siècle), avec une fonction liée à l’amphithéâtre-sanctuaire des Trois Gaules ou/et de stockage. Pour d’autres en revanche, ces galeries représentent un des dispositifs de défense associés à la citadelle royale construite en 1564 sur le plateau de la Croix-Rousse, sur l’ordre de Charles IX, à l’image de ce que l’on rencontre dans certaines villes (Limoges, Auxerre) ou villages du Sud-Ouest. Une dernière hypothèse interprète l’ouvrage comme ayant servi d’entrepôt temporaire, au XIIIe siècle, pour abriter le trésor des Templiers. Aucune de ces trois versions n’avance cependant de preuves décisives et la fonction précise de ces galeries reste une énigme. C’est ici que l’archéologie psychologique des images entre en scène. Descendre par ses escaliers ou par un de ses 16 puits, c’est pénétrer en quelque sorte dans le subconscient du quartier. Arpenter ces 34 couloirs, c’est comme entrer dans un autre univers ou une autre dimension. La boue glissante qui recouvre le sol, telle la peau d’un animal amphibien fantastique, la posture courbée et les bruits étranges qui parcourent les galeries font apparaître des sentiments troublants. La peur le dispute à la curiosité, la vue cède les commandes à l’oreille. L’expérience de la profondeur obscure fait percevoir le risque de se perdre ou de se voir enseveli, comme englouti par ce « Jonas souterrain ». Le désir de découvrir quelques mystères ou un grand secret affronte discrètement cette angoisse. La polyvalence des usages possibles fait écho à l’ambivalence des images d’une grotte paisible et d’un gouffre inquiétant. En avançant le long des 156 mètres de la galerie principale, on pense à la ruse de Dédale et à la magie du fil d’Ariane. C’est ce fil qui a poursuivi son déroulement dans d’autres boyaux plus contemporains avec les réseaux d’électricité et de fibres optiques. Une expérience des profondeurs s’accompagne souvent du sentiment d’enracinement, comme si on était venu chercher là les origines obscures du quartier de la Croix-Rousse. Revenu à la lumière du jour, on s’aperçoit, avec un sourire intérieur, que c’est moins cette quête qui nous habite, que la satisfaction d’avoir réussi cette mise à l’épreuve de notre volonté de savoir avancer dans l’inconnu, en étant capable d’affronter nos propres peurs enfantines.
LE LETTRÉ DE LA CROIX-ROUSSE
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