INTRODUCTION FR
Intro | 0 La France est divisée : déjà en l’an 1572. Le schisme entre catholiques et protestants conduit à la persécution réciproque et à la confusion religieuse. Charles IX, catholique, fut couronné à l’âge de dix ans. Sa mère, Catherine de Médicis, avait conduit jusque-là les affaires d’État. L’amiral de Coligny, protestant, essayait de convaincre l’enfant-roi d’entreprendre une croisade contre les Flandres de l’Espagne catholique tandis que la reine mère arrangeait le mariage de sa fille Marguerite avec le prince Henri de Bourbon, roi de Navarre et protestant, pour calmer les camps ennemis et empêcher la guerre. Dans Les Huguenots de Giacomo Meyerbeer, créé à Paris en 1836 sur un livret d’Eugène Scribe et Émile Deschamps, les complications religieuses, idéologiques et politiques de l’histoire d’amour de Valentine, la belle catholique et dame de compagnie de la reine Marguerite, et de Raoul, le jeune officier calviniste, forment l’intrigue mouvementée de ce grand opéra à la française, qui fut probablement le plus grand succès lyrique du XIXe siècle. Adapté dans le monde entier, souvent sous d’autres titres évoquant d’autres conflits religieux ou politiques, le triomphe de cette véritable « encyclopédie musicale », comme l’appelait Berlioz, attira au compositeur les foudres d’un Richard Wagner jaloux de son succès. Plus tard, le Berlinois Meyerbeer fut banni du répertoire par les nazis en Europe, en tant que compositeur juif. Portrait d’un schisme par lequel des factions religieuses gagnent leur identité, l’opéra est aussi un plaidoyer pour l’œcuménisme par lequel les religions essaient de surmonter différences et oppositions. Mais le signe de paix et d’unité du mariage de raison de Marguerite de Valois culminera en une apocalypse de destruction et de déraison : la tragique et sanglante nuit de la Saint-Barthélémy.
Intro | 1 Jouer Les Huguenots sur la scène du Grand Théâtre, de laquelle l’œuvre est absente depuis 1927, est d’abord un hommage à l’histoire de la ville de Genève et à son passé de ville d’accueil. Le « Premier Refuge » des protestants français vers la Suisse, généré par la nuit de la Saint-Barthélémy, concerna principalement Genève et fut l’un des événements majeurs de l’histoire de notre cité. Actuellement, les menaces entre différents groupes religieux prennent des dimensions de plus en plus radicales. Quelle est la place que l’on réserve encore à l’accueil à Genève et quel est le dialogue possible ou nécessaire entre les schismes qui se creusent ? Voilà les interrogations pressantes que soulève ce grand opéra sous ses apparences bourgeoises et dorées et son drame romantique sanglant ! Ce chef-d’œuvre du genre sera défendu par personne de moins que le grand chef français Marc Minkowski, des solistes vedettes comme John Osborn, Michele Pertusi ou Rachel Willis-Sørensen, ainsi que par les orfèvres de l’analyse des œuvres lyriques Jossi Wieler et Sergio Morabito, auxquels se joint la grande plasticienne allemande Anna Viebrock. Inspirés à la fois par les grands films historiques hollywoodiens des débuts du cinéma, ils placent l’action dans un studio de tournage : les frontières s’estompent et les personnages se perdent comme chez Woody Allen dans les nimbes d’une réalité faussée, entre histoire passée et présente.
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