LA FORMATION POLICIÈRE AU QUÉBEC
La formation policière au Québec Quels sont les fondements acquis qui demeurent, quels sont ceux qui tendent à se transformer ?1 Marc Alain Professeur titulaire, Département de psychoéducation, Université du Québec à Trois-Rivières
Résumé
4
Cet article présente une synthèse des résultats obtenus au cours d’une étude longitudinale du suivi d’insertion professionnelle d’une cohorte de recrues policières au Québec. Reprenant en gros l’outil développé en France par Monjardet et Gorgeon (2004), les participantes et participants ont eu l’occasion de répondre au questionnaire à quatre reprises pendant une période de six ans. On y observe que si certaines prédispositions par rapport à la profession policière demeurent très fermement ancrées chez les participantes et participants, en revanche, plusieurs de ces représentations et attitudes vont connaître des réaménagements qui ne vont pas nécessairement dans le sens attendu par la population à l’égard de ses policières et policiers. Indénia-
blement, ce sont les fondements de l’éthique et de l’intégrité du métier qui subissent les glissements potentiellement les plus inquiétants. Ces phénomènes posent tout entière la question de la rétention des enseignements de la formation initiale par lesquels les recrues sont passées. En effet, si les recrues présentent d’entrée de jeu des attitudes et des prédispositions qui représentent ce que nos sociétés démocratiques jugent être l’idéal policier, c’est de moins en moins le cas au fur et à mesure que leur carrière s’amorce. Nous concluons cet article par quelques pistes de réflexion susceptibles d’alimenter celles et ceux chargés de veiller à l’élaboration des cursus de formation policière, tant initiale que continue.
Introduction Voilà maintenant un peu plus de quinze ans que les aspirants policiers et policières des cohortes 19 à 30 de l’École nationale de police du Québec (ENPQ) ont terminé leur formation initiale en patrouillegendarmerie. Cette formation leur a ouvert la porte d’une profession à laquelle la plupart d’entre eux aspiraient depuis longtemps. Car c’est là une constante qui ressort du suivi que nous avons assuré auprès d’eux : cette passion pour le métier, de même que la quasi absolue certitude d’avoir fait le bon choix de carrière, demeurent tout aussi vivantes et fortes qu’au tout début de leur engagement professionnel. Mais il est bien sûr d’autres éléments de cet engagement qui ont eu à subir le choc, parfois brutal, de la réalité. Ce sont donc ces chocs, ces réaménagements des représentations, ces parcours idéologiques et culturels que, pendant un peu plus de six ans, nous avons eu le privilège de suivre et de documenter.
Nous présentons donc ici ce qui constitue une toute première dans l’histoire de la profession policière au Québec : l’étude des parcours d’insertion professionnelle des 731 finissantes et finissants de l’ENPQ ayant réussi leur stage de formation initiale en patrouille-gendarmerie entre avril 2001 et janvier 2002. Cette étude, rappelons-le, a été en grande partie inspirée des travaux de Dominique Monjardet, directeur de recherche au CNRS maintenant décédé et à qui nous aimerions dédier ce travail. Le présent article, à la différence de ceux qui l’ont précédé (Alain et Baril, 2005a, 2005b ; Alain et Grégoire, 2007, 2008), s’en tiendra autant que possible à une description des phénomènes observés dans les réponses que nous ont données les participantes et participants. En effet, nous avons 1 Les données et grands éléments d’analyse présentés dans ce court article sont tirés de publications antérieures énumérées dans la liste des références.
format magazine no 9