Mention spéciale / Besondere Auszeichnung 2019
Aline BOUVY Luxembourg
Villa Vauban
Aline Bouvy aime la matière, sa mise en forme et sa mise en difformité. Elle nourrit un penchant pour l’esthétique grotesque qui, selon l’historien de la littérature Rémi Astruc, « pourrait se ramener à la mise en œuvre d’un ou plusieurs de ces motifs : redoublement, hybridité, métamorphose1 ». En ce qui concerne la mise en forme de la matière, on pense aux pieds géants qu’elle a conçus pour l’exposition Bastinado à la galerie Baronian Xippas à Bruxelles en 2018. Une mise en forme pourtant pas si conforme. Car de ceux qui se disent être des colosses n’étaient visibles que les pieds… d’« argile ». Leur fragilité invisible contrastait avec leur absurde démesure. Les canons (hier de la statuaire grecque) qui perdurent pourront-ils un jour s’émanciper ? Quant à la mise en difformité de la matière, elle était très présente lors de l’exposition Late Dawn en 2018 dans l’espace MÉLANGE à Cologne, dans les formes pétries et noircies au charbon (dont l’artiste soulignait elle-même la ressemblance avec des anus) et les sculptures en Jesmonite déformées, pliées, de guichets automatiques : une critique non voilée du système de « valeurs » capitaliste. Sous les angles du kitsch et de l'incongruité, le travail de l'artiste met en scène un éventail de figures et signes, plus ou moins indécents, passant hardiment du désir à la répulsion2. C'est précisément à cela que s'intéresse son intervention dans le cadre du Prix d'Art Robert Schuman, puisqu'elle défie l'architecture du lieu d'exposition dans un acte d'insoumission et l'embrasse dans celui d'une émancipation évocatrice et transgressive.
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