en application cet été portent sur les exigences organisationnelles et techniques de cybersécurité couvrant les véhicules, les moyens de production et l’approvisionnement logistique. Cela fait suite à l’incroyable développement de l’électronique de bord, les véhicules industriels ou voitures électriques pouvant compter jusqu’à 150 calculateurs (ou ECU). L’inflation suit aussi, comme en bureautique, les logiciels eux-mêmes. Selon le cabinet Mc Kinsey, on passerait de 100 millions de lignes de codes à 300 millions d’ici à 2030. Les véhicules utilisent diverses technologies allant des ports physiques de diagnostic dans la voiture (port OBD-II) aux serveurs backend chez les constructeurs ou dans le Cloud, en passant par les réseaux de communication sans fil, les ports multimédias, les applications mobiles et bien d’autres interfaces. Les points d’entrées pour d’éventuelles attaques se multiplient au gré de la commercialisation d’interfaces du genre Apple CarPlay, Android, ou d’échanges via Bluetooth à bord. Et les enjeux de sécurité deviennent critiques, puisque l’électronique ne pilote pas seulement le moteur mais les systèmes de freinage, le système de direction (via les aides au maintien de file) ou les commandes sans liaison mécanique du type driveby-wire. Le pire peut être redouté avec les véhicules autonomes. Les autorités de régulation ont
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Avec l’arrivée de l’électronique, le nombre de calculateurs sur un camion peut atteindre les 150.
donc exigé la prise en compte de la cybersécurité dans la conception, l’utilisation des systèmes et des véhicules. Le sujet est mondial, que l’on en juge : propositions au Congrès des États-Unis, la loi sur la cybersécurité (Cybersecurity Act) et le GSR dans l’UE, le programme ICV en Chine et les nouvelles directives de JASPAR au Japon. Il faut donc inclure, à compter de ce mois de juillet 2022, la réglementation UNECE WP.29 pour les constructeurs de véhicules moteurs et remorques. Elle s’appuie sur des standards comme l’ISO/SAE DIS 21434 (autour de l’ingénierie de la cybersécurité) et l’ISO/AWI 24089 (spécifique au système de management de la mise à jour des logiciels). Les effets du règlement La réglementation s’applique aux véhicules moteurs mais aussi aux remorques et semi-remorques, dès lors qu’il y a au moins un ECU à bord. Les non-conformités pourront avoir pour conséquence un refus de délivrance de certificat par type de véhicule (à partir du 6 juillet 2022), voire une impossibilité d’obtenir le certificat d’immatriculation (à partir du 7 juillet 2024). La réglementation impose aux constructeurs et sous-traitants un Cyber
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nouveaux entrants, les défis à relever sont l’outillage et les compétences techniques pour assurer une production sécurisée (logicielle et matérielle), des tests de sécurité de qualité (pentest, revue de code, etc.), plus le maintien en condition de sécurité une fois le véhicule en circulation. À cela s’ajoutent la détection et le traitement des incidents d’une nature différente que ceux traités aujourd’hui. Il va falloir en effet des compétences et des outils supplémentaires pour protéger, surveiller, tester des technologies liées aux véhicules. Pour les tests, il faut être capable de couvrir en même temps des applications web, des applications embarquées et des bus CAN internes. « Hélas, il n’existe pas de technologie sûre pouvant être normalisée », reconnaît Markus Tschersich de l’ISO. Faute de garantir la sécurité des codes, les nouveaux règlements demandent que la cybersécurité soit prise en compte. Le but est la mise en œuvre généralisée de la norme dans les pratiques d’ingénierie courantes du secteur, ainsi qu’une meilleure connaissance des enjeux grâce à l’intégration de la norme dans le programme de formation des ingénieurs.
Les logiciels devraient passer d’ici 10 ans de 100 à 300 millions de lignes de code.
Security Management System (CSMS) couvrant le cycle de vie du véhicule et le cycle de production industrielle. La réglementation exige également la mise en place d’un système de management des mises à jour des softwares (SUMS) présents dans le véhicule. Cela s’apparente aux démarches de certification ISO : on liste les risques et on met en face les mesures prises. Les textes UN R155 et UN R156 listent les sources de menaces (internes, externes, malveillantes ou accidentelles). Dans la logistique de l’industrie automobile, ce sont les normes ISO 27001 qui sont exigées pour protéger la donnée présente à tous les niveaux, du cœur du véhicule au véhicule étendu jusqu’au backend. La mise en pratique passera par des chantiers significatifs et coûteux en temps et en ressources. Ces standards sont en effet nouveaux, la 21434 notamment, ce qui nécessite une montée en compétences de l’ensemble des parties prenantes dans l’homologation d’un CSMS. Ces standards couvrent aussi un périmètre très large, ce qui nécessite une coordination d’équipes de diverses compétences et mondes (OT ou Operationnal Technologies, embarqué, SI ou système informatique, etc.). Pour les constructeurs et les équipementiers, surtout les
Un nouveau marché Les spécialistes de l’homologation de véhicules se sont emparés de ce nouveau marché, quitte à s’associer à des acteurs de l’information. Ainsi, Apsys (société de conseil et d’études, filiale d’Airbus), Capgemini (société de conseil et de services informatiques) et l’UTAC Ceram Millbrook (société de services dans les tests et les homologations pour l’industrie automobile) ont annoncé un partenariat commercial et technique. Elles vont proposer des tests d’intrusion sur tout type de véhicule (navettes, voitures, camions, véhicules militaires, etc.) dans un environnement au plus proche des conditions réelles de circulation : villes, autoroutes, sections interurbaines, etc. Dans le cadre de l’accord signé entre les trois entreprises, le centre d’essais pour véhicules autonomes Teqmo situé à Linas-Montlhéry (Essonne) offrira un espace physique sécurisé pour conduire ces tests. Le fabricant de composants LG Electronics a fait l’acquisition de la start-up israélienne Cybellum, spécialisée dans la cybersécurité automobile. En effet, les véhicules connectés concentrent plusieurs vecteurs d’attaques avec le développement de services connectés : capteur de pression, modem 4G/LTE (accès Internet), wifi (partage de connexion), Bluetooth (connexion des terminaux mobiles au véhicule), RFID (ouverture des portes), prises USB internes ou encore le port ODB. Pour les carrossiers-constructeurs, voilà un nouveau poste de (sur)coût. Jean-Philippe Pastre pastre@trm24.fr N°9 • 06/2022
Solutions connectées
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EN BREF Dashdoc lance son DashTour
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ashdoc s’est lancé un défi sportif à quelques jours des congés d’été. L’entreprise a décidé de rassembler ses équipes autour d’une mission inédite : partir à la rencontre de leurs clients en réduisant au maximum l’émission de GES. Le DashTour, qui aura lieu du 29 juin au 6 juillet, est un défi à la fois sportif et solidaire reliant Anvers, Nantes et Paris, où se trouvent les bureaux de l’entreprise. Pour atteindre les différentes villes étapes, il faudra enfourcher son vélo, pagayer en kayak, marcher à bon pas ou courir en cadence. « Avec le DashTour, nous voulons mettre en avant cette connexion permanente et nécessaire entre les informations
venant de tous côtés. La connexion entre les métiers terrain et les métiers support du transport routier de marchandises, la connexion à toute son équipe et ses collaborateurs, mais aussi la connexion à la réalité du terrain en tenant compte de la transition écologique du secteur », déclare Benoît Joncquez, P.-D.G. de Dashdoc. Ce sera aussi l’occasion pour la société de présenter son TMS connecté lancé à la SITL. La solution permet de lire en automatique les poids des bons de pesée pris en photo par les conducteurs. L’objectif est d’aider dans la vérification des poids grâce à de l’intelligence artificielle.
Transports Landry s’équipe de la télématique Astrata
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es transports Landry, basés à Thouars (Deux-Sèvres), ont décidé de mettre en place un dispositif d’écoconduite. C’est grâce à la solution d’Astrata que le transporteur peut faire remonter les données de ses conducteurs. Il exploite aussi cette télématique pour localiser ses camions, envoyer les missions de transport et collecter les informations sociales. Les données Astrata sont en outre partagées avec GedMouv, afin de répondre aux demandes de traçabilité exprimées par les clients. La télématique reste indépendante des constructeurs et permet ainsi de simplifier le suivi d’une flotte multimarques. « Il n’est pas envisageable de consulter trois ou quatre portails de télématique pour suivre
la flotte », explique Vincent Landry, le dirigeant. « Quand nous avons choisi Astrata il y a plusieurs années, son interface était la plus agréable et la plus ergonomique, y compris pour les rapports d’écoconduite. Les évolutions de cette interface m’incitent
à poursuivre avec ce télématicien malgré l’évolution de ses concurrents. L’ergonomie reste aujourd’hui un argument en faveur d’Astrata. » Concrètement, les 39 véhicules moteurs des transports Landry
ont été fournis par trois marques différentes, auxquelles une quatrième s’ajoutera bientôt. Tous ces matériels disposent d’une télématique installée d’origine. Les données transmises par Astrata à propos du comportement au volant sont communiquées aux conducteurs et aux gérants de l’entreprise, mais pas uniquement. Elles constituent la base de travail des formateurs à l’écoconduite partagés par Landry et d’autres transporteurs dans le cadre d’un groupement d’employeurs. Les fonctions de ces formateurs ayant été élargies à la FCO, il a été nécessaire de compléter leurs interventions à propos de l’écoconduite par le recours à un organisme extérieur (CGI Formation). ••• N°9 • 06/2022
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Solutions connectées
Timeko, une messagerie multicanale pour les transporteurs
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inkavie lance la version transport routier de sa solution Timeko, initialement développée dans le secteur de l’intérim. Elle permet de recruter et de planifier les ressources rapidement, gérer les réservations et communiquer rapidement grâce au système de réponses oui ou non. Selon la société, ce gain de temps permet d’économiser 6 à 10 heures par semaine, d’éviter plusieurs appels infructueux et d’envoyer un message à 50 collaborateurs en un clic.
Le mode d’emploi ? Les gestionnaires sélectionnent les destinataires avec lesquels ils souhaitent échanger rapidement (pour connaître leurs disponibilités, communiquer un changement d’horaire,
etc.) Ils envoient une demande par message SMS, e-mail, in-app ou WhatsApp. « Timeko se veut avant tout très opérationnel. L’interface est très intuitive, la prise en main est immédiate. Timeko s’interface à toute solution web gérant des listes de destinataires. Aujourd’hui, ce sont plus de 2 millions de SMS envoyés chaque mois, notre architecture permet de multiplier ces volumes très simplement », ont indiqué Thomas Luquet et Vincent Demortier, créateurs de Timeko.
B2PWeb et C2A soutiennent les TPE du transport
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2PWeb a signé un partenariat avec C2A afin de proposer des services dédiés aux TPE-PME du transport et de la logistique. C2A, qui propose une carte de paiement multiservice pour les entreprises du secteur, marque une nouvelle étape dans son développement, après le lancement de nouveaux services tels que la réservation de Ferry en Europe et de parkings sécurisés en France, ou encore l’extension du réseau de stations-service partenaires en Italie. B2PWeb commercialisera l’offre de services C2A auprès de ses clients, et principalement des TPE, soit plus de 11 000 entreprises utilisatrices de la bourse de fret. B2PWeb a lancé fin 2021 le pack artisan, comprenant un ensemble de services dématérialisés de gestion des documents de transport, de traçabilité
des opérations et de gestion de palettes à un prix attractif à l’attention des TPE et PME du transport. La bourse de fret souhaite répondre encore davantage aux besoins des transporteurs en simplifiant l’accès de ses clients à une plus large gamme de services.
Sinari choisit TransFollow
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e groupe Sinari, premier groupe de TMS et éditeur de logiciels logistiques en France, a décidé d’équiper ses solutions de l’e-CMR de TransFollow. Toutes les applications mobiles des logiciels de transport et de gestion de flotte offrent une dématérialisation de la lettre de voiture (CMR) certifiée et intégrée aux outils TMS, ainsi que la digitalisation garantie de non-falsification des flux d’information des lettres de voitures via les solutions e-CMR conçues par TransFollow. Elle permet notamment l’interopérabilité de ce flux au-delà des solutions du groupe Sinari, mais aussi le partage des e-CMR entre tous les acteurs de la supply chain. Les lettres de voiture sont des documents qui nécessitent une forte collaboration entre transporteurs, affréteurs, expéditeurs et destinataires. Dans un environnement numérique, cette collaboration implique une grande exigence d’interopérabilité entre les différents systèmes utilisés (TMS, WMS, ERP, FMS, etc.).
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Solutions connectées
Pennylane et Dashdoc annoncent un partenariat
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ennylane, plateforme de gestion financière et comptable conçue pour les PME et leurs cabinets d’expertise comptable, et Dashdoc s’unissent avec la même ambition : simplifier l’activité des acteurs du transport routier de marchandises. Ce partenariat permet d’apporter aux utilisateurs une réponse concrète sur 3 objectifs : offrir les avantages du SaaS pour simplifier le quotidien des transporteurs, permettre la facturation centralisée en un seul endroit et simplifier le quotidien des TPEPME grâce à la digitalisation. « La couverture fonctionnelle de Dashdoc a évolué et nous permet de nous positionner aujourd’hui sur l’ensemble de la chaîne de valeur de la gestion d’un transport. En nous associant avec Pennylane, nous avons la volonté de proposer à nos clients de piloter en temps réel leur trésorerie pour qu’ils puissent se concentrer sur leur activité et leur croissance », explique Benoît Joncquez, cofondateur et P.-D.G. de Dashdoc. L’intégration est très facile à mettre en place par API et permet de piloter toute la facturation depuis Dashdoc.
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Trimble App Manager
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rimble lance un nouveau service qui va donner plus de flexibilité aux entreprises de transport grâce à la gestion d’app mobile. Trimble App Manager permet de gérer des applications sur les tablettes endurcies Trimble et autres appareils fonctionnant avec le système d’exploitation Android. Selon leurs besoins, les entreprises peuvent sélectionner les applications adaptées à leurs activités et déterminer le niveau de gestion souhaité. « Une solution de télématique moderne qui s’adapte aux besoins des utilisateurs – et non des utilisateurs qui s’adaptent à la solution. Grâce à Trimble App Manager, les sociétés de transport peuvent à présent utiliser les appareils et les services les mieux adaptés à leurs besoins », explique Fabien Dusserre, directeur France de Trimble Transport & Logistics. Il est possible d’activer une page d’accueil spécifique, mais un client peut utiliser sa propre application pour le suivi des livraisons ou la navigation sur le site de l’entreprise. Des programmes d’e-learning peuvent être proposés pour les employés, ainsi qu’une vidéo pour les instructions aux conducteurs.
Teleroute utilise l’intelligence artificielle pour le fret
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eleroute annonce lancer le premier moteur européen de recommandation d’intelligence artificielle (IA) pour le fret. Alpega s’est associé au spécialiste de l’IA ML6 pour développer la solution. Grâce à Suggestions Teleroute, les membres de la bourse de fret reçoivent en temps réel un flux continu des nouveaux itinéraires et chargements disponibles, et les plus intéressants pour eux du point de vue efficacité et profit. Le moteur d’IA analyse les données de l’utilisation historique de la plateforme pour découvrir des modèles. Il peut ainsi anticiper les besoins et proposer des offres attractives à chaque membre. Ces données constituent l’épine dorsale des recommandations d’offres de fret, Teleroute fournissant un pool de données provenant de plus de 80 000 professionnels du transport et de 10,5 millions de frets et de véhicules par mois.
« Plus un client utilise Teleroute, plus il verra d’offres de fret personnalisées. On estime que 40 % de l’ensemble des camions circulant sur les routes européennes sont, à un moment donné, vides. Le groupe Alpega s’engage à résoudre ces problèmes via ses plateformes logistiques numériques, afin d’aider la communauté à gérer efficacement le transport de la source à la destination, d’un quai de chargement à un autre, et tout le reste », a déclaré Fabrice Douteaud, directeur général d’Alpega Freight Exchanges. N°9 • 06/2022
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Interview
François Denis
directeur général France de Geotab « La transformation oblige les flottes à être vertueuses »
eMAG TRANSPORT : Les transporteurs ont modifié leur manière de gérer leur flotte, prennent-ils suffisamment en compte les outils télématiques ? François Denis : Il y a des sujets qui leur importent plus aujourd’hui que par le passé. La question de la consommation de carburant est devenue encore plus cruciale. Pour un certain nombre d’acteurs qui possèdent aussi des véhicules utilitaires pour la livraison du dernier kilomètre, il y a un vrai sujet de la transition vers les faibles émissions avec les ZFE. Quand nous parlons de distribution dans la ville, il y a aujourd’hui toute cette transformation qui fait que les flottes vont devoir être de plus en plus vertueuses. C’est un sujet complètement d’actualité. Autant le transport routier longue distance est déjà très équipé en télématique avec un marché de renouvellement, autant la distribution va devoir se l’approprier avec la transformation des véhicules utilitaires qui roulent encore aujourd’hui au diesel. Ce n’est pas seulement une obligation par rapport aux ZFE, mais aussi par rapport aux clients. Il y a de plus en plus d’appels d’offres qui demandent de prouver que le transporteur s’engage à baisser ses émissions de C02. Le seul moyen est d’avoir un véhicule connecté duquel vous pouvez sortir un rapport énergétique. eMT : La France est un marché spécifique ? F. D. : Il existe une volonté politique française de faire la transition vers l’électrique qui est plus forte que dans d’autres pays européens. Cela passe par des aides publiques ou encore l’installation de bornes de recharge. Le marché français est en train de s’électrifier un peu à marche forcée, et rapidement par rapport à d’autres pays. Geotab n’a pas développé pour le marché français une offre spécifique. Sur le véhicule utilitaire, nous avons une particularité française qui est cette N°9 • 06/2022
volonté de respecter la vie privée. Cela concerne les utilitaires légers (VUL), mais aussi désormais les utilitaires pour la distribution. Il est important de proposer un mode vie privée, tout simplement parce que le conducteur peut utiliser son véhicule pour rentrer chez lui le soir. Ce sont les représentants du personnel (syndicats) qui en font la demande. Cela a pu freiner un temps le déploiement de la télématique dans les véhicules utilitaires. La discussion tourne généralement autour de la protection des salariés avec les grands groupes qui font du transport routier et de la distribution, et qui ont une représentation syndicale importante. Il y a une réticence naturelle, et quand nous commençons à démontrer l’intérêt pour le conducteur à la télématique, le discours change complètement. Par exemple, si nous pouvons reconstituer un accident ou un accrochage grâce à la télématique : avec l’accéléromètre, nous pouvons savoir précisément ce qui s’est passé, nous dédouanons le conducteur s’il n’est pas responsable. L’ajout d’une caméra permet d’avoir tout le « film » de l’incident. Nous ne faisons pas de systèmes de caméra, mais nous avons plusieurs partenariats sur la marketplace. Si vous choisissez l’un de ces partenaires caméra dans Geotab, vous avez l’intégration du système qui existe déjà. En allant sur la cartographie et en cliquant sur le véhicule désiré, vous pouvez ouvrir la caméra, qui, comme toutes les données individualisées de géolocalisation, doit être utilisée par l’employeur uniquement à bon escient. L’utilisation des données et le
Interview respect de la vie privée sont précisément définis par la CNIL. L’entreprise doit tout simplement s’y conformer. eMT : Les transporteurs frigorifiques sont-ils toujours autant preneurs de tels outils ? F. D. : En France, effectivement, on dénombre de nombreux transporteurs frigorifiques, il existe pas mal d’acteurs dans ce secteur. Le transport frigorifique se développe aussi rapidement sur la livraison du dernier kilomètre, avec des véhicules utilitaires équipés via l’e-commerce. Le gestionnaire de flotte a également besoin d’équipement avec une gestion de la chaîne du froid. Il peut par exemple remonter des alertes, les mêmes que celles du conducteur. Il peut aussi gérer sa température dirigée à distance. Le système de Cold Chain de Geotab est bidirectionnel. Il permet de prouver que la chaîne du froid n’a pas été rompue en cas de problème. Cela peut être une exigence du client final. eMT : Vous êtes arrivés récemment en France, vous vous êtes développés en pleine crise du Covid. Quel est le premier bilan que vous en tirez ? F. D. : Geotab a débuté il y a 3 ans avec le marché du véhicule léger et utilitaire. Nous avons lancé la version Truck en France plus récemment, à la SITL de l’an dernier. Nous sommes présents dans les salons pour présenter nos produits. Récente en France, notre solution est déjà bien établie au niveau international, puisqu’il y a plus de 500 000 camions connectés Geotab dans le monde. Nous sommes arrivés en plein Covid avec des ralentissements de déplacement pendant la crise. Nous nous sommes adaptés, même si l’e-commerce a explosé. Les chaînes de production n’ont pas fonctionné normalement pendant
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un certain temps, et nous avons rencontré des difficultés pour nous procurer des équipements électroniques qui composent nos boîtiers. Cette crise du Covid a opéré un changement, avec moins de transports individuels mais une augmentation de la livraison. eMT : Comment a été accueillie la solution Truck de Geotab en France ? F. D. : Nous avons réussi à faire parler de nous, car quand un leader mondial se lance sur un nouveau marché, il est écouté. Il existe déjà des offres sur le marché et il y a de nombreux concurrents. Cela prendra du temps pour s’imposer, mais on constate que dans les autres pays, la solution s’est assez bien développée. Elle est intéressante car elle permet d’avoir un seul boîtier pour tous les types de flottes, plutôt que d’avoir un prestataire pour ses camions, un autre pour les utilitaires et un troisième pour les véhicules légers. Avec le boîtier unique, le gestionnaire a une visibilité sur l’ensemble de sa flotte. Nous avons une double compétence, celle d’un généraliste qui propose des produits spécifiques. C’est toute la philosophie de la maison. Vous prenez la plateforme MyGeotab, outil simple et léger au départ, et vous rajoutez des modules selon vos besoins. Vous pouvez axer la gestion de votre flotte sur l’écoconduite par exemple, et pour la gestion de la température dirigée, vous disposez du module Cold Chain. Vous pouvez ainsi composer selon votre secteur d’activité et par véhicule. Il y a également un module Chronotachygraphe. Tous les modules se trouvent dans une marketplace. eMT : Vous avez aussi multiplié les partenariats, dans quel but ? F. D. : Nous avons lancé dernièrement un partenariat avec ELA Innovation, une société française qui conçoit des capteurs en tout genre. Elle est totalement intégrée à la marketplace. C’est comme si Geotab faisait ses propres sensors. Les produits d’ELA Innovation permettent de détecter les ouvertures et les fermetures de portes sur un camion frigorifique. Ils informent sur ce qui se passe à bord du véhicule. Nous attendions avec impatience ce partenaire, qui est complémentaire à notre solution. D’autres partenariats, notamment français, sont en cours et vont rejoindre la marketplace de Geotab. La solution Cold Chain est quant à elle déjà bien aboutie. Nous rajoutons des savoir-faire à notre savoir-faire. Propos recueillis par Hervé Rébillon
rebillon@trm24.fr N°9 • 06/2022
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Focus General Motors avait lancé dans les années 1940 une exposition itinérante aux États-Unis afin de promouvoir l’automobile et le camion dotés des technologies du futur. Ce camion prototype fait partie du groupe de véhicules de demain appelés GM Futurliner.
Ford a présenté cet ensemble expérimental Big Red lors de l’Exposition universelle de 1964 de New York. Le véhicule long de 30 m, propulsé par un moteur à turbine de 600 ch, n’était pas un simple prototype, il pouvait être conduit sur les routes. Un ovni à l’époque.
Les camions de demain vu d’hier Le Solo 500 (500 pour 500 ch) est probablement le tout premier concept truck européen. Pegaso l’a dévoilé au salon de l’automobile de Barcelone de 1989. Avec ce camion, le constructeur avait anticipé bon nombre de technologies, comme le GPS ou encore un système électronique informatisé pour le contrôle de l’état du véhicule.
Ce Renault VE 10 est un concept truck, conçu et produit en 1985 par RVI (Renault Véhicules Industriels) dans le cadre d’un programme baptisé Virages. Le véhicule est un précurseur du traditionnel Renault AE. Parmi les innovations de l’époque une réduction de la consommation de carburant et une baisse des émissions d’échappement et du bruit.
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