ENTRE NO(U)S AUTRES
I L B U 'O L R U O P E IR O M É M UN Transmettre de soi-même
JER A H R PA
Pour cause, l’invisibilisation des personnes racisées en tant qu’actrices ou chanteuses dans l’environnement culturel francophone et français. Le rap français, ou plutôt comme le dit la rappeuse Casey « le rap d’enfant d’immigré » – car il s’agit bien d’une musique produite et créée par les personnes descendantes de l’immigration postcoloniale ou/et de l’esclavage – est un exemple du mépris exprimé vis-à-vis des cultures subalternes, comme en attestent les campagnes de diabolisation contre le rap mais aussi les nombreux procès intentés à l’encontre des artistes du rap. Pour autant, le rap connaît moins de mépris et d’obstacles, dans son accès aux médias ou dans sa possibilité de distribution à grande échelle, que toute musicalité issue des Sud et notamment des territoires africains. La question Affiche du podcast Vintage Arab réalisée par Ilaf Noury et Joud Toamah. de la langue reste primordiale dans sa perception et son ée en France, dans une famille tunisienne accessibilité. Ni l’arabe, ni le lingala ne bénéficient de culture arabe, j’ai la chance depuis toujours de l’aura d’une langue espagnole pourtant en usage d’être imprégnée d’autres canaux culturels dans les territoires du Sud global. La représentation et d’information que ceux de la culture n’est qu’un aspect du problème car, selon moi, ne française. Ainsi, comme beaucoup d’enfants issu·e·s traiter que d’elle détourne des enjeux matérialistes de l’appropriation culturelle. de l’immigration postcoloniale, j’ai passé les premières années de ma vie à parler ma langue maternelle, l’arabe. La série podcast Vintage Arab, dont je suis la créatrice, Mes parents suivaient les grandes lignes de l’actualité est née de cette volonté de mettre en valeur d’autres française sans se sentir concernés. Les politicien·ne·s récits musicaux et de sortir d’un orientalisme galopant. français·es ne s’adressaient à aucun moment à celles En effet, dans le milieu de la culture, il existe une forme et ceux qui n’ont pas la nationalité. Ma mère, férue d’orientalisme avec des conséquences matérielles réelles. des musiques arabes, a nourri mon imaginaire Si le phénomène existe depuis la vague de la World des mélodies de chanteurs et chanteuses arabes. Ainsi, Music dans les années 1990, nous en traversons la transmission culturelle s’est opérée surtout à travers une nouvelle vague depuis l’émergence de phénomènes cette figure maternelle. Ces musiques et artistes m’ont comme « l’électro arabe » (où de nombreux DJ permis d’accéder à la représentation que la société sont des Blanc·he·s et ne s’intéressent que depuis française ne nous donne pas. récemment aux musiques non occidentales). Cet intérêt
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AssiégéEs • septembre 2020