« Jour qui avec horreur parmi les jours se conte »
Extraits des Tragiques d’Agrippa d’Aubigné (Livre V, « Les Fers », édition et préface de Charles Read1 : Paris , 1872)
Voici venir enfin « la tragédie qui efface le reste » et montre comment fut châtiée l’Église, « quand sa paix et sa foi eurent pour fondement la parole du roi » : c’est nommer la Saint- Barthélemy, cette boucherie à nulle autre pareille ! Deux princes vêtus de noir (ils portent le deuil de Jeanne d’Albret) viennent d’entrer dans Paris l’infidèle. Le jour s’est levé, jour à jamais maudit, où, par ordre d’un roi bourreau de ses sujets, « la populace armée » va « trépigner la justice », et où des Français vont immoler d’autres Français. L’amiral, cette grande figure, ce Caton de nos jours, tombe sous leurs coups aussitôt que la cloche du Palais de la Justice a sonné l’heure des iniquités. La cité est inondée de 40
sang. Le Pont-aux-Meuniers, la Vallée-de-Misère voient égorger ou jeter à l’eau des milliers de malheureux : c’est Yverny, la charitable nièce du cardinal Briconnet, c’est un époux que la mort réunit à son épouse, c’est le vieux Ramus, la gloire des Écoles, le conseiller octogénaire Chappes, Brion, gouverneur du prince de Conti, etc. Le Louvre même devient un champ de carnage, champ que la présence, l’attitude de Néron1 et de sa cour rendent encore plus hideux. — Mais en vain le tyran a fait taire sa conscience : elle se révolte et vient remplir ses nuits de terreurs. Tout l’épouvante et le glace d’effroi : il voudrait se fuir lui-même, et ne le peut.