À LA UNE : UTOPIES
« NOUS ON FAIT LE MARRONNAGE » Interview de Jay Asani PAR JADE ALMEIDA et Mona Banbou
A
vril 2020 : la pandémie Covid-19 continue de faire des ravages à travers le monde. Depuis plusieurs semaines, le mot d’ordre est immobilisme. Des injonctions à suspendre tout voyage, tout déplacement, tout mouvement pouvant amener à être en contact avec l’autre. Mais l’immobilisme ne va pas concerner tout le monde et encore moins dans la même temporalité. Malgré l’hécatombe italienne, vols et croisières en partance de la péninsule continuent de déverser leur lot de touristes sur les côtes des « destinations soleil ». Ces territoires uniquement considérés comme lieux de villégiature pour des Européen·ne·s qui souhaitent leur plage de sable blanc et leurs quinze jours au soleil. Des espaces, dans l’imaginaire collectif, qui semblent dépourvus de populations, si ce n’est celles disponibles pour servir le « Dieu touriste ». Comme une répétition morbide de l’histoire, la maladie viendra de l’extérieur : des navires et des avions de vacancières et vacanciers qui refusent que la menace d’une grippe mortelle puisse
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AssiégéEs • septembre 2020
empêcher leurs congés annuels. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir été dénoncé·e·s. Face à l’inaction des dirigeant·e·s, des activistes ont pris les choses en main. Armé·e·s uniquement de leurs drapeaux rouge, vert et noir de la Martinique, de leurs bèlè, de leurs conques et de leurs demandes de respect et de sécurité, iels se rassemblent à l’aéroport. Exigeant des réponses quant à la présence de cars entiers de touristes italien·ne·s dont on avait pourtant assuré qu’iels ne mettraient pas les pieds sur le territoire. Sur les vidéos, on peut entendre les chants et les slogans, tandis que les militant·e·s sont malmené·e·s par les forces de l’ordre. Parmi les présent·e·s ce soir-là, on reconnaît des visages associés désormais à la lutte martiniquaise face à la gangrène coloniale que représente la France : Jay Asani et Mona Banbou. Deux femmes noires du pays qui interpellent, brandissent les drapeaux,