E MAG TRANSPORT #13

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LE MAGAZINE DIGITAL DU TRANSPORT ROUTIER N°13 Juin 2023 la transition énergétique ? LE PRIX des énergies en question LA LOCATION , une solution de financement ? La prise en main de l’Iveco S-Way 6x2 GNC Financement : que proposent les constructeurs ?
outils existent pour économiser
va payer les infrastructures ? C omment financer
Les
Qui

La transition énergétique a un prix

Tout d’abord, il est essentiel de souligner que l’ensemble de la profession est favorable à une transition énergétique réfléchie. En fait, les transporteurs n’ont pas attendu l’adoption de la loi climat pour commencer à verdir leur flotte de poids lourds. Les normes Euro ont été introduites dès les années 1980 (avec l’Euro 0 dès 1990 pour les camions en Europe).

Nous avons jugé intéressant de consacrer un numéro complet au financement, qui est le nerf de la guerre pour atteindre des objectifs satisfaisants en matière de réduction des émissions polluantes. En quelques pages, nous vous proposons d’examiner en détail les offres des constructeurs et des banques actuellement disponibles sur le marché pour l’achat d’utilitaires ou de poids lourds zéro émission (tels que ceux fonctionnant au gaz, à l’électricité ou aux biocarburants). Il est rapidement évident que, bien que les fabricants fassent des efforts considérables, les incitations offertes par les pouvoirs publics sont insuffisantes. Cependant, la grande question demeure : qui paiera la facture conséquente ? Ne pourrait-on pas envisager des écotaxes transport sur chaque produit que paieront les consommateurs en fonction de la rapidité et du moyen de transport requis ? Sinon, le scénario devient impossible. Les 38 000 entreprises de transport ne pourront pas suivre et la France se retrouvera sans camions, ce qui signifie l’absence de transport et d’acheminement des marchandises. Une transition énergétique est certes souhaitable, mais à condition que tout le monde y mette du sien financièrement.

Sommaire

4 Dossier • Comment financer son camion zéro émission ?

14 Interview • Philippe Quilliet, directeur général de Daimler Truck Finance France

16 Focus • Transition énergétique : le prix à payer pour les transporteurs

20 Interview • Florence Berthelot, déléguée générale de la FNTR

22 Prise en main • Iveco S-Way porteur 400 ch GNC 6x2/4

Le nouveau couteau suisse de la distribution régionale ?

28 Focus • VIsion’AIR s’offre une plateforme numérique

30 Focus • Énergies : la hausse des prix en question

Ont collaboré à ce numéro

Directeur de publication

Hervé Rébillon • rebillon@trm24.fr

Journaliste

Jean-Philippe Pastre • pastre@trm24.fr

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La Station Productions

Conception et maquette • Luna Aguilar

Webmaster TRM24 • Éric Martin

Photos • Tous droits réservés

e-MAG TRANSPORT est proposé par la rédaction de TRM24 et édité par La Station Productions.

ÉDITO N° 13 • Juin 2023 3
Hervé Rébillon, fondateur eMAG TRANSPORT/ TRM24

Comment financer son

Depuis le milieu de l’année 2022, on assiste à une spectaculaire hausse des taux directeurs de la Banque centrale européenne. Si elle s’est traduite très rapidement pour les particuliers par un renchérissement du crédit et des prêts immobiliers, cela a également des répercussions pour les établissements financiers et les entreprises. Fait aggravant, sous la pression des ZFE-m, les transporteurs doivent envisager l’achat de véhicules électriques à batteries valant entre 2 et 3 fois le prix d’un équivalent diesel Euro VI. Comment les captives financières des constructeurs se préparent à cette nouvelle donne ?

Jean-Philippe Pastre • pastre@trm24.fr

De nombreux observateurs ainsi que la plupart des établissements bancaires et financiers voient l’été 2023, et plus particulièrement le mois de juillet, comme un cap important dans la politique de la Banque centrale européenne (BCE). En effet, pour contrer les effets de l’inflation en très forte hausse depuis 2022, elle a choisi d’augmenter ses taux directeurs pour l’euro. Une inflation qui s’est en fait enclenchée dès l’année 2021 avec la reprise post Covid-19. Or, c’est auprès de la BCE que les établissements financiers s’approvisionnent.

Inflation, le choc « pétrolier » de 2023 Denis Beau, premier sous-gouverneur de la Banque de France, évoque les mécanismes qui sont à l’œuvre*. Et il l’évoque crûment : « Pour la France, ce choc […] pourrait être le deuxième plus important depuis le premier choc pétrolier de 1974 (de l’ordre de 1.4 % de PIB**) ». La Banque de France a estimé l’impact de la crise énergétique à 60 Md€ ou 2,5 % du PIB pour la seule année 2022. Il se veut toutefois optimiste : « le coût économique de ce choc devrait se réduire des deux tiers en 2023 et rester limité en 2024 et en 2025. […] L’inflation en France et

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4 Dossier financements

camion zéro émission ?

en zone euro s’est diffusée très largement et revêt désormais un caractère « interne » et « généralisé ».

Les dernières prévisions de la BCE pour la zone euro (en moyenne annuelle de PIB) devraient se situer à 1 % pour l’année 2023 (contre 3,6 % en 2022).

Selon Denis Beau, la France devrait connaître 0,6 % de croissance sur l’année 2023. Face à cette croissance très faible, l’inflation continue de caracoler à 5,3 % pour l’année 2023, sur le même périmètre et pour la même période, toujours selon la BCE. Pour la Banque de France, dans ses prévisions de mars 2023, l’inflation devrait atteindre son pic au mois de juin 2023 « avant de se replier pour revenir vers 2 % fin 2024 et 2025 ».

Une des craintes des économistes des banques centrales étant l’entrée dans un cycle de « stagflation » comme celui qui a prévalu entre 1975 et 1985 : inflation forte conjuguée à une croissance (donc une produc-

tion de richesse comptable) faible, voire récessive. « Depuis sa résurgence en 2021, l’inflation a continué à augmenter en 2022 à un rythme jamais atteint depuis les années 1980 […], à la Banque de France, nous estimons, comme nos collègues des autres banques centrales de l’Eurosystème, que la forte accélération de l’inflation trouve fondamentalement son origine non pas dans un excès de liquidités, mais dans les goulets d’étranglements qui résultent du rebond plus rapide que prévu de l’activité à l’issue de la pandémie, ainsi que dans la forte hausse des prix de l’énergie et de l’alimentation, largement exacerbée par la guerre en Ukraine », confirme Denis Beau.

La hausse des taux joue sur les investissements

Scania France a évoqué l’évolution de l’inflation dans sa présentation d’avril 2023 consacrée aux résultats de l’année 2022. Selon la filiale du constructeur, cela aurait eu deux conséquences majeures : de fortes perturbations pour les entreprises sur les coûts d’exploitation, mais aussi une hausse sensible des taux d’intérêt. Scania Finance France anticipe de potentielles baisses d’activité, va-

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•••
* Conférence de Denis Beau aux représentants des entreprises réunis à la CCI du Havre, le 26 mai 2023.
Dossier financements 5
** PIB, produit intérieur brut, définit la création de richesse comptable dans le territoire d’un pays donné. Denis Beau, premier sous-gouverneur de la Banque de France.

riables suivant les métiers des clients mais très différentes semble-t-il d’une région à une autre. « Il n’y a pas de tendance globale », résume Laurence Éluère, directrice commerciale et développement chez Scania France. De nombreux observateurs dans les banques de détail attendent le mois de juillet 2023 avec anxiété : la BCE révisera-t-elle sa politique ? Augmentera-t-elle encore ses taux directeurs ? Laurence Éluère confirme que « la hausse des taux, on l’a eue en 2022. Pour 2023, on n’a plus cet effet de surprise, la Banque centrale européenne a fait ce qu’elle a annoncé. Mais les perturbations perdurent. La hausse des taux est importante et joue pour les investissements des clients. […] Celui qui sait anticiper ce qui se passera à la fin de l’année est très fort », tout en se rassurant : le niveau des défaillances d’entreprises de transport demeure inférieur à celui d’avant Covid-19.

Philippe Quilliet, directeur général de Daimler Truck Financial Service pour la France, se fait fataliste : « Le quotidien est fait de taux d’intérêt qui augmentent. À quel moment cette hausse va-t-elle cesser ? Serait-ce en juillet ou en décembre ? Même si je n’ai pas de boule de cristal, je parierais plus sur une stabilisation. Cette hausse a surtout entraîné un coup de frein phénoménal dans l’immobilier ». Pour ce qui est de l’accès à l’argent, il détaille : « Nous le faisons via le groupe Daimler qui s’approvisionne sur le marché, soit nous passons par

d’autres établissements financiers français ou étrangers ». Charles-Henri Guespereau, directeur général d’Iveco Capital, confirme pour sa part : « Nous subissons la hausse des taux comme les autres banques. Cela peut freiner quelques entreprises, mais nous ne constatons pas d’impact sur notre activité ni sur le mode de financement demandé par les clients »

Les goulets d’étranglements jouent sur les prix

Denis Beau rappelle que les « goulets d’étranglements au niveau de l’offre en termes d’approvisionnement et de recrutement ont également joué négativement sur l’activité ». L’Observatoire du véhicule industriel, dans sa synthèse de l’année 2022 publiée en janvier 2023, constatait pour sa part une hausse de l’ordre de 20,1 % des valeurs de véhicules d’occasion. Cela faisait suite à une année 2021 où ces mêmes véhicules d’occasion avaient vu leurs valeurs marchandes grimper de 18,4 %. Les constructeurs ont également revu à la hausse leurs tarifs de véhicules neufs. Les carrossiers constructeurs ont fait de même, puisqu’ils étaient à la fois sous pression de leurs fournisseurs et victimes de la flambée du prix des matières premières et de l’énergie. Les perturbations sur le marché du VO sont la conséquence directe des retards de livraison de véhicules neufs. Cette hausse des prix •••

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6 Dossier financements
Laurence Éluère, directrice commerciale et développement chez Scania France.

se conjugue à un « assèchement » des parcs VO, confirmé par nos interlocuteurs parmi les captives financières des constructeurs.

Pour nombre de transporteurs, l’acquisition de VO (ou la non-restitution d’un véhicule en location longue durée ou crédit-bail) a été un palliatif à la pénurie de véhicules neufs disponibles. Lors de sa conférence annuelle tenue fin avril 2023 évoquant l’activité Scania France pour l’année 2022, on retient paradoxalement un fort développement des véhicules d’occasion vendus dans le réseau, avec 494 transactions, et 185 M€ prêtés (en nouveaux contrats), « une année en baisse par rapport à une activité normale où nous réalisons plutôt 200 M€ de prêts », complète Laurence Éluère. Une baisse d’activité à mettre en rapport avec les volumes de véhicules neufs (et d’occasion) facturés, ces pénuries de matériels n’aidant pas au développement de l’activité de financement. Philippe Quilliet corrobore également l’importance croissante de l’activité de financement des VO pour les clients du réseau (ou les distributeurs) Daimler Truck France. Cette pénurie de matériels confirme que l’activité des véhicules d’occasion se traite désormais à égalité de prestation et de service avec les véhicules neufs.

Comment alléger cette charge pour les entreprises ?

Denis Beau confie que la situation actuelle devrait peser sur les marges et la profitabilité des entreprises. Certaines devant en outre faire face aux

échéances des PGE*** mis en place pendant les années Covid. « La période d’amortissement de ces prêts aura un impact immédiat en 2023 sur la trésorerie disponible des entreprises bénéficiaires de PGE et leur capacité d’investissement », alerte de son côté l’Observatoire du financement des entreprises dans son rapport annuel 2022. Si certains secteurs industriels peuvent être attentistes en termes d’investissements, tel n’est pas le cas du transport routier qui doit investir à marche forcée vers l’électrification des parcs pour accéder aux ZFE-m dont la mise en place, certes chaotique et peu cohérente, apparaît inéluctable. Il leur est donc difficile d’attendre une normalisation des conditions financières. Or, la BCE a mené une politique très agressive, confirmée par Denis Beau : « le Conseil des gouverneurs de la BCE a décidé d’augmenter les taux directeurs à un rythme accéléré, de 250 points de base au total en 6 mois entre juillet et décembre 2022 ». La BCE a poursuivi cette révision en janvier, mars et mai 2023. « Le Conseil des gouverneurs de la BCE est allé plus loin et fait entrer la politique monétaire dans un territoire restrictif au sens technique du terme », explique Denis Beau. Des hausses qui se transmettent « progressivement mais pleinement aux conditions de fi-

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** PGE, prêts garantis par l’État, ou avances remboursables aux entreprises devant faire face aux échéances financières (remboursements de prêts, charges sociales, etc.) dans un contexte de perte de chiffre d’affaires pendant les années de pandémie Covid-19.

nancement et aux conditions monétaires au sein des pays de la zone euro », comme l’explique la Banque de France.

Dans ce contexte dit « de turbulences », Scania Finance France propose de « modifier les contrats en cours pour alléger la trésorerie et les charges des entreprises clientes et une diversification des engagements financiers ». Il est évoqué plus en détail « d’agir sur les crédits-bails » qui représentent plus de 90 % de l’activité de Scania Finance France. Philippe Quilliet mise sur un concept très innovant dans le monde du véhicule industriel mais pratiqué de longue date dans l’automobile : le crédit-bail ballon. Une « trouvaille » commerciale inventée par Ford France (automobiles) au cours des années 1990 qui visait à l’époque à pousser les clients à renouveler plus fréquemment leurs automobiles. Pour les véhicules industriels, la motivation n’est pas la même : « le calcul est différent : la valeur de reprise (VR) est ici calculée au prix du marché, ce qui change des VR du crédit-bail classique où l’on se situe entre 5 et 10 % de la valeur à neuf Cela réduit le coût des loyers. C’est une nouveauté introduite depuis le mois d’avril 2023 qui permet d’atténuer les effets de la hausse des taux, des prix des véhicules et des incertitudes qui pèsent sur les clients en raison des futures ZFE-m. C’est une alternative nouvelle sur le marché »

Comment faire face à l’électrification des véhicules ?

Le compte rendu de la task force transports, réunissant fédérations professionnelles nationales et différents prestataires en lien avec le transport (énergéticiens, constructeurs), a donné lieu à une remise officielle auprès du ministère de la Transition écologique le 24 mai 2023. Ce rapport n’a pas manqué de relever les enjeux de financements pour des transporteurs. Aller vers l’électrification forcée, qu’il s’agisse de véhicules à batteries ou à pile à combustible, exige une refonte des critères bancaires, avec « la contrainte du taux d’endettement maximal qui conditionne les prêts accordés par les banques […]. Enfin, au regard du niveau important d’endettement des opérateurs, les aides directes sont à privilégier par rapport à des outils tels que le prêt à taux zéro ». La FNTR a été encore plus directe : « Il est primordial de préserver la compétitivité et la capacité des entreprises à investir dans la décarbonation. La transition énergétique du transport routier de marchandises impose la planification d’un plan d’accompagnement et d’aides massives et pérennes à l’investissement pour l’acquisition des véhicules et le développement du réseau d’avitaillement, pour les entreprises du secteur incluant les acteurs de la location de véhicules industriels »

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Une des options envisageables pour financer le passage à l’électromobilité à batteries ou à hydrogène est celle de la location kilométrique tout compris, comme le propose Volta Trucks pour ses camions à batteries. Une option également retenue comme scénario de base pour Hyliko et ses camions à pile à combustible. Les acteurs de la location, comme Clovis location (en lien avec le groupement des concessionnaires Renault Trucks), ou CharterWay (groupe Daimler Truck), ou encore les spécialistes comme Petit Forestier s’engagent également dans l’acquisition de véhicules électriques à batteries, carrossés, pour les locations courte, moyenne ou longue durée. Cependant, cela change la donne pour les entreprises qui perdent la main sur leur « patrimoine ». Cette évolution s’observe déjà dans le domaine du transport de voyageurs où les donneurs d’ordres (autorités organisatrices délégataires) ne demandent plus aux transporteurs qu’à faire rouler « leurs » véhicules. Les autocaristes deviennent alors des prestataires de services mettant juste des conducteurs à disposition. Une évolution qui n’est pas du goût de tous.

L’électrification pourrait amener une recomposition d’un autre ordre, cette fois-ci chez les constructeurs.

Charles-Henri Guespereau, directeur général d’Iveco Capital, confie que son groupe a une approche différenciée en fonction des segments de mar-

ché : « pour des véhicules comme l’Iveco eDaily, nous sommes à même de proposer une offre de location avec services, intégrant la borne de recharge, prenant en compte les besoins précis des clients ». Mais en Italie, Iveco est allé plus loin en proposant sous la marque GATE une offre dédiée exclusivement à la location kilométrique. « Cette offre de location avec facturation à l’usage a été lancée en Italie car il y avait une demande du marché. Elle sera déployée dans d’autres pays d’Europe dès 2024 », conclut-il brièvement. Laurence Éluère de Scania France reconnaît : « on se prépare à une durée d’allongement des plans de financements ». Les réflexions sont en cours pour trouver des moyens d’aller au-delà des 60 mois. Elle estime que le crédit-bail sera la norme pour ces véhicules, car « cela épargne l’imputation de la TVA qui pèse très lourd avec les véhicules électriques dans le cas d’une location » Une situation fiscale et comptable qui contraste singulièrement avec l’Allemagne et le Royaume-Uni, où selon notre interlocutrice la location est de mise. Autre conséquence par ailleurs rarement évoquée : le décalage entre la livraison du véhicule (donc sa facturation) et… le versement des aides promises. « Les aides et subventions peuvent arriver 6 à 12 mois après la livraison ou l’acceptation du dossier », rappelle Laurence Éluère. De quoi assurer quelques jongleries comptables pour les transporteurs et les organismes financiers ! •••

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10 Dossier financements
Charles-Henri Guespereau, directeur général d’Iveco Capital.

Ce que proposent les constructeurs pour

chaque concessionnaire est bien affecté à un commercial Iveco Capital.

Ces équipes, peuvent-elles établir les dossiers de subventions et d’aides régionales/locales pour les infrastructures d’avitaillement et de recharge ?

Oui, uniquement si le dossier est accessible pour un établissement non financier.

Non, Paccar Financial n’étant pas un établissement financier.

Oui, seul le client peut faire la demande.

dans le cadre de l’offre de location Full Services Caprental.

Financements proposés

Extensions de garanties (jusqu’à quel kilométrage ou années)

Plans de maintenance (jusqu’à quel kilométrage ou années)

Plans avec intégration des consommables (pneumatiques, filtres) ?

Garantie jusqu’à 3 ans.

Oui, contrat d’entretien et réparation Daf Full Care jusqu’à 72 mois.

Oui, contrat modulable avec intégration d’autres produits supplémentaires à la demande du client.

Oui, techniquement possible, mais non existant à ce jour.

Oui, en cours de développement.

Oui, si inclus dans les contrats service.

Oui, kilométrage et années sont définis par le constructeur. Iveco Capital ne fait que l’intégrer dans son financement.

Oui, kilométrage et années sont définis par le constructeur. Iveco Capital ne fait que l’intégrer dans son financement.

Oui, dans le cadre de l’offre de location Full Services Caprental.

Nature de l’objet financé

Infrastructure d’avitaillement ou de recharge

offre de chargeur mobile uniquement (gamme Daf mobile jusqu’à 40 kW).

Oui, sous réserve d’utiliser le partenaire désigné par Iveco. Pour les autres bornes, à discuter au cas par cas.

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Modalités Daf Daimler Iveco Force de vente dédiée au niveau national Oui Oui Oui Force de vente dédiée chez chaque
Non Oui Oui,
Constructeurs
concessionnaire
Oui,
Crédit classique Non Oui Oui Location longue durée Oui Oui Oui Location avec option d’achat Non Oui, crédit-bail (LOA pour les particuliers seulement). Oui
au financement
Possibilité d’inclure
Châssis nu Oui Oui Oui Véhicule carrossé Oui Oui Oui
traction Oui,
véhicule.
Oui,
Oui Oui Oui
Oui
Batteries de
financement intégré à celui du
Oui si intégré, à vérifier si contrat séparé.
si intégré à l’offre de départ. Toute la gamme peut-elle être financée/louée ?
Oui,

pour financer les véhicules zéro émission

financement

selon étude technique batterie.

Oui, en partie (présence de 7 personnes chez des distributeurs sur une équipe de 11). 9 personnes pour se déplacer sur l’ensemble de la France chez les distributeurs et surtout les clients. 2 distributeurs en moyenne par commercial.

conjointement possible d’offrir des contrats de maintenance facturés avec le loyer.

selon étude technique batterie.

mais pas privilégié)

si intégration du contrat d’entretien dans le financement.

si intégration du contrat d’entretien dans le financement.

pour les tracteurs (pas pour les porteurs).

intégré dans celui du véhicule.

bornes de recharge finançables.

pour petite station. Non, pour grosses stations.

Dossier financements 13 N°13 • 06/2023
MAN
Scania Volvo Non Oui Oui Oui Non Oui,
Oui Oui, référents Emob pour
point
vente. Non NC
Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui, location financière. Oui Oui Oui Oui,
Oui Oui, crédit-bail.
Oui (pas
défini) Oui Oui Oui Oui
Oui,
Oui,
Oui Oui,
Oui Oui,
Oui Oui,
Oui Non (possible
Oui Oui Oui Non Oui Oui,
Oui Oui Oui Oui Oui Oui Non Oui,
Oui,
Renault Trucks
référents E-Tech dans chaque concession.
chaque
de
crédit-bail.
encore
(conditions non définies)
Oui,

Philippe Quilliet

Directeur général de Daimler

Truck Financial Services France

Financement :

La filiale financière de Daimler-Benz a dû séparer les entités juridiques. Depuis décembre 2022, Daimler Truck Financial Services (DTFS) a obtenu ses agréments comme établissement financier par la Banque de France/ACPR. Dans l’Hexagone, Philippe Quilliet a la responsabilité de la captive financière du groupe Daimler Truck France pour les marques Mercedes-Benz, Fuso, Unimog et pour la partie cars et bus Mercedes-Benz et Setra. Au cours de ce début d’année 2023, la société, basée à Montigny-le-Bretonneux (Yvelines), a mis en place ses outils informatiques communs avec les filiales européennes de Daimler Truck Financial Services. Une entrée en matière dans un contexte complexe, tant en termes de taux d’intérêt que de hausse des valeurs de véhicules.

eMAG Transport : Quel est l’impact de la remontée des taux pilotée par la BCE ? Quels scénarios avez-vous envisagés ? On parle d’une éventuelle détente en juillet 2023, qu’en pensez-vous ?

Philippe Quilliet : Le quotidien est fait de taux d’intérêt qui augmentent. À quel moment cette hausse va-t-elle cesser ? Serait-ce en juillet ou en décembre ? Même si je n’ai pas de boule de cristal, je parierais plus sur une stabilisation. Cette hausse a surtout entraîné un coup de frein important dans l’immobilier.

eMT : Face au secteur bancaire, comment entendez-vous vous distinguer ?

P. Q. : Il faut revenir sur nos activités. Il y a le financement des stocks du réseau Daimler Truck France, notamment via l’affacturage. L’essentiel, c’est le financement de camions et bus auprès des clients finaux Daimler Truck France et de bus et cars avec Evobus France. Nous commercialisons aussi bien du crédit classique que du crédit-bail (de 24 à 84 mois) ou la location financière ou location longue durée. Nous avons apporté une nouveauté dans le monde du véhicule industriel : le crédit-bail ballon.

eMT : Pourquoi importer au monde du véhicule industriel cette pratique du monde de l’automobile ?

P. Q. : Le calcul est ici différent : la valeur de reprise (VR) est calculée au prix du marché, ce qui change des VR du crédit-bail classique où l’on se situe entre 5 et 10 % de la valeur à neuf. Cela réduit le coût des loyers. C’est une nouveauté introduite depuis le mois d’avril 2023, qui permet d’atténuer les effets de la hausse des taux, des prix des véhicules et des incertitudes qui pèsent sur les clients en raison des futures ZFE-m. En fin de contrat, le client peut procéder à une restitution ou bien financer une valeur de rachat à 24 mois. C’est une alternative nouvelle sur le marché.

eMT : À ce sujet, quels sont vos objectifs commerciaux ?

P. Q. : Nous ne communiquons pas sur nos objectifs chiffrés, mais nous voulons, avec l’engagement du réseau de distributeurs, systématiser l’offre financement avec services associés, en particulier comme solution globale dans l’offre de e véhicules.

14 Interview N°13 • 06/2023
« Créer une alternative nouvelle sur le marché »

eMT : Comment vous refinancez-vous ?

P. Q. : Soit nous le faisons via le groupe Daimler Truck qui s’approvisionne sur le marché, soit nous passons par d’autres établissements financiers français ou étrangers. En qualité de captive financière, nous faisons la différence par rapport aux banques sur les services. Nous pouvons inclure les contrats de maintenance, d’assurances et autres services autour du véhicule, ce qui est important dans le cadre de l’électromobilité. On peut inclure au véhicule la télématique, les services, comme les extensions de garanties ou la maintenance.

eMT : Comment sont déterminés les VR ?

P. Q. : Deux options : soit l’offre repose sur les VR déterminées par le constructeur, soit cette évaluation dépend de la stratégie VO du distributeur qui la fixe de son côté. Ces grands groupes ont développé leur propre stratégie de véhicules d’occasion pour l’activité camions. À ce sujet, DTFS se développe sur le financement des VO. Les clients y ont également besoin d’accès au crédit. Le VO, ces deux dernières années, a retrouvé des couleurs avec une importante remontée des prix. Ce phénomène a été alimenté par une pénurie due à l’augmentation des durées de détention par les clients en attente de leurs véhicules neufs.

eMT : Quel impact peut avoir le passage à l’électromobilité ? Comment intégrez-vous les batteries, qui représentent une part considérable du prix du véhicule ?

P. Q. : Les batteries sont garanties par le constructeur. Cela est intégré dans le financement via le contrat de maintenance, de service et de garantie. Rien de révolutionnaire puisque l’on conserve la logique qui veut que le véhicule rentre dans un état normal d’usure à la fin

du contrat. Si les contrats de 60 mois sont la norme pour les porteurs, pour les électriques, il est encore une fois difficile d’avoir des certitudes. On voit se dessiner des achats « d’image » ou d’acquisition de compétence, et ceux-là sont sur des durées normales avec un renouvellement entre 3 et 5 ans. La demande de services associés est encore plus forte sur les électriques. Il s’agit de proposer un véhicule clé en main avec tout son environnement électrique, ce qui inclut la recharge. Dans ce cas, les bornes de recharge peuvent faire l’objet d’un loyer distinct, pour des raisons comptables.

eMT : Par quel biais effectuez-vous la commercialisation de vos produits financiers et services ? Avez-vous des équipes dédiées ?

P. Q. : Nous avons assuré la formation des vendeurs VN du réseau Mercedes-Benz Trucks. Cela passe par des modules obligatoires d’une quinzaine d’heures sur les règles régissant la fiscalité, les obligations bancaires, le RGPD et la lutte antiblanchiment et le financement du terrorisme (LCB FT). À cela s’ajoute la formation à l’outil, c’est désormais le configurateur unique Daimler Truck qui permet à la fois de définir le véhicule, son éventuelle carrosserie, et d’y ajouter les services et le financement. L’objectif est d’avoir une seule facture pour le client. Pour les activités autocars et autobus, les ventes aux collectivités ou les ventes aux flottes et même maintenant les véhicules spéciaux comme les Unimog, nous apportons un support aux commerciaux VN, avec nos six commerciaux itinérants spécialisés dédiés à DTFS. Toute l’équipe DTFS siège et terrain est concentrée sur l’activité B to B et la proximité clients et réseau.

Propos recueillis par Jean-Philippe Pastre pastre@trm24.fr

Interview 15 N°13 • 06/2023

Le prix à payer pour les transporteurs

L’addition est salée pour les entreprises de transport. D’un côté des nouveaux véhicules zéro émission qui coûtent plus cher, jusqu’à trois fois le prix d’un gasoil, et de l’autre des prix des énergies qui explosent obligeant les transporteurs à revoir leur plan de transport. La transition énergétique a du mal à passer chez les professionnels.

Comme toutes les entreprises, les transporteurs ont été confrontés à une inflation sans précédent. Le CNR le rappelle dans son enquête longue distance : « toutes les composantes de coûts d’exploitation d’un véhicule, calculées en fin d’année 2022, enregistrent des hausses importantes en un an. L’inflation concerne à la fois la composante sociale (+ 9,7 % pour la rémunération moyenne des conducteurs), ainsi que tous les autres postes liés au véhicule (+ 21,5 % pour le coût kilométrique de carburant, + 15 % pour l’entretien-réparation, + 9,8 % pour les pneumatiques, etc.). D’une manière générale, les professionnels ont dû faire face à l’explosion subite des énergies. Les prix de carbu-

rant ont enregistré une inflation importante entre décembre 2021 et décembre 2022 : + 21,5 % »

Les surcoûts en question

« Le prix de l’énergie peut varier. Il y a un coût de rechargement à l’entrepôt qui est le prix d’achat de l’électricité par le transporteur, environ 20 ct/kW. Mais s’il utilise une borne publique, le prix peut être 5 fois plus cher. Autre paramètre : aujourd’hui, avec le gasoil, le temps passé à approvisionner son camion est considéré comme un temps de travail qui prend environ 10 minutes. Avec l’électrique, c’est plus long pour le temps de recharge. Pour un VUL en livraison dans Paris, il faut un plein de gasoil par semaine, tous les

N°13 • 06/2023
16 Focus
TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

2 jours en gaz avec un temps d’avitaillement qui est doublé. Cela a donc une répercussion sur le coût pour l’entreprise », indique Olga Alexandrova, directrice déléguée au pôle terrestre de l’Union TLF. Les travaux de la feuille de route de décarbonation ont évalué le surcoût d’investissement pour atteindre les objectifs de trajectoire d’ici 2040. Pour les véhicules GNV et bioGNV, il est de 7,3 Md€ par rapport à l’équivalent du gasoil. Pour l’électrique, le surcoût d’investissement pour l’acquisition des véhicules est de 12,8 Md€, et de 12,2 Md€ pour l’hydrogène. En revanche, les véhicules roulant aux carburants liquides bas carbone n’entraîneraient pas de surcoût d’investissement.

Les nouvelles énergies ont également leurs contraintes. Il reste à savoir qui paiera la note. « L’amélioration de la performance énergétique des transporteurs contribuera aussi à diminuer l’empreinte carbone des donneurs d’ordre. Il va donc falloir que ces surcoûts soient pris en compte par nos clients. Si les transporteurs doivent assumer seuls les surcoûts du verdissement des flottes, le système ne fonctionnera pas », rappelle Jean-Marc Rivera, délégué général de l’OTRE.

Ne pas oublier le coût des infrastructures Contrairement au gasoil qui profite d’un réseau d’infrastructures non négligeable, l’électrique

ou le gaz nécessitent un réseau de stations de recharge et d’avitaillement qui n’existe pas actuellement. « On est aujourd’hui sur un système de recharge en dépôt, ce qui implique pour un transporteur de réfléchir non seulement à l’achat du véhicule mais aussi à l’achat de la recharge. Cela représente un coût additionnel non négligeable comprenant l’achat de la borne, mais également, le plus souvent, le coût de raccordement au réseau électrique. Cela constitue un véritable frein. Donc l’aide doit concerner également l’infrastructure. Quoi qu’il en soit, le développement de l’électromobilité lourde prendra beaucoup plus de temps qu’il n’y paraît en raison d’un réseau de distribution au stade des prémices », pointe JeanMarc Rivera.

Conséquences : les entreprises de transpor t vont devoir aussi investir dans des stations de recharge électrique et d’avitaillement pour le gaz. Selon Olga Alexandrova, « il faut acquérir de nouveaux réflexes avec l’électrique. L’infrastructure est un sujet qui n’est pas anodin par rapport au diesel dont la structure est bâtie depuis plus d’un siècle ». L’infrastructure électrique n’existe pas aujourd’hui. Les entreprises doivent penser à investir dans les bornes de recharge. « Il en existe sur le marché, mais elles sont essentiellement privées. Le prix des bornes dépend de la puissance nécessaire pour alimenter le(s) véhicule(s), ainsi que de la situation géographique. Certes, le territoire est câblé et l’énergie est en flux continu, mais il y a des endroits où il n’y a pas l’électricité nécessaire disponible. C’est la raison pour laquelle le coût de raccordement de l’entreprise au réseau électrique pour avoir cette puissance nécessaire est très variable. On l’estime entre 20 000 et 200 000 €. À cela il faut ajouter le prix des bornes en elles-mêmes qui varie entre 10 000 (22 kWh) et 110 000 € (150 kWh). »

Installer une station de recharge ou d’avitaillement nécessite un minimum de garantie sur le plan de la sécurité. « L’arrêté du 3 août 2018 prévoit que les installations de charge d’au moins 10 véhicules électriques en commun de catégorie M2 ou M3 soient soumises à diverses règles de sécurité, dont des distances d’isolement entre les bâtiments et les aires de charge. À partir de 10 véhicules, les bornes ne peuvent pas être proches de l’entreprise, et certains transporteurs n’ont pas assez de place pour les installer. Nous avons l’exemple d’un transporteur avec plusieurs dizaines de sites en France. Il estime que seuls quelques-uns peuvent accueillir des bornes électriques », précise Olga Alexandrova.

Focus 17 N°13 • 06/2023
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Olga Alexandrova, directrice déléguée au pôle terrestre de l’Union TLF

Des aides mieux adaptées

« Les transporteurs ne pourront pas faire face seuls au surcoût inévitable de la décarbonation. Tous les acteurs doivent participer aux financements qui engageront non seulement les transporteurs mais aussi : l’État et des collectivités locales, par des aides à l’acquisition et à la location de véhicules et par un plan massif et pérenne d’investissement dans les infrastructures de recharge ; le secteur bancaire, par un soutien adapté aux investissements verts des transporteurs ; les donneurs d’ordre et les consommateurs », estime l’ensemble des fédérations du transport routier dans leur feuille de route. Toutes sont d’accord pour dire qu’il faut rapidement des aides avant l’acquisition des véhicules et non des appels d’offres qui ne concernent in fine que les collectivités ou quelques grands groupes de transport.

« Nous devons revoir les conditions d’accompagnement des transporteurs. Aujourd’hui, nous sommes sur un modèle d’aides sous forme d’appel à projet. Pour nous, c’est une difficulté car d’une complexité sans nom, pas du tout adapté aux petites et moyennes entreprises », souligne Jean-Marc Rivera. « D’une part, elles ne donnent pas de perspectives à moyen terme, ne permettant pas aux entreprises de se projeter sur leurs investissements futurs. D’autre part, il s’agit d’aides à l’achat que vous recevez a posteriori. Les transporteurs sont confrontés à des difficultés vis-à-vis de leur banque pour accéder à un crédit car elles sont de plus en plus exigeantes et frileuses. On prône donc pour l’instauration d’un bonus à l’achat.

Ce modèle serait plus simple et plus adapté pour les transporteurs. La vraie difficulté est l’acceptabilité du système par Bercy qui veut maîtriser son budget. » Aujourd’hui, les aides à l’acquisition d’un poids lourd basses émissions en France sont estimées à 12 % en moyenne contre 72 % en Allemagne.

Décarboner la marchandise

Les transporteurs prônent non seulement pour une décarbonation du transport routier mais aussi pour un verdissement du fret. Dans leur rapport remis au ministre des Transports, les fédérations du transport routier estiment que « si le verdissement des motorisations et des carburants est un levier important de décarbonation des véhicules lourds, il ne permettra pas à lui seul d’atteindre l’objectif de neutralité carbone pour le secteur en 2050. Le verdissement du fret est un autre levier qui ne doit pas être négligé »

Au final, l’addition de la transition énergétique est plus que salée. Les transporteurs déjà fragilisés économiquement pourraient subir une perte de productivité sur la base des données fournies pouvant aller jusqu’à 25 % dans le cas de véhicules à batteries, « ce qui aggrave encore la perte de compétitivité et implique, dans une grande partie des usages, une modification profonde des plans de transport », insistent les fédérations. Reste à savoir qui doit payer. Les transporteurs, les chargeurs ou… les consommateurs ? Hervé

N°13 • 06/2023 18 Focus
rebillon@trm24.fr
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Florence Berthelot

Déléguée générale de la FNTR

eMAG Transport : Les véhicules zéro émission ont un coût exorbitant, comment réagissent les transporteurs ?

Florence Berthelot : L’Europe se base actuellement sur un mode de calcul qui ne tient pas compte des émissions liées à la production des véhicules et de l’énergie. Selon cette approche, deux solutions sont considérées comme étant zéro émission : l’électrique à batterie et l’hydrogène (pile à combustible). Mais la tentation d’imaginer la décarbonation du transport routier de marchandises à travers le développement d’une seule énergie est hasardeuse. La transition énergétique du transport routier de marchandises nécessite de s’appuyer sur un mix d’énergies décarbonées adapté aux spécificités des différentes catégories de véhicules et d’usages (GNV/bioGNV/carburants liquides bas carbone/ électrique, hydrogène). Un véhicule électrique coûte très cher, 3 à 4 fois plus cher qu’un véhicule thermique (350 000 à 450 000 €), c’est un frein important pour les transporteurs. Au total, selon les calculs réalisés dans le cadre de la feuille de route de décarbonation des véhicules lourds que nous avons présentés au gouvernement le 24 mai dernier, la trajectoire de déploiement des poids lourds électriques implique un surcoût d’investissement pour le secteur par rapport à une situation dans laquelle l’ensemble du parc est renouvelé par des véhicules diesel. Du côté des poids lourds à hydrogène, ils ont un prix d’acquisition 5 à 6 fois supérieur à leur équivalent thermique, et leurs TCO sont 3 à 5 fois supérieurs à leur équivalent diesel. Selon les travaux de la feuille de route de décarbonation des véhicules lourds, ce coût total de possession (TCO) restera nettement plus élevé à moyen terme. Le passage à l’hydrogène nécessitera un investissement pour

les véhicules encore plus significatif que pour la mobilité électrique. Au total, selon les calculs réalisés dans le cadre de la feuille de route de décarbonation des véhicules lourds, la trajectoire d’immatriculation des poids lourds à hydrogène prévue par la SNBC entraîne un surcoût d’investissement de 1,65 Md€ entre 2026 et 2030 et de 10,6 Md€ entre 2031 et 2040.

eMT : Et comment les transporteurs arriveront-ils à surmonter ces investissements colossaux ?

F. B. : Ces surcoûts doivent être appréhendés dans le cadre d’un contexte économique incertain, d’une structure bilancielle des entreprises de transport susceptible de limiter leur capacité d’investissement, et des réserves des établissements financeurs quant à la valeur résiduelle de la batterie (sur les poids lourds BEV) au regard de la durée des amortissements. Un véhicule électrique ou hydrogène étant

20 Interview N°13 • 06/2023
« Pour un camion hydrogène, le surcoût d’investissement sera de 10,6 Md€ d’ici 2040 »

plus cher à l’achat, il requiert un montant d’endettement supérieur par rapport à un véhicule diesel, qui ne peut être accordé si les fonds propres sont insuffisants. Le prêt à taux zéro ne permet pas de surmonter cette limite du ratio d’endettement, contrairement aux subventions à l’achat ou à d’autres mécanismes de soutien telles que les avances remboursables. Ces surcoûts à l’investissement ne pourront pas être supportés par les seuls transporteurs dont la capacité d’investissement est fortement limitée (1 à 2 % par an). Une étude réalisée par la Banque de France à la demande de la FNTR (septembre 2022) sur la situation économique des entreprises du TRM, précise que : 1 entreprise sur 2 présente un niveau d’endettement supérieur à ses fonds propres, 30 % des entreprises sont déficitaires (avant opérations exceptionnelles) et 26 % ont une capacité de remboursement supérieure à 5 ans. Afin que les transporteurs puissent investir dans ces technologies significativement plus chères, des aides massives et pérennes à l’investissement pour l’acquisition des véhicules s’avèrent indispensables pour les entreprises du secteur. Mais ces aides, au regard de l’expérience des deux appels à projets portant sur l’acquisition de véhicules électriques, ne pourront jamais à elles seules, et étant donné le volume de camions à décarboner, inciter la majorité des transporteurs à se diriger notamment vers les véhicules électriques.

eMT : Quel est l’impact sur les coûts de l’entreprise ?

F. B. : Le coût élevé d’acquisition des véhicules va nécessairement venir impacter le prix de la prestation de transport. En effet, les transporteurs n’auront pas d’autre choix que de répercuter ces surcoûts à leurs clients (chargeurs). Face à ces surcoûts importants, les chargeurs qui ne voudront pas payer le transport à un prix plus élevé risquent de demander au transporteur de ne pas utiliser ces véhicules pour réaliser la prestation de transport et d’utiliser à la place des véhicules diesel. Cette situation s’est déjà produite en 2022 lors de l’augmentation sans précédent du prix du GNV/bioGNV en raison du conflit russoukrainien. Il est donc nécessaire d’instaurer un dispositif permettant d’associer les clients du transport à la prise en charge du coût de la transition énergétique.

eMT : Ont-ils recours de plus en plus à la location (mode qui semble adapté pour les véhicules zéro émission) ?

F. B. : Dans le transport routier de marchandises, la location d’un poids lourd zéro émission

(électrique et plus tard hydrogène) peut présenter des avantages, mais nous n’avons pas de chiffres précis pour savoir si cette pratique est en hausse. L’achat de véhicules électriques ou hydrogène représente un investissement important pour l’entreprise. La location peut lui permettre de maîtriser son budget : les véhicules sont loués pour une période et une distance donnée, sous forme de loyer. L’entretien et la maintenance des véhicules sont proposés et gérés par les agences de location, ce qui représente un gain de temps (coûts de maintenance inclus dans le contrat de location). L’entreprise n’a pas à se soucier de la valeur à la revente du véhicule. Cet aspect est important, notamment pour les poids lourds électriques pour lesquels des incertitudes existent concernant la valeur résiduelle de la batterie au regard de la durée des amortissements. Cependant, si la location permet d’apporter une solution au coût de l’acquisition d’un véhicule, demeure le surcoût à l’usage de celui-ci.

eMT : Les coûts des infrastructures ont-ils aussi un impact, sachant que les stations de recharges électriques, ravitaillements gaz et autres, sont indispensables et doivent être intégrées de plus en plus dans l’entreprise ?

F. B. : Oui. Le déploiement de points de recharge présente un investissement important Au total, selon les calculs réalisés dans le cadre de la feuille de route de décarbonation des véhicules lourds, la trajectoire de déploiement des poids lourds électriques de la SNBC implique un surcoût d’investissement pour l’avitaillement de 336 M€ entre 2023 et 2025, de 1,54 Md€ entre 2026 et 2030 et de 8,85 Md€ entre 2031 et 2040. Toujours selon les calculs réalisés dans la feuille de route de décarbonation des véhicules lourds, la trajectoire de déploiement des poids lourds hydrogène de la SNBC implique un surcoût d’investissement pour l’avitaillement de 566 M€ entre 2026 et 2030 et de 4,3 Md€ entre 2031 et 2040. Concernant le GNV/bioGNV, le coût de déploiement d’une station publique d’avitaillement en GNV est de 1,8 M€ et celui d’une station privée entre 0,2 M€ et 0,8 M€.

Au total, selon les calculs réalisés, la trajectoire de déploiement des poids lourds GNV/bioGNV de la SNBC implique un surcoût d’investissement pour l’avitaillement de 406 M€ entre 2023 et 2025, de 1,13 Md€ entre 2026 et 2030 et de 3,1 Md€ entre 2031 et 2040.

Interview 21 N°13 • 06/2023
Propos recueillis par Hervé Rébillon rebillon@trm24.fr

IVECO S-WAY PORTEUR 400 CH GNC 6X2/4

Le nouveau couteau suisse de la distribution régionale

Les choses bougent chez Iveco France et nous voici en présence

d’une nouvelle prise en main en région parisienne, certes brève, mais ô combien instructive. En région parisienne ? Oui, car ce porteur dédié à la distribution régionale profite de sa vignette Crit’Air 1.

Découverte (ou redécouverte) d’un camion qui permet d’envisager les livraisons nocturnes sous température dirigée en tout lieu grâce à sa double certification Crit’Air 1 et Piek Quiet Truck.

L’ Iveco S-Way est la énième évolution du duo Iveco EuroTech/EuroStar, des modèles dont les origines remontent à fin 1992. Cette entrée en matière fera bondir chez Iveco, mais la cabine, certains de ses emboutis ou son meuble abritant l’unité de chauffage et climatisation trahissent les origines. Alors, juste bon à être un yougtimer cet Iveco ? Non, car les évolutions ont été constantes, et certaines sont même d’avant-garde, en particulier en ce qui concerne l’intégration des équipements de carrosserie (notamment avec le repiquage de GNC pour l’alimentation du groupe

froid). Autre sujet ayant fait l’objet de beaucoup de travail : l’insonorisation aérodynamique.

Motorisation

à pleine puissance

Côté moteur, dans ses derniers développements en GNV, le Cursor 9 de 8 710 cm3 de cylindrée développe une puissance que l’on peut qualifier de confortable pour un véhicule de distribution régionale : 400 ch à 2000 tr/mn pour un couple de 1 700 Nm à 1 200 tr/mn. Testé dans un environnement francilien typiquement hostile, on se prend à rêver de ce même modèle, avec une cabine profonde, en grand

22 N°13 • 06/2023
Prise en main

suisse régionale ?

régional, y compris en desserte de stations d’altitude. Quant à la transmission, Iveco, qui fut avec ZF pionnier dans la robotisation des boîtes de vitesses avec l’EuroTronic (alias ZF AS Tronic) poursuit cette fidélité dans le temps. Cette fois-ci avec la transmission robotisée ZF TraXon 12 rapports montée en série rebaptisée Hi-Tronix 12TX 1810 TO (donc avec surmultipliée). Les porteurs de la série AD partagent certaines évolutions avec les tracteurs AS au niveau aérodynamique. Mais le bandeau supérieur de cabine n’a pas changé par rapport aux générations précédentes. Lors de cette brève prise en main dans la région parisienne, nous avons roulé avec un porteur Iveco S-Way 6x2 AD260S40Y/PS GNC (traduction de l’Iveco en français : un porteur de 26 t de PTAC à cabine étroite et courte Active Day avec moteur de 400 ch à suspension mixte mécanique et pneumatique à l’arrière) d’empattement 5 500 mm. Le tout carrossé par Lecapitaine en caisse isotherme FRC à peau polyester de 55 m3 multitempérature, réfrigérée par un groupe froid Carrier Transicold Supra 1250MT alimenté au GNV. Le véhicule était lesté avec 4 000 kg dans le com-

partiment de chargement. Les conditions météo furent printanières avec +20 °C extérieurs, mais la circulation fut à l’image de la politique de transport poursuivie par la mairie de Paris : infernale ! L’Iveco Cursor est connu pour son tempérament fougueux (tant qu’il n’est pas sous anesthésiant électronique). Les versions GNV ne dérogent pas à la règle et accentuent même ce tempérament. Le fonctionnement en allumage commandé (avec bobines et bougies d’allumage, rappelons-le) nécessite d’aller chercher davantage les tours moteur. Heureusement, le constructeur a bien personnalisé les indications au compte-tours et la zone verte tient compte de ces nouveaux réglages. Retenez que dans le cas présent, avec le Cursor 9 de 400 ch (de son petit nom Iveco F2CFE601E*M), le couple est à son optimum dans la plage de 1 200 à 1 575 tr/mn. La pleine puissance est obtenue à 1 575 tr/mn et est tenue jusqu’à 2 000 tr/mn. Le limiteur intervient à 2 200 tr/mn. Si la culasse, les pistons et les injecteurs (injection multipoint) sont spécifiques à la motorisation GNV, ce ne sont pas les seuls changements. En effet, du fait de la combustion au méthane (ou biométhane, la molécule chimique étant la même) en allumage commandé, il n’y a plus ici d’AdBlue. Toute la dépollution se fait par un simple catalyseur 3 voies fonctionnant en boucle avec sonde lambda. Contrairement à Scania, Iveco n’a pas recours à une vanne EGR sur ses moteurs GNV. L’injection se fait en phase gazeuse à basse pression. Pour les bases communes avec l’Iveco Cursor 9 Diesel, on retrouve un bloc 6 cylindres en ligne à 4 temps de 8 710 cm3, avec culasse

Prise en main 23 N°13 • 06/2023
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Bien visibles ici, les deux essieux directionnels.

monobloc et 4 soupapes par cylindre suralimenté par turbocompresseur unique à géométrie fixe et soupape de décharge. À l‘heure où l’on parle de la désindustrialisation dans les médias de masse, il est bon de rappeler que la famille de moteurs Cursor est usinée et construite en France, à Bourbon-Lancy en Saône-et-Loire (seule la pièce brute de fonderie est importée).

Nouvelle transmission

Diantre, mais pourquoi diable les ingénieurs d’Iveco n’arrivent-ils pas à obtenir une bonne programmation des boîtes robotisées d’origine ZF ? On avait ressenti cette frustration à l’époque des ZF AS Tronic. Nous pouvions espérer mieux avec la ZF TraXon. Eh bien, c’est raté ! Pourtant, le constructeur fut un pionnier avec ZF dans les transmissions robotisées avec l’EuroTronic, bien avant l’an 2000. Avec l’expérience acquise, on aurait pu s’attendre à une transmission parfaitement optimisée. Ce ne fut pas le cas, hélas. Sur le parcours périurbain, la boîte robotisée a brillé par son manque de pertinence dans ses stratégies de changement de rapports. Elle n’était pas constante : des fois laissant le moteur mouliner pour rien, des fois le laissant peiner à 700 tr/mn (vous avez bien lu) en sortie de rond-point. Ce comportement mériterait un examen approfondi dans un contexte plus routier. La boîte étant ici une ZF TraXon rebaptisée Iveco Hi-Tronix 12TX 1810 TO, on se dit que ce n’est pas le hardware qui génère la déception (notre précédente prise en main ayant été faite avec une transmission Iveco Hi-Tronix 12TX 2210TD), mais bien le logiciel qui conditionne les stratégies de pilo-

tage de la boîte robotisée. On conserve ici toujours 12 démultiplications avant (et 2 arrières, voire 4 en option) avec ici un rapport final surmultiplié. La nouvelle transmission intègre en option une fonction de balancement (rocking-mode) pour se sortir d’un mauvais pas au démarrage, en complément du traditionnel verrouillage de différentiel mécanique encore disponible. La transmission disposant toujours d’un embrayage à friction, il sera prudent de revenir au neutre lors des phases d’attente ou aux feux de circulation pour préserver les butées et diaphragmes d’embrayage. Dommage que la boîte automatique à convertisseur Allison ne soit pas disponible dans cette version de puissance à 400 ch. Regret d’autant plus vif que ce modèle, bénéficiant de la vignette Crit’Air 1, dispose d’un bon sésame pour entrer dans les ZFE-m qui sont vouées à proliférer en France. Autre avantage de la boîte automatique à convertisseur : elle sait ramper, ce qui est très agréable en manœuvre ou dans les phases de trafic congestionné. Seule consolation de la boîte robotisée actuelle, le point de patinage de l’embrayage se pilote désormais bien mieux que par le passé, ce qui facilite les manœuvres. Au pire, pour les espaces particulièrement exigus, les manœuvres de précision se feront en 1re ou en marche arrière dite lente, ce qui assure une parfaite linéarité de progression. Le levier de commande du ralentisseur et d’appel des rapports de boîte rappellera des souvenirs aux utilisateurs d’Iveco Stralis et Stralis XP, jusqu’à son aspect plastique et son bruit lors de son utilisation (cloc-croc) !

Lors de notre prise en main, nous avons dû maintes fois donner des consignes à la boîte via ce levier à

24 Prise en main N°13 • 06/2023
Tous les contrôles de niveaux de fluides, et leurs remplissages, se font en face avant sans basculer la cabine.

Le liquide de refroidissement se contrôle facilement une fois le capot avant levé. Il est à surveiller vu les calories généreusement dispensées par les moteurs GNV.

droite de la colonne de direction. Par chance, nous n’avions pas le mode Eco-Fleet qui limite les fonctionnalités du mode de conduite semi-automatique en annihilant le rétro contact à l’accélérateur (vous savez, ce Lexomil numérique que nous avions tant décrié lors d’une prise en main précédente d’Iveco

FICHE TECHNIQUE

Iveco S-Way 6x2 AD260S40Y/PS GNC

Moteur ★★★★

Iveco Cursor 9 CNG, 6 cylindres en ligne, 8 710 cm3, allumage commandé, suralimentation par turbocompresseur unique avec soupape de décharge, injection multipoint séquentielle électronique. Refroidissement liquide. Puissance 400 ch à 2 000 tr/mn. Couple 1 700 Nm à 1 200 tr/mn. Dépollution Euro VI-E avec catalyseur unique à 3 voies.

Transmission ★★

Boîte robotisée ZF 1810TO à 12 rapports avant (12e rapport en surmultiplication) et 2 rapports arrière. Embrayage monodisque à sec piloté type MF430. Rapport de pont (modèle essayé) : 3.7/1. Autres rapports de pont : 3.36 ; 4.11 et 4.63/1.

Liaisons au sol ★★★

Silhouette 3 essieux 6x2/4. Essieux rigides, suspensions à lames paraboliques. Suspension pneumatique sur tandem arrière à commande électronique. Essieu n° 3 relevable. Pneumatiques

Michelin 385/65 R 22.5 essieu n° 1 ; 315/80 R 22.5 jumelés essieu n° 2 et 385/65 R 22.5 essieu n° 3.

S-Way), puisque ce modèle en est dépourvu. Pour une fois, une option qui fait bien de le rester ! La fonction de mise en roue libre (Eco-Roll) est ici montée en série, seule la gestion topographique est en option (GPS prédictif, code option 78878). Iveco France laisse un vaste choix de rapports de pont avec 4 démultiplications. Pour cette prise en main, nous avions le 3.7/1 qui n’est pas le plus long et apparaît comme un bon compromis, y compris pour le roulage sur autoroute (à 90 km/h en monte 315/80R22.5, la démultiplication donne en théorie un régime moteur de 1 305 tr/ mn, soit en plein dans la zone de couple maximal). C’est d’ailleurs la monte standard départ usine pour cette silhouette avec cette chaîne cinématique. Pour les parcours plus vallonnés, on pourra envisager la démultiplication 4.11/1 qui reste compatible avec un usage autoroutier.

Carrossage de qualité

Dès que l’on voit l’inventivité des équipes d’Iveco et d’Iveco France en matière de carrossage, on comprend pourquoi la marque reste une valeur sûre côté porteurs. Pour la cabine, le modèle de la prise en main n’offre (apparemment) guère le choix : c’est la version dite AD (Active Day). Traduire courte et à pavillon plat, donc sans couchette. Dans le cas qui nous occupe, le pavillon culmine à 3,02 m de haut. Un déflecteur de toit peut être proposé en option usine, mais ici il n’est pas pertinent vu le montage du groupe froid en face avant de la carrosserie.

L’Iveco S-Way GNV à moteur Cursor 9 et silhouette 6x2/4 (essieu tiré ou poussé) existe aussi enversion à cabine dite AT (Active Time) avec couchette et, éventuellement, rehausse de pavillon. Dans ce •••

Prise en main 25 N°13 • 06/2023
L’orifice de lave-glace est situé côté gauche, en face avant sous le capot. Le pare-soleil extérieur est une option usine Iveco.

cas, les hauteurs hors-tout (indicatives car ne tenant pas compte des montes pneumatiques) sont de 2,90 m en AT pavillon plat et 3,55 m de hauteur hors-tout en version à pavillon rehaussé. Le couchage inférieur est alors donné pour 1,95 m de longueur et une largeur de 54 cm. L’éventuelle couchette supérieure du AT surélevé ferait 1,85 m de long pour 68 cm de large. Ces deux familles de cabines AD et AT, héritées de l’Iveco EuroTech rappelons-le, ont une largeur de 2,3 m hors-tout. Cela peut être une information pertinente pour certaines carrosseries.

Certes, la base est ancienne, mais à l’issue de la prise en main, on se dit que ce camion demeure très actuel sur bien des points. Car son atout maître est la polyvalence : avec sa vignette Crit’Air 1 et sa certification Piek intégrale, il peut aller de métropoles en métropoles tout en desservant en chemin les hameaux les plus isolés grâce à son autonomie. Iveco revendique 942 km dans la configuration présente (avec une consommation de GNC de 26 kg/100 km), et sur ce sujet autonomie propose une grande variété de réservoirs GNC (12 configurations possibles !). Les temps de ravitaillement en GNC n’ont rien à voir avec les immobilisations requises par les véhicules électriques à batteries, ce qui assure une disponibilité opérationnelle et une flexibilité d’emploi appréciable. Tout bénéfice pour la rentabilité. Cette polyvalence est renforcée par le nombre de versions et de silhouettes proposées au catalogue. Car ce modèle est également homologué en version porteur remorquant et offre, de série, un ralentisseur hydraulique secondaire ZF Intarder (merci Iveco !) qui sera très apprécié par les utilisateurs circulant sur route. Les carrossiers

devraient également y trouver leur bonheur tant le choix d’empattements porte-à-faux, interfaces mécaniques, électriques ou électroniques est vaste.

Confort sonore, bonne finition

À l’issue de cette prise en main, limitée toutefois à la région parisienne, on peut retenir plusieurs enseignements. En premier lieu, la quiétude qui règne à bord du fait de la motorisation GNV qui génère très peu de vibrations et de décibels (la configuration Piek y est peut-être pour quelque chose). En second lieu, la qualité de finition très satisfaisante, même dans cette version dépouillée très typée loueurs (normal, c’était un modèle pour Petit Forestier). Les plastiques durs, sans moussage, auraient pu être générateurs de grincements, il n’en fut rien. Un patron-chauffeur souhaitera toutefois une planche de bord plus valorisante. Iveco France ferait bien de prévoir dans son option groupée Driving Comfort un mobilier moins basique. La silhouette 6x2/4 à deux essieux directionnels facilite grandement les évolutions en ville. Mais elle sera aussi appréciée sur les routes de montagne. La puissance de 400 ch pour un 26 t trouvera alors sa pleine justification. La seule limite en maniabilité viendra du gabarit hors-tout (et de la largeur de la carrosserie). Dommage que taxes à l’essieu et tarifications autoroutières aberrantes pénalisent les 3 essieux par rapport aux 2 essieux (pourtant plus agressifs pour les chaussées que notre silhouette 6x2/4 avec 3e essieu relevable de cette prise en main).

Pour une cabine courte, le confort a été très honorable grâce à la suspension cabine pneumatique optionnelle. On a surtout apprécié de pou-

26 Prise en main N°13 • 06/2023
Vue de l’accès côté droit au compartiment isotherme situé au-dessus des réservoirs GNC du côté droit. Vue du hayon rétractable Dhollandia de 2000 kg de Il dispense de barre anti-encastrement.

voir régler le dossier ou la course de siège sans être bloqué par l’arrière de la cabine. Le confort a pleinement profité des 3 essieux et de l’empattement relativement long, associé à une répartition de charge très homogène conjuguée à un tandem arrière à suspension pneumatique. Ce confort dynamique fait que l’on se dit que ce camion peut faire bien plus que de la livraison urbaine, d’où les regrets relatifs à cet habitacle monacal. Dommage que la colonne de direction soit aussi encombrante au niveau des genoux, et les conducteurs de petit gabarit déploreront la hauteur des trois marches à franchir pour accéder ou descendre de cabine. Mais une autre limite à l’urbanité vient… de la boîte de vitesses robotisée. Elle nous a franchement déçus par sa lenteur de réaction. En fait, nous avons passé l’essentiel du temps à sélectionner manuellement les vitesses, tant en montée qu’en descente de rapports. Pourtant, nous n’avions pas ici la fonction Eco-Fleet si critiquée lors de notre précédente prise en main d’Iveco S-Way. On en vient à souhaiter la disponibilité d’une vraie boîte automatique à convertisseur. Or, Iveco en propose une (d’origine Allison Transmission) mais pas sur cette variante de puissance. Dommage ! Autre point critique, déjà ressenti lors d’une précédente prise en main d’Iveco S-Way : une commande de frein spongieuse. Elle manque cruellement de progressivité et cela est franchement pénalisant en ville ou dans les circonstances de trafic congestionné. Quant aux coûts d’utilisation, fluctuations du prix de GNC mises à part, on retiendra que la maintenance est un peu plus exigeante que pour un diesel Euro VI, avec toutefois un avantage à l’usage du fait de l’absence d’AdBlue, de filtre à particules et de vanne EGR. Au-

tant de sources de tracas en moins dans le cadre d’un usage urbain.

Un modèle qui doit beaucoup de sa cohérence, une fois de plus, à une association très intelligente entre carrosserie et châssis cabine. Car les équipementiers (ici Carrier Transicold associé au carrossier Lecapitaine) se sont surpassés afin de faire un véhicule tout-en-un totalement intégré. Les carrossiers et leurs clients apprécieront également l’octroi du bonus charge utile de 1 000 kg ici éligible. En prime, la satisfaction de rouler et travailler en mode zéro carbone fossile si l’on se ravitaille en bioGNV. Pour une décarbonation rapide du transport frigorifique, ce modèle est un atout maître.

Jean-Philippe Pastre pastre@trm24.fr

TRM24.fr

Prise en main 27 N°13 • 06/2023
de capacité. L’éclairage intérieur est malgré tout soigné. La trappe de toit manuelle est une option.
La prise en main dans son intégralité à découvrir sur :
Si le recul des sièges et leur inclinaison sont suffisants, on regrette la rareté des espaces de rangement dans cette cabine courte AD.

VIsion’AIR s’offre une plateforme numérique

L’étude réalisée par la FFC est désormais accessible via une plateforme numérique. Il s’agit d’un outil d’aide à la décision en ligne, notamment pour les gestionnaires de flottes de véhicules industriels de plus de 3,5 t.

Lancée lors de la dernière édition de Solutrans, l’étude paneuropéenne VIsion’AIR, portant sur le mix énergétique européen des véhicules industriels et réalisée par la FFC et BIPE-BDO Advisory, devient un véritable outil de visualisation et peut être consultée sur une plateforme numérique. « Aujourd’hui, nous offrons aux utilisateurs une nouvelle expérience de l’étude, plus ergonomique et interactive », indique la FFC qui avait présenté dans un premier temps VIsion’AIR dans un ouvrage papier Road-book des nouvelles énergies VI-VU.

Suivre les évolutions du secteur

Une mise à jour est en cours de développement, selon les évolutions de la réglementation et les progrès technologiques. Plus concrètement, la plateforme VIsion’AIR simule l’évolution des coûts des motorisations selon différents usages, par catégorie de véhicules et par pays européen. L’outil projette également les parts de marché des différentes motorisations à moyen terme par type d’usage, par catégorie de véhicule et par pays européen.

Ces résultats s’appuient sur de nombreuses hypothèses techniques et économiques, alimentées par des représentants de la filière au grand complet, à savoir les constructeurs VI, les équipementiers, les énergéticiens, mais aussi les clients finaux transporteurs, qui constituent clairement un paramètre

fondamental dans l’évolution du marché. Le tout est compilé, vérifié et analysé par les experts BIPEBDO Advisory.

La FFC donne quelques exemples, comme l’hypothèse d’un investissement dans un utilitaire. VIsion’AIR met ainsi en avant 7 motorisations. Le véhicule à batterie aura l’un des TCO les plus avantageux, selon la plateforme. Pour un usage municipal, elle propose 9 motorisations alternatives disponibles en 2030. Cinq d’entre elles présenteront un TCO inférieur à celui du gazole, conclut-elle.

Avantages de la plateforme

VIsion’AIR permet d’appréhender des choix possibles de motorisations, par usage ou par véhicule ; elle facilite la comparaison des TCO des différentes motorisations disponibles par véhicule ; elle présente les informations sous forme de graphiques simples et lisibles, accessibles en un coup d’œil ; elle offre une grande souplesse d’utilisation : interactivité des indicateurs, information structurée, simplicité des menus déroulants ; elle permet d’exporter les graphiques pour les intégrer à un document ; elle fournit des indicateurs au plus près des besoins.

Pour avoir accès à l’étude s

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Pour en savoir plus : contact@trm24.fr Bientôt, tous les trimestres, La lettre confidentielle TRM Avant (tout) le monde L’info La rédaction de TRM24 a glané pour vous des infos sur le transport routier et sur l’industrie du véhicule industriel qu’elle vous révélera en avant-première.

La hausse des prix en question ÉNERGIES

L’année 2021, et plus encore 2022, fut marquée par de très fortes hausses du prix des énergies, du pétrole brut à l’électricité en passant par le gaz. Si le début d’année 2023 marque un certain reflux, tout n’est pas encore serein. Aux menaces géopolitiques internationales à court terme se profilent à moyen terme les conséquences du vote du programme ETS2 par le Parlement européen.

Après une année 2022 un peu folle, on pourrait apprécier la relative décrue du prix des énergies. L’IFP Énergies nouvelles observait dans sa note hebdomadaire du 22 mai 2023 une relative stabilité des cours du Brent (à 76 $ le baril). Des facteurs politiques prédominent dans la fixation des cours selon l’IFP, puisqu’au milieu du mois de mai 2023 les acheteurs semblaient préoccupés par « les spéculations autour de l’aboutissement ou non des négociations sur le plafond de la dette des États-Unis.

C’est l’un des éléments qui favorise la volatilité des cours du pétrole, avec l’évolution du taux du dollar US, le niveau d’inflation, la reprise économique plus ou moins forte en Chine et l’impact des baisses de production des pays de l’Opep+ applicables à partir de ce mois. La Russie pour sa part continue d’exporter à des niveaux relativement élevés, ce qui contribue à

la relative détente du marché pétrolier ». Selon Guy Maisonnier, ingénieur économiste à l’IFP Énergies nouvelles, une des clés sur les marchés pétroliers est la Chine. L’Agence internationale de l’énergie estime qu’à elle seule, elle représente 60 % de la croissance mondiale anticipée pour la demande de pétrole sur l’année 2023 ! Quant aux prix du gaz et de l’électricité, ils sont pour le mois de mai en baisse sensible, le gaz passant de 42 €/MWh en avril à 34 €/MWh et l’électricité étant descendue de 115 €/MWH en avril 2023 à 87 €/MWh en mai. « Les moyennes 2023 sont, pour le moment, estimées à respectivement 42 €/MWh et 134 €/MWh, en recul sensible par rapport à 2022 (123 et 286 €/MWh). »

La menace fiscale

La révision en cours au Parlement européen du système communautaire d’échange de quotas d’émis-

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sions (SCEQE) a des conséquences sur trois autres dossiers législatifs : le fonds social pour le climat, le mécanisme d’ajustement aux frontières du carbone et une proposition visant à réglementer les émissions de dioxyde de carbone des véhicules. Pascal Canfin, eurodéputé affilié au groupe Renew et président de la commission de l’environnement, plaide évidemment pour que la fiscalité carbone appliquée aux bâtiments et aux transports dans le cadre de la révision des quotas carbone dans la négociation SCEQE 2 (ou EU ETS 2 en anglais) serve à alimenter le fonds social pour le climat. On sait que l’objectif initial était de taxer le dioxyde de carbone sur la base de 100 € la tonne (un objectif transposé en France dans la composante taxe carbone de la TICPE). La révision actuelle est menée dans la poursuite du plan de la commission européenne appelé « Fit for 55 », présenté le 14 juillet 2021. La révision SCEQE 2 vise à créer un nouveau marché du carbone pour les fournisseurs d’énergies pour le transport routier. La taxe carbone serait intégrée dans le prix de vente par les distributeurs d’énergies. Cela pose quelques problèmes aux transporteurs si cette mesure doit distinguer les usages particuliers des usages professionnels, car cela signifiera de nouvelles tracasseries administratives et déclarations diverses. D’où un vent de fronde des fédérations nationales de transporteurs en Europe. De son côté, Thibaud Clisson, analyste environnement, social et gouvernance (ESG) chez

BNP Paribas Asset Management, s’inquiétait dès août 2022 du « rôle d’investisseurs extérieurs au SCEQE qui détiennent des quotas européens », d’où des demandes rapportées à l’UE et à ses institutions pour « mettre un frein à l’activité spéculative de ces acteurs non conformes ».

L’Autorité européenne des marchés financiers et la Banque centrale européenne auraient minoré ces effets pervers. Pourtant cette « sincérité » des marchés a été mise à mal à plusieurs reprises, comme le rappelle le site Connaissance des énergies : en 2009, une fraude à la TVA nécessita une adaptation du régime fiscal adaptable au système des quotas. En mars 2010, ce fut l’arrivée sur le marché de crédits internationaux inutilisables. En janvier 2011, le marché fut suspendu suite au vol de milliers de permis d’émissions dans 14 pays. Le système des SCEQE mis en place depuis 2005 prévoit des quotas d’émissions gratuits, mais ils seront l’objet de réductions, voire d’élimination progressive à partir de 2027. Cette mauvaise nouvelle vient s’ajouter au déremboursement de la TICPE, planifié dans la loi climat et résilience pour 2030 au plus tard. Autant de mesures qui contribuent au renchérissement des coûts et/ou à l’affaiblissement des marges des entreprises de transport. Un comble en cette période de forte inflation !

Après Vecto, les constructeurs sous la menace du MACF

Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), porté par l’Union européenne suite à un accord intervenu le 13 décembre 2022 entre le Conseil et le Parlement européen vise à taxer les importations selon leur « intensité carbone ». Il est acquitté par les importateurs de certaines matières premières en équivalents certificats carbone (les fameux SCEQE).

Ce dispositif complexe doit entrer en application progressive à partir du 1er octobre 2023 (phase déclarative), avant d’entraîner les achats de certificats carbone en janvier 2026. Il y a un paradoxe incroyable dans le mécanisme mis en place : les produits finis (véhicules complets) ou semi-finis (composants) n’entrent pas dans le calcul du MACF. En revanche, le fer, l’acier, l’aluminium ou l‘hydrogène et l’électricité importés seront taxés. Autant de matières premières nécessaires à la construction des véhicules, qu’il s’agisse des camions ou des carrosseries.

Comme le rappelle Claude Cham, président de la Fiev (Fédération des industries des équipements

pour véhicules), dans un article paru dans Réalités industrielles daté de mai 2023, cela constitue une « double incitation à la délocalisation pour les constructeurs ». Il évoque une autre menace : « les effets du MACF pourraient être annihilés par d’éventuelles dévaluations compétitives décidées par les pays exportant vers l’UE ». Et de citer la livre turque qui a baissé de 33 % face à l’euro sur la période 2010 et 2021, « ce qui pourrait contrebalancer le surcoût lié au MACF et contourner l’incitation à la décarbonation pour les entreprises exportant vers l’UE »

Focus 31 N°13 • 06/2023

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