Ardennes Alpes
#207 / 1er trimestre 2021
En plein effort, évitez de respirer par la bouche : l’air n’a pas le temps de se préchauffer dans les narines et vous perdez énormément d’eau. De plus, la perte de charge dans le circuit respiratoire étant moindre, l’échange gazeux dans les poumons est moins efficace que lors d’une respiration nasale. Un bon moyen d’augmenter l’efficacité des échanges gazeux lors de la respiration est de pratiquer quelques fois une inspiration et une expiration forcées en augmentant la perte de charge du circuit respiratoire, en obturant partiellement -et volontairement- le passage de l’air dans la gorge. L’apport d’oxygène par les poumons est favorisé et le C02 s’échappe mieux. Entre l’aspiration et l’expiration, une apnée légèrement prolongée, en maintenant une pression sur les poumons, favorise aussi l’échange gazeux. La respiration abdominale double votre capacité par rapport à la respiration thoracique. Pour déceler si vous respirez bien, faites une ample inspiration et sentez avec vos mains ce qui enfle en premier lieu : votre thorax ou votre ventre ? C’est le ventre qui doit gonfler le premier, signe que votre diaphragme est libre et souple. Acquérir une bonne respiration abdominale en permanence demande du temps et de l’attention. Outre l’efficacité respiratoire, la respiration abdominale induit le calme intérieur. TEXTE DE JEAN BOURGEOIS MIS EN IMAGE PAR AUDREY CAUCHIE
édito Chère lectrice, cher lecteur, Tu tiens dans les mains la seconde édition 100 % féminine de l’Ardennes & Alpes. La première version (le numéro 1991) était publiée il y a deux ans, déjà à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes célébrée mondialement le 8 mars depuis 1977. L’héritage de notre société patriarcale dans l’éducation des filles est encore lourd à porter (au même titre d’ailleurs, mais avec d’autres conséquences, sur celle des garçons) et alourdit notre sac à dos de choses qui ne nous appartiennent pas. Pour les filles souvent, ce seront des doutes, des peurs, le regard de l’autre et ses projections, un sentiment d’infériorité physique et technique dont il faudra se défaire, comme on retire les cailloux de nos bottines pour avancer. Pour autant qu’on ait l’esprit un peu rebelle, bousculer les conventions peut devenir une évidence. Et heureusement, des pionnières à l’esprit bien trempé ont ouvert la voie dans tous les domaines, comme en sport. Aujourd’hui, être femme dans un milieu montagnard est moins difficile qu’autrefois mais ne faut-il pas encore « prouver davantage notre légitimité » ? Est-ce que sortir de notre zone de confort ne mobilise pas davantage d’énergie de notre part ? Quand je bivouaque seule en forêt, je ne redoute ni les températures négatives, ni le sanglier, ni le loup, je redoute seulement
1 - Relire l’édition 199 : www.clubalpin.be/votre_mag > archives
Henriette d’Angeville, la fiancée du Mont-Blanc par Romane Kolb
de croiser un homme mal intentionné. Même scénario en auto-stop, alors que j’ai traversé l’Europe du Nord au Sud en stop, je ne l’ai pas fait en solo, de peur de revivre ces situations tendues où tout peut basculer… Il faut composer avec ces injustices. Aussi, gérer la douleur des menstruations en « expédition » ou en compétition, une réalité qui se dévoile depuis peu. En 2015, grimpant sur le podium du marathon de Londres avec l’entre-jambes taché, l’artiste et activiste indo-américaine Kiran Gandhi, déclarait avoir couru sans protection pendant ses règles pour des raisons pratiques évidentes mais aussi par militantisme. En 2016, lors des JO de Rio, la nageuse Fy Yuanhui expliquait sa défaite en finale du quatre fois cent mètres « parce que mes règles sont arrivées hier, donc je me sens plutôt faible et fatiguée » à l’instar de Heater Watson qui justifiait sa défaite prématurée à l’Open d’Australie par « un truc de fille ». Voilà pourquoi, en tant que rédac’chef, une édition 100 % féminine me semble importante. C’est un numéro militant mais qui modestement, permet le partage entre femmes et invite les hommes à découvrir une autre réalité. L’enjeu est comme souvent l’écoute, l’empathie ainsi que l’acceptation de la différence et du référentiel de l’autre. Ainsi, je fais le vœu que chaque humaine, chaque humain, puisse grandir vers ce qui l’appelle sans subir ni le regard de l’autre, ni la pression, ni l’adversité.
MAIRE PIERRET Rédactrice en chef page 3
ÇA T’EMBÊTE SI JE PASSE DEVANT ?
Lors de ces aventures féminines, il m’est arrivé de me poser ce genre de questions : « Si la cordée avait été mixte, aurions-nous osé dire que nous voulions porter la corde ? », ou « Que nous étions réglées et donc moins en forme ce jour-là ? ».
Illustration : Romane Kolb
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SPÉCIAL
100 % féminin Seconde édition 100 % féminine de l’Ardennes & Alpes à l’occasion de la journée des droits des femmes : un numéro militant !
LA TRAVERSÉE À PIED DES VOSGES, DU JURA ET DES ALPES LIKE A GIRL ! PAGE 16
Assez vite, le plaisir prend le pas sur l’inquiétude. La traversée des Vosges est chargée d’émotions. Je suis fière d’avoir osé me lancer ce défi. C’est bon d’être seule, de m’autoriser à m’attribuer le mérite de ce que je suis en train d’accomplir et des jolies choses qui se présentent au quotidien.
Sommaire 5
Actualité 100 % belge et détonante !
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L’escalade est un axe essentiel de ma vie
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Ça t’embête si je passe devant ?
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La traversée à pied des Vosges, du Jura et des Alpes like a girl !
LES CORDETTES PAGE 20
Je pense que réaliser des vacances uniquement entre filles change complètement notre optique de voyage. On se met beaucoup moins de pression sur nos performances.
ESCALADE ET GROSSESSE, MODE D’EMPLOI PAGE 35
L’escalade m’a permis de me ré-approprier chaque semaine ce corps qui se transformait à vitesse grand V.
20 Les Cordettes 23
L’escalade belge au féminin
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Le haut niveau au féminin
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Escalade et grossesse, mode d’emploi
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Rencontre avec Anak Verhoeven
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Carrière de Chokier
45 Lire
100 % belge & détonante !
Gilles Charlier © 2021
ACTUALITÉ
À moins qu’Internet ne fasse pas partie de ta vie, il y a peu de chances que ces deux exploits te soient encore inconnus… mais comment ne pas en faire l’éloge dans ce magazine ?
Simon Lorenzi et son 9A Le 8 février, Simon Lorenzi s’offrait « Big Island assis » ou « Soudain seul ». Un 9A (après quelques hésitations entre le 8C+ et le 9A) réalisé à Fontainebleau ce 8 février, qui signe le 2e 9A du monde, rien de moins. Surnommé le « mutant belge » par Grimper Magazine, notre liégeois signe une performance incroyable dans l’histoire du bloc au niveau mondial. À écouter : si un film est bel et bien en préparation par Gilles Charlier, en attendant, Simon Lorenzi nous raconte son ascension, sa « crucifixion », son tibia, son île déserte, son 9A au micro, non sans humour, d’Histoires au sommet, en collaboration avec le Club Alpin Belge. PODCAST à écouter sur : podcast.ausha.co/histoires-au-sommet Merci à Gilles Charlier pour les images, prochainement un film suivra (gillescharlier.com).
Le 11 février à 22h18, la communauté pouvait lire sur le mur facebook de Sean Villanueva le message suivant : « Pour fêter mon anniversaire, je me suis offert les SEPT gâteaux, certains avec du glaçage, et quelques accompagnements supplémentaires !!!! ». C’est ainsi que Sean annonçait sur les réseaux sociaux sa performance historique et incroyable en Patagonie. La traversée des sept aiguilles du Fitz Roy, en solo !.
Sean Villanueva © 2021
« Je n’ai prévenu personne sinon on m’aurait pris pour un fou ! »
Le Club Alpin Belge et toute notre communauté grimpe est en fête. Merci et bravo à vous ! VIDEO à voir sur : www.facebook.com/ClubAlpinBelge/videos MARIE PIERRET
Simon Lorenzi - Big Island assis – Février 2021, Fontainebleau Sean Villanueva, Aiguille Saint-Exupéry, Aiguille Poincenot et Cerro Chalten, sommet du Fitz Roy page 5
L’escalade est un axe essentiel de ma vie Entretien avec Stéphanie Bodet Propos recueillis par Nicolas Delforge pour Ardennes & Alpes. Comment harmoniser son corps et son esprit aux milieux dans lesquels on se retrouve plongé ? Quelles sont les vertus de la roche et du silence ? Quelles forces peuvent émerger des pratiques de grimpe féminine ? Telles sont quelquesunes des questions que Stéphanie Bodet, ancienne championne du monde de bloc (1999), grimpeuse, page 6
écrivaine et blogueuse, se pose avec nous. Un entretien inspirant avec l’autrice de À la verticale de soi (son autobiographie parue aux éditions Paulsen en 2016) et d’Habiter le monde (son premier roman, publié par Gallimard en 2019).
Ci-contre : Stéphanie Bodet, brouillard massif des Aravis
NICOLAS DELFORGE — Peux-tu nous présenter ton parcours en quelques mots et nous raconter comment est né ton goût pour la grimpe ? STÉPHANIE BODET — J’ai eu la chance de grandir dans une famille sensible à la nature et où l’on aimait la montagne. Ma mère était passionnée de botanique et mon père aimait nommer les sommets que nous apercevions. Ces randonnées en famille me plaisaient, notamment lorsqu’elles étaient itinérantes, mais lorsque j’ai découvert la grimpe à quatorze ans, le rocher a apporté une autre dimension. C’était aussi un moyen de s’échapper un peu de la famille et cela me fascinait, parce que j’y ai vu la possibilité d’un mode de vie alternatif. À l’époque, les grimpeurs étaient encore beatniks [rires] et cela me plaisait ! J’aimais l’idée de vivre au grand air et d’être en recherche d’harmonie avec les éléments. Je crois que c’est surtout cette dimension poétique, presque spirituelle et philosophique, qui m’a plu d’emblée, même si je ne la formulais pas, je ressentais que quelque chose s’apaisait en moi lorsque je mettais le pied sur une paroi. J’ai commencé à l’ancienne – grimper pour être plus à l’aise en montagne –, mais très vite, je me suis laissé entraîner avec d’autres jeunes de mon club vers l’escalade sportive. Toute ma vie, j’ai souffert d’asthme et d’allergies, mais je réalise combien l’escalade m’a aidée à faire face à ces petits soucis de santé. Quand on a des fragilités, sans négliger les moments de repos qui nous ressourcent, il faut cependant apprendre à résister au désir de se replier sur soi, de s’enfermer, pour sortir, s’aérer, faire du sport et de la marche. Tout cela régule, apaise nos émotions et notre corps. L’escalade et la montagne m’ont aidée à me fortifier. Tu t’es tout de suite entraînée en extérieur ? Je n’ai pas commencé en salle, parce qu’il n’y en avait pas dans ma région au début des années 90. J’ai débuté à Céüse, dans les Hautes-Alpes, qui est une falaise connue internationalement maintenant. Tous les grands noms de l’escalade ont grimpé là-bas. J’ai eu la chance d’y aller à une époque où c’était encore confidentiel, où les gens du coin qui grimpaient là ouvraient de très belles voies. En fait, j’ai découvert la grimpe sur mur et les prises résinées à seize ans, lors de ma participation à un championnat de France jeune. Autant dire que je n’ai pas brillé !
Ardennes & Alpes — n°207
Je suis vraiment issue de l’escalade calcaire, en dalle, où tu dois parfois grimper un petit peu loin entre les points. Cela m’a appris à maîtriser mes émotions. D’ailleurs, au début, j’étais parfois peureuse, d’autant qu’une amie, plus forte que moi, hurlait de trouille lorsqu’elle grimpait en tête et cela ne me rassurait pas. En grimpant ensuite avec des personnes pour lesquelles la chute n’était pas un problème, cela m’a complètement libérée, et j’ai dépassé cette peur de « voler », comme on dit entre grimpeurs. En falaise, essayer, chuter, réessayer fait partie de la progression. En gravissant des grandes voies, en revanche, j’ai compris qu’il y avait des endroits où je n’avais pas le droit de tomber. Prendre conscience des risques objectifs permet d’éviter certains accidents et les peurs irrationnelles. Quelles ont été les grandes étapes de ta carrière, en tant que grimpeuse ? J’ai fait des compétitions pendant cinq ans de manière intense. J’ai gagné la coupe du monde de bloc à 23 ans. Mais durant ces années-là, j’avais déjà envie d’autre chose. Arnaud (Petit), mon compagnon, venait juste d’arrêter les coupes du monde. On avait envie de voyager et d’aller sur des grandes parois pour découvrir de nouvelles cultures et ouvrir des voies. Donc, j’ai arrêté les compétitions pour me tourner avec lui vers des projets plus aventureux.
L’escalade et la montagne m’ont aidée à me fortifier. Nous avons voyagé, grâce aux économies des compétitions, à Madagascar en 1998, par exemple. Kurt Albert, un grimpeur qu’on admirait énormément, nous avait envoyé une photo d’une paroi. Comme Internet n’existait pas, on ne pouvait pas savoir ce qu’il y avait autour… C’est assez magique, lorsque j’y pense de partir ainsi à 22 ans, pour un pays lointain et inconnu avec une simple photo de paroi en poche. Ça nous a donné l’occasion de vivre quelques aventures et mésaventures, ces années de voyage ! Je suis d’un tempérament sensible et solitaire, cela m’a permis aussi d’étendre ma zone de confort et d’apprendre à vivre dans un petit groupe. Mon plus beau souvenir est peut-être la Tour sans nom à Trango, dans le massif du Karakoram. J’en en avais longtemps rêvé avant d’avoir page 7
Est-ce qu’il t’est arrivé d’avoir des soucis liés à ton statut, à ta condition de femme ? Je ne l’ai ressenti qu’une seule fois durant cette expédition au Venezuela avec l’un de nos compagnons. Un jour de repos où j’étais en train de lire sur mon portaledge (lit de paroi suspendu), il m’a dit : « Si t’es venue pour lire, il vaut mieux rester à la maison et faire des enfants ». J’ai préféré ne rien lui répondre, même si j’étais vexée, car il lui arrivait de glisser ainsi des remarques misogynes à mon encontre. Avec le recul, je pense qu’il n’était pas à l’aise sur la paroi. C’était une ascension qui nous a tous poussés dans nos retranchements, où nous avons eu peur parfois, et sa peur à lui s’exprimait par des sautes d’humeur et des remarques déplaisantes. Quand on a une sensibilité à fleur de peau, on peut très facilement se sentir atteint. Aujourd’hui, même si c’est parfois difficile à faire sur le vif, je pense qu’il faut apprendre à se distancier de ce type de critiques. Je suis persuadée que personne n’est agressif gratuitement. On le devient lorsque quelque chose ne va pas. À part cette expédition, et hormis le fait de m’être sentie par moments assez mal à l’aise au Pakistan, mais c’était lié à la condition générale des femmes, je n’ai pas eu de mauvaises expériences. J’ai grimpé très tôt en couple avec Arnaud, qui était plus fort que moi et plus expérimenté. C’était une grande chance, mais j’ai compris que, pour progresser en grande voie et réaliser page 8
certains rêves d’ascension, je ne pouvais pas rester dans le rôle de seconde de cordée, même si c’était confortable et rassurant. En disant cela, je ne souhaite pas juger celles et ceux qui préfèrent grimper derrière, car c’est un choix tout aussi valable, du moment qu’il apporte de la joie. Je connais des cordées qui s’épanouissent dans cette répartition des rôles et c’est là l’essentiel. Mais lorsqu’on possède un caractère indépendant et que l’on souhaite se forger une expérience propre, aller vers plus d’autonomie et connaître ses limites, cela ne suffit pas. Il est nécessaire de prendre le risque de passer en tête, d’affronter ses peurs, car c’est ainsi que l’on gagne en confiance et en autonomie. J’en ai fait l’expérience en allant gravir des grandes voies avec des amies ou des amis moins expérimentés que moi. J’ai fait des erreurs, j’ai galéré parfois et j’ai appris. J’adore alterner le rôle du leader en grande voie, car lorsqu’on grimpe en tête, on est seul face à la paroi, il faut chercher le cheminement, faire preuve d’intuition et il y a un frisson de l’engagement et de la responsabilité. Aujourd’hui, à 45 ans, j’ai évolué, je ressens moins le besoin de me dépasser ou de prouver mes capacités. J’ai davantage conscience de mes limites et je ne m’identifie plus à mes performances, comme j’ai pu le faire parfois plus jeune. C’est apaisant, et lorsqu’une longueur est dangereuse ou que je n’ai plus le niveau nécessaire, je n’ai aucun problème à céder la place. À l’inverse, est-ce que tu as déjà noté une solidarité particulière dans le milieu ? Est-ce que tu as eu des amitiés féminines qui t’ont permis d’évoluer, par exemple ? Je suis d’une génération antérieure à la génération actuelle des jeunes aventurières qui montent des projets ensemble. À mon époque, nous étions un peu moins nombreuses à faire des grandes voies, je n’avais donc pas souvent de possibilités de grimper avec d’autres femmes. J’avoue aussi que je n’en ressentais pas spécialement le besoin, car c’est l’amitié et le sentiment de complicité qui prime dans mon envie de partager une voie, que ce soit avec un homme ou une femme. Je me souviens d’une bonne émulation en falaise avec Martina Cufar, une amie slovène dont j’admire la constance et la passion. Nous faisions des compétitions ensemble et plus tard, nous avons partagé quelques grandes voies.
Nicolas Kalisz ©
le niveau de gravir cette belle aiguille de 6 200 m. Je me souviens des bivouacs magiques face aux géants himalayens. C’était assez merveilleux, car une belle harmonie régnait dans notre cordée. La bonne entente de l’équipe joue beaucoup parce que tu passes plusieurs jours entre l’approche, l’ascension… Parfois c’est parfait, et parfois c’est un peu plus chaotique. Il faut l’accepter aussi. Ça a été le cas au Venezuela, par exemple. En 2006, on a gravi une paroi qui s’appelle le Salto Angel, du sommet de laquelle s’écoule la plus haute cascade du monde. La falaise ressemble à un immense amphithéâtre austère avec du rocher de très mauvaise qualité. On y a passé quinze jours, avec six compagnons. Entre l’approche qui prend du temps, le retour, le voyage a duré un mois en ne mangeant pas trop à notre faim et en prenant des risques. Cette fois-là a été un peu plus difficile humainement, cela peut se comprendre, mais en même temps, c’était très riche sur le plan de la connaissance de soi, de son fonctionnement et de celui des autres, en équipe. Ça m’a marquée !
Stéphanie Bodet & Arnaud Petit Salto Angel - 1st Camp
L’inspiration d’autres femmes m’a aussi été donnée par des aînées que j’admirais : Catherine Destivelle, Alison Hargreaves ou Chantal Mauduit, mais plus encore par des aventurières et des écrivaines comme Alexandra David-Néel, Ella Maillard ou Colette. Leurs vies émancipées m’ont inspirée pour tracer ma propre voie. Il y a deux ans, j’ai participé à « Grimpeuses », un événement organisé par Caroline Ciavaldini, une grande grimpeuse. C’était un rassemblement dédié aux femmes. À vrai dire, au départ, l’idée de ne rassembler que des femmes et d’exclure les hommes m’apparaissait un peu étrange. En même temps, le succès de tels événements m’interpellait. J’y suis allée autant par curiosité que pour partager mon parcours et je me suis rendu compte à quel point c’était riche. Beaucoup plus fort, essentiel et puissant que ce que j’imaginais.
Dans quel sens ? Qu’est-ce qui t’a plu et t’a marqué ? Durant ces deux journées à écouter d’autres femmes, je me suis aussi aperçue que nous n’avions pas toutes le même vécu, le même ressenti et que les féministes les plus militantes sont sans doute celles qui ont rencontré plus de résistances et d’obstacles sur leur parcours. Même si l’escalade se démocratise, que les femmes sont de plus en plus nombreuses à grimper et à se retrouver en salle, elles se sentent souvent plus isolées pour pratiquer leur passion, surtout en falaise ou en montagne. Les femmes gagnent à pratiquer entre elles pour acquérir plus rapidement une bonne autonomie. Parfois, quand tu grimpes avec un compagnon, il arrive qu’il soit un peu plus âgé que toi ou plus expérimenté, donc tu te laisses un peu guider. C’est ce que j’ai ressenti lorsque j’ai débuté et c’est ce que j’ai entendu autour de moi durant ces deux journées. L’autonomie et la confiance des femmes ne sont pas encore complètement acquises ; d’où l’intérêt et le succès de ces groupes d’alpinisme féminins et de ces initiatives pour faire grimper les femmes entre elles. page 9
Ci-contre : Stéphanie Bodet - Salto Angel
Souvent, nous croyons faire des choix de vie relativement libres, mais en réalité, nous restons pour une grande part déterminés par notre culture, notre société et la famille dans laquelle nous avons grandi. Les femmes ont tendance à se mettre plus de limites que les hommes, me semble-t-il, à se sentir aussi plus partagées entre les différents rôles qu’elles s’imaginent devoir assumer et cumuler : la bonne mère, la bonne épouse, la bonne amante, la bonne grimpeuse dynamique et sportive… Ce que l’on appelle « la charge mentale des femmes » est une réalité, et par rapport aux hommes, les choix qu’elles opèrent, comme celui d’avoir un enfant, engagent davantage leur quotidien et leur vie professionnelle. Pour moi qui ai passé l’essentiel de ma vie à grimper avec des hommes, je me suis aperçue que se retrouver entre femmes offre des possibilités de discussions profondes et authentiques. Parler des enfants, du choix d’en avoir ou pas (je n’en ai pas, ce qui intrigue encore parfois à mon grand étonnement), parler des règles aussi, de la fatigue et du déferlement d’émotions qu’elles occasionnent chez nombre d’entre nous. Le cycle a un impact bien réel sur le corps et les performances sportives. Il est bon de s’en souvenir pour le vivre sereinement. Cela m’a rappelé le Salto Angel où je m’étais sentie très seule en paroi, un jour de règles particulièrement douloureuses. Avec des hommes, on ose moins en parler, surtout lorsqu’on est jeune, car plus tard, le besoin d’authenticité cède à cette pudeur un peu idiote d’évoquer une chose qui concerne finalement tout le monde. Rien moins que la possibilité de donner la vie ! Il est heureux que ce sujet soit moins tabou aujourd’hui et de mon côté, même s’il m’arrive toujours de ressentir un vieux pincement de gêne, je n’hésite plus à l’évoquer. Au quotidien, qu’est-ce que l’escalade et l’alpinisme t’apportent dans ta vie de femme ? L’amour de la montagne m’a permis de découvrir la vie qui me convenait. Sans l’escalade, j’aurais sans doute eu plus de mal à me frayer un chemipage 10
nement qui me corresponde. La grimpe, et toute passion en général, t’enseigne un mode de vie plus simple, plus dépouillé et plus frugal. J’ai eu la chance de prendre conscience très jeune que l’essentiel n’était pas dans la quête du pouvoir et de l’argent. Plus largement, grimper me permet de trouver mon équilibre au quotidien. Parfois, tu ne te sens pas bien dans tes baskets, puis tu quittes le sol et tout s’éclaire ! C’est la magie du mouvement de nous extraire de nos tourments. Et au-delà de la grimpe en elle-même, l’observation de ce qui m’environne m’absorbe lorsque je suis en paroi : les fleurs, les oiseaux, les insectes, la forme et le grain du rocher, autant de minuscules rencontres qui me permettent de ressentir mon appartenance et ma juste place au sein du Vivant. Ce lien à la nature, à la roche, est capital pour moi et me ressource profondément. C’est pour ça aussi que j’ai envie de partager par l’écriture cet émerveillement que j’éprouve chaque jour dans la contemplation du simple déroulement des saisons. Tu as écrit un livre qui raconte ton expérience, À la verticale de soi, et un roman, Habiter le monde. Est-ce que tu peux nous raconter en quelques mots le sens des titres de ces ouvrages et ce que tu as voulu y transmettre ? À la verticale de soi est une autobiographie. Je souhaitais trouver un titre qui reflète cette idée d’introspection, liée en même temps à un désir d’élévation, de clarification et de meilleure connaissance de soi. C’était autant une plongée dans les profondeurs de l’être que dans la verticalité. La recherche d’une verticalité tout aussi intérieure. Comment parvenir à aligner mes actes avec mes valeurs, mes convictions ? Comment faire pour rejoindre cet espace où l’on se sent enfin à sa place ? C’est la question essentielle de ma vie et sans doute de beaucoup d’entre nous. À certaines périodes, on peut constater un décalage entre ce que l’on vit et ce à quoi l’on aspire. On éprouve le douloureux sentiment de ne pas adhérer complètement à ce que l’on est, à ce que l’on fait. L’escalade m’a permis, par moments, de ressentir cet alignement intérieur et de le retrouver lorsque je m’en éloignais. J’ai besoin de cette justesse pour sentir que la vie a un sens. Pouvoir me dire : « là, je suis en train de vivre selon mon cœur ». Cela n’est jamais acquis bien sûr, c’est un équilibre à remettre sans cesse sur le métier et c’est peut-être ce qui donne toute sa saveur à l’existence.
Nicolas Kalisz ©
J’ai d’ailleurs remarqué une plus grande proportion de femmes qui s’inscrivent actuellement dans les stages que j’organise avec Arnaud. C’est peutêtre parce que je suis une femme qui encadre, et parce que je propose des stages combinant escalade et yoga, mais sans doute aussi parce que les femmes ont plus de difficultés à rencontrer des compagnes et des compagnons de cordée. C’est pour moi l’occasion de vivre une forme de sororité dans la transmission de ma passion.
Concernant Habiter le monde, j’aime bien cette phrase de Hölderlin qui propose d’habiter poétiquement le monde. J’ai donné ce titre, car j’avais envie d’évoquer la question de l’« être au monde ». Ce mystère d’être là et le sens qu’on peut lui donner, notamment dans notre contexte d’angoisse liée aux déséquilibres que l’homme a provoqués sur la planète. Les alpinistes sont les premiers observateurs de cette montagne qui change et qui s’effondre parfois par pans entiers. Et cela nous interroge. Qu’est-ce que faire son métier de femme et d’homme ? Comment aller vers ses propres valeurs et défendre ce à quoi l’on tient ? Le livre commence par un alpiniste qui fait de l’escalade extrême et s’achève par sa fille qui mettra ses talents de grimpeuse au service de ses valeurs. Et entre les deux, le principal en fait, il y a une histoire romantique, car j’avais besoin de tendresse et de légèreté à ce moment-là. Dans ce livre, je m’interroge aussi sur ce que cela signifie de se sentir chez soi, ce que c’est que d’habiter un lieu, je me demande comment les gens réinvestissent leurs vies, leurs maisons, comment on se ré-empare de ce besoin primaire de nidification dans une société de consommation. Tu as notamment un CAPES en lettres modernes. Du coup, je me demandais si le féminisme, en tant que projet littéraire, philosophique et politique, avait consciemment inspiré tes choix d’écriture. Comme tu as parlé d’écologie, je voudrais aussi prolonger cette question en te demandant si un mouvement plus récent, qu’on appelle l’éco-féminisme, joue un rôle dans ton écriture et tes réflexions. Ces dernières années, je m’intéresse en effet aux idées développées par les courants éco-féministes. J’ai toujours eu une très grande admiration pour Simone de Beauvoir. J’adore le passage de La force de l’âge, où elle évoque ses randonnées solitaires page 11
Il ne s’agit pas tant d’être l’égale des hommes que d’être soi-même, dans toute sa plénitude.
dans les calanques. Elle n’écoute personne et vit à sa guise avec une confiance étonnante. Mais il est vrai que je me sens plus proche, aujourd’hui, de ces écrivaines (Joanna Macy ou Starhawk), qui font le lien entre l’oppression des femmes et les désastres écologiques dans les sociétés patriarcales. L’éco-féminisme est un mouvement né dans les années 70, dans les classes populaires américaines où l’on a constaté que les femmes étaient souvent plus nombreuses à prendre part aux luttes écologiques. Les féministes françaises y ont vu à l’époque un essentialisme, c’est-à-dire la réduction de la femme à sa nature. C’était sans doute une erreur d’interprétation, mais il faut se replacer dans un contexte où les femmes cherchaient justement à s’émanciper de la nature et à se libérer de tout ce qui pouvait les enfermer dans le rôle que leur avait assigné le patriarcat. Aujourd’hui, en revanche, avec la crise écologique, le besoin de se reconnecter à la terre et au vivant est très fort. L’éco-féminisme trouve une plus grande résonance. Les femmes souhaitent se réapproprier leur histoire, réhabiliter leur pouvoir sur leur corps, en faire une force, non une faiblesse, contrairement à ce que laisse entendre la misogynie ambiante de nos sociétés. Il ne s’agit pas tant d’être l’égale des hommes que d’être soi-même, dans toute sa plénitude. J’observe dans la société une résurgence des rituels, un besoin d’en créer de nouveaux ou de se réapproprier d’anciens cultes païens. Mona Chollet en parle merveilleusement dans son essai Sorcières : La puissance invaincue des femmes. Au-delà du folklore, c’est une approche qui résonne en moi. L’escalade et l’alpinisme sont une manière de célébrer les éléments, d’éprouver cette terreur sacrée, le Thambos des Grecs, que l’on ressent face à ce qui nous dépasse. Une fascination qui désamorce l’hybris de l’être humain pour l’inviter à l’émerveillement et au respect. page 12
Pour terminer, est-ce qu’il y a quelques projets dont tu souhaiterais nous parler ? J’ai le projet d’un livre sur le silence, le beau silence habité, dernier luxe, avec l’espace, qui tend à s’éteindre sous le bruit des hommes et des machines. Une réflexion autour de quelques questions qui m’interpellent : pourquoi certains ont plus besoin de silence que d’autres ? Quelle place lui accorde-t-on dans notre société ? Dans l’histoire ? Je suis une grande amoureuse du silence et je pense que c’est un peu le cas de tous les gens qui aiment la montagne et la randonnée. On y va pour se relier au chant du monde et retrouver une forme de silence intérieur. J’aimerais m’isoler quelques semaines en montagne ce printemps, pour l’achever et vivre un temps de retraite solitaire. À côté de cela, continuer à transmettre concrètement, grâce aux stages, et continuer à grimper pour le plaisir. Pour moi, aujourd’hui, même si je grimpe moins qu’autrefois, l’escalade demeure un axe essentiel de mon quotidien, une belle balade verticale que j’espère pouvoir prolonger le plus longtemps possible. C’est la richesse de notre passion. On peut la vivre à tous les âges, sur une voie extrême comme sur un sentier !
STÉPHANIE BODET NICOLAS DELFORGE
Pour suivre les aventures et les réflexions de Stéphanie Bodet, et/ou pour s’informer sur ses stages de grimpe et d’escalade et yoga : unevieagrimper.blogspot.com vagabondsdelaverticale.wordpress.com Ses derniers ouvrages À la verticale de soi, coll. Guérin, Chamonix, éd. Paulsen, 2016. Habiter le monde, coll. L’Arpenteur,Paris, Gallimard, 2019. Voir aussi É. Hache, Reclaim : Anthoplogie de textes écoféministes, Paris, Cambourakis, 2016. M. Chollet, Sorcières : La puissance invaincue des femmes, Paris, La Découverte, 2018.
Mathilde Oe uvrard © 20 19
Ça t’embête si je passe devant ? L’alpinisme au féminin NOÉMIE HORDIES Septembre 2019, Val d’Aoste Grand Paradis : après plusieurs heures de course, Marie, Sophie, Céline et moi approchons de la rimaye nous séparant de la partie rocheuse permettant l’accès au sommet. Notre premier 4 000, notre première course en autonomie !
Heureuses et fières au sommet du Mont-Blanc
La rimaye est ouverte et la pente plutôt raide. De nombreux alpinistes attendent leur tour pour passer cet obstacle. Des guides installent des cordes pour leurs clients. Une discussion commence entre nous. Attendre et risquer de prendre froid et ne pas être de retour avant les orages prévus en fin de journée ? Faire demi-tour ? Trouver un autre accès ? Chacune donne son avis, chacune écoute. Ensemble, nous prenons la décision de traverser un peu plus à gauche, où nous avons repéré un autre passage potentiel de la rimaye. Je suis fière de dire que nous avons été réfléchies, prudentes et badass à la fois ! Sans homme pour trancher, c’était à nous d’être leadeuses. Un statut que nous n’avons pas acquis par hasard… page 13
Avant de me lancer dans cette si belle pratique qu’est l’alpinisme, je ne m’étais jamais vraiment posé la question des genres en altitude. Attirée par les sommets depuis longtemps, mais m’étant toujours cantonnée à la randonnée, je franchis enfin le cap en 2017 en m’inscrivant à un stage UCPA d’initiation à l’alpinisme. Quel bon choix ! Me voilà donc à Chamonix dans un groupe composé de cinq nanas et d’un gars, initiés par une aspirante guide : Mathilde Oeuvrard. Cette semaine fut une révélation de mon amour pour la haute montagne. L’entente dans le groupe fut si bonne que nous décidons de repartir ensemble l’année suivante, toujours encadrés par Mathilde. Pour une question d’agenda, nous ne serons que quatre à prendre part au trip. Quatre filles : l’alpinisme au féminin démarrait pour moi !
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lions porter la corde ? », ou « Que nous étions réglées et donc moins en forme ce jour-là ? ». Bien que la haute montagne se féminise de plus en plus, nous sommes souvent les seules cordées 100 % féminines sur nos courses ou au refuge. Lorsque nous croisons des cordées masculines, il est très rare de ne pas entendre la remarque « Ah ? ! Que des filles ! ». Les interactions avec les hommes sont principalement bienveillantes et protectrices, cependant avec parfois une touche de sexisme.
L’alpinisme au féminin et ses atouts Ayant foulé les montagnes avec différents groupes de filles et deux guides femmes (Mathilde et Julia Virat1), les expériences et les discussions que nous avons eues entre nous ont forgé mon avis sur ce qu’apporte la pratique de la montagne entre femmes.
Sur plusieurs ascensions, Mathilde nous apprit à prendre confiance, à gagner en autonomie et à profiter de nos courses. Ce modèle féminin nous a inspirées, nous a permis de nous y identifier et de faire tomber des barrières mentales. Si bien qu’à l’été 2019, nous décidons donc de faire notre première course en autonomie. La bande de quatre nanas part à l’assaut du Grand Paradis. Cette course sera selon moi une belle réussite, non pas parce que nous avons atteint le sommet, mais plutôt parce que nous avons pris soin les unes des autres, nous avons pris les décisions ensemble et avons exprimé nos émotions sans crainte.
Jusqu’il y a peu, la haute montagne était un domaine principalement réservé aux hommes. Mathilde nous racontait que, lors de ses premières courses, lorsqu’elle appelait un refuge, le gardien lui répondait souvent de voir avec le guide. Ou encore, Julia explique que, lorsqu’elle est avec des clients, c’est souvent vers les hommes de la cordée que les autres vont se tourner, pensant que ce sont eux les guides. La femme guide n’a clairement pas encore sa place dans tous les esprits (elles sont une trentaine de guides femmes pour 1 800 professionnels).
Lors de ces aventures féminines, il m’est arrivé de me poser ce genre de questions : « Si la cordée avait été mixte, aurions-nous osé dire que nous vou-
1 - Guide de haute montagne très investie dans l’encadrement et la formation des équipes féminines d’alpinisme pour le compte des fédérations françaises de montagne.
Noémie Hordies © 2017
Mon parcours
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Parce qu’on nous a répété que ce n’était pas pour nous, mais aussi parce que l’engagement et le risque sont des valeurs qu’on encourage chez les garçons, certaines n’osent pas commencer. Je trouve donc géniales ces formations non mixtes et ces sorties entre filles qui éclosent un peu partout et qui donnent l’envie et surtout la possibilité à toutes de se lancer.
Toute cette réflexion m’amène à me poser cette question : la femme ne ferait-elle pas évoluer l’alpinisme vers quelque chose d’encore plus pur, sain et honnête ? Sans la culture du risque, de l’exploit à tout prix, les femmes rationalisent le coût de se mettre en danger et font parler leur sensibilité et leur bienveillance. Liv Sansoz a dit à propos de son enchaînement des 82 plus hauts sommets des Alpes : « J’ai montré mes vulnérabilités sans hésiter, j’ai pris des grandes marges de sécurité. Je n’avais pas envie d’être la première, ou la plus rapide, pas de titre à gagner. Le projet qui me tenait à cœur, c’était de réussir les 82 en conciliant ski, alpinisme et parapente, avec des personnes qui me sont chères ! »
Les hommes ne sont pas les seuls fautifs. Certains automatismes regrettables traînent et pas seulement en montagne : c’est sociétal. Dès qu’il y a un homme dans une cordée, il est fréquent que les femmes se mettent spontanément un peu derrière et se disent « Ah mais lui, il est plus fort. C’est normal qu’il passe devant ». On s’autocensure et on s’interdit de tenter des choses. Certains hommes laissent volontiers la place, mais la femme se dira toujours qu’en cas de pépin, l’homme est toujours là en joker. Lorsqu’il n’y a que des femmes, cela oblige à prendre le leadership. On travaille sa confiance en soi pour progresser et oser passer en tête. Quoi de plus beau lorsque nous nous surprenons par nos capacités inexplorées !
Et si la pratique de l’alpinisme se modernisait en se féminisant ? Je remercie mes partenaires de cordées pour toutes ces belles aventures !
NOÉMIE HORDIES
Parce qu’on nous a répété que ce n’était pas pour nous, [...] certaines n’osent pas commencer.
À mon avis, il est important de promouvoir l’alpinisme au féminin également auprès des hommes, car c’est de cette manière que les mentalités évolueront. Ça n’aurait pas trop d’intérêt si on ne touchait que les femmes.
Site de la guide Mathilde Oeuvrard : www.mathildeguide.com Site de la guide Julia Virat : www.julia-guide.com Pour s’inspirer : podcast « Montagnes au féminin », podcast.ausha.co/montagnes-au-feminin Mathilde Oeuvrard © 2017
Je pense que ces sorties ou formations féminines ne sont pas une fin en soi. Elles sont une étape pour gagner en assurance et retourner vers la pratique mixte. Si cela peut amener, en cordée mixte, à imposer ses choix quand on estime qu’ils sont bons et à oser la phrase « ça t’embête si je passe devant ? », on aura tout gagné.
Spoiler alert : si des sorties entre filles te tentent, sache qu’un groupe outdoor féminin belge pourrait doucement voir le jour :)
Page de gauche : Mathilde Oeuvrard, guide de haute-montagne et Élodie Feng – Pointe Lachenal, août 2017 Ci-contre : Marie, Céline, Noémie, Sophie Pré de Madame Carle, juillet 2018
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© 2020 Alicia Grafé
La traversée à pied des Vosges, du Jura et des Alpes like a girl ! ALICIA GRAFÉ
Les Vosges Samedi 11 juillet 2020. C’est le grand jour ! Je suis excitée comme une puce à l’idée de concrétiser un projet qui occupe mes pensées depuis plusieurs mois déjà. Aujourd’hui, je chausse mes bottines direction la Méditerranée ! Le départ est prévu à Wissembourg, au nord des Vosges. Le programme : traverser la France à pied du nord au sud, via les trois massifs que sont les Vosges, le Jura et les Alpes. page 16
Mon ancien staff guides que j’adore m’accompagne jusqu’à Wissembourg. Mes amies ont tenu à assurer une sorte de transition entre mon départ et le moment où je me retrouverai seule. On rigole bien, Céline Dion et la Star Academy à pleins tubes dans la voiture. On loge dans un camping sympa où on dîne d’une délicieuse Flammekueche et partage une bonne bouteille de vin. En dépit des bonnes intentions de mon staff, je sais qu’après son départ, le changement sera
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Ci-contre : Col des Thures, le 5 septembre 2020. La liberté du bivouac.
journée, dresser ma tente, laver mes affaires… Je me suis faite à cette nouvelle routine de nomade et j’ai dépassé les approximations du début en termes d’organisation.
radical. C’est la première fois que je suis amenée à voyager solo. J’ai hâte d’en faire l’expérience. J’ai l’intuition que les craintes de mon entourage sont infondées et j’ai l’intime conviction que l’expérience me plaira beaucoup. Mais, à ce stade, cela relève du pur fantasme, puisque je n’ai jamais rien fait de tel.
Le premier morceau de la traversée jurassienne remonte le Doubs. C’est un itinéraire tout en douceur, de Montbéliard à Pontarlier, à cheval sur la France et la Suisse. Le paysage change. Le calcaire remplace le grès des Vosges. Le parcours est joli et amusant, surtout la traversée du canyon de la Mort et ses quelques échelles. Avec l’humidité de la rivière, la végétation est recouverte d’une épaisse mousse qui donne à l’environnement des airs de jungle.
Une fois seule, un grand sentiment de liberté m’envahit. Je réalise que j’ai près de trois mois devant moi sans compte à rendre. Que je vais me lever chaque jour à un endroit différent sans savoir de quoi ma journée sera faite, ce que je vais voir ou manger, où je vais dormir, qui je vais rencontrer… Quel pied ! Cela tranchera avec mon quotidien à Bruxelles qui laisse peu de place à l’imprévu.
D’anciennes cabanes de douaniers parsèment le chemin. Elles sont aménagées au profit des randonneurs. Selon le cas, des livres, un poêle, des crayons de couleurs ou autres ustensiles sont mis à disposition. Je suis subjuguée par le paysage enchanteur et par la possibilité pour de tels lieux de continuer à exister malgré l’affluence. En effet, il y a un de plus en plus de monde au fur et à mesure que je m’approche du Saut du Doubs.
Physiquement, par contre, le début est difficile. J’avais imaginé que le parcours se ferait crescendo, mais les Vosges s’avèrent être un sacré morceau. Je dois m’habituer au poids de mon sac, à mes bottines, aux nuits en bivouac, à la rareté de l’eau en forêt et à ce relief en dents de scie qui m’oblige à attaquer l’itinéraire avec d’importants dénivelés positifs chaque jour. Je décide de m’arrêter un jour par semaine pour me reposer. C’est aussi l’occasion de nettoyer mes affaires et de m’offrir un bon repas. Les jours passent, puis les semaines. Arrivée au terme de la partie vosgienne de mon itinéraire, je suis dans une forme olympique ! Je ne me suis jamais sentie aussi bien dans mon corps et dans ma tête. Je suis gonflée à bloc par le dernier tronçon qui traverse le parc des Ballons et qui me permet de découvrir un décor montagneux, plus découvert, que j’aime tant.
Le Jura En arrivant dans le Jura, après trois semaines de randonnée, je me suis vraiment habituée à mon nouveau rythme. À ce stade, je ne suis plus du tout gênée par le fait de devoir marcher toute la
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Assez vite, le plaisir prend le pas sur l’inquiétude. La traversée des Vosges est chargée d’émotions. Je suis fière d’avoir osé me lancer ce défi. C’est bon d’être seule, de m’autoriser à m’attribuer le mérite de ce que je suis en train d’accomplir et des jolies choses qui se présentent au quotidien. Ca me fait du bien de prendre conscience de la qualité des contacts que j’établis avec ceux qui croisent mon chemin.
Le programme : • Départ à Wissembourg (nord des Vosges, frontière franco-allemande) • Arrivée à Menton (Méditerranée, frontière franco-italienne) • GR53, GR5 et GR52 (5 topoguides de la FFRandonnée) • +- 1 200 km • +- 60 000 m D+ • Dix semaines (trois dans les Vosges, deux dans le Jura, cinq dans les Alpes) page 17
Rocher de Mutzig, le 19 juillet 2020 Rocher de grès typique des Vosges
À Pontarlier, je retrouve mon amoureux, Rodolphe, qui s’est finalement aussi laissé tenter par l’aventure. Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis ! À partir de ce moment, le voyage prend une autre tournure. Quelques adaptations sont nécessaires de mon côté, car la routine dans laquelle je m’étais déjà bien installée est un peu bousculée. Mais c’est génial de pouvoir partager ce moment… et le poids du matériel ! On continue dans le Jura pendant une semaine encore, à travers des paysages fleuris, de jolis villages, des tourbières et des alpages. L’ambiance est bucolique et on découvre le plaisir de randonner à deux. Bien entendu, on n’omet pas de se régaler de Comté, de Morbier et de Mont d’Or.
Le matos • Sac de couchage, tente, matelas, sac à viande • Sac à dos 40L + housse imperméable • Doudoune + veste imperméable • 1 tenue chaude (collant, pantalon, t-shirt à manches longues et polaire) • 1 tenue légère (short et t-shirt à manches courtes) • 2 chaussettes, 2 culottes, 1 soutien-gorge, 1 maillot • Matériel de toilette (essuie, brosse à dents, dentifrice, savon, lame de rasoir) • Hygiène intime (papier de toilette, coupe menstruelle, 2 serviettes hygiéniques lavables, lingettes) • Pharmacie (sparadrap micropore, beurre de cacao, pince à tics, crème antifrottements, arnica) • Tongs et bottines de marche • Casserole avec couvercle, spork, couteau, poche à eau • GSM, liseuse, batterie externe, écouteurs, chargeur • Bâtons de randonnée • Topoguides (achetés au fur et à mesure) page 18
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Les Alpes Arrivés à Nyon, on s’offre une pause de choix au pied du lac Léman. Cette étape est symbolique. Dans mon esprit, si j’arrivais jusque-là, c’est que j’étais capable d’aller jusqu’au bout de la traversée ! Les pieds dans l’eau, je prends la mesure du chemin parcouru et de tout ce que j’ai déjà appris sur la route. Dire que je n’osais pas parler de mon projet avant mon départ ! J’ai hâte d’entamer la partie mythique du GR5 que constitue la traversée des Alpes. L’attente n’est pas longue avant de retrouver les montagnes. On n’a même pas encore perdu le lac de vue qu’on se retrouve dans les pierriers. Les Alpes, c’est vraiment un autre niveau que le Jura. On est très souvent en moyenne et haute montagne et j’adore ça ! Il faut se donner pour traverser chaque col, mais quel plaisir une fois qu’on y parvient ! Comme promis, la traversée alpine est sublime. On est gâtés par les massifs du Chablais, du Giffre, des aiguilles Rouges, du Mont-Blanc ou encore, du Beaufortain. Il y a des animaux partout, en particulier les bouquetins qui sont ici chez eux ! C’est hallucinant de pouvoir les voir de si près. Dans les Alpes, on ne manque pas de faire de jolies rencontres. Par la force des choses, c’est plus rare que j’étais seule, mais celles qu’on fait apportent leur lot d’enrichissement. Je continue à être frappée par la sincérité des échanges. Ici, personne n’a rien à prouver, tout est gratuit et on est tous tout nus ou presque. Cela crée les conditions d’une authenticité qui se fait trop rare dans la « vraie » vie.
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Col des Fours, le 31 août 2020. Premier réveil dans la neige!
On continue la traversée à travers les massifs de la Vanoise, du Mont-Cenis et des Cerces. Ce qu’on apprécie tout particulièrement dans les Alpes, ce sont les vastes étendues et la possibilité d’installer de vrais bivouacs de rêve, en toute légalité. La nuit, les rongeurs qui passent sous la tente nous procurent comme des massages. Au réveil, dans ce paradis, on a l’impression que le monde est à nous ! Le Queyras et l’Ubaye font la part belle aux marmottes et aux rapaces. À plusieurs reprises, des vautours et des aigles volent à la même hauteur que nous, alors que l’on progresse sur des chemins de crête. C’est inouï ! Dans le Mercantour et les Préalpes de Nice, il n’y a plus de doute possible : on est bien dans le sud. Par moments, on se croirait même de l’autre côté de la frontière tant l’Italien est présent ici. Énorme coup de cœur pour la vallée des Merveilles, ses nombreux lacs et ses rochers verts, orange et pourpres. L’atmosphère est chargée d’histoire et l’ambiance quasiment mystique. Les deux derniers jours, on court ! Même si on n’a pas envie que l’aventure se termine, l’arrivée à la Méditerranée se présente comme le signe d’un bel accomplissement. C’est comme si on était aimantés par cette ligne d’arrivée. La descente vers Menton est inoubliable, à travers les mélèzes puis les oliviers. On clôture l’aventure les pieds dans l’eau, sans pouvoir s’empêcher de penser déjà à la prochaine…
Cette aventure a sans conteste été l’une des plus riches de ma vie. Elle m’a permis de prendre conscience de mes qualités et de mes aptitudes et a contribué à effacer un certain nombre d’idées reçues que j’avais sur le fait de voyager seule en tant que femme. J’ai appris à faire confiance, à me montrer ouverte et j’ai pu constater tout le positif qui en est ressorti. Pour cultiver cet apprentissage, je me suis fait plusieurs promesses à l’arrivée. L’une d’elles est celle de faire davantage de place à la montagne à l’avenir. À deux, parce que c’était un vrai plaisir d’être accompagnée pour la seconde partie de mon voyage, mais aussi en solo ! Je n’aurais pas tant gagné en confiance en moi si je n’avais pas fait seule ce premier bout de chemin. Alors pour celles qui hésiteraient à se lancer dans l’aventure, je ne peux que vous conseiller de faire le grand saut !
ALICIA GRAFÉ
Journal de bord : www.polarsteps.com/WhereisAli Quelques photos sur Instagragram : @alicia.grafe
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Les Cordettes ÉLISE MASQUELIER Un peu (beaucoup ?) de folie, plein de câlins, de sport et de muscles : voici un bon résumé des Cordettes ! On s’est rencontrées toutes les quatre lors d’un voyage en parapente dans le Queyras et on s’est trouvé une passion commune : du challenge, de la grimpe et des envies de voyages et d’expéditions en tous genres. Depuis on file le parfait amour, organisant des vacances ensemble dès que l’occasion se présente. Notre première grande expédition était à Orpierre l’été dernier.
Pourquoi, Orpierre me demanderez-vous ? Pour commencer, cet endroit a la grande qualité d’être entouré de plein de magnifiques falaises. page 20
Il se trouve non loin de notre petit pays belge, mais surtout il a la qualité de proposer un bon nombre de voies d’escalade avec un équipement qui ne date pas de Mathusalem. Je vous l’accorde, trois points sur un mètre et demi, c’est ce qu’on appelle « suréquipé », mais ça nous a permis de nous familiariser un peu plus avec la grimpe en falaise sans hyperventiler à chaque point. Bien que nous soyons de grandes adeptes de l’adrénaline et du dépassement de nos limites, on a encore beaucoup à apprendre. Commençons par le début et laissez-moi vous développer un peu plus comment nous sommes arrivées à pratiquer des activités extérieures entre filles. Nous avons toutes les quatre eu la chance de découvrir la montagne en famille. Dès notre plus jeune âge, nos parents nous ont donné l’envie de partir à l’aventure en nous emmenant faire de la randonnée, de l’escalade ou du ski dans les montagnes. Je dirais que notre introduction aux activités extérieures s’est limitée à cela. On a toutes les quatre eu envie d’aller plus loin et d’en découvrir davantage. Durant plusieurs années, il nous a été assez difficile de trouver des personnes de notre âge intéressées par les sports
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De gauche à droite : Sophie, Romane, Élise et Agnès
d’aventures. Je pense que la clé est d’arriver à se construire un réseau qui peut commencer de plein de manières différentes. Pour ma part, j’ai rencontré Sophie, qui désirait se remettre à grimper. On a toutes les deux pris un abonnement à Entre Ciel et Terre. On n’avait pas vraiment un bon niveau, on était loin d’être expertes dans le domaine. On s’est lancées et l’on a rencontré de plus en plus de gens qui partageaient notre passion. Sophie a rencontré Agnès et Romane grâce aux « kots à projet ». Elle a décidé d’organiser des vacances en rassemblant tout le monde, et les Cordettes étaient nées. Le groupe a vite bien roulé, le partage de passions communes étant un réel atout. Je pense que réaliser des vacances uniquement entre filles change complètement notre optique de voyage. On se met beaucoup moins de pression sur nos performances. On n’a pas l’impression de devoir égaler les hommes, de devoir prouver que nos performances sont bonnes et qu’on a aussi notre place dans ce domaine. On ne doit pas réaliser des activités toujours plus risquées pour avoir l’air cool. Quand on est ensemble, on se sent très libres. Si l’une d’entre nous est fatiguée et préfère bouquiner toute la journée, il est important qu’elle puisse le dire. On aime partager ensemble nos rêves, nos émotions, nos envies, nos passions. On a commencé les vacances à Orpierre sur les chapeaux de roues, comme on dit chez nous, puisqu’Agnès et moi sommes arrivées à vélo depuis la Belgique. Pas le temps de se reposer, une fois que Sophie et Romane nous ont rejointes, on s’est rapidement mises à grimper. L’objectif des vacances était assez simple : passer du temps entre filles, progresser en grimpe et surtout prendre du plaisir. On a commencé par des couennes assez faciles pour ensuite se trouver des petits projets. Pendant que Sophie et Agnès réalisaient leur première grande voie du séjour, on a décidé d’aller faire des couennes avec Romane. Nous sommes toutes les deux les moins expérimentées du groupe, mais ça nous donne une certaine complicité. On apprend à évoluer ensemble. On nous avait prêté un topo qui était assez vieux, certaines voies étaient légèrement sous-cotées. On décide donc de se lancer dans une voie supposée assez facile pour notre niveau. On pose le premier point, puis le second, et là, bardaf ! La voie semblait être une belle succes-
sion de crux en tous genres. Pendant une heure, nous nous sommes relayées pour aller placer les dégaines à tour de rôle pour pouvoir finir la voie. La peur au ventre, nous devions chaque fois continuer, essayer de trouver une meilleure technique que la précédente pour pouvoir avancer. Il n’était pas question de laisser des dégaines en place et de devoir demander à Agnès et Sophie de revenir les récupérer le lendemain. Après une longue heure de travail d’équipe, fatiguées, nous arrivons enfin au bout. C’est avec fierté que nous redescendons au campement.
L’objectif des vacances était assez simple : passer du temps entre filles, progresser en grimpe et surtout prendre du plaisir. Durant ce séjour à Orpierre, nous sommes également parties à quatre pour réaliser une grande voie. Agnès et Sophie devaient en faire une à côté de la nôtre. Avec Romane, on avait réalisé quelques mini grandes voies pour s’entraîner, mais on n’avait jamais rien fait de si long ni de ce niveau. La journée commence bien, garnie de petits pains au chocolat et de chocolat tout court. Quoi de mieux pour commencer l’ascension ? À Orpierre, la journée atteint rapidement une chaleur cuisante. La première longueur se déroule bien. On arrive au relais, et Romane doit repartir en tête dans la longueur la plus difficile de la journée, une section en fissure comme elle n’en avait jamais fait. Après quelques essais infructueux, la peur la bloque et l’on se retrouve toutes les deux suspendues à ce relais à devoir prendre une décision. Sophie et Agnès nous rejoignent. On est toutes les quatre serrées au relais, elles essayent de nous rassurer et de nous aider à prendre une décision. Ce qui se passe entre nous quand on est suspendues au-dessus du vide est vraiment fort. On ne sait absolument rien se cacher. L’émotion est intense lorsqu’on est confronté à l’autre dans ces circonstances. C’est probablement une des choses qui fait que notre groupe fonctionne si bien. On a appris à se connaître par et pour le sport. Quand on part en vacances, chacune est pleinement elle-même. Les Cordettes, c’est un page 21
Élise et Romane s’entraînent pour la grande voie du lendemain !
s’être tirées vers le haut pour arriver. Avec les quatre Cordettes, on ressent souvent ce sentiment d’émulation qui nous pousse et nous encourage.
Romane en pleine concentration dans une couenne.
espace incroyable où l’on se sent libres de rêver grand, viser haut et se donner des challenges, tout en étant un groupe qui permet d’être pleinement soi sans devoir forcer (la vie, ça n’est pas que du forcing). Profiter parfois d’être dans le plaisir plutôt que dans la quête du toujours plus dur, plus impressionnant, plus majeur. Romane et Sophie sont redescendues en rappel et ont continué leur périple autour d’une glace au village d’Orpierre. Agnès me regarde et me lance : « Bon, Élise, tu veux arriver en haut ? On continue ? ». Nous voilà reparties à midi, avec une trentaine de degrés et une demi-bouteille d’eau pour arriver au sommet. Avec Agnès, on sait se pousser vraiment loin. On reste prudentes, mais on aime dépasser nos limites physiques. Quand notre corps commence à être épuisé par l’effort, on arrive dans des moments psychologiques forts et enivrants. C’est dur, la soif se fait rapidement sentir. Agnès me propose de boire la fin de la bouteille d’eau, acte qui me paraît totalement fou sur le moment. On finit par arriver en haut en fin de journée, assoiffées, mais profondément heureuses de page 22
Les Cordettes, ça nous a donc donné cet espace de motivation de filles qui partagent les mêmes passions et des projets. En effet, il n’est pas toujours facile de trouver des filles prêtes à partir grimper, se balader sur des rochers, faire du ski de rando ou courir des trails, et en développant ces centres d’intérêt on ne trouve pas forcément directement les personnes avec qui les partager.
S’il y a bien une chose qu’on aimerait vous faire passer, c’est de ne pas hésiter à sortir de chez vous, aller dans les salles d’escalade pour rencontrer d’autres personnes passionnées, donnez-vous les moyens de réaliser ce dont vous rêvez. Les sports d’aventures ne sont pas réservés à une élite sportive de la gent masculine, les femmes ont également leur place. Les hommes peuvent nous montrer leurs biscotteaux et leur torse nu tant qu’ils veulent, on aura toujours des « pecs » plus gros que les leurs. Diminuez la pression sur vos performances et vos résultats, chaque petit pas compte. Toutes les expériences sont importantes et valent la peine d’être tentées. Notre corps et notre mental nous étonnent souvent.
ÉLISE MASQUELIER
Si vous désirez garder un œil sur ce qu’on fait ou nous poser des questions, n’hésitez pas à nous contacter sur notre page Instagram @lescordettes.
L’escalade belge au féminin Toute une histoire ! BERNARD MARNETTE De nos jours, l’escalade dans notre pays se conjugue volontiers avec structure artificielle, et l’escalade en salle est devenue une pratique incontournable au-delà de la grimpe en falaise. Les dames y ont particulièrement trouvé chaussure à leur pied, puisque le niveau moyen de nos grimpeuses a véritablement explosé, et surtout elles y ont trouvé un moyen d’expression dans les compétitions d’escalade.
Notre pays, ces deux dernières décennies, a généré plusieurs championnes du monde. Isabelle Dorsimond, Muriel Sarkany, Anak Verhoeven pour ne parler que des plus connues en senior. En 1991, Isabelle Dorsimond, bien connue pour avoir créé « Terre neuve », a décroché le titre en vitesse après avoir remporté la coupe du monde en 1989. Elle fut notre première championne du monde. Par la suite, elles furent assez nombreuses à se distinguer sur le plan international : Catherine Gloesner, Dominique Lewalle, Chloé Graftiaux a. , Chloé Caulier, Mathilde Brumagne, Élodie Orbaen, Héloïse Doumont…
Isabelle Dorsimond – en salle
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Cet épisode, marquant, de compétitions et de salles d’escalade, ne doit pas faire oublier que l’histoire de ces « drôles de dames » a commencé il y a bien longtemps déjà.
En 1956, il faut aussi mentionner « Les Tourtereaux », une des grandes voies de Freyr des années 60 ouverte par un couple de Parisiens : Brigitte Robail et René Gervais.
L’histoire des grimpeuses belges a connu son âge d’or dans les années 60 grâce à la démocratisation des loisirs et le début de l’escalade de masse dans notre pays.
Nos tourtereaux étaient bien connus dans les milieux chamoniards de l’époque. Ils avaient notamment à leur actif (en couple) la troisième ascension de l’arête nord-ouest des Grands Chamoz ainsi que la face est du Grand Capucin.
Dès le début de cette évolution, les femmes viendront mettre leur grain de sel dans la vie du Club Alpin. Elles furent moins nombreuses que les hommes, mais certaines d’entre elles ont, il faut le dire, marqué les esprits. Il est évidemment impossible, en quelques lignes, de les citer toutes, mais on peut en mentionner un bon nombre. Il y en a eu pour tous les goûts, de la « grimpeuse aux pieds nus », Titi Depommier b. , à la plus administrative, Marcelle Blogie, qui fit partie des fondateurs de la section du Brabant en 1964. Citons en vrac : Nelly Marchal c. , Charlotte Vancrombrugge, Hélène Charlier, Andrée Hermans, Moussia Pinta, Jeanne Englebert…
[...] impossible, en quelques lignes, de les citer toutes, mais on peut en mentionner un bon nombre. Ainsi, à la fin des années 50, lorsque le nombre de nouvelles voies va s’intensifier dans nos Ardennes, plusieurs femmes joueront un rôle dans les ouvertures. On peut déjà mentionner, avant 1950, Suzanne Tobback, compagne de Pierre Brichard dans la très difficile ascension du « Tour de Cochon » en 1946 à Freyr. Il est à noter que la première femme à laisser son nom au rang des ouvreuses belges est Monique Uyttendael pour le « Mou-qui-ne-vient-pas » à Dave. Voie qu’elle a réalisée avec André Pierlot dès 1943. Thérèse Dussart sera une des premières assidues aux ouvertures. Elle réalisera, essentiellement avec Pierre de Radzitzky, son compagnon de cordée habituel des années 50-60, plusieurs classiques de Freyr. Ce sera « Les Hermétiques », le « Petit Navet », la « Jaunisse »… et, bien sûr, « La Thérèse » dans les « Cinq Ânes ».
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En 1958, une autre voie majeure sera ouverte par un couple : c’est « L’Échec du Siècle » réalisée par Nadine Simandel et Jean Alzetta. Les rochers liégeois sont aussi explorés par les femmes. C’est André Capel qui est le plus ardent à la tâche dans les années 50-60. Il emmena souvent Monique Doutrelouxe et Simone Renard dans de belles premières à Sy, Roche aux faucons, Roche aux Corbeaux… Dans les années 60, Pierre de Radzitsky emmena aussi sa femme Anne-Marie pour quelques petites voies à Hotton et à Freyr. Plus tard, Anne Lauwaert ouvrira plusieurs voies avec Claude Barbier, notamment au Rocher du Pendu, le long de la Lesse. Éliane Baguet ouvrira en 1977 l’« Eden » une classique du Mérinos à Freyr. À partir des années 80, on parlera plutôt d’équipement et de libre que de véritables ouvertures. Les fissures sont toutes gravies et les voies sont équipées, le plus souvent du haut. Mais, quelques filles équiperont des voies dures et feront monter le niveau. Ce sera notamment le cas d’Isabelle Dorsimond qui réussira aussi le premier 8a belge (Scharzenegger en 1991). Plus récemment, Anak Verhoeven réussit un exploit historique avec l’ouverture du premier 9a belge « Kraftio1 ». À Freyr, Cécile Hankenne équipe également plusieurs voies avec son compagnon Marc Bott, notamment des voies pour enfants (à la carrière). Dans d’autres massifs, il y a aussi quelques ouvreuses : Christiane Jackemin, Dominique Lewalle, Marianne Rykman, Évelyne Harray, Véronique Corman…
1 - Au niveau purement performance, mentionnons que c’est Muriel Sarkany qui est la première femme belge à réussir un 9a (en 2014). Il va sans dire que le niveau falaise chez les filles a littéralement explosé ces dernières années. On ne peut parler de toutes les grimpeuses actuellement actives dans nos rochers, mais citons quelques noms : Aline Lambert, Hélène Diezor, Sophie Paris, Isolde Toet, Laurence Yernaux…
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a. Chloé Graftiaux (Asbl Passion Together ©)
b. Titi Depommier, « La grimpeuse aux pieds nus » – Rocher Bayard, Dinant, 1948 (Document Tity Depommier)
Il y a les voies ouvertes par les femmes et des voies portant des noms de femmes. En effet, dès les débuts de l’escalade dans nos rochers, de nombreux hommages aux femmes seront faits à travers les toponymes de voie. Cela va de la mère (« La Germaine » à Tilff), la « Grand-mère » (nom d’une voie à Freyr) en passant par les enfants (la « Fissure Annie » à Hotton, « La Cerise » à Freyr, la « Sandrine » à Corphalie). Les références à l’épouse ou à l’amie sont courantes : la « Monique », la « Brigitte », la « Charlotte », l’« Anna », la « Mimi », la « Pelo »… Parfois, les hommages sont plus discrets et c’est la « Puissante morsure », une référence à la jolie demoiselle qui avait « croqué » le cœur de l’ouvreur. Il y a des noms de voies, mais aussi les noms de rochers ! Des noms de femmes résonnent aussi dans les rochers d’escalade, à commencer par ceux de Marche-les-Dames. Le Rocher des Dames doit son nom à la légende qui raconte que c’est du haut de cette colline que les dames de l’abbaye toute proche allaient attendre le retour de croisade de leurs chers chevaliers… Ceci nous éloigne un peu de l’escalade ! Il est vrai que l’on ne grimpe plus sur ce rocher depuis quelque temps déjà.
c. Nelly Marchal – Freyr – 1947 (Document Tity Depommier)
Pas loin de là, à l’entrée du vallon du Charbonnier, le rocher de la Boule porte aussi le nom affectueux de « Grosse Dame ». Plus tragique est, un peu en amont, le nom d’une grande falaise qui porte le nom de Sybille de Liedekerke, qui y fit une chute en tentant l’ascension avec son frère, en 1939. À Freyr, le rocher de la Jeunesse (ou l’ancienne Jeunesse) tient son nom du trou de la jeunesse, ou trou des amoureux, très anciennement fréquenté. Les dames sont donc bien pour moitié dans cette toponymie. On peut encore évoquer deux noms de rocher : à Hotton, la voie de la « Mandille » a donné son nom à une belle dalle du massif de Renissart. Cette toponymie date de 1964. Il s’agit d’une voie dédiée à la mère d’un grimpeur, ainsi surnommée, car elle se promenait toujours en haillons. « La Nausée » est aussi le surnom donné à une grimpeuse qui, via un nom de voie, est devenu un toponyme rocheux du massif de la Neuve-Batte le long de la Lesse. On pourrait parler des rochers de la Vierge à Sy et à Comblain. « La Fausse vierge » (nom d’une voie et d’un rocher) à Maizeret n’a, par contre, Dieu merci, rien à voir avec les Dames ! Dans la même vallée du Samson, on peut mentionner que les rochers de Mozet portent localement le nom de « Blanches Dames ».
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d. Simone Renard Cinq Ânes, Freyr
e. Cécile Mayeur – 1967 (J. Delderenne ©)
(Marcel Kempgens ©)
Voici donc pour les rochers. En parallèle, à ces noms et à la vie des massifs ardennais, c’est l’histoire de nos alpinistes féminines qui transparaît. Il faut savoir que, de 1930 à 1980, les falaises étaient considérées comme des écoles d’escalade. La plupart des femmes que l’on vient d’évoquer sont, ou ont été, des alpinistes. En partant des années 60, on peut évoquer bon nombre de jeunes alpinistes de notre pays ou des « assimilées » des pays limitrophes. Là non plus on ne peut toutes les citer tant cette histoire est riche. En 1955 déjà, la Liégeoise Simone Renard d. marque les esprits en réalisant (avec André Capel) la première féminine de la prestigieuse face est du Grand Capucin. Une des plus brillantes fut sans doute Cécile Mayeur e. . Elle aura une carrière prolifique et brillante, réalisant la traversée de la Meije dès 1948 en cordée féminine avec Suzanne Tobback. Fidèle au célèbre Camp des Houches2, elle réalisera dans le début des années 60 de grandes parois comme la face nord des Drus, la face est du Grand Capucin, puis, plus tard, la Kuffner au mont Maudit et une première en 1967 avec le guide Claude Jager, à l’aiguille d’Argentière. 2 - Camp d’été organisé par le Hennuyer Michel Fagot pendant plus de 40 ans.
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d. Simone Renard Sy-sur-Ourthe, Ardennes belges (Marcel Kempgens ©)
Nadine Simandel eut une carrière tout aussi étincelante, mais bien plus courte. Avant son décès prématuré au Groenland, elle avait réalisé quelques exploits dont la première répétition de la « Voie des Français » à la face nord de la Cima W di Lavaredo dans les Dolomites ainsi qu’une remarquable première : celle de la « Voie des Belges » au Thezoulag, sommet majeur du massif du Hoggar Algérien. En 1972, Danièle Garnaud réussira, avec le guide André Giraud, la première traversée Rateau-Meije dans le massif des Écrins. Danièle est, en fait, française, mais elle sera, pendant de très longues années, une fidèle de Freyr et du camp en Oisans du Club Alpin de Namur. En 1976, Anne Lauwaert gravira la face nord de la Cima Grande di Lavaredo avec Claude Barbier. C’est aussi dans ces années que la Française Simone Badier, une des plus brillantes alpinistes qui soient, viendra très souvent à Freyr et fréquentera le camp des Houches (elle y gravira le prestigieux pilier Bonatti avec le Belge Bernard Gysen). Les années 80 verront tomber les grandes faces. Geneviève Périkel f. réussira l’Eiger et les Droites avec un guide d’origine belge : Élie Hanoteau. C’était déjà en 1978 ! Michèle Heraly gravira la face nord des Grandes Jorasses à deux reprises avec son mari Claude Grandmont. Ce sera « Le Croz » en 1980 et « La Walker » en 1982.
f. Geneviève Périkel – Juin 1979 (Magazine « Alpinisme & Randonnée » © Juin 1979)
g. Pascale Noël dans la Puissante Morsure – Freyr (Topo Freyr © Photo E. Berger)
En 1985, Pascale Noël g. 3 s’occupera de la 3e face nord mythique des Alpes : celle du Cervin. D’autres jeunes belges réussiront de belles courses alpestres à cette époque : Anne Delandsheer, Daria Jezierska, Chantal Scohy, Marie-Hélène Namurois… La fin des années 70 et le début des années 80 seront aussi marqués par le début de l’alpinisme d’expédition sur les plus hauts sommets de la terre. Plusieurs femmes belges participeront à des voyages dans les Andes et l’Himalaya notamment. Si on se limite à évoquer les géants de la Terre, il faut certainement mentionner Brigitte Koch, liégeoise d’origine, mais australienne d’adoption. Elle réussira à gravir les plus hauts sommets de chaque continent. C’est ce que l’on appelle le « challenge des sept sommets ». Elle atteindra son apogée avec la conquête de l’Everest en 1997. Mais, au jeu des plus hauts sommets, ce seront les Flamandes qui se feront remarquer : Lut Vivijs h. réussira la première féminine du Daulaghiri en 1982. On la retrouvera encore au Nanga Parbat (1986) et au Gasherbrum (1989). Ingrid Baeyens cumulera les expéditions, gravissant quatre sommets de 8 000 m, dont une première féminine de la face sud de l’Annapurna durant l’hiver 1991 et l’Everest en 1992.
3 - Luxembourgeoise, elle a fréquenté le milieu belge de l’escalade pendant bien longtemps.
h. Lut Vivijs, Expédition Pamir – années 80 (©Dans l’Ombre du Mont Everest de Peter Grypodonck, Editions René Malherbe 1989)
Depuis le début du siècle, l’escalade féminine s’est tournée plus volontiers vers les voies rocheuses techniques et les Big Walls. On peut parler de la regrettée Chloé Graftiaux. Elle s’est distinguée, notamment, au Yosemite et dans la face sud de la Meije. Elle décédera le 21 août 2010 en descendant de l’aiguille Noire de Peuterey. Pour les filles d’aujourd’hui, on peut évoquer les néerlandophones An Laenen, Monik Steenis (Hollandaises habituées de nos rochers). Johanne Jancloes, elle, enchaîne volontiers les grandes voies alpines (les voies Cassin à la cime ouest, à la Torre Trieste, au Badile, grandes voies au pic Sans Nom en Oisans…) et les expéditions sur de grands murs techniques (des voies comme « La Guerre sainte », « l’Axe du mal »…). On ne peut manquer d’évoquer trois filles qui, tout au long de leur carrière, ont pratiqué souvent en cordée féminine : Anne Delandtsheer, Chantal Beyaert i. k. et Isabelle Dorsimond k. . Anne Delandtsheer, dès les années 80, « aligne » de belles classiques entre filles : avec Annie Ravie (face nord de la Lenzspitze), avec Michèle Heraly (l’arête Grutter au Pèlerin, la Vinatzer à la Torre di Sella, etc.), avec Isabelle Dorsimond (la Renaudie au Requin), avec Chantal Scohy (la face nord d’Argentière). Plus tard, ce seront des voies rocheuses difficiles avec Geneviève Bourlon et, en 1994, la face sud de la Marmolada (voie Gogna) avec
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i. Chantal Beyaert Cassin à la cima picolissima des Tre Cime (Document Chantal Beyaert)
j. Brigitte Koch, « Ouverture du toit au-dessus de la Nunez à Dave. Brigitte avait oublié son pantalon et à grimpé en jupe et jupon »– Dave, 1978
k. Isabelle Dorsimond & Chantal Beyaert, dans le campanile Basso (La Preuss) Dolomites « Cordée féminine », juillet 2017
(Camille Piraprez ©)
(Document Chantal Beyaert)
Chantal Beyaert. Celle-ci se façonnera un beau palmarès de grandes voies souvent avec son compagnon Jean-Luc Lannoy (le pilier nord de l’Agner, la face nord de la Civetta (Andrich-Faé) et de la Cima Grande, la Detassis à la Brenta, la Comici au Sassolongo…), mais aussi, souvent, avec Isabelle Dorsimond dont, encore en 2017, « La Preuss » au Campanille Basso. On ne peut parler d’escalade au féminin sans parler de couples. Les hommes ne sont effectivement pas tout à fait extérieurs à cette histoire de grimpeuses. On a souvent formé des cordées mixtes dans nos Ardennes et de nombreuses idylles y ont vu le jour, notamment sur le plateau de Freyr où de nombreux couples se sont formés pour la vie. C’est le cas de Lucienne et Jean Lecomte bien connus pour avoir fondé les magasins de sport à Bruxelles. Monique et Georges Janty furent, eux aussi, des animateurs de « longue durée », Georges a été président du CAB pendant de nombreuses années. Plus courte fut la relation d’Anne Lauwaert avec Claude Barbier qui ne se réalisera que durant les deux dernières années de la vie du « Divino ». C’est elle qui découvrit le corps de celui-ci aux pieds des rochers du Paradou à Yvoir en 1977. Autre tragédie au début des années 60, ce seront deux couples bien connus à être unis dans la mort en montagne : Nadine Simandel et Jean Alzetta
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sur les côtes du Groenland et les époux Capel sur les flancs nord du pic Badile4. Anne-Marie et Pierre de Radzitzky prirent également part à la vie du Club pendant de nombreuses années. Ils s’occupèrent, notamment, de l’édition de la revue (alors appelée Bulletin du Club Alpin Belge) durant les années 60. Pierre fut durant cette période un des grands ouvreurs de voies à Freyr et Hotton. On peut parler de Thérèse et Freddy Depadt qui se connurent à Freyr. Freddy sera très longtemps notre référent bibliophile grâce à sa célèbre « Librairie des cimes » à Bruxelles. On pourrait encore parler de bien d’autres cordées mixtes, comme Lut Vivijs et Jan Vanhees, tous deux membres de l’Académique Groupe de Haute Montagne…, mais la liste est pratiquement infinie. Une mention un peu spéciale cependant à Danièle Bourgeois, l’épouse de notre légendaire Jean. Si elle ne fut pas une grande alpiniste, elle fréquenta la montagne en observatrice, publiant plusieurs livres à portée ethnographique ou ésotérique.
4 - Dans les décès tragiques en montagne, on peut évoquer celui de la comtesse Françoise de Hemricourt de Grunne (au Pic Dobani au Pakistan en 1960), la fille du fameux découvreur des rochers belges et ancien président du CAB, Xavier de Grunne. Rappelons que celui-ci a aussi perdu son fils lors d’une escalade à Freyr.
l. Claude & Georges Kogan avec un des frères Mailleux – Corno Stella Italie, 1948
m. La reine des Dolomites. Astrid et sa proche amie Anna Sparre en août 1935 et leurs guides lors de l’ascension de la Marmolada (3 342 m).
(René Mailleux ©)
(Escalades royales ©, Éditions Nevetica 2016)
Dans Deux lotus en Himalaya (Paris, Flammarion, 1977), elle relate une aventure à la recherche des dernières caravanes sur la route de la soie. En collaboration avec Jean, elle publiera deux livres à succès : Les seigneurs d’Aryana, nomades contrebandiers d’Afghanistan (Paris, Flammarion, 1972)5 et Les voies abruptes (Grenoble, Glenat, 2002).
Le petit arbre apeuré (Soest, éd. Boekscout, 2020). Il raconte l’histoire d’un arbre né sur un replat vertigineux en pleine montagne. Ce conte philosophique a pour but l’édification de base pour une attitude non violente. Dans notre histoire il a en tout cas l’intérêt de boucler la boucle et de nous ramener à l’époque contemporaine.
Dans le registre des écrivaines, on peut mentionner quelques publications intéressantes.
À cette histoire des grimpeuses belges on peut cependant ajouter une sorte de préhistoire.
Angélique Prick, Vice et Versant, 2001, Grenoble, Glenat, un recueil de nouvelles remarqué.
Celle-ci a vu un certain nombre de femmes découvrir les premières escalades dans nos rochers ardennais sans cependant connaître les véritables « débuts », ceux liés à l’inflation de pratiquants dans les années 60.
Anne Lauwaert, Le grimpeur maudit, (auto-édité en 2011) a écrit la biographie de Claude Barbier. On peut aussi mentionner des livres écrits sur des femmes. Par exemple : Peter Grypdonck, Dans l’ombre de l’Everest (Notre-Dame de Sanilhac, René Malherbe, 1989). Il y raconte les ascensions du couple Vivijs-Vanhees. Il était une fois une fée au pays de la grimpe (éd. SI, Jambes – 2011) est un livre mémoire sur la trop courte vie de Chloé Graftiaux. On ne peut là non plus citer tout le monde, notamment les nombreuses autrices qui ont collaboré à la revue du Club depuis ses débuts (il y eut notamment plusieurs rédactrices en chef). Terminons par l’actualité d’un livre pour enfants écrit par Pat Patfoort (qui fréquente les rochers de Freyr depuis son plus jeune âge). Il s’intitule
5 - Réédité aux éditions Nevicata en 2016.
On peut donc étendre cette histoire de grimpeuses aux années 30 et à l’après-guerre. Si l’on veut être véritablement complet, on peut également mentionner que des femmes belges ont pratiqué l’alpinisme sans connaître les débuts de la varappe dans nos rochers. Il faut certainement mentionner la reine Élisabeth6 qui réussira quelques belles courses en Engadine (première de l’arête nord du pic Caral – 1907) et dans les Dolomites (Cima Grande di Lavaredo – 1927).
6 - On pourrait également parler de sa fille, mais celle-ci fit ses ascensions bien loin de la Belgique à une époque ou Marie-José était princesse du Piémont et bientôt reine d’Italie.
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n. Claudine Verstraeten
o. Astrid & Albert, probablement à Chaleux
p. Anne Delandsheer – dans le Briançonnais, 1994
(Document : R. Mallieux)
(Document : Palais royal)
(Document : Anne Delandsheer)
Une autre personnalité importante du début du siècle est certainement Adèle Planchard. Elle commencera même l’alpinisme au siècle précédent. C’est en 1893, à l’âge de 32 ans, qu’elle découvrira la montagne. C’est une passion qui ne la lâchera jamais. Elle parcourra l’ensemble des Alpes, y réalisant de belles courses difficiles pour l’époque (couloir Whymper aux Écrins, aiguille méridionale d’Arves). Un refuge porte son nom encore aujourd’hui dans son massif de prédilection : celui des Écrins. « La belle Adèle », comme on le surnomme parfois, est une jolie bâtisse située à 3 169 m, au pied de la Grande Ruine. May de Rudder est certainement une autre pionnière dont il faut parler. Elle réalisa de nombreuses courses partout dans les Alpes à partir de 1910. C’est cependant par sa plume que May de Rudder sera connue. Elle publia de nombreux articles pour la revue du Club dès 1926 et le renouveau de celui-ci. En effet, à partir de 1924, certains montagnards actifs de notre pays vont relancer les activités du Club sur de nouvelles bases. D’un cercle savant, le Club Alpin deviendra une véritable association sportive. L’exploration des rochers belges sera une conséquence de cette nouvelle mentalité. Les premières photos d’ascensions dans nos rochers datent de 1913 ; cependant, la première sortie de membres du Club sera enregistrée à Dave en 1926. Ce sera ensuite la première sortie officielle aux Grands Malades en 1928 puis, cette belle année 1929 qui verra véritablement les grands débuts de l’escalade belge avec les premières voies à Freyr, à Châleux et au Bayard. page 30
Les dames arriveront un peu plus tard et seront moins nombreuses7 que les hommes, mais ne seront pas en reste. En effet, à cette époque, plusieurs célébrités s’exerceront sur nos rochers. Certaines y découvriront l’escalade. Il faut d’abord mentionner la reine Astrid m 0. qui, dans sa courte vie, a fréquenté les rochers de Marche-les-Dames, de Chaleux, de Waulsort et fort probablement de Freyr. Elle grimpait avec Albert 1er bien sûr, mais aussi avec son mari, le futur Léopold III. On sait qu’en montagne, celui-ci était souvent guidé par Hans Stegen et la jeune Paula Weisinger, mais Léopold a aussi grimpé avec sa fille, Joséphine-Charlotte (la future grande duchesse de Luxembourg). Celle-ci a fait plusieurs courses difficiles en montagne et a aussi fréquenté les rochers belges. Parmi les compagnes de cordée de Léopold III, il faut aussi citer Colette d’Assche, une excellente grimpeuse qui fit notamment, en 1938, l’ascension de la célèbre face nord de la Civetta. Voici pour les escalades royales8. Si Léopold III a grimpé avec de nombreuses femmes, un autre homme a aussi joué un rôle dans cette 7 - En 1934, lors d’une des premières sorties de la section de Liège, à Sy, le 16 décembre, on dénombre 18 personnes, dont cinq femmes. En 1937, à la 16e école d’escalade organisée par le CAB à Freyr, elles sont huit dont trois novices et cinq habituées. 8 - On peut ajouter que la famille royale actuelle aime aussi la montagne même si c’est avec moins de ferveur. Ils pratiquent le ski et la randonnée. Mentionnons également que, sans être une montagnarde passionnée, la princesse Esmeralda a gravi le Kilimandjaro en 2019.
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histoire des années 30. Il s’agit de René Mallieux qui s’est notamment encordé avec de nombreuses têtes connues du monde de l’escalade belge de son époque : les sœurs Mayeur, Denise Waty, Hélène Polis et surtout la célèbre Claude Kogan l. . Celle-ci lui a toujours été reconnaissante de l’avoir laissé grimper en premier de cordée, ce qui était rare pour les femmes à cette époque. La première fois, ce fut en 1940, à Freyr, au pied de « La nouvelle jeunesse ». Claude Kogan fut une célébrité de l’histoire de l’alpinisme. Cette Française a vécu plusieurs années à Bruxelles. C’est chez nous qu’elle a découvert l’escalade en 1938. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle quittera la Belgique pour le sud de la France où elle deviendra véritablement alpiniste. Elle réalisera de nombreuses grandes courses alpines, souvent en premier de cordée (comme l’arête sud de la Noire de Peuterey). Claude Kogan va très vite jouer un rôle actif dans les grandes expéditions (Salcantay au Pérou en 1952, Nun Kun en Inde en 1953, Cho Oyu au Népal/Tibet en 1954, dont elle manque de peu la première en atteignant 7 730 m, ce qui lui vaut le titre de « femme la plus haute du monde », Ganesh Himal au Népal/Tibet en 1955, Groenland en 1956, de nouveau le Pérou en 1957, le Caucase en 1958). Cependant, elle gardera toujours des relations intimes avec la Belgique. En 1951, ce sera son premier voyage : l’expédition franco-belge dans les Andes. Elle y retrouvera René Mallieux. En 1957, elle croisera de nouveau une autre belge : Claudine Vanderstraeten-Pontoz9, une excellente alpiniste exilée à Paris, mais qui a commencé à grimper sur les rochers de Freyr en 1949. Elles se retrouveront ensemble mêlées à une expédition au Pérou organisée par le célèbre alpiniste suisse Raymond Lambert. Ils feront la première du Pucaranra, un sommet de 6 147 m. La suite sera malheureusement tragique, puisque nos deux grimpeuses disparaîtront sur les flancs du Cho-Oyu (8 189 m) lors de la première expédition exclusivement féminine vers un sommet de 8 000 m. Une autre célébrité à placer dans cet alpinisme féminin d’avant-guerre est Micheline Morin. Une des plus brillantes alpinistes de l’entre-deux-guerres, pionnière de l’alpinisme en cordée féminine. Elle
réalisera de nombreuses belles courses alpines. Elle gravira des voies d’ampleur dans les Écrins (traversée de la Meije), dans le massif du MontBlanc (dent du Requin, aiguille Verte) et dans les Dolomites (voie Preuss au Campanille Basso). Elle signera également la première de la face sud-est des Droites avec Georges Charlet, en 1932. Elle sera aussi l’auteur de plusieurs livres dont Encordées (Colombier éd. Victor Attinger, 1936) dans lequel elle évoque ses escalades en Ardenne. En effet, Micheline Morin a habité longtemps à Paris et a été une habituée de nos massifs rocheux. Elle réalisera en 1933, avec sa bellesœur, Néa Barnard, aussi excellente alpiniste, la première en cordée féminine du Bayard à Dinant. Le 20 juin 1937, Micheline Morin conduira aussi la première cordée entièrement féminine (franco-belge) dans l’« Al Lègne ». Quelque quatre mois plus tard, une cordée féminine homogène, forte de cinq membres rééditera la performance. C’est autant dire un acte militant. En effet, un galant homme, venu leur offrir son service, se fera violemment rabrouer ! Pour terminer cet article écrit « en remontant le temps », mentionnons une première, « la première » importante en tout cas : celle de l’« À l’Lègne, le plus haut rocher de nos Ardennes. La première ascension féminine en a été réalisée en plein hiver 1933 par mademoiselle Kiki Meersman. C’est le dimanche 10 décembre, par une température de -12°C, au-dessus de la Meuse entièrement gelée, que cet acte fondateur de l’escalade féminine dans notre pays a eu lieu. Qui a dit que les femmes n’avaient pas de moral ? !
BERNARD MARNETTE
Quelques références bibliographiques : • J. Borlée, De Freyr à l’Himalaya, Bruxelles Didier-Hatier,1987. • C. Buffet, Première de cordée, Paris, Robert Laffont, 2003. • Collectif, « Revues du CAB » • B. Marnette, Petit lexique toponymique des rochers et des voies d’escalade en Wallonie, Seraing, SERAC 2013. • B. Marnette, Escalades royales, Bruxelles, Nevicata, 2016. • M. Morin, Encordée, Hauterive, Attinger, 1936.
9 - Claudine Vanderstraeten fut aussi une excellente skieuse, championne de Belgique en 1956 devant une autre alpiniste belge, Jacqueline Feyerick. Cette dernière a notamment gravi le Tronador en Patagonie en 1955. Dans les années 50, elle fut également administratrice du CAB.
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mermans © Michaël Tim
Le haut niveau au féminin STÉPHANIE GREVESSE Muriel Sarkany, Isabelle Dorsimond, Élodie Orbaen, Chloé Graftiaux, Anak Verhoeven, Chloé Caulier et bien d’autres… Les femmes sont bel(les) et bien présentes dans la grimpe de haut niveau en Belgique depuis les années 80. Ce n’est donc pas une nouveauté et la tendance n’est pas prête de s’arrêter. Rencontres au top.
L’escalade est un sport en plein développement et les grimpeuses interviewées sont unanimes : ce sport touche tout autant les filles que les garçons. Peut-être même surtout les filles d’ailleurs. Après avoir souvent essayé d’autres sports, la découverte de l’escalade est pour nombre d’entre elles une révélation. À tel point qu’actuellement, la gent féminine est de plus en plus représentée dans les salles. Il en va de même au niveau de la Belgian Climbing Team (BCT), où les grimpeuses de haut niveau incarnent actuellement plus de 50 % de l’effectif francophone. Évoluer au sein d’une équipe, qui plus est mixte, est toutefois assez récent dans l’histoire du haut niveau belge.
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Portée par des idoles et un mental à toute épreuve Championne du monde, championne d’Europe, détentrice de plusieurs médailles d’or en coupe du monde et autres compétitions internationales : on ne présente plus Muriel Sarkany. Lorsqu’elle a commencé à grimper, l’escalade n’était pourtant pas un sport particulièrement en vogue. Elle se souvient : « J’ai commencé l’escalade par hasard. Je suis très sportive depuis très jeune et mon but était de faire un sport de haut niveau. Je ne savais pas lequel. Je regardais Carl Lewis en athlétisme, les championnats du monde de gymnastique avec Nadia Comăneci, Sergei Bubka en saut à la perche : c’étaient mes idoles quand j’étais petite ». Enfant sportive, elle a fait du karaté et de la gymnastique et adorait comme beaucoup se percher dans les arbres. « J’ai eu l’occasion de grimper une fois et tout de suite, ça a été une révélation, j’ai trouvé mon sport et même bien plus qu’un sport. Il y a tout ce qui tourne autour aussi : l’aspect extérieur, la liberté, le bloc, la voie, être dans la nature, le mélange de physique et de mental, la tactique. Tout ça me plaisait beaucoup ». Pour réaliser son rêve de hauteurs, ce petit bout de femme n’était cependant soutenu que par quelques personnes et ne disposait pas d’un encadrement professionnel. Au début des années 90, la Belgique était très avancée en matière de salles. Il y avait des grimpeurs très forts, mais qui se débrouillaient chacun avec ses petites recettes d’entraînement. Ce n’est que plus tard que l’encadrement de l’escalade s’est professionnalisé. « Je n’avais pas de coach, je m’entraînais par moi-même. J’ai eu l’occasion de grimper avec des grimpeurs forts de l’époque, cela m’a aidée à conceptualiser mon entraînement ». Rencontrer d’autres grimpeurs et échanger avec eux, cela a permis à la championne d’élaborer sa routine d’entraînement, qu’elle organisait en recherchant beaucoup par elle-même. « J’ai notamment eu la chance de grimper avec les Américaines Robyn Erbesfield et Lynn Hill, mes deux héroïnes du moment : j’ai vraiment eu de la chance de pouvoir les côtoyer et m’en inspirer ».
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Question d’équilibre…
Page de gauche : Muriel Sarakany En bas : Élodie Orbaen
Quelques années plus tard, l’équipe belge d’escalade de haut niveau compte autant de filles que de garçons. Pour Siri De Leus, jeune grimpeuse, une présence féminine dans une équipe est tout à fait naturelle : « Les sports doivent être mixtes et ce ne serait pas normal qu’il y ait une catégorie de garçon et pas de fille ». Même son de cloche du côté de Lucie Watillon, qui a intégré la BCT en 2017 et a déjà un beau palmarès à son actif : « En compétition internationale, on retrouve généralement des équipes très mixtes. J’ai le sentiment que, globalement, l’escalade est un sport assez équitable à ce niveau-là ». En compétition, les catégories masculines sont généralement plus remplies que celles des filles, mais cela semble s’équilibrer de plus en plus. L’escalade a notamment ceci de différent des autres sports : les compétitions masculines et féminines, pour grimpeurs valides ou non, font l’objet d’une même organisation, contrairement au foot, par exemple, où il y a un championnat masculin et un autre féminin qui n’est pas médiatisé de la même façon. En grimpe, tous se retrouvent au même moment dans les mêmes compétitions. « Pourvu que ça dure malgré la médiatisation grandissante du sport », dit Élodie Orbaen avant de continuer : « C’est un sport hyperintéressant, car tu peux tant développer la force, les mouvements dynamiques d’une part et, de l’autre, il y a ce côté proprioception, souplesse, technique. » Autant de caractéristiques qui semblent bien convenir aux femmes.
La passion d’un sport adapté et une équipe inclusive Née dans une famille de grimpeurs et néanmoins arrivée dans la compétition plutôt par hasard, elle aussi, en 2013, la double championne du monde de handi-grimpe, Élodie Orbaen, est une battante passionnée. Elle ne se destinait pas au haut niveau. Grimper lui permet avant tout de pratiquer un sport sans prothèse et de se sentir ainsi plus libre. Elle se souvient de son recrutement pour l’équipe nationale : « Je m’amusais, je grimpais presque tous les jours. J’étais à fond. Cela a probablement joué en ma faveur pour le recrutement en vue de développer l’équipe de handi-escalade ». À l’époque, elle s’entraînait au sein de la BCT, notamment avec Chloé Caulier, Mathilde Brumagne et Héloïse Dumont. « Il n’y avait pas tant de filles, dit-elle, environ 70 % de garçons et 30 % de filles. »
Michaël Timmermans ©
Aptitudes féminines vs. aptitudes masculines Si les hommes ont indéniablement plus de force que les femmes, celles-ci exploitent des atouts différents. « Il n’y a pas que la force qui compte. Et c’est là-dessus que les filles ont peut-être une carte à jouer et peuvent faire des performances intéressantes. Les atouts des filles sont selon moi une analyse de la lecture qui peut être différente, la souplesse, la tenue des prises. Les gars sont forts dans les compressions et mouvements dynamiques, mais les filles ont une grâce et une gestuelle toutes particulières », dit Élodie Orbaen. Autre atout : leur façon différente d’appréhender les voies et la pression des compétitions. « J’ai l’impression que les femmes, en général, sont plus fortes mentalement que les hommes. En salle, des voies plus masculines avec de grands mouvements très physiques, au niveau allonge, ça peut être un désavantage pour les femmes, mais elles sont aussi plus souples et plus légères », page 33
Lucie Watillon
dit Muriel Sarkany. Et Élodie Orbaen d’abonder : « Elles ont dans le mental cette espèce de hargne, de compétition interne, de vouloir prouver qu’elles peuvent le faire ».
Une question d’ouverture(s) Depuis peu, des ouvertures commencent à être réalisées par des femmes. Entre-temps, ce sont encore majoritairement des ouvreurs qu’on rencontre, en salle comme en rocher. « Ça joue parfois sur la qualité de l’ouverture pour les filles et je pense que ça pourrait être vraiment bénéfique qu’il y ait plus de femmes qui ouvrent en compétitions », pense Lucie Watillon. Ouvrir des voies, surtout de compétition, demande une expérience très complète. Il s’agit véritablement d’un job à part entière. Au niveau international, les ouvreuses sont des perles rares actuellement : Katja Vidmar, de nationalité slovaque, est devenue ouvreuse IFSC en 2018 et a été rejointe en 2019 par la Française Hélène Janicot. Muriel Sarkany encourage d’ailleurs les ouvreuses à faire leur place sur les parois : « Je reste persuadée qu’il est possible concevoir des blocs ou des voies dures sans que ce soit l’allonge entre les mouvements qui joue systématiquement dans la difficulté ». Un avis partagé par Élodie Orbaen : « Elles amènent une variété de mouvement différents, c’est chouette d’avoir des voies qui se grimpent en difficulté et qui ont une gestuelle différente. »
L’anecdote pas si anecdotique « Les gens qui ne me connaissent pas me disent “ même mon frère ou même machin qui est un garçon n’est pas arrivé à grimper ” : un peu comme si c’était une tare à porter d’être une fille. Le frère ou le “ machin ” affiche alors un sourire un peu crispé, comme s’il était difficile de voir une femme qui réussit quelque chose qu’il n’a pas réussi et trouve des excuses pour expliquer son échec », raconte Élodie Orbaen.
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Michaël Timmermans ©
Climb like a girl, climb like a princess ! 1 Les paroles d’un coach, adressées à un grimpeur tout en muscles lors d’un stage en falaise, résonnent en moi. Si, globalement, le credo des grimpeuses rencontrées est de faire ce qu’elles aiment et de le faire pour elles, avec passion, traçant leur(s) voie(s), sans se comparer aux hommes ni se laisser intimider par le regard des gens, il semblerait que les grimpeurs ne perdraient rien à s’inspirer des qualités de leurs homologues féminines…
STÉPHANIE GREVESSE 1 - « Grimpe comme une fille, grimpe comme une princesse ! » Simon Montmory
2017 Benoit © Noémie
Escalade et grossesse, mode d’emploi Petite guide sur la pratique de l’escalade pour la femme enceinte NOÉMIE BENOIT Est-ce dans l’air du temps de voir des grimpeuses s’arrondir sur les parois ? Comparé à il y a quelques années, est-ce devenu plus en vogue de communiquer sur cette phase de 9 mois ? Nous n’en savons rien, mais en tout cas, il est plus que l’heure d’en parler haut et fort, et de constituer des ressources vers lesquelles se tourner quand nous accueillons un nouveau petit être au cœur de nos corps.
Contrairement à plein d’autres sports, ne serait-ce que la marche à pied, le vélo, le sport collectif ou autre, l’escalade est un sport doux, voire idéal pour la grossesse. On s’échauffe, on s’étire, on évite les à-coups, on y va à son rythme, on choisit son niveau de voie, on coor-
donne ses mouvements, on pousse dans l’effort si on le sent. Et avec la conscience de leur corps qu’ont les grimpeuses, l’escalade s’accorde plutôt très bien, voire parfaitement, à la grossesse. Voici donc une petite enquête sur le sujet.
À l’abordage Nous voilà donc il y a quelques années déjà, à l’aube de l’ouverture de la salle d’escalade Biover à Gand. Au lieu de traîner sur les rives du lac de Blaarmeersen, nous passions plutôt notre temps à construire des voies pour la grande ouverture. Enceinte de quelques semaines alors et après une période de fatigue extrême, ça me chatouillait, ça me démangeait de grimper de nouveau : je commençais alors à re-grimper deux fois par semaine. Je continuais jusqu’au huitième mois, pour le plaisir et pour entretenir ce corps changeant. J’aborderai ci-après les points spécifiques de la combinaison grossesse/escalade, mais gardez en tête, mesdames (et messieurs, car c’est un sport d’équipe cette grossesse !), que pour chacune le
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ressenti sera différent. Pour l’une, ce sera un stop retentissant à cinq mois par manque de confiance, pour une autre une addiction jusqu’à la dernière minute, et d’une grossesse à l’autre, cela variera. Donc le maître mot du début à la fin est, sera et restera l’écoute de son corps et de son intuition.
Quels muscles oui, quels muscles non ? Comme dans tous les sports, les muscles à ne pas solliciter pendant la grossesse sont les mêmes : les abdominaux. La même règle vaut alors pour une grimpeuse confirmée que pour une amatrice. Plus on sera « gainée », les abdominaux développés, plus on aura tendance à s’en servir et le challenge réside ici : il va falloir apprendre à ne pas les utiliser, pour qu’ils se lâchent, se relâchent, s’allongent avec souplesse et sans tension, et que le bébé continue de se sentir protégé et puisse se développer, descendre et naître.
Gwendoline Attia © 2019
Pour les grimpeuses très expérimentées, prolongez votre lecture par le récit de grossesse de la vice-championne de France, Caroline Ciavaldini (une habituée des circuits de la Lead World Cup) : vous y trouverez des conseils liés à des voies plus techniques et à une vie liée à l’escalade.
Votre plus gros ennemi : l’hypoglycémie Celle que vous ne verrez arriver ni de près ni de loin, c’est cette sournoise hypoglycémie. Alors que cela ne vous arrive jamais en temps normal, les femmes grimpeuses interrogées et ayant pratiqué l’escalade pendant leur grossesse se disent toutes avoir été concernées par cela : les coups de mou, coups de barre, hypo, vous arrivent d’un coup sans crier gare. Vous aurez donc besoin de toujours avoir le double de votre dose habituelle avec vous et cela n’est pas négociable : vos poches doivent être remplies même en salle en paroi ! page 36
Rappelons bien sûr la précaution de base : la pratique de n’importe quel sport en temps de grossesse est à discuter avec votre médecin qui vérifiera les contre-indications absolues, comme le diabète gestationnel, le positionnement du placenta, anémie ou autre. Passée cette étape, à vous de jouer !
Des abdominaux très musclés vont également avoir du mal à s’ouvrir pour que le bébé prenne toute sa place par l’avant, mais aussi devoir « travailler », s’ouvrir plus lors de l’accouchement, plus long alors. Michel Odent racontait que chez les femmes pratiquant l’équitation et ayant un gainage intense, les césariennes étaient plus nombreuses, car les bébés ne « descendaient » pas. Mais pas si facile de ne plus utiliser nos chers abdominaux ! Vous allez quand même voir qu’ils jouent et ne répondent plus trop présent dès le début : ils ont bien compris leur rôle. On évitera donc, quand on grimpe, de « bloquer » et de s’élancer d’une prise à une autre. J’ai personnellement trouvé passionnant de devoir changer ma technique : là où j’utilisais les abdominaux, je devais maintenant compenser par mes jambes, mes bras et trouver des astuces techniques. Mon corps changeait tellement rapidement pendant ces six premiers mois que je devais vraiment ne pas manquer une seule séance d’escalade, sinon je devais « travailler » beaucoup plus pour comprendre et me jouer de ces nouvelles limitations du corps. Ce qui aidera : continuer de bien s’étirer avant et après l’effort ainsi que de faire un travail de musculation douce pour les bras et jambes, sans forcer le ventre encore une fois. Attention aussi, en temps de grossesse, les articulations sont plus souples, donc pour celles qui ont des faiblesses en temps normal, prenez cet aspect en compte. Le sport pendant la grossesse est aussi connu pour la diminution des douleurs dorsales, et l’escalade
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particulièrement, car elle permet de muscler le dos en compensant les abdominaux par les muscles du dos. Cela aidera aussi inévitablement pendant les dernières semaines de grossesse où le ventre se fait plus lourd et où le dos est fortement sollicité. La grimpe permet aussi de s’étirer en position verticale, cela permet d’étirer l’œsophage et de limiter les remontées d’acidité, par exemple. Je vais ajouter ici que l’escalade me faisait un bien fou aux hanches, je gardais ainsi ma souplesse et mon équilibre pour me baisser, être accroupie, monter la jambe, la vriller… Et la vie de tous les jours s’en ressentait : en plus des bonnes hormones du sport, je restais aussi flexible et vive. Malgré le fait de rétrograder en niveau 4 dans les deux derniers mois de grossesse (ma copine me souffle que, pour elle, c’était 6b jusqu’à la fin de son huitième mois !), le corps continuait de puiser de l’énergie dans l’escalade et répondait vraiment présent à l’exercice malgré un changement de challenge drastique. Pour beaucoup d’entre nous, le plus dur sera de continuer à profiter des sensations à ce niveau qui n’est pas celui de prédilection.
Est-ce que le danger guette ? Quand on ne grimpe pas en tête, on évite les risques de chute ou de tomber sur la corde et donc de faire pression, voire de causer un choc au ventre. Quand on rate une prise ou que l’on tombe en toprope, on part en arrière, donc il n’y a pas de risques pour le ventre. J’utilisais également uniquement le « grigri » et laissais mon « reverso » favori au placard. Snif snif ! L’exercice ici est de rester dans son niveau et de le « travailler » avec de nouveaux mouvements, sans chercher des grosses difficultés qui impliquent de forcer. On mettra aussi en vacances notre désir de progresser à tout prix ! Mais revenons aux risques et aux questions de tout un chacun qui pourront aussi exercer de la « pression » mentale sur la femme. N’hésitez pas à comparer notre sport avec le fait de rouler à vélo en ville comme beaucoup de femmes enceintes le font (et qui est bien sûr génial !) : il y a beaucoup plus de risques de chute grave et non contrôlée. Sur le même sujet, je vous invite à lire l’article de Laurence Guyon, co-fondatrice de la Fabrique Verticale, interviewant Jocelyn-William Loubriat, masseur-kinésithérapeute et rédacteur en chef de Kinescalade.com : l’avis d’un professionnel sur l’escalade, la grossesse et le post-partum.
Équipons-nous… ou pas On a toutes et tous vu ces baudriers pour femmes enceintes au détour d’un rayon de matériel d’escalade bien avant d’être enceinte, se disant : « Génial ça existe ! » Mais en fait, les avis tendent tous à converger sur : « As-tu eu besoin d’un baudrier spécial ? » Non, ça ne tirait pas sur le ventre, car le baudrier passait sous le ventre. L’investissement dans ce type de baudrier étant de l’ordre de 90 à 150 €, pour quelques semaines, au plus quelques mois, il ne fait pas l’unanimité parmi les femmes enceintes grimpeuses que j’ai rencontrées. Pour vous donner une idée de ce que cela donnait : mon bébé à moi était placé très bas durant toute la grossesse et cela ne m’a jamais empêchée de grimper. Par contre, j’ai effectivement adapté ma descente du sixième au septième mois : quand je descendais, je me penchais alors vers l’arrière et devais me tenir à la corde, transférant la tension abdominale dans les bras et laissant la place à mon ventre rond. Pour assurer quelqu’un, il vaut mieux qu’il/elle grimpe dans son niveau et évite les voies avec risque de chute, histoire d’éviter le choc dans le baudrier/ventre. Pour ma part, j’ai adapté ma position quand je faisais descendre mon partenaire : à genoux pour moins utiliser mes muscles abdominaux. Mais je dus arrêter d’assurer à partir du septième mois, car le baudrier tirait trop et ne laissait plus de place au ventre. On pourrait aussi être un peu plus extrême sur ce point et proposer d’assurer le moins possible pendant la grossesse. Nous n’étions toujours pas convaincus par l’achat d’un baudrier spécial à ce moment-là, donc nous avons fonctionné avec le baudrier normal que je réglais de plus en plus grand au fur et à mesure que je grossissais… de partout ! Haha !
(Pour la petite histoire) Mais où meton ce ventre que je ne saurais voir ? Est-ce que le ventre ne gêne pas ? Effectivement, c’est ce qu’on pourrait penser au premier abord, mais c’est bien la dernière chose qui gêne quand on monte ! Il suffit de se tourner, de trouver de nouvelles positions, de prendre en compte le ventre dans son style de grimpe. Certaines voies demandant de raser la paroi étaient quand même impossibles à faire. Donc, il vaut mieux privilégier d’autres voies qui permettent de travailler dans l’espace et moins le nez dans la paroi. Vers les derniers mois, le vertical en léger dévers peut même devenir la solution quand le ventre masque nos pieds sur les dalles ! page 37
Petite pause dodo ? On grimpe ! (La combi Patagonia, l’indispensable !) Fontainebleau, 2015
Gérer l’effort Comment savoir si nous en faisons trop ? Rappelons que chaque grossesse est unique, donc la prudence et l’écoute de son corps restent les maîtres mots. Son intuition comme son envie ne sont pas que l’envers du mental, mais aussi du corps : le besoin de repos du corps peut se cacher derrière une « non-envie ». Si le corps demande du repos, il a priorité sur votre volonté. S’il vous vient en tête qu’il ne faut pas pousser, écoutez, prenez une pause, respirez et repartez quand vous le sentez. Il va vous falloir être plus à l’écoute de ces micro-sensations, ressentis, voire émotions, et elles vous guideront dans l’adaptation de votre pratique d’escalade le long de la grossesse. Le corps d’une femme enceinte évolue aussi dans le sport, il est plus fragile, il a de nouvelles limites, et il fonctionne aussi à pleine puissance. Pendant la grossesse, le métabolisme du corps de la femme augmente en moyenne de 20 % (Université médicale virtuelle francophone, « Modifications physiologiques de la grossesse », support de cours, 2011, www.fmp-usmba.ac.ma), car le volume sanguin doit assurer beaucoup de travail supplémentaire (votre cœur, vos poumons, l’énergie pour le fœtus, etc.). La température du corps est aussi plus haute : du coup, si vous surchauffez, le bébé aussi ! On évite donc la grimpe par fortes chaleurs.
Quand je sentais que ça contractait trop, je prenais de plus grandes pauses entre chaque voie. Se mettre à l’écoute de son corps est un véritable sport en soi et l’escalade se prête bien au jeu, car rien ne s’y fait dans la précipitation. Quand je sentais que ça contractait trop, je prenais de plus grandes pauses entre chaque voie. Je diminuais peu à peu le nombre de voies faites par séance. J’en profitais pour observer les autres grimpeurs. Certains jours, des 5b+ étaient encore possibles, d’autres jours même une 4 semblait insurmontable. Je variais, j’essayais, j’arrêtais quand je sentais que mon corps n’était plus
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disponible ou intéressé. Je soulignerai ici l’importance de la respiration, prendre le temps de respirer profondément et d’envoyer l’oxygène dans tout le corps. Du yoga en paroi ? L’escalade et la grossesse, c’est aussi construire une autre sorte d’escalade : on réapprend cette danse aérienne dans la lenteur, en douceur, en saccadé… Dans cette nouvelle pratique, l’on crée un moment, un espace où le corps est respecté, protégé, écouté.
À corps changeant, mental changeant La grossesse modifie le corps, mais également le mental. Pour certaines, il sera même difficile de vivre, suivre, assimiler tous ces changements. Même si la pratique du sport est connue pour aider à garder la forme pendant cette phase, l’escalade reste un sport idéal et complet pendant la grossesse : on travaille l’endurance quand on grimpe, on module son souffle en fonction de l’effort, on est au plus proche de son rythme cardiaque et on peut le sentir varier pendant ces mois de transformation. La pratique régulière de l’escalade renforce l’écoute de notre corps et la conscience qu’on a de lui tout en nous apprenant à appréhender ses modifications. L’escalade m’a permis de me ré-approprier chaque semaine ce corps qui se transformait à vitesse grand V. Je l’ai apprivoisé, j’y apprenais à m’y sentir moi, j’en touchais les limites en paroi, j’en écoutais les modulations, l’escalade jouant comme un miroir ou un dialogue entre mon corps et moi. L’escalade m’a apporté une grande confiance dans ce nouveau corps arrondi. Cela reste un exemple, car chaque femme va l’appréhender à sa façon, et cela me fera penser à Caroline Ciavaldini qui, elle, si elle ne se sentait pas vraiment d’aplomb à terre, commençait à revivre en paroi où son corps s’épanouissait. À vous donc d’explorer. Mais nous avons oublié ici un point crucial de l’escalade ! La grimpe, c’est un plaisir partagé, une activité sociale, où l’on se croise et discute avec les amis. Et dans cette grossesse où le challenge de ses voies diminue, il reste ce plaisir de la rencontre, de venir, non pas uniquement pour grimper, mais aussi pour faire partie des projets des autres. Je me souviens que, quand j’ai arrêté au huitième mois, je venais chaque semaine avec mon fauteuil de camping pour observer les autres, et participer à ce moment d’escalade (petite note : j’ai eu
Noémie Benoit © 2015
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par contre froid certains jours, donc prenez la précaution de bien vous couvrir, beaucoup plus qu’en temps normal, car avoir froid augmente considérablement la fatigue.)
Le post-partum, la reprise Voilà, vous avez accouché, ce fut la note finale de neuf mois de changements, mais le trimestre qui arrive est un des plus bourrés de défis ! Chaque accouchement va laisser la femme avec ses propres traces (éventuellement) : épisiotomie, déchirure, hémorroïdes, césarienne, crevasses, dépression, fatigue extrême pour n’en citer que quelques-unes. Nous ne serons pas égales dans cette phase de post-partum et je rêverais qu’on en parle à bâtons rompus de nos jours. Les trois premiers mois sont durs, même si on ne se souvient qu’après coup que de la « première année » dans sa globalité. Haha ! Dans ces premières semaines, on va devoir reconstruire ce corps, en prendre soin, le re-déployer, mais aussi reprendre confiance dans ses capacités alors qu’en même temps, toute notre attention est tournée vers un nouveau petit être. Là encore, prenons l’escalade comme un outil intéressant.
Avant la grimpe, on apprend et on renforce Rappelons-nous qu’il y a un délai conseillé de six à huit semaines après l’accouchement pour laisser le temps aux muscles du périnée de se remettre en place et de se re-muscler, mais aussi que la pratique du sport doit être hyper régulée pour re-muscler les abdominaux graduellement, en douceur, et pour ne pas les voir se raidir sans se joindre de nouveau : le diastasis abdominal.
Les livres de Bernadette de Gasquet (Périnée, arrêtons le massacre !1 ainsi que Mon corps après bébé, tout se joue (ou presque) avant 6 semaines2) sont des musts à lire en tout début de grossesse, car ils vous permettront déjà de ressentir votre périnée, de découvrir comment il est composé, d’en assimiler l’adaptation pendant la grossesse et de le travailler en même temps. La conscience que vous en retirerez vous servira incroyablement pour l’accouchement et le post-partum ! Aujourd’hui, le périnée est négligé jusqu’après l’accouchement, où de trop rares praticiens font de vraies rééducations effectives. Mais beaucoup de femmes gardent des faiblesses pendant des années : fuites urinaires ou autres, en cas d’effort, éternuements, pression, ou autre grossesse. Pour pratiquer avant et après la naissance, rendez-vous sur « Rééducation périnée » et utilisez leur application gratuite3. Super facile et en douceur ! Pratiquer le portage quotidien de votre petit va vous aider à déjà re-muscler le périnée et les abdos sans forcer (ma recommandation ici : Boba4 et Manduca de 0 à 3,5 ans, l’investissement qualité Patagonia pour les porte-bébés).
Ensuite, on applique ce qu’on a appris ! L’escalade va aider en douceur à reprendre possession de ce corps, et vous serez prévenues : vous n’aurez plus d’abdos, plus de périnée, les muscles du dos et des jambes seront fatigués, voire endormis, le bassin bougera encore (à cause des hormones) et vous n’aurez pas forcément le mental au niveau compét. Au premier abord, vous allez ressentir les muscles qu’il vous reste et ceux à qui vous ne pouvez pas encore refaire confiance et qu’il vous faudra reconstruire. Vous allez sentir que ça « travaille ». Moi, ça me démangeait tellement que j’ai recommencé à grimper le deuxième mois, mais gentiment. Un conseil qui m’avait été donné par la kiné post-partum : si je devais contracter les abdos, toujours commencer par contracter le périnée puis les abdos ensuite. Mais c’est hyper difficile ! Il faut s’entraîner à l’avance ! J’ai donc essayé cela, mais vu la difficulté de penser au 1 - www.amazon.fr/Périnée-arrêtons-massacrequotidienne-maternité/dp/2501070143 2 - www.decitre.fr/livres/mon-corps-apresbebe-9782501128872.html 3 - shorturl.at/tQU68 4 - boba.com
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périnée pendant une route, je me concentrais plutôt sur le fait de ne pas utiliser les abdominaux comme pendant la grossesse : cela fonctionnait mieux avec le mental. Bien sûr, j’ai recommencé à un niveau 4 ! Haha ! Qu’importe ! L’escalade m’a permis de reconstruire les muscles, de ne pas forcer et surtout de redonner une dynamique, de l’énergie dans ma semaine de femme allaitante, s’occupant de son bébé 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Bien sûr aussi, on oubliera le bloc, car trop intense pour les abdominaux et on privilégiera l’endurance, la souplesse, l’équilibre et la reconstruction lente des muscles (le dièdre est pratique pour y aller en douceur !). Attention à bien s’échauffer, plus que d’habitude, car les hormones rendent votre corps plus élastique et fragile, surtout pour les femmes qui allaitent : le corps ne retrouvera sa solidité d’avant qu’après la fin de l’allaitement.
L’escalade m’a permis [...] de redonner une dynamique [...] dans ma semaine de femme allaitante. Pour les femmes qui allaitent, il y aura peutêtre un défi supplémentaire : cela prend beaucoup d’énergie, surtout les premiers mois où il y a des pics de croissance et où le bébé demande à téter davantage à certains moments donnés. Le corps doit alors s’adapter à « produire plus ». L’allaitement demande de s’hydrater énormément, et si vous transpirez trop, cela a une incidence sur la production de lait : elle diminue. Du coup, il faut doser l’activité sportive, quelle qu’elle soit. Mentalement, vous vous sentirez limitée, mais mieux vaut ne pas prévoir de consacrer trop d’énergie à la reprise du sport pour ne pas être déçue et vous sentir frustrée. Mais cela dépendra encore du métabolisme de chacune. Autre point d’attention, encore les articulations et maux de corps : après trois ou quatre semaines, j’ai commencé à avoir des élongations dans les bras à force de porter ma petite et de grimper (Pas assez d’échauffement ? Trop d’efforts ? Corps encore trop fragile ? Cocktail d’hormones explosif ?). Je dus arrêter l’escalade pendant de nombreux mois à mon grand regret. À bon entenpage 40
deur, salut, prenez votre temps ! Ne soyez pas trop gourmande ! Il ne vous faut que quelques mois le moment venu pour remonter à votre niveau d’avant, donc prenez votre temps. Cette phase de reconstruction détermine aussi votre santé future : périnée + abdos, donc pas moyen de faire l’impasse.
Et si la voie d’escalade était un accouchement… Une amie évoquait l’accouchement comme une escalade… Comme une voie d’escalade. On est dedans, on souffle, on respire, on expire, on cherche la prochaine prise, on s’arrête, on attend, on doit garder de l’énergie pour la prochaine prise. On le sait, mais c’est dur. La prochaine prise, on n’en connaît pas la difficulté. On ne sait pas non plus combien de prises il y aura. Ni pendant combien de temps on en aura. Le but c’est de parvenir en haut. On sait qu’il y a une fin. On ne peut pas faire demi-tour. On ne peut pas redescendre. On doit avancer. Coûte que coûte. On peut pleurer. On peut crier. On a le droit d’être démunie, d’être perdue, de se sentir seule, de sentir que c’est insurmontable, d’avoir mal, d’être fatiguée. On bloque, on ne trouve pas comment s’y prendre. Mais on sait qu’on veut monter, finir cette voie, contourner la difficulté, la faire sienne, trouver une combine, embrasser la difficulté, ouvrir son corps, lâcher prise, trouver le chemin, se hisser plus haut, plus loin. Cette voie, on la monte en tête, pendant des heures – deux, trois niveaux au-dessus du nôtre d’habitude. Elle est impossible, mais on sait qu’on va y arriver. On ne sait pas comment. Toutes les émotions nous traversent. On ira puiser au plus profond de soi pour y aller, on devra découvrir des ressources immenses cachées au fond du corps, dans chaque respiration, dans chaque lâcher-prise, dans la transe, on se laissera guider par son intuition, prenant chaque appui, chaque éclat de roche étant comme une seconde, une minute de moins vers la délivrance.
Avec bienveillance,
NOÉMIE BENOIT
Pour aller plus loin sur la maternité, plein d’astuces pour vivre au naturel avec un bébé/enfant, le zéro déchet, la sobriété, etc., rendez-vous sur mon blog ! laviegenialedenoemie.com
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Rencontre avec Anak Verhoeven
et je ne pouvais presque pas croire que je l’avais réellement faite. C’était juste génial. Niveau atteint en falaise en ce moment ? 9a+ (avec Joe mama et Sweet neuf) Tu t’es blessée au doigt récemment. Y a-t-il des choses que tu as apprises pendant ta rééducation qui pourrait aider des grimpeurs qui sont actuellement blessés ? Les premiers jours après ma rupture de poulie étaient très durs mentalement. Tout d’un coup, je devais arrêter l’escalade pendant plusieurs mois. Les messages que j’ai reçus d’autres grimpeurs me faisaient du bien, surtout quand ils parlaient de leurs propres expériences avec la même blessure et comment ils avaient retrouvé leur forme d’avant.
DAVID LEDUC David Leduc – Un de tes meilleurs souvenirs en compétition ? Anak Verhoeven – Arco (Italie) en 2016. C’était ma première victoire en coupe du monde. J’avais été très proche plusieurs fois et finalement ce moment spécial est venu. Le jour des « qualifs », j’ai toppé les deux voies. Le lendemain j’étais la seule à enchaîner la demi et la finale ! Un scénario de rêve. Mais ce beau souvenir persiste aussi grâce aux réactions positives. Plein de gens venaient me féliciter, même mes concurrentes et leur coaches. Les gens me disaient que je le méritais. C’était comme si tout le monde avait attendu cette victoire avec moi et me le souhaitait. Ça me faisait tant de bien. Trois de tes meilleures « perfs » en compétition ?
• Médaille d’or aux jeux mondiaux de Wrocław en 2017 • Trois victoires en coupe du monde • Championne d’Europe à Campitello di Fassa en 2017
Mon premier 8c avec Fish Eye à Oliana (Catalogne) en 2013. Ce jour-là, j’avais déjà fait deux essais et il était tard, mais j’ai quand même décidé de mettre un dernier run avant le jour de repos. Mon but était de passer le « mouve » où j’étais tombée l’essai d’avant. Quand je l’ai passé, j’ai fait le choix de continuer malgré la fatigue. Le seul problème, c’était qu’il commençait à faire nuit. Du coup, j’ai dû grimper la fin de la voie presque sans lumière. En me reposant sur une bonne prise juste avant le dernier crux, j’ai mis une tache de magnésie sur un petit pied crucial pour ne pas le rater en faisant les derniers « mouves » durs. Quand j’ai enchaîné la voie, j’étais hyper soulagée
John Janssens © 2020
Un instant en falaise que tu n’oublieras jamais ?
• Date de naissance : 15 juillet 1996 • Taille : 163cm • Ville de résidence : Schriek (un petit village), province d’Anvers • Tes débuts en escalade : en 2000 au Verdon, sur une petite falaise d’enfants (Le Galetas) page 41
Wim Verhoeven © 2000
Première voie en tête
Après ces premiers moments de choc, j’ai essayé d’accepter la réalité. Je voulais voir chaque jour comme un jour de plus vers le moment où je pourrais de nouveau toucher les prises, au lieu de le voir comme un jour de plus qui m’éloignait de ma dernière séance d’escalade. J’ai commencé à fêter les petites victoires de la rééducation : plus d’attelle, les premiers exercices, tenir une prise pour la première fois, ma première séance sur le mur, etc. J’ai aussi trouvé du plaisir en cherchant des méthodes pour faire des choses simples à un bras. C’était comme un défi contre moi-même et ça a rendu le processus un peu plus chouette. Je suis actuellement encore en route vers le rétablissement complet. Un souvenir particulier en compétition nationale ? Mon premier championnat de Belgique senior en 2010. J’avais treize ans, et j’étais toute contente de participer hors catégorie chez les grandes et de grimper en finale avec des grimpeuses comme Chloé Graftiaux, Muriel Sarkany, Mathilde Brumagne, Magali Hayen… Une falaise que tu adores ? J’aime bien La Ramirole. C’est une énorme falaise avec plein de voies très longues et dures. En plus, l’endroit est magnifique avec une vue plongeante sur le Verdon. Et j’adore tout simplement le sud de la France. Quelles voies en falaise étaient les plus « belles » selon toi, mais pas nécessairement les plus dures ? « Spanish Caravane » (à La Ramirole), « L’émêché » (aux Auberts en Vercors), le « Pilier de la Cala Goloritze » (en Sardaigne)… Quel style de voies préfères-tu ? Longue, un minimum de repos, et une grande variété de prises et de mouvements. page 42
Être une femme au top de l’escalade… : quels étaient les défis ? Presque toutes les voies ont été ouvertes et cotées par des hommes. Cela veut dire que, quand je veux tenter une première féminine, je dois souvent accepter que certaines méthodes d’hommes morphologiquement ne marchent pas pour moi. Je continue alors à chercher mes propres solutions sans savoir si je vais les trouver. Ce n’est pas évident de savoir à quel moment je dois accepter que c’est effectivement impossible pour une femme de ma taille. Persévérer à chercher d’autres méthodes ou abandonner le projet ? Ça, c’est un réel défi. Qu’est-ce que tu aimes beaucoup en escalade et que tu penses que tu ne trouverais pas dans d’autres sports ou activités ? Le fait que c’est un sport qui se fait à la fois en salle ainsi qu’à l’extérieur. C’est génial de pouvoir pratiquer son sport dans la nature. Les possibilités illimitées pour faire de l’escalade : du sportif, les grandes voies, le bloc, le « trad’ », différents types de rocher, la variété de prises, les différents mouvements, les compétitions, le deep water solo, etc. C’est infini. Vas-tu un jour tenter des grandes voies, du « trad’ », voire de l’alpinisme ? Si c’est possible : oui, absolument ! Pas sûre pour l’alpinisme : on verra. Un endroit où tu aimerais aller grimper un jour ? Le Yosemite. Un rêve qui n’est pas secret ? Habiter dans un van pendant une longue période. Où pouvons-nous suivre ton parcours ? Je poste régulièrement des nouvelles sur Instagram : anak.verhoeven. Encore quelque chose que tu veux ajouter ? Merci à Ardennes & Alpes pour cette présentation dans le magazine. Aux grimpeurs belges : à bientôt en salle et en falaise j’espère !
DAVID LEDUC
Carrière de Chokier Appel aux dons « Make it climb ! » Grâce aux aménagements réalisés par ce crowdfunding, la carrière de Chokier, deviendra un des sites les plus complets de Belgique. La diversité des activités permettra aux membres de passer des journées sportives et pédagogiques en famille ou entre amis, en diversifiant les types d’activités : escalade, rando, slackline, accrobranche et entraînement alpi !
Le projet lié au crowdfunding Le projet d’aménagement de ce site se définit en 4 priorités :
• Accrobranche : un nouveau parcours d’accrobranche (3 sections) en utilisant les arbres restants • Sauvetage en crevasse : stand d’entraînement • Escalade artificielle dans un toit : stand d’entraînement • Cramponner en pente raide : stand d’apprentissage
MAKE IT CLIMB ! clubalpin.be/crowdfunding
Début 2020, le Club Alpin Belge a fait l’acquisition de l’ancienne carrière de Chokier, non loin de Flémalle en région liégeoise. Un parcours d’accrobranche et quelques voies d’escalade étaient présentes sur le site au milieu d’une colonie d’épicéas victimes de scolytes. Depuis quelques mois, une équipe de bénévoles du CAB Liège y travaille avec passion et déjà, une vingtaine de voies d’escalade sont équipées de broches et d’ancrages pour la descente en moulinette (entre 10 et 15 m). Les sapins scolytés ont été abattus et le parcours accrobranche démonté.
Pour rendre ce projet possible, le Club Alpin Belge et le CAB Liège lancent un appel aux dons. Tu as envie de participer au crowdfunding ? Voici les conditions et contreparties :
• 10€ : montant minimum des dons • 40€ et + : attestation d’exonération fiscale (sur demande) • 50 € : bon accrobranche (non nominatif) + attestation d’exonération • 100 € : invitation au vin d’honneur + bon accrobranche + attestation d’exonération
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Le financement Le financement complet ou partiel des travaux d’aménagement particulier se fera via crowdfunding. Pour rappel, le Club Alpin Belge n’est pas subsidié pour la gestion et la création des sites d’escalade en milieu naturel. Ces coûts sont auto-financés. Le coût des matériaux s’élève à environ 25 000 €. La mise en œuvre sera réalisée par des membres bénévoles du CAB Liège. Les aménagements seront réalisés en fonction de l’argent récolté et par ordre de priorités (certains aménagements seront peut-être reportés).
Chokier en 12 points forts • Situation géographique centrale • Calme (pas de grand-route ou de ligne de chemin de fer à proximité) ! • Escalade variée : principalement du 3ème au 6ème degré et à venir, quelques voies dans du 7 et 8ème degré • Accessibilité : parking à 100 m et marche d’approche confortable • Convivialité : barbecue et bancs • Commodités : toilettes sèches • Abri (en cas de mauvais temps) • Pied des voies aménagé : gravier + petits bancs pour un confort au top ! (à venir) • Famille : site agréable pour les familles avec enfants car la carrière est en zone centrale plane et dégagée, les massifs sont disposés en arc de cercle, protégés du vent en hiver et ombragés en été • Slackline : possibilité d’installer des slacklines • Rando : belles randonnées en boucle possibles depuis la carrière : découverte des châteaux et de la réserve naturelle Aux Roches
Chez Vincent STUDIO GRAPHIQUE
chezvincent-studiographique.com
• Accrobranche : un nouveau parcours en 3 sections • Via ferrata (peut-être dans un second temps)
Vous aimez le look d’Ardennes & Alpes ? Dites le sur facebook, insta ou linkedin en partageant ma publication « FIER PARTENAIRE DU CAB » et courez la chance de gagner l’une de mes affiches originales *. page 44 * tirage au sort parmi les participant·e·s le 31 mai 2021. vincenthanrion@gmail.com – @chezvinc
Ardennes & Alpes — n°207
Lire Les femmes investissent depuis longtemps la montagne, mais elles en parlent moins que les hommes : voici quelques propositions de lecture pour les découvrir.
Nan Shepherd décrit, dans son magnifique La montagne vivante, ses longues randonnées dans les montagnes écossaises. Observations de la nature et du paysage, mais aussi des marcheurs croisés : elle raconte avec beaucoup de poésie et de justesse à quel point le paysage montagneux bouleverse l’âme humaine. Son récit a été écrit dans les années 1940, publié en anglais en 1977, et traduit en français en 2019 : cela montre combien ses propos peuvent encore résonner aujourd’hui dans les têtes de tous les amoureux des grands espaces sauvages. N. Shepherd, La montagne vivante, Paris, Christian Bourgois, 2019.
Dans Lisière, l’autrice bulgare Kapka Kassabova parcourt la frontière entre Bulgarie, Grèce et Turquie, faite de montagnes, de forêts. Aujourd’hui, des migrants tentent là-bas d’entrer en Europe ; durant la guerre froide, des Allemands de l’Est la traversaient dans l’autre sens pour rejoindre la Turquie. Ces lieux sont chargés de mystères et de légendes, qui se transforment au fil du temps. L’autrice nous raconte la vie des gens qu’elle rencontre et, à travers eux, l’histoire de cette région, de l’Europe, des populations malmenées et déplacées au gré des remous politiques. Instructif, dépaysant, passionnant ! K. Kassabova, Lisière, Montreuil, éd. Marchialy, 2020.
Dans les rangs des aventurières contemporaines, citons Sarah Marquis : Australie, États-Unis, cordillère des Andes, Sibérie, Mongolie… Sarah Marquis pratique la marche de longue distance, mais vit aussi au plus près de la nature en pêchant et en cueillant des baies pour se nourrir, et en écoutant les signes que la faune et la flore lui envoient. S. Marquis, Sauvage par nature, Paris, Pocket, 2015 ; Déserts d’altitude, Paris, Pocket, 2016 ; Instincts, Paris, Pocket, 2017 ; J’ai réveillé le tigre, Paris, Pocket, 2020 ; À dos d’oiseaux, Neuillisur-Seine, Michel Lafon, à paraître le 25 février 2021…
Plus près de chez nous, nous voulions aussi vous présenter deux Belges amoureuses de nos contrées et qui ont chacune publié un livreguide : Randos bière en Belgique, de Pauline Moulin, surnommée madame Bougeotte sur les réseaux, propose des randonnées dans les campagnes et forêts de Belgique combinées à la découverte d’une bière belge. Et Mon tour du monde en Belgique, de Marie Voght. P. Moulin, Randos bière en Belgique : la façon la plus rafraîchissante de voir la Belgique, éditions Helvétiq, Bâle, 2019. M. Voght, Un tour du monde… en Belgique !, édité par l’autrice
En 2019, l’anthropologue Nastassja Martin a livré son histoire dans Croire aux fauves. Elle a été, en août 2015, attaquée par un ours dans les montagnes du Kamtchatka. Cet événement a une résonance toute particulière pour les éleveurs de rennes qui l’accueillent et qui entretiennent avec les animaux des rapports proches de l’animisme. Un magnifique texte qui nous transporte ailleurs, et qui nous fait réfléchir sur nos choix de vie. N. Martin, Croire aux fauves, Paris, éd. Verticales, 2019.
Pour les plus jeunes, ne manquez pas le tout nouveau livre paru chez Paulsen, écrit par Jessica Jeffries-Britten et illustré par Emmanuelle Halgand : 30 destins d’alpinistes, présentant le parcours de femmes et d’hommes. Un ouvrage inspirant pour donner envie aux plus jeunes de gravir des sommets. J. Jeffries-Britten et E. Halgand, 30 destins d’alpinistes ; pour filles et garçons qui rêvent de gravir les sommets, Paris, Paulsen, 2020. page 45
Club Alpin Belge
Fédération Francophone Asbl (CAB) n° d’entreprise RPM : 0418 823 432 ISSN : 1781-7501 www.clubalpin.be SIÈGE SOCIAL Av. Albert 1er, 129 – 5000 Namur Avec le soutien de
SECRÉTARIAT Frédérique Gomrée Lundi, mercredi et jeudi et vendredi (semaines paires) 08h30 à 12h30 T 08123 43 20 secretariat@clubalpin.be COORDINATION GÉNÉRALE/ DIRECTION TECHNIQUE Geoffroy De Schutter geoffroy@clubalpin.be SECRÉTARIAT GÉNÉRAL Stéphanie Grevesse Lundi, mardi (semaines paires) et mercredi stephanie@clubalpin.be PRÉSIDENT
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Ardennes & Alpes
Revue trimestrielle du Club Alpin Belge IMAGE DE COUVERTURE Mathilde Oeuvrard, guide de haute-montagne et Élodie Feng – Pointe Lachenal Noémie Hordies © août 2017
Fédération francophone d’escalade, d’alpinisme et de randonnée – Asbl Avenue Albert 1er, 129 – 5000 Namur Ardennes & Alpes est ouvert à tous les correspondants belges ou étrangers. Les articles n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Reproduction autorisée (sauf mention contraire) avec l’accord de l’auteur et mention de la source : extrait d’Ardennes & Alpes, revue du Club Alpin Belge, n°207
ÉDITEUR RESPONSABLE Didier Marchal GRAPHISME Chez Vincent - STUDIO GRAPHIQUE vincenthanrion@gmail.com @chezvinc (facebook · insta · linkedin)
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Appel aux femmes : conquérez de nouveaux sommets ! Vous aimez prendre de la hauteur ? Ça tombe bien. Suisse Tourisme recherche des femmes prêtes à se hisser sur les plus hauts sommets de Suisse ! Dans le cadre du défi « 100 % Women – Peak Challenge », Suisse Tourisme, en collaboration avec le Club Alpin Suisse CAS, l’Association suisse des guides de montagne et Mammut, appelle les alpinistes chevronnées et moins expérimentées à gravir les 48 sommets suisses de plus de 4 000 m d’altitude – avec une guide de montagne ou en cordée individuelle – sur une période de six mois, du 8 mars 2021 au 8 septembre 2021. Outre ce défi, Suisse Tourisme propose une nouvelle plateforme en ligne rassemblant plus de 230 offres touristiques et événements destinés au public féminin.
100 % Women – Peak Challenge Le Peak Challenge n’est pas une compétition, mais une aventure pour partager l’expérience unique de l’ascension de l’un des 48 géants des Alpes suisses. L’objectif est de motiver de nombreuses femmes à vivre et partager l’expérience de la préparation et de l’ascension. La participation est ouverte aux grimpeuses de tous les pays. Toute cordée entièrement féminine qui réussit l’ascension d’un des 48 sommets répertoriés et partage un selfie en arrivant au point culminant avec les hashtags #peakchallengeNOMDU4000 et #Ineedswitzerland sur les réseaux sociaux, participe automatiquement au défi. Aucune inscription n’est requise. L’organisation et l’ascension en elle-même sont du ressort de chaque participante. peakchallenge.myswitzerland.com
Ambassadrice du Peak Challenge La Suissesse Caro North (1991) est une des ambassadrices du 100 % Women – Peak Challenge. Raides, longs et extrêmes : voilà comment l’athlète
de l’équipe Mammut Pro et guide de montagne Caro North aime les défis. Été comme hiver, l’univers de cette valaisanne d’origine, c’est la montagne. L’alpiniste professionnelle a déjà effectué des ascensions impressionnantes dans la vallée de Yosemite, à Chamonix et dans l’Himalaya. Caro North et une collègue ont été la première cordée exclusivement féminine à escalader le Cerro Torre en Patagonie.
Les « 4 000 » de Suisse Les Alpes suisses sont couronnées par 48 sommets de plus de 4 000 m d’altitude. 41 montagnes sont situées en Valais, dont certaines partagent leur sommet avec l’Italie. Le plus célèbre est l’emblématique Cervin (4 478 m). La pointe Dufour, dans le massif du Mont Rose, est le plus élevé (4 634 m). Le Dom (4 545 m) est le plus haut « 4 000 » entièrement situé sur le territoire suisse. Le Schreckhorn (4 078 m), sur sol bernois, est considéré comme le quatre mille le plus difficile de Suisse.
100 % Women – des offres créées par les femmes, pour les femmes Le Girl Power vous inspire et vous souhaitez découvrir la Suisse entre femmes en testant d’autres offres d’escapades touristiques durant de quelques heures à plusieurs jours et incluant toutes les saisons et toutes les zones géographiques ? Sur plus de 230 offres et événements, le cadre est 100 % féminin – crée par des femmes pour des femmes et donc toujours guidé par une femme.
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