AM 435-436 Free

Page 18

Bestof 2022

Notre sélection de ceux qui changent la donne, font bouger les lignes, participent activement à l’émergence du continent.

GABON L’ANNÉE CHOC

Élections présidentielle et locales sont au programme. Au centre des enjeux, Ali Bongo Ondimba.

ÉDITO LES RICHES ET LA DIVERSITÉ DES AUTRES par Zyad Limam

NIGERIA LE GÉANT EN DÉSÉQUILIBRE PERMANENT

AÉRIEN L’ÉNIGME

LES ENTREPRENEURS ET AUSSI

ETHIOPIAN AIRLINES

INTERVIEW

Eugène Ébodé

« L’Afrique est à apprendre »

BUSINESS

La solution

NUMÉRO 435-436 EN VENTE DEUX MOIS France 5,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 € Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C – DOM 6,90 € – Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $ Grèce 6,90 € – Italie 6,90 € –Luxembourg 6,90 € – Maroc 39 DH – Pays-Bas 6,90 € – Portugal cont. 6,90 € Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3 500 FCFA ISSN 0998-9307X0 L 13888 - 435 - F: 5,90 € - RD N° 435-436 - DÉC.2022-JANV.2023
é
Lagos, capitale économique.
biogaz +

Je conjugue efficacité et durabilité.

MOBILISER plus

Grâce à des pratiques vertueuses et par l’innovation, Bolloré Transport & Logistics se mobilise pour préserver l’environnement. Des solutions sont mises en place pour réduire l’impact de nos activités. Nous sommes engagés dans des démarches de certifications pointues, à l’image du Green Terminal déployé sur tous nos terminaux portuaires.

DU TRANSPORT ET DE LA LOGISTIQUE

NOUS
QUE
FAISONS BIEN plus
POUR FAIRE FACE AUX ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX
SC BTL-06/22Crédits photos : © Révolution plus.
NICOLAS KOUASSI CONDUCTEUR D’ENGIN, FORMATEUR

DES RICHES ET DES AUTRES

En regardant la Coupe du monde au Qatar, la dichotomie des regards apparaît assez nettement. Schématiquement, d’un côté, au Nord, en Occident, des critiques sur la démesure, la climatisation des stades, le traitement des travailleurs, le rigorisme religieux, le non-respect des droits LGBT. Des vraies questions, évidemment, incontournables, mais aussi la sensation d’un jugement à charge, à sens unique, sans nuances. Et puis de l’autre, au Sud disons, un autre regard, nettement plus positif, sur la capacité d’un petit pays, même riche, à organiser sans trop de soucis le plus grand événement sportif du monde, à assurer une certaine bonhomie, la sécurité des fans, sans les débordements habituels. Du ressentiment aussi vis-à-vis du sombre tableau peint par les médias du « Nord ». Et sportivement, les petites nations du foot ont montré qu’elles pouvaient aspirer à rivaliser avec les grandes, comme le Maroc l’a prouvé… Comme un symbole de ce monde qui change.

Les pays dits riches, l’Occident, le G7 pour faire simple, les États-Unis, la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Italie, le Canada, le Japon, auxquels on pourrait rajouter l’Australie, et aussi la Corée du Sud représentent aux alentours de 800 millions de personnes. Sur 8 milliards d’êtres humains. Donc 10 % de l’humanité. Hier, ce que l’on appelait encore les pays en voie de développement ne pesait pas grand-chose. À l’orée des années 1970, le G7 représentait les deux tiers de l’économie mondiale. Et assurait une domination globale, malgré la présence de l’URSS et du bloc communiste. Aujourd’hui, ces pays développés, riches, ne représentent plus que 40 % de la richesse globale, ce qui reste encore le signe d’une profonde inégalité, mais aussi le marqueur fort d’un changement systémique. La domination des uns se dilue, la marge de manœuvre des autres augmente. Les États-Unis sont toujours l’hyper puissance militaire et économique, mais leur pouvoir atteint des limites. La Russie, en asthénie économique et démographique, peut se permettre pour le moment de mener une guerre, même si elle est quasi suicidaire… Surtout, la Chine s’est imposée en quarante ans comme la première puissance économique (en volume). Une mutation révolutionnaire. Le pays de Xi Jinping est un géant autoritaire, affaibli par sa politique zéro Covid et par les contradictions de plus en plus

criantes entre autoritarisme politique et libéralisme économique. Mais c’est un géant quand même, avec une ambition planétaire. L’Inde aussi est en marche, elle est déjà dans l’espace. Son voisin le Pakistan détient l’arme nucléaire. Le Brésil, l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, le Mexique, la Turquie, la Thaïlande, le Vietnam, d’autres encore, prennent place dans l’échiquier mondial. Les pays du Golfe sont assis sur de gigantesques montagnes de dollars, qui leur donnent un pouvoir d’influence majeur.

Ces pays émergents sont fragiles, divisés, socialement instables, politiquement polarisés, mais ils pèsent plus lourd, à la fois en tant que puissances économiques, producteurs, consommateurs, acteurs diplomatiques. Ils changent l’équilibre.

L’Afrique n’a pas encore de géants. L’émergence reste pour nous un objectif. Le Nigeria, l’Égypte, l’Afrique du Sud, le Maroc, l’Algérie ou d’autres sont encore loin de ce statut. Mais l’Afrique n’est pas marginale, elle représente un enjeu planétaire central. Aujourd’hui, un être humain sur huit est africain. 60 % de la population du continent a moins de 25 ans. Selon les estimations, il devrait compter plus de 2 milliards d’habitants en 2050. Avec les plus grandes conurbations urbaines de la planète, dont celle qui devrait progressivement relier Abidjan à Lagos, en passant par Accra, Lomé, Cotonou… Démographiquement incontournable, l’Afrique sera au centre du débat climatique. C’est ici que la bataille se jouera, au cœur par exemple des forêts du bassin du Congo. C’est ici qu’il faudra inventer un lien opérationnel, entre développement économique et développement durable. Comment pourra-t-on dire aux Africains qu’ils devront se serrer la ceinture, renoncer aux énergies fossiles, au gaz, alors qu’ils ne sont responsables que de 3 % à 4 % des émissions globales ?

Le monde est beaucoup plus complexe que ne le voudrait le récit occidental. Culturellement, sociétalement, religieusement, l’humanité est un immense melting-pot. Le meilleur moyen de défendre l’universalisme, c’est de prendre en compte la diversité des systèmes et des pensées, de prendre en compte les injustices économiques et climatiques, de prendre en compte les richesses tout autant que les résistances culturelles. Le chemin sera long. ■

AFRIQUE MAGAZINE I 435-436 – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023 3
édito

N°435-436 – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023

3 ÉDITO

Des riches et des autres par Zyad Limam

6 ON EN PARLE

C’EST DE L’ART, DE LA CULTURE, DE LA MODE ET DU DESIGN

TEMPS FORTS

Le best of

30 Les entrepreneurs par Zyad Liman, Emmanuelle Pontié, Cédric Gouverneur, Luisa Nannipieri et Philippe Di Nacera

48 Nigeria : Pour faire face… par Cédric Gouverneur

58 Gabon: L’année choc par Zyad Limam

68 L’énigme Ethiopian Airlines par Thibaut Cabrera et Zyad Limam

P.48

66 CE QUE J’AI APPRIS

76 Eugène Ébodé : « L’Afrique n’est pas à prendre, elle est à apprendre » par Astrid Krivian

82 Erige Sehiri : « Quoi de plus fort que l’art pour nous évader » par Astrid Krivian

88 Patrick Chamoiseau : « Faire de sa vie une beauté dans tous les sens du terme » par Catherine Faye

94 Nnenna Okore : Pour un art écologique et social par Luisa Nannipieri

P.06

-

P.68

Afrique Magazine est interdit de diffusion en Algérie depuis mai 2018. Une décision sans aucune justification. Cette grande nation africaine est la seule du continent (et de toute notre zone de lecture) à exercer une mesure de censure d’un autre temps

Le maintien de cette interdiction pénalise nos lecteurs algériens avant tout, au moment où le pays s’engage dans un grand mouvement de renouvellement. Nos amis algériens peuvent nous retrouver sur notre site Internet : www.afriquemagazine.com

-

4 AFRIQUE MAGAZINE I 435-436 – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023
SEUN SANNI/REUTERS
XOSE BOUZAS
ALAMY
griot
Faites
!
Kanazoé Orchestra,
spirit 26 PARCOURS Fanta Dramé par Astrid Krivian 29 C’EST COMMENT ?
la fête
par Emmanuelle Pontié
Thomas
par
Krivian
La grande aventure du café équitable par Cédric Gouverneur 112 VIVRE MIEUX Prenons soin de nos artères ! par Annick Beaucousin 114 VINGT QUESTIONS À… PrissK par Astrid Krivian
Bimaï
Astrid
98 LE DOCUMENT
Meilleurs
vœux 2023 à nos lectrices, lecteurs et partenaires!

BUSINESS

P.88

FONDÉ EN 1983 (39e ANNÉE)

31, RUE POUSSIN – 75016 PARIS – FRANCE

Tél. : (33) 1 53 84 41 81 – Fax : (33) 1 53 84 41 93 redaction@afriquemagazine.com

Zyad Limam

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION

DIRECTEUR DE LA RÉDACTION zlimam@afriquemagazine.com

Assisté de Laurence Limousin llimousin@afriquemagazine.com

RÉDACTION

Emmanuelle Pontié

DIRECTRICE ADJOINTE DE LA RÉDACTION epontie@afriquemagazine.com

Isabella Meomartini

DIRECTRICE ARTISTIQUE imeomartini@afriquemagazine.com

Jessica Binois

PREMIÈRE SECRÉTAIRE DE RÉDACTION sr@afriquemagazine.com

Amanda Rougier PHOTO arougier@afriquemagazine.com

ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO

Thibaut Cabrera, Jean-Marie Chazeau, Philippe Di Nacera, Catherine Faye, Cédric Gouverneur, Dominique Jouenne, Astrid Krivian, Luisa Nannipieri, Carine Renard, Sophie Rosemont.

VIVRE MIEUX

Danielle Ben Yahmed

RÉDACTRICE EN CHEF avec Annick Beaucousin.

VENTES

EXPORT Laurent Boin

TÉL. : (33) 6 87 31 88 65

FRANCE Destination Media

66, rue des Cévennes - 75015 Paris

TÉL. : (33) 1 56 82 12 00

ABONNEMENTS

TBS GROUP/Afrique Magazine

235 avenue Le Jour Se Lève 92100 Boulogne-Billancourt

Tél. : (33) 1 40 94 22 22

Fax : (33) 1 40 94 22 32 afriquemagazine@cometcom.fr

COMMUNICATION ET PUBLICITÉ regie@afriquemagazine.com

AM International

31, rue Poussin - 75016 Paris

Tél. : (33) 1 53 84 41 81

Fax : (33) 1 53 84 41 93

AFRIQUE MAGAZINE EST UN MENSUEL ÉDITÉ PAR

31, rue Poussin - 75016 Paris.

SAS au capital de 768 200 euros.

PRÉSIDENT : Zyad Limam.

Compogravure : Open Graphic Média, Bagnolet.

Imprimeur : Léonce Deprez, ZI, Secteur du Moulin, 62620 Ruitz. Commission paritaire : 0224 D 85602. Dépôt légal : décembre 2022.

La rédaction n’est pas responsable des textes et des photos reçus. Les indications de marque et les adresses figurant dans les pages rédactionnelles sont données à titre d’information, sans aucun but publicitaire. La reproduction, même partielle, des articles et illustrations pris dans Afrique Magazine est strictement interdite, sauf accord de la rédaction. © Afrique Magazine 2022.

AFRIQUE MAGAZINE I 435-436 – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023 5 102 Le biogaz, une promesse encore peu exploitée 106 Arthur Woniala : « Il faut développer des campagnes de sensibilisation sur ses atouts » 108 Des obligations vertes pour le Gabon 109 Dakar au club des producteurs de gaz 110 Des marchés financiers attractifs 111 Les banques africaines face à la conjoncture par Cédric Gouverneur
FRANCESCA MANTOVANI/GALLIMARD/OPALE PHOTOVILLE DE NOISY-LE-SECRAPHAEL GAILLARDE/GAMMA-RAPHOERICK BONNIER
NUMÉRO 435-436 EN VENTE DEUX MOIS – États-Unis 8,99 Grèce 6,90 L 13888 435 F: 5,90 € RD N° 435-436 DÉC.2022-JANV.2023 NIGERIA LE GÉANT EN DÉSÉQUILIBRE PERMANENT ÉDITO LES RICHES ET LA DIVERSITÉ DES AUTRES par Zyad Limam Notre sélection de ceux qui changent la donne, font bouger les lignes, participent activement à l’émergence du continent. é LES ENTREPRENEURS ET AUSSI GABON L’ANNÉE CHOC Bestof 2022 Élections présidentielle et locales sont au programme. Au centre des enjeux, Ali Bongo Ondimba. AÉRIEN L’ÉNIGME ETHIOPIAN AIRLINES INTERVIEW Eugène Ébodé «L’Afrique est à apprendre» BUSINESS La solution biogaz + Lagos, capitale économique. AM 435 COUV UNIQUE.indd 07/12/2022 01:04 PHOTOS DE COUVERTURE : BRUNO LEVY/DIVERGENCES-IMAGES (2) - STÉPHANE RODRIGEZ DELAVEGA/ROLEX - DR (2) - VINCENT FOURNIER POUR JA - DR - SHUTTERSTOCK - ARLETTE BASHIZI/THE NEW YORK TIMES-REDUX-REA - SHUTTERSTOCK
P.82
P.98 P.76

ON EN PARLE

C’est maintenant, et c’est de l’art, de la culture, de la mode, du design et du voyage

KANAZOÉ ORCHESTRA, Folikadi, Antipodes Music.

Kanazoé Orchestra GRIOT SPIRIT

Toujours sous la houlette du Burkinabé Seydou Diabaté, cet EXALTANT ORCHESTRE enrichit son langage musical avec ce troisième album, qui marie tradition et modernité.

ALORS QU’IL SAVAIT à peine marcher, Seydou Diabaté, dit Kanazoé, était déjà musicien. En effet, il appartient « à l’ethnie griot des Samblas qui ont comme particularité de s'exprimer en jouant du balafon, explique-t-il. Ce langage musical est précisément compris par les membres de la communauté ». Après la disparition de son père, il part à la quête du monde, ce qui le mène jusqu’en France. C’est là qu’il lance le Kanazoé Orchestra, baptisé d’après son surnom, avec Madou Dembélé au balafon et au n’goni, Thomas Koenig au saxophone et à la flûte, Stéphane Perruchet aux percussions, Elvin Bironien à la basse et Laurent Planells à la batterie. Après deux disques remarqués, le groupe réinvente sa grammaire sonore avec l’arrivée de la chanteuse et rappeuse Gaëlle Blanchard, qui introduit l’anglais, le créole et le français sur des morceaux à l’origine majoritairement chantés en dioula, mais aussi en moré et en sambla.

« Nous avons voulu nous ouvrir, dans le but de toucher un public non initié à la musique africaine. » Mais pas de risque que Kanazoé oublie ses racines. En témoignent « Kassi » et « Folikadi » sur ce nouvel album, qui utilisent des gammes typiques des Samblas. « Hommage », lui, est dédié à son père, qui lui a appris

le balafon : « C'est un instrumental, mais l’hommage en ici en toutes lettres. » L’esprit griot imprègne l’ensemble de ce disque généreux, solaire… mais qui assume également ses parts d’ombre : « Le rôle du griot est multiple, il s'agit de connaître l'histoire, les familles, de régler les conflits, de transmettre une sorte de sagesse et de connaissance, et d'améliorer la vie de la société. Les prises de position de “Kassi” au sujet de la condition des femmes, de “Ma Kalan” par rapport aux responsabilités des jeunes Africains venus en France pour étudier, ou encore de “Hero”, chanté en anglais, qui parle d'un enfant inquiet pour le monde dans lequel il devra vivre, vont dans ce sens. » Quant au titre de l’opus, c’est en référence au « cri du cœur » de son chanteur, à la suite des confinements de 2020. « Être artiste, c'est se mettre à nu et donner aux autres un concentré de soi-même, une émotion pure transmise en musique. En échange, on reçoit l'émotion et l'énergie du public. Sans concerts, les artistes perdent leur équilibre émotionnel… “Folikadi” signifie littéralement “Jouer nous fait du bien”. La musique comme les paroles sont une invitation à la fête : quand on l'entend, on ne peut pas s'asseoir tant qu'on n'a pas dansé ! » Alors, dansons ! ■ Sophie Rosemont

COLLECTIF
7
Le groupe est emmené par Seydou Diabaté (à l'arrière, à gauche). DRXOSE BOUZAS

3 QUESTIONS À…

BEN L'ONCLE SOUL

SOUNDS

À écouter maintenant !

Gaye Su Akyol

Anadolu Ejderi, Glitterbeat

C’est un superbe morceau qui conclut le quatrième album de la chanteuse stambouliote, « Içinde Uyanıyoruz Hakikatin » (« Nous nous réveillons dans la réalité »), sombre, sous influence des belles heures du psyché seventies, mais empreint du folk turc qui nourrit toutes ses propositions. Tour à tout électrique, romantique, politique, toujours porté par son timbre multifacettes, Anadolu Ejderi confirme le charisme de Gaye Su Akyol.

❷ Afriquatuors

Afriquatuors, L’Autre Distribution/Idol

AM : En quoi le gospel, l’une de vos premières amours musicales, compte dans ce nouvel opus ?

Ben l’Oncle Soul : C’est une question très pertinente. Sur cet album, je pose des questions plutôt spirituelles ou existentielles. D’un point de vue musical, c’est un retour aux sources. Le gospel faisant partie de mes racines, il est très présent dans ce disque. La seule chose qu’il n’y a pas et qui serait très liée à ce genre de musique, c’est une chorale… mais je voulais que ce soit intimiste et personnel. La musique vous est-elle thérapeutique ?

Complètement. Quand j’en écoute, elle soigne mon esprit et mon énergie, elle calme mes tourments, elle me nourrit. Quand j’en fais, j’existe, je m’exprime à travers elle, je communique. Et cela, c’est édifiant. Aussi, le fait de monter sur scène et de recevoir toute l’attention et la bienveillance du public, c’est très puissant. Et, quelque part, salvateur. Comment vos origines antillaises influencent-elles votre art ?

En ayant toujours su que j’étais métis, j’ai absorbé la musique en m’identifiant à mes origines. D’abord, avec l’afro-américaine, ensuite avec le jazz et le reggae, et plus tard avec la musique des Mornes, le calypso. Les mélodies du flûtiste martiniquais Max Cilla sont devenues de vraies sources de vie… ■ Propos recueillis par Sophie Rosemont

En tournée en France et en Europe, le 13 décembre au Trabendo (Paris).

Créé et dirigé par Christophe Cagnolari, cet ensemble de chambre, composé d’un quatuor à vent et d’un autre à cordes, et dédié aux musiques africaines, ressuscite la vitalité des grands orchestres de la seconde partie du XXe siècle. Incarné par les voix de Ballou Canta, Sekouba Bambino, Sam Mangwana et Tina Kloutse, ce superbe disque varie les humeurs et convoque aussi bien le soukouss que la rumba. Très élégant.

Grèn

Sémé

Zamroza, Markotaz/The

Garden Records/ Lusafrica

Drôle de chanson que celle de ce groupe qui, depuis Hors sol, en 2016, cultive ses racines créoles, ses amours blues et ses incartades électroniques. Le tout prend son ampleur sur Zamroza, résolument engagé, accompagné d’autres artistes ignorant la tiédeur, tels Gaël Faye sur la pop en crescendo de « Poussière », ou Ambi Subramaniam, Aditya Srinivasan et le Trio Zéphyr sur l’orientalisant « Bhopal ». ■ S.R.

ON EN PARLE 8 AFRIQUE MAGAZINE I 435-436 – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023
Alors que le single « Levitate » annonce un prochain album, qui sortira au premier semestre sur son propre label, Enchanté, le chanteur se confie sur son RAPPORT
À SES RACINES musicales.
JIM ROSEMBERGDR (3)

CINÉ

LE VERGER DES DÉSIRS

La cueillette des figues dans la Tunisie rurale, occasion de dialogues sur les rapports femmes-hommes et la jeunesse arabe aujourd’hui. Un film

CHORAL ET SOLAIRE qui n’en finit pas de récolter des lauriers…

UN SOLEIL ÉCRASANT, des corps et des visages filmés au plus près, des discussions et des échanges permanents… La filiation avec certains films d’Abdellatif Kechiche est évidente, et même revendiquée par la réalisatrice. Mais Erige Sehiri [voir son interview pp. 82-87] vient du documentaire : son premier, La Voie normale (2018), racontait les problèmes d’une ligne de chemin de fer tunisienne. Elle nous plonge ici en pleine saison de la récolte des figues dans le nord-ouest rural du pays, où l’on parle un arabe mâtiné de berbère rarement entendu au cinéma. Ce ballet des saisonniers (surtout des saisonnières) dans le bruissement de feuilles offrant une ombre bienvenue est l’occasion d’échanges vifs et savoureux. Mais aussi de moments de grâce, voire d’impromptus intégrés à la narration (un vieux monsieur qui se mêle d'une conversation sur les rapports hommes-femmes). Il n’y a aucun comédien professionnel, tous connaissent visiblement les gestes de ce travail sous les branches, où ils font attention à ne pas abîmer des fruits fragiles tout en bavardant. Mais c’est une fiction, même si l’on comprend les dures conditions imposées à ces ouvriers sous-payés, victimes de harcèlement (sexuel

pour les femmes), et encouragés à la délation contre ceux qui détournent une partie de la récolte. Une réalité souvent complexe : face à un garçon qui reproche aux filles leur voile et l’impossibilité du contact, il y en a une qui défend son foulard et explique vouloir un mari croyant, viril et rassurant, tandis qu’une autre affirme son indépendance en laissant ses cheveux se découvrir sans cesse… Un film féministe qui donne à entendre le point de vue des hommes et décrit un destin commun pour ces habitants coincés dans leur condition sociale. Il y a aussi des chants émouvants et joyeux, dans cette journée unique – qui occupe tout le film –, entre l’arrivée et le départ sur les camions qui transportent ce prolétariat des champs comme du bétail. Une œuvre bucolique et tragique qui a déjà touché beaucoup de monde : présenté à Cannes et récompensé dans les festivals de Namur et de Carthage notamment, le film a été choisi pour représenter la Tunisie aux prochains Oscars. ■ Jean-Marie Chazeau SOUS LES FIGUES (Tunisie-France), d’Erige Sehiri. Avec Ameni Fdhili, Samar Sifi, Leila Ohebi, Abdelhak Mrabti. En salles.

AFRIQUE MAGAZINE I 435-436 – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023 9
HENIA PRODUCTION
FILMSDR
MANEKI

BAYA, BEAUTÉ BRUTE

Un HOMMAGE À L’ARTISTE ALGÉRIENNE la plus singulière du xxe siècle, dont les créations résistent à toutes les étiquettes et lectures.

IL Y A DANS L’ŒUVRE chimérique de Baya des parfums et des envolées, l’innocence de l’enfance et l’affirmation de soi. Rose fuchsia, vert amande, bleu lavande… Comme une valse des couleurs et de l’ingénuité, qui porterait en elle la toute-puissance de l’imaginaire. Ici, un clin d’œil à Chagall, là une allusion à Matisse ou à Picasso. Juste un effleurement. Mais qui est cette virtuose de l’émotion, chez qui les oiseaux et les femmes, les instruments de musique et les feuillages s’interpénètrent dans des mondes merveilleux ? Par quel trait de crayon, quel souffle créatif la plasticienne, née Fatma Haddad en 1931 dans la banlieue d’Alger, non scolarisée, orpheline à 5 ans, propulsée dès l’âge de 16 ans au sommet de la notoriété, mariée à 22 à un homme de trente ans son aîné, a-t-elle pu toucher l’âme des plus grands artistes et galeristes de son époque ? Faisant d’elle « un personnage mythique, mi-fille, mi-oiseau, échappé de l’une de ses gouaches ou de l’un de ces contes dont elle avait le secret », comme l’écrit la femme de lettres et journaliste Edmonde Charles-Roux dans Vogue, en 1948. Peut-être parce que sa sensibilité à fleur de peau est une ode à la vie. ■ Catherine Faye

ON EN PARLE 10 AFRIQUE MAGAZINE I 435-436 – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023
EXPOSITION
« BAYA, ICÔNE DE LA PEINTURE ALGÉRIENNE : FEMMES EN LEUR JARDIN », Institut du monde arabe, Paris (France), jusqu’au 26 mars. imarabe.org
Portrait de Baya à l’exposition d’artistes algériens, Fête de l’Humanité, Abderrahmane Ould Mohand, 1998.
FIRAS BEN KHALIFAABDERRAHMANE OULD MOHAND
L'Âne bleu, Baya, vers 1950.

PHOTOGRAPHIES

DE GRANDES DAMES

À Washington, une sélection des plus beaux portraits de BRIAN LANKER met en lumière les Afro-Américaines qui ont changé les États-Unis.

ROSA PARKS, Leontyne Price, Alice Walker, Angela Davis… Chacune des figures immortalisées par le photojournaliste américain illustre le combat pour la reconnaissance des droits civiques des femmes noires aux États-Unis. Lauréat du prix Pulitzer en 1973, à seulement 26 ans, pour ses photographies d’accouchements naturels, Brian Lanker (1947-2011) ne se contente pas de saisir l’instant. Il scrute, fouille, décèle une ombre dans le regard, une inclinaison de la nuque, un froncement de la bouche, la position d’une main. Présentée en deux parties dans le musée d’art américain emblématique de la capitale américaine, sa série sur les artistes, écrivaines, athlètes, activistes ou politiciennes noires inspirantes

percute. Chaque visage raconte une histoire. À la limite du vivant. « Ces femmes nous regardent, nous comprennent, regardent à travers chacune de nous, dans un au-delà », écrit la charismatique Maya Angelou dans l’ouvrage éponyme I Dream A World, que le photographe avait consacré, en 1989, à ces femmes révolutionnaires et talentueuses, dont le parcours, le défi et l’engagement ont laissé une marque indélébile. ■ C.F.

« I DREAM A WORLD : SELECTIONS FROM BRIAN LANKER’S PORTRAITS OF REMARKABLE BLACK WOMEN », National Portrait Gallery, Washington (États-Unis), jusqu’au 29 janvier pour la partie 1 (la seconde se déroulera entre février et septembre). npg.si.edu

Rosa Parks 1988. BIRAN LANKER

LE COMMENCEMENT DE LA FIN

Traduit en huit langues, un roman poétique et âpre sur la liberté et notre place dans le monde.

LORSQUE Michael Kabongo, un enseignant anglo-congolais, arrive à l’aéroport de Londres Heathrow, il lui reste moins de 1 heure pour s’enregistrer, passer les contrôles de sécurité et monter à bord. Ce vol, il ne peut pas le rater. Il a décidé que les États-Unis, le mythique « pays de la liberté », accueilleraient son dernier voyage. Celui par lequel, d’un océan à l’autre, le sentiment de solitude, d'exclusion et d’injustice qui l’accable se métamorphoserait, peut-être, en une respiration rédemptrice. Une mise entre parenthèses des fractures de l’âme. De New York à San Francisco, le voilà en chemin, avec l’intention de vivre quelques rêves jusqu'à ce qu’il n’ait plus un sou. On retrouve dans la prose magnétique de JJ Bola les thèmes qu’il ne cesse d’explorer : la force destructrice de la masculinité et du racisme, versus la puissance de restauration de l’amour. ■ C.F.

JJ BOLA, Le Chemin du retour, Mercure de France, 250 pages, 24 €.

PREMIER ROMAN

VOYAGE YIN ET YANG DE L’INCONSCIENT

Un récit singulier, qui explore les richesses, les écueils et la magie de la transculturalité.

DJINNS, faunes, génies ou démons, comment démêler le vrai du faux, le clair de l’obscur, le sensé du fou ? De ces variations, de ce flou, entre mondes visible et invisible, Seynabou Soko, écrivaine et musicienne franco-sénégalaise de 29 ans, tire un récit habité et questionnant. Car qu’est-ce qui détermine, ou non, une pathologie psychique, une maladie de l’âme ou une hypersensibilité au tout et au rien, au rationnel et au surnaturel ? Ce n’est pas un hasard si Naboo (son pseudo de compositrice-interprète) cite le groupe de rap français PNL en exergue : « J’t’abîme, m’abîme, j’dois t’oublier / J’suis le djinn de mon djinn, j’suis bousillé. » Parce que les états de conscience ou les phénomènes surréels nous disent la dissemblance des sociétés et des cultures, la peur de la différence, la force des croyances et des représentations. Mais aussi, le lien et le pouvoir de l’imaginaire. Et surtout, la liberté d’être et l’acceptation de l’autre. ■ C.F.

SEYNABOU SONKO, Djinns, Grasset, 180 pages, 18 €.

Oumy Bruni

Garrel LE GRAND ÉCART

Pour son premier grand rôle au cinéma, à 14 ans, la JEUNE ACTRICE CRÈVE L’ÉCRAN ! Née au Sénégal, fille adoptive de deux grands noms du cinéma d’auteur français, les comédiens et cinéastes Valeria Bruni Tedeschi et Louis Garrel, elle incarne avec aplomb dans Neneh superstar une fillette noire qui veut conquérir le monde très formaté de la danse classique…

AM : Qui est Neneh ?

Oumy Bruni Garrel : C’est une petite fille de 12 ans qui habite en banlieue et veut rentrer à l’Opéra de Paris, parce que c’est son plus grand rêve. Sauf que là-bas, les Noirs et les Arabes, jamais de la vie on va en voir ! Mais elle y rentre, et genre c’est incroyable, sauf qu’elle est en conflit avec une prof qui est super méchante avec elle, et on ne sait pas pourquoi elle déteste Neneh. Je fais de la danse tous les jours, je suis en sport-étude de danse, et je me suis bien vue dans cette petite fille. Mais il n’y a pas que de la danse classique dans le film, il y a aussi du hip-hop. Et ça montre que c’est difficile, qu’il y a plein de choses qui sont dures pour les danseuses. Est-ce que tu as rencontré les mêmes problèmes qu’elle ?

Pas aussi fort, mais oui, bien sûr, parce que je suis noire, et qu’en France, les danseuses classiques noires, c’est vraiment hyper rare, parce que c’est un « monde de Blancs ». Par exemple, dans mon cours de danse classique, je suis la seule personne noire, alors que ce n’est pas le cas en hip-hop. Au départ, pour moi, c’était comme pour toutes les petites filles : les mères qui les poussent à aller à la danse, sauf que normalement, elles arrêtent au bout de cinq ans, et moi j’ai continué ! À un moment, Neneh dit : « J’en ai marre d’être noire, je voudrais être blanche comme tout le monde »…

ON EN PARLE 12 AFRIQUE MAGAZINE I 435-436 – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023
INTERVIEW
DR (2)MIKA COTELLON

C’est sûr que je l’ai déjà dit dans ma vie, parce que… c’est chiant, on est la seule Noire, on se sent de trop ! Heureusement, j’ai la chance d’être dans une école qui est super ouverte, qui accueille tous les physiques, toutes les couleurs, pas comme l’Opéra. D'ailleurs, je ne veux pas du tout faire l'Opéra ! Par exemple, cette année, je vais tenter le Conservatoire national de Paris en danse contemporaine, parce que j’ai envie de changer du classique, et aussi parce que c’est plus ouvert. Quels rapports entretiens-tu avec ton pays d’origine ?

Je suis née au Sénégal, mais je n’y suis retournée que deux fois, j’en suis partie à l’âge de 4 mois, j’étais toute petite !

C’est assez loin pour moi, mais j’adore Dakar, ma ville natale. Et j’y retourne pour Noël cette année pendant quelques jours.

As-tu l’habitude des plateaux de cinéma, grâce à tes parents ?

Je les ai parfois suivis sur des tournages, mais ça ne m’a pas donné envie d’être actrice. Du coup, faire un film, c’est marrant, mais c’est pas du tout pour faire comme eux. Et j’ai fait ça de mon côté, pas avec eux. Je ne veux pas être danseuse non plus d’ailleurs, j’aimerais être avocate à l’ONU, donc vraiment rien à voir ! Dans la société, il y a beaucoup de choses qui m’énervent, comme le racisme, l’homophobie… On va dire que c’est basique, mais non, c’est pas du tout basique, je le vois tous les jours encore maintenant. ■ Propos recueillis par Jean-Marie Chazeau

NENEH SUPERSTAR (France), de Ramzi Ben Sliman. Avec Maïwenn, Aïssa Maïga, Steve Tientcheu. En salles.

AFRIQUE MAGAZINE I 435-436 – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023 13
MIKA COTELLON

JARDINS SECRETS

IL N’EN FALLAIT pas moins pour un tel recueil. Un coffret luxuriant, qu’il suffirait presque de frotter, comme une lampe d’Aladdin, pour qu’en jaillissent parfums et arabesques, fantasmagories et destins. Un vrai page turner, dirait-on aujourd’hui. Peut-être même un scénario efficace pour une série épique. Car ce qui se joue entre les deux héros de ce récit-fleuve, Schahriar, le roi trahi, et Shéhérazade, la jeune fille audacieuse, est une affaire de vie ou de mort. Le premier a été trompé par son épouse et décide de se venger en tuant chaque matin la compagne toujours renouvelée de sa nuit. La seconde le tient en haleine, grâce à de captivantes histoires qu’elle lui narre chaque soir, s’arrangeant pour que l’apparition de l’aube ne coïncide jamais avec la fin d’un récit. Pendant mille et une nuits de contes merveilleux

ou salaces, de récits de voyages, de péripéties ou d’historiettes « de comptoir », de scènes d’amour ou de vie quotidienne, l’amante stratège engage sa vie. Sa survie se nourrissant d’une humanité diverse, des beautés du monde et de ses petitesses, du banal et de l’extraordinaire. L’issue sera une victoire, puisqu’à la mille et unième nuit, le roi proclamera Shéhérazade épouse légitime, mère – pendant ces presque trois années, elle a mis au monde trois enfants –et reine. Un « happy end », au bout d’un entrelacs de contes enchâssés, de personnages en miroir et d’intrigues. Fascinante aussi est la genèse de ce texte anonyme. Il n’existe pas une version d’origine, unique et incontestée, mais plusieurs versions. Ceci tenant à leur premier mode de transmission, par voie orale. Il n’existe pas non plus un manuscrit mais des manuscrits, pour la plupart perdus. Il n’existe pas, enfin, une traduction mais diverses traductions. Dont celle des écrivains et poètes Jamel Eddine Bencheikh, universitaire franco-algérien, et André Miquel, qui a occupé la chaire de langue et littérature arabes classiques au Collège de France. Ils restituent ici, avec fidélité, une langue poétique ou crue, épique ou humoristique, dans un texte saisissant, qui ne se lasse pas de solliciter les passions et les affects. Et la curiosité insatiable du lecteur.

LES MILLE ET UNE NUITS I, II, III ET ALBUM, Gallimard-La Pléaide, 3776 pages, 195 €.

ON EN PARLE 14 AFRIQUE MAGAZINE I 435-436 – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023 KHARBINE TAPABOR/COLL. JONASKHARBINE TAPABOR/COLL. GROB (2)DR
LITTÉRATURE
■ C.F.
Quelque 3 500 pages et des dizaines d’illustrations, réunies dans un écrin de papier bible et de cuir, pour cette nouvelle édition des MILLE ET UNE NUITS.
Le Dormeur éveillé, Aladin ou la Lampe merveilleuse ou encore Ali Baba et les Quarante Voleurs sont parmi les récits contés par Shéhérazade.

HAWA GRAINE DE STAR

Après avoir été l’une des plus JEUNES COMPOSITRICES de l'Orchestre philharmonique de New York, cette chanteuse aux origines guinéennes sort un épatant premier album.

NÉE À BERLIN il y a vingt-deux ans, mais élevée dans le pays d’origine de ses parents, la Guinée, Hawa a déjà été remarquée grâce à une poignée de morceaux au R’n’B aussi exigeant qu’accessible – en tout cas prometteur. Arrive aujourd’hui un premier album baptisé Hadja Bangoura en hommage à feu son arrière-grand-mère, dans lequel il s’agit de panser ses jeunes blessures et de faire valoir sa maturité artistique. Il est le fruit d’années passées à Conakry, puis aux États-Unis, dès ses 10 ans, où elle a intégré le programme de composition musicale de l’Orchestre philharmonique de New York. À 15 ans, elle décide de quitter cette prestigieuse institution et enregistre ses premiers morceaux. Deux ans plus tard, elle est signée sur le prestigieux label 4AD… La suite, on l’écoute sur son opus, admirant des titres tels que « Gemini » ou « Progression », qui, pour raconter ses émois, manient aussi bien l’organique du piano que l’autotune et les beats incisifs. Ça promet ! ■ S.R. HAWA, Hadja Bangour, 4AD.

AFRIQUE MAGAZINE I 435-436 – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023 15
R’N’B MYESHA EVON GARDNER

RÉTROSPECTIVE

UNE HISTOIRE

RICHE EN MUSIQUE

Nombre de morceaux, souvent copiés, sont nés sur le continent africain. Tour de piste de cette abondance dans cette anthologie illustrée. DÈS L’OUVERTURE de ce très bel ouvrage, son auteur, Florent Mazzoleni, rappelle la « pluralité des sources musicales et les dizaines de milliers d’œuvres enregistrées en Afrique depuis un siècle ». Il a donc décidé de « trouver un équilibre naturel entre ces différents musiciens et la grande quantité des musiques enregistrées et diffusées ». En résulte un essai thématique, qui décrypte chapitre après chapitre le jazz, la rumba, le high-life, l’afrobeat, tout en revenant sur les racines mandingues, les chants de résistance lusophones ou les rythmes et mélodies d’Afrique de l’Est. Richement illustré de portraits d’artistes et de pochettes d’albums souvent ultra-graphiques, ce livre ouvre une porte sur une industrie féconde, qui a su dépasser divers traumas et failles sociopolitiques pour donner naissance à moult embranchements sonores. Même des pays moins célèbres que le Mali ou le Nigeria lorsqu’il s’agit de musique, tels le Gabon et le Cameroun, sont ici présents. Docte mais pas ennuyeux, précis et distrayant à la fois, Afriques Musiques est un classique instantané de la littérature consacrée au patrimoine musical du continent. ■ S.R.

FLORENT MAZZOLENI, Afriques Musiques : Une histoire des rythmes africains, Hors collection, 248 pages, 32 €.

HÔTEL PESTANA CR7 MARRAKECH

LIFESTYLE ET FOOT

STAR DU FOOTBALL et entrepreneur avisé, Cristiano Ronaldo semble transformer en or tout ce qu’il touche. Le cinquième et dernier né de sa chaîne d’hôtels lifestyle CR7, en partenariat avec le groupe Pestana, a ouvert en mars dernier à Marrakech et a remporté en octobre le prix du meilleur nouvel établissement d’Afrique aux World Travel Awards. Situé à mi-chemin entre l’aéroport et la place Jemaa-el-Fna, au cœur de M Avenue, le nouveau quartier branché de la ville, l’adresse mélange cultures marocaine et portugaise, et propose une déco élégante, de subtiles références au football et une architecture lumineuse aux lignes épurées. Aux 174 chambres et suites contemporaines adaptées aux familles s’ajoutent un spa intimiste, un centre d’affaires et un bar où profiter de soirées DJ le week-end. Deux restaurants (un sur le rooftop avec palmiers et piscine, l’autre ouvert sur le quartier cosmopolite) proposent chacun leurs spécialités, notamment des plats portugais. « L’un des hôtels les plus emblématiques » de la marque, d’après l’attaquant, ne se la joue pas resort de luxe : l’équipe attentionnée accueille tous les fans qui souhaitent visiter les lieux ou se prendre en photo avec un ballon doré signé Ronaldo. ■ Luisa Nannipieri PESTANA CR7 MARRAKECH, M Avenue, Marrakech (Maroc), chambres à partir de 199 € la nuit. pestanacr7.com

ON EN PARLE 16 AFRIQUE MAGAZINE I 435-436 – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023
BUSINESS
Après Funchal, Lisbonne, Madrid et New York, CRISTIANO RONALDO confirme son appétence pour l’hôtellerie et s’implante dans la ville ocre.
DR
Le joueur aux côtés de son épouse et de son fils, en visite sur le chantier de l'établissement en 2019.

FONDATION GACHA, la transmission en partage

En formant depuis vingt ans des apprentis, l’ONG CAMEROUNAISE perpétue le savoir-faire des maîtres artisans du pays.

LA FONDATION JEAN-FÉLICIEN GACHA et son antenne parisienne, l’espace culturel Gacha, travaillent depuis vingt ans à développer les talents dans l’ouest du Cameroun. L’ONG œuvre sur le terrain pour un meilleur accès à l’éducation, la formation, la culture et la santé des populations locales. Dans ses ateliers de Bangoulap, situés à 1 500 mètres d’altitude, viennent se former des personnes issues de toutes les ethnies du pays, qui travaillent sous la supervision de maîtres artisans pour produire des objets de design (calebasses, objets en métal ou en bois, ou encore tissus brodés et perlés). Laissant libre cours

à l’imagination, les apprentis puisent dans les motifs traditionnels, l’iconographie et l’histoire des chefferies de la région ou les formes géométriques et naturelles qui les entourent, telle cette paire de calebasses perlées, où les courbes colorées rappellent des filets d’eau ruisselants. Elles évoquent aussi un filet de chasse, symbole de pouvoir et de sagesse. Les pièces produites sont ensuite exposées dans des salons internationaux ou vendues dans les locaux parisiens de l’association, comme ce sera le cas lors du marché de Noël, du 9 au 11 décembre. ■ L.N.

espaceculturelgacha.org

DANIEL NICOLAEVSKY MARIA DESIGN
Panier fabriqué durant un atelier de perlage en 2000.

TÉLÉRÉALITÉ

JEUNES, CÉLÈBRES, ET ARABES

APRÈS YOUNG, FAMOUS & AFRICAN à Johannesbourg, voici des multimillionnaires du Moyen-Orient dans le luxe clinquant de Dubaï, qui ont fait fortune en débarquant avec 300 dollars en poche. Un célèbre DJ libanais offre une Tesla à sa femme pour la Saint-Valentin, une femme au foyer irakienne cherche avec son mari une maison de 1 300 m2 parce que son dressing déborde… Mais ce sont surtout

les businesswomen (PDG dans l’immobilier, star de show TV, influenceuse…) qui surnagent de la série entre deux fâcheries futiles pour dramatiser l’action, déclarant que « les femmes arabes sont les plus fortes et les plus intelligentes du monde, parce qu’[elles ont] de l’assurance ». On notera que la seule femme voilée est une Américaine blanche, mère d’un jeune patron célibataire à moitié koweïtien, qui ne sort jamais, elle… ■ J.-M.C

DUBAI BLING (Émirats arabes unis-Liban), de Mazen Laham, Marcel Dufour et Lama Samad. Sur Netfl ix.

ACTION

L’alignement des planètes

Guerre de dealers et de générations sur fond de phénomène astronomique…

Un film de banlieue sans flic, mais pas sans violence ni une certaine poésie.

LE CIEL TOURNE à l’orange au-dessus d’une cité au nord de Paris, sous l’effet d’un alignement de planètes abondamment commenté par les chaînes d’info… Dans ce contexte nimbé de fantastique, le FrancoBurkinabé Cédric Ido installe pour son deuxième film (après La Vie de Château, 2017) une classique lutte de territoires entre dealers à l’ancienne et petits jeunes visiblement biberonnés aux jeux vidéo. Joshua, paraplégique, a truffé son fauteuil roulant de gadgets à la James Bond et livre la drogue dans les étages avec l’aide de son frère, Daniel, qui n’a pas osé lui dire qu’il allait émigrer au Canada dans les 24 heures. Un ancien comparse les retrouve après trois ans passés en prison pour avoir refusé de les dénoncer. Mais face à la nouvelle génération d’ados qui veut contrôler le marché, un affrontement éclate et va tourner à la baston de série B façon Tarantino… L’absence de policiers à l’horizon allège de façon bienvenue le schéma habituel du « film de banlieue » (de La Haine aux Misérables, en passant par le récent Athena), sans esquiver la gravité des problèmes sociaux, mais tout en s’interrogeant sur les effets de l’attraction terrestre… ■

18 AFRIQUE MAGAZINE I 435-436 – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023
LA GRAVITÉ (France), de Cédric Ido.
Avec Max Gomis, Jean-Baptiste
Anoumon, Steve Tientcheu, Hafsia Herzi. En salles.
J.-M.C.
Netflix propose un nouveau show où règnent le LUXE ET LE DRAMA, mais cette fois-ci à Dubaï.
ON EN PARLE HYKU DESESTO/NETFLIXDR (2)

SÉROPOPSTAR

Aujourd’hui, avec les traitements, une personne séropositive peut avoir des enfants sans transmettre le VIH.

Plus d’infos sur QuestionSexualité.fr

Réalisé dans le respect des protocoles sanitaires. Continuons de respecter les gestes barrières. Continuons de porter un masque partout où il est recommandé par les autorités scientifiques.

JEUNESSE IL ÉTAIT UNE FOIS…

Pour les petits, un album de contes enchanteurs, tout en illustrations et en sons.

« LE ROI LION ET SA FILLE »,

« Le crapaud, le marabout et la cigogne à sac » (du Malien Amadou Hampâté Bâ), ou encore « La mangouste et le crabe »… Chacune des 20 histoires, issues de la tradition orale des populations d’Afrique de l’Ouest, peut se lire, se regarder, et même s’écouter grâce à des QR codes qui renvoient à des créations sonores. Transmis de génération en génération, les récits sont enrichis de dessins d’illustrateurs du continent. Réalisé en partenariat avec les éditions ivoiriennes Nimba, l’ouvrage est né du travail de collecte de l’association « Des livres pour tous », créée en 2008 par l’écrivaine et scénariste Marguerite Abouët, dont l’objectif est de familiariser les jeunes à l’univers de la lecture. Une façon, pour l’auteure d’Aya de Yopougon et d’Akissi, engagée dans la lutte contre l’illettrisme, de construire des ponts : des illustrations aux rêves, des mots à l’imaginaire, de l’enfance aux valeurs de tolérance et d’altérité. ■ C.F. CONTES AFRICAINS, Gründ, 88 pages, 14,95 €.

SORG & NAPOLEON MADDOX ODE À TOUSSAINT

LOUVERTURE

UNE PETITE DÉCENNIE après leurs débuts en duo, Sorg et Napoleon Maddox (dont c’est le vrai patronyme !) s’attaquent à un album-concept. Ici, ils racontent les combats du général Toussaint Louverture, qui, à la veille de la déclaration d’indépendance de Haïti, mourut en captivité en France, ordonnée par Bonaparte. Sur un terreau mêlant à la fois hip-hop old school, jazz et électro – tous trois sous influence de la côte est américaine –, Louverture s’offre des invités tels que le saxophoniste canado-haïtien Jowee Omicil ou le rappeur libanais Marc Nammour. En sus, les paroles engagées et le flow assuré de Napoleon Maddox, doublées des rythmiques efficaces concoctées par Sorg, également auteur des mélodies du disque. Difficile de résister à la vitalité de morceaux tels que « Sugarcane » ou « Wha Dey Wan », révélateurs d’une narration musicale de haut niveau. ■ S.R. SORG & NAPOLEON MADDOX, Louverture, Sans Sucre Records/L’Autre Distribution.

ON EN PARLE 20 AFRIQUE MAGAZINE I 435-436 – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023
L’alliance du beatmaker français et du rappeur de Cincinnati fait toujours mouche dans ce nouvel OPUS ENGAGÉ.
HOMMAGE
DRMS STUDIODR

SÉROPOÉTIQUE

Aujourd’hui, avec les traitements, une personne séropositive peut vivre pleinement et en bonne santé sans transmettre le VIH. Plus d’infos sur QuestionSexualité.fr

Réalisé dans le respect des protocoles sanitaires. Continuons de respecter les gestes barrières. Continuons de porter un masque partout
il est recommandé par les autorités scientifiques.

Ci-dessus et ci-contre, DJ Nix a assuré le show lors de la présentation de la dernière collection de Mwami, « Harmattan ’22

LE BON FEELING DE PAPI WATA

Ses labels Mwami et Deep Fry sont conçus comme une ALTERNATIVE SÉNÉGALAISE à la fast fashion

ARTISTE, STYLISTE et serial entrepreneur installé à Dakar depuis une douzaine d’années, le cosmopolite Papi Wata a créé son label, Mwami, il y a sept ans. « À l’époque, il n’y avait pas beaucoup de choix sur le marché pour des jeunes qui voulaient s’habiller avec un certain style et qui, en même temps, prônaient une consommation consciente », se souvient le trentenaire. Le succès de ses premiers dessins le pousse à continuer et à présenter chaque année (hormis une pause pendant la pandémie) une déclinaison de sa collection de fond « Harmattan », qu’il présente comme « de style afro-désert-tech-ninja-marabout », en portant une attention particulière aux matières premières. Des tissus contemporains aux broderies traditionnelles, tout est soigneusement sourcé auprès de fournisseurs écoresponsables, et les vêtements sont confectionnés au Sénégal.

22 AFRIQUE MAGAZINE I 435-436 – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023
.
MODE
Le designer.
DRMAMADOU A. WANE/COURTESY OF LIVES FEST
», à l'hôtel Onomo, à Dakar.

À côté de ses collections principales, toujours créées « au feeling » selon des tonalités bleues, noires, beiges et blanches, le designer aime proposer des capsules en collaboration avec d’autres noms de la scène dakaroise et internationale (comme « The Ñuulest », qu’il a créée avec DJ Nix, en 2019). Mais il n’a pas prévu de s’arrêter là. En effet, Papi Wata a sorti une ligne « Harmattan ’22 », mais a aussi introduit un nouveau spin-off créatif lors de son fashion show pendant la Biennale de Dakar : il a montré un avant-goût de ce qu’il proposera avec son deuxième label, Deep Fry, qui vient d’être officiellement lancé.

Cette nouvelle marque, caractérisée par des couleurs vibrantes comme le vert émeraude, l’orange et le terracotta, veut s’imposer comme une alternative africaine à la fast fashion. « Ce sera un compromis entre mon idéal, notamment niveau sourcing, et une production plus industrielle », explique-t-il depuis Lagos, où il travaille à des projets qui devraient se concrétiser dans les mois à venir. L’artiste en assurera toujours la direction artistique, mais prévoit surtout d’accueillir des propositions et de promouvoir les voix intéressantes qui se lèvent de plus en plus fort dans la capitale sénégalaise. ■ L.N.

Révélée lors d'un défilé organisé durant la Biennale de Dakar, la nouvelle griffe Deep Fry…

… est caractérisée par des couleurs vibrantes comme le vert émeraude, l’orange et le terracotta,

AFRIQUE MAGAZINE I 435-436 – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023 23
MAMADOU A. WANE/COURTESY OF LIVES FESTDA SILVIO/P. BIZENGA (2)

DESTINATION RDC

OUVERT FIN SEPTEMBRE, Poivre Noir Kinshasa est le nouveau spot du couple d’« afropreneurs » belges Nathalie Bonté et John Goffin, arrivés en République démocratique du Congo forts du succès de Poivre Noir Kigali. Revisitant la cuisine bistrot moderne, avec des clins d’œil à la gastronomie congolaise, John Goffin sert par exemple du poulpe à la sauce romanesco ou des cossas (crevettes) flambées au pastis. Le menu, qui propose aussi des plats végétariens, met à l’honneur la viande grillée, mais ce qui amène une clientèle cosmopolite, en recherche de nouvelles saveurs, c’est le travail sur les jus et les sauces. Le canard grillé au feu de bois est nappé d’une réduction de vin rouge et vinaigre balsamique, et le filet de capitaine est servi avec une sauce alfredo cajun

bien relevée. À accompagner avec du bon vin ou un gin tonic, revisité lui aussi. Compte Instagram : @poivrenoirkin Ambiance plus discrète chez Mood, le lounge lancé en juin 2021 par le chef de renom Christian Yumbi, qui possède trois autres adresses en ville. Ici, il a mis l’accent sur les spiritueux, les cigares premium et les soirées à thème (old school, jazz, karaoké, rumba, kizomba et comedy club). Mais également sur la carte, qui fait découvrir la cuisine congolaise en parcourant les zones linguistiques du pays : le porc-épic ou les cossas sautées à l’ail pour le kikongo, le bœuf de Goma ou le phacochère pour le swahili, le poulet au lumba-lumba (basilic) pour le tshiluba, ou encore le poisson du fleuve à la façon du chef ou les brochettes de crocodile pour le lingala. Un voyage ethno-culinaire qui varie au fil des saisons. christianyumbi.com ■ L.N.

ON EN PARLE 24 AFRIQUE MAGAZINE I 435-436 – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023
DR (2)YEBSTUDIO (2)
Un bistrot et un lounge, soit deux adresses épicuriennes à découvrir dans la MAGNÉTIQUE KIN.
SPOTS
À gauche et ci-dessous, le Poivre Noir Kinshasa revisite la cuisine bistrot moderne. Ici et ci-dessus, le chef de renom Christian Yumbi a lancé le Mood en juin 2021.

LE COLLÈGE d’enseignement moyen

Kamanar, situé à Thionck Essyl, en Casamance, a reçu le prestigieux prix Aga Khan 2020-2022. L’école, qui accueille 500 élèves et a coûté 400 000 euros, a été conçue par le cabinet catalan Daw Office en tant que premier projet de Foundawtion, l’organisation à but non lucratif de l’agence. Soucieux de ne pas répliquer des modèles occidentaux et d’adapter le projet aux réalités locales, les architectes ont réparti l’établissement en une vingtaine de modules détachés, ou « awlas », groupés par niveau de classe autour de petites places abritant un arbre préservé pendant le chantier. Les pavillons à voûtes renversées ont été construits en argile par des bénévoles

Kamanar UNE ÉCOLE SOUS LES VOÛTES

Bel exemple de projet durable, fonctionnel et inclusif, ce COLLÈGE

MODULAIRE d’un village sénégalais

vient de recevoir le prix Aga Khan.

à partir de techniques traditionnelles actualisées, et la carrière d’où a été extraite la terre a été réaménagée en terrain de sport et en potager pour les collégiens. Chaque module est entouré de treillis en bois pour laisser passer la lumière, alors que des plaques de métal striées font office de toit, protégeant l’argile du soleil

et de la pluie. Ce système garantit le refroidissement par évaporation des pièces, évitant le recours à la climatisation artificielle. L’ensemble peut être élargi pour répondre aux besoins de la population, sa composition modulaire facilitant les extensions. ■ L.N. dawoffice.com

ARCHI
DR

Fanta Dramé

L’ÉCRIVAINE FRANÇAISE ENQUÊTE SUR

ses origines dans un premier roman intime, préfacé par Faïza Guène. Elle retrace le périple d’émigration de son père, depuis la Mauritanie jusqu’en France dans les années 1970. par Astrid Krivian

n la retrouve dans un café du quartier de Belleville, où elle a grandi. Fanta Dramé se souvient des beignets et des jus de bissap préparés par sa grand-mère, qu’elles vendaient dans les foyers de travailleurs immigrés, à quelques encablures. La mémoire familiale est la pierre angulaire de sa démarche littéraire. Son premier roman, Ajar-Paris, retrace le parcours d’émigration de son père Yely, depuis Ajar, en Mauritanie, en passant par le Sénégal, où il rencontre sa future épouse, jusqu’à sa traversée de la Méditerranée vers Paris, en 1975. « On parle toujours des immigrés, terme devenu péjoratif, à partir de leur point d’arrivée, et non pas de leurs racines », regrette la jeune plume, née en 1987. Sirotant un Coca-Cola – « une addiction » –, elle revient sur l’événement déclencheur de l’écriture. En se rendant aux obsèques de sa grand-mère en Mauritanie, en 2013, Fanta Dramé foule pour la première fois la terre d’origine de ses ancêtres. À Ajar, commune reculée, où le temps semble s’être arrêté, la Parisienne affairée éprouve un choc culturel. Une foule de questions l’assaille alors : « Comment mon père a-t-il réussi à quitter un village, un pays, un continent, pour tenter sa chance en France, à Paris, soit deux mondes opposés ? C’est un parcours peu ordinaire : quitter son pays est un déchirement. Or, pour lui, devenu chef de famille très jeune à la mort de son père, émigrer était le chemin classique pour gagner son pain, faire vivre les siens. »

Carnet et stylo à la main, elle enquête, creuse son « archéologie familiale », questionne son père sur son histoire, méconnue de ses enfants. Diplômé d’études coraniques au Sénégal, Yely a travaillé en France en tant qu’éboueur, apprenant le français lors de cours du soir. Parfois, face à sa pudeur, aux silences recouvrant les épreuves, l’autrice imagine, instille de la fiction.

L’écriture lui a permis de redorer le blason paternel. « Enfants, on grandit avec l’idée que nos parents sont moins bien que les autres. C’est absurde ! » Elle se sent aussi plus entière. « J’ai complété mon patrimoine identitaire. Et j’ai compris ce que signifie être née dans un pays dont on n’est pas originaire. » Ajar-Paris rend aussi hommage à toutes ces personnes issues de l’immigration postcoloniale, invisibilisées. « Selon Frantz Fanon, chaque génération a une mission. En tant qu’enfants d’immigrés, la nôtre est de rappeler que nos parents ont participé à l’histoire de France, et qu’ils doivent être intégrés dans le récit national. »

Ajar-Paris, Plon, 208 pages, 19 €.

Celle qui lit tout son soûl depuis l’enfance, des Harry Potter aux classiques, est une professeure de français épanouie, en collège d’une zone défavorisée, en Seine-Saint-Denis. Une vocation née en classe de cinquième, grâce à une enseignante inspirante. Après un master de lettres modernes, elle obtient le concours du Capes. Malgré les difficultés, Fanta Dramé transmet avec ferveur sa passion pour la littérature aux élèves : « Je crois en l’école de la République, en tant qu’ascenseur social. J’en ai bénéficié. » De toute façon, elle et ses frères et sœurs étaient « obligés de réussir » : « Mon père veillait à ce que l’on ait les mêmes droits que les autres. Grâce aussi à son soutien, je me suis épanouie à l’école. » Mon père, ce héros… ■

PARCOURS 26 AFRIQUE MAGAZINE I 435-436 – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023 DR
O
«Enfants, on grandit avec l’idée que nos parents sont moins bien que les autres.
NALEANE
C’est absurde!»
1AN 39 SEULEMENT ABONNEZ-VOUS! BULLETIN À RETOURNER SOUS ENVELOPPE AFFRANCHIE, ET ACCOMPAGNÉ DE VOTRE RÈGLEMENT À : TBS GROUP SERVICE ABONNEMENT/AFRIQUE MAGAZINE 235 AVENUE LE JOUR SE LÈVE – 92100 BOULOGNE-BILLANCOURT – FRANCE TÉL. : (33) 1 40 94 22 22 – FAX : (33) 1 40 94 22 32 – E-MAIL : afriquemagazine@cometcom.fr Je choisis mon tarif : ❏ FRANCE (1 AN) : 39 € ❏ ÉTRANGER (1 AN) : 49 € Je choisis mon règlement (en euros uniquement) à l’ordre de AMI par : ● Directement sur le site afriquemagazine.com www.afriquemagazine.com/abonnement-papier ● Ou par le biais de notre prestataire avec le bulletin ci-dessous Contemporain, en prise avec cette Afrique qui change, ouvert sur le monde d’aujourd’hui, est votre rendez-vous mensuel indispensable. € ❏ Chèque bancaire ❏ Virement : CIC Paris Etoile Entreprises IBAN : FR76 3006 6109 1300 0202 6140 277 BIC : CMCIFRPP Nom : Société : Adresse : Code postal : Ville : Pays : Tél. mobile : E-mail : Signature obligatoire

FAITES LA FÊTE !

Dans un contexte mondial tout à fait dépressionnaire, avec son lot d’angoisses pour demain et les multiples interrogations de toute façon sans réponse, un seul mot d’ordre en cette fin d’année : faites la fête ! Et s’il le faut, forcez-vous ! On ne peut plus continuer à enchaîner les fléaux et les récessions à ce point depuis quelques années sans faire un vrai break. Physique, mental. La récession économique omniprésente n’aidera peut-être pas, mais vous avez des ressources. Humaines, d’abord. En vous serrant les coudes pour organiser de belles agapes de fin d’année, chacun à votre niveau, que ce soit avec du caviar et du foie gras pour les nantis ou une super sauce locale pour les autres. En famille, avec des amis, anciens ou nouveaux, proches ou éloignés, peu importe. En cette fin 2022, il faut se réunir, passer de bons moments où l’on oublie un peu tout.

Personne ne sait si la crise économique géante que génère, entre autres, la guerre en Ukraine continuera, ni pour combien de temps. Nul ne peut parier que la pandémie de Covid-19 et un énième variant féroce ne verront pas le jour en 2023. Qui peut dire à quelle vitesse les changements climatiques et leur lot de perturbations irréversibles se propageront, ou si l’on pourra les freiner un jour ? Que penser aussi des pays qui sont passés sous le joug d’une junte militaire, et qui piétinent économiquement dans un système de transition sans réelle feuille de route, ne serait-ce que pour l’année prochaine ? Comment enfin ne pas redouter des attentats meurtriers, possibles à tout moment, dans les zones où les terroristes de Boko Haram ou d’Al-Qaïda n’ont, hélas, pas faibli ? Etc., etc. La liste est longue. Et nous ne l’énumérerons pas ici.

Parce qu’en cette fin 2022, on essaye de conjurer le sort en oubliant tout ça. On prend sa dulcinée par la main pour l’emmener en vacances, très loin si on en a les moyens ou tout près si on en a moins. On organise une belle fête avec ses parents, ses amis ou ses voisins. Ou on prévoit des vacances seul aussi pour décompresser et faire le point. Chacun est libre. Le continent, lui, regorge d’idées de villégiatures, de découvertes ou de rassemblements chaleureux.

L’important, c’est d’être un peu heureux, de lâcher prise et de se forger un moral d’enfer pour affronter 2023. Plus fort pour faire face. En ayant emmagasiné une bonne dose de légèreté et de positif ! Bonnes fêtes de fin d’année à tous, et tous mes vœux pour l’année prochaine ! ■

AFRIQUE MAGAZINE I 435-436 – DÉCEMBRE 2022-JANVIER 2023 29
EMMANUELLE PONTIÉ
? DOM
PAR
C’EST COMMENT

AM vous a offert les premières pages de notre parution de Décembre et Janvier

Profitez de nos offres

d'abonnements pour accéder à la totalité de nos magazines et bien plus

encore

Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.