LES NOUVEAUX MÉTIERS DE LA FORENSIQUE NUMÉRIQUE ET DE L’ANALYSE CRIMINELLE
Comment intégrer en Suisse les nouveaux métiers de la forensique numérique et de l’analyse criminelle ? Julien Cartier Chef de la Brigade d’analyse des traces technologiques (BATT), Police cantonale vaudoise
Résumé
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Si le besoin en ressources spécifiques ne fait plus débat, notamment en regard du développement du cyberespace et des activités criminelles qui s’y déroulent, la disponibilité de ces ressources et leur intégration selon les niveaux de compétences recherchés dans l’analyse criminelle et la forensique numérique méritent qu’on s’y attarde. L’état des lieux réalisé en 2018 et présenté ici a montré une grande disparité concernant le personnel, qui va du « tout civil » au « tout policier », ce qui pose de multiples problèmes de recrutement, d’intégration et de mobilité professionnelle. Ce travail a permis de
dégager une bonne pratique qui a de nombreux avantages, avec une durée de formation supportable tant pour l’institution que pour la candidate ou le candidat. Profitant des démarches en cours dans le cadre du CGF 2020, il nous paraît opportun de proposer aujourd’hui la création d’une filière spécifique et harmonisée, garantissant l’intégration du personnel qui pourrait alors se forger une véritable identité professionnelle, et fournissant à ce personnel la reconnaissance, la mobilité professionnelle et la qualité de la formation initiale.
Introduction La criminalité évolue, c’est un lieu commun. À nos yeux, son évolution la plus marquante aujourd’hui est sans doute la tendance haussière de la cybercriminalité, alors que la criminalité générale (ou matérielle) est en baisse depuis plusieurs années. L’étude de 2016 de l’Office of National Statistics (ONS, 2016) de Grande-Bretagne démontre que les résidents et résidentes de l’Angleterre et du Pays de Galles sont vingt fois plus susceptibles d’être victimes de fraude que de vol qualifié et dix fois plus que de vol simple. Fort de ce constat, Loveday (2018 p. 399) juge que le volume de la fraude liée à la cybercriminalité est maintenant du même ordre de grandeur que le volume de la criminalité patrimoniale traditionnelle et même probablement plus élevé si la victime est un organisme public ou une entreprise commerciale, ceux-ci n’ayant pas été dénombrés dans le cadre de l’enquête de l’ONS de 2016. Dans son étude, Loveday se pose à juste titre la question des implications pour les organisations policières. Il considère que « bien qu’un certain
nombre d’initiatives utiles aient déjà été mises en place par le ministère de l’Intérieur et les services de police pour comprendre ces menaces et y réagir, il reste encore beaucoup à faire, en particulier pour modifier les structures policières, recruter, former et coordonner le travail entre les organismes.1 » En Suisse également, des réflexions et des changements sont en cours. Les mesures dans le cadre de la nouvelle stratégie nationale de protection de la Suisse contre les cyberrisques (Confédération Suisse, 2018) incitent les autorités de poursuite pénale à s’adapter. Une des dimensions centrales, également étudiée par Loveday, est l’acquisition de compétences par l’intermédiaire de personnel formé et apte à appréhender ces nouvelles formes de criminalité. Ces connaissances peuvent être acquises par la formation du personnel en place et par le 1 Traduit librement de « Although a number of useful initiatives have already been put in place, by the Home Office and police forces, into understanding and responding to these threats the article claims that much more needs to done, particularly in changing policing structures, in recruitment, in training, and in coordination of work across agencies. » (Loveday, 2018)
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