AssiégéEs #4 : Utopies

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ENTRE NO(U)S AUTRES

Genèse par Princia Au commencement, l’Océan se nappe de corps faits miroirs de la terre ; il se mue de ces visiteurs en soufflant des graines sur 587 041 km². Une pluie de molécules blanches s’abat en effleurant les feuilles de bananiers. 1 « Ô Mer, laisse-moi dans le creux de tes vagues ! » Comme si elle ignorait leurs cris l’Aqueuse agrippe les racines de la barque.

2 Allongées sur l’écume en attendant le remou des mainws blanches, de longues heures évidées, vacarmes ensoleillés, de vaines larmes noyées par l’éveil. La nuit tombée, le village ne pleure pas de frêles torses troués mais le retour de la pluie feuilletant les cabanes. Ce monceau de terre égaré, par les bras verts et bleus des siens. Une histoire de valse incessée, leurs paquebots et nos rivages sous un ciel de baobabs. Enfin, glanée six pieds sous Terre, la marche de l’Histoire retrouve son métronome. 3

4 Et nous remontons, l’aube revenue, sur le sable brûlant à nos pieds.

Ce mouvement est un hymne à celles qui ont su transpercer la terre pour

enfouir le bruit intermittent des balles. Le bois de santal embaume et apaise nos torses embrasés. Le soleil n’est qu’un balancement de plus sur mon béton de peau.

Le vaste cercueil boisé garde le soufre des noyés abominables dans leurs poumons et nous dansons sous une pluie disparate de mousson ;

Le phare grapille le ciel et secoue ses mouettes riantes sur nous.

des têtes brunes sous le crachat des vagues, l’Île loin derrière. Un bâteau meurt sous les crépitements du jour, 1146 navires déboutés.

Ces voleuses de sommeil s’éparpillent. Soudain, le jour s’évanouit.

La surface écarlate de la tour couleur sienne, écho immaculé de nos rires dans 52 850 mesures de silence.

Chaque pied lévite pour un court battement, des papillons au bord des paumes et crépuscule après crépuscule, les mains liées prient un rivage silencieux. Dans les soubresauts nocturnes, chacune retient son souffle jusqu’au dernier crépitement.

Le mousquet dérive sur la plage et une main cuivrée ploie ce vestige de canopée rendu à la terre, entre mille larves, où une grammaire de feuillage susurre des riffs incandescents. Nous naissons à nouveau, la bruine nous enfante pour toujours.

Les pissenlits chuchotent au creux des nuques une litanie d’heureuses.

La distance entre la prochaine île et nous s’étire à vue dans un bonheur insouciant. Bientôt, le chant des pluviers fait pleuvoir sur nos têtes une vie sans peur.


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