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CULTURE
MUSIQUE
PRETTY LOUD, LES FÉMINISTES DU RAP ROM thématiques sont celles qui touchent les femmes de notre communauté mais concernent également les autres femmes. » LA PLACE DES FEMMES DANS L’ORCHESTRE
Par Joëlle Lehrer
Silvia Sinani, 24 ans, n’est pas à proprement parler le leader de Pretty Loud mais c’est elle qui s’exprime le plus facilement en anglais. C’est donc elle qui répondra à mes questions. Nous nous trouvons au KC Grad, un centre culturel de Belgrade, à deux pas du Danube. Aujourd’hui, Silvia a choisi de porter un pull jaune qui claque alors
que le ciel est imperturbablement gris. C’est un signe de l’énergie que cette jeune femme dégage. Dans son groupe, elles sont six et pour ce qu’on en comprend, elles n’ont pas intégré les codes vestimentaires des rappeuses de l’Ouest. « Le groupe est né à l’initiative de GRUBB Foundation, dont l’action se concentre sur l’éducation des Roms. Nos
#METOO DES BALKANS
Soutenues par l’ONU, les filles de Pretty Loud s’inscrivent aussi dans le mouvement #MeToo des Balkans et dénoncent la violence à l’égard des femmes. Qu’elles soient roms ou non. « On ne nous a pas donné la permission de parler fort, on l’a prise », conclut Silvia. Merci au Festival Balkan Trafik qui nous a permis de réaliser ce reportage. Balkan Trafik Festival, à Bruxelles et Namur, du 28 avril au 1er mai.
ALESSANDRO GANDOLFI.
C’est un girls band qui ne ressemble à aucun autre. Pretty Loud, originaire de Serbie, s’est fondé pour faire entendre très fort la voix des filles et femmes de la communauté rom. Contre les mariages forcés, les maternités précoces et la pauvreté, elles rappent. Rencontre à Belgrade.
Pour l’heure, les membres du groupe officient comme bénévoles. Silvia, quant à elle, est prof de danse. « Nous avons sorti notre premier clip au début de la pandémie, en 2020. Et il a été vu par des centaines de milliers de personnes, dans les Balkans mais ailleurs aussi. » Leur morceau Ravnopravo leur a ouvert les portes des grands médias nationaux comme internationaux. Le New York Times leur a consacré un article important. « Le patriarcat au sein de notre communauté est très fort mais les jeunes femmes comme nous appellent au changement. Elles veulent pouvoir prendre les décisions qui les concernent. Elles ne veulent plus être mariées à 16 ans. Elles veulent pouvoir aller à l’école et trouver du travail ensuite. » Silvia est fiancée à un jeune homme qui fait du rap comme elle et qu’elle a pu choisir. « Les choses changent peu à peu », dit-elle. Leur musique provient de la rencontre entre la musique traditionnelle rom et le hip-hop. Dans les orchestres tziganes, les musiciens sont tous des hommes. Et lorsqu’il y a une femme, elle chante ou danse. D’après Silvia, on commence à voir des filles jouer du violon, de la guitare ou du darbouka.