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Interview
Olivier Poncelet Délégué général de l’Union TLF
« La transition énergétique se fera de manière systémique et sur l’ensemble de la chaîne » eMAG TRANSPORT : Comment se portent les entreprises de transport routier et de logistique dans ce contexte encore tendu (hausse du carburant, pénurie de conducteurs) ? Olivier Poncelet : La période reste complexe et incertaine. Nous avons à la fois des facteurs conjoncturels économiques et géopolitiques et des problèmes plus structurels, comme les difficultés de recrutement et les investissements massifs dus à la transition énergétique. Nous savons que tous les secteurs sont touchés par l’inflation, et cela pose des questions sur la façon de préserver la compétitivité du secteur dans la durée. L’enjeu est que l’ensemble de la chaîne transport et logistique puisse absorber tous ces facteurs. Aujourd’hui, la demande est là, mais nous devons être vigilants et anticiper en regardant les indicateurs à la rentrée pour voir comment se profile l’année 2023. eMT : L’envolée du prix du gasoil inquiète-t-elle les transporteurs ? O. P. : 98 % des poids lourds roulent aujourd’hui au gasoil en France. De fait, nos entreprises de transport et logistique suivent de très près l’évolution du prix du diesel. L’Union TLF et les autres organisations se sont mobilisées auprès du Gouvernement pour une aide dédiée de 400 M€ pour accompagner les entreprises à passer le choc de manière conjoncturelle. Il y a aussi un effort fait par la profession pour vulgariser, informer et sensibiliser sur le processus d’indexation du carburant, qui date de la loi de janvier 2006. Nous incitons les entreprises à faire appliquer ce dispositif auprès de leurs clients et à valoriser leurs prestations de transport. De son côté, l’administration joue aussi le jeu en renforçant les contrôles. C’est une chose qui peut aller dans le bon sens. eMT : On évoque aussi une pénurie de camions. Qu’en est-il ? N°9 • 06/2022
O. P. : Nous constatons que les délais pour commander un véhicule peuvent aller jusqu’à 18 mois. Si vous commandez du matériel aujourd’hui, il risque de vous être livré fin 2023. Parallèlement, le marché de l’occasion est aussi en tension et nous rencontrons des difficultés sur les pièces détachées, ce qui peut entraîner l’immobilisation de certains véhicules. Nous avions déjà sensibilisé le ministère de l’Industrie il y a quelques mois. Ce sont des problématiques directement liées à la désorganisation du commerce international que nous vivons depuis plus de deux ans. Cela interroge sur les enjeux de souveraineté et de réindustrialisation. Notre transport, qui est impacté aujourd’hui par ce problème, peut être un des leviers pour faciliter cette réindustrialisation. Si vous n’avez pas un pays attractif en termes de performances sur les enjeux logistiques, vous n’attirez pas les investissements dans l’industrie. eMT : Les entreprises du secteur doivent désormais renouveler leur parc avec des véhicules « vertueux », ces investissements importants ne sont-ils pas la goutte d’eau qui fait déborder le vase ? O. P. : Nous avons tous conscience qu’il faut aller dans la transition écologique et énergétique, et le secteur y est engagé depuis de nombreuses années. Maintenant, pour passer un nouveau cap, il va falloir que nous soyons davantage accompagnés. Cela suppose un cadre national qui soit lisible et harmonisé entre les niveaux européens, français et locaux. D’autre part, il va falloir que nous ayons des éléments de réassurance en termes de disponibilité de l’énergie, en matière de production comme de distribution. Cela suppose également des mesures pour accompagner le verdissement des flottes. C’est un investissement fort pour les entreprises du secteur. Beaucoup ne seront pas en capacité de