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| PARA MELDAR

Para Meldar L’espérance d’un baiser Le témoignage de l’un des derniers survivants d’Auschwitz Raphaël Esrail

Laffont septembre 2017 Poche J’ai lu 2018 ISBN : 978-2-221-20221-0

C’est toujours une épreuve de lire un témoignage sur la Shoah, et encore plus d’en rendre compte ; épreuve que j’ai contournée le plus possible tout au long de ma vie, justifiant cet évitement par le fait que je n’avais pas besoin d’être convaincue. Le problème, c’est que ceux qui auraient besoin de lire ces récits les évitent également, et que nous restons dans une horreur partagée entre nous… Il est pourtant absolument nécessaire que ces dernières voix soient entendues. Que sera le monde quand les témoins du désastre le plus inconcevable du XXe siècle se seront tues à jamais ? Quand les révisionnistes auront réécrit l’histoire à leur façon ? Que les familles éclatées ne transmettront plus l’écho du traumatisme ? Je me suis assez plainte du silence qui a entouré la génération d’après-guerre, dont je suis. Mais ce fut un silence assourdissant, un orage immobile de cris et de lamentations, zébré d’éclairs et de fractures, qui a laissé des traces indélébiles dans notre psychisme. Le livre de Raphaël Esrail, écrit plus de soixante-dix ans après sa déportation à la demande de sa petite-fille, est habité par l’humanisme de l’auteur. Il sait qu’Auschwitz l’a changé à jamais. Rien n’atténuera la portée de ce constat, malgré ce qu’il a accompli dans sa vie d’homme, d’« honnête homme » est-on tenté de dire. Et c’est peut-être plus effrayant encore que le récit de ses souffrances.

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Raphaël Esrail est né en 1925 dans les environs de Smyrne. Il part à quelques mois pour Lyon où son père Isaac (natif de Manisa) ouvre une modeste boutique de bonneterie. Sa mère est née Arditti à Ourla, dans une famille prospère jusqu’à la mort du patriarche en 1902. À trentedeux ans, on arrange son mariage avec un veuf père de trois enfants. De cette union naîtront deux fils, dont Raphaël. Les parents et les cinq enfants vivent dans une pauvreté qui n’est pas la misère, mais presque. Raphaël ne supporte pas que ses parents s’expriment en ladino à l’extérieur du foyer. Ils ne sont pas religieux. La mère est admirable, le père très peu disert. Raphaël s’évade de cette ambiance étriquée grâce au scoutisme. Dans son quartier populaire de la Croix Rousse, peu d’adolescents accèdent au lycée. À l’instar de son frère Joseph, Raphaël opte pour une école nationale professionnelle, qui le conduira à l’École Centrale de Lyon, où il est admis en 1943. Son entrée dans la Résistance est liée à son engagement parmi les Éclaireurs israélites de France lyonnais. Avec son frère (devenu, lui, ingénieur des Arts et Métiers), il a pour mission d’aider au sauvetage d’enfants juifs. Pour cela, il fabrique de faux papiers. Bientôt l’activité de faussaire s’étend à l’ensemble de la communauté juive, au sein d’un réseau piloté par Claude Gutman et Marcel Gherson. Raphaël tombe dans une souricière le 8 janvier 1944. Il est emmené à la prison militaire de Montluc, torturé, et envoyé à Drancy. Là, il rencontre Liliane Badour, arrêtée « par erreur » avec ses deux jeunes frères : orphelins, ils étaient jusque-là élevés en bons catholiques par leurs grands-parents maternels, à Biarritz ; leur père n’était pas juif, leur mère si. C’est le baptême du plus jeune enfant, en 1942 – donc suspect – qui a provoqué la descente de la Gestapo chez eux. Raphaël, Liliane et ses frères font partie d’un même convoi, le 2 février 1944. Raphaël est interné à Auschwitz, Liliane à Birkenau, où ses frères sont gazés d’entrée. Leurs récits se répondent, se


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